Книга - Un Reve de Mortels

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Un Reve de Mortels
Morgan Rice


L'anneau Du Sorcier #15
L’ANNEAU DU SORCIER a tous les ingrédients pour un succès immédiat : intrigue, contre-intrigue, mystère, de vaillants chevaliers, des relations s’épanouissant remplies de cœurs brisés, tromperie et trahison. Cela vous tiendra en haleine pour des heures, et conviendra à tous les âges. Recommandé pour les bibliothèques de tous les lecteurs de fantasy. – Books AMD Movie Review, Roberto Mattos (à propos de La Quête des Héros) [Un ouvrage] de fantasy épique et distrayant. – Kirkus Reviews (à propos de La Quête des Héros) Les débuts de quelque chose de remarquable sont là. – San Francisco Book Review (à propos de La Quête des Héros) Dans UN REVE DE MORTELS, Thorgrin et ses frères luttent pour se libérer des pirates, et poursuivent leur recherche de Guwayne en mer. Tandis qu’ils rencontrent amis et ennemis, magie et armement, dragons et hommes, tous inattendus, cela changera le cours même de leur destin. Trouveront-ils enfin Guwayne ?Darius et ses amis survivent au massacre des leurs – mais seulement pour découvrir qu’ils sont captifs, jetés dans l’Arène de l’Empire. Enchaînés ensemble, faisant face à des adversaires inimaginables, leur seul espoir de survie et de se tenir et de se battre ensemble, comme des frères. Gwendolyn se réveille de son sommeil pour découvrir qu’elle et les autres ont survécu à leur périple à travers la Grande Désolation – et encore plus surprenant, qu’ils sont arrivés dans une terre au delà de leur plus rêves les plus fous. Alors qu’ils sont emmenés dans une nouvelle cour royale, les secrets que Gwendolyn apprend à propos de ses ancêtres et son propre peuple changeront son destin pour toujours. Erec et Alistair, toujours captifs en mer, luttent pour se libérer de l’emprise de la flotte de l’Empire dans une évasion de nuit intrépide et osée. Quand les chances semblent au plus basses, ils reçoivent une surprise inattendue qui pourrait leur donner une seconde chance pour obtenir la victoire – et une autre chance de continuer leur attaque au cœur de l’Empire. Godfrey et son équipe, emprisonnés encore une fois, qui doivent être exécutés, ont une dernière chance d’essayer de s’échapper. Après avoir été trahis, ils veulent plus que s’évader – ils veulent se venger. Volusia est encerclée de tous les côtés tandis qu’elle s’efforce de prendre et tenir la capitale de l’Empire – et elle devra faire appel à une magie plus puissante qu’elle n’ait jamais connu si elle veut se prouver qu’elle est une Déesse, et devenir Dirigeante Suprême de l’Empire. Une fois encore, le sort de l’Empire est en jeu. Avec un univers élaboré et des personnages sophistiqués, Une Terre de Feu est un récit épique d’amis et d’amants, de rivaux et de prétendants, de chevaliers et de dragons, d’intrigues et de machinations, de passage à l’âge adulte, de cœurs brisés, de déceptions, d’ambition et de trahisons. C’est une histoire d’honneur et de courage, de sort et de destinée, de sorcellerie. C’est un ouvrage de fantasy qui nous emmène dans un monde inoubliable, et qui plaira à tous. [Un livre de] fantasy entrainante… Seulement le commencement de ce qui promet d’être une série pour jeunes adultes épique. – Midwest Book Review (à propos de La Quête des Héros) Une lecture rapide et facile…vous devez lire ce qu’il arrive ensuite et vous ne voulez pas le reposer. – FantasyOnline. net (à propos de La Quête des Héros) Rempli d’action… L’écriture de Rice est respectable et la prémisse intrigante. – PublishersWeekly (à propos de La Quête des Héros)





Morgan Rice

Un Reve de Mortels Tome 15 de l’Anneau du Sorcier




À propos de Morgan Rice

Morgan Rice est l'auteur de best-sellers n°1 de USA Today et l’auteur de la série d’épopées fantastiques L’ANNEAU DU SORCIER, comprenant dix-sept tomes; de la série à succès SOUVENIRS D'UNE VAMPIRE, comprenant douze tomes; de la série à succès LA TRILOGIE DES RESCAPÉS, thriller post-apocalyptique comprenant deux tomes (jusqu'à maintenant); et de la série de fantaisie épique ROIS ET SORCIERS, comprenant six tomes. Les livres de Morgan sont disponibles en format audio et papier et ont été traduits dans plus de 25 langues.

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Sélection de critiques pour Morgan Rice

« L’ANNEAU DU SORCIER a tous les ingrédients pour un succès immédiat : intrigue, contre-intrigue, mystère, de vaillants chevaliers, des relations s’épanouissant remplies de cœurs brisés, tromperie et trahison. Cela vous tiendra en haleine pour des heures, et conviendra à tous les âges. Recommandé pour les bibliothèques de tous les lecteurs de fantasy. »

–-Books and Movie Review, Roberto Mattos



« [Un ouvrage] de fantasy épique et distrayant. »

–-KirkusReviews



« Le début de quelque chose de remarquable ici. »

–-San Francisco Book Review



« Rempli d’action… L’écriture de Rice est respectable et la prémisse intrigante. »

–-PublishersWeekly



« [Un livre de] fantasy entrainant… Seulement le commencement de ce qui promet d’être une série pour jeunes adultes épique. »

–-Midwest Book Review



Livres de Morgan Rice




DE COURONNES ET DE GLOIRE


ESCLAVE, GUERRIERE, REINE (Tome n°1)




ROIS ET SORCIERS


LE RÉVEIL DES DRAGONS (Tome n°1)


LE RÉVEIL DU VAILLANT (Tome n°2)


LE POIDS DE L'HONNEUR (Tome n°3)


UNE FORGE DE BRAVOURE (Tome n°4)


UN ROYAUME D'OMBRES (Tome n°5)


LA NUIT DES BRAVES (Tome n°6)




L'ANNEAU DU SORCIER


LA QUÊTE DES HÉROS (Tome 1)


LA MARCHE DES ROIS (Tome 2)


LE DESTIN DES DRAGONS (Tome 3)


UN CRI D'HONNEUR (Tome 4)


UNE PROMESSE DE GLOIRE (Tome 5)


UN PRIX DE COURAGE (Tome 6)


UN RITE D'ÉPÉES (Tome 7)


UNE CONCESSION D'ARMES (Tome 8)


UN CIEL DE SORTILÈGES (Tome 9)


UNE MER DE BOUCLIERS (Tome 10)


UN RÈGNE D'ACIER (Tome 11)


UNE TERRE DE FEU (Tome 12)


UNE LOI DE REINES (Tome 13)


UN SERMENT FRATERNEL (Tome 14)


UN RÊVE DE MORTELS (Tome 15)


UNE JOUTE DE CHEVALIERS (Tome 16)


LE DON DE BATAILLE (Tome 17)




TRILOGIE DES RESCAPÉS


ARÈNE UN: SLAVERSUNNERS (Tome n°1)


ARÈNE DEUX (Tome n°2)




SOUVENIRS D'UNE VAMPIRE


TRANSFORMÉE (Tome n°1)


AIMÉE (Tome n°2)


TRAHIE (Tome n°3)


PRÉDESTINÉE (Tome n°4)


DÉSIRÉE (Tome n°5)


FIANCÉE (Tome n°6)


VOUÉE (Tome n°7)


TROUVÉE (Tome n°8)


RENÉE (Tome n°9)


ARDEMMENT DÉSIRÉE (Tome n°10)


SOUMISE AU DESTIN (Tome n°11)


OBSESSION (Tome n°12)












Écoutez L’ANNEAU DU SORCIER en format audio !


Copyright © 2014 par Morgan Rice



Tous droits réservés. Sauf dérogations autorisées par la Loi des États-Unis sur le droit d'auteur de 1976, aucune partie de cette publication ne peut être reproduite, distribuée ou transmise sous quelque forme que ce soit ou par quelque moyen que ce soit, ou stockée dans une base de données ou système de récupération, sans l'autorisation préalable de l'auteur.

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Il s'agit d'une œuvre de fiction. Les noms, les personnages, les entreprises, les organisations, les lieux, les évènements et les incidents sont le fruit de l'imagination de l'auteur ou sont utilisés dans un but fictionnel. Toute ressemblance avec des personnes réelles, vivantes ou mortes, n'est que pure coïncidence.

Image de couverture : Copyright Isoga, utilisée en vertu d'une licence accordée par Shutterstock.com.










CHAPITRE UN


Gwendolyn ouvrit lentement les yeux, encrassés de poussière, l’effort lui demanda toute son énergie. Elle put seulement les entrouvrir, et elle plissa les yeux face à un monde qui était flou, empli de la lumière du soleil. Quelque part au-dessus, les soleils du désert éclatants brillaient, créant un monde qui l’aveuglait de blanc. Gwen ne savait pas si elle était morte ou vive – elle soupçonnait le dernier.

Aveuglée par la lumière, Gwen était trop faible pour tourner la tête à gauche ou à droite. Était-ce à quoi cela ressemblait, s’interrogea-t-elle, d’être mort.

Soudain, une ombre fut projetée sur son visage, et elle cligna des yeux en voyant un capuchon noir au-dessus d’elle, obscurcissant le visage d’une petite créature, dissimulé par la pénombre. Tout ce que Gwen pouvait voir était ses yeux jaunes et perçants, baissés sur elle, l’examinant comme si elle était un objet perdu sur le sol du désert. Elle émit un étrange couinement, et Gwen se rendit compte qu’elle parlait un langage qu’elle ne comprenait pas.

Il y eut un bruissement de pieds, un petit nuage de poussière, et deux autres créatures apparurent au-dessus d’elle, les visages recouverts de capuchons noirs, leurs yeux étincelants, plus brillants que le soleil. Elles poussèrent de petits cris aigus, semblant communiquer les unes avec les autres. Gwen ne pouvait pas dire quelle sorte de créature elles étaient, et elle se demanda encore une fois si elle était en vie, et si tout cela était un rêve. Était-ce une autre des hallucinations qu’elle avait endurées au cours de ces derniers jours dans la chaleur du désert ?

Gwen sentit qu’on la poussait au niveau de l’épaule, et elle ouvrit les yeux à nouveau pour voir une des créatures baisser son bâton et la pousser avec, testant vraisemblablement si elle était encore vivante. Gwen voulait lever le bras et l’éloigner, embêtée – mais elle était trop faible, même pour cela. Elle éprouva la sensation avec plaisir, cependant ; cela lui donnait le sentiment que peut-être, juste peut-être, elle était en vie après tout.

Gwen sentit soudain de longues et fines griffes s’enrouler autour de ses poignets, ses bras, et sentit qu’elle était ramassée, soulevée sur une sorte de tissu, peut-être une toile. Elle se sentit être trainée sur le sol du désert, glissant en arrière sous le soleil. Elle n’avait aucune idée si elle était menée à sa mort, mais elle était trop faible pour s’en soucier. Elle leva les yeux et vit le monde passer, le ciel balloter en même temps, les soleils aussi accablants et brillants que jamais. Elle ne s’était jamais sentie aussi faible ou déshydratée de toute sa vie ; chaque inspiration lui donnait l’impression de respirer du feu.

Gwen sentit soudain un liquide froid ruisseler le long de ses lèvres, et elle vit une des créatures se pencher sur elle, versant de l’eau depuis une outre. Il lui fallut toute son énergie pour seulement tirer la langue. L’eau fraîche coula en un mince filet le long de sa gorge, et il lui sembla qu’elle avalait du feu. Elle n’avait pas pris conscience d’à quel point sa gorge pouvait devenir aussi sèche.

Gwen but avidement, soulagée qu’au moins ces créatures soient amicales. La créature, toutefois, arrêta de verser après quelques secondes, retirant l’outre.

« Encore », Gwen essaya de murmurer – mais les mots ne voulaient pas sortir, sa voix était encore trop rauque.

Gwen continua à être trainée, ses jambes et ses pieds heurtaient des bosses et des pierres en dessous, et cela sembla se poursuivre éternellement. Après un moment elle ne pouvait plus dire combien de temps s’était écoulé. Cela paraissait être des jours. Le seul bruit qu’elle entendait était celui du vent du désert déchaîné, transportant plus de poussière et de chaleur.

Gwen sentit plus d’eau fraîche sur ses lèvres, et but plus cette fois-ci, jusqu’à ce qu’elle soit retirée. Elle ouvrit un peu plus les yeux, et en voyant que la créature l’éloignait, elle réalisa qu’elle la nourrissait lentement pour ne pas lui en donner trop à la fois. L’eau glissant le long de sa gorge ne parut pas aussi râpeuse, et elle sentit l’hydratation courir dans ses veines. Elle prit conscience de combien elle en avait désespérément besoin.

« S’il vous plaît », dit Gwen, « encore. »

La créature, à la place, versa un peu d’eau sur son visage, ses yeux, et l’eau fraîche lui parut si rafraichissante tandis qu’elle coulait sur sa peau chaude. Elle enleva un peu de la poussière sur ses paupières, et elle fut capable de les ouvrir un peu plus – assez au moins pour voir ce qu’il se passait.

Tout autour d’elle Gwen vit plus de ces créatures, des dizaines d’entre elles, avançant d’un pas trainant dans le désert, dans leurs capes et capuchons noirs, parlant entre eux avec d’étranges couinements. Elle jeta un coup d’œil, juste assez pour le voir transporter plusieurs autres corps, et elle éprouva un immense soulagement en reconnaissant les corps de Kendrick, Sandara, Aberthol, Brandt, Atme, Illepra, l’enfant, Steffen, Arliss, plusieurs membres de l’Argent, et Krohn – peut-être en tout une dizaine environ. Ils étaient tous trainés à ses côtés, et Gwen ne put dire s’ils étaient morts ou vifs. D’après la façon dont ils étaient tous étendus, tous si inconscients, elle pouvait seulement supposer qu’ils étaient morts.

Son cœur se serra, et Gwen pria Dieu que cela ne soit pas le cas. Pourtant elle était pessimiste. Après tout, qui aurait pu survivre là dehors ? Elle n’était pas encore entièrement sûre qu’elle ait survécu.

Tandis qu’elle continuait à être tractée, Gwen ferma les yeux, et quand elle les rouvrit à nouveau, elle réalisa qu’elle s’était endormie. Elle ignorait combien de temps encore était passé, mais il était maintenant tard, les deux soleils étaient bas dans le ciel. Elle était encore en train d’être tirée. Elle se demanda qui étaient ces créatures ; elle supposa qu’elles étaient des nomades du désert en quelque sorte, peut-être une tribu qui avait d’une manière ou d’une autre réussi à survivre là. Elle se demanda comment ils l’avaient trouvée, où ils l’emmenaient. D’un côté, elle était si reconnaissante qu’ils lui aient sauvé la vie ; de l’autre, qui savait s’ils l’emmenaient pour la tuer ? Pour être un repas pour la tribu ?

Dans les deux cas, elle était trop faible et épuisée pour faire quoi que ce soit pour cela.

Gwen ouvrit les yeux, elle ne savait pas combien de temps après, surprise par un bruissement. Au premier abord cela sonna comme un buisson épineux tournoyant à travers le désert. Mais alors que le bruit se faisait plus fort, plus régulier, elle sut qu’il s’agissait d’autre chose. Cela ressemblait à une tempête de sable. Une tempête de sable faisant rage, incessante.

Alors qu’ils se rapprochaient et que les gens autour d’elle se tournaient, Gwen lança un regard et eut droit à une vue différente de tout ce qu’elle avait pu voir. C’était une vue qui lui retourna l’estomac, en particulier quand elle se rendit compte qu’ils s’en approchaient : là, à peut-être quinze mètres, se tenait un mur de sable déchaîné, s’élevant haut dans le ciel, si haut qu’elle ne pouvait pas voir s’il avait une fin. Le vent soufflait violemment à travers, comme une tornade contenue, et le sable tournoyait impétueusement dans les airs, si épais qu’elle ne pouvait pas voir à travers.

Ils se dirigeaient droit vers ce mur de sable qui faisait rage, le bruit si fort qu’il en était assourdissant, et elle se demanda pourquoi. Il semblait qu’ils s’approchaient d’une mort instantanée.

« Faites demi-tour ! » essaya de dire Gwen.

Mais sa voix était enrouée, trop faible pour que quiconque l’entende, surtout par-dessus le vent. Elle doutait qu’ils l’auraient écoutée, même s’ils l’avaient entendue.

Gwen commença à sentir le sable érafler sa peau alors qu’ils se rapprochaient du mur de sable tournoyant, soudain deux créatures s’approchèrent et l’enveloppèrent la drapèrent d’un long drap lourd, sur son corps et recouvrant son visage. Elle réalisa qu’ils la protégeaient.

Un instant après, Gwen se retrouva dans un mur intense de sable tournoyant.

En y pénétrant, le bruit était si fort que Gwen eut l’impression qu’elle allait devenir sourde, et elle se demanda comment elle pourrait survivre à cela. Gwen prit immédiatement conscience que ce tissu sur elle était en train de la sauver ; il protégeait son visage et sa peau d’être déchirés par le mur de sable enragé. Les nomades poursuivirent leur marche, les têtes baissées contre le mur de sable, comme s’ils l’avaient fait plusieurs fois auparavant. Ils continuèrent à la tirer à travers, et tandis que le sable faisait rage tout autour d’elle, Gwen se demanda si cela s’arrêterait un jour.

Puis, finalement, arriva le silence. Doux, doux silence, comme elle ne l’avait jamais savouré auparavant. Deux nomades enlevèrent le drap, et Gwen vit qu’ils avaient passé le mur de sable, avaient émergé de l’autre côté. Mais de l’autre côté de quoi ? s’interrogea-t-elle ?

Enfin, ils arrêtèrent de la tirer, et ainsi, les questions de Gwen trouvèrent une réponse. Ils la posèrent doucement, et elle resta étendue là, immobile, les yeux levés vers le ciel. Elle cligna des yeux plusieurs fois, tentant de comprendre la vue devant elle.

Lentement, la vue devant elle se précisa. Elle vit un mur de pierre incroyablement haut, s’élevant de trentaines de mètres dans les nuages. Le mur s’étirait dans toutes les directions, disparaissant à l’horizon. En haut de ces falaises imposantes, Gwen vit des remparts, des fortifications, et au sommet, des milliers de chevaliers portant des armures qui brillaient au soleil.

Elle ne pouvait pas comprendre. Comment pouvaient-ils être là ? se demanda-t-elle. Des chevaliers, au milieu du désert ? Où l’avaient-ils emmenée ?

Puis soudain, dans un sursaut, elle sut. Son cœur s’accéléra en réalisant brusquement qu’ils l’avaient trouvé, avait réussi à y arriver, à travers la Grande Désolation.

Il existait, après tout.

Le Second Anneau.




CHAPITRE DEUX


Ange se sentit chuter à travers les airs tandis qu’elle plongeait, tête la première, vers les eaux enragées de la mer tumultueuse en contrebas. Elle pouvait encore voir le corps de Thorgrin immergé sous l’eau, inconscient, sans énergie, coulant de plus en plus à chaque instant qui passait. Elle savait qu’il pouvait mourir rapidement, et que si elle n’avait pas plongé depuis le navire quand elle l’avait fait, il n’aurait certainement aucune chance de vivre.

Elle était déterminée à le sauver – même si cela impliquait sa vie, même si elle mourait ici-bas avec lui. Elle ne pouvait pas vraiment le comprendre, mais elle ressentait un lien intense avec Thor, depuis l’instant où ils s’étaient rencontrés pour la première fois sur son île. Il avait été le seul qu’elle ait jamais rencontré à ne pas être effrayé par sa lèpre, qui l’avait étreinte malgré cela, qui l’avait considérée comme une personne normale, et qui ne l’avait jamais fuie une minute. Elle avait le sentiment qu’elle lui était grandement redevable, éprouvait une grande loyauté envers lui, et elle sacrifierait sa vie pour lui, quel que soit le prix.

Ange sentit sa peau être transpercée par les eaux glaciales tandis qu’elle était submergée. Cela ressemblait à des millions de dagues pénétrant de part en part à travers sa peau. Elle était si froide que cela la surprit, et elle retint son souffle tandis qu’elle plongeait, de plus en plus profondément, ouvrant ses yeux dans les eaux troubles à la recherche de Thorgrin. Elle le repéra à peine dans la pénombre, coulant de plus en plus, et elle donna un grand coup de pied, encore et encore, tendit les bras et, mettant à profit son élan vers le bas, agrippa juste sa manche.

Il était plus lourd qu’elle ne le pensait. Elle entoura ses deux bras autour de lui, fit demi-tour, et battit furieusement des pieds, utilisant toutes ses forces pour stopper leur descente et à la place remonter. Ange n’était pas grande et n’était pas forte, mais elle avait rapidement appris en grandissant que ses jambes possédaient une force que le haut de son corps n’avait pas. Ses bras étaient faibles à cause de la lèpre, mais ses jambes étaient un cadeau, plus fortes que celles d’un homme, et elle les utilisait maintenant, donnant des coups de pieds pour sauver sa vie, nageant vers le haut en direction de la surface. S’il y avait une chose qu’elle avait apprise en grandissant sur l’île, c’était comment nager.

Ange se fraya un chemin hors des profondeurs obscures, de plus en plus haut vers la surface, elle leva les yeux et vit la lumière du soleil se reflétant dans les vagues au-dessus.

Allez ! pensa-t-elle. Encore quelques mètres à peine !

Épuisée, incapable de retenir son souffle plus longtemps, elle s’obligea à battre des jambes plus fort – et avec un dernier coup, elle jaillit à la surface.

Ange émergea en suffoquant, et elle fit remonter Thor avec elle, les bras entourés autour de lui, utilisant ses jambes pour les maintenir à flot, battant et battant, tenant sa tête au-dessus de la surface. Il paraissait toujours inconscient à ses yeux, et à présent elle s’inquiétait de savoir s’il s’était noyé.

« Thorgrin ! » cria-t-elle, « Réveille-toi ! »

Ange l’agrippa par-derrière, enroula fermement ses bras autour de son estomac, et poussa brusquement vers elle, encore et encore, comme elle avait vu un de ses amis lépreux le faire une fois quand un autre était en train de se noyer. Elle le faisait maintenant, remontant vers son diaphragme, ses petits bras tremblant en même temps.

« S’il te plaît, Thorgrin », cria-t-elle. « S’il te plaît vis ! Vis pour moi ! »

Ange entendit soudain une toux satisfaisante, suivie par un vomissement, et elle fut emplie de joie en réalisant que Thor était revenu à lui. Il recracha toute l’eau de mer tout en se raclant les poumons, toussant encore et encore. Ange fut submergée de soulagement.

Encore mieux, Thor semblait avoir repris conscience. Toute cette épreuve paraissait l’avoir enfin tiré de son profond sommeil. Peut-être, espérait-elle, serait-il même assez fort pour repousser ces hommes et les aider à s’échapper quelque part.

Ange avait à peine achevé de formuler cette pensée quand soudain elle sentit un lourd cordage atterrir sur sa tête, tombant ciel et les englobant complètement, elle et Thorgrin.

Elle leva les yeux et vit les hors-la-loi debout au-dessus d’eux au bord du navire les fixant du regard, agrippant l’autre extrémité de la corde, ils la tiraient et les relevaient comme s’ils étaient du poisson. Ange lutta, se jetant contre les cordages, et elle espéra que Thor ferait de même, lui aussi. Mais alors qu’il toussait, Thor demeurait toujours inerte, et elle pouvait voir qu’il n’avait à l’évidence pas la force de se défendre.

Ange sentit qu’ils étaient lentement soulevés dans les airs, de plus en plus haut, de l’eau dégoulinait du filet, tandis que les pirates les tiraient plus près, de retour sur le navire.

« NON ! » cira-t-elle en se débattant, tentant de se libérer.

Un hors-la-loi tendit un long crochet de fer, attrapa le filet, et les tira dans un mouvement saccadé vers le pont.

Ils se balancèrent dans les airs, les cordes furent tranchées, et Ange sentit qu’elle chutait tandis qu’ils atterrissaient brutalement sur le pont, tombant de trois bons mètres, et trébuchant dans le même mouvement. Ange eut mal aux côtes à cause de l’impact et elle se jeta contre la corde, essayant de se libérer.

Mais c’était en vain. En quelques instants plusieurs pirates bondirent sur eux, les clouant au sol, elle et Thorgrin, et se saisirent brusquement d’eux. Ange sentit plusieurs mains rudes l’attraper, et sentit ses poignets être attachés dans son dos avec des cordes rugueuses, tandis qu’elle était remise sur ses pieds, trempée. Elle ne pouvait même pas bouger.

Ange regarda autour d’elle, inquiète pour Thor, et elle le vit être ligoté, lui aussi, encore inconscient, plus endormi qu’éveillé. Ils étaient tous deux trainés à travers le pont, trop rapidement, Ange trébucha en chemin.

« Ça vous apprendra à essayer de vous enfuir », dit sèchement un pirate.

Ange leva les yeux et vit devant elle une porte de bois, menant vers le pont inférieur, être ouverte, et elle plongea son regard dans la pénombre des cales basses du pont. L’instant d’après, elle et Thor étaient poussés par les pirates.

Ange se sentit trébucher tandis qu’elle volait tête la première dans la pénombre. Elle se cogna durement la tête contre le plancher, atterrissant sur le visage, puis elle sentit le poids du corps de Thor sur le sien, tous deux roulèrent dans l’obscurité.

La porte de bois menant au pont fut claquée depuis le niveau supérieur, bloquant toute la lumière, puis verrouillée par une lourde chaîne, et elle resta étendue là, haletant dans les ténèbres, se demandant où les pirates l’avaient jetée.

Au bout de la cale la lumière du soleil jaillit soudain, et elle vit que les pirates avaient ouvert une écoutille de bois, couverte de barres de fer. Plusieurs visages apparurent au-dessus, ricanant, quelques-uns crachèrent, avant de s’éloigner. Avant qu’ils ne referment cette écoutille, elle aussi, Ange entendit une voix rassurante dans la pénombre.

« C’est bon. Tu n’es pas seule. »

Ange sursauta, surprise et soulagée d’entendre une voix ; elle fut choquée et ravie en se tournant de voir tous ses amis assis là dans l’obscurité, tous avec les mains attachées dans le dos. Là se trouvaient Reece et Selese, Elden et Indra, O’Connor et Matus, tous captifs mais vivants. Elle avait été si certaine qu’ils avaient tous été tués en mer, et était submergée de soulagement.

Cependant elle était aussi emplie d’appréhension : si tous ces grands guerriers avaient été faits prisonniers, pensa-t-elle, qu’elle chance avaient-ils d’arriver à s’en sortir en vie ?




CHAPITRE TROIS


Erec était assis sur le pont de son propre navire, dos contre un mât, les mains liées derrière lui, et examinait avec consternation la vue devant lui. Les bâtiments restants de sa flotte étaient dispersés devant lui sur les eaux calmes de l’océan, tous retenus captifs dans la nuit, bloqués par la flotte aux milliers de navires de l’Empire. Ils étaient tous ancrés sur place, éclairés par les deux pleines lunes, ses embarcations arborant la bannière de sa terre natale, et celles de l’Empire la blanche et or. C’était une vision décourageante. Il s’était rendu pour épargner à ses hommes une mort certaine – et pourtant ils étaient désormais à la merci de l’Empire, de vulgaires prisonniers sans aucune échappatoire.

Erec pouvait voir les soldats de l’Empire occupant chacun de ses navires, tout comme ils occupaient le sien, une dizaine d’entre eux montaient la garde sur chaque bâtiment, fixant nonchalamment l’océan. Sur les ponts de ses bateaux Erec pouvait voir cent hommes sur chacun, tous alignés, attachés avec leurs poignets dans le dos. Sur chaque navire ils surpassaient les gardes de l’Empire en nombre, mais à l’évidence ces derniers n’étaient pas inquiets. Avec tous les hommes ligotés, ils n’avaient pas vraiment besoin d’hommes pour les surveiller, il n’y avait pour eux nulle part où aller.

Alors qu’Erec observait la vue devant lui, il fut dévasté par la culpabilité. Il ne s’était jamais rendu avant de toute sa vie, et devoir le faire maintenant le peinait au plus haut point. Il devait se rappeler qu’il était un commandant à présent, non plus un simple soldat, et il était responsable de tous ses hommes. En infériorité numérique comme ils l’avaient été, il n’avait pas pu permettre qu’ils soient tous tués. À l’évidence, ils avaient foncé dans un piège, grâce à Krov, et livrer bataille à ce moment-là aurait été futile. Son père lui avait appris que la première règle du commandant était de savoir quand se battre et quand déposer les armes, pour choisir de se battre un autre jour, d’une autre manière. C’était de la bravade et de l’orgueil, aurait-il dit, de mener plus d’hommes à la mort. C’était un conseil avisé, mais un conseil difficile à suivre.

« Moi-même j’aurais combattu », dit une voix à côté de lui, sonnant comme la voix de sa conscience.

Erec leva les yeux pour voir son frère, Strom, attaché à un poteau à côté de lui, à l’air aussi imperturbable et confiant que d’ordinaire, malgré les circonstances.

Erec se renfrogna.

« Tu te serais battu, et tous nos hommes seraient morts », répondit Erec.

Strom haussa les épaules.

« Nous y passerons de toute façon, mon frère », répondit-il. « L’Empire n’est rien hormis cruel. Au moins, de ma manière, nous serions tombés avec gloire. Maintenant nous serons tués par ces hommes, mais ce ne sera pas sur nos pieds – ce sera dos au sol, leurs épées sur nos gorges.

« Ou pire », dit un des commandants d’Erec, attaché à un mât à côté de Strom, « nous serons emmenés en tant qu’esclaves et ne vivrons plus jamais en hommes libres. Est-ce ce pour quoi nous vous avons suivi ? »

« Vous n’en savez rien », dit Erec. « Personne ne sait ce que l’Empire fera. Au moins sommes-nous en vie. Au moins avons-nous une chance. L’autre manière aurait garanti la mort. »

Strom regarda Erec avec déception.

« Ce n’est pas une décision que notre père aurait prise. »

Erec rougit.

« Tu ignores ce que père aurait fait. »

« Vraiment ? » répliqua Strom. « J’ai vécu avec lui, grandi avec lui sur les Îles toute ma vie, pendant que tu gambadais dans l’Anneau. Tu le connaissais à peine. Et je dis que notre père se serait battu. »

Erec secoua la tête.

« Ce sont des mots faciles à dire pour un soldat », le contra-t-il. « Si tu étais un commandant, tes mots pourraient être assez différents. J’ai assez de connaissance à propos de notre père pour savoir qu’il aurait sauvé ses hommes, à n’importe quel prix. Il n’était pas imprudent, et pas impétueux. Il était fier, mais ne débordait pas d’orgueil. Notre père lefantassin, dans sa jeunesse, comme toi, se serait peut-être battu ; mais notre père le Roi aurait été prudent et vécu pour se battre un autre jour. Il y a des choses que tu comprendras, Strom, en grandissant pour devenir un homme. »

Strom rougit.

« Je suis plus un homme que toi. »

Erec soupira.

« Tu ne saisis pas réellement ce que la guerre signifie », dit-il. « Pas jusqu’à ce que tu perdes. Pas jusqu’à ce que tu voies tes hommes mourir devant toi. Tu n’as jamais perdu. Tu as été protégé sur cette Île toute ta vie. Et cela a formé ton arrogance. Je t’aime en tant que frère – mais pas en tant que commandant. »

Ils tombèrent dans un silence tendu, une trêve en quelque sorte, tandis qu’Erec levait les yeux vers la nuit, regardant les étoiles innombrables, et examina la situation. Il aimait assurément son frère, mais si souvent ils se disputaient à propos de tout ; ils ne voyaient simplement pas les choses de la même manière. Erec se donna du temps pour se calmer, prit une profonde inspiration, puis se tourna finalement vers Strom.

« Il n’est pas dans mes intentions que nous nous rendions », ajouta-t-il calmement. « Pas en tant que prisonniers, et pas en tant qu’esclaves. Tu dois adopter un point de vue plus large : se rendre est parfois la première étape de la bataille. Tu n’affrontes pas toujours l’ennemi l’épée au clair : parfois la meilleure manière de le combattre est avec les bras ouverts. Tu peux toujours frapper avec ton épée plus tard. »

Strom le regarda, perplexe.

« Et ensuite comment prévois-tu de nous sortir de ça ? » demanda-t-il. « Nous avons rendu les armes. Nous sommes prisonniers, attachés, incapables de bouger. Nous sommes encerclés par une flotte d’un millier de bâtiments. Nous n’avons aucune chance. »

Erec secoua la tête.

« Tu ne vois pas l’ensemble », dit-il. « Aucun de nos hommes n’est mort. Nous avons toujours nos navires. Nous sommes peut-être prisonniers, mais je vois peu de gardes de l’Empire sur chacun de nos bateaux – ce qui signifie que nous sommes grandement supérieurs en nombre. Tout ce qui est nécessaire est une étincelle pour allumer le feu. Nous pouvons les prendre par surprise – et nous pouvons nous échapper. »

Strom secoua la tête.

« Nous ne pouvons pas les surmonter », dit-il. « Nous sommes attachés, impuissants, donc le nombre ne signifie rien. Et même s’il comptait, nous serions écrasés par la flotte qui nous encercle. »

Erec se tourna, ignorant son frère, désintéressé par son pessimisme. À la place il regarda en direction d’Alistair, assise à quelques vingtaines de centimètres de lui, attachée à un poteau de l’autre côté. Son cœur se brisa en l’examinant ; elle était assise là, prisonnière, tout cela grâce à lui. Pour lui-même, cela ne le dérangeait pas d’être captif – c’était le prix de la guerre. Mais pour elle, cela lui brisait le cœur. Il aurait donné n’importe quoi pour ne pas la voir ainsi.

Erec se sentait tant redevable envers elle ; après tout, elle leur avait encore sauvé la vie, là-bas dans l’Épine du Dragon, contre ce monstre marin. Il savait qu’elle était encore exténuée par l’effort, savait qu’elle était incapable de rassembler de l’énergie. Toutefois Erec savait qu’elle était leur seul espoir.

« Alistair », appela-t-il à nouveau, comme il l’avait toute la nuit durant, toutes les quelques minutes. Il se pencha et, avec son pied, caressa le sien, la poussant doucement. Il aurait donné n’importe quoi pour défaire ses liens, pour être capable d’aller à elle, pour la libérer. Il se sentait des plus impuissants d’être étendu à côté d’elle, et d’être incapable de faire quoi que ce soit pour cela.

« Alistair », appela-t-il. « S’il te plaît. C’est Erec. Réveille-toi. Je t’en supplie. J’ai besoin de toi – nous avons besoin de toi. »

Erec patienta, comme il l’avait fait toute la nuit durant, perdant espoir. Il ne savait pas si elle lui reviendrait un jour après son dernier effort.

« Alistair », supplia-t-il, encore et encore. « S’il te plaît. Réveille-toi pour moi. »

Erec attendit, en l’observant, mais elle ne bougea pas. Elle était si immobile, inconsciente, plus belle que jamais dans la lumière de la lune. Erec souhaitait ardemment qu’elle revienne à la vie.

Erec détourna le regard, baissa la tête, et ferma les yeux. Peut-être tout était-il perdu, après tout. Il n’y avait simplement rien d’autre qu’il puisse faire à ce point.

« Je suis là », dit une voix douce, résonnant dans la nuit.

Erec leva les yeux avec espoir et se tourna pour voir Alistair le dévisager, et son cœur s’emballa, submergé d’amour et de joie. Elle paraissait épuisée, les yeux à peine ouverts, tandis qu’elle le scrutait d’un air endormi.

« Alistair, mon amour », dit-il de manière pressante. « J’ai besoin de toi. Juste pour cette dernière fois. Je ne peux pas le faire sans toi. »

Elle ferma les yeux pendant un long moment, puis les ouvrit, juste un peu.

« De quoi as-tu besoin ? » demanda-t-elle.

« Nos liens », dit-il. « Nous avons besoin que tu nous libères. Nous tous. »

Alistair ferma les yeux à nouveau, et un long moment passa, durant lequel Erec ne pouvait rien entendre hormis le vent caressant le navire, le doux clapotis des vagues contre la coque. Un lourd silence emplissait l’air, et comme plus de temps s’écoulait, Erec fut certain qu’elle ne les ouvrirait pas les yeux une fois de plus.

Avec ce qui semblait être un effort extraordinaire, Alistair ouvrit les yeux, releva le menton, et observa les navires tout autour, examinant tout. Il pouvait voir ses yeux changer de couleur, luisant de bleu clair, illuminant la nuit comme deux torches.

Soudain, les liens d’Alistair se rompirent. Erec les entendit claquer dans la nuit, puis la vit lever les deux mains devant elle. Une lumière intense en brillait.

Un instant après, Erec sentit une chaleur derrière son dos, le long de ses poignets. Ils étaient incroyablement chauds, puis soudain, ses attaches commencèrent à se détendre. Une lanière à la fois, Erec sentit chacune des cordes se délier, jusqu’à ce qu’enfin il soit capable de les rompre lui-même d’un coup sec.

Erec leva les poignets et les examina avec incrédulité. Il était libre. Il était vraiment libre.

Erec entendit les claquements des cordes et leva les yeux pour voir Strom se dégageant de ses liens. Les bruits continuèrent, partout sur le navire, partout sur ses autres, et il vit les attaches de ses autres hommes se rompre, vit ses hommes être libérés, un à la fois.

Ils regardèrent tous vers Erec, et il mit un doigt sur ses lèvres, leur faisant signe d’être silencieux. Erec vit que les gardes ne l’avaient pas remarqué, tous dos à eux, debout contre le bastingage, plaisantant les uns avec les autres et contemplant la nuit. Bien évidemment, aucun n’était sur ses gardes.

Erec fit signe à Strom et aux autres de le suivre, et en silence, Erec à leur tête, ils se glissèrent tous vers l’avant, en direction des gardes.

« Maintenant ! » ordonna Erec.

Il piqua un sprint et ils firent tous de même, se précipitant comme une personne, jusqu’à ce qu’ils aient atteint les soldats. Tandis qu’ils se rapprochaient, quelques-uns d’entre eux, alertés par le bruit de bois craquant sur le pont, pivotèrent et commencèrent à dégainer leurs épées.

Mais Erec et les autres, tous des guerriers endurcis, tous désespérés de saisir leur seule chance de survivre, leur coupèrent l’herbe sous le pied, se mouvant trop rapidement à travers la nuit. Strom bondit sur un et agrippa son poignet avant qu’il ne puisse frapper ; Erec tendit la main vers sa ceinture, tira sa dague, et lui trancha la gorge pendant que Strom se saisissait de son épée. Malgré toutes leurs différences, les deux frères œuvraient ensemble sans effort, comme toujours, se battant à l’unisson.

Les hommes d’Erec se saisirent tous des armes des gardes, les tuant avec leurs propres épées et dagues. D’autres taclèrent simplement les gardes qui bougeaient trop lentement, les poussèrent par-dessus le bastingage, hurlant, et les envoyèrent dans la mer.

Erec regarda vers ses autres navires, et vit ses hommes tuant les gardes de tous côtés.

« Coupez les ancres ! » ordonna Erec.

Tout le long de ses navires, ses hommes tranchèrent les cordages qui les maintenaient sur place, et rapidement Erec éprouva la sensation familière de son navire tanguant sous lui. Enfin, ils étaient libres.

Des cors sonnèrent, des cris résonnèrent, et des torches furent allumées de haut en bas des navires alors que la plus grande flotte de l’Empire prenait enfin conscience de ce qu’il se passait. Erec se tourna et regarda au loin le blocus de navires obstruant leur chemin vers la pleine mer, et il sut que le combat de sa vie l’attendait.

Mais il ne s’en souciait plus. Ses hommes étaient en vie. Ils étaient libres. À présent ils avaient une chance.

Et maintenant, cette fois-ci, ils tomberaient en se battant.




CHAPITRE QUATRE


Darius sentit son visage être éclaboussé de sang, et pivota pour voir une dizaine de ses hommes abattus par un soldat de l’Empire chevauchant un immense cheval noir. Le soldat maniait une épée plus grosse que tout ce que Darius avait pu voir, et en un seul geste net il trancha douze de leurs têtes.

Darius entendit des cris s’élever tout autour de lui, et se tourna dans toutes les directions pour voir ses hommes être partout décimés. C’était irréel. Ils donnaient de grands coups, et ses hommes tombaient par dizaines, puis par centaines – puis par milliers.

Darius se retrouva soudain debout sur un piédestal, et aussi loin que sa vue portait s’étendaient des milliers de corps. Tous les siens, morts et entassés à l’intérieur de Volusia. Il ne restait personne. Pas un seul homme.

Darius laissa échapper un grand cri d’agonie, d’impuissance, alors qu’il sentait des soldats de l’Empire l’agripper par-derrière et l’emporter, hurlant, dans les ténèbres.

Darius se réveilla en sursaut, haletant, battant des bras. Il regarda tout autour, essayant de comprendre ce qu’il se passait, ce qui était réel et ce qui était un rêve. Il entendit le cliquetis des chaînes et tandis que ses yeux s’ajustaient à la pénombre, il commença à réaliser d’où provenait le bruit. Il baissa les yeux pour voir ses chevilles entravées par de lourdes chaînes. Il ressentait les douleurs  dans tout son corps, le picotement des blessures fraîches, et il vit que son corps était couvert de plaies, du sang séché le recouvrait tout entier. Chaque mouvement était douloureux, et il avait l’impression d’avoir été roué de coups par un million d’hommes. Un de ses yeux était tellement gonflé qu’il en était presque fermé.

Lentement, Darius se tourna et étudia les alentours. D’un côté il était soulagé que tout cela ait été un rêve – pourtant en intériorisant tout il se souvint lentement, et la douleur revint. Cela avait été un rêve, et pourtant il contenait une grande part de vérité. Des flashbacks de sa bataille contre l’Empire à l’intérieur des murs de Volusia lui revinrent. Il se remémora l’embuscade, les portes se refermant, les troupes qui les encerclaient – tous ses hommes massacrés. La trahison.

Il lutta pour se souvenir de tout, et la dernière chose dont il se rappela, après avoir tué plusieurs soldats de l’Empire, fut d’avoir reçu un coup sur le côté de la tête par la partie émoussée d’une hache.

Darius leva la main, les chaînes s’entrechoquèrent, et il sentit une énorme marque sur le côté de son crâne, descendant jusqu’à son œil enflé. Cela n’avait pas été un rêve. C’était réel.

Alors que tout lui revenait, Darius fut submergé d’inquiétude, de regret. Ses hommes, tous ceux qu’il avait aimés, avaient été tués. Tous à cause de lui.

Il parcourut frénétiquement les alentours du regard dans la faible lumière, à la recherche d’un signe quelconque d’un de ses hommes, n’importe quelle trace de survivants. Peut-être que beaucoup avaient survécu, et avaient été, comme lui, fait prisonniers.

« Avancez ! », un ordre rude se fit entendre dans l’obscurité.

Darius sentit des mains brutales le soulever par-dessous les bras, le remettre sur pieds, puis sentit une botte le frapper à la base du dos.

Il gémit de douleur tout en trébuchant vers l’avant, les chaînes cliquetant, et se sentit voler dans le dos du garçon devant lui. Ce dernier tendit le bras vers l’arrière et lui donna un coup de coude au visage, l’envoyant tituber vers l’arrière.

« Ne me touche pas à nouveau », gronda-t-il

Là se tenait un garçon à l’air désespéré, enchaîné comme lui, et Darius se rendit compte qu’il était attaché à une longue ligne de garçons, dans les deux directions, de longs liens de fers lourds reliant leurs poignets et leurs chevilles ; tous étaient menés le long d’un tunnel sombre en pierre. Les contremaîtres de l’Empire leur donnaient des coups de pied et de coude tout du long.

Darius scruta les visages du mieux qu’il put, mais ne reconnut personne.

« Darius ! » murmura une voix pressante. « Ne tombe pas à nouveau ! Ils te tueront ! »

Le cœur de Darius bondit en entendant le son d’une voix familière, et il se retourna pour voir quelques hommes derrière lui dans le rang, Desmond, Raj, Kaz et Luzi, ses vieux amis, tous quatre enchaînés, tous paraissant aussi amochés qu’il devait en avoir l’air. Ils le regardaient tous avec soulagement, à l’évidence heureux de voir qu’il était en vie.

« Parle une fois encore », dit un contremaître furieux à Raj, « et je te prendrais ta langue. »

Darius, pour autant qu’il était soulagé de voir ses amis, s’interrogea à propos des innombrables autres qui avaient combattu et servi avec lui, qui l’avaient suivi dans les rues de Volusia.

Le contremaître avança plus loin le long du rang, et quand il fut hors de vue, Darius se tourna et murmura en réponse.

« Qu’en est-il des autres ? D’autres ont-ils survécu ? »

Il pria en secret pour que des centaines des siens y soient arrivés, pour qu’ils soient quelque part, attendant, peut-être prisonniers.

« Non », s’éleva une voix ferme derrière eux. « Nous sommes les seuls. Tous les autres sont morts. »

Darius eut l’impression d’avoir été frappé à l’estomac. Il avait le sentiment d’avoir abandonné tout le monde, et malgré lui, il sentit une larme couler le long de sa joue.

Il avait envie de sangloter. Une partie de lui voulait mourir. Il pouvait difficilement le concevoir : tous ces guerriers issus de tous ces villages d’esclaves… Cela avait été le début de ce qui allait être la plus grande révolution de tous les temps, une qui aurait changé la face de l’Empire pour toujours.

Et elle s’était achevée brusquement par un massacre de masse.

Désormais toute chance de liberté était détruite.

Tandis que Darius marchait, à l’agonie à cause de ses blessures et contusions, des entraves de fer rentrant dans sa peau, il regarda autour de lui et commença à se demander où il était. Il se demanda qui étaient ces prisonniers, et où ils étaient menés. En les examinant, il réalisa qu’ils étaient tous à peu près de son âge, et ils semblaient extraordinairement en bonne forme. Comme s’ils étaient tous des combattants.

Ils passèrent un tournant dans le tunnel sombre, et la lumière du soleil les rencontra soudain, se déversant à travers les barreaux de fer au-devant, au bout du tunnel. Darius fut brutalement poussé en avant, frappé dans les côtes par une matraque ; il se précipita en avant avec les autres jusqu’à ce que les barreaux soient ouverts, et qu’on lui donne un dernier coup de pied, dans la lumière du jour.

Darius trébucha avec les autres et ils tombèrent tous, en groupe, dans la poussière. Darius en recracha et leva ses mains pour se protéger de la lumière crue du soleil. D’autres roulèrent sur lui, tous emmêlés par les entraves.

« Relevez-vous ! » cria un contremaître.

Ils marchèrent de garçon en garçon, les frappant avec des matraques, jusqu’à ce qu’enfin Darius de remette péniblement sur pieds. Il trébucha tandis que les autres, enchaînés à lui, tentaient de retrouver leur équilibre.

Ils étaient debout et faisaient face au centre d’une cour circulaire et poussiéreuse, d’environ quinze mètres de diamètre, encadrée de hauts murs de pierre, et des barreaux à toutes les ouvertures. Devant eux, debout au centre, les dévisageant avec un air renfrogné, se tenait un contremaître de l’Empire, à l’évidence leur commandant. Il était menaçant, plus grand que les autres, avec ses cornes et peau jaunes, et ses yeux rouges brillants, sans chemise, les muscles saillants. Il portait une armure noire sur les jambes, des bottes, et du cuir clouté aux poignets. Il arborait les titres d’un officier de l’Empire, et il faisait les cent pas, les examinait avec désapprobation.

« Je suis Morg », dit-il, la voix sombre, tonitruante d’autorité. « Vous vous adresserez à moi en tant que monsieur. Je suis votre nouveau gardien. Je suis toute votre vie à présent. »

Il respirait tout en marchant, sonnant plus comme un grondement.

« Bienvenue dans votre nouvelle maison », continua-t-il. « Votre foyer temporaire, je précise. Car avant que la lune soit levée, vous serez tous morts. Je vais prendre beaucoup de plaisir à vous voir mourir, en fait. »

Il sourit.

« Mais tant que vous êtes là », ajouta-t-il, « vous vivrez. Vous vivrez pour me satisfaire. Vous vivrez pour faire plaisir aux autres. Vous vivrez pour contenter l’Empire. Vous êtes nos objets de divertissement maintenant. Nos choses de spectacle. Notre divertissement signifie votre mort. Et vous le réaliserez bien. »

Il esquissa un sourire cruel tout en continuant à faire les cent pas et en les étudiant. Un grand cri s’éleva quelque part au loin, et le sol tout entier trembla sous les pieds de Darius. Cela sonnait comme le cri de centaines de milliers de personnes assoiffées de sang.

« Entendez-vous ce cri ? » demanda-t-il. « C’est celui de la mort. Une soif de mort. Là-bas, derrière ces murs, s’étend la grande arène. Dans celle-ci, vous vous battrez contre d’autres, vous vous battrez vous-même, jusqu’à ce qu’aucun d’entre vous ne reste. »

Il soupira.

« Il y aura trois tours de combat », ajouta-t-il. « Durant le dernier, si aucun d’entre vous survit, il vous sera accordé votre liberté, une chance de vous battre dans la plus grande des arènes. Mais n’ayez pas trop d’espoir : personne n’a jamais survécu aussi longtemps. »

« Vous ne mourrez pas rapidement », ajouta-t-il. « Je suis ici pour m’en assurer. Je veux que vous mouriez lentement. Je veux que vous soyez de bons objets de divertissement. Vous apprendrez à vous battre, et l’apprendrez bien, pour prolonger notre plaisir. Car vous n’êtes plus des hommes. Vous n’êtes pas des esclaves. Vous êtes moins que des esclaves : vous êtes des gladiateurs maintenant. Bienvenue dans votre nouveau, et dernier rôle. Cela ne durera pas longtemps. »




CHAPITRE CINQ


Volusia marchait dans le désert, ses centaines de milliers d’hommes derrière elle, le son de leurs bottes emplissant les cieux. C’était un doux bruit à ses oreilles, celui de l’ascension, de la victoire. Elle regarda au loin tout en avançant, et elle fut satisfaite de voir des corps s’alignant à l’horizon, partout sur les durs sables secs en périphérie de la capitale de l’Empire. Des milliers d’entre eux, étendus, tous parfaitement immobiles, allongés sur le dos et regardant vers le ciel avec douleur, comme s’ils avaient été aplatis par un gigantesque raz-de-marée.

Volusia savait qu’il ne s’agissait pas d’un raz-de-marée. C’étaient ses sorciers, les Voks. Ils avaient jeté un sort puissant, et avaient tué tous ceux qui pensaient qu’ils pouvaient la prendre en embuscade et la tuer.

Volusia sourit d’un air suffisant tout en marchant, en voyant son ouvrage, se délectant en ce jour de victoire, d’avoir encore une fois été plus intelligente que ceux qui voulaient la tuer. C’étaient tous les chefs de l’Empire, tous de grands hommes, des hommes qui n’avaient jamais connu la défaite auparavant, et la seule chose se tenant entre elle et la capitale. À présent ils étaient là, tous ces dirigeants de l’Empire, tous les hommes qui avaient osé défier Volusia, tous les hommes qui avaient pensé qu’ils étaient plus futés qu’elle – tous morts.

Volusia avançait au milieu d’eux, parfois évitant les corps, parfois les enjambant, et parfois, quand elle en avait envie, elle marchait dessus. Elle éprouvait une grande satisfaction à sentir la chair de l’ennemi sous ses bottes. Cela lui donnait l’impression d’être à nouveau un enfant.

Volusia leva les yeux et vit la capitale droit devant, ses immenses dômes dorés étincelant distinctement au loin, vit les murs imposants l’encerclant, de trente mètres de haut, remarqua l’entrée, encadrée par des portes voûtées et dorées, et sentit le frémissement de son destin se dérouler devant elle. Maintenant, rien ne se tenait entre elle et son siège de pouvoir final. Plus de politiciens, de dirigeants ou de commandants ne pouvaient se mettre en travers de son chemin pour revendiquer le pouvoir, hormis elle. La longue marche, sa prise d’une cité après l’autre durant toutes ces lunes, son accumulation d’armées une cité à la fois – finalement, tout revenait à cela. Juste derrière ces murs, juste derrière ces brillantes portes dorées, se trouvait sa dernière conquête. Bientôt, elle serait à l’intérieur, elle prendrait le trône, et quand elle l’aurait fait, il n’y aurait rien ni personne pour l’arrêter. Elle prendrait le commandement de toutes les armées de l’Empire, de toutes ses provinces et régions, les quatre cornes et les deux pointes, et enfin, chaque créature de l’Empire, jusqu’à la dernière, devrait la déclarer – une humaine – leur commandante suprême.

Encore plus, ils devraient l’appeler Déesse.

Cette pensée la fit sourire. Elle érigerait des statues d’elle-même dans chaque cité, devant chaque lieu de pouvoir ; elle nommerait des vacances d’après elle-même, ferait se saluer les gens par son nom, et l’Empire ne connaîtrait bientôt pas de nom hormis le sien.

Volusia marchait devant son armée sous les soleils matinaux, examinant ces portes dorées, et elle réalisa que cela serait un des plus grands moments de sa vie. Menant la voie devant ses hommes, elle se sentait invincible –surtout maintenant que les traîtres dans ses rangs étaient morts. Combien ils avaient été sots, pensa-t-elle, de supposer qu’elle était naïve, de supposer qu’elle tomberait dans leur piège, juste parce qu’elle était jeune. Pour autant leur vieil âge – voilà où cela les avait menés. Cela ne leur avait fait gagner qu’une mort précoce, une mort précoce pour avoir sous-estimé sa sagesse – une sagesse encore plus grande que la leur.

Et pourtant, pendant que Volusia marchait, tandis qu’elle examinait les corps dans le désert, elle commença à éprouver une inquiétude grandissante. Il n’y avait pas autant de corps, réalisa-t-elle, qu’il aurait dû y en avoir. Il y avait peut-être quelques milliers de cadavres, mais pas les centaines de milliers auxquels elle s’était attendue, mais le principal corps de l’armée de l’Empire. Ces dirigeants n’avaient-ils pas amené tous leurs hommes ? Et si non, où pouvaient-ils être ?

Elle commençait à s’interroger : avec ses leaders morts, la capitale se défendrait-elle quand même ?

Alors que Volusia se rapprochait des portes de la capitale, elle fit signe à Vokin de s’avancer et à son armée de s’arrêter.

Comme un, ils firent tous halte derrière elle et finalement le silence se fit dans le désert au matin, rien hormis le bruit du vent, la poussière s’élevant dans l’air, un buisson d’épine passant. Volusia étudia les portes massives et fermées, l’or sculpté de motifs décoratifs, de signes et de symboles, racontant les histoires des anciennes batailles des terres de l’Empire. Ces portes étaient célèbres à travers l’Empire, il était dit qu’elles avaient pris cent ans à sculpter, et étaient épaisses de trois mètres. C’était un signe de force représentant tous les territoires de l’Empire.

Volusia, qui se tenait à peine à quinze mètres, n’avait jamais été si proche de l’entrée de la capitale auparavant, et était en admiration devant elles – et de ce qu’elles représentaient. Non seulement étaient-elles un symbole de puissance et de stabilité, mais elles étaient aussi un chef d’œuvre, une ancienne œuvre d’art. Elle désirait ardemment tendre la main et toucher ces portes dorées, de faire courir ses mains le long des images gravées.

Mais elle savait que ce n’était pas le moment. Elle les étudia, et un sentiment d’appréhension commença à s’élever en elle. Quelque chose n’allait pas. Elles n’étaient pas gardées. Et c’était bien trop silencieux.

Volusia regarda droit vers le haut, et au sommet des murs, tenant les parapets, elle vit des milliers de soldats de l’Empire apparaître lentement, alignés, yeux baissés, arcs et lances prêts.

Un général de l’Empire se tenait au milieu, le regard baissé vers eux.

« Vous êtes insensés de venir si prêts », tonna-t-il, sa voix résonnant. « Vous vous tenez à portée de nos arcs et de nos lances. D’un seul geste, je peux vous faire tuer en un instant. »

« Mais je vous épargnerais », ajouta-t-il. « Dis à tes armées de déposer leurs armes, et je vous laisserais vivre. »

Volusia leva les yeux vers le général, au visage obscurcit contre le soleil, ce commandant seul laissé derrière pour défendre la capitale, et elle regarda ses hommes le long des remparts, tous leurs yeux braqués sur elle, arcs à la main. Elle savait qu’il pensait ce qu’il disait.

« Je vais te donner une chance de déposer tes armes », s’écria-t-elle en retour, « avant que je ne tue tous tes hommes, et brûle cette capitale jusqu’aux fondations. »

Il ricana, et elle les vit, lui et ses hommes, abaisser leurs visières, se préparant pour le combat.

Aussi rapide que l’éclair, Volusia entendit soudain le bruit de milliers de flèches décochées, de milles lances envoyées, et alors qu’elle levait les yeux, elle vit le ciel noircir, chargé d’armes, toutes pleuvant droit sur elle.

Volusia se tint là, enracinée sur place, sans peur, sans même tressaillir. Elle savait qu’aucune de ces armes ne pouvait la blesser. Après tout, elle était une déesse.

À côté d’elle, le Vok leva une seule paume longue et verte, et alors qu’il le faisait, un globe vert quitta sa main et flotta dans l’air devant elle, projetant un bouclier de lumière verte à quelques trentaines de centimètres de la tête de Volusia. Un instant après, les flèches et lances rebondirent dessus, inoffensives, et atterrirent sur le sol à côté d’elle dans un grand tas.

Volusia jeta un coup d’œil avec satisfaction à la pile grandissante de lances et de flèches, et reporta son regard vers le haut pour voir les visages stupéfaits des soldats de l’Empire.

« Je vais vous donner une chance supplémentaire de déposer les armes », s’écria-t-elle.

Le commandant de l’Empire se tint là, avec sévérité, de toute évidence frustré et débattant de ses options, mais il ne bougea pas. À la place, il fit signe à ses hommes, et elle put les voir se préparer à décocher une autre volée.

Volusia hocha de la tête vers Vokin, et il fit un geste vers ses hommes. Des dizaines de Voks s’avancèrent, s’alignèrent et levèrent leurs mains au-dessus de leurs têtes, braquant leurs paumes. Un instant après, des dizaines de globes verts emplirent le ciel, et se dirigèrent vers les murs de la cité.

Volusia observa avec de grandes espérances, s’attendant à voir les murs s’effondrer, s’attendant à voir tous ces hommes s’écraser à ses pieds, s’attendant à voir la capitale être sienne. Elle était déjà impatiente de s’asseoir sur le trône.

Mais Volusia vit avec surprise et désarroi les globes de lumière verte rebondir contre les murs de la capitale sans dommages, puis disparaître dans des éclairs de lumière. Elle ne pouvait pas comprendre : ils étaient inefficaces.

Volusia regarda vers Vokin, et il semblait perplexe, lui aussi.

Le commandant de l’Empire, haut en dessus, ricana.

« Vous n’êtes pas les seuls avec de la sorcellerie », dit-il. « Ces murs ne peuvent être abattus par aucune magie – ils ont résisté à l’épreuve du temps pendant des milliers d’années, ont repoussé  des barbares, des armées entières plus grandes que la tienne. Il n’y a aucune magie qui puisse les renverser – seulement la main des hommes. »

Il esquissa un grand sourire.

« Donc tu vois », ajouta-t-il, « tu as fait la même erreur que bien d’autres aspirants conquérants avant toi. Tu as dépendu la sorcellerie pour ton approche de cette capitale – et maintenant tu vas en payer le prix. »

Le long des parapets des cors sonnèrent, Volusia jeta un coup d’œil et fut ébranlée de voir une armée de soldats s’alignant loin. Ils emplissaient de noir la ligne d’horizon, des centaines de milliers d’entre eux, une vaste armée, plus grande même que les hommes qu’elle avait derrière elle. Ils avaient indubitablement attendu derrière le mur, de l’autre côté de la capitale, dans le désert, l’ordre du commandant de l’Empire. Elle n’avait pas seulement marché vers une autre bataille – ce serait une guerre ouverte.

Un autre cor sonna, et soudain, les grandes portes dorées devant elle commencèrent à s’ouvrir. Elles s’ouvrirent de plus en plus largement, et en même temps un grand cri de guerre s’éleva, tandis que des milliers de soldats supplémentaires en émergeaient, chargeant droit vers eux.

En même temps, les centaines de milliers de soldats à l’horizon s’élancèrent, eux aussi, séparant leurs forces autour de la cité de l’Empire et chargeant vers eux ses deux côtés.

Volusia tint position, leva un seul poing, puis l’abaissa.

Derrière elle, son armée poussa un grand cri de guerre tandis qu’ils se précipitaient en avant pour rencontrer les hommes de l’Empire.

Volusia savait que ce serait la bataille qui déciderait de sort de la capitale – le sort même de l’Empire. Ses sorciers l’avaient déçue – mais ses soldats ne la décevraient pas. Après tout, elle pouvait être plus brutale que n’importe quel autre homme, et elle n’avait pas besoin de sorcellerie pour cela.

Elle vit les hommes venir à elle, et elle tint bon, savourant la chance de tuer ou d’être tuée.




CHAPITRE SIX


Gwendolyn ouvrit les yeux en sentant un soubresaut et un coup sur sa tête, et elle regarda tout autour, désorientée. Elle vit qu’elle était allongée sur le côté, sur une dure plateforme de bois, et le monde bougeait autour d’elle. Un gémissement s’éleva, et elle sentit quelque chose d’humide sur sa joue. Elle jeta un coup d’œil pour voir Krohn, en boule à côté d’elle, qui la léchait – et son cœur bondit de joie. Krohn paraissait malade, affamé, épuisé – mais il était en vie. C’était tout ce qui comptait. Lui aussi avait survécu.

Gwen lécha ses lèvres et réalisa qu’elles n’étaient pas aussi sèches qu’auparavant ; elle était soulagée de pouvoir même les lécher, car précédemment sa langue avait été trop enflée pour bouger. Elle sentit un filet d’eau froide entrer dans sa bouche, elle leva les yeux et du coin de l’œil vit un de ces nomades du désert debout au-dessus d’elle et tenant une outre. Elle y but avidement, encore et encore, jusqu’à ce qu’il l’éloigne.

Tandis qu’il la retirait, Gwen tendit la main et agrippa son poignet, puis le tira vers Krohn. Au premier abord le nomade parut perplexe, mais ensuite il réalisa, tendit le bras et versa de l’eau dans la gueule de Krohn. Gwen se sentit soulagée en voyant Krohn laper l’eau, buvant alors qu’il était étendu là, haletant, à côté d’elle.

Gwen sentit un autre cahot, un autre coup tandis que la plateforme tremblait, et elle observa au delà le monde, tourna sur le côté, et ne vit rien d’autre que le ciel devant elle, des nuages qui passaient. Elle sentit que son corps s’élevait, de plus en plus haut dans les airs à chaque secousse, et elle ne pouvait comprendre ce qui était en train de se passer, où elle était. Elle n’avait pas la force de s’asseoir, mais elle était capable de tordre assez son cou pour voir qu’elle était étendue sur une plateforme de bois, levée par des cordes de chaque côté. Quelqu’un bien au-dessus tirait sur ces cordes, grinçant avec l’âge, et à chaque à-coup, la plateforme s’élevait un peu plus haut. Elle était en train d’être soulevée le long de falaises abruptes et sans fin, les mêmes falaises qu’elle reconnut d’avant son évanouissement. Celles qui avaient été couronnées par des parapets et des chevaliers étincelants.

En s’en rappelant, Gwen se tourna et tendit le cou, regarda vers le bas et se sentit immédiatement nauséeuse. Ils étaient à des trentaines de mètres au-dessus du désert, et montaient.

Elle se tourna, leva les yeux, et à trente mètres au-dessus d’eux, elle vit les parapets, la vue obscurcie par le soleil, et les chevaliers regardant en bas, se rapprochant à chaque saccade des cordes.

Gwen se retourna immédiatement, examina la plateforme, et fut envahie de soulagement en voyant tous les siens encore avec elle : Kendrick, Sandara, Steffen, Arliss, Aberthol, Illepra, Kréa le bébé, Stara, Brandt, Atme, et plusieurs membres de l’Argent. Ils étaient tous étendus sur la plateforme, tous soignés par les nomades, qui versaient de l’eau dans leurs bouches et sur leurs visages. Gwen ressentit un élan de reconnaissance envers ces étranges créatures nomades qui leur avaient sauvé la vie.

Gwen ferma à nouveau les yeux, reposa sa tête sur le bois dur, tandis que Krohn se roulait en boule à côté d’elle, et sa tête parut peser une tonne. Tout était confortablement silencieux, sans aucun son là-haut hormis celui du vent, et les cordes grinçantes. Elle avait voyagé si loin, pendant si longtemps, et se demandait où tout cela se terminerait. Bientôt ils seraient au sommet, et elle priait seulement pour que les chevaliers, qui qu’ils soient, s’avèrent être aussi hospitaliers que ces nomades du désert.

À chaque soubresaut, les soleils se faisaient plus forts, plus chauds, il n’y avait aucune ombre sous laquelle se cacher. Elle avait l’impression qu’elle était en train de brûler, comme si elle était hissée vers le centre du soleil lui-même.

Gwendolyn ouvrit les yeux en sentant un dernier cahot, et prit conscience qu’elle s’était rendormie. Elle sentit des mouvements et réalisa qu’elle était portée avec précaution par les nomades, la mettant elle et les siens à nouveau sur les bâches de toile, puis ils les transportèrent de la plateforme sur les parapets. Gwendolyn se sentit être finalement déposée, doucement, sur un sol de pierre, elle leva le regard et cligna plusieurs fois des yeux dans le soleil. Elle était trop exténuée pour relever la nuque, incertaine de savoir si elle était encore éveillée ou si elle rêvait.

Des dizaines de chevaliers apparurent, s’approchant d’elle, vêtus de cottes de mailles et d’armures immaculées, ils se pressèrent autour d’elle et la dévisagèrent avec curiosité. Gwen ne pouvait pas comprendre comment des chevaliers pouvaient se trouver là dans ce grand désert, dans cette grande étendue désolée au milieu de nulle part, comment ils pouvaient monter la garde au sommet de cette immense crête, sous ces soleils. Comment avaient-ils survécu ici ? Que gardaient-ils ? Où avaient-ils obtenu des armures si royales ? Tout cela était-il un rêve ?

Même l’Anneau, avec son ancienne tradition de grandeur, avait peu d’armures pour équivaloir à celles que ces hommes portaient. C’étaient les plus finement ouvragées sur lesquelles elle ait jamais posé les yeux, forgée avec de l’argent, de la platine et d’autres métaux qu’elle ne pouvait pas reconnaître, gravés de marques complexes, et avec un armement assorti. Ces hommes étaient à l’évidence des soldats professionnels. Cela lui évoquait le temps où elle était une jeune fille et accompagnait son père sur le terrain ; il la montrait aux soldats, et elle levait les yeux pour les voir alignés avec une telle splendeur. Gwen s’était demandé comment une telle beauté pouvait exister, comment cela pouvait même être possible. Peut-être était-elle morte, et c’était sa version du paradis.

Mais ensuite elle entendit un d’entre eux s’avancer, devant les autres, retirer son heaume et baisser les yeux, ses étincelants yeux bleus emplis de sagesse et de compassion. Peut-être dans la trentaine, il avait une apparence surprenante, sa tête était complètement chauve, et il portait une barbe d’un blond léger. Assurément, il était l’officier responsable.

Le chevalier tourna son attention vers les nomades.

« Sont-ils en vie ? » demanda-t-il.

Un des nomades, en réponse, étendit son long bâton et poussa doucement Gwendolyn, qui bougea. Elle voulait plus que tout s’asseoir, leur parler, découvrir qui ils étaient – mais elle était trop épuisée, sa gorge trop sèche, pour répondre.

« Incroyable », dit un autre soldat en faisant un pas en avant, ses éperons tintant, tandis que plus de chevaliers s’avançaient et se pressaient tout autour d’eux. Manifestement, ils étaient tous des objets de curiosité.

« Ce n’est pas possible », dit l’un. « Comment auraient-ils pu survivre à la Grande Désolation ? »

« Ils n’auraient pas pu », dit un autre. « Ils doivent être des déserteurs. Ils ont dû, d’une manière ou d’une autre, franchir la Crête, se perdre dans le désert, et décider de revenir. »

Gwendolyn essaya de répondre, de leur dire tout ce qu’il s’était passé, mais elle était trop exténuée pour faire sortir les mots.

Après un court silence, le chef s’avança.

« Non », dit-il avec certitude. « Regardez les marques sur son armure », dit-il, poussant Kendrick du pied. « Ce n’est pas notre armure. Ce n’est pas une armure de l’Empire non plus. »

Tous les chevaliers se pressèrent autour d’eux, sidérés.

« Alors d’où viennent-ils ? » demanda l’un d’eux, confus.

« Et comment ont-ils su où nous trouver ? » demanda un autre.

Le chef se tourna vers les nomades.

« Où les avez-vous trouvés ? » les interrogea-t-il.

Les nomades caquetèrent en retour, et Gwen vit les yeux du chef s’écarquiller.

« De l’autre côté du mur de sable ? » leur demanda-t-il. « En êtes-vous certains ? »

Les nomades répondirent par de petits cris.

Le commandant se tourna vers les siens.

Je ne pense pas qu’ils savaient où nous étions. Je pense qu’ils ont eu de la chance – les nomades les ont trouvés, ont voulu leur récompense et les ont amenés ici, les méprenant pour un d’entre nous. »

Les chevaliers se dévisagèrent les uns les autres, et il parut évident qu’ils n’avaient jamais rencontré une telle situation auparavant.

« Nous ne pouvons les recueillir », dit un des chevaliers. « Vous connaissez les règles. Vous les laissez entrer et nous laissons une piste. Pas de traces. Jamais. Nous devons les renvoyer, dans la Grande Désolation. »

Un long silence s’ensuivit, interrompu par rien d’autre que le hurlement du vent, et Gwen pu sentir qu’ils débattaient sur ce que faire d’eux. Elle n’aimait pas la longueur de la pause.

Gwen essaya de s’asseoir pour protester, de leur dire qu’ils ne pouvaient pas les renvoyer là dehors, qu’ils ne le pouvaient simplement pas. Pas après tout ce qu’ils avaient traversé.

« Si nous le faisions », dit le chef, « cela signifierait leur mort. Et notre code d’honneur exige que nous aidions les impuissants. »

« Et pourtant si nous les acceptons », contra un chevalier, « alors nous pourrions tous mourir. L’Empire suivra leur trace. Ils découvriront notre cachette. Nous mettrions en danger tout notre peuple. Préfèrerais-tu voir quelques étrangers mourir, ou tous les nôtres ? »

Gwen pouvait voir leur chef réfléchir, déchiré par l’anxiété, faisant face à une décision difficile. Elle comprenait ce que l’on ressentait quand on affrontait des décisions ardues. Elle était trop faible pour se résigner à quoi que ce soit hormis à se laisser être à la merci de la bonté d’autres personnes.

« Il en est peut-être ainsi », dit finalement leur chef, de la résignation dans la voix, « mais je ne refuserais pas des gens innocents pour qu’ils meurent. Ils viennent. »

Il se tourna vers ses hommes.

« Descendez-les de l’autre côté », ordonna-t-il, la voix ferme et autoritaire. « Nous les mènerons à notre Roi, et il décidera par lui-même. »

Les hommes écoutèrent et commencèrent à entrer en action, préparant la plateforme de l’autre côté pour la descente, et un de ses hommes fixa du regard leur chef, incertain.

« Vous violez les lois du Roi », dit le chevalier. « Aucun étranger n’est admis dans la Crête. Jamais. »

Le chef le dévisagea avec fermeté.

« Aucun étranger n’a jamais atteint nos portes », répondit-il.

« Le Roi pourrait vous emprisonner pour cela », dit le chevalier.

Le commandant ne vacilla pas.

« C’est un risque que je suis prêt à courir. »

« Pour des étrangers ? Des nomades du désert sans valeur ? », dit le chevalier, surpris. « Qui sait qui sont ces gens. »

« Chaque vie est précieuse », répliqua le chef, « et mon honneur vaut mille vies en prison. »

Le commandant fit un signe de la tête à ses hommes, qui attendaient tous debout, et Gwen sentit soudain qu’elle était soulevée dans les bras d’un chevalier, son armure de métal contre son dos. Il la ramassa sans effort, comme si elle était une plume, et la porta, tandis que les chevaliers transportaient tous les autres. Gwen vit qu’ils traversaient une pierre large et plate au sommet de la crête de la montagne, s’étendant sur peut-être cent mètres. Ils marchèrent et marchèrent, et elle se sentit à l’aise dans les bras de ce chevalier, plus à l’aise qu’elle ne l’avait été pendant un long moment. Elle voulait plus que tout dire merci, mais elle était trop éreintée pour ouvrir la bouche.

Ils atteignirent l’autre côté des parapets, et alors que les chevaliers s’apprêtaient à les placer sur une nouvelle plateforme puis les faire descendre de l’autre côté de l’arête, Gwen regarda au loin et saisit un aperçu d’où ils allaient. C’était une vue qu’elle n’oublierait jamais, une vue qui lui coupa le souffle. La crête de la montagne, qui s’élevait du désert tel un sphinx, avait, vit-elle, la forme d’un énorme cercle, si large qu’il disparaissait de la vue dans la brume des nuages. C’était un mur protecteur, se rendit-elle compte, et de l’autre côté, en contrebas, Gwen vit un lac bleu scintillant aussi grand qu’un océan, étincelant dans les soleils du désert. La richesse du bleu, la vue de toute cette eau, la stupéfia.

Et au delà de cela, à l’horizon, elle vit une terre immense, une terre si vaste qu’elle ne pouvait pas voir où elle s’achevait, et à sa surprise, elle était fertile, verte, un vert brillant de vie. Aussi loin qu’elle pouvait voir s’étendaient des fermes, des arbres fruitiers, des forêts, des vignes et des vergers en abondance, une terre débordant de vie. C’était la vue la plus belle et la plus idyllique qu’elle ait jamais vue.

« Bienvenue, ma dame », dit leur chef, « dans le pays au delà de la Crête. »




CHAPITRE SEPT


Godfrey, roulé en boule, fut réveillé par un gémissement constant, persistant, qui interférait avec ses rêves.il se réveilla lentement, incertain d’être réellement éveillé ou encore coincé dans ses cauchemars sans fin. Il cligna des yeux dans la pénombre, essayant de repousser son rêve. Il avait rêvé qu’il était lui-même une marionnette sur un fil, se balançant au-dessus des murs de Volusia, tenu par les Finiens, qui tiraient les cordes de haut en bas, faisant bouger les bras et jambes de Godfrey tandis qu’il pendait au-dessus de l’entrée de la cité. On avait fait regarder à Godfrey pendant qu’en contrebas des milliers de ses compatriotes étaient massacrés sous ses yeux, les rues de Volusia rouges de sang. À chaque fois qu’il pensait que c’était terminé, le Finien tirait à nouveau sèchement sur ses cordes, le faisant bouger de haut en bas, encore et encore et encore…

Finalement, par bonheur, Godfrey fut réveillé par ce gémissement, et il se retourna, la tête sur le point de se fendre, pour voir qu’il provenait de quelque mètres de là, d’Akorth et Fulton, tous deux roulés en boule sur le sol à côté de lui, tous deux geignant, couverts de marques noires et bleues. Non loin se trouvaient Merek et Ario, affalés et immobiles sur le sol de pierre, eux aussi – que Godfrey reconnut immédiatement comme étant celui d’une cellule de prison. Tous semblaient sévèrement battus – mais au moins ils étaient tous là, et d’après ce que Godfrey pouvait voir, ils respiraient tous.

Godfrey fut d’emblée soulagé et désemparé. Il était stupéfait d’être en vie, après l’embuscade dont il avait été témoin, stupéfait de ne pas avoir été massacré là-bas par les Finiens. Mais en même temps, il se sentait vide, oppressé par la culpabilité, sachant que c’était de sa faute si Darius et les autres étaient tombés dans le piège à l’intérieur des murs de Volusia. Tout cela à cause de sa naïveté. Comment avait-il pu être aussi idiot pour faire confiance aux Finiens ?

Godfrey ferma les yeux et secoua la tête, souhaitant ardemment que le souvenir disparaisse, que la nuit se soit déroulée différemment. Il avait mené Darius et les autres dans la cité, inconsciemment, comme des agneaux à l’abattoir. Encore et encore dans son esprit il entendait les cris de ces hommes, tentant de lutter pour leur vie, tentant de s’échapper, résonnant dans sa tête et ne le laissant pas en paix.

Godfrey mit les mains sur ses oreilles et essaya de les faire disparaître, de couvrir les gémissements d’Akorth et Fulton, tous deux à l’évidence souffrant de leurs contusions et d’une nuit passée à dormir sur le dur sol de pierre.

Godfrey s’assit, sa tête lui semblait peser mille tonnes, et étudia les environs, une petite cellule contenant seulement lui, ses amis et quelques autres qu’il ne connaissait pas, et trouva un peu de consolation dans le fait que, étant donné combien cette cellule paraissait lugubre, la mort pourrait survenir plus tôt que tard. Cette prison était assurément différente de la dernière, elle ressemblait plus à une cellule de détention pour ceux sur le point de mourir.

Godfrey entendit, quelque part au loin, les cris d’un prisonnier trainé le long d’un hall, et il réalisa : cet endroit était vraiment un enclos – pour les exécutions. Il avait entendu parler d’autres exécutions à Volusia, il savait que lui et les autres seraient trainés à l’extérieur aux premières lueurs, et deviendraient un divertissement pour l’arène, pour que ses bons citoyens puissent les regarder être mis en pièce jusqu’à la mort par les Razifs, avant que les vrais jeux de gladiateurs ne commencent. C’était la raison pour laquelle ils les avaient gardés en vie si longtemps. Au moins maintenant cela avait un sens.

Godfrey se mit péniblement à quatre pattes, tendit la main et poussa doucement chacun de ses amis, en essayant de les réveiller. Sa tête tournait, chaque recoin de son corps était douloureux, couvert de bosses et de contusions, et bouger lui faisait mal. Son dernier souvenir était celui d’un soldat qui l’assommait, et il réalisa qu’il avait dû être roué de coups après être tombé au sol. Les Finiens, ces lâches traîtres, n’avaient clairement pas été capables de les tuer eux-mêmes.

Godfrey prit sa tête dans ses mains, abasourdi qu’elle puisse être aussi douloureuse sans même avoir bu un verre. Il se remit sur pieds en chancelant, les genoux tremblants, et parcourut la cellule du regard. Un seul garde se tenait à l’extérieur des barreaux, dos à lui, regardant à peine. Et pourtant ces cellules étaient dotées de serrures robustes et d’épaisses barres d’acier, et Godfrey sut qu’il n’y aurait pas d’échappée facile cette fois-ci. Cette fois-ci, ils étaient là jusqu’à la mort.

Lentement, à côté de lui, Akorth, Fulton, Ario et Merek se remirent sur pied et étudièrent tous leur environnement, eux aussi. Il pouvait voir l’étonnement et la peur dans leurs yeux – puis le regret, tandis qu’ils commençaient à se souvenir.

« Sont-ils tous morts ? » demanda Ario, regard tourné vers Godfrey.

Godfrey sentit une douleur à l’estomac en hochant lentement de la tête.

« C’est notre faute », dit Merek. « Nous les avons laissé tomber. »

« Oui, ça l’est », répondit Godfrey, la voix brisée.

« Je t’avais dit de ne pas faire confiance aux Finiens », dit Akorth.

« La question n’est pas de savoir à qui est la faute », dit Ario, « mais ce que nous allons en faire. Allons-nous laisser tous nos frères et sœurs être morts en vain ? Ou allons-nous obtenir vengeance ? »

Godfrey pouvait voir le sérieux sur le visage du jeune Ario, et il fut impressionné par sa détermination d’acier, même en étant sous les verrous et sur le point d’être tué.

« Vengeance ? » demanda Akorth. « Es-tu fou ? Nous sommes enfermés sous terre, gardés par des barreaux d’aciers et des gardiens de l’Empire. Tous nos hommes sont morts. Nous sommes au milieu d’une cité et d’une armée hostiles. Tout notre or a disparu. Nos plans sont fichus. Quelle vengeance pourrions-nous possiblement prendre ? »

« Il y a toujours un moyen », dit Ario, déterminé. Il se tourna vers Merek.

Tous les yeux se tournèrent vers lui, et il fronça les sourcils.

« Je ne suis pas expert en vengeance », dit Merek. « Je tue des hommes quand ils m’ennuient. Je n’attends pas. »

« Mais tu es un maître voleur », dit Ario. « Tu as passé toute ta vie dans une cellule de prison, comme tu l’as admis. Tu peux sûrement nous sortir de là ? »

Merek se tourna et étudia la cellule, les barreaux, les fenêtres, les clefs, les gardes – tout – avec un œil aiguisé et expert. Il enregistra tout, puis reporta les yeux sur eux avec un air grave.

« Ce n’est pas une cellule ordinaire », dit-il. « Ce doit être une cellule Finienne. Un savoir-faire très cher. Je ne vois aucun point faible, pas d’issue, pour autant que je voudrais pouvoir vous dire autre chose. »

Godfrey, se sentant anéanti, essayant d’écarter les cris des autres prisonniers le long du hall, marcha vers la porte de la cellule, appuya son front contre le fer froid et lourd, et ferma les yeux.

« Amenez-le là ! », tonna une voix depuis l’extrémité du hall de pierre.

Godfrey ouvrit les yeux, tourna la tête, et regarda au bout de la salle pour voir plusieurs gardes de l’Empire trainant un prisonnier. Ce dernier portait une écharpe rouge par-dessus les épaules, en travers du torse, et il pendait mollement dans leurs bras, sans même essayer de résister. En fait, quand il se fut rapproché, Godfrey vit qu’ils devaient le tirer, car il était inconscient. Quelque chose n’allait manifestement pas chez lui.

« Vous m’emmenez une autre victime de la peste ? » hurla le garde avec mépris. « Qu’attendez-vous que j’en fasse ? »

« Pas notre problème ! » s’écrièrent les autres.

Le garde de service eut un regard apeuré tout en levant les mains.

« Je ne vais pas le toucher ! » dit-il. « Mettez-le là-bas – dans la fosse, avec les autres victimes de la peste. »

Les gardes le dévisagèrent d’un air interrogateur.

« Mais il n’est pas encore mort », répondirent-ils.

Le garde de service les regarda de travers.

« Vous pensez que je m’en soucie ? »

Les gardes échangèrent un regard puis firent comme on leur avait dit, le trainèrent à travers le couloir de la prison, et le jetèrent dans une grande fosse. Godfrey pouvait voir maintenant qu’elle était remplie de corps, tous couverts de la même écharpe rouge.

« Et s’il essaye de courir ? » demandèrent les gardes avant de s’en aller.

Le garde au commandement esquissa un sourire cruel.

« Ne savez-vous donc pas ce que la peste fait à un homme ? » demanda-t-il. « Il sera mort d’ici au matin. »

Les deux gardes se tournèrent et s’éloignèrent ; Godfrey regarda la victime de la peste, étendue là toute seule dans cette fosse non surveillée, et il eut soudain une idée. C’était juste assez fou pour pouvoir peut-être fonctionner.

Godfrey se tourna vers Akorth et Fulton.

« Frappez-moi », dit-il.

Ils échangèrent un regard perplexe.

« J’ai dit frappez-moi ! » dit Godfrey.

Ils secouèrent la tête.

« Es-tu fou ? » demanda Akorth.

« Je ne vais pas te frapper », intervint Fulton, « même si tu le mérites peut-être. »

« Je vous dis de me frapper ! » exigea Godfrey. « Fort. Au visage. Cassez-moi le nez ! MAINTENANT ! »

Mais Akorth et Fulton se détournèrent.

« Tu as perdu la tête », dirent-ils.

Godfrey se tourna vers Merek et Ario, mais eux aussi reculèrent.

« Quel que soit le but », dit Merek, « je ne veux pas y prendre part. »

Soudain, un des autres prisonniers dans la cellule s’avança d’un air désinvolte vers Godfrey.

« Pas pu m’empêcher d’écouter », dit-il, esquissant un large sourire édenté, exhalant un souffle vicié tout autour de lui. « Je suis plus que ravi de te cogner, juste pour te faire taire ! Tu n’as pas à me le demander deux fois. »

Le prisonnier frappa, toucha directement le nez de Godfrey avec ses jointures osseuses, et Godfrey sentit une douleur aiguë traverser son crâne tandis qu’il poussait un cri et mettait la main sur son nez. Du sang giclait sur tout son visage et sur sa chemise. La douleur lui piquait les yeux, troublant sa vision.

« Maintenant j’ai besoin de cette écharpe », dit Godfrey en se tournant vers Merek. « Peux-tu me l’obtenir ? »

Merek, dérouté, suivit son regard à travers le hall, vers le prisonnier gisant inconscient dans la fosse.

« Pourquoi ? » demanda-t-il.

« Fais-le, tout simplement », dit Godfrey.

Merek fronça les sourcils.

« Si j’attachais quelques choses ensemble, peut-être que je pourrais l’atteindre », dit-il. « Quelque chose de long et fin. »

Merek leva la main, tâta son propre col, et en tira un fil de fer ; en le déroulant, il s’avéra être assez long pour s’adapter à son but.

Merek se pencha contre les barres de la prison, prudemment pour ne pas alerter le garde, et tendit le bras avec le fil de fer, en essayant d’accrocher l’écharpe. Il traina dans la poussière, mais échoua de quelques centimètres.

Il essaya encore et encore, mais Merek n’arrêtait pas d’être coincé au niveau des coudes dans les barreaux. Ils n’étaient pas assez minces.

Le garde se tourna dans sa direction, et Merek le retira rapidement avant qu’il ne puisse le voir.

« Laisse-moi essayer », dit Ario, qui s’avança alors que le garde se détournait.

Ario attrapa le long fil de fer et passa les bras à travers la cellule, et les siens, bien plus maigres, passèrent en entier jusqu’aux épaules.

Ces quinze centimètres supplémentaires étaient ce qu’il leur fallait. Le crochet agrippa tout juste le bout de l’écharpe rouge, et Ario commença à la tirer vers lui. Il s’arrêta quand le garde, qui faisait face à une autre direction, assoupi, leva la tête et regarda autour de lui. Ils attendirent tous, en sueur, priant pour que le garde ne regarde pas dans leur direction. Ils patientèrent pendant ce qui parut être une éternité, jusqu’à ce qu’enfin le garde recommence à somnoler.

Ario tira l’écharpe de plus en plus près, la faisant glisser à travers le sol de la prison, jusqu’à ce finalement elle passe à travers les barreaux et dans la cellule.

Godfrey tendit la main, mit l’écharpe, et ils s’éloignèrent tous de lui, pleins de crainte.

« Que diable fais-tu ? » demanda Merek. « L’écharpe est recouverte de la peste. Tu peux nous infecter tous. »

Les autres prisonniers de la cellule reculèrent, eux aussi.

Godfrey se tourna vers Merek.

« Je vais commencer à tousser, et je ne vais pas m’arrêter », dit-il, portant l’écharpe, une idée s’imposant dans son esprit. « Quand le garde viendra, il verra mon sang et cette écharpe, et vous lui direz que j’ai la peste, qu’ils ont fait une erreur en ne me séparant pas. »

Godfrey ne perdit pas de temps. Il commença à tousser violemment, prit le sang sur son visage et l’étala de haut en bas de son corps pour le faire paraître pire. Il toussa plus fort qu’il ne l’avait jamais fait, jusqu’à ce qu’au bout du compte il entende la porte de la cellule s’ouvrir et le garde rentrer.

« Faites taire votre ami », dit le garde. « Vous avez compris ? »

« Il n’est pas un ami », répondit Merek. « Seulement un homme que nous avons rencontré. Un homme qui a la peste. »

Le garde, préoccupé, baissa les yeux, vit l’écharpe rouge et ses yeux s’écarquillèrent.

« Comment est-il arrivé là-dedans ? » demanda le garde. « Il aurait dû être séparé. »

Godfrey toussait encore et encore plus, son corps tout entier était tenaillé par une quinte de toux.

Il sentit rapidement des mains rudes se saisir de lui et le trainer dehors, le pousser. Il tituba à travers le hall, et avec une dernière poussée, il fut jeté dans la fosse avec les victimes de la peste.

Godfrey était étendu sur les corps infectés, essayait de ne pas respirait trop fort, de détourner la tête, et de ne pas respirer la maladie de l’homme. Il pria Dieu pour ne pas l’attraper. Ce serait une longue nuit, d’être allongé là.

Mais il n’était plus gardé à présent. Et quand il ferait jour, il se lèverait.

Et il frapperait.




CHAPITRE HUIT


Thorgrin se sentit plonger vers le fond de l’océan, la pression s’accumulant dans ses oreilles tandis qu’il coulait dans les eaux glaciales, il avait l’impression d’être transpercé par des millions de dagues. Pourtant tandis qu’il s’enfonçait plus profondément, la plus étrange des choses se produisit : la lumière ne s’assombrit pas, mais se fit plus brillante. Alors qu’il battait des jambes et des bras, en train de couler, tiré vers le bas par le poids de la mer, il regarda vers le bas et fut surpris de voir, dans un nuage de lumière, la dernière personne qu’il s’attendait à voir là : sa mère. Elle lui sourit, la lumière si intense qu’il pouvait à peine voir son visage, et elle tendit les mains vers lui avec des bras aimants alors qu’il coulait, se dirigeant droit vers elle.

« Mon fils », dit-elle, la voix claire comme le cristal malgré les eaux. « Je suis là avec toi. Je t’aime. Ce n’est pas encore ton temps. Sois fort. Tu as passé le test, cependant il y en a encore plusieurs à venir. Fais face au monde et n’oublie jamais qui tu es. N’oublie jamais : ton pouvoir ne vient pas de tes armes, mais d’à l’intérieur de toi. »

Thorgrin ouvrit la bouche pour lui répondre, mais comme il le faisait, il se retrouva englouti par les eaux, déglutissant, et coulant.

Thor se réveilla en sursaut, regardant tout autour, se demandant où il était. Il sentit une matière rêche sur ses poignets et se rendit compte qu’il était ligoté, les mains dans le dos, contre un poteau de bois. Il parcourut la cale sombre du regard, sentit le roulis, et sut immédiatement qu’il était sur un navire. Il pouvait le dire par la manière dont son corps bougeait, par les rayons de lumière qui rentraient, par l’odeur moisie des hommes piégés sous le pont.

Thorgrin regarda autour de lui, aussitôt sur ses gardes, se sentant faible, et il essaya de se rappeler. La dernière chose dont il se souvenait était ce terrible orage, le naufrage, lui et ses hommes tombant du bateau. Il se souvint d’Ange, se souvint de l’agripper comme si sa vie en dépendait, et il se souvint de l’épée à sa ceinture, l’Épée de la Mort. Comment avait-il survécu ?

Thor regarda tout autour, se demandant comment il était en train de naviguer en mer, confus, à cherchant désespérément ses frères, Ange. Il se sentit soulagé en distinguant des formes dans l’obscurité, et les vits tous non loin, attachés avec des cordes aux poteaux : Reece et Selese, Elden et Indra, Matus, O’Connor, et à quelques mètres d’eux, Ange. Thor était ravi de voir qu’ils étaient en vie, même s’ils paraissaient épuisés, abattus par l’orage et les pirates.

Thor entendit des rires tapageurs, se disputant, s’encourageant, quelque part au-dessus, puis ce qui sonnait comme des explosions à ses oreilles tandis que des hommes tombaient les uns sur les autres sur le pont creux, et il se souvint : les pirates. Ces mercenaires qui avaient essayé de le couler dans la mer.

Il reconnaîtrait ce son n’importe où, celui d’individus rustres, en mer sans occupation, cruels – il en avait trop rencontré avant. Il réalisa, en chassant ses rêves, qu’il était leur prisonnier maintenant, et il lutta avec ses liens, tentant de se libérer.

Mais il ne le pouvait pas. Ses bras étaient bien attachés, tout comme l’étaient ses chevilles. Il n’irait nulle part.

Thorgrin ferma les yeux, essaya de faire appel au pouvoir au fond de lui, le pouvoir dont il savait qu’il pouvait déplacer des montagnes s’il le décidait.

Mais rien ne vint. Il était trop exténué par l’épreuve du naufrage, sa force était encore trop faible. Il savait de ses expériences passées qu’il avait besoin de temps pour récupérer. Du temps, il le savait, qu’il n’avait pas.

« Thorgrin ! » s’éleva une voix soulagée, transperçant l’obscurité. C’était une voix qu’il reconnut bien, et il jeta un coup d’œil pour voir Reece, attaché à quelques mètres de là, le dévisageant avec joie. « Tu es vivant ! » ajouta-t-il.

« Nous ne savions pas si tu t’en sortirais ! »

Thor se tourna pour voir O’Connor attaché de l’autre côté, également heureux.

« J’ai prié pour toi chaque minute », dit une voix douce et tendre dans l’obscurité.

Thor regarda à côté pour voir Ange, des larmes de joie dans les yeux, et il put sentit combien elle se souciait de lui.

« Tu lui dois la vie, tu sais », dit Indra. « Quand ils t’ont libéré, c’est elle qui a plongé et t’a ramené. Sans son courage tu ne serais pas assis ici maintenant. »

Thor dévisagea Ange avec un respect renouvelé, un nouveau sentiment de reconnaissance et de dévotion.

« Petite, je trouverais une manière de te rendre la pareille », lui dit-il.

« Tu l’as déjà fait », dit-elle, et il pouvait voir combien elle le pensait.

« Récompense là en nous sortant tous de là », dit Indra, qui luttait contre ses liens, irritée. « Ces parasites de pirates sont le pires du pire. Ils nous ont trouvé flottants en mer et nous ont attachés pendant que nous étions encore inconscients à cause de cet orage. S’ils nous avaient affrontés d’homme à homme, l’histoire aurait été bien différente. »

« Ce sont des lâches », dit Matus. « Comme tous les pirates. »

« Ils nous ont aussi dépouillés de nos armes », ajouta O’Connor.

Le cœur de Thor broncha en se souvenant soudain de ses armes, son armure, l’Épée de la Mort.

« Ne t’inquiète pas », dit Reece en voyant son visage. « Notre armement a passé l’orage – le tien inclut. Il n’est pas au fond de l’océan, au moins. Mais ces pirates l’ont. Tu vois là, à travers les lattes ? »

Thor regarda à travers les planches et vit, sur le pont, tout leur armement,  sous le soleil, les pirates massés autour. Il vit la hache de guerre d’Elden, l’arc doré d’O’Connor, la hallebarde de Reece, le fléau de Matus, la lance d’Indra, le sac de sable de Selese – et sa propre Épée de la Mort. Il vit les pirates, mains sur les hanches, regard baissé, qui les examinaient avec jubilation.

« Je n’ai jamais vu une épée comme ça », dit l’un d’eux à l’autre.

Thor rougit de rage en voyant le pirate poussa son épée avec le pied.

« On dirait qu’elle était à un Roi », dit l’autre en s’avançant.

« Je l’ai trouvée en premier, elle est à moi », dit le premier.

« Si tu me tues pour ça », dit l’autre.

Thor observa les hommes se saisir à bras-le-corps, puis entendit un fort bruit sourd alors qu’ils s’écrasaient tous deux sur le pont, luttant, les autres pirates huaient tout en les encerclant. Ils roulèrent dans tous les sens, se donnant des coups de poing et de coude ; les autres les encourageaient, puis finalement Thor vit du sang jaillir à travers les lattes, vit un pirate frapper du pied la tête de l’autre plusieurs fois.

Les autres poussèrent des hourras et s’en délectèrent.

Le pirate qui avait gagné, un homme sans chemise, avec un torse maigre et nerveux, et une longue cicatrice le long de la poitrine, se leva, haletant, et marcha vers l’Épée de la Mort. Pendant que Thor regardait, il se baissa, s’en saisit et la brandit victorieusement. Les autres applaudirent.

Thor trépignait à cette vue. Cette vermine, tenant son épée, une épée destinée à un Roi. Une épée pour laquelle il avait risqué sa vie, pour la gagner. Une épée qui lui avait été donné, et à nul autre.

Un cri soudain s’éleva, et Thor vit le visage du pirate brusquement grimacer de douleur. Il cria et jeta l’épée, comme s’il tenait un serpent ; Thor la vit voler dans les airs et atterrir sur le pont avec un bruit métallique et sourd.

« Elle m’a mordu ! » hurla le pirate aux autres. « Cette fichue épée a mordu ma main ! Regardez ! »

Il tendit la main et montra un doigt manquant. Thor jeta un regard à l’épée, dont la garde était visible à travers les planches, et vit de petites dents aiguisées dépassant d’un des visages qui y était gravé, du sang en coulait.

Les autres pirates se tournèrent et y jetèrent un coup d’œil.

« Elle est diabolique ! » hurla l’un.

« Je ne la touche pas ! » cria un autre.

« Peu importe », dit un, en tournant le dos. « Il y a assez d’autres armes parmi lesquelles choisir. »

« Et pour mon doigt ? » cria le pirate, souffrant le martyre.

Les autres pirates rirent, l’ignorèrent, et à la place se concentrèrent sur les autres armes, se disputant pour le butin pur eux-mêmes.

Thor reporta son attention sur son épée, la voyant maintenant là, si près de lui, juste de l’autre côté des lattes. Il essaya encore une fois, de toutes ses forces, de se libérer, mais ses liens ne voulaient pas céder. Ils avaient été bien attachés.

« Si nous pouvions seulement obtenir nos armes », dit Indra, bouillonnant de rage. « Je ne peux pas supporter la vue de leurs mains grasses sur ma lance. »

« Peut-être que je peux aider », dit Ange.

Thor et les autres se tournèrent vers elle, sceptiques.

« Ils ne m’ont pas ligotée comme vous », expliqua-t-elle. « Ils avaient peur de ma lèpre. Ils ont lié mes mains, mais ensuite ils ont abandonné. Vous voyez ? »

Ange se mit debout, leur montra ses poignets attachés dans son dos, mais ses pieds étaient libres de bouger.

« Cela ne nous aidera pas beaucoup », dit Indra. « Tu es toujours coincée ici en bas avec nous tous. »

Ange secoua la tête.

« Vous ne comprenez pas », dit-elle. Je suis plus petite que vous tous. Je peux glisser mon corps à travers ces planches. » Elle se tourna vers Thor. « Je peux atteindre ton épée. »

Il la dévisagea en retour, impressionné par son intrépidité.

« Tu es très hardie », dit-il. « J’admire cela en toi. Mais tu te mettrais en danger. S’ils t’attrapent là dehors, ils pourraient te tuer. »

« Ou pire », ajouta Selese.

Ange se retourna, fière, obstinée.

« Je mourrais dans tous les cas, Thorgrin », répondit Ange. « Je l’ai appris il y a longtemps. Ma vie m’a enseigné ça. Ma maladie me l’a enseigné. Mourir ne compte pas pour moi ; c’est seulement vivre qui importe. Et vivre libre, sans être entravée par les carcans des hommes. »

Thor la dévisagea, inspiré, stupéfait par sa sagesse à un si jeune âge. Elle en savait déjà plus sur la vie que la plupart des grands maîtres qu’il avait rencontrés.

Thor hocha solennellement la tête vers elle. Il pouvait voir l’esprit guerrier en elle, et il ne le briderait pas.

« Va alors », dit-il. « Sois rapide et discrète. Si tu vois un quelconque signe de danger, reviens vers nous. Je me soucie plus de toi que de cette épée. »

Ange s’illumina, encouragée. Elle pivota rapidement et se dépêcha à travers la cale, marchant étrangement avec les mains dans le dos, jusqu’à ce qu’elle atteigne les lattes. Elle s’agenouilla là, regardant à travers, en sueur, les yeux écarquillés de peur.

Finalement, voyant sa chance, Ange passa la tête dans le trou entre les planches, juste assez large pour la contenir. Elle se tortilla à travers, poussant avec les pieds.

Un instant après, elle disparut de la cale, et Thor put la voir, debout sur le pont. Le cœur battant, il priait pour qu’elle soit en sécurité, priait pour qu’elle puisse attraper son épée et revenir avant qu’il ne soit trop tard.

Ange se mit debout, s’accroupit et se hâta promptement vers l’épée ; elle tendit son pied nu, le plaça sur la garde, et la fit glisser.

L’épée fit un bruit fort en glissant sur le pont, vers la cale. Elle était à quelques dizaines de centimètres des planches, quand soudain une voix traversa les airs.

« Cette petite peste ! » cria un pirate.

Thor vit tous les pirates se tourner vers elle, puis courir dans sa direction.

Ange courut, essayant de revenir – mais ils la saisirent avant qu’elle ne puisse y parvenir. Ils l’agrippèrent et la relevèrent, et Thor put les voir la faire marcher vers le bastingage, comme s’ils s’apprêtaient à la jeter à l’eau.

Ange réussit à soulever brusquement son talon et un grognement s’éleva quand elle frappa droit dans l’entrejambe du pirate. Le pirate qui la tenait gémit et la lâcha, sans hésiter, Ange se précipita à travers le pont, atteignit l’épée, et lui donna un coup de pied.

Thor regarda, euphorique, l’épée passer entre les mailles du filet et atterrir dans la cale, juste à ses pieds, avec un claquement.

Un cri se fit entendre alors qu’un des pirates frappait Ange du revers. Les autres se saisirent d’elle et la ramenèrent vers le bastingage, se préparant à la jeter à la mer.

Thor, en sueur, qui craignait plus pour Ange que pour lui-même, baissa les yeux sur son épée et ressentit une connexion intense avec elle. Elle était si forte que Thor n’avait pas besoin d’utiliser ses pouvoirs magiques. Il lui parla, comme il le ferait avec un ami, et il la sentit à l’écoute.

« Viens à moi, mon amie. Défais mes liens. Soyons à nouveau ensemble. »

L’épée obéit à son appel. Elle s’éleva soudain dans les airs, flotta derrière son dos, et trancha ses cordes.

Thor pivota immédiatement, attrapa la garde au vol, et abattit l’épée, coupant les liens à ses chevilles.

Thor se tourna et se dirigea vers les lattes, leva le pied, et enfonça la porte de bois. Brisée, elle vola en éclats tandis qu’il jaillissait dans la lumière du soleil, libre, une épée à la main – et déterminé à secourir Ange.

Thor s’élança sur le pont et chargea les hommes tenant Ange, qui se tortillait dans leurs bras, la peur dans les yeux alors qu’ils atteignaient le bastingage.

« Lâchez-la ! » hurla Thor.

Thor se précipita vers elle, abattant les pirates qui l’approchaient de tous côtés, les tailladant à travers le torse avant même qu’ils puissent assener un coup – aucun d’eux ne pouvait rivaliser avec lui et l’Épée de la mort.

Il coupa à travers le groupe, écarta les deux derniers hommes de son chemin à coups de pied, puis tendit la main et agrippa l’arrière de la chemise du dernier pirate juste avant qu’il ne la laisse tomber. Il le tira sèchement vers lui, éloignant Ange du bord, puis lui tordit les deux bras pour qu’il la lâche. Elle atterrit en sécurité sur le pont.

Thor attrapa ensuite l’homme et le jeta violemment par-dessus bord. Il tomba dans les eaux glaciales en hurlant.

Thor entendit des bruits de pas et pivota pour voir des dizaines de pirates se ruant sur lui. Ce n’était pas un petit bateau, mais un énorme navire professionnel, aussi large que n’importe quel vaisseau de guerre, et il contenait au moins une centaine de pirates, tous endurcis, habitués à une vie passée à tuer en mer. Ils chargèrent tous, accueillant de toute évidence le combat à bras ouverts.

Les frères de Légion de Thor se déversèrent de la cale, chacun se précipitant en avant pour récupérer ses armes avant que les pirates ne puissent les atteindre. Elden bondit hors de la trajectoire d’un pirate tandis que celui-ci abattait une machette sur sa nuque, puis il l’agrippa et lui donne un coup de tête, lui brisant le nez. Il se saisit de la machette dans sa main et le coupa en deux. Puis il bondit sur sa hache de guerre.

Reece s’empara de sa hallebarde, O’Connor de son arc, Indra de sa lance, Matus de son fléau, et Selese de son sac de sable, pendant qu’Ange les dépassait comme une flèche, frappant un pirate au tibia avant qu’il ne puisse lancer une dague vers Thor. Le pirate cria, attrapa sa jambe, et la dague vola par-dessus bord.

Thor chargea en avant et bondit dans le groupe, donna un coup de pied dans le torse d’un pirate et en taillada un autre, puis pivota et entailla le bras d’un autre avant qu’il ne puisse abattre sa machette sur Reece. Un autre chargea et balança une massue vers sa tête, Thor se baissa et elle siffla tout près. Il se préparait à le poignarder, mais Reece s’avança et utilisa sa hallebarde pour le tuer.

O’Connor décocha deux flèches qui passèrent à toute vitesse près de Thor, qui se retourna et vit deux pirates, se ruant dans son dos, tomber morts. Il repéra un pirate qui s’élançait vers Ange, et Thor était sur le point de courir après lui quand O’Connor fit un pas en avant et lui mit une flèche dans le dos.

Thor entendit des bruits de pas et pivota pour voir un pirate se ruer dans le dos d’O’Connor avec une masse. Thor se jeta en avant et, sentant l’Épée de la Mort vibrer, coupa son épaisse masse en deux puis le poignarda au cœur avant qu’il ne puisse l’atteindre. Thor se retourna ensuite, donna un coup de pied dans les côtes d’un autre homme, et, l’Épée de la Mort montrant la voie, lui trancha la tête. Thor était ébahi. C’était comme si l’épée avait son propre cœur, obligeant Thor à faire ce qu’elle voulait.

Thor frappait furieusement dans toutes les directions, une dizaine d’hommes s’empilant devant lui, couvert de sang jusqu’aux coudes – quand soudain un pirate bondit par derrière et atterrit sur son dos. Le mercenaire brandit une dague, et l’abattit vers l’arrière de l’épaule de Thor ; il était trop près, et il était trop tard, pour que Thor réagisse.

Thor repéra un objet dans les airs, lancé vers lui, du coin de l’œil, et il sentit tout à coup l’homme desserrer sa prise et tomber sur le pont. Thor se tourna pour voir Ange debout là, elle avait juste jeté une pierre, et réalisa qu’elle était parfaitement entrée en collision avec la tempe de l’homme. Ce dernier se tortillait aux pieds de Thor, et il observa, stupéfait, Ange s’avancer, attraper un crochet sur le pont, le soulever, et l’empaler sur son torse. C’était le même crochet que les pirates avaient utilisé pour les prendre au piège dans leur filet en mer. La justice, réalisa Thor, avait bouclé la boucle.

Il n’avait pas idée qu’Ange ait ça en elle ; il vit la férocité dans ses yeux tandis qu’elle se tenait au-dessus de lui, il prit conscience qu’elle avait un véritable esprit guerrier, et qu’elle était bien plus complexe qu’il ne le savait.

Thor se tourna, se lança dans la mêlée, lui et ses hommes attaquèrent sans discontinuer, tous faisant équipe, comme ils l’avaient fait en tant d’endroits, une machine à tuer bien accordée, tous surveillants les arrières des uns les autres. Ils se battaient ensemble avec beauté, connaissant les rythmes de chacun. Alors qu’Elden maniait sa hache de guerre, Indra lançait sa lance, tuant ceux qu’il ne pouvait pas atteindre. Matus balançait son fléau, tuant deux pirates à la fois, pendant que Reece utilisait sa longue hallebarde pour tuer trois pirates avant qu’ils ne puissent toucher Selese. Et Selese, en retour, saupoudrait la poussière de son sac sur leurs plaies, guérissant toutes leurs blessures pendant qu’ils progressaient, et les maintenait forts.

Lentement le cours changea, tandis qu’ils abattaient un homme après l’autre. Les corps s’empilaient haut, et rapidement il ne resta plus qu’une douzaine d’entre eux.

Les yeux écarquillés de peur, les pirates restant, réalisant qu’ils ne pouvaient pas gagner, lâchèrent leurs dagues, machettes et hache puis levèrent les mains, terrifiés.

« Ne nous tuez pas ! » cria l’un, tremblant. « Nous ne voulions pas faire ça ! Nous avons juste suivi les autres ! »

« Je suis sûre que vous ne le vouliez pas », dit Elden.

« Ne vous inquiétez pas », dit Thor, « nous n’allons pas vous tuer. »

Thor rengaina son épée, fit un pas en avant, attrapa le pirate, le souleva au-dessus de sa tête, et le jeta par-dessus bord, dans la mer.

« Les poissons feront ça pour nous. »

Les autres se joignirent à lui, les conduisirent par-dessus bord avec leurs armes, dans la mer, et Thor observa la mer devenir rouge, des requins tourner et noyer les cris des pirates.

Thor se tourna vers les autres, qui le regardèrent en retour. Il pouvait voir dans leurs yeux qu’ils pensaient la même chose que lui : la victoire, la douce victoire, était à eux.




CHAPITRE NEUF


Erec se pencha par-dessus le bastingage et baissa les yeux, dans la lumière des torches, sur une mer recouverte de corps de l’Empire. Une dizaine de soldats flottaient, tous tués par Erec et ses hommes, tous poussés par-dessus bord, et tandis qu’il les regardait, lentement, un à la fois, couler.

Erec parcourut sa flotte du regard et vit ses hommes sur tous, désormais tous libres, grâce à Alistair qui avait brisé leurs liens. L’Empire avait été assez imprudent pour ne laisser qu’une dizaine de soldats pour garder chaque bateau, se pensant invincible. Ils avaient été largement surpassés, et une fois que les liens des hommes d’Erec avaient été tranchés, il avait été aisé de les tuer et de reprendre les navires. Ils avaient sous-estimé Alistair.

Ils n’avaient aucune raison de craindre un soulèvement, car ils avaient complètement encerclé les navires d’Erec. En effet, en levant les yeux Erec vit le blocus de l’Empire, avec leur millier de navires, était encore intact. Il n’y avait nulle part où ils puissent aller.

D’autres cors sonnèrent, plus de soldats de l’Empire poussèrent des cris dans la nuit, et Erec put voir les lanternes être allumées tout le long de la flotte. L’Empire, ce dragon endormi, se ralliait lentement. Bientôt ils enserreraient les hommes d’Erec comme un python et les étrangleraient à mort. Cette fois-ci, Erec en était certain, ils ne feraient montre d’aucune pitié.

Erec réfléchit rapidement. Il étudia les navires de l’Empire, à la recherche de n’importe quel point faible dans le blocus, un endroit avec moins de navires. Alors qu’il se tournait et regardait derrière lui, il remarqua un lieu où les navires étaient plus dispersés, espacés de peut-être vingt mètres. C’était le point le plus faible du cercle – toutefois, même ainsi, le blocus n’était guère faible. C’était la meilleure des pires options. Ils devaient s’y précipiter.

« PLEINES VOILES ! » s’écria Erec, et tandis qu’il se mettait précipitamment en action, ses ordres furent criés et résonnèrent le long de sa flotte.

Ils levèrent les voiles et commencèrent à ramer, Erec debout à la proue, son navire devant, sa flotte non loin derrière. Il regarda en avant, dirigeant son navire vers le point faible du blocus. Il espérait seulement qu’ils pourraient l’enfoncer assez rapidement, avant que tous les navires de l’Empire se rapprochent et resserrent leur position. Si seulement ils pouvaient passez à travers, alors ils auraient la haute mer devant eux. Il savait que l’Empire suivrait de près, et que ce serait plus probablement une poursuite qu’il ne pouvait pas gagner.

Malgré tout, il devait le tenter. Un plan, même téméraire, était mieux que de concéder la défaite et la mort.

« Pouvons-nous l’enfoncer ? » dit une voix.

Erec se tourna pour voir Strom venir à côté de lui, main sur son épée, encore rouge de sang là où il avait tué les soldats de l’Empire, scrutant la nuit.

Erec haussa les épaules.

« Avons-nous le choix ? » répondit-il.

Strom fixa l’horizon à côté de lui, inébranlable.

« Combien de temps avant qu’ils ne sachent que nous arrivons ? »

Ils reçurent leur réponse quand une flèche siffla dans les airs, passa tout juste Erec et Strom, et trouva sa cible avec un des hommes d’Erec, juste quelques mètres derrière eux. L’homme cria et tomba sur le dos, serrant la flèche dans son torse, la tirant des deux mains, tremblant au sol alors qu’il était en train de mourir.

Une autre flèche siffla dans les airs, puis une autre, et une autre. Ni lui ni Strom ne s’accroupirent, tous deux intrépidement debout, tenant leur position.

Erec regarda au loin et distingua des formes dans l’obscurité, vit les soldats de l’Empire viser, s’aligner, décochant des volées de flèches, et il sut que cela serait mauvais. Ils avaient encore une centaine de mètres à parcourir avec d’atteindre le blocus.

« Boucliers ! » s’écria Erec. « Rassemblez-vous ! Restez proches ! Homme à homme ! »

Les hommes d’Erec obéirent, se mirent en formation, levèrent leurs boucliers, et Erec, satisfait, fit de même, s’agenouillant à côté de Strom et des autres, et tint son bouclier au-dessus de sa tête.

Erec sentit trois flèches atterrir dessus avec trois bruits sourds, les vibrations firent vibrer son bras.

Des cris s’élevèrent dans la nuit, et Erec entendit un corps plonger dans l’eau ; il se tourna et son cœur se serra en voyant le commandant d’un de ses navires tomber par-dessus le bastingage. L’homme plongea dans l’eau, deux flèches dans la poitrine, et Erec put voir la peur dans les yeux de ses hommes tandis que le navire à côté de lui commençait à dévier. Erec savait que sans leur capitaine le navire ne suivrait pas, et il perdrait ses hommes. Un navire un commandant – en particulier maintenant.

« Strom ! » cria-t-il à son frère, affolé. « Peux-tu arriver à sauter si je m’approche assez ? »

Strom regarda son frère par-dessus son épaule puis vers le navire, et en un instant il comprit ce qu’Erec voulait. Il hocha de la tête avec assurance, et sans hésiter il courut au bastingage.





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L’ANNEAU DU SORCIER a tous les ingrédients pour un succès immédiat : intrigue, contre-intrigue, mystère, de vaillants chevaliers, des relations s’épanouissant remplies de cœurs brisés, tromperie et trahison. Cela vous tiendra en haleine pour des heures, et conviendra à tous les âges. Recommandé pour les bibliothèques de tous les lecteurs de fantasy. – Books AMD Movie Review, Roberto Mattos (à propos de La Quête des Héros) [Un ouvrage] de fantasy épique et distrayant. – Kirkus Reviews (à propos de La Quête des Héros) Les débuts de quelque chose de remarquable sont là. – San Francisco Book Review (à propos de La Quête des Héros) Dans UN REVE DE MORTELS, Thorgrin et ses frères luttent pour se libérer des pirates, et poursuivent leur recherche de Guwayne en mer. Tandis qu’ils rencontrent amis et ennemis, magie et armement, dragons et hommes, tous inattendus, cela changera le cours même de leur destin. Trouveront-ils enfin Guwayne ?Darius et ses amis survivent au massacre des leurs – mais seulement pour découvrir qu’ils sont captifs, jetés dans l’Arène de l’Empire. Enchaînés ensemble, faisant face à des adversaires inimaginables, leur seul espoir de survie et de se tenir et de se battre ensemble, comme des frères. Gwendolyn se réveille de son sommeil pour découvrir qu’elle et les autres ont survécu à leur périple à travers la Grande Désolation – et encore plus surprenant, qu’ils sont arrivés dans une terre au delà de leur plus rêves les plus fous. Alors qu’ils sont emmenés dans une nouvelle cour royale, les secrets que Gwendolyn apprend à propos de ses ancêtres et son propre peuple changeront son destin pour toujours. Erec et Alistair, toujours captifs en mer, luttent pour se libérer de l’emprise de la flotte de l’Empire dans une évasion de nuit intrépide et osée. Quand les chances semblent au plus basses, ils reçoivent une surprise inattendue qui pourrait leur donner une seconde chance pour obtenir la victoire – et une autre chance de continuer leur attaque au cœur de l’Empire. Godfrey et son équipe, emprisonnés encore une fois, qui doivent être exécutés, ont une dernière chance d’essayer de s’échapper. Après avoir été trahis, ils veulent plus que s’évader – ils veulent se venger. Volusia est encerclée de tous les côtés tandis qu’elle s’efforce de prendre et tenir la capitale de l’Empire – et elle devra faire appel à une magie plus puissante qu’elle n’ait jamais connu si elle veut se prouver qu’elle est une Déesse, et devenir Dirigeante Suprême de l’Empire. Une fois encore, le sort de l’Empire est en jeu. Avec un univers élaboré et des personnages sophistiqués, Une Terre de Feu est un récit épique d’amis et d’amants, de rivaux et de prétendants, de chevaliers et de dragons, d’intrigues et de machinations, de passage à l’âge adulte, de cœurs brisés, de déceptions, d’ambition et de trahisons. C’est une histoire d’honneur et de courage, de sort et de destinée, de sorcellerie. C’est un ouvrage de fantasy qui nous emmène dans un monde inoubliable, et qui plaira à tous. [Un livre de] fantasy entrainante… Seulement le commencement de ce qui promet d’être une série pour jeunes adultes épique. – Midwest Book Review (à propos de La Quête des Héros) Une lecture rapide et facile…vous devez lire ce qu’il arrive ensuite et vous ne voulez pas le reposer. – FantasyOnline. net (à propos de La Quête des Héros) Rempli d’action… L’écriture de Rice est respectable et la prémisse intrigante. – PublishersWeekly (à propos de La Quête des Héros)

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