Книга - Une Loi de Reines

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Une Loi de Reines
Morgan Rice


L'anneau Du Sorcier #13
L’ANNEAU DU SORCIER a tous les ingrédients pour un succès immédiat : intrigue, contre-intrigue, mystère, de vaillants chevaliers, des relations s’épanouissant remplies de cœurs brisés, tromperie et trahison. Cela vous tiendra en haleine pour des heures, et conviendra à tous les âges. Recommandé pour les bibliothèques de tous les lecteurs de fantasy. Books and Movie Review, Roberto MattosUNE LOI DE REINES est le tome 13 de la série à succès l’Anneau du Sorcier, qui commence avec LA QUETE DES HEROS (Tome 1) . Dans LOI DE REINES, Gwendolyn mène le reste de sa nation en exil, tandis qu’ils voguent vers les ports hostiles de l’Empire. Recueillis par le peuple de Sandara, ils essaient de se rétablir en se tenant cachés, de construire un nouveau foyer dans l’ombre de Volusia. Thor, déterminé à secourir Guwayne, poursuit sa quête avec ses frères de la Légion, loin à travers la mer, vers les grottes gigantesques qui annoncent le Pays des Esprits, rencontrant des monstres impensables et des paysages exotiques. Dans les Îles Méridionales, Alistair se sacrifie pour Erec – et pourtant un rebondissement inattendu pourrait justement les sauver tous les deux. Darius risque tout pour sauver l’amour de sa vie, Loti, même s’il doit faire face à l’Empire seul. Mais son conflit avec l’Empire, découvrira-t-il, n’est que le début. Et Volusia poursuit son ascension, après le meurtre de Romulus, pour consolider son emprise sur l’Empire et devenir la Reine impitoyable qu’elle est censée être. Gwen et son peuple survivront-ils ? Guwayne sera-t-il trouvé ? Alistair et Erec vont-ils vivre ? Darius sauvera-t-il Loti ? Thorgrin et ses frères en réchapperont-ils ?Avec un univers élaboré et des personnages sophistiqués, Une Terre de Feu est un récit épique d’amis et d’amants, de rivaux et de prétendants, de chevaliers et de dragons, d’intrigues et de machinations, de passage à l’âge adulte, de cœurs brisés, de déceptions, d’ambition et de trahisons. C’est une histoire d’honneur et de courage, de sort et de destinée, de sorcellerie. C’est un ouvrage de fantasy qui nous emmène dans un monde inoubliable, et qui plaira à tous. Cela a attiré mon attention dès le début et ne l’a pas lâchée… Cette histoire est une aventure extraordinaire au rythme effréné et rempli d’action dès le début. On ne s’ennuie pas un instant. Paranormal Romance Guild {à propos de Mémoires d’un Vampire}





Morgan Rice

Une Loi De Reines (Tome 13 De L’anneau Du Sorcier)




À propos de Morgan Rice

Morgan Rice est l'auteur de best-sellers n°1 de USA Today et l’auteur de la série d’épopées fantastiques L’ANNEAU DU SORCIER, comprenant dix-sept tomes; de la série à succès SOUVENIRS D'UNE VAMPIRE, comprenant douze tomes; de la série à succès LA TRILOGIE DES RESCAPÉS, thriller post-apocalyptique comprenant deux tomes (jusqu'à maintenant); et de la série de fantaisie épique ROIS ET SORCIERS, comprenant six tomes. Les livres de Morgan sont disponibles en format audio et papier et ont été traduits dans plus de 25 langues.

La nouvelle série d’épopées fantastiques de Morgan, DE COURONNES ET DE GLOIRE, sortira en avril 2016. Elle commencera par le tome n°1 : ESCLAVE, GUERRIERE, REINE.

Morgan adore recevoir de vos nouvelles, donc, n'hésitez pas à visiter www.morganricebooks.com (http://www.morganricebooks.com/) pour vous inscrire sur la liste de distribution, recevoir un livre gratuit, recevoir des cadeaux gratuits, télécharger l'appli gratuite, lire les dernières nouvelles exclusives, vous connecter à Facebook et à Twitter, et rester en contact !



Quelques acclamations pour l’œuvre de Morgan Rice

« L'ANNEAU DU SORCIER a tous les ingrédients d'un succès immédiat : des intrigues, des contre-intrigues, du mystère, de vaillants chevaliers et des relations qui s’épanouissent entre les cœurs brisés, les tromperies et les trahisons. Ce roman vous occupera pendant des heures et satisfera toutes les tranches d'âge. À ajouter de façon permanente à la bibliothèque de tout bon lecteur de fantasy. »



    —Books and Movie Reviews, Roberto Mattos

« [Une] épopée de fantasy passionnante. »



    —Kirkus Reviews

« Les prémices de quelque chose de remarquable … »



    —San Francisco Book Review

« Bourré d'action… L'écriture de Rice est consistante et le monde intrigant. »



    —Publishers Weekly

« Une épopée inspirée… Et ce n'est que le début de ce qui promet d'être une série épique pour jeunes adultes. »



    —Midwest Book Review



Livres de Morgan Rice

DE COURONNES ET DE GLOIRE

ESCLAVE, GUERRIERE, REINE (Tome n°1)



ROIS ET SORCIERS

LE RÉVEIL DES DRAGONS (Tome n°1)

LE RÉVEIL DU VAILLANT (Tome n°2)

LE POIDS DE L'HONNEUR (Tome n°3)

UNE FORGE DE BRAVOURE (Tome n°4)

UN ROYAUME D'OMBRES (Tome n°5)

LA NUIT DES BRAVES (Tome n°6)



L'ANNEAU DU SORCIER

LA QUÊTE DES HÉROS (Tome 1)

LA MARCHE DES ROIS (Tome 2)

LE DESTIN DES DRAGONS (Tome 3)

UN CRI D'HONNEUR (Tome 4)

UNE PROMESSE DE GLOIRE (Tome 5)

UN PRIX DE COURAGE (Tome 6)

UN RITE D'ÉPÉES (Tome 7)

UNE CONCESSION D'ARMES (Tome 8)

UN CIEL DE SORTILÈGES (Tome 9)

UNE MER DE BOUCLIERS (Tome 10)

UN RÈGNE D'ACIER (Tome 11)

UNE TERRE DE FEU (Tome 12)

UNE LOI DE REINES (Tome 13)

UN SERMENT FRATERNEL (Tome 14)

UN RÊVE DE MORTELS (Tome 15)

UNE JOUTE DE CHEVALIERS (Tome 16)

LE DON DE BATAILLE (Tome 17)



TRILOGIE DES RESCAPÉS

ARÈNE UN: SLAVERSUNNERS (Tome n°1)

ARÈNE DEUX (Tome n°2)



SOUVENIRS D'UNE VAMPIRE

TRANSFORMÉE (Tome n°1)

AIMÉE (Tome n°2)

TRAHIE (Tome n°3)

PRÉDESTINÉE (Tome n°4)

DÉSIRÉE (Tome n°5)

FIANCÉE (Tome n°6)

VOUÉE (Tome n°7)

TROUVÉE (Tome n°8)

RENÉE (Tome n°9)

ARDEMMENT DÉSIRÉE (Tome n°10)

SOUMISE AU DESTIN (Tome n°11)

OBSESSION (Tome n°12)












Écoutez L’ANNEAU DU SORCIER en format audio !


Copyright © 2014 par Morgan Rice

Tous droits réservés. Sauf dérogations autorisées par la Loi des États-Unis sur le droit d'auteur de 1976, aucune partie de cette publication ne peut être reproduite, distribuée ou transmise sous quelque forme que ce soit ou par quelque moyen que ce soit, ou stockée dans une base de données ou système de récupération, sans l'autorisation préalable de l'auteur.

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Il s'agit d'une œuvre de fiction. Les noms, les personnages, les entreprises, les organisations, les lieux, les événements et les incidents sont le fruit de l'imagination de l'auteur ou sont utilisés dans un but fictionnel. Toute ressemblance avec des personnes réelles, vivantes ou mortes, n'est que pure coïncidence.

Image de couverture : Copyright Slava Gerj, utilisée en vertu d'une licence accordée par Shutterstock.com.










CHAPITRE UN


La tête de Thorgrin s'écrasa dans la boue et les rochers, alors qu'il dégringolait de la falaise, soufflé sur plusieurs centaines de mètres par le glissement de terrain. Son monde fit plusieurs fois le tour de lui-même pendant qu'il tentait de s'arrêter, de s'orienter – en vain. Du coin de l’œil, il vit également ses frères tomber cul par-dessus tête, leurs doigts cherchant une prise entre les racines, les cailloux – n'importe quoi –, dans l'espoir de ralentir leur chute.

Thor réalisait chaque seconde un peu plus que sa chute l'emportait loin du cratère et loin de Guwayne. Toutes ses pensées étaient tournées vers les sauvages, là-haut, qui s'apprêtaient à sacrifier son bébé. Cette perspective le faisait trembler de rage. Il griffait la boue, désespéré, fébrile, pressé de trouver le moyen de remonter.

Ses efforts ne menaient à rien. Thor y voyait à peine, respirait à peine, pouvait à peine se protéger des coups, alors qu'une montagne de poussière menaçait de le recouvrir. C'était comme si le poids de tout l'univers s'abattait sur ses épaules.

Tout allait beaucoup trop vite. Quand Thor aperçut un champ hérissé de caillasse en contrebas, il comprit que la chute allait tous les tuer.

Thor ferma les yeux et tâcha de rappeler son entraînement à sa mémoire, les enseignements de Argon, les mots de sa mère. Il tâcha de trouver le calme dans la tempête, de rassembler le pouvoir enfoui au fond de lui. Il eut l'impression que sa vie défilait devant ses yeux. Était-ce, enfin, l’épreuve finale ?

S'il vous plaît, mon Dieu, pria Thor, si vous existez, sauvez-moi. Ne me laissez pas mourir comme ça. Permettez-moi d'user de mon pouvoir. Donnez-moi la force de sauver mon enfant.

En répétant cette prière dans sa tête, Thor eut l'impression qu'on le mettait à l'épreuve, qu'on le forçait à confier sa vie à sa foi, une foi plus grande que jamais. Sa mère l'en avait averti : il était un guerrier à présent et on lui faisait passer l'épreuve du guerrier.

Quand il ferma les yeux, il sentit le monde ralentir autour de lui. À son grand étonnement, il sentit le calme l'envahir. Le calme au milieu de la tempête. Il sentit une étrange chaleur monter en lui, pulser dans ses veines, dans les paumes de ses mains. Il se sentit grandir jusqu'à dépasser les limites imposées par son corps.

Il eut l'impression de quitter son corps, de se regarder en train de dégringoler la falaise. Il comprit qu'il n'était plus dans son corps. Il est devenu quelque chose de plus grand.

Thor ouvrit brusquement les yeux et leva les paumes de ses mains vers le ciel. Une lumière blanche en jaillit. Thor la sculpta pour former une bulle protectrice autour de lui-même et de ses compagnons. Cela ralentit leur chute et l'avalanche de poussière se mit à rebondir sur ce bouclier magique.

Ils ne s'arrêtèrent pas pour autant de glisser, mais à une vitesse beaucoup moins grande, jusqu'à atterrir en pente douce sur un petit plateau en contrebas. En baissant les yeux, il vit qu'ils se trouvaient à présent dans une mare peu profonde. Ils avaient de l'eau jusqu’aux genoux.

Thor leva de grands yeux émerveillés vers la montagne. Le mur de poussière qui avait menacé de les engloutir restait suspendu dans les airs, comme prêt à tomber, mais bloqué dans sa chute par la bulle de lumière. Thor resta bouche bée devant son exploit.

– Quelqu'un est mort ? s'écria O'Connor.

Thor vit que Reece, O'Connor, Conven, Matus, Elden et Indra, secoués par leur chute et endoloris, se relevaient lentement, tous en vie par miracle et sans blessures d'importance. Noirs de poussière comme s'ils sortaient d'une mine, ils s'essuyèrent la figure. Thor comprit aux expressions sur leurs visages qu'ils se réjouissaient d'en réchapper et qu'ils étaient reconnaissants envers Thor.

Brusquement traversé par le souvenir de ce qui avait provoqué tout cela, Thor leva les yeux vers la montagne. Son fils se trouvait toujours là-haut.

– Comment va-t-on faire pour remonter…? commença Matus.

Avant même qu'il ne termine sa phrase, Thor sentit quelque chose s'enrouler autour de sa cheville. Il baissa les yeux, en sursautant, et vit qu'une créature épaisse, allongée et musculeuse se refermait sur son mollet. À la grande horreur de Thor, c'était une immense créature semblable à une anguille, munie de deux petites têtes qui faisaient darder leurs longues langues dans sa direction. Son contact commençait à brûler la peau de Thor.

Les réflexes de Thor se réveillèrent. Il tira son épée et l'abattit sur son assaillante, bientôt imité par les autres, attaqués également. Thor tâcha de contrôler ses gestes afin de ne pas se blesser. Il finit par trancher une des têtes de la créature qui relâcha son étreinte en poussant un cri strident. L'anguille siffla avant de battre en retraite.

O'Connor lutta pour dégager son arc. Il tira une flèche mais manqua son coup, tandis que Elden tentait de repousser trois anguilles à la fois.

Thor se précipita et tua celle qui grimpait sur la jambe de O'Connor. Indra hurla à Elden de ne pas bouger.

Elle leva son arc et tira trois projectiles avec une précision et une rapidité mortelles, en effleurant à peine la peau de Elden.

Il lui jeta un regard choqué.

– Tu es folle ? cria-t-il. Tu as failli m'estropier !

Indra se contenta de sourire.

– Mais je ne t'ai pas estropié, non ? répondit-elle.

L'eau se mit à bouillonner autour d'eux et, à la grande horreur de Thor, plusieurs douzaines d'anguilles supplémentaires apparurent. Il comprit qu'ils devaient agir s'ils voulaient s'en sortir.

Il était épuisé, vidé de toute énergie, et il savait qu'il ne lui en restait plus beaucoup. Il n'était pas encore assez puissant pour se servir de son pouvoir en continu. Mais il était obligé d'en user encore une fois, quel qu'en soit le prix. S'il ne le faisait pas, ils mourraient dans ce vivier et Thor ne reverrait plus jamais son fils. Peut-être que son geste l'affaiblirait, peut-être qu'il serait épuisé pendant des jours, mais cela n'avait pas d'importance. Il pensa à Guwayne, tout seul, là-haut, à la merci de ces sauvages. Il sut qu'il ferait n'importe quoi pour lui.

Alors qu'un groupe d'anguilles ondulaient dans leur direction, Thor ferma les yeux et leva les paumes vers le ciel.

– Au nom du seul et unique Dieu, dit Thor à voix haute. Je te commande, ciel, de t'ouvrir ! Je te commande de nous envoyer des nuages pour nous emporter !

Thor souffla ces mots d'une voix grave et profonde, enfin prêt à assumer son statut de Druide. Il sentit ces paroles vibrer dans sa poitrine et dans les airs. Une chaleur formidable l'envahit et il sut avec certitude que son commandement serait entendu.

Un grondement se fit entendre et Thor, en levant les yeux, vit que le ciel changeait de couleur et prenait une teinte pourpre, vit que les nuages se mettaient à tourbillonner. Un grand trou apparut, une ouverture dans les cieux. Soudain, une lumière écarlate descendit vers le groupe.

Quelques secondes plus tard, Thor et ses compagnons se retrouvèrent happés par une tornade. Thor sentit sur sa peau la moiteur des nuages qui tourbillonnaient autour de lui. Il sentit la lumière le submerger. Il sentit que la tornade le soulevait, l’emportait dans les airs. Il eut l’impression d’être plus léger, de ne faire qu’un avec l’univers.

Emportés par le vent, ils s’élevèrent tous ensemble en suivant la pente de la montagne. Ils dépassèrent l’avalanche de poussière et le bouclier de lumière conjuré par Thor. Le nuage les emporta jusqu’au sommet du volcan et les déposa en douceur par terre, avant de se dissiper immédiatement.

Thor croisa les regards émerveillés de ses frères d’armes. Ils le contemplaient comme on contemple un Dieu

Mais Thor ne pensait pas à eux. Il fit volte-face et balaya du regard le plateau. Il n’avait qu’une seule chose en tête : les trois sauvages qui se tenaient devant lui. Et le petit couffin dans leurs bras, qui menaçait de basculer dans le cratère.

Thor poussa un cri de guerre et s’élança. Le sauvage le plus proche se retourna vers lui, en sursaut. Thor n’hésita pas un instant : il le décapita.

Les deux autres se retournèrent d’un air horrifié. Thor poignarda le premier en plein cœur, puis envoya le pommeau de son épée dans la tête du second, qui bascula par-dessus l’arête du cratère.

Thor lui arracha vivement le couffin des mains, avant qu’il ne tombe. Le cœur battant, reconnaissant envers les dieux d’avoir pu le sauver, prêt à soulever Guwayne dans ses bras, Thor baissa les yeux vers le couffin.

Son monde s’écroula.

Il était vide.

Thor resta pétrifié, engourdi.

Il baissa les yeux vers le cratère, vers les gerbes enflammées qui s’élevaient à gros bouillons. Il sut que son fils était mort.

– NON ! hurla-t-il.

Thor tomba à genoux, en hurlant. Son cri de bête blessé, le cri d’un père qui vient de perdre tout ce qu’il avait de plus cher, se répercuta sur les parois de la falaise.

– GUWAYNE !




CHAPITRE DEUX


Loin au-dessus de l’île perdue au milieu de l’océan volait un dragon solitaire, un petit dragon, encore jeune, et dont les cris perçants laissaient deviner quelle bête formidable il deviendrait. Il volait d'un air triomphal, plus gros et plus grand à chaque seconde, ses ailes déployées, ses serres refermées sur ce qu'il avait de plus cher et de plus précieux.

Il baissa les yeux vers le paquet emmailloté qu'il tenait entre ses griffes. Il entendit un vagissement, sentit le paquet bouger et fut soulagé de constater que le bébé était toujours en vie.

Guwayne, l'avait appelé l'homme.

Le dragon pouvait encore entendre les cris se répercuter sur la montagne alors qu'il s'envolait. Il se réjouissait d'avoir sauvé l'enfant à temps, avant que ces hommes ne puissent abattre leurs couteaux. Il avait arraché Guwayne d'entre leurs griffes. Il avait accompli la tâche qu'on lui avait confiée.

Le dragon perça les nuages, en s'éloignant de l'île, toujours plus loin, toujours plus haut, hors de la vue des humains. Il survola l'île, les volcans et les chaînes de montagnes, à travers la brume.

Bientôt, il laissa l'île derrière lui et une vaste étendue bleue, où se rejoignaient l’océan et le ciel, s'ouvrit devant lui. À des lieues à la ronde, rien ne venait briser la monotonie du paysage.

Le dragon savait exactement où aller. Il devait emmener l'enfant quelque part, cet enfant qu'il aimait déjà plus que tout au monde.

Dans un endroit très spécial.




CHAPITRE TROIS


Volusia toisait le cadavre de Romulus étendu à ses pieds, avec une grande satisfaction. Son sang, encore chaud, coulait entre ses orteils – elle portait des sandales. Elle se délectait de son triomphe. Combien d’hommes avait-elle tués par surprise, malgré son jeune âge ? Elle ne s’en rappelait même pas. Ils la sous-estimaient à chaque fois et leur montrer à quel point elle pouvait se montrer brutale était un des grands plaisirs de sa vie.

Et maintenant, elle avait tué le Grand Romulus lui-même – de sa propre main, et non en envoyant un de ses hommes. Le Grand Romulus, l’homme des légendes, le guerrier qui avait tué Andronicus et lui avait volé son trône. Le Souverain Suprême de l’Empire.

Volusia sourit avec délectation. Ce souverain suprême n’était plus qu’une mare de sang entre ses orteils. Les orteils de Volusia, la femme qui l’avait tué.

Un feu et une puissance nouvelle pulsaient maintenant dans les veines de Volusia – un feu qui pourrait tout détruire sur son passage. Sa destinée l’attendait. Son heure était venue. Elle sut qu’elle règnerait un jour sur l’Empire, tout comme elle avait su qu’elle tuerait sa mère de ses propres mains.

– Vous avez tué notre maître ! s’écria une voix tremblante. Vous avez tué le Grand Romulus !

Volusia se tourna vers le commandant de Romulus, qui le contemplait avec un mélange de stupéfaction, de peur et d’émerveillement.

– Vous avez tué, dit-il d’un air abattu, l’Homme Qui Ne Peut Être Tué.

Volusia lui renvoya un regard froid et dur. Derrière lui, les soldats de Romulus se rassemblaient par centaines, tous sanglés dans leurs armures luisantes, alignés sur le navire, dans l’attente d’une réaction de la part de Volusia. Ils étaient prêts à se battre. Ils attendaient les ordres de leur commandant.

Volusia savait que, derrière elle, ses milliers d’hommes attendaient également les ordres. Le navire de Romulus, quoique magnifique, ne faisait pas le poids. Les hommes de Romulus étaient encerclés, pris au piège. C’était ici le territoire de Volusia et tous le savaient. Toute attaque et toute fuite auraient été futiles.

– Je ne peux pas ignorer ce geste, poursuivit le commandant. Un million d’hommes fidèles à Romulus se trouvent en ce moment dans l’Anneau. Et un million de plus dans le sud, dans la capitale impériale. Quand le monde apprendra ce que vous avez fait, ils se mobiliseront et viendront. Vous avez peut-être tué le Grand Romulus, mais vous n’avez pas tué ses hommes. Et votre troupe, même si elle nous est supérieure en nombre aujourd’hui, ne résistera pas devant des millions. Ils crieront vengeance. Ils l’obtiendront.

– Vraiment ? dit Volusia en souriant et en s’approchant d’un pas.

Elle s’imagina en train d’ouvrir la gorge de son interlocuteur et se réjouit d’avance.

Le commandant baissa les yeux vers la lame que Volusia tenait encore entre ses mains, celle qui avait tué Romulus. Il avala sa salive avec difficulté, comme s’il lisait dans ses pensées. La peur envahit son regard.

– Laissez-nous partir, lui dit-il. Laissez mes hommes s’en aller. Ils ne vous ont rien fait. Donnez-nous un navire plein d’or et nous tiendrons notre langue. Je me rendrai à la capitale en leur compagnie et nous leur dirons que vous êtes innocente. Nous dirons que Romulus a essayé de vous attaquer. Ils vous laisseront tranquille et vous resterez en paix. Ils trouveront un autre Commandant Suprême.

Le sourire de Volusia s’élargit.

– Mais votre nouveau Commandant Suprême n’est-il pas devant vous ? demanda-t-elle.

Le commandant lui adressa un regard stupéfait, avant d’éclater d’un rire moqueur.

– Vous ? dit-il. Vous n’êtes qu’une gamine et vos milliers d’hommes n’y changent rien. Parce que vous avez tué un homme, vous pensez vraiment pouvoir écraser l’armée de Romulus ? Vous auriez de la chance d’en réchapper, après ce que vous avez fait. Je vous fais une offre sérieuse. Arrêtons de discutailler. Acceptez ma proposition avec gratitude et laissez-nous partir, avant que je ne change d’avis.

– Et si je n’ai pas l’intention de vous laisser repartir ?

Le commandant croisa son regard et avala sa salive.

– Vous pouvez tous nous tuer, dit-il. C’est votre choix. Mais ce serait signer votre arrêt de mort. L’armée vous écraserait.

– Il dit la vérité, commandante, murmura une voix à l’oreille de Volusia.

Elle se tourna vers Soku, son commandant général, un homme de haute taille, aux yeux verts, à la mâchoire volontaire et aux cheveux roux, courts et bouclés.

– Renvoyez-les, dit-il. Donnez-leur l’or. Vous avez tué Romulus. Vous devez leur proposer une trêve. Nous n’avons pas le choix.

Volusia se tourna vers l’homme de Romulus. Elle le détailla du regard, en savourant l’instant.

– Je vais faire ce que tu me demandes, dit-elle, et te renvoyer dans ta chère capitale.

Le commandant sourit, satisfait. Il était sur le point de partir quand Volusia fit un pas en avant et ajouta :

– Mais pas pour cacher ce que j’ai fait, dit-elle.

Il s’arrêta brusquement et lui jeta un regard confus.

– Je vais t’envoyer à la capitale pour délivrer mon message : que je suis le nouveau Commandant Suprême de l’Empire. Que je leur laisserai la vie sauve s’ils me prêtent allégeance.

Le commandant resta bouche bée, puis secoua lentement la tête en souriant.

– Vous êtes aussi folle que votre mère, dit-il.

Il tourna les talons et remonta la passerelle qui menait jusqu’au pont supérieur.

– Chargez l’or dans les cales, ordonna-t-il, sans prendre la peine de la regarder dans les yeux.

Volusia se tourna vers le commandant des archers, qui attendait patiemment ses ordres. Elle lui adressa un bref hochement de tête.

Le commandant fit signe à ses hommes et, soudain, dix mille flèches enflammées fusèrent.

Elles emplirent le ciel, en décrivant un arc, avant de s’abattre sur le navire de Romulus. Tout se passa si vite que les hommes n’eurent pas le temps de réagir. Bientôt, le vaisseau prit feu, les matelots se mirent à hurler, surtout leur commandant. Plusieurs tentèrent d’étouffer les flammes.

En vain. Volusia hocha à nouveau les têtes et plusieurs volées de flèches rejoignirent les précédentes, engloutissant le navire sous les flammes. Percés de projectiles, des soldats poussèrent des cris. D’autres dégringolèrent par-dessus le bastingage. C’était un massacre. Il n’y aurait pas de survivants.

Volusia resta debout, souriante, pendant que le vaisseau brûlait lentement de la coque jusqu’au mât. Bientôt, il ne resta plus que coquille noircie.

Les hommes de Volusia gardèrent le silence, patients, dans l’attente de ses ordres.

Volusia tira son épée et trancha la corde qui retenait le navire au port. Elle le poussa ensuite du bout du pied.

Le navire parti à la dérive, emporté par le courant qui le conduirait vers le sud, vers la capitale. Tous sauraient en voyant ce navire calciné, le corps de Romulus, les flèches volusiennes qu’elle était responsable du massacre. Ils sauraient qu’elle leur avait déclaré la guerre.

Volusia se tourna vers Soku, qui restait bouche bée. Elle sourit.

– Et voilà, dit-elle, comment je propose la paix.




CHAPITRE QUATRE


Gwendolyn s’agenouilla sur le pont, agrippée au bastingage. Elle rassembla ses forces pour se redresser et regarder vers l’horizon. Tout son corps tremblait, affaibli par la faim. Debout, elle eut un vertige. Elle fit un dernier effort pour admirer la vue qui s’étendait devant ses yeux.

Gwendolyn plissa les paupières pour voir à travers la brume. Elle se demanda si ce qu’elle voyait n’était qu’un mirage.

Là, à l’horizon, s’étendait un rivage interminable. Au milieu, un port battait comme un cœur, encadré par des piliers dorés étincelants, qui s’élevaient vers le ciel. Sous les rayons mouvants du soleil, les piliers et la ville prenaient une teinte jaune-vert. Les nuages se déplaçaient rapidement par ici, constata Gwen. Cela voulait-il dire que le ciel était différent dans cette partie du monde ? Ou n’était-ce là qu’une hallucination provoquée par la faim ?

Un millier de fiers vaisseaux se dressaient sur les flots, devant le port. Gwen n’avait jamais vu de mâts aussi hauts et tous étaient plaqués d’or. C’était probablement la ville la plus prospère et la plus riche que Gwen ait jamais vue. Construite sur le rivage, elle s’étendait aussi loin que portait le regard, balayée seulement par les vagues. À côté d’elle, la Cour du Roi aurait eu l’air d’un village. Gwen n’aurait jamais cru que tant de bâtiments pouvaient s’élever au même endroit. Quel peuple vivait ici ? Ce devait être une grande nation, songea-t-elle. La nation de l’Empire.

Gwen réalisa avec horreur que les courants l’emportaient là-bas. Bientôt, le navire serait comme aspiré par le vaste port, parmi ces nombreux vaisseaux. Gwen serait faite prisonnière – peut-être même tuée. Elle songea à la cruauté de Andronicus, à la cruauté de Romulus… Ce devait être un comportement normal au sein de l’Empire. Peut-être aurait-il mieux valu mourir en mer.

Un bruit de pas se fit entendre sur le pont. Elle tourna la tête et vit Sandara, affaiblie elle aussi par la faim, mais bien décidée à se tenir droite et fière. Elle tenait dans les mains une grande relique dorée, en forme de cornes de taureau. Sous les yeux de Gwen, elle fit jouer les rayons du soleil sur les cornes, pour envoyer un signal sur la côte. Cependant, Sandara ne dirigeait pas la lumière vers la ville, mais plus loin vers le nord, vers ce qui semblait être un bosquet d’arbres.

Les paupières de Gwen étaient si lourdes qu’elles commençaient à se fermer, alors qu’elle luttait pour ne pas s’évanouir. Elle se sentit glisser vers le pont, envahie par des images. Elle n’était plus sûre de distinguer la réalité des hallucinations causées par la faim. Elle crut voir des canots, une douzaine environ, émerger de la jungle et voguer en direction du navire. Elle fut surprise de constater qu’ils n’appartenaient pas à la race de l’Empire : ce n’étaient pas des guerriers à la peau rouge et munis de cornes. Il s’agissait d’hommes et de femmes musclés, à la peau chocolat et aux yeux jaunes, pleins d’intelligence et de compassion. Gwen vit que Sandara les regardait venir comme on attend des amis. Elle comprit qu’il s’agissait de son peuple.

Un bruit sourd heurta le navire. Ils venaient de lancer des grappins accrochés à des cordes. Lentement, le navire changea de direction, emporté par les canots loin du port et de la ville impériale. Gwen comprit que le peuple de Sandara était venu les aider, venu guider leur vaisseau loin de l’Empire.

Ils partaient vers le nord, vers la jungle, vers un abri. Gwen ferma les yeux, envahie par le soulagement.

Gwen rouvrit les yeux. De faiblesse, elle s’était à moitié couchée sur le bastingage, le visage tourné vers les canots. Submergée par la fatigue, Gwendolyn sentit qu’elle se penchait trop. Elle perdait l’équilibre. Elle allait basculer par-dessus bord. Prise de panique, elle agrippa plus fermement le bastingage, mais c’était trop tard.

Son cœur battit la chamade. Après toutes les épreuves qu’elle avait traversées, fallait-il donc qu’elle meure de cette façon ? Noyée dans l’océan si près du rivage ?

Un grognement retentit et, soudain, des mâchoires se refermèrent sur l’ourlet de sa chemise, avant de la tirer vers l’arrière. Elle atterrit sur le pont avec un bruit sourd, sauvée juste à temps.

En ouvrant les yeux, elle vit Krohn se pencher vers elle et son cœur battit plus vite dans sa poitrine. Il était en vie ! Quelle joie de le revoir… Il était bien plus maigre que la dernière fois qu’elle l’avait vu. Dans le chaos, elle l’avait perdu de vue. La dernière fois qu’elle l’avait vu, il avait filé se cacher dans la cale pendant une tempête particulièrement mauvaise. Il avait dû s’affamer pour que d’autres puissent manger. C’était Krohn. Si altruiste. Et maintenant qu’ils s’apprêtaient à toucher terre, il refaisait surface.

Krohn gémit et lui lécha la figure. Gwen l’enlaça avec les dernières bribes de son énergie. Elle s’étendit. Krohn se blottit à ses côtés, la tête posée sur sa poitrine, aussi près que possible comme s’il ne restait aucun autre endroit au monde.


*

Gwendolyn sentit un liquide sucré et froid chatouiller ses lèvres, sa langue, ses joues et son cou. Elle ouvrit la bouche et but à grandes gorgées. Elle avait l’impression de s’éveiller d’un rêve.

Gwen ouvrit les yeux, en buvant avec avidité. Des visages inconnus étaient penchés vers elle. Elle but jusqu’à s’étouffer et recracher.

Quelqu’un l’aida à se relever et lui tapota gentiment le dos, quand elle fut prise d’une quinte de toux.

– Shhh, dit une voix. Bois doucement.

C’était une voix douce, la voix d’un guérisseur. Gwen leva les yeux et croisa le regard d’un vieil homme au visage parcheminé, les rides étirées autour d’un sourire.

Des douzaines de visages inconnus cernaient Gwen de tous côtés. Le peuple de Sandara. Ils l’observaient avec bienveillance, en silence, comme on contemple un objet de curiosité. Submergée par la soif et la faim, Gwen tendit les bras comme une hystérique et saisit l’outre, avant de verser avidement le liquide dans sa bouche. Elle but comme si c’était la dernière fois.

– Plus lentement, dit la voix de l’homme. Ou bien tu vas te rendre malade.

Des douzaines de guerriers étaient montés à bord du vaisseau. Parmi eux se trouvait le peuple de Gwen, les survivants de l’Anneau, qui émergeaient un par un des cabines. Certains étaient étendus, d’autres agenouillés ou assis, en compagnie des amis de Sandara qui leur donnaient à boire. Illepra se trouvait au milieu d’eux et tenait dans ses bras le bébé que Gwen avait sauvé dans les Isles Boréales. Elle lui donnait à manger. Gwen fut soulagée de l’entendre pleurer. Elle l’avait donné à Illepra quand elle était devenue trop faible pour le tenir. La voir lui faisait penser à Guwayne. Gwen ferait tout ce qui était en son pouvoir pour sauver cette petite fille.

Gwen retrouvait ses forces de minute en minute. Elle s’assit sur son séant et but encore un peu de liquide en se demandant ce que c’était. Elle ressentit envers ce peuple un élan de reconnaissance. Ils leur avaient sauvé la vie.

Un gémissement se fit entendre à côté de Gwen. Krohn était resté étendu là, la tête sur les genoux de Gwen. Elle le fit boire et il lapa avec gratitude, pendant qu’elle lui caressait la tête avec tendresse. Elle lui devait la vie, une fois encore. Et l’avoir auprès d’elle lui faisait penser à Thor.

Gwen leva les yeux vers le peuple de Sandara. Comment les remercier ?

– Vous nous avez sauvés, dit-elle. Nous vous devons la vie.

Elle se tourna vers Sandara qui s’approchait. Cette dernière secoua la tête.

– Mon peuple ne croit pas aux dettes d’honneur dit-elle. Ils pensent que c’est déjà un honneur de sauver une personne dans la détresse.

La foule s’écarta pour céder le passage à un homme aux traits sévères, sans doute leur chef. Il devait avoir une cinquantaine d’années. Il avait des lèvres fines et les mâchoires serrées. Il s’accroupit à côté de Gwen. Elle remarqua qu’il portait autour du cou un collier de turquoise et de nacre qui reflétait les rayons du soleil. Il inclina la tête, en la couvant d’un regard compatissant.

– Je me nomme Bokbu, dit-il d’une voix profonde et autoritaire. Nous avons répondu à l’appel de Sandara, car c’est une des nôtres. Nous avons pris un risque pour sauver vos vies. Si l’Empire découvre votre présence, ils nous tueront tous.

Bokbu se dressa, poings sur les hanches, et Gwen se leva à son tour avec l’aide de Sandara et du guérisseur, pour lui faire face. Bokbu soupira en balayant le navire du regard, comme désespéré devant l’état pitoyable de l’embarcation.

– Maintenant qu’ils vont mieux, ils doivent partir, dit une voix.

Gwen se tourna vers l’homme qui avait parlé, un guerrier musclé, torse nu, armé d’un javelot. Il s’approcha de Bokbu en lui jetant un regard froid.

– Renvoie ces étrangers de l’autre côté de la mer, ajouta-t-il. Pourquoi devrions-nous faire couler notre sang pour eux ?

– Je suis de votre sang, dit Sandara en faisant un pas en avant et en toisant le guerrier du regard.

– Et c’est pour ça que tu nous as amené ces gens. Tu nous mets tous en danger, répliqua-t-il d’un ton sec.

– Tu couvres notre peuple de honte, dit Sandara. As-tu oublié les lois de l’hospitalité ?

– Tu n’aurais jamais dû nous les amener. C’est toi qui nous couvres de honte.

Bokbu leva les mains pour les séparer et les faire taire.

Il resta longtemps inexpressif, plongé dans ses pensées. Gwendolyn réalisa qu’elle et ses compagnons se trouvaient dans une situation précaire. Repartir en mer les mènerait à la mort. Cependant, elle ne voulait pas non plus mettre en danger le peuple qui l’avait secouru.

– Nous ne vous voulons aucun mal, dit-elle en se tournant vers Bokbu. Je n’ai pas envie de vous mettre en danger. Nous pouvons repartir.

Bokbu secoua la tête.

– Non, dit-il.

Il dévisagea Gwen avec ce qui semblait être de l’incompréhension.

– Pourquoi avez-vous guidé votre peuple jusqu’ici ?

Gwen soupira.

– Nous avons fui devant une grande armée, dit-elle. Ils ont détruit notre patrie. Nous sommes partis à la recherche d’un autre foyer.

– Vous êtes au mauvais endroit, dit le guerrier. Ici, ce ne peut être votre foyer.

– Silence ! s’écria Bokbu en lui adressant un regard sévère.

Il se tourna vers Gwendolyn et plongea son regard dans le sien.

– Vous êtes une femme noble et fière, dit-il. Je vois bien que vous êtes une souveraine née. Vous avez guidé votre peuple jusqu’ici. Si vous repartez, vous mourrez. Peut-être pas aujourd’hui, mais dans quelques jours.

Gwendolyn lui renvoya son regard.

– Alors nous mourrons, répondit-elle. Je ne laisserai pas votre peuple mourir pour que nous puissions vivre.

Elle soutint son regard, le visage inexpressif, rendue plus téméraire par sa noblesse et sa fierté. Elle vit que Bokbu la dévisageait avec un respect renouvelé. Un silence tendu s’installa.

– Le sang des guerriers coule dans vos veines, dit-il. Vous resterez avec nous. Votre peuple retrouvera ses forces, peu importe le temps que cela prendra.

– Mais, chef…, commença le guerrier.

Bokbu lui adressa un regard sévère.

– Ma décision est prise.

– Mais leur vaisseau ! protesta-t-il. S’il reste dans le port, l’Empire le verra. Nous mourrons avant que la lune ne décroisse !

Le chef leva les yeux vers le mât, balaya le navire du regard, pour évaluer la situation. Gwen vit alors qu’ils avaient dissimulé le navire dans un port secret, caché par la jungle. Devant eux s’ouvrait la pleine mer. L’homme avait raison.

Le chef hocha la tête.

– Vous voulez sauver votre peuple ? demanda-t-il.

Gwen hocha la tête d’un air assuré.

– Oui.

Il hocha la tête à son tour.

– Les chefs sont toujours contraints de prendre des décisions difficiles, dit-il. Maintenant, c’est votre tour. Vous pouvez rester avec nous, mais votre navire nous tuerait tous. Nous vous invitons sur la terre ferme, mais votre navire ne peut pas rester. Vous allez devoir le brûler. C’est à cette condition que nous accepterons votre séjour parmi nous.

Le cœur de Gwen manqua un battement. Elle balaya du regard le navire qui les avait emportés jusqu’ici et qui lui avait permis de sauver son peuple. Des émotions contradictoires la traversèrent. Ce navire était leur seul moyen de repartir.

Mais vers où ? Vers l’océan, un voyage interminable qui se terminerait dans la mort ? Son peuple pouvait à peine marcher. Ils avaient besoin de repos. Ils avaient besoin d’un refuge. S’il fallait pour cela brûler le navire, très bien. Ils pourraient toujours en trouver un autre, ou en construire un autre, s’ils décidaient de reprendre la mer. Ils trouveraient un moyen. Pour le moment, le plus important était de survivre. C’était tout ce qui importait.

Gwendolyn hocha gravement la tête.

– Qu’il en soit ainsi, dit-elle.

Bokbu hocha la tête avec respect. Il donna les ordres par-dessus son épaule et ses hommes s’exécutèrent. Ils se déployèrent autour du navire pour aider les membres de l’équipage à descendre sur la plage. Gwen attendit de voir passer devant elle tous ceux qu’elle aimait : Godfrey, Kendrick, Brandt, Atme, Aberthol, Illepra, Sandara…

Elle attendit que la dernière personne descende et demeura seule sur le pont, en compagnie de Krohn et du chef.

Bokbu tenait dans sa main une torche enflammée, que venait de lui donner l’un de ses hommes. Il approcha les flammes du bateau.

– Non, dit Gwen en lui saisissant le poignet.

Il lui adressa un regard surpris.

– Un souverain doit détruire ce qui est à lui, dit-elle.

Elle lui prit maladroitement la torche des mains et, en chassant une larme, l’approcha des voiles.

Les flammes se répandirent comme une traînée de poudre, jusqu’à submerger le navire.

Gwen lâcha la torche, balayée par une vague de chaleur. Elle fit volte-face et, Krohn et Bokbu sur ses talons, descendit le long de la passerelle, en direction de la plage, de son nouveau foyer, le dernier endroit qui leur restait en ce monde.

Des bruits étranges d’animaux et d’oiseaux se faisaient entendre. Gwen put seulement se demander :

Serons-nous jamais à la maison ici ?




CHAPITRE CINQ


Alistair était agenouillée sur la pierre et le froid faisait trembler ses genoux. Elle leva les yeux vers les premières lueurs de l’aube qui perçaient au-dessus des Isles Méridionales, illuminant les montagnes et les vallées. Ses mains tremblaient, enchaînées au billot. Elle posa son cou là où bien d’autres avaient perdu leurs têtes. Des traces de sang maculaient le bois. Ça et là, des échardes laissaient deviner l’endroit où les haches s’étaient abattues. En posant la joue contre le billot, elle devina la tragique énergie du bois, devina les émotions, les sentiments de tous ceux qui étaient passés par là avant elle. Son cœur se serra.

Alistair leva fièrement les yeux vers le ciel, pour regarder une dernière fois le soleil perçant l’aube. Plus jamais elle n’aurait l’occasion de le contempler. Le spectacle semblait soudain plus précieux et plus beau que jamais auparavant. Une brise balayait le petit matin. Les Isles Méridionales étaient probablement le plus bel endroit qu’elle ait jamais vu : les arbres se paraient ici de gerbes de fleurs oranges, rouges, roses et mauves et certains arboraient déjà des fruits ronds. Des oiseaux violets, de grosses abeilles butinaient ça et là, en suivant la délicieuse fragrance des fleurs. La brume jetait sur la scène un voile mystérieux. Alistair n’avait jamais ressenti un attachement si fort à un pays. C’était un pays où elle aurait été heureuse de vivre pour toujours.

Des bruits de bottes frappant la pierre se firent entendre. Bowyer s’approchait. Il la toisa, armé de son énorme hache à deux lames, et fronça les sourcils.

Derrière lui, Alistair aperçut les insulaires, par centaines, bien alignés, fidèles à Bowyer. Ils formaient un large cercle autour d’elle, dans cette grande place. Ils restaient cependant à distance : personne ne voulait recevoir accidentellement une gerbe de sang.

Bowyer retournait nerveusement la hache entre ses mains, visiblement pressé de faire ce qu’il avait à faire. L’expression de son regard laissait entendre combien il voulait devenir Roi.

Alistair se satisfaisait d’une chose : quoique injuste, son sacrifice permettrait à Erec d’avoir la vie sauve. C’était plus important pour elle que tout le reste.

Bowyer se pencha et murmura à son oreille, assez bas pour que nul autre ne puisse l’entendre :

– Sois certaine que tu mourras rapidement, dit-il en soufflant son haleine fétide sur Alistair. Tout comme Erec.

Alistair leva vers lui un regard alarmé et décontenancé.

Il sourit – d’un petit sourire qui n’était réservé qu’à Alistair.

– Tu m’as bien entendu, murmura-t-il. Ce ne sera peut-être pas aujourd’hui, peut-être pas dans quelques lunes. Mais, un jour, quand il s’y attendra le moins, ton mari recevra mon couteau dans le dos. Je veux que tu le saches, avant que je ne t’envoie en enfer.

Bowyer fit quelques pas vers l’arrière pour prendre son élan, en resserrant sa prise sur le manche de sa hache. Il fit craquer les os de sa nuque, prêt à abattre sa lame.

Le cœur de Alistair se mit à battre à tout rompre contre sa poitrine. Elle réalisait enfin combien cet homme était malveillant. Il n’était pas seulement ambitieux, il était également un lâche et un menteur.

– Libèrez-la ! cria soudain une voix qui perça le silence matinal.

Alistair tourna la tête. Au milieu du chaos, elle vit émerger de la foule deux silhouettes, avant que les gardes de Bowyer ne les arrêtent avec leurs sales pattes. Au grand soulagement de Alistair, c’étaient la mère et la sœur de Erec. Elles semblaient hors d’elles.

– Elle est innocente ! s’écria la mère de Erec. Tu ne dois pas la tuer !

– Vous tueriez une pauvre femme !? renchérit Dauphine. C’est une étrangère. Laissez-la partir. Renvoyez-la d’où elle vient. Nous n’avons pas besoin de la mêler à nos histoires.

Bowyer lui répondit d’une voix tonnante :

– Une étrangère qui conspirait pour devenir notre Reine. Pour tuer notre précédent Roi.

– Menteur ! cria la mère de Erec. Vous n’avez pas voulu boire dans la fontaine de vérité !

Bowyer balaya du regard les visages dans la foule.

– Y a-t-il ici quelqu’un qui souhaite me contredire ? hurla-t-il en les toisant d’un air de défi.

Alistair leva des yeux pleins d’espoir, mais, l’un après l’autre, tous ces braves guerriers de la tribu de Bowyer baissèrent la tête. Personne ne voulait l’affronter en combat singulier.

– Je suis votre champion ! tonna Bowyer. J’ai vaincu tous mes adversaires le jour du tournoi. Aucun d’entre vous ne peut me battre. Personne. S’il y en a un, qu’il s’avance.

– Personne, sauf Erec ! s’écria Dauphine.

Bowyer lui adressa un regard noir.

– Et où est-il en ce moment ? Il est mourant. Nous, les Insulaires Méridionaux, nous n’accepterons pas qu’un estropié soit notre Roi. Je suis votre Roi. Je suis votre champion. Selon les lois de ce pays, car le père de mon père était Roi avant le père de Erec.

La mère de Erec et Dauphine s’élancèrent pour l’arrêter, mais les hommes de Bowyer les en empêchèrent. Alistair aperçut derrière elles le frère de Erec, Strom, les mains nouées dans le dos. Il luttait pour se libérer, mais en vain.

– Tu payeras pour cet affront, Bowyer ! s’exclama-t-il.

Bowyer l’ignora. Il se tourna vers Alistair et elle vit à l’expression de son regard qu’il était bien décidé à l’exécuter. Son heure était venue.

– Le temps peut être dangereux pour ceux qui usent de tromperie, lui dit-elle.

Il fronça les sourcils. Apparemment, elle avait touché un nerf sensible.

– Ces mots seront tes derniers mots.

Bowyer brandit sa hache au-dessus de sa tête.

Alistair ferma les yeux. Dans un instant, elle quitterait ce monde.

Les yeux fermés, elle eut l’impression que les secondes ralentissaient. Des images lui apparurent. Sa première rencontre avec Erec, dans le château du Duc, quand ils se trouvaient encore dans l’Anneau. Elle n’avait été alors qu’une simple servante. Elle était tombée amoureuse de lui dès le premier regard. Au moment de quitter ce monde, elle sentit son amour pour lui la réchauffer – un amour qui n’en finissait pas de brûler dans son cœur. Elle vit également son frère, Thorgrin. Pour une raison ou pour une autre, il ne se trouvait pas dans l’Anneau, à la Cour du Roi, mais dans une terre lointaine, en exil. Surtout, elle vit sa mère, qui se tenait au sommet d’une falaise, devant son château perché par-dessus l’océan. Elle tendait les bras vers sa fille et lui souriait tendrement.

– Ma fille, dit-elle.

– Mère, dit Alistair. Je viens vous rejoindre.

Mais, à sa grande surprise, sa mère secoua lentement la tête.

– Ton heure n’est pas encore venue, dit-elle. Ta destinée sur cette terre n’est pas encore terminée. Une vie de grandeur t’attend.

– Mais comment, Mère ? demanda-t-elle. Comment puis-je survivre ?

– Tu es plus grande que cette terre, répondit sa mère. Cette lame, ce métal de mort, appartient à cette terre. Ces menottes appartiennent à cette terre. Ce sont des barrières qui ne te concernent pas, ou seulement si tu penses qu’elles peuvent t’enfermer. Tu es esprit et lumière et énergie. C’est là que réside ton véritable pouvoir. Tu es au-dessus de tout cela. Tu peux te libérer des contraintes physiques. Ton problème, ce n’est pas l’absence de force, mais l’absence de foi. La foi en tes capacités. Ta foi est-elle assez grande ?

Agenouillée, tremblante, les yeux fermés, Alistair retourna dans sa tête la question de sa mère.

Ta foi est-elle assez grande ?

Alistair s’abandonna, oublia les menottes qui emprisonnaient ses poignets, se laissa glisser entre les bras de la foi. Elle se détacha des contraintes physiques de cette planète et plaça sa foi dans le pouvoir suprême, le pouvoir qui régnait sur toute chose en ce monde. Le pouvoir qui avait créé ce monde. Le pouvoir qui avait créé tout cela. C’était le pouvoir auquel elle devait aspirer.

En une fraction de seconde à peine, Alistair sentit une chaleur l’envahir soudainement. Elle se sentit invincible, plus grande que tout. Elle sentit des flammes brûler sous les paumes de ses mains, prêtes à jaillir, sentit son esprit bouillonner, sentit une chaleur sous son front, entre ses deux yeux. Elle eut l’impression d’être plus puissante que toute chose en ce monde, plus forte que les chaînes qui la retenaient prisonnière, plus forte que toute chose matérielle.

Alistair ouvrit les yeux et le temps reprit son cours. Elle vit que Bowyer abattait sa hache, sourcils froncés.

D’un geste vif, Alistair se retourna et leva les bras. Cette fois, ses menottes se brisèrent comme des brindilles. D’un même mouvement, elle se redressa, leva sa main pour arrêter Bowyer. Il se passa alors une chose extraordinaire : la hache disparut. Elle tomba en poussière sur le sol.

Déséquilibré, Bowyer tomba à genoux.

Alistair fit volte-face. Ses yeux trouvèrent une épée de l’autre côté de la clairière, à la ceinture d’un guerrier. Elle leva la main et commanda à l’arme de venir à elle. L’épée s’envola de son fourreau et fila jusqu’à son bras tendu.

D’un même mouvement, Alistair s’en saisit, tourna sur elle-même et abattit sa lame sur le cou exposé de Bowyer.

La foule poussa un cri d’effroi quand l’épée se fraya un chemin à travers les chairs et les os. Décapité, le corps de Bowyer bascula, sans vie.

Il demeura étendu là où, quelques secondes auparavant, il avait voulu exécuter Alistair.

Un cri retentit parmi la foule. Dauphine se libéra de l’étreinte du soldat, saisit la dague à sa ceinture et l’égorgea. Elle trancha vivement les liens qui retenaient les poignets de Strom. Celui-ci vola à son tour l’épée d’un autre soldat et tua coup sur coup trois des hommes de Bowyer avant qu’ils n’aient eu le temps de réagir.

Bowyer mort, il y eut un instant de flottement. Personne ne savait comment réagir. Des cris s’élevèrent : ceux qui s’étaient alliés à Bowyer à contrecoeur avaient enfin le courage de se rebeller. Ils étaient prêts à changer de camp, sans doute motivés par l’apparition subite de plusieurs douzaines d’hommes fidèles à Erec.

Bientôt, la bataille tourna en leur faveur. Des alliances se reformèrent. Les hommes de Bowyer, pris par surprise, tournèrent les talons et prirent la fuite à travers le plateau. Strom et ses compagnons les poursuivirent.

Alistair demeura seule, l’épée à la main, devant la campagne par-dessus laquelle s’élevaient les cris et les sonneries de cors. L’île entière semblait se jeter dans la bataille. Le petit matin s’emplit du fracas des armures et des cris d’agonie. Alistair sut qu’une guerre civile venait d’éclater.

Alistair leva son épée vers le ciel et le soleil fit miroiter la lame. Elle avait été sauvée par la grâce de Dieu. Elle se sentit renaître, plus puissante que jamais. Sa destinée l’appelait. Elle était sereine : les hommes de Bowyer mourraient, elle en était certaine. Justice serait faite. Erec reviendrait. Ils se marieraient. Elle deviendrait Reine des Isles Méridionales.




CHAPITRE SIX


Darius descendait en courant la route poussiéreuse qui reliait son petit village à Volusia, bien décidé à sauver Loti et a tué les hommes qui l’avaient emportée. Il avait une épée à la main – une véritable épée, faite de véritable métal. C’était la première fois qu’il voyait du métal. L’acier était interdit. En posséder était passible de mort. Même son père et le père de son père auraient eu peur d’en posséder. Darius savait qu’il ne pouvait plus revenir en arrière.

Cela n’avait pas d’importance. L’injustice de son existence avait assez duré. Loti partie, il ne voulait rien de plus que la retrouver. Il avait à peine eu le temps de la connaître, mais elle était pourtant devenue ce qu’il avait de plus cher. Il voulait bien être réduit en esclavage, mais pas elle – c’était trop. Il ne pouvait pas la laisser partir : un homme ne l’aurait pas fait. Bien sûr, il n’était encore qu’un garçon, mais il était sur le point de devenir un homme. Et c’étaient ces décisions, celles que personne ne voulait prendre, qui lui permettraient de devenir un homme.

Darius galopait, la vue troublée par la sueur, le souffle court, prêt à affronter une ville et son armée. Il n’avait pas d’autre choix. Il fallait qu’il trouve Loti et qu’il la ramène à la maison, ou bien qu’il meure en essayant. Bien sûr, s’il échouait – ou même s’il réussissait, la vengeance retomberait sur sa famille et son peuple… Mais il ne pouvait pas penser à cela, pas maintenant, au risque de changer d’avis.

Ce qui le motivait, c’était quelque chose de plus grand que lui-même, de plus grand que sa famille, de plus grand que son peuple. C’était le désir de justice. De liberté. Le désir de repousser le tyran et de briser ses chaînes, ne serait-ce que pour un instant. Peut-être pas pour lui-même, mais alors pour Loti. Pour sa liberté à elle.

C’était la passion qui motivait Darius, pas la raison. L’amour de sa vie se trouvait là-bas et il avait assez souffert aux mains de l’Empire. Peu importaient les conséquences. Il fallait qu’il leur montre qu’un homme au sein de ce peuple, même s’il n’était qu’un garçon, refusait d’endurer cette humiliation.

Darius courait, courait, courait. Ses foulées trouvaient naturellement leur chemin dans ces champs familiers qui poussaient à la lisière du territoire volusien. S’ils découvraient qu’il s’était approché si près de chez eux, ils le tueraient. Il suivait leurs traces, de plus en plus vite. Ils avaient dû commencer à ralentir, car les traces de leurs pas étaient de plus en plus rapprochées. S’il allait assez vite, il finirait par les rattraper.

Darius contourna la colline, à bout de souffle. Enfin, au loin, il vit ce qu’il cherchait : à une centaine de mètres se trouvait Loti, enchaînée par le cou au harnais noir d’un zerta sur lequel chevauchait le maître d’œuvre de l’Empire, celui qui l’avait enlevée. Deux soldats marchaient à ses côtés. Ils portaient l’armure sombre et dorée de l’Empire, illuminés par le soleil. Ces formidables guerriers faisaient presque deux fois la taille de Darius et ils étaient lourdement armés. Il aurait fallu un bataillon d’esclaves pour les renverser.

Mais Darius ne se laissa pas abattre. Tout ce dont il avait besoin, c’était de sa détermination et de son esprit combatif. Il trouverait un moyen.

Darius se remit à courir, à la poursuite de la caravane. Bientôt, il les rattrapa, se porta à la hauteur de Loti et leva son épée. Quand elle tourna vers lui des yeux effarés, il abattit sa lame sur la chaîne qui la retenait prisonnière.

Loti poussa un cri et bondit quand Darius la libéra. Elle resta bouche bée, libre, le collier métallique encore autour du cou.

Darius se retourna vers le maître d’œuvre et vit qu’il le dévisageait avec la même stupéfaction. Les soldats s’arrêtèrent, tous deux abasourdis.

Les mains tremblantes, Darius leva son épée devant lui, bien décidé à ne pas montrer sa peur, debout entre eux et Loti.

– Elle ne vous appartient pas ! cria-t-il d’une voix mal assurée. C’est une femme libre. Nous sommes tous libres !

Les soldats échangèrent un regard avec le maître d’œuvre.

– Mon garçon, dit-il à Darius, tu viens de commettre la plus grande erreur de ta vie.

Il adressa un signe à ses hommes et ceux-ci chargèrent Darius.

Darius ne recula pas d’un pas, sa main tremblante toujours refermée sur la poignée de son épée. Il sentit que ses ancêtres le regardaient. Il sentit que tous les esclaves tués jusqu’à ce jour étaient là pour l’aider et le soutenir. Une grande chaleur le submergea.

Le pouvoir de Darius crépitait en lui, comme impatient de servir. Mais Darius ne le laisserait pas faire. Il voulait un combat d’homme à homme, les battre à leur propre jeu comme l’aurait fait un homme, appliquer l’entraînement de ses frères d’armes. Il se battrait avec une arme de métal et tuerait ses ennemis selon ses propres termes. Il avait toujours été plus rapide que les autres. Même des garçons plus grands et armés d’épées en bois ne faisaient pas le poids contre lui. Il se prépara.

– Loti ! s’écria-t-il sans se retourner. COURS ! Retourne au village.

– NON ! hurla-t-elle en retour.

Darius sut qu’il devait faire quelque chose. Il ne pouvait pas attendre qu’ils l’atteignent. Il devait les prendre par surprise, faire quelque chose auquel ils ne s’attendraient pas.

Darius chargea à son tour. Il prit pour cible l’un des deux soldats et courut dans sa direction. Ils se rencontrèrent à mi-chemin, au milieu de la clairière. Darius poussa un féroce cri de guerre. Le soldat abattit son épée, mais Darius leva la sienne et bloqua son coup. Des étincelles volèrent. C’était la première fois que Darius voyait l’acier rencontrer l’acier. La lame était plus lourde qu’il ne l’avait cru, et le coup du soldat était plus violent. Il sentit la vibration remonter le long de son bras, de son coude, jusque dans son épaule. La sensation le prit par surprise.

Le soldat se jeta sur le côté pour frapper Darius au flanc, mais celui-ci para à nouveau son attaque. Cela n’avait rien à voir avec une bagarre entre frères, comme Darius en avait connues. Il avait l’impression de se déplacer très lentement. Son arme était trop lourde. Il n’était pas habitué. Son adversaire semblait se déplacer deux fois plus vite que lui.

L’homme abattit à nouveau sa lame et Darius comprit qu’il ne pourrait jamais lui rendre coup pour coup. Il allait devoir utiliser ses propres talents.

Il s’écarta, évitant le coup au lieu de le bloquer, puis jeta son coude dans la gorge du soldat. Un geste parfait. L’homme tituba, plié en deux, en portant les mains à son cou. Darius brandit son épée et abattit le pommeau dans le dos exposé de son assaillant qui roula dans la poussière.

Au même instant, le deuxième soldat chargea. Darius tourna sur lui-même tout en levant son épée et bloqua un formidable coup de lame qui menaçait de le décapiter. Le soldat ne ralentit pas et repoussa violemment Darius.

Quand l’homme s’écrasa sur sa poitrine, tous deux roulèrent en soulevant un nuage de poussière. Le soldat lâcha son épée et tendit les mains pour arracher les yeux de Darius avec les ongles.

Celui-ci eut à peine le temps de l’attraper par les poignets pour le tenir à distance. Il n’allait pas tenir longtemps. Il fallait qu’il fasse quelque chose, et vite.

Darius leva un genou et parvint à rouler au-dessus de son assaillant. D’un même mouvement, il saisit une dague qu’il avait repérée à la ceinture du soldat, la brandit au-dessus de sa tête et plongea la lame jusqu’à la garde dans la poitrine de son assaillant.

L’homme poussa un cri déchirant, pendant que Darius, allongé sur lui, le regardait mourir sous ses yeux. Choqué. Pétrifié. C’était la première fois qu’il tuait un homme. Quelle sensation étrange… Il se sentait à la fois victorieux et triste.

Un cri retentit dans son dos et Darius se retourna brusquement. L’autre soldat, celui qu’il s’était contenté d’assommer, venait de se relever. Il brandit son épée, prêt à décapiter Darius.

Celui-ci évita le coup à la dernière seconde et le soldat, déséquilibré, tituba.

Darius ramassa la dague là où il l’avait laissée, dans la poitrine de l’autre soldat, et se retourna. Alors que son assaillant chargeait à nouveau, il prit son élan et lança le couteau de toutes ses forces.

La lame tourna sur elle-même longtemps, avant de se planter dans le cœur de soldat, à travers son armure. L’acier impérial, qui n’avait pas d’égal dans ce monde, venait de se retourner contre ses créateurs. Peut-être, songea Darius, qu’ils auraient dû fabriquer des armes moins létales.

Le soldat tomba à genoux, les yeux exorbités, puis bascula sur le côté, mort.

Un grand cri retentit à nouveau derrière lui. En faisant volte-face, Darius vit que le maître d’œuvre mettait pied à terre. Le regard noir, il tirait son épée, prêt à se jeter sur Darius.

– Je te tuerai moi-même ! dit-il. Et non seulement je te tuerai, je te torturerai également, toi et ta famille et tout ton village, le plus lentement possible !

Il s’élança.

Il était clair que le maître d’œuvre était un meilleur guerrier que ses gardes du corps : il était plus grand, plus large d’épaules, mieux protégé par une armure solide. C’était sans doute le plus grand guerrier que Darius aurait pu affronter. Si Darius ressentit de la peur à l’idée de lui faire face, il refusa de le montrer. Il était bien décidé à se battre malgré sa peur. Il ne se laisserait pas intimidé. Ce n’était qu’un homme, songea-t-il. Et tous les hommes peuvent tomber.

Tous les hommes peuvent tomber.

Il leva son épée alors que le maître d’œuvre fondait sur lui en brandissant à deux mains son épée, sur laquelle se reflétaient les rayons du soleil. Darius fit un pas de côté et para le coup. L’homme attaqua à nouveau.

Gauche et droite, gauche et droite, le soldat abattit son épée et Darius bloqua les coups, un par un, les oreilles pleines du fracas métallique, les yeux presque aveuglés par les étincelles. L’homme le poussa à reculer, lentement, de plus en plus, et Darius dut faire appel à toute sa force pour bloquer les coups. Le maître d’œuvre était fort et vif. Darius voulait seulement rester en vie.

Il para un coup un peu trop lentement et poussa un cri de douleur quand l’épée de son assaillant ouvrit enfin une entaille dans son biceps. Ce n’était qu’une blessure superficielle, mais elle était douloureuse. Darius sentit son sang couler, les premières gouttes de son sang perdues dans la bataille. Il resta un instant pétrifié.

C’était une erreur et le maître d’œuvre profita de son hésitation pour lui envoyer une gifle d’un revers de mains. Heurté de plein fouet par son gantelet, Darius tituba, sonné. Il se jura de ne plus se laisser surprendre par une blessure.

Quand le goût du sang emplit sa bouche, la fureur s’empara de lui. Le maître d’œuvre, qui chargeait à nouveau, était peut-être grand et fort mais, cette fois, Darius ne se laissa pas intimider. Il avait reçu ses premières blessures, mais elles n’étaient pas si graves. Il tenait encore debout. Il était en vie.

Cela voulait dire qu’il pouvait se battre. Il pouvait rendre les coups. Recevoir une blessure n’était pas si terrible qu’il l’avait cru. Il était peut-être plus petit, moins expérimenté, mais il était aussi vif que son assaillant – et peut-être même tout aussi dangereux.

Darius poussa un cri rauque et plongea en avant, prêt à se jeter dans la bataille au lieu d’esquiver les coups. Il n’avait plus peur d’être blessé. Darius leva son épée et l’abattit sur son adversaire. L’homme para le coup, mais Darius revint à la charge, encore, et encore, et encore, poussant le maître d’œuvre à reculer.

Il se battit pour survivre, se battit pour Loti, se battit pour tout son peuple et ses frères d’armes, en jetant sa lame à droite puis à gauche, plus vite que jamais auparavant. Soudain, le poids de l’épée ne le dérangeait plus. Il trouva une ouverture. Le maître d’œuvre poussa un cri de douleur quand Darius lui porta un coup au côté.

Il adressa à Darius un regard noir, d’abord surpris, puis prêt à crier vengeance.

Il poussa un hurlement de bête blessée et s’élança, en jetant son arme. Il saisit Darius entre ses bras et le souleva de terre avec une force extraordinaire. Darius fut obligé de laisser à son tour tomber son épée. Tout s’était passé si vite qu’il n’avait pas eu le temps de réagir. Il n’avait pas imaginé un seul instant que son assaillant se servirait de ses poings au lieu de sa lame.

Suspendu au-dessus du sol, Darius eut l’impression que tous les os de son corps étaient sur le point d’éclater. Il poussa un cri d’agonie.

Le maître d’œuvre serra plus fort, si fort que Darius se vit mourir. L’homme prit alors son élan et jeta son front sur le nez de Darius.

Le sang jaillit. Une terrible douleur assaillit Darius, perçante, aveuglante. Il n’avait pas prévu ça. Quand le maître d’œuvre prit à nouveau son élan, Darius fut certain d’y passer.

Un bruit de chaîne retentit et les bras de l’homme s’ouvrirent brusquement, tout comme ses yeux écarquillés. Le souffle court, Darius leva les yeux, interloqué. Il vit alors Loti derrière le maître d’œuvre. Elle avait enroulé sa chaîne autour de son cou et serrait le plus fort possible.

Darius tituba, en luttant pour rependre sa respiration. Le maître d’œuvre tendit le bras par-dessus son épaule et saisit Loti, avant de la faire basculer par-dessus son épaule. Elle tomba sur le dos, dans la poussière, en poussant un cri bref.

Le maître d’œuvre leva la jambe pour écraser son visage sous sa botte. Il se trouvait à une dizaine de pas de Darius, trop tard pour qu’il arrive à temps.

– NON ! hurla-t-il.

Il réfléchit à toute allure, se pencha pour attraper son épée et, d’un geste souple, la jeta dans leur direction.

La lame tournoya sur elle-même longtemps sous les yeux de Darius, avant de transpercer l’armure du maître d’œuvre, empalé en plein cœur.

L’homme écarquilla les yeux, chancela, bascula sur les genoux, puis face contre terre.

Loti sauta sur ses pieds et Darius courut vers elle. Il l’entoura de ses bras protecteurs, tellement soulagé qu’elle soit en vie.

Soudain, un sifflement perça le silence. Darius se retourna. Le maître d’œuvre, étendu par terre, porta la main à sa bouche et siffla à nouveau, une dernière fois, avant de succomber.

Un hurlement fit trembler la terre.

Darius leva les yeux. À sa grande horreur, le zerta les chargea, comme animé par une rage folle, ses cornes affûtées pointées sur eux. Darius et Loti échangèrent un regard. Ils ne pouvaient aller nulle part. Dans quelques secondes, ils seraient morts.

Darius réfléchit le plus vite possible. Derrière eux, la montagne formait une pente très raide, jonchée de caillasse. Darius leva la main et drapa son autre bras autour de Loti, en la serrant contre lui. Il ne voulait pas faire appel à son pouvoir, mais il n’avait plus le choix s’il voulait vivre.

Une chaleur formidable le traversa, celle d’un pouvoir qu’il contrôlait à peine, et de la lumière jaillit de son bras tendu, en direction de la falaise. Un grondement se fit entendre, faible d’abord, puis de plus en plus sourd. Sous les yeux de Darius, les rochers dévalaient la pente en gagnant peu à peu de la vitesse.

L’avalanche se précipita sur le zerta et l’ensevelit. Un bruit de tonnerre retentit et un nuage de poussière s’éleva au-dessus de la clairière. Ensuite tout redevint silencieux.

Darius resta debout au milieu du silence et de la poussière qui tourbillonnait en accrochant les rayons du soleil. Il comprenait à peine ce qu’il venait de faire. Il finit par se rendre compte que Loti le dévisageait avec une expression de terreur. Il sut alors que tout avait changé. Il venait de révéler son secret. Il ne pouvait plus revenir en arrière.




CHAPITRE SEPT


Thor était assis au bord de leur petite embarcation, jambes croisées, les paumes de ses mains sur les cuisses. Il tournait le dos à ses compagnons pour contempler la mer froide et cruelle. Ses yeux étaient rouges à force de pleurer et il ne voulait pas que les autres le voient dans cet état. Il n’avait plus de larmes à verser depuis longtemps, mais ses yeux étaient encore à vif. Dérouté par les événements récents, il observait l’horizon en s’interrogeant sur le mystère de la vie.

Comment était-il possible que la vie lui donne un fils, pour ensuite le lui reprendre ? Comment était-il possible qu’une chose si précieuse disparaisse, emportée sans un mot d’avertissement et sans aucune possibilité de retour ?

La vie, songeait Thor, était inutilement cruelle. Où se trouvait donc la justice dans tout cela ? Pourquoi la vie ne pouvait-elle pas simplement lui rendre son fils ?

Thor aurait fait n’importe quoi – n’importe quoi : marcher à travers le feu, mourir mille fois – pour que Guwayne lui soit rendu.

Thor ferma les yeux et secoua la tête, en essayant de chasser les images de ce volcan en feu, le couffin vide, les flammes. Il tenta de ne pas penser au fait que son fils était mort dans d’atroces souffrances. La rage et surtout le chagrin consumaient son cœur. Ainsi que la honte. La honte de n’avoir pas pu sauver son fils.

Thor sentait également son estomac se nouer quand il imaginait ses retrouvailles avec Gwendolyn, quand il imaginait lui annoncer la terrible nouvelle. Elle ne voudrait plus jamais le regarder dans les yeux. Et elle ne serait plus jamais la même. C’était comme si toute la vie de Thorgrin lui avait été dérobée. Comment se reconstruire ? Comment ramasser les morceaux ? Comment retrouver goût à la vie, après une telle épreuve ?

Des bruits de pas se firent entendre dans son dos et Thor sentit le bateau tanguer légèrement sous le poids d’un corps. À sa grande surprise, Conven venait de s’asseoir à côté de lui. Thor ne parlait plus vraiment avec Conven depuis des mois – depuis la mort de son frère jumeau. Il était heureux de le voir à ses côtés. Pour la première fois, il vit le chagrin sur son visage et comprit. Il comprit réellement, pour la première fois.

Conven ne prononça pas un mot. Il n’en avait pas besoin : sa présence suffisait. Il s’était assis par compassion. Deux frères unis dans le chagrin.

Ils gardèrent longtemps le silence. Seul le souffle du vent et le bruit des vagues léchant la coque du bateau se faisaient entendre, alors qu’ils dérivaient au milieu de l’océan interminable, sans but depuis que leur chance de retrouver Guwayne leur avait été arrachée.

Enfin, Conven prit la parole :

– Il ne se passe pas une journée sans que je pense à Conval, dit-il d’une voix sombre.

Thor voulut répondre, mais sa voix s’étrangla dans sa gorge et le silence se poursuivit.

Enfin, Conven ajouta :

– Je pleure pour toi et pour Guwayne. J’aurais aimé le voir devenir un grand guerrier comme son père. Je sais que c’est ce qu’il serait devenu. La vie peut-être tragique et cruelle. Elle reprend facilement ce qu’elle donne. J’aimerais pouvoir te dire quelque chose pour apaiser ta peine… Mais je n’ai pas les mots.

Thor leva les yeux vers lui. L’honnêteté brutale de Conven lui apportait un sentiment de paix intérieure.

– Qu’est-ce qui te motive encore à vivre ? demanda Thor.

Conven égara son regard entre les vagues, pendant un long moment, avant de soupirer :

– Je pense que c’est ce que Conval aurait voulu, dit-il. Il aurait voulu que je continue ma vie. Alors je le fais. Je le fais pour lui. Pas pour moi-même. Parfois, il nous faut vivre pour les autres. Parfois, nous ne ressentons pas le besoin de vivre, alors nous vivons pour les autres. Je commence à comprendre que ce n’est pas une si mauvaise chose.

Thor pensa à Guwayne, mort à présent, et se demanda ce que son fils aurait voulu qu’il fasse. Bien sûr, il aurait voulu que Thorgrin continue à vivre et qu’il prenne soin de sa mère, Gwendolyn. C’était une évidence. Mais, pour le cœur meurtri de Thor, c’était une idée difficile à digérer.

Conven s’éclaircit la gorge.

– Nous vivons pour nos parents, dit-il. Pour nos frères et nos sœurs. Pour nos épouses, nos fils et nos filles. Nous vivons pour tous les autres. Et, parfois, quand la vie est si cruelle que l’on n’a plus envie de continuer, il faut que cela suffise.

– Je ne suis pas d’accord, dit une voix.

Thor leva les yeux. Matus s’approchait. Il s’assit de l’autre côté de Thor et tourna son regard fier vers l’océan.

– Je crois que nous vivons également pour autre chose, ajouta-t-il.

– Et qu’est-ce que c’est ? demanda Conven.

– La foi, dit Matus en soupirant. Mon peuple, les hommes des Isles Boréales, ils prient les quatre dieux des falaises. Ils prient les dieux de l’eau et du vent et du ciel et des rochers. Ces dieux n’ont jamais répondu à mes prières. Moi, je prie l’ancien dieu de l’Anneau.

Thor lui adressa un regard surpris.

– Je ne savais pas qu’un homme des Isles suivait la religion de l’Anneau, dit Conven.

Matus hocha la tête.

– Je suis différent de mon peuple, dit-il. Je l’ai toujours été. Je voulais devenir moine quand j’étais plus jeune, mais mon père s’y est opposé. Il a insisté pour que je prenne les armes, comme mes frères.

Il soupira.

– Je crois que nous vivons pour notre foi, ajouta-t-il, et non pour les autres. C’est ce qui nous permet d’avancer. Si notre foi est assez forte, vraiment assez forte, alors tout peut arriver. Même un miracle.

– Et mon fils me sera rendu ? demanda Thor.

Matus hocha la tête, impassible, et Thor vit qu’il était sûr de lui.

– Oui, répondit simplement Matus. Tout peut arriver.

– Tu mens, répliqua Conven d’une voix indignée. Tu lui donnes de faux espoirs.

– Non, répondit Matus.

– Tu penses que la foi me rendra mon frère mort ? le pressa Conven, hors de lui.

Matus soupira.

– Je dis que toute tragédie est un cadeau, dit-il.

– Un cadeau ? répéta Thor, horrifié. Tu veux dire que la perte de mon fils est un cadeau ?

Encore une fois, Matus hocha la tête avec assurance.

– On te fait un cadeau, aussi tragique soit-il. Tu ne peux pas savoir la nature de ce cadeau. Peut-être que tu ne le sauras pas pendant des années. Mais, un jour, tu comprendras.

Thor perdit son regard sur l’océan, confus, incertain de lui-même. N’était-ce donc qu’un test ? se demanda-t-il. Un de ces tests dont lui avait parlé sa mère ? La foi pouvait-elle lui rendre son fils ? Il voulut le croire, mais il ignorait si sa foi était assez forte. Quand sa mère avait parlé d’épreuves, Thor avait été certain de pouvoir les passer sans difficultés. Ce n’est plus le cas.

Le bateau se balança soudain au rythme du roulis et Thor sentit le courant les emporter dans la direction opposée. Il leva brusquement la tête et jeta par-dessus son épaule un coup d’œil aux rameurs : Reece, Elden, Indra et O’Connor. Tous les quatre levaient des yeux surpris vers la voile de leur petite embarcation qui dansait furieusement sous l’effet du vent.

– Le Courant du Nord, dit Matus en étudiant les eaux, mains sur les hanches.

Il secoua la tête.

– Qu’est-ce que c’est ? demanda Indra. On ne peut pas contrôler le bateau.

– Il traverse parfois les Isles Boréales, expliqua Matus. Je ne l’avais encore jamais vu, mais j’en ai entendu parler. C’est un contre-courant. Une fois qu’il t’attrape, il ne te lâche plus. Inutile d’essayer de lui échapper en ramant.

Thor baissa les yeux. L’eau les emportait maintenant à une vitesse deux fois supérieure. Un nouvel horizon dépouillé de toute terre, peuplé de nuages blancs et violets, s’ouvrait à présent devant eux, magnifique et inquiétant.

– Mais nous allons vers l’est, dit Reece, et nous devons partir vers l’ouest. Tout notre peuple se trouve par là-bas. L’Empire est à l’ouest.

Matus haussa les épaules.

– Nous allons où le courant nous mène.

Thor réalisa que chaque instant le séparait maintenant un peu plus de Gwendolyn et de son peuple.

– Et où est-ce qu’on s’arrêtera ? demanda O’Connor.

Matus haussa à nouveau les épaules.

– Je ne connais que les Isles Boréales, dit-il. Je ne suis jamais allé aussi loin vers le nord. Je ne sais pas ce qui se trouve là-bas.

– Le courant s’arrête bien quelque part, dit Reece d’une voix sombre.

Tous les yeux se tournèrent vers lui et Reece hocha la tête pour confirmer ses propos.

– J’ai reçu des leçons sur ces courants étant enfant. Dans l’ancien livre des Rois, on trouve une collection de cartes représentant chaque région du monde. Le Courant du Nord mène aux confins orientaux du monde.

– Les confins orientaux ? répéta Elden d’un ton inquiet. Nous nous retrouverions donc de l’autre côté du monde, par rapport au reste de notre peuple ?

Reece haussa les épaules.

– Les livres étaient anciens et j’étais jeune. Tout ce dont je me souviens, c’est que le courant y était décrit comme un portail conduisant au Pays des Esprits.

Thor adressa à Reece un regard pensif.

– Des contes de bonnes femmes, dit O’Connor. Il n’y a pas de portail, pas de Pays des Esprits. Ce portail a été condamné il y a des siècles, bien avant que nos pères ne foulent cette terre.

Reece haussa les épaules et tous se turent, les yeux tournés vers l’océan. Emporté à toute allure par les flots, Thor se demanda où le courant était en train de les emmener.


*

Thor était assis au bord du bateau, arrosé de temps en temps par des gouttes froides, le regard perdu entre les vagues depuis déjà des heures. Loin du monde, il sentait à peine l’humidité contre sa peau. Il aurait voulu se rendre utile, hisser les voiles, ramer – faire n’importe quoi – mais il n’y avait rien à faire. Le Courant du Nord les emportait. Tout ce que le groupe pouvait faire, c’était attendre, pendant que l’embarcation dansait entre les vagues. Ils étaient entre les mains du destin.

Thor observait l’horizon en se demandant quand tout cela finirait. Il avait l’impression de dériver au milieu de l’infini, insensible au froid et au vent, égaré dans la monotonie silencieuse. Les oiseaux de mer avaient depuis longtemps disparus. Le ciel s’assombrissait de seconde en seconde. C’était comme si le courant les emportait vers le néant, aux confins de la terre.

Des heures avaient passées et la lumière du jour tombait, quand enfin Thor se redressa, le regard attiré par quelque chose. Il cru d’abord à une hallucination, un mirage, mais le courant accéléra l’allure et la forme se dessina plus nettement au loin. C’était réel.

Thor se leva, pour la première fois depuis des heures. Les mains sur les hanches au milieu du pont qui dansait au rythme du roulis, il plissa les yeux.

– C’est réel ? demanda une voix.

Reece se porta à la hauteur de Thor. Elden, Indra et les autres les rejoignirent à leur tour, tous émerveillés par la vue.

– Une île ? demanda O’Connor.

– On dirait plutôt une caverne, dit Matus.

Alors qu’ils s’approchaient, Thor commença à distinguer les contours. C’était bien une caverne. Un immense récif, haut de plusieurs centaines de mètres, s’élevait au milieu de l’océan interminable et formait une grande arche. On aurait dit une bouche gigantesque, prête à avaler le monde.

Et les courants emportaient le bateau dans sa direction.

Thor resta bouche bée. Il sut que ce récif ne pouvait être qu’une seule chose : l’entrée du Pays des Esprits.




CHAPITRE HUIT


Darius remontait en silence et d’un pas lent le sentier de terre battue, Loti à ses côtés. Une tension s’était installée entre eux. Ni l’un, ni l’autre n’avait prononcé un mot depuis leur altercation avec le maître d’œuvre et ses hommes. Mille pensées occupaient l’esprit de Darius alors qu’il marchait aux côtés de Loti, pour la ramener au village. Il avait envie de passer son bras autour de ses épaules, bien décidé à ne plus jamais la quitter. Il avait envie de voir ses yeux s’allumer de joie et de soulagement, de l’entendre dire combien elle lui était reconnaissante d’avoir risqué sa vie pour elle – ou, au moins, de l’entendre dire qu’elle était heureuse de le voir.

Mais ils marchaient dans un silence tendu, désagréable. Loti ne disait rien. Elle évitait même son regard. Elle ne lui avait pas adressé la parole depuis qu’il avait déclenché cette avalanche. Le cœur de Darius battait à tout rompre. Qu’est-ce qui lui passait par la tête ? Elle l’avait vu utiliser son pouvoir, elle avait vu l’avalanche. Elle lui avait jeté un regard terrifié, avant de détourner les yeux.

Peut-être qu’à ses yeux, il avait brisé le tabou de son peuple, l’interdiction d’utiliser la magie – un pouvoir que son peuple méprisait plus que tout au monde. Peut-être qu’elle avait peur de lui. Ou pire : peut-être qu’elle ne l’aimait plus. Peut-être qu’elle voyait en lui une sorte de monstre.

Le cœur de Darius se brisait. Cela devait-il donc finir ainsi ? Il avait risqué sa vie pour une fille qui ne l’aimait plus. Il aurait tout donné pour lire ses pensées, tout. Mais elle ne voulait même pas lui parler. Était-elle en état de choc ?

Darius voulait lui dire quelque chose, n’importe quoi, simplement pour briser le silence. Mais par où commencer ? Il avait toujours cru la connaître pas cœur. Il n’en était plus si sûr. Il était secrètement indigné par sa réaction, trop fier pour lui adresser la parole, mais il ressentait également de la honte. Il savait ce que son peuple pensait de la magie. La magie était-elle donc si terrible ? Même pour sauver la vie de la fille qu’on aime ? Allait-elle le dénoncer auprès des autres ? Si les villageois l’apprenaient, Darius serait exilé.

Ils marchaient, marchaient, marchaient. Enfin, Darius ne supporta plus le silence : il fallait qu’il dise quelque chose.

– Je suis sûr que ta famille sera heureuse de te revoir, dit-il.

À sa grande déception, Loti ne lui jeta pas un regard. Elle demeura impassible et le silence retomba. Au bout d’un long moment, elle secoua la tête.

– Peut-être, dit-elle, mais je crois qu’ils seront surtout inquiets. Comme tous les autres, au village.

– Que veux-tu dire ? demanda Darius.

– Tu as tué un maître d’œuvre. Nous avons tué un maître d’œuvre. Tout l’Empire va partir à notre recherche. Ils vont détruire le village. Notre peuple. Nous avons fait une chose terrible et égoïste.

– Une chose terrible ? Je t’ai sauvé la vie ! s’exclama Darius d’un ton exaspéré.

Elle haussa les épaules.

– Ma vie ne vaut rien devant celles de tout un village.

Darius bouillait intérieurement, incapable de lui répondre. Loti – il commençait à s’en rendre compte – était une fille difficile à comprendre. L’éducation rigide de ses parents et de leur peuple l’avait endoctrinée.

– Alors, tu me détestes, dit-il. Tu me détestes parce que je t’ai sauvée.

Elle refusa de croiser son regard.

– Je t’ai sauvé, moi aussi, rétorqua-t-elle avec orgueil. Tu ne te rappelles pas ?

Darius s’empourpra. Elle était impossible ! Beaucoup trop fière.

– Je ne te déteste pas, dit-elle enfin. Mais j’ai vu ce que tu as fait. J’ai vu comment tu l’as tué.

Un tremblement violent agita soudain Darius, blessé par ses mots. On aurait dit qu’elle l’accusait. C’était injuste, surtout maintenant, surtout après qu’il ait sauvé sa vie.

– Et c’est mal ? demanda-t-il. C’est mal d’avoir utilisé ce pouvoir ?

Loti ne répondit pas.

– Je suis comme je suis, dit Darius. Je suis né comme ça. Je ne l’ai pas demandé. Je ne comprends pas très bien moi-même. Je ne sais pas d’où ça vient. Je ne sais même pas si je serais capable de l’utiliser à nouveau. Je n’ai pas voulu l’utiliser contre le maître d’œuvre. C’est plutôt la magie qui… m’a utilisé.

Loti gardait les yeux fixés sur ses chaussures. Elle ne répondit pas, refusa de croiser son regard et Darius sentit un immense regret l’envahir. Avait-il commis une erreur en venant lui porter secours ? Devait-il avoir honte de ce qu’il était ?

– Tu préfèrerais être morte plutôt que j’utilise… ce que j’ai utilisé ? demanda Darius.

Une nouvelle fois, Loti mit un long moment avant de répondre, ce qui n’apaisait pas les regrets de Darius.

– Nous n’en parlerons à personne, dit-elle. Nous ne parlerons jamais de ce qui s’est passé aujourd’hui. Nous serions tous les deux rejetés.

Au détour d’un virage, leur village apparut. Ils s’engagèrent sur la route principale et des villageois les accueillirent par des cris de joie.

Bientôt, une foule se pressa pour les voir. Des centaines d’hommes et de femmes se précipitèrent pour enlacer Loti et Darius. La mère de Loti se trouvait parmi eux, ainsi que son père et deux de ses frères, des hommes grands, larges d’épaules, aux cheveux courts et à la mâchoire volontaire. Ils détaillèrent Darius du regard, comme pour le mesurer. Le troisième frère de Loti traînait derrière eux. Il était plus chétif et c’était un boiteux.

– Mon amour, s’écria la mère de Loti en embrassant sa fille.

Darius resta quelques pas derrière elle, incertain de ce qu’il devait faire.

– Qu’est-ce qui t’est arrivé ? demanda sa mère. Je pensais que l’Empire t’avait emmenée. Comment as-tu réussi à t’enfuir ?

Un silence grave tomba sur l’assemblée et tous se tournèrent vers Darius. Celui-ci dansa d’un pied sur l’autre, mal à l’aise. Ç’aurait dû être un grand moment de joie et de fête. Ils auraient dû l’accueillir en héros, après ce qu’il avait fait. Après tout, lui seul avait eu le courage de sauver Loti.

Pourtant, il se sentait surtout mal à l’aise, et même honteux. Loti lui adressa un regard entendu, comme pour lui rappeler sa promesse.

– Il ne s’est rien passé, Mère, dit Loti. L’Empire a changé d’avis. Ils m’ont laissée repartir.

– Ils t’ont laissée repartir ? répéta-t-elle, bouche bée.

Loti hocha la tête.

– Ils m’ont abandonnée dans les bois, loin d’ici. Darius m’a retrouvée. Il m’a ramenée.

Les villageois se turent, en observant tantôt Darius, tantôt Loti, visiblement dubitatifs. Darius comprit qu’ils n’y croyaient pas.

– Et cette marque sur ton visage ? demanda son père en frottant son pouce sur sa joue pour l’examiner.

Une zébrure noire et violette barrait la joue de Loti.

Loti leva un regard mal assuré vers son père.

– J’ai… trébuché, dit-elle. Sur une racine. Mais, je vous l’ai déjà dit : je vais bien, insista-t-elle comme mettant au défi sa famille de la contredire.

Tous les yeux se tournèrent vers Darius. Bokbu, le chef du village, fit quelques pas vers lui.

– Darius, c’est la vérité ? demanda-t-il d’une voix grave. Tu l’as ramenée dans le calme ? Tu n’as pas croisé l’Empire ?

Le cœur battant, Darius soutint en silence les regards qui le fixaient. Il savait qu’il ne pouvait pas leur expliquer ce qui s’était réellement passé, ni leur raconter ce qu’il avait fait. Ils auraient eu trop peur des conséquences. De plus, il était impossible de leur expliquer comment il avait tué le maître d’œuvre sans évoquer la magie. Ils lui tourneraient le dos – tout comme Loti. Et il n’avait pas le cœur de les terroriser.

Darius n’avait pas envie de mentir, mais il n’avait pas le choix.

Il se contenta d’adresser un hochement de tête aux anciens, sans dire un mot. Ils interprèteraient ce geste comme bon leur semblerait.

Soulagés, les gens se tournèrent vers Loti. Enfin, un de ses frères s’approcha et la prit dans ses bras.

– Elle est vivante ! s’écria-t-il pour briser le silence tendu. C’est tout ce qui compte !

Des acclamations se firent entendre et Loti se jeta dans les bras de sa famille.

Darius reçut lui aussi quelques tapes dans le dos en guise de récompense, pendant que Loti retournait au village avec sa famille. Il la regarda s’éloigner, dans l’espoir qu’elle lui jette un coup d’œil par-dessus son épaule, juste une fois.

Son cœur se flétrit dans sa poitrine quand il la vit disparaître parmi la foule, sans un regard en arrière.




CHAPITRE NEUF


Volusia se dressait avec fierté dans son char doré, lui-même installé au milieu de son vaisseau doré dont la coque reflétait les rayons du soleil. Les canaux de Volusia l’emportaient lentement à travers la foule. Les bras en croix, elle profitait des signes d’adoration de son peuple. Des milliers d’entre eux se pressaient dans les ruelles et les allées pour crier son nom de tous côtés.

Alors qu’elle dérivait, Volusia pouvait presque toucher ces gens qui criaient son nom, qui pleuraient et hurlaient en jetant vers elle des morceaux de parchemin multicolores, qui retombaient en pluie sur sa tête. C’était le plus grand signe de respect que son peuple aurait pu lui offrir. C’était leur manière de souhaiter un bon retour à leur héroïne.

– Longue vie à Volusia ! Longue vie à Volusia ! tonnait la foule.

Leur chant se répercutait sur les murs, à travers les allées pavées d’or, alors que les canaux emportaient Volusia toujours plus loin, au cœur de sa ville magnifique.

Volusia renversa la tête pour profiter du moment, le cœur rempli de joie d’avoir tué Romulus, d’avoir massacré le Chef Suprême de l’Empire, d’avoir assassiné ses soldats. Son peuple ne formait plus qu’un avec elle. Sa propre témérité les avait rendus plus téméraires. Elle ne s’était jamais sentie aussi puissante – pas depuis le jour où elle avait tué sa mère.

Volusia leva les yeux vers sa magnifique cité, encadrée par ses deux immenses colonnes, que les rayons du soleil faisaient apparaître tantôt dorées, tantôt vertes. Les anciens bâtiments élevés au temps de ses ancêtres se dressaient toujours, des centaines d’années plus tard. Les rues immaculées bruissaient, noires de monde, gardées à chaque coin par plusieurs soldats. Les canaux découpaient le paysage en formant des angles parfaits. Sur les petits ponts, des chevaux piaffaient, harnachés à des chars dorés. Des hommes et des femmes vêtus de leurs plus beaux atours regardaient Volusia passer. C’était comme si toute la ville avait décidé de prendre un jour chômé pour venir la saluer. Elle était devenu bien plus qu’une simple souveraine – elle était devenue une déesse.

Il était de bon augure que ce jour coïncide avec la célébration d’un festival, le Jour des Lumières, le jour qui les voyait rendre hommage aux sept dieux du soleil. Volusia, en tant que chef de la cité, initiait les festivités. Alors qu’elle naviguait à travers la ville, deux immenses torches dorées brûlaient derrière elle, chaudes et lumineuses, prêtes à incendier la Grande Fontaine.

Son peuple la suivait. Certains couraient le long des canaux, à la poursuite de son bateau. Elle savait qu’ils l’accompagneraient jusqu’au bout du chemin, jusqu’à ce qu’elle atteigne le dernier des six cercles de la ville, où elle descendrait et allumerait les fontaines pour inaugurer le jour des festivités et des sacrifices. C’était un jour glorieux pour la cité et pour son peuple – un jour pour prier les quatorze dieux qui, selon la tradition, encerclaient la ville et gardaient les quatorze portes contre les envahisseurs. Son peuple les priait tous. Aujourd’hui, plus que tout autre jour, les remerciements étaient de mise.

Cette année, elle leur avait réservé une surprise. Elle ajouterait un quinzième dieu au panthéon, pour la première fois depuis des siècles, depuis l’érection de la cité. Ce dieu, c’était elle-même. Volusia avait fait ériger une gigantesque statue d’elle-même, en or, au milieu des sept cercles. Ce jour lui serait consacré. Ce serait le jour de sa fête. Quand elle découvrirait la statue, quand son peuple la verrait pour la première fois, ils comprendraient que Volusia était bien plus que sa mère, bien plus qu’une souveraine, bien plus qu’humaine. Elle était une déesse. Elle méritait leurs adorations. Ils la prieraient à genoux et s’inclineraient sur son passage – ils le feraient, ou bien seraient pendus.

Volusia sourit pour elle-même, emportée par le bateau. Elle était impatiente de voir les expressions de leurs visages, de les voir l’adorer au même titre que les quatorze autres dieux. Ils ne le savaient pas encore mais, un jour, elle détruirait également ces fausses idoles, une par une, jusqu’à ce qu’il ne reste plus qu’elle.

Impatiente, elle jeta un coup d’œil par-dessus son épaule et vit qu’une file ininterrompue de vaisseaux la suivaient, tous transportant des taureaux vivants, des chèvres, des béliers qui s’agitaient sous le soleil, prêts à être sacrifiés. Elle ferait tuer le plus beau et le plus gros devant sa propre statue.

Le bateau de Volusia atteignait enfin les sept cercles d’or, chacun plus large que le précédent : de larges places pavées d’or séparées par des anneaux remplis d’eau. Son vaisseau s’engagea avec prudence dans les canaux, en passant devant les quatorze dieux. Le cœur de Volusia battait à tout rompre. Les dieux semblaient la toiser : chaque statue mesurait environ six mètres et était plaquée d’or. La place principale, qui s’étendait au milieu d’elles, avait toujours été laissée vide : jusqu’alors, l’espace avait été réservé aux sacrifices et aux rassemblements. Aujourd’hui, un piédestal flambant neuf et une forme de plus de dix mètres, recouverte par un drap blanc, se dressaient en son centre. Volusia sourit : elle seule savait ce qui se trouvait là-dessous.

Elle descendit de son vaisseau et ses serviteurs se précipitèrent pour venir l’aider. Un autre bateau s’approcha et on eut besoin d’une douzaine d’hommes pour en faire descendre le plus gros des taureaux. Ce n’était pas n’importe quel bestiau. Il venait des Provinces Basses : il faisait quatre mètre de haut, sa peau était rouge, c’était un modèle de force et de puissance. La bête était également furieuse : elle résistait, mais les hommes la guidaient fermement vers la statue de Volusia.

Le chuintement caractéristique d’une épée quittant le fourreau retentit derrière Volusia. Elle se retourna et vit que Aksan, son assassin personnel, se tenait derrière elle et lui tendait l’épée cérémonielle. Aksan était l’homme le plus loyal qu’elle ait jamais rencontré : il aurait tué n’importe qui si elle le lui avait demandé d’un simple hochement de tête. C’était également un homme sadique et cela lui plaisait. Il avait gagné le respect de Volusia. C’était une des rares personnes que Volusia acceptait de garder à ses côtés.

Aksan la regardait fixement. Son visage était marqué par la petite vérole. Ses cornes surgissaient derrière la masse de ses cheveux bouclés.

Volusia tendit la main et saisit l’épée de cérémonie dorée, longue de deux mètres, d’une poigne assurée. Un silence respectueux tomba sur l’assemblée, quand elle l’abattit de toutes ses forces sur le cou du taureau.

La lame, affûtée comme jamais, aussi fine qu’un parchemin, pénétra les chairs. Volusia sourit quand elle la sentit traverser la bête, quand des gerbes de sang l’éclaboussèrent. Une mare se répandit bientôt à ses pieds et le taureau décapité s’effondra devant la statue encore recouverte d’un drap. Le sang souilla la soie et l’eau. Le peuple poussa des acclamations.

– Un bon présage, Madame, dit Aksan.

Les cérémonies avaient commencé. De tous côtés, les trompettes sonnèrent et des centaines d’animaux furent guidés vers les statues, avant d’être sacrifiés par les officiers. Ce serait une grande journée de sacrifice, de viol, d’orgie et d’abondance – avant de recommencer, encore et encore, pendant deux jours. Volusia se joindrait à eux. Elle profiterait bien du vin et de quelques hommes avant de leur couper la gorge au nom de ses idoles. Elle se délecterait de cette longue journée de sadisme et de brutalité.

Mais, d’abord, il lui restait une chose à faire.

La foule se tut quand Volusia monta sur le piédestal et se tourna vers son peuple. Koolian l’accompagnait. C’était un autre de ses conseillers les plus fidèles : un sorcier vêtu d’une cape noire, aux yeux verts brillants, au visage verruqueux – la créature qui lui avait permis d’assassiner sa mère. L’idée de construire une statue à l’image de Volusia était venue de Koolian lui-même.

Le peuple la fixait du regard, en silence. Elle attendit, savourant l’instant.

– Votre nouvelle déesse, la quinzième déesse : Volusia ! tonna Koolian.

Un murmure d’émerveillement se répandit parmi la foule, alors que tous les yeux se levaient vers la statue. Elle était deux fois plus grande que les autres et représentait parfaitement Volusia. Elle attendit, presque nerveuse, leur réaction. Ils n’avaient pas accepté un nouveau dieu depuis des siècles. Leur amour pour elle serait-il assez fort ? Elle ne voulait pas seulement qu’ils l’aiment. Elle voulait qu’ils l’adorent.

À sa grande satisfaction, son peuple, comme un seul homme, s’inclina immédiatement, pour adorer leur nouvelle idole.

– Volusia ! chantèrent-ils, encore et encore. Volusia ! Volusia !

Volusia écarta les bras et prit une longue inspiration. Cette manifestation de leur adoration aurait pu contenter n’importe quel homme. N’importe quel souverain. N’importe quel dieu.

Mais ce n’était pas encore suffisant pour elle.


*

Volusia passa sous l’arche immense qui marquait l’entrée de son château, et entre les colonnes en marbre de trente mètres de haut. Le hall était bordé de jardins et de soldats au garde-à-vous, armés de lances dorées, alignés au cordeau. Elle marchait lentement. Les talons de ses bottes frappaient le sol en cadence. Koolian, son sorcier, Aksan, son assassin, et Soku, le commandant de son armée, la suivaient de près.

– Madame, pourrais-je vous parler ? demanda Soku.

Il avait essayé de lui parler toute la journée, et elle l’avait ignoré, peu intéressée par ses craintes. Elle ne voyait pas le monde de la même manière que lui et elle lui parlerait quand elle en ressentirait l’envie.

Volusia s’arrêta devant l’entrée d’un autre couloir, barrée par un rideau de perles d’émeraude. Des soldats se précipitèrent pour écarter les franges et lui céder le passage.

À mesure qu’elle s’enfonçait dans son palais, les acclamations et les chants d’adoration des cérémonies sacrées qui se déroulaient à l’extérieur se faisaient plus discrets. Volusia s’était gorgée de sacrifice, de boisson, de violence, de viol et de festin toute la journée. Elle voulait un instant de tranquillité pour retrouver son énergie, avant de recommencer.

Elle pénétra dans les chambres solennelles. Quelques torches conféraient au lieu une atmosphère sombre et lourde. Un rais de lumière tombait également de l’oculus vert au milieu de la coupole, pour éclairer l’objet qui se trouvait à son aplomb.

La lance d’émeraude.

Volusia s’en approcha d’un air émerveillé. La lance se trouvait là depuis des siècles, sa pointe tournée vers la lumière. Elle avait été sculpté dans de l’émeraude, de la hampe jusqu’à la pointe, et brillait sous les rayons, dressée fièrement comme pour défier les cieux et les dieux. C’était un objet sacré pour son peuple – un objet qui assurait la subsistance de toute la cité. Volusia resta longtemps en admiration devant les petites particules en suspension autour de l’arme.

– Madame, dit doucement Soku, puis-je vous parler ?

Volusia refusa de se tourner vers lui. Elle examina la lance, comme elle l’avait fait chaque jour de son existence. Enfin, elle accepta de répondre à son conseiller.

– Je t’y autorise, dit-elle.

– Madame, dit-il. Vous avez tué le souverain de l’Empire. La nouvelle a dû leur parvenir. Des armées sont sûrement en route vers Volusia à l’heure où nous parlons. Des armées gigantesques et qui dépassent en nombre toutes celles que nous avons affrontées jusqu’à maintenant. Nous devons nous préparer. Quelle est votre stratégie ?

– Stratégie ? répéta Volusia sans le regarder, visiblement agacée.

– Comment comptez-vous faire la paix ? pressa-t-il. Comment comptez-vous vous rendre ?

Elle tourna vers lui un regard glacé.

– Il n’y aura pas de paix, dit-elle. Pas avant que j’accepte leur reddition et leur serment de fidélité.

Il lui renvoya son regard, effrayé.

– Mais, Madame, ils sont cent fois plus nombreux que nous, dit-il. Nous ne pourrons pas les vaincre.

Elle se retourna vers la lance et il fit un pas en avant, désespéré.

– Mon impératrice, insista-t-il. Vous avez usurpé le trône de votre mère et c’était une remarquable victoire. Le peuple ne l’aimait pas, mais il vous aime, vous. Ils vous adorent. Personne n’a le courage de vous parler franchement. Mais moi, je le ferai. Vous vous entourez de conseillers qui ne font que vous dire ce que vous avez envie d’entendre – des conseillers qui vous craignent. Moi, je vous dirai la vérité sur notre situation. Nous sommes encerclés par l’Empire. Et nous allons être écrasés. Il ne restera plus rien de nous ou de notre ville. Vous devez vous tenir prête. Vous devez leur proposer une trêve. Payez le prix qu’il faudra. Avant qu’ils ne nous massacrent.

Volusia sourit sans détourner son regard de la lance.

– Sais-tu ce qu’ils disaient à propos de ma mère ? demanda-t-elle.

Soku demeura silencieux, puis secoua la tête en signe de dénégation.

– Ils disaient qu’elle était l’Élue. Ils disaient qu’elle ne pouvait être vaincue. Ils disaient qu’elle ne mourrait jamais. Sais-tu pourquoi ? Parce que personne n’avait manié cette lance depuis six siècles. Et elle a réussi à la soulever d’une seule main. Elle l’a utilisée pour tuer son propre père et prendre son trône.

Volusia tourna enfin vers son commandant ses yeux illuminés par le destin et le l’histoire.

– Ils disaient que la lance ne pourrait être soulevée qu’une fois. Par l’Élue. Ils disaient que ma mère vivrait plusieurs milliers d’années et que le trône de Volusia lui appartiendrait pour l’éternité. Et sais-tu ce qui s’est passé ? Moi aussi, j’ai soulevé la lance – et je l’ai utilisée pour tuer ma mère.

Elle prit une grande inspiration.

– Que peux-tu en conclure, mon Seigneur Commandant ?

Il lui adressa un regard d’incompréhension, avant de secouer la tête.

– Nous pouvons vivre dans l’ombre des légendes des autres, dit Volusia, ou nous pouvons créer notre propre légende.

Elle s’approcha alors tout près de lui, illuminée de l’intérieur par sa propre fureur.

– Quand j’aurai écrasé l’Empire tout entier, dit-elle, quand toute personne dans cet univers pliera le genou devant moi, quand tous crieront mon nom, tu sauras que je suis la seule véritable souveraine – et que je suis le seul véritable dieu. Je suis l’Élue. Parce que je me suis choisie moi-même.




CHAPITRE DIX


Gwendolyn traversait le village en compagnie de ses frères, Kendrick et Godfrey, de Sandara, de Aberthol, de Brandt et de Atme, ainsi que de son peuple. Bokbu, le chef du village, menait la marche et Gwen marchait à ses côtés, submergée par la gratitude. Il avait accueilli son peuple, leur avait donné à manger, leur avait fourni un abri. Il avait pris un risque. Certaines voix s’étaient même élevées contre la décision de Bokbu. Il les avait sauvés de l’océan. Comment auraient-ils fait sans lui ? Ils seraient probablement morts en mer.

Gwen ressentait également un élan de gratitude envers Sandara : la jeune femme avait plaidé leur cause auprès de son peuple et c’était elle qui avait eu la sagesse de les mener jusqu’ici. Gwen regardait de tous côtés les villageois qui se pressaient et les dévisageaient comme des objets de curiosité. Elle avait l’impression d’être un animal dans une ménagerie. Les maisons étaient petites, construites en argile. Ce devait être une nation de guerrier, un peuple fier aux yeux gentils. Il était évident que c’était la première fois qu’ils voyaient des hommes et des femmes comme Gwen et ses compagnons. Quoique curieux, ils étaient également méfiants. Gwen ne pouvait pas leur en vouloir. Leur vie d’esclavage avait fait d’eux ce qu’ils étaient.

Elle remarqua que des bûchers avaient été érigés ça et là.

– Pourquoi ces feux ? demanda-t-elle.

– Vous arrivez pendant un jour particulier, dit Bokbu. C’est le festival des morts. Une nuit sacrée à nos yeux. Elle a lieu tous les cycles solaires. Nous brûlons des feux en l’honneur des dieux de la mort. On raconte que cette nuit-là, les dieux nous rendent visite et nous informent de ce qui va se passer.

– On raconte également que notre sauveur viendra ce jour-là, intervint une voix.

Gwen tourna la tête vers celui qui avait parlé. C’était un vieil homme, qui devait avoir soixante-dix ans, grand, maigre, à l’allure grave. Il se porta à leur hauteur en s’appuyant sur son bâton jaune. Il portait également une cape jaune sur les épaules.

– Puis-je vous présenter Kalo ? dit Bokbu. Notre oracle.

Gwen hocha la tête. Il lui rendit son salut, impassible.

– Votre village est très beau, observa Gwendolyn. Je vois que votre peuple est attaché à la famille et à la communauté.

Le chef sourit.

– Vous êtes une reine jeune, mais très sage et très gracieuse. C’est donc vrai, ce que l’on raconte sur vous de l’autre côté de l’océan. J’aimerais que vous et votre peuple restiez ici, dans le village, avec nous. Mais, vous comprenez, nous sommes obligés de vous dissimuler aux yeux de l’Empire. Vous resterez non loin, cependant. Ce sera votre maison, là-bas.

Gwendolyn suivit son regard. Il désignait une montagne lointaine, percée de grottes.

– Ces grottes, dit-il. Vous y serez en sécurité. L’Empire ne vous retrouvera pas là-bas et vous pourrez faire brûler des feux pour cuire votre nourriture et, bien sûr, vous reposer.

– Et ensuite ? demanda Kendrick en se portant à leur hauteur.

Bokbu le détailla du regard. Avant qu’il n’ait eu le temps de répondre, un homme grand et fort surgit, armé d’une lance et flanqué d’une douzaine de guerrier. C’était l’homme du bateau, celui que la venue de Gwendolyn ne réjouissait pas. Il n’avait pas l’air content.

– Vous mettez tout notre peuple en danger en laissant ces étrangers s’installer, dit-il d’une voix sombre. Vous devez les renvoyer d’où ils viennent. Nous n’avons pas à accueillir tous les malheureux qui se présentent chez nous.

Bokbu lui tint tête, en secouant la tête.

– Tes ancêtres ont honte de toi, dit-il. Les lois de l’hospitalité sont valables pour tous.

– Est-ce le travail d’un esclave que d’offrir l’hospitalité ? rétorqua l’homme. Alors que nous n’y avons pas droit nous-mêmes ?

– La façon dont on nous traite n’a rien à voir avec la façon dont nous traitons les autres, rétorqua le chef. Et nous ne tournerons pas le dos à ceux qui ont besoin de nous.

Le villageois ricana en toisant Gwendolyn, Kendrick et tous leurs compagnons. Il se tourna à nouveau vers le chef.

– Nous ne voulons pas d’eux ici, siffla-t-il. Les grottes ne sont pas loin. Chaque jour qu’ils passeront ici nous rapprochera de la mort.

– Et à quoi donc sert la vie, si nous ne l’utilisons pas avec justice ? demanda le chef.

L’homme le fixa du regard un long moment. Enfin, il tourna les talons et s’en alla, en emportant ses hommes.

Gwendolyn le regarda s’éloigner, pensive.

– Ne faites pas attention à lui, dit le chef en se remettant à marcher.

– Je ne veux pas être un fardeau pour vous, dit Gwendolyn. Nous pouvons partir.

Le chef secoua la tête.

– Vous ne partirez pas, dit-il. Pas avant d’être prêts. Il y a d’autres endroits où vous pourriez aller dans l’Empire, si vous le souhaitez. Des endroits souvent bien cachés. Mais ils sont loin d’ici et il est dangereux de s’y rendre. Vous devez vous reposer et rester avec nous. J’insiste. En fait, seulement pour cette nuit, j’aimerais que vous vous joigniez à nous pour célébrer les festivités. Il fait déjà noir – l’Empire ne vous verra pas – et c’est un jour important pour nous. Nous serions honorés de vous avoir comme invités.

Gwendolyn remarqua qu’effectivement, le crépuscule tombait. On allumait déjà les bûchers. Les villageois avaient revêtu leurs habits de fête. Le rythme doux d’un tambour retentit, puis des chants. Des enfants se mirent à courir, les bras pleins de friandises. Des hommes déambulèrent parmi la foule en proposant des noix de coco remplies de liquide. Gwen renifla dans l’air l’odeur du gibier grillé.

Elle se réjouit de savoir que son peuple aurait la possibilité de se reposer et de manger un bon repas avant de monter s’isoler dans les grottes.





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L’ANNEAU DU SORCIER a tous les ingrédients pour un succès immédiat : intrigue, contre-intrigue, mystère, de vaillants chevaliers, des relations s’épanouissant remplies de cœurs brisés, tromperie et trahison. Cela vous tiendra en haleine pour des heures, et conviendra à tous les âges. Recommandé pour les bibliothèques de tous les lecteurs de fantasy. Books and Movie Review, Roberto MattosUNE LOI DE REINES est le tome 13 de la série à succès l’Anneau du Sorcier, qui commence avec LA QUETE DES HEROS (Tome 1) . Dans LOI DE REINES, Gwendolyn mène le reste de sa nation en exil, tandis qu’ils voguent vers les ports hostiles de l’Empire. Recueillis par le peuple de Sandara, ils essaient de se rétablir en se tenant cachés, de construire un nouveau foyer dans l’ombre de Volusia. Thor, déterminé à secourir Guwayne, poursuit sa quête avec ses frères de la Légion, loin à travers la mer, vers les grottes gigantesques qui annoncent le Pays des Esprits, rencontrant des monstres impensables et des paysages exotiques. Dans les Îles Méridionales, Alistair se sacrifie pour Erec – et pourtant un rebondissement inattendu pourrait justement les sauver tous les deux. Darius risque tout pour sauver l’amour de sa vie, Loti, même s’il doit faire face à l’Empire seul. Mais son conflit avec l’Empire, découvrira-t-il, n’est que le début. Et Volusia poursuit son ascension, après le meurtre de Romulus, pour consolider son emprise sur l’Empire et devenir la Reine impitoyable qu’elle est censée être. Gwen et son peuple survivront-ils ? Guwayne sera-t-il trouvé ? Alistair et Erec vont-ils vivre ? Darius sauvera-t-il Loti ? Thorgrin et ses frères en réchapperont-ils ?Avec un univers élaboré et des personnages sophistiqués, Une Terre de Feu est un récit épique d’amis et d’amants, de rivaux et de prétendants, de chevaliers et de dragons, d’intrigues et de machinations, de passage à l’âge adulte, de cœurs brisés, de déceptions, d’ambition et de trahisons. C’est une histoire d’honneur et de courage, de sort et de destinée, de sorcellerie. C’est un ouvrage de fantasy qui nous emmène dans un monde inoubliable, et qui plaira à tous. Cela a attiré mon attention dès le début et ne l’a pas lâchée… Cette histoire est une aventure extraordinaire au rythme effréné et rempli d’action dès le début. On ne s’ennuie pas un instant. Paranormal Romance Guild {à propos de Mémoires d’un Vampire}

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