Книга - Une Concession d’Armes

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Une Concession d’Armes
Morgan Rice


L'anneau Du Sorcier #8
Dans UNE CONCESSION D’ARMES (tome 8 de l’Anneau du Sorcier), Thor se retrouve pris au piège entre les forces du bien et du mal, comme Andronicus et Rafi utilisent toute leur magie noire pour briser son identité et prendre le contrôle de son âme. Sous leur emprise, Thor vivra sa plus grande bataille et luttera pour chasser son père et se libérer de ses chaînes. En espérant que ce ne soit pas trop tard…Gwendolyn, en compagnie d’Alistair, de Steffen et d’Aberthol, s’aventure dans les Limbes pour retrouver Argon et le libérer de sa prison magique. À ses yeux, il représente le seul espoir de sauver Thor et l’Anneau. Cependant, les Limbes sont vastes et dangereuses et retrouver Argon semble impossible…Reece mène la Légion dans une quête désespérée, jamais entreprise jusqu’à ce jour : descendre dans le Canyon et retrouver l’Épée. Au fur et à mesure, ils découvrent un autre monde, peuplé de monstres et de créatures exotiques, qui désirent toutes garder l’Épée pour des raisons obscures. Romulus, armé de sa cape magique, met en place son plan diabolique visant à traverser l’Anneau et détruire le Bouclier. Kendrick, Erec, Bronson et Godfrey luttent pour se libérer de cette trahison. Tirus et Luanda apprennent à leurs dépens ce que servir Andronicus signifie réellement. Mycoples essaye de briser ses chaînes. Au cours d’un formidable rebondissement, le secret de Alistair est enfin révélé. Thor reviendra-t-il à lui-même ? Gwendolyn retrouvera-t-elle Argon ? Reece trouvera-t-il l’Épée ? Romulus réussira-t-il ? Kendrick, Bronson et Godfrey s’en sortiront-ils, contre toute attente ? Mycoples reviendra-t-elle ? Ou bien l’Anneau sera-t-il finalement détruit à jamais ?Entre univers sophistiqué et personnages bien construits, UNE CONCESSION D’ARMES est un conte épique qui parle d’amis et d’amants, de rivaux et de prétendants, de chevaliers et de dragons, d’intrigues et de machinations politiques, de jeunes gens qui deviennent adultes, de cœurs brisés, de tromperie, d’ambition et de trahison. C’est un conte sur l’honneur et le courage, sur le destin et la sorcellerie. C’est un roman de fantasy qui nous entraîne dans un monde que nous n’oublierons jamais et qui plaira à toutes les tranches d’âge et tous les lecteurs.





Morgan Rice

Une Concession d’Armes (Tome 8 de l’Anneau du Sorcier)




À propos de Morgan Rice

Morgan Rice est l’auteur de la série de fantasy épique en dix-sept tomes L’ANNEAU DU SORCIER, classée meilleure vente aux États-Unis et célébrée par le quotidien USA Today. Elle est également l’auteur de trois autres séries à succès en cours de publication : MÉMOIRES D’UN VAMPIRE, qui comprend onze tomes, LA TRILOGIE DES RESCAPÉS, un thriller post-apocalyptique qui en compte deux, et sa nouvelle série de fantasy épique, ROIS ET SORCIERS. Les livres de Morgan sont disponibles en édition audio et papier. Elle est traduite dans plus de vingt-cinq langues.

TRANSFORMATION (Livre # 1 de Mémoires d'une vampire), ARÈNE UN (Livre # 1 de la Trilogie des rescapés) et LA QUÊTE DE HÉROS (Livre # 1 dans L'anneau du sorcier) et LE RÉVEIL DES DRAGONS (Livre # 1 de Rois et sorciers) sont disponibles en téléchargement gratuit!

Morgan adore recevoir de vos nouvelles. N'hésitez pas à visiter son site web www.morganricebooks.com (http://www.morganricebooks.com/) pour vous inscrire à la newsletter, recevoir un livre gratuit, des nouvelles exclusives et des cadeaux, télécharger l'appli gratuite, vous connecter sur Facebook et Twitter et rester en contact!



Quelques acclamations pour l’œuvre de Morgan Rice

« L'ANNEAU DU SORCIER a tous les ingrédients d'un succès immédiat : des intrigues, des contre-intrigues, du mystère, de vaillants chevaliers et des relations qui s’épanouissent entre les cœurs brisés, les tromperies et les trahisons. Ce roman vous occupera pendant des heures et satisfera toutes les tranches d'âge. À ajouter de façon permanente à la bibliothèque de tout bon lecteur de fantasy. »



    --Books and Movie Reviews, Roberto Mattos

« [Une] épopée de fantasy passionnante. »



    —Kirkus Reviews

« Les prémices de quelque chose de remarquable … »



    --San Francisco Book Review

« Bourré d'action… L'écriture de Rice est consistante et le monde intrigant. »



    --Publishers Weekly

« Une épopée inspirée… Et ce n'est que le début de ce qui promet d'être une série épique pour jeunes adultes. »



    --Midwest Book Review



Du même auteur

ROIS ET SORCIERS

LE RÉVEIL DES DRAGONS (Livre n 1)

LE RÉVEIL DU VAILLANT (Livre n 2)

LE POIDS DE L'HONNEUR (Livre n 3)

UNE FORGE DE BRAVOURE (Livre n 4)



L'ANNEAU DU SORCIER

LA QUÊTE DES HÉROS (Tome 1)

LA MARCHE DES ROIS (Tome 2)

LE DESTIN DES DRAGONS (Tome 3)

UN CRI D'HONNEUR (Tome 4)

UNE PROMESSE DE GLOIRE (Tome 5)

UN PRIX DE COURAGE (Tome 6)

UN RITE D'ÉPÉES (Tome 7)

UNE CONCESSION D'ARMES (Tome 8)

UN CIEL DE SORTILÈGES (Tome 9)

UNE MER DE BOUCLIERS (Tome 10)

UN RÈGNE D'ACIER (Tome 11)

UNE TERRE DE FEU (Tome 12)

UNE LOI DE REINES (Tome 13)

UN SERMENT FRATERNEL (Tome 14)

UN RÊVE DE MORTELS (Tome 15)

UNE JOUTE DE CHEVALIERS (Tome 16)

LE DON DE BATAILLE (Tome 17)



TRILOGIE DES RESCAPÉS

ARÉNA UN : LA CHASSE AUX ESCLAVES (Livre n 1)

DEUXIÈME ARÈNE (Livre n 2)



MÉMOIRES D'UNE VAMPIRE

TRANSFORMÉE (Livre n 1)

AIMÉE (Livre n 2)

TRAHIE (Livre n 3)

PRÉDESTINÉE (Livre n 4)

DÉSIRÉE (Livre n 5)

FIANCÉE (Livre n 6)

VOUÉE (Livre n 7)

TROUVÉE (Livre n 8)

RENÉE (Livre n 9)

ARDEMMENT DÉSIRÉE (Livre n 10)

SOUMISE AU DESTIN (Livre n 11)












Écoutez L’ANNEAU DU SORCIER en format audio !


Copyright © 2013 par Morgan Rice

Tous droits réservés. Sauf dérogations autorisées par la Loi des États-Unis sur le droit d'auteur de 1976, aucune partie de cette publication ne peut être reproduite, distribuée ou transmise sous quelque forme que ce soit ou par quelque moyen que ce soit, ou stockée dans une base de données ou système de récupération, sans l'autorisation préalable de l'auteur.

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Il s'agit d'une œuvre de fiction. Les noms, les personnages, les entreprises, les organisations, les lieux, les événements et les incidents sont le fruit de l'imagination de l'auteur ou sont utilisés dans un but fictionnel. Toute ressemblance avec des personnes réelles, vivantes ou mortes, n'est que pure coïncidence.

Image de couverture : Copyright Razzomgame, utilisée en vertu d'une licence accordée par Shutterstock.com.


« Mon honneur, c’est ma vie : tous les deux ne font qu’un ;
Enlevez-moi l’honneur, et ma vie est perdue. »

    --William Shakespeare
    Richard II






CHAPITRE UN


Gwendolyn se recroquevilla pour se protéger du vent hurlant, en s’engageant sur la Passerelle Septentrionale. Le pont branlant, recouvert de glace, était fait de cordages usés et de planches vermoulues. Difficile de croire qu’il supporterait leur poids… Gwen serra les dents en posant le pied sur la première marche.

Elle glissa et se rattrapa à la rambarde qui se mit à tanguer de façon peu rassurante. Son cœur manqua un battement en songeant que cette passerelle fragile était leur seul moyen de traverser le Canyon pour atteindre les Limbes et secourir Argon. Elle leva les yeux et aperçut au loin le paysage recouvert d’un tapis de neige aveuglant. Ce voyage lui paraissait de plus en plus hasardeux.

Une bourrasque soudaine fit branler violemment la passerelle et Gwen s’accrocha à deux mains aux cordages avant de tomber à genoux. L’espace d’un instant, elle se demanda si elle tiendrait bon… C’était encore plus dangereux qu’elle ne l’avait imaginé. Il leur faudrait recommander leurs vies aux dieux.

– Madame ? fit une voix.

Gwen se retourna vers Aberthol qui se tenait à quelques pas, flanqué de Steffen, Alistair et Krohn, qui attendaient de pouvoir traverser à leur tour. Tous les cinq formaient un groupe étrange et improbable, perché à l’aplomb du monde, prêt à affronter le futur et la mort.

– Devons-nous vraiment traverser ce pont ?

Grelottante, Gwen se retourna vers le vent hurlant chargé de neige, en serrant contre elle ses fourrures. Elle espérait secrètement ne pas avoir à traverser, ne pas avoir à entreprendre ce voyage… Qu’elle serait bien dans la maison de son enfance, à la Cour du Roi, à l’abri derrière ces murs solides, au pied du feu, éloignée des dangers et des soucis du monde qui menaçaient de l’avaler depuis son couronnement !

Mais, bien sûr, c’était impossible. La Cour du Roi n’existait plus et l’enfance de Gwen avait disparu avec elle. Dorénavant, elle était Reine. Elle devait prendre soin de son bébé à naître et de son futur mari. Ils avaient besoin d’elle. Pour Thorgrin, elle se serait jetée au feu. Elle savait ce qu’elle devait faire… Ils avaient besoin de Argon. Il fallait se rendre à l’évidence : ils n’affrontaient pas seulement Andronicus mais également une forme de magie obscure qui avait été assez puissante pour capturer Thor. Sans Argon, ils ne pourraient en venir à bout.

– Oui, répondit-elle. Il le faut.

Gwen se prépara à poursuivre son chemin mais, cette fois, Steffen se précipita pour lui bloquer le passage.

– Madame, laissez-moi passer le premier, dit-il. Nous ne savons pas ce qui nous attend sur cette passerelle.

Quoique touchée par sa proposition, Gwendolyn le repoussa doucement.

– Non, dit-elle. Je dois le faire.

Elle n’attendit pas un instant de plus et s’engagea d’un pas volontaire sur le pont fait de cordages.

Elle fut surprise par la sensation de froid sous ses doigts, comme si la glace cherchait à la transpercer de part en part. Elle prit une profonde inspiration, incertaine de survivre à la tentative.

Une autre bourrasque agita la passerelle et l’obligea à agripper plus fermement les cordes glacées. Elle lutta pour garder l’équilibre et ses semelles patinèrent sur les planches verglacées. Le pont s’inclina brusquement vers la gauche et, l’espace d’un instant, elle crut tomber, avant que le vent ne renverse à nouveau la passerelle dans l’autre direction.

Gwen s’agenouilla à nouveau. Elle avait à peine parcouru trois mètres et son cœur battait déjà à tout rompre dans sa poitrine. Ses doigts étaient si engourdis qu’elle ne les sentait plus.

Elle ferma les yeux et prit une grande inspiration, en pensant à Thor. Elle imagina son visage dans sa tête, jusqu’au dernier détail. Elle pensa à son amour pour lui, à sa détermination. Elle le sauverait. Quoi qu’il en coûte.

Quoi qu’il en coûte.

Gwendolyn ouvrit les yeux et se força à avancer, un pas après l’autre, les doigts refermés sur la rambarde, bien décidée à ne plus s’arrêter. Le vent et la neige pouvaient bien la renverser et l’emporter dans les ténèbres du Canyon. Cela n’importait plus. Il ne s’agissait pas d’elle, il s’agissait de l’amour de sa vie. Pour lui, elle aurait fait n’importe quoi.

Gwendolyn sentit le pont branler derrière elle. En jetant un coup d’œil par-dessus son épaule, elle vit Steffen, Aberthol, Alistair s’engager derrière elle. Krohn se faufila entre leurs jambes jusqu’à se retrouver à ses côtés.

– Je ne sais pas si j’y arriverai, prévint Aberthol d’une voix tendue en faisant quelques pas tremblants.

Il s’arrêta, ses doigts maigres et faibles refermés sur la rambarde. Un vieillard incapable de suivre ses compagnons…

– Vous pouvez le faire, dit Alistair en drapant un bras autour de sa taille. Je suis là, ne vous inquiétez pas.

La druidesse se mit à marcher à ses côtés, pour l’aider, comme le groupe poursuivait son chemin, de plus en plus loin, un pas après l’autre.

La force de Alistair devant l’adversité, son calme et sa témérité stupéfiaient Gwen. Elle dégageait également un pouvoir que Gwendolyn ne comprenait pas. Sans pouvoir l’expliquer Gwen ne pouvait s’empêcher de l’aimer. Les deux jeunes femmes se connaissaient à peine et, pourtant, elles étaient déjà aussi proches que des sœurs. La présence de la druidesse réconfortait Gwen, tout comme celle de Steffen.

Il y eut soudain une accalmie et le groupe en profita pour avancer. Bientôt, ils se retrouvèrent au milieu de la passerelle. Ils marchaient de plus en plus vite. Gwen commençait à s’habituer aux planches glissantes. Le bout du Canyon apparaissait au loin, à moins de cinquante mètre et le cœur de Gwendolyn se mit à battre plus vite. Peut-être qu’ils y arriveraient, finalement…

Une nouvelle bourrasque souffla alors, plus violente encore que les précédentes, si violente que Gwen fut obligée de s’agenouiller et d’agripper les cordes à deux mains. Elle se cramponna avec la force du désespoir, comme le pont se balançait d’un côté puis de l’autre. Elle sentit la planche sous ses pieds céder et poussa un cri quand sa jambe traversa la passerelle et se coinça jusqu’à la cuisse. Elle lutta pour se dégager, mais sans y parvenir.

Du coin de l’œil, elle vit Aberthol perdre l’équilibre, lâcher Alistair et glisser vers le précipice. Alistair réagit très vite et le rattrapa d’une main, juste avant qu’il ne dégringole.

Penchée vers le vide, elle se cramponna pour remonter le vieillard à sa hauteur et Gwen pria pour que les cordes tiennent bon. Elle se sentit si impuissante, la jambe bloquée entre les planches. Son cœur tambourina dans sa poitrine et elle s’agita de plus belle pour se dégager.

Le pont se balança à nouveau violemment. Alistair et Aberthol se balancèrent avec lui.

– Lâchez-moi ! hurla le vieillard. Sauvez votre vie !

Sa canne lui échappe et tourna sur elle-même avant de disparaître dans les ténèbres du Canyon. Il ne lui restait plus que le bâton accroché à son sac.

– Tout ira bien, dit Alistair calmement.

Gwen fut surprise de la voir si posée, si confiante.

– Regardez-moi dans les yeux, ordonna-t-elle fermement.

– Comment ? hurla Aberthol par-dessus le sifflement du vent.

– Regardez-moi dans les yeux, commanda la druidesse d’une voix plus forte.

Il y avait quelque chose dans sa voix. Le ton de ceux qui commandent aux hommes. Aberthol leva les yeux. Leurs regards se trouvèrent et Gwendolyn vit une étrange clarté émaner des yeux de Alistair, puis briller dans ceux de Aberthol. La lueur enveloppa le vieillard. Alistair le tira alors sans efforts et Aberthol reprit pied sur la passerelle.

Le vieil érudit resta un instant stupéfait, pantelant, son regard émerveillé levé sur Alistair. Quand une autre bourrasque souffla, il s’agrippa à la rambarde de toutes ses forces.

– Madame ! hurla Steffen.

Il s’agenouilla près de Gwen et l’attrapa par les épaules pour la dégager.

Au moment où elle retirait enfin sa jambe du trou qui la retenait prisonnière, elle glissa soudain entre les mains glacées de Steffen et retomba brusquement. L’impact fut si brutal qu’une autre planche céda sous son poids et elle poussa un hurlement, aspirée par le vide.

Avec l’énergie du désespoir, elle agrippa les cordes d’une main et le poignet de Steffen de l’autre. Suspendue au-dessus du gouffre, elle eut l’impression qu’on cherchait à l’écarteler. Steffen menaça de glisser à son tour, les jambes emmêlées, penché vers le précipice dans l’espoir d’empêcher Gwen de tomber. Les cordes usées étaient maintenant la seule chose qui les retenait de mourir.

Un grognement retentit. Krohn bondit et planta ses crocs dans le manteau de fourrure de Gwen pour la hisser, en gémissant.

Lentement, Gwen se sentit remonter, centimètre par centimètre. Bientôt, elle put s’accrocher aux planches et se traîna sur le pont. Elle resta un instant allongée sur le ventre, pantelante. Krohn lui lécha le visage, encore et encore. Elle ressentit une profonde gratitude envers lui et Steffen, maintenant étendu à côté d’elle. Elle avait de la chance d’être en vie et d’avoir échappé à une mort terrible.

Ce fut alors qu’elle entendit un claquement et toute la passerelle trembla. Son sang se glaça dans ses veines. Elle jeta un coup d’œil par-dessus son épaule : une des cordes qui retenait le pont était en train de céder.

La passerelle branla. Gwen vit avec horreur qu’une autre corde se délitait. Le pont ne tenait plus qu’à un fil.

Tous poussèrent un hurlement quand il se décrocha et les précipita vers la paroi du Canyon.

Gwen leva les yeux. Un mur de pierre arrivait sur eux à toute allure. Dans quelques instants, il les heurterait de plein fouet et ce serait la mort. Les survivants feraient une chute mortelle dans le ravin.

– Rocher, laisse-nous passer ! JE TE L’ORDONNE ! hurla une voix.

C’était une voix remplie d’une autorité primale et ancienne. Une voix que Gwen n’avait jamais entendue.

Elle baissa les yeux vers Alistair, cramponnée aux cordages, qui levait la main vers la falaise. Une lumière jaune émanait de ses doigts. Comme la vitesse les emportait vers la mort, Gwen se prépara à l’impact. Ce qui arriva alors la stupéfia.

Sous ses yeux, le rocher se changea en neige. Au lieu de se rompre les os, Gwen se sentit plongée dans un mur douillet et froid. La neige l’enveloppa complètement et entra dans son nez, dans ses yeux, dans ses oreilles…

Elle avait survécu.

Ils étaient à présent suspendus contre la paroi du Canyon transformée en mur de neige. Gwen sentit une main forte l’attraper par le poignet. Alistair. Ses doigts semblaient étrangement chauds, malgré le froid glaçant. D’une manière ou d’une autre, la druidesse se débrouilla pour entraîner tous ses compagnons vers le haut, en grimpant le long des cordages comme si c’était la chose la plus facile au monde. Enfin, ils atteignirent le sommet et Gwen se jeta au sol. Derrière eux, les cordes usées cédèrent, emportant pour de bon la passerelle dans les ténèbres et les brumes tourbillonnantes du Canyon.

Gwen resta étendue un instant, pantelante, heureuse de retrouver la terre ferme, ses pensées tournées vers ce qui venait juste d’arriver. Elle n’était plus sur le pont. Elle était en vie. Ils l’avaient fait. Grâce à Alistair.

Gwendolyn se tourna vers elle, le regard empli d’émerveillement et de respect. Comme ils avaient de la chance de l’avoir à leurs côtés ! Il lui semblait vraiment qu’elle venait de trouver une sœur. Quant à ses pouvoirs, nul doute que Gwen n’avait pas fini de les découvrir…

Gwen ne savait pas comment ils reviendraient dans l’Anneau, une fois leurs aventures terminées – si leurs aventures se terminaient un jour, s’ils trouvaient Argon et revenaient vivants. Tournée vers le mur de neige aveuglante qui lui faisait face, l’entrée dans les Limbes, Gwen eut soudain l’impression que les plus grands obstacles se trouvaient encore devant elle…




CHAPITRE DEUX


Debout au bord de la Passerelle Orientale, les doigts refermés sur le garde-fou, Reece contemplait le précipice avec horreur, le souffle coupé. Il n’arrivait pas à y croire : l’Épée de Destinée, enchâssée dans sa prison de pierre, venait de dégringoler et de disparaître entre les volutes de brume.

Il était resté silencieux longtemps, dans l’attente du bruit de la chute, dans l’attente de sentir la terre trembler sous ses pieds au moment où le rocher aurait touché le sol. À son grand étonnement, ce bruit ne retentit jamais. Le Canyon n’avait-il donc pas de fond ? Les rumeurs disaient-elles vrai ?

Enfin, Reece lâcha le parapet, reprit son souffle et se tourna vers ses compagnons. O’Connor, Elden, Conven, Indra, Serna et Krog étaient bouche bée, le regard vide et hagard, pétrifiés, incapables d’assimiler ce qui venait de se passer. L’Épée de Destinée. La légende qui avait bercé leur enfance. L’arme la plus importante au monde. La propriété des rois. La seule chose qui permettait au Bouclier de les protéger tous.

Elle venait de glisser entre leurs doigts. Perdue à jamais dans les ténèbres et l’oubli.

Reece avait échoué. Il avait abandonné Thor et l’Anneau. Si seulement ils étaient arrivés quelques minutes plus tôt ! Quelques mètres de plus et ils l’auraient sauvée.

Reece se tourna de l’autre côté du Canyon, vers l’Empire, et se prépara au pire. L’Épée disparue, il s’attendait presque à voir le Bouclier descendre, à voir les soldats impériaux traverser la passerelle, bien alignés, prêts à envahir le pays. Il arriva alors quelque chose d’étrange : sous les yeux de Reece, l’un des soldats essaya de passer mais reçut de plein fouet une décharge qui le tua.

D’une manière ou d’une autre, le Bouclier était sauf. Reece ne comprenait pas.

– Ça n’a pas de sens, dit-il à ses compagnons. L’Épée a quitté l’Anneau. Comment est-ce possible ?

– L’Épée n’a pas quitté l’Anneau, suggéra O’Connor. Elle n’a pas traversé. Pas encore. Elle est tombée tout droit dans le ravin. Maintenant, elle est bloquée entre les deux mondes.

– Que devient le Bouclier si l’Épée n’est ni à l’intérieur, ni à l’extérieur ? s’interrogea Elden.

Tous échangèrent des regards émerveillés. Personne n’avait la réponse, car cette situation était inédite.

– Nous ne pouvons pas repartir comme ça, dit Reece. L’Anneau est en sécurité tant que l’Épée est de notre côté, mais nous ne savons pas ce qui lui arrivera en bas.

– Tant que nous ne l’avons pas dans les mains, impossible de savoir si elle ne finira pas par glisser de l’autre côté, renchérit Elden.

– Nous ne pouvons pas prendre ce risque, dit Reece. Le destin de l’Anneau en dépend. Nous ne pouvons pas faire demi-tour et revenir les mains vides.

Reece se tourna vers les autres d’un air décidé.

– Nous devons la récupérer, conclut-il. Avant qu’un autre ne le fasse.

– La récupérer ? demanda Krog d’un air stupéfait. Es-tu sot ? Comment comptes-tu faire ça ?

Reece jeta un coup d’œil à Krog qui le regardait avec un air de défi, comme toujours. Il commençait vraiment à ennuyer Reece, celui-là : il ne cessait de remettre ses ordres en question. S’il continuait comme ça, Reece finirait par perdre patience.

– Nous le ferons, insista-t-il. Nous le ferons en descendant le long de la paroi.

Ses compagnons poussèrent des cris de surprise. Les mains sur les hanches, Krog fit la grimace.

– Tu es fou, dit-il. Personne n’est jamais descendu dans le Canyon.

– Personne ne sait si le Canyon a un fond, renchérit Serna. Pour ce qu’on en sait, l’Épée a traversé un nuage de brume et continue de dégringoler.

– C’est ridicule, s’agaça Reece. Tout a un fond. Même l’océan.

– Eh bien, même si ce fond existe, rétorqua Krog, comment descendre jusque là alors que nous ne pouvons ni l’apercevoir, ni l’entendre ? Ça prendrait des jours… même des semaines peut-être !

– Sans parler du fait que ce ne sera pas une promenade de santé, dit Serna. Tu as vu comme c’est abrupt ?

Reece se retourna vers la falaise dont la pierre millénaire disparaissait partiellement derrière les volutes de brume. Verticales. Vertigineuses. Ses compagnons avaient raison : ce ne serait pas facile. Cependant, ils n’avaient pas le choix.

– C’est pire que vous ne le pensez, dit-il. La brume rend la pierre humide et glissante. Même si nous atteignons le fond, nous ne serons pas sûrs de pouvoir remonter.

Tous lui jetèrent un regard stupéfait.

– Alors, tu es d’accord : c’est de la folie, dit Krog.

– C’est de la folie, dit Reece d’une voix tonnante, pleine d’assurance et d’autorité. Mais nous sommes nés pour ce genre de folie. Nous ne sommes pas seulement des hommes. Nous ne sommes pas seulement des citoyens de l’Anneau. Nous sommes d’une autre race : celle des guerriers. Nous sommes des soldats. Nous sommes des hommes de la Légion. Nous avons fait un vœu. Nous avons prêté serment. Nous avons promis de ne jamais refuser une quête sur le prétexte qu’elle est difficile ou dangereuse, de ne jamais hésiter devant une entreprise qui pourrait nous coûter la vie. C’est cela qui fait de nous des guerriers. L’essence même du courage : s’engager dans une quête qui nous dépasse, car c’est la bonne chose à faire, la chose honorable, même si le but à atteindre parait inaccessible. Après tout, ce n’est pas le résultat qui fait de nous des braves, mais le fait d’essayer. C’est plus grand que nous. C’est ce que nous sommes.

Un lourd silence suivit ces mots, comme le vent sifflait autour d’eux.

Enfin, Indra fit un pas en avant.

– Je suis avec Reece, dit-elle.

– Moi aussi, ajouta Elden en faisant à son tour un pas en avant.

– Et moi, dit O’Connor.

Conven se porta en silence à la hauteur de Reece, les doigts refermés sur la poignée de son épée.

– Pour Thorgrin, dit-il, j’irai jusqu’au bout du monde.

D’avoir à ses côtés ses amis de la Légion, Reece sentit soudain la fierté et l’optimisme l’envahir. Ses compagnons étaient devenus sa famille. Ils l’avaient accompagné jusqu’au bout de l’Empire. Les cinq se tournèrent alors vers les nouvelles recrues, Krog et Serna. Reece se demanda s’ils se joindraient à eux. Ils en auraient bien besoin mais, si les deux gaillards souhaitaient faire demi-tour, il en serait ainsi. Reece ne demanderait pas deux fois.

Krog et Serna renvoyèrent leurs regards, visiblement hésitants.

– Je suis une femme, leur dit Indra, comme vous me le rappeliez en riant. Et, pourtant, je suis là, prête à entreprendre la quête d’un guerrier, tandis que vous, avec tous vos muscles, vous hésitez…

Serna grogna, repoussa ses longs cheveux bruns et fit à son tour un pas en avant.

– J’irai, dit-il, mais seulement pour Thorgrin.

Krog resta seul de son côté, le visage cramoisi et le regard plein de défi.

– Vous êtes tous des idiots, dit-il, vous tous.

Mais il fit à son tour un pas en avant pour se joindre au groupe.

Reece, satisfait, se tourna vers la paroi du Canyon. Il n’y avait plus un instant à perdre.


*

Reece se cramponnait à la paroi tout en descendant, centimètre par centimètre. Les autres le suivaient, quelques mètres au-dessus de sa tête. Il semblait qu’ils étaient là depuis des heures. Le cœur de Reece battait à tout rompre chaque fois que son pied cherchait un appui. Ses doigts douloureux, engourdis par le froid, et ses semelles ne cessaient de glisser. Il n’aurait jamais imaginé que ce serait si dur. Il avait soigneusement étudié le terrain et la forme des rochers. Par endroits, la falaise était lisse et il était impossible de l’escalader. Cependant, ça et là, elle était recouverte d’une mousse épaisse et la roche dentelée présentait des prises, des trous, des fissures qui lui permettaient de poser les pieds et les mains. Reece avait même repéré quelques saillies pour se reposer un instant.

Pourtant, l’escalade était encore plus difficile que prévue. La brume les empêchait d’y voir clair. En baissant les yeux à la recherche d’une prise, Reece avala sa salive avec difficulté. Sans parler du fait qu’après tout ce temps, il était toujours impossible d’apercevoir le fond…

En son for intérieur, Reece était de plus en plus inquiet et pessimiste. Sa gorge était sèche. Une partie de lui ne pouvait s’empêcher de se demander s’il n’avait pas commis une grave erreur.

Il n’osait pas en parler aux autres. Depuis la capture de Thor, il était le chef et il devait donner l’exemple. Laisser sa peur le contrôler ne serait pas bon… Il fallait qu’il reste fort et concentré sur sa quête. La peur ne lui servirait à rien.

Les mains de Reece tremblaient. Il s’obligea à ne pas penser à ce qui se trouvait en contrebas et à se concentrer sur la paroi.

Un pied après l’autre, songea-t-il. Cette pensée le rassura.

Il glissa le pied dans une fissure, puis trouva une autre prise. Il commençait à trouver son rythme.

– ATTENTION ! cria quelqu’un.

Reece se prépara et une pluie de gravillons tomba soudain sur lui, en rebondissant sur sa tête et ses épaules. Il leva les yeux et vit un énorme caillou filer dans sa direction. Il s’aplatit sur la paroi, manquant de peu d’être assommé.

– Désolé ! cria O’Connor. J’ai mis le pied sur un caillou !

Le cœur de Reece battit à tout rompre. Il se força à se calmer. Il brûlait de savoir s’ils se rapprochaient enfin du but. Il saisit un petit caillou tombé sur son épaule et le fit tomber par-dessus son épaule.

Il attendit le bruit de l’impact.

Ce bruit ne vint jamais.

Son mauvais pressentiment ne fit que s’accentuer. Il était toujours impossible de savoir jusqu’où descendait ce Canyon. Ses mains et ses pieds commençaient à trembler. Y arriveraient-ils ? Et si Krog avait eu raison ? Et s’il n’y avait pas de fond ? Et si tout cela n’était qu’une mission suicidaire ?

Comme Reece poursuivait sa descente, progressait de quelques mètres et retrouvait son rythme, il entendit soudain le bruit d’un corps raclant contre la paroi rocheuse, puis un cri. En levant les yeux, il s’aperçut que Elden avait perdu l’équilibre et tombait près de lui.

Instinctivement, il tendit la main et réussit à agripper le poignet de son camarade avant que celui-ci ne disparaisse entre les volutes de brume. Heureusement, il était lui-même fermement cramponné à la falaise et parvint à retenir la chute de son ami. Mais Elden resta suspendu au bout de son bras, incapable de retrouver une prise le long de la paroi. Il était trop lourd. Reece ne tiendrait pas longtemps.

Indra apparut brusquement à leurs côtés. Elle tendit la main pour attraper l’autre poignet de Elden, qui se tortilla sans pouvoir glisser ses pieds sur la paroi.

– Je ne trouve pas de prises ! hurla-t-il d’une voix paniquée.

Il balança ses pieds si violemment que Reece crut qu’il allait lâcher ou bien tomber avec lui. Il réfléchit rapidement.

Il pensa alors à la corde et au grappin que O’Connor lui avait montrés juste avant de descendre. Un objet qu’ils utilisaient pour escalader les murs des forteresses en cas de siège. Au cas où, avait dit O’Connor.

– O’Connor, ta corde ! cria Reece. Jette-la vers moi !

Reece leva les yeux vers son ami qui détacha la corde de sa ceinture et planta le grappin sur la paroi, avant de laisser courir la longe contre le mur. Il tira dessus de tout son poids pour tester sa stabilité, puis la fit glisser vers Reece.

Ce n’était pas trop tôt : la paume glissante de Elden s’échappa entre les doigts de Reece. Il tendit la main vers la corde pour s’y accrocher. Reece retint son souffle.

La corde tint bon. Elden se stabilisa contre la paroi et parvint à retrouver une prise solide. Pantelant, il resta longuement plaqué contre la paroi pour retrouver son équilibre et sa respiration. Il poussa un long soupir de soulagement, tout comme Reece. Ils étaient passés tout près d’une tragédie.


*

Ils descendirent et descendirent, jusqu’à perdre la notion du temps. Le ciel s’assombrit. Malgré le froid, Reece était couvert de sueur. Il pourrait tomber à tout moment. Ses mains et ses pieds tremblaient violemment et le son de sa propre respiration emplissait ses oreilles. Combien de temps encore tiendrait-il ? Il fallait qu’il trouve le fond du ravin très vite, très bientôt, pour que tous puissent se reposer. Malheureusement, ils ne pouvaient s’arrêter nulle part.

Que se passerait-il quand la fatigue les empêcherait de continuer ? Tomberaient-ils l’un après l’autre dans le néant ?

Il y eut soudain une agitation au dessus de la tête de Reece et une petite avalanche de gravillons s’abattit sur son visage et dans ses yeux. Son cœur s’arrêta quand il entendit un cri. Un cri de mort. Du coin de l’œil, il vit un corps chuter à côté de lui, plus vite qu’il n’aurait su le dire.

Reece tendit la main pour l’attraper mais, en se retournant, il put seulement apercevoir Krog dégringoler en hurlant, tout droit vers les ténèbres.




CHAPITRE TROIS


Kendrick était assis sur la selle de son cheval, aux côtés de Erec, Bronson et Srog. Leurs hommes derrière eux, ils faisaient face à Tirus et à l’Empire. Ils venaient de tomber dans un piège. Tirus les avait vendus. Kendrick réalisait trop tard que lui faire confiance avait été une erreur.

Il leva les yeux et vit arriver sur la droite dix mille soldats impériaux, perchés sur la colline, prêts à décocher leurs flèches. À gauche, ils étaient tout aussi nombreux. En face, plus nombreux encore. Les quelques milliers de soldats au service de Kendrick ne pourraient jamais les vaincre. Essayer seulement donnerait lieu à un massacre. Tous les archers étaient prêts à tirer. Le moindre geste signerait l’arrêt de mort des hommes de Kendrick. De plus, la configuration géographique de la vallée ne jouait pas en leur faveur. Tirus avait bien choisi l’endroit pour organiser son embuscade.

Impuissant, écarlate de rage et d’indignation, Kendrick planta son regard sur son oncle qui le contemplait avec un petit sourire satisfait. Derrière lui, ses quatre fils et, à ses côtés, le commandant impérial.

– L’argent a donc tant de valeur à vos yeux ? lança Kendrick à Tirus qui se tenait à quelques mètres, d’une voix glaçante. Vous vendriez votre propre peuple, votre propre sang ?

Tirus ne montra aucun remords. Au contraire, son sourire s’élargit.

– Ton peuple, ce n’est pas mon sang, tu ne te souviens donc pas ? dit-il. C’est pour cela que, selon vos lois, je n’ai pas droit au trône de mon frère.

Erec se racla la gorge :

– Selon les lois des MacGils, le trône doit aller au fils, pas au frère.

Tirus secoua la tête.

– Cela n’a pas d’importance maintenant. Vos lois n’importent pas. La force triomphe toujours des lois. Comme vous pouvez le voir, je suis le plus fort. Ce qui signifie que c’est moi, maintenant, qui dicte la loi. Les générations futures ne se souviendront même plus de vous et des règles que vous avez instituées. Ils se souviendront seulement du fait que moi, Tirus, je suis Roi. Pas vous, pas votre sœur.

– Les règnes illégitimes ne durent jamais, rétorqua Kendrick. Vous pouvez nous tuer, mais vous ne convaincrez jamais Andronicus de vous donner le trône. Quoi qu’il arrive, vous et moi, nous savons bien que vous ne régnerez pas longtemps. La traîtrise que vous nous enseignez signera également votre mort.

Tirus eut l’air peu impressionné.

– Dans ce cas, je savourerai mon règne bref… Et j’applaudirai l’homme qui me trahira avec autant de talent que je ne vous ai trahis !

– Assez parlé ! s’écria le commandant impérial. Rendez-vous ou vos hommes mourront !

Kendrick lui renvoya son regard, furieux. Il savait qu’il devait obéir, mais il n’en avait pas la moindre envie.

– Déposez vos armes, dit Tirus calmement et d’une voix rassurante. Je vous traiterai avec respect, comme des soldats. Vous serez mes prisonniers de guerre. Je ne partage pas vos lois mais j’honore le code des guerriers. Je vous promets qu’aucun mal ne vous sera fait sous ma garde.

Kendrick jeta un coup d’œil à Bronson, à Srog, puis à Erec, qui lui renvoyèrent son regard. Tous se tenaient fièrement assis sur le dos de leurs chevaux qui piaffaient, silencieux et immobiles.

– Comment vous faire confiance ? cria Bronson à Tirus. Vous nous avez prouvé que votre parole ne vaut rien. Je préfère mourir sur le champ de bataille, si cela peut faire disparaître votre sourire narquois.

Tirus lui jeta un regard noir.

– Tu prends la parole alors que tu n’es pas un MacGil ! Tu es un McCloud. Tu n’as pas le droit de te mêler des affaires des MacGils.

Kendrick prit aussitôt la défense de son ami.

– Bronson est aussi MacGil que nous tous. Il parle pour nous.

Tirus serra les dents, visiblement agacé.

– C’est votre choix. Regardez autour de vous : nos milliers d’archers sont prêts à tirer. Vous êtes tombés dans notre piège. Si vous tendez la main vers vos armes, vos hommes tomberont comme des mouches. Ce n’est pas ce que vous voulez. Parfois, il faut se battre et, parfois, il faut se rendre. Si vous voulez protéger vos hommes, vous ferez ce que tout bon commandant ferait. Baissez vos armes.

Kendrick serra la mâchoire, consumé par la fureur. Il détestait l’admettre mais Tirus avait raison. Il regarda autour de lui et comprit immédiatement que la plupart de ses hommes mourraient s’ils essayaient de combattre, peut-être même tous ses hommes. Malgré son mépris pour Tirus, Kendrick devinait également qu’il disait la vérité et que ses hommes ne seraient pas en danger sous sa garde. Aussi longtemps qu’ils vivraient, ils pourraient se battre un autre jour, dans un autre endroit, un autre champ de bataille.

Il échangea un regard avec Erec, l’homme qui avait combattu bien des fois à ses côtés, le champion de l’Argent, et vit qu’il pensait la même chose. Se comporter en chef ou en guerrier, ce n’était pas la même chose : un guerrier pouvait se battre avec l’énergie du désespoir, mais un chef devait penser aux autres en premier.

– Parfois, il faut se battre. Parfois, il faut se rendre, cria Erec. Nous entendons votre promesse de soldat : nos hommes ne seront pas en danger. Sur ces conditions, nous déposons nos armes. Si vous brisez cette promesse, que Dieu ait pitié de votre âme, car nous reviendrons de l’enfer pour venger nos hommes, jusqu’au dernier.

Tirus hocha la tête, satisfait, et Erec jeta à terre son épée encore dans son fourreau. Elle atterrit avec un bruit métallique.

Kendrick l’imita, tout comme Bronson et Srog. Tous étaient réticents mais c’était la seule chose à faire.

Derrière eux, un fracas métallique retentit, comme des milliers d’armes tombaient sur le sol glacé par l’hiver : l’Argent, les MacGils et les Silésiens se rendaient.

Le sourire de Tirus s’élargit.

– Maintenant, mettez pied à terre, ordonna-t-il.

L’un après l’autre, tous mirent pied à terre.

Tirus sourit, ravi de sa victoire.

– Pendant toutes ces années d’exil dans les Isles Boréales, j’ai envié la Cour du Roi, mon frère aîné et tout son pouvoir. Mais quel MacGil est le plus puissant, maintenant ?

– Le pouvoir de la trahison n’est rien, lança Bronson.

Tirus lui jeta un regard noir et fit signe à ses hommes.

Ceux-ci se précipitèrent pour ligoter les poignets des chefs vaincus avec des cordes de chanvre. Ils les conduisirent ensuite à travers la plaine. Une longue ligne de prisonniers.

Entraîné avec les autres, Kendrick songea soudain à Godfrey. Ils étaient partis ensemble, mais Kendrick ne l’avait pas vu depuis, ni lui, ni ses hommes. Son frère avait-il trouvé le moyen de s’échapper ? Kendrick espéra qu’il était en sécurité. Pour dire la vérité, il était presque optimiste.

Avec Godfrey, il fallait s’attendre à tout.




CHAPITRE QUATRE


Godfrey chevauchait à la tête de ses hommes, flanqué de Akorth, de Fulton, de son général silésien et du commandant impérial dont il venait d’acheter généreusement la loyauté. Un large sourire éclairait son visage. Quelle satisfaction de voir la division impériale, forte de quelques milliers d’hommes, rejoindre sa cause !

Il songea à la somme qu’il venait de leur verser, ces innombrables sacs d’or, se rappela l’expression de leurs visages… Son plan avait marché ! Il en était fou de joie. Jusqu’au dernier moment, il avait douté. Maintenant que c’était fini, il respirait plus librement. Il y a bien des façons de gagner une bataille, mais il n’y en a qu’une qui permet de gagner sans verser une seule goutte de sang. Godfrey n’était peut-être pas aussi chevaleresque ou téméraire que les autres guerriers… Mais il avait réussi. N’était-ce pas tout ce qui comptait ? Il préférait sauvegarder la vie de ses hommes en payant, plutôt que voir la moitié mourir en prenant une décision risquée.

Godfrey avait beaucoup travaillé pour en arriver là. Il avait fait jouer tous ses contacts dans les bordels, les allées sombres et les tavernes pour découvrir qui couchait avec qui, quelles maisons closes les commandants impériaux fréquentaient et lequel d’entre eux accepterait de se faire soudoyer. Godfrey avait une meilleure connaissance de ces milieux-là que bien d’autres. Il avait passé sa vie à construire son réseau. Aujourd’hui, ses efforts servaient enfin. Tout comme l’or de son défunt père.

Cependant, Godfrey n’était pas sûr de pouvoir leur faire confiance, du moins pas jusqu’à la fin. Il fallait qu’il profite de son avantage tant qu’il en avait le temps. C’était comme tirer à pile ou face : ces gens étaient aussi fiables que l’or qui les avait achetés. Heureusement, Godfrey les avait payés généreusement et ces soldats impériaux étaient pour le moment encore plus utiles que prévu.

Combien de temps encore lui resteraient-ils loyaux ? Difficile à dire. Au moins, Godfrey avait échappé à la bataille et chevauchait à leurs côtés.

– Je me suis trompé à votre sujet, dit une voix.

Godfrey se tourna vers le général silésien qui le regardait avec admiration.

– J’ai douté de vous, je le reconnais, poursuivit-il. Je vous présente mes excuses. Je n’imaginais pas que vous aviez un plan. C’est très ingénieux. Je ne douterai plus de vous.

Godfrey lui sourit avec fierté. Toute sa vie, les guerriers, les soldats et les généraux l’avaient regardé avec mépris. À la cour de son père, où l’art militaire prenait une grande importance, il n’avait connu que dédain. Maintenant, les soldats voyaient enfin que sa ruse pouvait être aussi utile que leur bravoure.

– Ne vous inquiétez pas, dit Godfrey. Je doute de moi-même également. J’apprends tous les jours. Je ne suis pas un commandant et je n’ai pas d’autre plan à long terme que celui de survivre.

– Et où allons-nous à présent ?

– Rejoindre Kendrick, Erec et les autres pour soutenir leur cause.

L’improbable alliance des soldats impériaux et des hommes de Godfrey chevauchait d’un air incertain entre les collines, le long d’une plaine désertique et desséchée, vers l’endroit où Kendrick leur avait donné rendez-vous.

En chemin, un million de pensées diverses traversaient l’esprit de Godfrey. Kendrick et Erec allaient-ils bien ? S’étaient-ils retrouvés en difficulté ? Godfrey s’en sortirait-il dans une vraie bataille ? Maintenant, il ne pouvait plus l’éviter. Il avait épuisé tous ses tours de passe-passe : il n’avait plus d’or pour payer les ennemis.

Il avala sa salive avec difficulté, nerveux. Il n’était pas aussi courageux que les autres, qui semblaient êtres nés chevaliers. Tous avaient l’air de ne jamais craindre la mort. Ils étaient si téméraires… Godfrey devait le reconnaître : lui, il avait peur. Toutefois, il ne s’esquiverait pas, même s’il était maladroit, même s’il n’avait pas le talent militaire de ses frères… Il se demandait seulement combien de fois les dieux de la chance lui sauverait la vie.

Les autres ne semblaient pas se soucier de vivre ou de mourir, comme s’ils étaient toujours prêts à donner leur vie pour la gloire. Godfrey aimait la gloire, mais il aimait la vie plus encore. Il aimait la bière. Il aimait manger. Ici et maintenant, il ressentit soudain dans son estomac le désir brûlant de retrouver la sécurité d’une taverne. La bataille, ce n’était vraiment pas pour lui.

Godfrey pensa alors à Thor, tout seul, là-bas, prisonnier. Il pensa à sa famille qui se battait pour une juste cause. Son honneur, quoique souillé, lui commandait de ne pas faire demi-tour.

Ils chevauchèrent longtemps quand, soudain, atteignant le sommet d’une crête, ils eurent une vue plongeant sur la vallée. Ils s’arrêtèrent. Godfrey plissa les yeux devant le soleil aveuglant, pour comprendre ce qui se passait en contrebas. Il leva une main en visière et contempla la scène, confus.

Alors, à sa grande horreur, tout s’éclaira et son cœur manqua un battement : en contrebas, les milliers d’hommes de Kendrick, Erec et Srog étaient emmenés ailleurs, ligotés comme des prisonniers. Voilà les soldats qu’il était censé rejoindre : cernés de tous les côtés par des divisions impériales dix fois plus nombreuses. Ils étaient à pied, liés par les poignets, et suivaient leurs vainqueurs. Godfrey savait que ni Kendrick, ni Erec n’aurait accepté de se rendre sans une très bonne raison. Selon toute vraisemblance, ils étaient tombés dans une embuscade.

Godfrey resta un instant pétrifié, le souffle coupé par la panique. Comment était-ce possible ? Il avait cru les trouver au milieu d’une bataille féroce mais sensiblement équilibrée. Au lieu de cela, il les voyait disparaître à l’horizon. Il ne faudrait pas moins de quelques heures pour les rattraper.

Le général impérial se porta à la hauteur de Godfrey, sourcils froncés.

– On dirait que vos hommes ont perdu la bataille, dit-il. Cela ne faisait pas partie du marché.

Godfrey se tourna vers lui et vit qu’il était anxieux.

– Je vous ai payés généreusement, dit-il en prenant soin de prendre l’air assuré malgré sa nervosité. Vous avez promis de rejoindre ma cause.

Mais le général secoua la tête.

– J’ai promis de combattre à vos côtés, pas d’effectuer une mission suicidaire. Mes quelques milliers d’hommes ne font pas le poids devant l’armée de Andronicus. Notre marché vient de changer. Vous les combattrez tout seul. Et je garde l’or.

Le général se retourna, poussa un cri et éperonna sa monture pour cavaler dans la direction opposée, ses hommes sur ses talons. Bientôt, ils disparurent de l’autre côté de la vallée.

– Il a notre or ! dit Akorth. On ne devrait pas le prendre en chasse ?

Godfrey secoua la tête, tout en regardant le groupe s’éloigner.

– Pour quoi faire ? Ce n’est que de l’or. Je ne vais pas risquer nos vies pour ça. Qu’il s’en aille. On peut trouver autre chose.

Godfrey se tourna vers l’horizon, où disparaissaient les hommes de Kendrick et de Erec. Maintenant, il n’avait plus de renforts et il était encore plus isolé qu’avant. Toute sa stratégie tombait à l’eau.

– Et maintenant ? demanda Fulton.

Godfrey haussa les épaules.

– Je n’en ai aucune idée, avoua-t-il.

– Tu n’es pas censé dire ça, commenta Fulton. Tu es commandant, maintenant.

Mais Godfrey se contenta de hausser les épaules une fois encore.

– C’est pourtant la vérité.

– C’est pas facile, les trucs de guerriers, dit Akorth en se gratouillant le ventre et en retirant son heaume. Ça ne se goupille pas bien comme tu le voulais, hein ?

Godfrey se tassa sur la selle de sa monture, en secouant la tête. Que pouvait-il faire, à présent ? La tournure des événements le prenait par surprise et il n’avait aucun plan de secours.

– On fait demi-tour ? demanda Fulton.

– Non, s’entendit dire Godfrey, surpris lui-même par son assurance.

Tous tournèrent vers lui des regards stupéfaits et se pressèrent pour écouter son plan.

– Je ne suis peut-être pas un guerrier, dit Godfrey, mais ce sont mes frères. Ils ont été emmenés. Nous ne pouvons pas faire demi-tour. Même si cela veut dire courir à notre mort.

– Êtes-vous fou ? s’exclama le général silésien. Tous ces braves guerriers de l’Argent, de l’armée MacGil, des Silésiens, tous ensemble, ils n’ont pu repousser l’Empire. Comment croyez-vous que quelques milliers de nos hommes pourraient y parvenir sous votre commandement ?

Godfrey lui jeta un coup d’œil agacé. Il commençait à en avoir marre que l’on doute de lui.

– Je n’ai jamais dit que nous allions gagner, rétorqua-t-il. J’ai seulement dit que c’était la bonne chose à faire. Je ne les abandonnerai pas. Mais si vous souhaitez rentrer chez vous, allez-y. Je les attaquerai tout seul.

– Vous n’avez pas d’expérience, grogna son interlocuteur. Vous ne savez pas ce que vous dites. Vous menez les hommes à une mort certaine.

– C’est vrai, dit Godfrey, mais vous avez promis de ne plus douter de moi. Et je ne me détournerai pas.

Godfrey talonna sa monture pour la conduire vers une élévation. D’ici, tous les hommes le verraient.

– SOLDATS ! cria-t-il d’une voix tonnante. Je sais que vous ne me considérez pas comme un commandant aussi admirable que Kendrick, Erec ou Srog. Et vous avez raison. Je n’ai pas leur talent. Mais j’ai du cœur et du courage, du moins à l’occasion. Tout comme vous. Ce que je sais, c’est que nos frères sont retenus prisonniers. Quant à moi, je préfère mourir plutôt que vivre en les sachant loin de nous, mourir plutôt que retourner à la maison comme des chiens en attendant que l’Empire nous abatte. Car, soyez-en sûrs : ils nous tueront un jour. Nous pouvons mourir maintenant, sur le champ de bataille, à la poursuite de l’ennemi. Ou bien nous pouvons mourir dans la honte et le déshonneur. Le choix vous appartient. Chevauchez à mes côtés et, que vous viviez ou non, vous chevaucherez vers la gloire !

Une acclamation s’éleva parmi les hommes, si enthousiaste qu’elle prit Godfrey par surprise. Tous levèrent leurs épées haut vers le ciel et ce spectacle lui redonna de l’espoir.

Il réalisait seulement ce qu’il venait de dire. Il n’avait pas vraiment réfléchi aux mots qu’il avait employés : tout était arrivé si vite. À présent, sa promesse et sa propre bravoure le stupéfiaient.

Comme les hommes préparaient leurs chevaux et leurs armes pour charger vers une mort certaine, Akorth et Fulton s’approchèrent.

– À boire ? proposa Akorth.

Godfrey baissa les yeux et vit son compagnon mettre la main sur une outre à vin. Il s’en saisit vivement et renversa la tête pour boire, boire, boire, jusqu’à presque finir l’outre, avant de reprendre bruyamment sa respiration. Enfin, il s’essuya la bouche et rendit le vin à ses amis.

Qu’ai-je fait ? se demanda-t-il. Il venait de promettre qu’il mènerait son armée dans une bataille qu’ils ne pourraient pas gagner. Avait-il seulement réfléchi aux conséquences ?

– Je ne savais pas que tu avais ça en toi, dit Akorth en lui envoyant une bourrade dans le dos tout en rotant. Très beau discours. Mieux que dans les théâtres !

– On aurait dû vendre des tickets ! renchérit Fulton.

– Je suppose que tu n’as qu’à moitié tort, dit Akorth. Mieux vaut mourir debout que sur le dos.

– Mais sur le dos, ce ne serait pas si mal, si c’est dans le lit d’un bordel, ajouta Fulton. Oh oui ! Ou bien avec une chope de bière dans les bras et la tête sous le robinet !

– Ce ne serait pas si mal, en effet, acquiesça Akorth en buvant un coup.

– Mais je suppose qu’on s’ennuierait au bout d’un moment, dit Fulton. Combien de chopes de bière un homme peut-il boire dans une vie et combien de femmes peut-il baiser ?

– Eh bien, beaucoup, si l’on y pense…, dit Akorth.

– Quand bien même, je suppose que c’est plus drôle de mourir d’une autre façon. Plus divertissant.

Akorth soupira.

– En tout cas, si on survit à ça, nous aurons au moins une bonne raison de boire un coup. Pour une fois, on l’aura bien mérité !

Godfrey se détourna du bavardage de Akorth et de Fulton. Il fallait qu’il se concentre. Il était temps pour lui de devenir un homme et de laisser derrière les blagues de tavernes. Il était temps qu’il prenne de vraies décisions, qui auraient une incidence sur de vrais hommes, dans le vrai monde. Il se sentit soudain écrasé par le poids de la responsabilité. Il ne put s’empêcher de se demander si son père avait connu la même pression. D’une certaine façon, malgré sa rancœur, Godfrey commençait à éprouver de la compassion en pensant à son père. Et peut-être même qu’à sa grande horreur, il commençait à l’aimer.

Oublieux du danger, Godfrey eut l’impression qu’une vague d’assurance le submergeait. Il éperonna sa monture en poussant un cri de guerre et dévala le coteau.

Derrière lui, ses hommes firent écho à son cri et les cavalcades de leurs chevaux résonnèrent.

Godfrey se sentit soudain très léger, comme le vent battait ses cheveux, comme le vin lui tournait la tête, comme il chevauchait vers une mort certaine en se demandant ce qui l’avait poussé dans cette folie…




CHAPITRE CINQ


Thor était assis sur la selle de sa monture, flanqué de son père et de McCloud. Rafi se trouvait non loin. Derrière eux, plusieurs dizaines de milliers de soldats impériaux bien disciplinés attendaient patiemment le commandement de Andronicus. Ils se tenaient au sommet d’une crête rocheuse, tournés vers les Highlands dont les pics étaient coiffés de neige. On apercevait d’ici la capitale des McClouds, Highlandia. Sous le regard nerveux de Thor, plusieurs milliers de soldats surgirent de la cité, prêts à combattre.

Ce n’était pas des MacGils, ni des hommes de l’Empire. Ils portaient une armure que Thor reconnaissait vaguement. Il resserra sa prise sur le pommeau de sa nouvelle épée. Il n’était pas sûr de savoir qui ces ennemis étaient et pourquoi ils attaquaient.

– Des McClouds… Mes anciens soldats, expliqua McCloud à Andronicus. De bons garçons que j’ai entraînés et avec lesquels j’ai combattu.

– Et maintenant, il se retournent contre toi, remarqua Andronicus. Ils se préparent à nous attaquer.

McCloud prit l’air renfrogné. Il n’avait plus qu’un œil et la moitié de son visage brûlé au fer rouge portait l’emblème de l’Empire. Il avait l’air grotesque.

– Je suis navré, mon seigneur, dit-il. Ce n’est pas ma faute. C’est l’œuvre de mon garçon, Bronson. Il a retourné mes propres hommes contre moi. Sans lui, tous auraient rejoint notre belle cause.

– Ton garçon n’est pas responsable, corrigea Andronicus d’une voix tranchante comme l’acier en se tournant vers son interlocuteur. C’est ta faiblesse en tant que commandant et en tant que père qui est responsable. L’échec de ton enfant est ton échec. J’aurais dû savoir que tu ne pourrais pas contrôler tes propres hommes. J’aurais dû te tuer depuis longtemps.

McCloud avala sa salive, nerveux.

– Mon seigneur, songez qu’ils ne se battent pas seulement contre moi, mais contre vous. Ils veulent débarrasser l’Anneau de l’Empire.

Andronicus secoua la tête en jouant avec son collier de têtes réduites.

– Tu es de mon côté, maintenant, dit-il. Se battre contre moi, c’est se battre contre toi.

McCloud tira son épée en jetant aux ennemis un regard noir.

– Je les tuerai jusqu’au dernier, déclara-t-il.

– Je sais que tu le feras, dit Andronicus. Si tu ne le fais pas, je te tuerai de mes propres mains. Non pas que j’aie besoin de ton aide. Mes hommes causeront bien plus de dégâts que tu ne pourrais l’imaginer – surtout s’ils ont à leur tête mon fils, Thornicus.

Assis sur le dos de sa monture, Thor écoutait vaguement leur conversation, sans vraiment l’entendre. Il était comme en transe. Son esprit brouillé par des pensées étrangères qu’il ne reconnaissait pas, des pensées qui palpitaient et lui rappelaient constamment l’allégeance qu’il devait à son père, son devoir de servir l’Empire et sa destinée en tant que fils de Andronicus. Ces pensées virevoltaient dans sa tête, incessamment, et, malgré ses efforts, il était incapable d’avoir les idées claires. C’était comme si son propre corps le retenait en otage.

Quand Andronicus parlait, tous ses mots devenaient des idées dans l’esprit de Thor, puis des ordres. Ensuite, d’une manière ou d’une autre, elles devenaient ses propres pensées, comme si elles avaient toujours été siennes. Thor luttait : une petite partie de lui cherchait encore à chasser ces pensées invasives pour clarifier son esprit. Cependant, plus il essayait, plus c’était difficile.

Assis sur sa selle, le regard tourné vers l’armée ennemie qui galopait dans la plaine, il sentit le sang pulser dans ses veines. Tout ce qui importait maintenant, c’était sa loyauté envers son père et la nécessité d’écraser tout ce qui se trouvait sur le chemin de celui-ci. Sa destinée : gouverner l’Empire.

– Thornicus, m’entends-tu ? demanda Andronicus. Es-tu prêt à te battre pour ton père ?

– Oui, père, répondit Thor sans détourner son regard fixe. J’affronterai tout homme qui se dressera contre toi.

Le sourire de Andronicus s’élargit. Il se tourna vers ses hommes.

– SOLDATS ! tonna-t-il. L’heure est venue d’affronter l’ennemi, de débarrasser l’Anneau de ces rebelles une bonne fois pour toutes. Nous commencerons par ces McClouds qui osent nous défier. Thornicus, mon fils, vous mènera dans la bataille. Vous le suivrez comme vous m’auriez suivi, moi. Vous donnerez votre vie pour lui comme vous l’auriez fait pour moi. Le trahir, c’est me trahir.

– THORNICUS ! cria Andronicus.

– THORNICUS ! reprirent en chœur les soldats impériaux derrière lui.

Thor, rendu téméraire par ce discours et ces cris, leva sa nouvelle épée haut vers le ciel. L’épée de l’Empire, celle que son père chéri lui avait donnée. Il sentit un pouvoir le traverser, le pouvoir de sa lignée, de son peuple, de tout ce qu’il était destiné à devenir. Enfin, il était chez lui, avec son père. Pour lui, Thor ferait n’importe quoi. Même se jeter dans la mort.

Il poussa un féroce cri de guerre, éperonna sa monture et dévala le coteau à toute allure pour entrer le premier dans la mêlée. Derrière lui, un autre cri de guerre lui répondit et plusieurs dizaines des milliers de soldats le suivirent, prêts à donner leurs vies pour Thornicus.




CHAPITRE SIX


Mycoples était roulée en boule sous le filet d’akron qui la retenait prisonnière, incapable d’étirer son corps ou de battre ses ailes. Allongée sur le pont du navire, elle ne pouvait ni lever le menton, ni étendre ses pattes, ni sortir ses griffes. Elle ne s’était jamais sentie si mal de toute sa vie, si impuissante, si faible. Lentement, elle ouvrait et fermait ses paupières, abattue et déprimée, plus inquiète pour Thor que pour elle-même.

Elle pouvait sentir son énergie, même d’ici, alors que le navire voguait sur l’océan, balayé par le roulis des vagues immenses qui s’écrasaient sur le pont. Thor changeait, il devenait quelqu’un d’autre, quelqu’un qui ne ressemblait plus à l’homme que Mycoples avait connu. Cette certitude lui brisait le cœur. Elle ne pouvait s’empêcher de penser qu’elle l’avait abandonné. Elle tenta une nouvelle fois de se libérer pour voler à son secours, mais en vain.

Une vague immense s’écrasa non loin et les eaux écumeuses du Tartuvien se glissèrent sous le filet, emportant son corps qui vint heurter le bastingage. Elle se recroqueville en poussant un faible rugissement dénué de son ancienne force. Elle était résignée. Ils allaient la tuer ou peut-être la destinaient-ils à une vie en captivité. Cela n’importait pas. Mycoples espérait seulement que Thor irait bien. Et elle espérait qu’elle aurait l’opportunité, seulement l’opportunité, de se venger de ses assaillants.

– Elle est là ! Elle a glissé à travers le pont ! cria un des officiers impériaux.

Mycoples sentit une violente douleur percer les fines écailles de sa tête, quand deux soldats armés de longues lances la piquèrent à travers les mailles du filet. Elle tenta de plonger vers eux, mais ses liens l’en empêchèrent. Elle gronda quand ils recommencèrent, encore et encore, amusés par ce jeu cruel.

– Elle ne fait pas si peur que ça, non ? demanda l’un d’eux.

Son compagnon éclata de rire en piquant le dragon près de l’œil. Mycoples se détourna à la dernière seconde pour éviter d’être aveuglée.

– Aussi inoffensive qu’une petite mouche !

– Il parait qu’on va l’exposer dans le capitole impérial.

– Ce n’est pas ce que j’ai entendu dire, renchérit l’autre. Il parait qu’ils vont lui arracher les ailes et la torturer pour tout ce qu’elle a fait à nos hommes.

– J’aimerais bien être là quand ça arrivera…

– Il faut vraiment qu’on la livre saine et sauve ? demanda l’un d’eux.

– Ce sont les ordres.

– Je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas l’abîmer un peu. Après tout, elle n’a pas besoin de ses deux yeux…

Son compagnon se mit à rire.

– Vu sous cet angle, je suppose que tu as raison, répondit-il. Vas-y, amuse-toi.

L’homme s’approcha en levant sa lance.

– Tiens-toi tranquille, ma belle…, dit-il.

Mycoples eut un mouvement de recul quand le soldat chargea, prêt à lui transpercer l’œil.

Soudain, une vague s’écrasa sur le pont et l’eau emporta le soldat qui glissa sous le museau de Mycoples. Ses yeux s’emplirent de terreur. Au prix d’un grand effort, Mycoples parvint à lever une griffe, juste assez pour attirer le soldat vers elle. Elle l’épingla alors en pleine gorge.

Il poussa un cri et le sang se mit à gicler, avant de se mêler à l’eau de mer. Quand il rendit son dernier souffle, Mycoples ressentit une petite satisfaction.

Le deuxième soldat prit ses jambes à son cou en appelant à l’aide. Quelques minutes plus tard, une douzaine d’hommes armés de longues lances approchaient.

– Tuez la bête ! cria l’un d’eux.

Tous s’approchèrent pour la tuer et Mycoples eut soudain la certitude que sa dernière heure avait sonné.

Elle sentit soudain la rage brûler au fond d’elle-même, plus violemment que jamais. Elle ferma les yeux et pria Dieu pour qu’il lui accorde un dernier sursaut d’énergie.

Lentement, elle sentit une vague de chaleur naître dans son ventre et monter jusqu’à sa gorge. Elle leva la tête, ouvrit la bouche et poussa un rugissement. À sa grande surprise, une gerbe de flammes jaillit.

Elles traversèrent le filet et engloutirent les soldats qui lui faisaient face.

Ils poussèrent des cris, s’écroulèrent sur le pont. Certains coururent se jeter par-dessus bord. Mycoples sourit.

Plusieurs douzaines de soldats apparurent en renfort, armés cette fois de gourdins. Mycoples tenta de conjurer le feu, une fois encore.

Sans résultat. Dieu avait entendu sa prière et lui avait donné une opportunité, une seule. Elle ne pouvait rien faire de plus, mais elle était reconnaissante d’avoir pu essayer.

Les soldats se jetèrent sur elle pour la battre. Lentement, Mycoples se sentit glisser, toujours plus bas. Ses yeux se fermèrent. Elle se roula en boule, résignée, tout en se demandant si c’était là sa dernière heure sur terre.

Bientôt, les ténèbres l’envahirent.




CHAPITRE SEPT


Romulus se tenait à la proue de son immense navire dont la coque était peinte de noir et d’or et dont le mât arborait la bannière impériale : un lion tenant un aigle dans sa gueule. Debout, les mains sur les hanches, dressé de toute sa hauteur, il contemplait les vagues de l’Ambrek. Au loin, le rivage de l’Anneau apparaissait.

Enfin.

Le cœur de Romulus se mit à battre plus fort quand il posa les yeux pour la première fois sur cette terre. Les meilleurs hommes naviguaient avec lui, quelques douzaines d’entre eux, et les meilleurs navires les suivaient. Une grande armada qui recouvrait l’océan et portait les couleurs de l’Empire. Ils avaient fait un long voyage : ils avaient contourné l’Anneau pour surprendre Andronicus et l’assassiner au moment où il s’y attendrait le moins.

Romulus sourit en y pensant. Andronicus ne se doutait pas de ses ressources. Il allait l’apprendre de la pire manière : il ne fallait jamais sous-estimer Romulus.

De grosses vagues s’écrasaient sur la coque et Romulus se délecta de la fraîcheur des gouttes sur son visage. Il tenait sous son bras la cape magique qu’il avait reçue dans la forêt. Cela allait fonctionner. Il le sentait. Il allait traverser le Canyon. Quand il enfilerait la cape, il deviendrait invisible, il traverserait le Bouclier et pénétrerait dans l’Anneau, seul. Sa mission nécessiterait de l’agilité, de la ruse et de la discrétion. Bien sûr, ses hommes ne pourraient pas l’accompagner, mais il n’aurait pas besoin d’eux : une fois à l’intérieur, il trouverait les soldats de Andronicus et les persuaderait de rejoindre sa cause. Il sèmerait la division entre eux et se débrouillerait pour mettre le feu aux poudres. Après tout, les soldats aimaient Romulus autant qu’ils aimaient Andronicus. Il retournerait les hommes contre leur commandant.

Romulus trouverait ensuite un MacGil et le ramènerait de l’autre côté de Canyon, comme le voulait la légende. Si cette légende disait vrai, le Bouclier serait détruit. Romulus appellerait ses hommes et toute la flotte entrerait pour détruire l’Anneau une bonne fois pour toutes. Alors, Romulus règnerait enfin sur l’univers.

Il prit une grande inspiration. Il goûtait presque la victoire sur ses lèvres. Toute sa vie, il s’était battu pour ce moment.

Romulus leva les yeux vers le ciel rendu écarlate par le coucher du deuxième soleil, un astre rougeoyant qui disparaissait à l’horizon. C’était l’heure de la journée qui verrait Romulus prier les dieux : le Dieu de la Terre, le Dieu de la Mer, le Dieu du Ciel, le Dieu du Vent et, surtout, le Dieu de la Guerre. Il savait qu’il devait tous les apaiser. Il s’y était préparé : il avait apporté des esclaves à sacrifier. Leur sang lui donnerait du pouvoir.

Comme ils s’approchaient du rivage, les vagues s’écrasant sur la coque, Romulus n’attendit pas que l’on déroule l’échelle de corde mais sauta par-dessus bord dès que le navire toucha le sable. Il atterrit quelques mètres plus bas, sur ses pieds, de l’eau jusqu’à la taille, puis marcha jusqu’à la plage comme s’il en était déjà le propriétaire, en laissant derrière lui les traces de ses pas. Derrière lui, ses hommes firent courir les échelles de corde et commencèrent à descendre. L’un après l’autre, les bateaux s’échouèrent.

Romulus les passa en revue en souriant. Le ciel s’assombrissait. Le moment parfait pour un sacrifice. Il était important d’avoir l’approbation des dieux.

Il se tourna vers ses hommes.

– DU FEU ! cria-t-il.

Les soldats s’affairèrent et mirent en place un grand bûcher, haut d’environ cinq mètres. Une grande étoile à trois branches, prête à être enflammée.

Romulus hocha la tête et ses hommes traînèrent vers l’échafaud une douzaine d’esclaves liés les uns aux autres. Ils furent ligotés sur le bûcher. Les yeux écarquillés par la panique, ils cherchèrent à se débattre en voyant arriver les torches, quand ils comprirent qu’on s’apprêtait à les brûler vifs.

– NON ! hurla l’un d’eux. Pitié ! Pas ça ! Tout mais pas ça !

Romulus les ignora. Il leur tourna le dos et fit quelques pas, les bras en croix, la tête renversée vers le ciel.

– OMARUS ! cria-t-il. Donne-nous la lumière pour éclairer notre chemin ! Accepte mon sacrifice. Accompagne-moi dans l’Anneau. Fais-moi signe. Dis-moi si je vais réussir !

Romulus baissa les mains et ses hommes se précipitèrent pour incendier le bûcher.

Des cris déchirants s’élevèrent, des étincelles volèrent de toutes parts, tandis que Romulus admirait le spectacle, le visage éclairé par la lueur des flammes.

Il hocha la tête et ses hommes conduisirent devant lui une vieille femme borgne au visage ridé et au corps recroquevillé, assise dans un chariot que les soldats manoeuvraient comme une brouette. Elle se pencha vers les flammes. Romulus la regarda faire, patient, dans l’attente de sa prophétie.

– Tu réussiras, dit-elle, à moins que les soleils ne convergent.

Romulus sourit. Les soleils ? Converger ? Ce n’était pas arrivé depuis mille ans.

Il était fou de joie et un doux sentiment emplit soudain sa poitrine. Voilà exactement ce qu’il voulait entendre. Les dieux étaient avec lui.

Romulus saisit sa cape et monta sur son cheval qu’il éperonna. Il se mit à galoper, seul, à travers la plage, vers la route qui le mènerait à la Passerelle Orientale, vers le Canyon. Bientôt, il pénètrerait dans l’Anneau.




CHAPITRE HUIT


Selese marchait entre les restes de la bataille, Illepra à ses côtés. Toutes deux inspectaient les corps, l’un après l’autre, à la recherche de signes de vie. Le chemin depuis Silesia avait été long et difficile : seules sur la route, elles avaient suivi l’armée pour porter secours aux blessés. Elles avaient préféré s’éloigner des autres guérisseurs : du même âge et toutes deux amoureuses d’un garçon MacGil, les deux jeunes femmes étaient devenues très proches. Selese aimait Reece et Illepra, même si cela ne lui plaisait pas de l’admettre, aimait Godfrey.

Elles avaient fait de leur mieux pour se rapprocher de l’armée, en passant par les champs, les forêts et les chemins boueux, le regard toujours à la recherche d’un MacGil blessé. Malheureusement, les trouver n’était pas difficile : leurs corps jonchaient la campagne. Parfois, Selese trouvait le moyen de les soigner. Le plus souvent, tous ses efforts et ceux de Illepra ne pouvaient les sauver. Un élixir permettait alors à ses hommes de trouver le repos éternel.

Quelle tragédie pour Selese ! Ayant pratiqué son art dans un petit village toute sa vie, elle n’avait jamais eu à soigner des blessures de cette gravité. Elle était plus habituée aux égratignures, aux coupures, aux morsures de Forsyth de temps en temps… Mais ce massacre ? Ce bain de sang ? Ces blessés ? Tout cela la bouleversait

C’était dans la nature de Selese : elle voulait que ses patients aillent mieux. Pourtant, depuis son départ de Silesia, elle n’avait fait que suivre une piste de sang. Comment les hommes pouvaient-ils faire cela ? Ces blessés et ces morts avaient été des fils, des frères, des maris… Comment l’humanité pouvait-elle être si cruelle ?

Ce qui brisait le cœur de Selese, c’était de ne pas pouvoir aider toutes les personnes qu’elle rencontrait sur son chemin. Elle ne pouvait transporter qu’un nombre limité d’herbes et de potions. Les autres guérisseurs étaient partis aux quatre coins de l’Anneau. Il fallait porter secours à toute une armée, mais elles n’étaient pas assez nombreuses et n’avaient pas assez de matériel. Sans chariots, chevaux et équipes compétentes, elles ne pouvaient rien faire de plus.

Selese ferma les yeux et prit une grande inspiration. Les visages des blessés apparurent une fois encore derrière ses paupières baissées. Trop souvent, elle devait aider un soldat mortellement touché, dont les yeux roulaient dans leurs orbites. Elle finissait toujours par lui donner du Blatox, un antidouleur et un tranquillisant puissant qui ne permettait ni de soigner, ni d’arrêter l’infection. Sans ses potions, c’était ce qu’elle pouvait faire de mieux. Cela lui donnait envie de pleurer et de crier tout en même temps.

Selese et Illepra s’agenouillèrent aux côtés d’un soldat blessé, à quelques pas l’une de l’autre, chacune d’elle occupée à recoudre une blessure avec du fil et une aiguille. Selese était obligée d’utiliser la même à chaque fois. Elle aurait préféré en changer, mais elle n’avait pas le choix. Le soldat poussa un cri de douleur quand elle recousit une longue estafilade chargée de pus qui courait sur son biceps. Selese pressa sa main contre le bras ouvert pour tenter d’étancher le flot de sang.

Peine perdue. Si seulement elles avaient trouvé ce soldat un jour plus tôt… ! Maintenant, son bras était vert et Selese repoussait l’inévitable.

– Tout ira bien, lui dit-elle.

– Non, répondit-il en levant vers elle le regard d’un mort, un regard que Selese ne connaissait que trop bien. Dites-moi. Je vais mourir ?

Selese prit une grande inspiration et retint son souffle. Que répondre à cela ? Elle ne voulait pas mentir. Mais elle ne pouvait pas non plus lui dire la vérité.

– Nos destins sont dans les mains de notre créateur, dit-elle. Il n’est jamais trop tard. Bois ceci, dit-elle en portant à ses lèvres une fiole de Blatox, tout en caressant son front.

Ses yeux roulèrent dans leurs orbites et il poussa un soupir, enfin en paix.

– Je me sens mieux, dit-il.

Quelques instants plus tard, ses yeux se fermèrent.

Selese sentit une larme couler le long de sa joue et la chassa rapidement.

Illepra terminait de recoudre son blessé et toutes deux se relevèrent, épuisées, avant de reprendre leur marche interminable, d’un cadavre à l’autre. La piste mortelle les conduisait vers l’est, où se trouvait le corps principal de l’armée.

– Que faisons-nous ici ? demanda enfin Selese après un long silence.

– Nous aidons, répondit Illepra.

– On ne dirait pas. Nous en avons sauvé si peu. Nous en avons perdu tant.

– Et ceux que nous avons sauvés ? rétorqua Illepra. Leur vie n’a-t-elle donc aucune valeur ?

Selese y réfléchit.

– Bien sûr que si, dit-elle. Mais les autres ?

Elle ferma les yeux pour visualiser leurs visages, mais tous étaient déjà flous dans sa mémoire.

Illepra secoua la tête.

– Ce n’est pas ainsi qu’il faut penser. Tu es une rêveuse. Trop naïve. Tu ne peux pas tous les sauver. Nous ne sommes pas responsables de cette guerre. Nous nous contentons de passer après.

Elles poursuivirent leur chemin en silence, toujours un peu plus loin vers l’est, à travers les champs de cadavres. Selese se réjouissait, au moins, de la présence de Illepra. Elles se tenaient compagnie dans cette heure difficile et partageaient leurs connaissances et leurs remèdes. Le nombre de plantes que Illepra utilisait stupéfiait Selese. Illepra, quant à elle, s’intéressait beaucoup aux baumes que Selese avait découvert dans son petit village. Elles se complétaient bien.

Tout en marchant, ses yeux passant d’un corps à l’autre, Selese pensait à Reece. Malgré tout ce qui arrivait, elle ne pouvait le chasser de son esprit. Elle avait voyagé jusqu’à Silesia pour le retrouver, mais la vie les avait séparés à nouveau. Et, bien sûr, cette guerre stupide n’avait de cesse de les éloigner l’un de l’autre. Allait-il bien ? Où se trouvait-il exactement ? Chaque fois qu’elle voyait un corps, son regard se portait immédiatement vers son visage. Elle priait avec un mélange d’espoir et d’horreur pour que ce ne soit pas lui. Son estomac se nouait. Quand elle retournait le cadavre et apercevait des traits inconnus, elle poussait un soupir de soulagement.

Peut-être que ce serait le prochain… Cette peur de le voir blessé ou bien mort ne quittait jamais Selese. Si sa peur se confirmait, aurait-elle la force de continuer ?

Toutefois, elle était bien décidée à le retrouver, mort ou vif. Elle avait voyagé jusque là et ne ferait pas demi-tour avant de savoir.

– Je n’ai vu aucun signe de Godfrey, dit Illepra en envoyant un coup de pied dans un caillou.

Illepra parlait de Godfrey parfois, depuis qu’elles étaient parties. Il était évident qu’elle était amoureuse.

– Moi non plus, dit Selese.

Entre les deux femmes, amoureuses chacune d’un frère MacGil, Reece et Godfrey, cette conversation ne s’épuisait jamais. Pour dire la vérité, Selese ne voyait pas très bien ce que Illepra trouvait à Godfrey. Il avait surtout l’air d’un poivrot, d’un homme irresponsable qu’il ne fallait pas prendre au sérieux. Il était drôle et plutôt astucieux, mais ce n’était pas le genre d’homme que Selese recherchait. Selese voulait un mari sincère, honnête et intense. Elle voulait un homme qui serait un symbole de chevalerie et d’honneur. Reece était cet homme-là.

– Je ne saurais dire s’il pourrait survivre à ça, dit Illepra tristement.

– Tu l’aimes, n’est-ce pas ? demanda Selese.

Illepra rougit et détourna le regard.

– Je n’ai rien dit de tel, se défendit-elle. Je m’inquiète, voilà tout. C’est un ami.

Selese sourit.

– Vraiment ? C’est pour cela que tu ne peux pas t’empêcher de parler de lui ?

– Je ne parle que de lui ? demanda Illepra, surprise. Je ne m’en rends pas compte.

– Oui, que de lui.

Illepra haussa les épaules et se tut.

– Je suppose que je me suis attachée à lui, d’une manière ou d’une autre. Il me rend folle parfois. Je suis toujours obligée d’aller le chercher dans les tavernes. Il me promet chaque fois qu’il n’y retournera pas, mais il y retourne. C’est exaspérant. J’aimerais lui montrer de quel bois je me chauffe…

– C’est pour cela que tu veux tellement le retrouver ? demanda Selese. Pour lui montrer de quel bois tu te chauffes ?

Ce fut au tour de Illepra de sourire.

– Peut-être pas, dit-elle. Peut-être que je veux aussi le prendre dans mes bras.

Elles contournèrent une colline et tombèrent sur un soldat silésien, allongé au pied d’un arbre, la jambe brisée. Selese évalua ses blessures de loin, de son œil expert. Non loin, deux chevaux étaient attachés.

Elles se précipitèrent pour le rejoindre.

Comme Selese nettoyait ses plaies, une entaille profonde barrant sa cuisse, elle ne put s’empêcher de lui poser la question qu’elle posait à tous les soldats :

– Avez-vous vu la famille royale ? Avez-vous vu Reece ?

Tous les autres avaient détourné le regard en secouant la tête. Selese était habituée à la déception et n’attendait plus de réponse positive.

À sa grande surprise, le soldat hocha la tête.

– Je ne l’ai pas suivi au combat, mais je l’ai vu, oui, madame.

Selese écarquilla les yeux d’excitation et d’espoir.

– Il va bien ? Il est blessé ? Savez-vous où il se trouve ? demanda-elle en agrippant le poignet de son interlocuteur, le cœur battant.

Il hocha la tête.

– Oui. Il a été chargé d’une mission spéciale. Récupérer l’Épée.

– Quelle Épée ?

– Mais l’Épée de Destinée, bien sûr.

Elle le dévisagea avec émerveillement. L’Épée de Destinée. L’épée légendaire.

– Où ? demanda-t-elle d’une voix désespérée. Où est-il ?

– Il est parti vers la Passerelle Orientale.

La Passerelle Orientale, pensa Selese. Loin, si loin. Elle ne pourrait jamais y aller à pied. Pas à ce rythme. Si Reece était parti là-bas, il était sûrement en danger. Il avait besoin d’elle.

Quand elle eut terminé de panser les blessures du soldat, elle balaya les environs du regard et remarqua les deux chevaux attachés. L’homme avait une jambe cassée et ne pourrait plus monter. Il n’en avait pas besoin. De plus, si personne ne s’occupait d’eux, ils allaient mourir.

L’homme surprit son regard.

– Prenez-les, madame, offrit-il. Je n’en aurai plus besoin.

– Mais ils sont à vous, dit-elle.

– Je ne peux plus monter à cheval. Pas comme ça. Autant qu’ils servent à quelqu’un. Prenez-les, retrouvez Reece. C’est un long voyage et vous ne pouvez pas y aller à pied. Vous m’avez bien aidé. Je ne vais pas mourir ici. J’ai de la nourriture et de l’eau pour trois jours. Des hommes viendront. Les patrouilles traversent cette région tout le temps. Prenez-les et partez.

Selese lui serra la main, submergée par la gratitude. Elle se tourna vers Illepra, déterminée.

– Je dois trouver Reece. Je suis désolée. Il y a deux chevaux. Tu peux prendre l’autre et aller où tu veux. Je dois traverser l’Anneau jusqu’à la Passerelle Orientale. Je suis navrée, mais je dois te quitter.

Selese monta sur son cheval. À sa grande surprise, Illepra la suivit et mit à son tour le pied à l’étrier. Elle tira alors son glaive et trancha la corde qui retenait les chevaux.

Elle se tourna vers Selese en souriant.

– Tu pensais vraiment qu’après tout ce que nous avons traversé, je te laisserais y aller toute seule ? demanda-t-elle.

Selese sourit.

– Non, je suppose, répondit-elle.

Les deux femmes éperonnèrent leurs montures et partirent au grand galop sur la route, vers l’est où Selese espérait trouver Reece.




CHAPITRE NEUF


Gwendolyn se blottit dans son manteau, en baissant le menton pour se protéger du vent et de la neige, alors qu’elle parcourait une plaine d’une blancheur immaculée, flanquée de Alistair, Steffen, Aberthol et Krohn. Les cinq marchaient depuis des heures. Ils ne s’étaient pas arrêtés après avoir traversé le Canyon et pénétré dans les Limbes. Gwen était épuisée. Ses muscles et son ventre lui faisaient mal : de brusques douleurs l’assaillaient de temps à autre, quand le bébé se mettait à bouger. C’était un monde blanc. La neige tourbillonnait et les enveloppait. L’horizon n’offrait aucun réconfort. Rien ne brisait la monotonie du paysage. Gwen avait l’impression de marcher au bord du monde.

Il faisait de plus en plus froid et, malgré les fourrures, la bise pinçait les os de Gwendolyn. Ses doigts étaient déjà engourdis.

En regardant ses compagnons, elle voyait qu’elle n’était pas la seule à souffrir : tous luttaient contre le froid. Avait-elle commis une terrible erreur en venant ici ? Même si Argon se trouvait là, comment le retrouver ? Il n’y avait aucun chemin, aucune piste. En fait, Gwen se rendait compte avec désespoir qu’ils marchaient au hasard. Ils s’éloignaient du Canyon, vers le nord, voilà tout ce qu’elle savait. Et s’ils trouvaient Argon, comment le libérer ? Pouvait-il seulement être libéré ?

Gwen commençait à comprendre que ce n’était pas là un endroit destiné aux humains, mais un pays magique de sorciers et de druides, où s’agitaient de mystérieuses forces qu’elle-même pouvait seulement deviner. C’était comme si elle était entrée par effraction…

Une douleur piquante lui traversa le ventre et Gwen sentit le bébé se retourner en elle. Ce fut si intense qu’elle perdit un instant son souffle et tomba en avant.

Une main rassurante saisit son poignet pour l’aider de retrouver son équilibre.

– Madame, vous allez bien ? demanda Steffen en se portant à sa hauteur.

Gwen ferma les yeux et prit une profonde inspiration, les yeux humides, avant de hocher la tête. Elle s’arrêta un instant et posa la main sur son ventre. Le bébé ne se réjouissait visiblement pas d’être là. Sa mère non plus.

Gwen attendit de reprendre son souffle. La douleur passa. Avait-elle eu tort de venir ? Mais elle pensa à Thor. Son désir de le sauver valait tous les sacrifices.

Ils poursuivirent leur chemin. Gwendolyn commençait à craindre pour son bébé, mais également pour les autres. Dans ces conditions, combien de temps tiendraient-ils ? Elle n’était même pas sûre de pouvoir faire demi-tour. Ils étaient pris au piège et se trouvaient maintenant dans un pays inconnu des hommes, sans carte, ni repères.

Le ciel se teintait d’une lumière prune, d’ambre et de violet, ce qui achevait de la désorienter. Il semblait que le jour et la nuit n’existaient pas ici. Ce n’était qu’une longue marche au milieu du néant.

Aberthol avait eu raison : c’était un autre monde, un abysse de neige, l’endroit le plus désolé qu’elle ait jamais vu.

Gwendolyn s’arrêta un instant pour reprendre sa respiration. Elle fut surprise de sentir une main chaude et rassurante se poser sur son ventre.

Elle se tourna vers Alistair qui se penchait vers elle avec un regard inquiet.

– Vous êtes enceinte, dit-elle.

Ce n’est pas une question.

Gwendolyn lui renvoya son regard, choquée qu’elle ait pu deviner alors que son ventre était plat. N’ayant plus la force de garder le secret, elle hocha la tête.

Alistair lui jeta un regard entendu.

– Comment as-tu su ? demanda Gwen.

Alistair se contenta de fermer les yeux et de prendre une grande inspiration, sans retirer sa main du ventre de Gwen qui sentit une vague de douce chaleur la traverser.

– Un enfant puissant, dit Alistair. Il a peur. Mais il n’est pas malade. Il va bien. Je l’apaise.

Gwendolyn sentit des vagues de lumière et de chaleur la submerger. Bientôt, elle retrouva toutes ses forces.

Un élan de gratitude et d’amour la poussa vers Alistair. Elle se sentait de plus en plus proche d’elle.

– Je ne sais pas comment te remercier, dit Gwendolyn en se redressant, comme Alistair retirait sa main.

Celle-ci baissa humblement la tête.

– Inutile de me remercier, dit-elle. C’est ce que je fais, voilà tout.

– Vous ne m’avez pas dit que vous étiez enceinte, Madame, dit Aberthol d’une voix sévère. Si j’avais su, je ne vous aurais jamais donné l’idée de venir ici.

– Madame, je ne savais pas non plus, dit Steffen.

Gwendolyn haussa les épaules. Elle ne voulait pas attirer l’attention sur son bébé.

– Mais qui est le père ? demanda Aberthol.

Des sentiments contraires agitèrent le cœur de Gwendolyn quand elle prononça le mot :

– Thorgrin.

Elle était déchirée : inquiète pour l’héritage de son enfant, elle se sentait également coupable d’avoir chassé Thor. Elle imagina dans sa tête le visage de Andronicus et frissonna.

Aberthol hocha la tête.

– Un sang précieux, dit-il. Vous portez un guerrier à l’intérieur de vous.

– Madame, je donnerais ma vie pour protéger votre enfant, dit Steffen.

Krohn s’avança et posa la tête sur le ventre de Gwen, avant de la lécher plusieurs fois en gémissant.

Leur gentillesse bouleversa Gwen.

Soudain, Krohn prit tout le monde par surprise en se retournant pour grogner. Il fit quelques pas entre les tourbillons de neige aveuglante, les poils hérissés.

Gwen et ses compagnons échangèrent des regards stupéfaits. Gwen tenta d’apercevoir quelque chose, mais en vain. Elle n’avait jamais vu Krohn agir ainsi.

– Qu’y a-t-il, Krohn ? demanda-t-elle nerveusement.

Le léopard continua de grogner, tout en s’approchant, et Gwen porta la main à sa dague, imitée par les autres.

Ils attendirent, en alerte.

Enfin, de la neige aveuglante surgirent une douzaine de créatures terrifiantes, à la peau blanche et aux yeux jaunes. Plus larges encore que Krohn, elles arboraient chacune deux têtes munies de quatre longs crocs de loup. Elles s’approchèrent du groupe en sifflant et formèrent un demi-cercle autour de leurs proies.

– Des lorks ! s’exclama Aberthol en faisant un pas vers l’arrière.

Le chuintement caractéristique d’une lame quittant le fourreau retentit derrière Gwendolyn : Steffen venait de tirer son épée. Aberthol saisit son bâton à deux mains, tandis que Alistair restait debout, bien droite, le regard brillant.

Gwendolyn empoigna sa dague et la tint serrée, prête à donner sa vie pour sauver celle de son bébé.

Krohn ne perdit pas de temps : avec un grognement, il chargea le premier dans la mêlée et planta ses crocs dans la gorge d’un des fauves. Celui-ci le dominait par la taille mais Krohn était plus déterminé et le jeta au sol. Au milieu des grognements, ils roulèrent et roulèrent dans la neige qui se teinta de sang. Celui du lork, au grand soulagement de Gwen. Victorieux, Krohn se releva.





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Dans UNE CONCESSION D’ARMES (tome 8 de l’Anneau du Sorcier), Thor se retrouve pris au piège entre les forces du bien et du mal, comme Andronicus et Rafi utilisent toute leur magie noire pour briser son identité et prendre le contrôle de son âme. Sous leur emprise, Thor vivra sa plus grande bataille et luttera pour chasser son père et se libérer de ses chaînes. En espérant que ce ne soit pas trop tard…Gwendolyn, en compagnie d’Alistair, de Steffen et d’Aberthol, s’aventure dans les Limbes pour retrouver Argon et le libérer de sa prison magique. À ses yeux, il représente le seul espoir de sauver Thor et l’Anneau. Cependant, les Limbes sont vastes et dangereuses et retrouver Argon semble impossible…Reece mène la Légion dans une quête désespérée, jamais entreprise jusqu’à ce jour : descendre dans le Canyon et retrouver l’Épée. Au fur et à mesure, ils découvrent un autre monde, peuplé de monstres et de créatures exotiques, qui désirent toutes garder l’Épée pour des raisons obscures. Romulus, armé de sa cape magique, met en place son plan diabolique visant à traverser l’Anneau et détruire le Bouclier. Kendrick, Erec, Bronson et Godfrey luttent pour se libérer de cette trahison. Tirus et Luanda apprennent à leurs dépens ce que servir Andronicus signifie réellement. Mycoples essaye de briser ses chaînes. Au cours d’un formidable rebondissement, le secret de Alistair est enfin révélé. Thor reviendra-t-il à lui-même ? Gwendolyn retrouvera-t-elle Argon ? Reece trouvera-t-il l’Épée ? Romulus réussira-t-il ? Kendrick, Bronson et Godfrey s’en sortiront-ils, contre toute attente ? Mycoples reviendra-t-elle ? Ou bien l’Anneau sera-t-il finalement détruit à jamais ?Entre univers sophistiqué et personnages bien construits, UNE CONCESSION D’ARMES est un conte épique qui parle d’amis et d’amants, de rivaux et de prétendants, de chevaliers et de dragons, d’intrigues et de machinations politiques, de jeunes gens qui deviennent adultes, de cœurs brisés, de tromperie, d’ambition et de trahison. C’est un conte sur l’honneur et le courage, sur le destin et la sorcellerie. C’est un roman de fantasy qui nous entraîne dans un monde que nous n’oublierons jamais et qui plaira à toutes les tranches d’âge et tous les lecteurs.

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Видео по теме - Découverte d'une autre cache d'armes à Rubaya dans la concession de l'hon. Mwangachuchu 09mars2023

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