Книга - Le Look Idéal

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Le Look Idéal
Blake Pierce


Un thriller psychologique avec Jessie Hunt #6
– Dans ce chef-d’œuvre de suspense et de mystère, Blake Pierce a magnifiquement développé ses personnages en les dotant d’un versant psychologique si bien décrit que nous avons la sensation d’être à l’intérieur de leur esprit, de suivre leurs angoisses et de les encourager afin qu’ils réussissent. Plein de rebondissements, ce livre vous tiendra en haleine jusqu’à la dernière page.

–-Books and Movie Reviews, Roberto Mattos (à propos de SANS LAISSER DE TRACES)



LE LOOK IDÉAL est le sixième tome d’une nouvelle série de suspense psychologique par l’auteur à succès Blake Pierce, dont le best-seller n°1, SANS LAISSER DE TRACES (disponible en téléchargement gratuit), a obtenu plus de 1000 critiques à cinq étoiles.



Quand un homme est retrouvé mort dans une chambre d’hôtel de Los Angeles après avoir passé la nuit avec une prostituée, personne n’en pense grand-chose, jusqu’au moment où ce qui ressemblait à un cas isolé s’avère être une série. Il devient bientôt clair qu’une prostituée est devenue tueuse en série et que Jessie Hunt, 29 ans, profileuse criminelle et agent du FBI, est peut-être la seule à pouvoir l’arrêter.



Thriller psychologique palpitant aux personnages inoubliables et au suspense haletant, LE LOOK IDÉAL est le tome 6 d’une nouvelle série qui vous tiendra éveillé tard la nuit.



Le tome 7 de la série Jessie Hunt sera bientôt disponible.





Blake Pierce

LE LOOK IDÉAL




Le look idéal




(un thriller psychologique avec Jessie Hunt, tome 6)




Blake Pierce



Blake Pierce

Blake Pierce a été couronné meilleur auteur et bestseller d'après USA Today pour Les Enquêtes de RILEY PAIGE – seize tomes (à suivre), la Série Mystère MACKENZIE WHITE – treize tomes (à suivre) ; Les Enquêtes d'AVERY BLACK – six tomes ; Les Enquêtes de KERI LOCKE – cinq tomes ; LES ORIGINES DE RILEY PAIGE – cinq tomes (à suivre) ; la Série Mystère KATE WISE – six tomes (à suivre) ; la Série Thriller Psychologique CHLOE FINE – cinq tomes (à suivre) ; la Série Thriller Psychologique JESSIE HUNT – cinq tomes (à suivre) ; la Série Thriller Psychologique FILLE AU PAIR – deux tomes (à suivre) et Les Enquêtes de ZOE PRIME – deux tomes (à suivre).



Lecteur passionné, fan de thriller et romans à suspense depuis son plus jeune âge, Blake adore vous lire, rendez-vous sur www.blakepierceauthor.com – Restons en contact !



Copyright © 2020 par Blake Pierce. Tous droits réservés. Sauf dérogations autorisées par la Loi états-unienne sur le droit d’auteur de 1976, aucune partie de cette publication ne peut être reproduite, distribuée ou transmise sous quelque forme ou par quelque moyen que ce soit, ou stockée dans une base de données ou système de récupération, sans l’autorisation préalable de l’auteur.

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Ceci est une œuvre de fiction. Les noms, les personnages, les entreprises, les organisations, les lieux, les événements et les incidents sont le fruit de l’imagination de l’auteur ou sont utilisés fictivement. Toute ressemblance avec des personnes réelles, vivantes ou mortes, n’est que pure coïncidence.

Image de couverture : copyright Little Moon, utilisée en vertu d’une licence accordée par Shutterstock.com.



LIVRES PAR BLAKE PIERCE

LES MYSTÈRES DE ADÈLE SHARP

LAISSÈ POUR MORT (Volume 1)

CONDAMNÈ À FUIR (Volume 2)

CONDAMNÈ À SE CACHER (Volume 3)



LA FILLE AU PAIR

PRESQUE DISPARUE (Livre 1)

PRESQUE PERDUE (Livre 2)

PRESQUE MORTE (Livre 3)



LES MYSTÈRES DE ZOE PRIME

LE VISAGE DE LA MORT (Tome 1)

LE VISAGE DU MEURTRE (Tome 2)

LE VISAGE DE LA PEUR (Tome 3)



SÉRIE SUSPENSE PSYCHOLOGIQUE JESSIE HUNT

LA FEMME PARFAITE (Volume 1)

LE QUARTIER IDÉAL (Volume 2)

LA MAISON IDÉALE (Volume 3)

LE SOURIRE IDÉALE (Volume 4)

LE MENSONGE IDÉALE (Volume 5)

LE LOOK IDEAL (Volume 6)



SÉRIE SUSPENSE PSYCHOLOGIQUE CHLOE FINE

LA MAISON D’À CÔTÉ (Volume 1)

LE MENSONGE D’UN VOISIN (Volume 2)

VOIE SANS ISSUE (Volume 3)

LE VOISIN SILENCIEUX (Volume 4)

DE RETOUR À LA MAISON (Volume 5)



SÉRIE MYSTÈRE KATE WISE

SI ELLE SAVAIT (Volume 1)

SI ELLE VOYAIT (Volume 2)

SI ELLE COURAIT (Volume 3)

SI ELLE SE CACHAIT (Volume 4)

SI ELLE S’ENFUYAIT (Volume 5)

SI ELLE CRAIGNAIT (Volume 6)



LES ORIGINES DE RILEY PAIGE

SOUS SURVEILLANCE (Tome 1)

ATTENDRE (Tome 2)

PIEGE MORTEL (Tome 3)

ESCAPADE MEURTRIERE (Tome 4)

LA TRAQUE (Tome 5)



LES ENQUÊTES DE RILEY PAIGE

SANS LAISSER DE TRACES (Tome 1)

RÉACTION EN CHAÎNE (Tome 2)

LA QUEUE ENTRE LES JAMBES (Tome 3)

LES PENDULES À L’HEURE (Tome 4)

QUI VA À LA CHASSE (Tome 5)

À VOTRE SANTÉ (Tome 6)

DE SAC ET DE CORDE (Tome 7)

UN PLAT QUI SE MANGE FROID (Tome 8)

SANS COUP FÉRIR (Tome 9)

À TOUT JAMAIS (Tome 10)

LE GRAIN DE SABLE (Tome 11)

LE TRAIN EN MARCHE (Tome 12)

PIÉGÉE (Tome 13)

LE RÉVEIL (Tome 14)

BANNI (Tome 15)

MANQUE (Tome 16)



UNE NOUVELLE DE LA SÉRIE RILEY PAIGE

RÉSOLU



SÉRIE MYSTÈRE MACKENZIE WHITE

AVANT QU’IL NE TUE (Volume 1)

AVANT QU’IL NE VOIE (Volume 2)

AVANT QU’IL NE CONVOITE (Volume 3)

AVANT QU’IL NE PRENNE (Volume 4)

AVANT QU’IL N’AIT BESOIN (Volume 5)

AVANT QU’IL NE RESSENTE (Volume 6)

AVANT QU’IL NE PÈCHE (Volume 7)

AVANT QU’IL NE CHASSE (Volume 8)

AVANT QU’IL NE TRAQUE (Volume 9)

AVANT QU’IL NE LANGUISSE (Volume 10)

AVANT QU’IL NE FAILLISSE (Volume 11)

AVANT QU’IL NE JALOUSE (Volume 12)

AVANT QU’IL NE HARCÈLE (Volume 13)



LES ENQUÊTES D’AVERY BLACK

RAISON DE TUER (Tome 1)

RAISON DE COURIR (Tome2)

RAISON DE SE CACHER (Tome 3)

RAISON DE CRAINDRE (Tome 4)

RAISON DE SAUVER (Tome 5)

RAISON DE REDOUTER (Tome 6)



LES ENQUETES DE KERI LOCKE

UN MAUVAIS PRESSENTIMENT (Tome 1)

DE MAUVAIS AUGURE (Tome 2)

L’OMBRE DU MAL (Tome 3)

JEUX MACABRES (Tome 4)

LUEUR D’ESPOIR (Tome 5)




CHAPITRE PREMIER


Gordon Maines se regarda dans le miroir de la salle de bain de l’hôtel et ne put s’empêcher d’admirer l’homme qu’il y vit.

Pour un conseiller municipal de troisième mandat qui envisageait de se faire élire maire, il dégageait l’assurance d’un homme qui faisait souvent plier le système au lieu de s’y conformer. Mis à part ça, il avait tout simplement bonne apparence.

Il avait presque cinquante ans mais, grâce à un programme complet de soins de la peau (quelque peu aidé par des piqûres de Botox), il se disait qu’il pouvait encore donner l’illusion qu’il en avait quarante. Ses cheveux ondulés étaient pour l’instant plus poivre que sel. Sa peau était bronzée, mais elle donnait quand même l’impression d’être saine. Il avait encore l’air tout à fait fringant en costume, même s’il n’en portait pas pour l’instant.

En fait, à ce moment-là, tout ce qu’il portait, c’était un maillot de corps blanc et un caleçon, qu’il ne tarderait pas à enlever eux aussi. Quand il se mit la petite pilule bleue dans la bouche et l’avala avec une gorgée de brandy, il pensa à ce qui l’attendait dans la pièce d’à côté.

C’était loin d’être la première fois qu’il faisait ça, mais la femme qu’il avait emmenée dans la chambre 1441 du Bonaventure Hotel était peut-être la plus impressionnante de toutes celles qu’il avait connues. La robe violette qu’elle portait était raffinée et stylée, mais elle lui moulait le corps d’assez près pour suggérer les trésors qui se trouvaient dessous. Une partie de lui-même se demandait ce qu’elle faisait dans ce métier. Elle était assez sexy pour être mannequin ou actrice, ou au minimum star du porno.

Cependant, Gordon ne se soucia pas longtemps des perspectives d’emploi à long terme de cette fille. Pour l’instant, elle était là et elle ferait tout ce qu’il voudrait, même s’il fallait qu’il retire de l’argent de la caisse noire qu’il entretenait en douce, celle qu’il utilisait pour que son épouse ne soit pas au courant de ses diverses peccadilles.

Il passa dans la chambre luxueuse aux murs couleur café crème décorés d’œuvres d’art modernes, à la moquette épaisse et aux commodes couvertes de marbre. Il eut alors la surprise de trouver le lit vide. L’espace d’une seconde, pensant qu’elle s’était éclipsée avec la première moitié de son paiement, il partit vers la porte.

– Où tu vas, grand garçon ? ronronna une voix qui venait du coin de la chambre.

Il jeta un coup d’œil dans cette direction et la vit, la fille qui avait exigé de rester anonyme. Elle était assise dans un fauteuil à haut dossier dans le coin près de la fenêtre et elle ne portait qu’un bustier noir et une culotte branchée. Ses proportions étaient presque celles d’une poupée Barbie et il comptait examiner la chose plus en détail dans un avenir très proche.

Ses longs cheveux blonds tombaient sur ses épaules et atteignaient quasiment ses coudes. Elle avait la peau moins bronzée que les californiennes standard, ce qui lui donnait une délicatesse et une sophistication qui, d’une façon ou d’une autre, paraissait exotique dans ce pays de soleil et de surf. Ses yeux bleu vif rappelaient à Gordon les eaux caribéennes où il avait passé sa lune de miel.

Gordon écarta immédiatement cette pensée et se concentra sur la créature qui se trouvait devant lui.

– Je vais vers toi, répondit-il d’une voix qu’il trouvait suave.

– Avant, je t’ai versé un autre verre, dit-elle en désignant d’un hochement de tête le comptoir situé au-dessus du mini-bar avant de boire quelques gouttes de son propre verre. J’ai décidé de ne pas attendre.

– C’est pas poli, dit-il en faisant semblant d’être offensé et en prenant son verre.

– J’espère que je saurai me faire excuser, dit-elle d’un ton chantant et enjoué.

– Je suis sûr que je trouverai une solution, répondit-il avant de prendre une gorgée. Mmm, est-ce du brandy ?

– Quand nous étions en bas, tu as précisé que c’était ta boisson préférée, dit-elle.

– Ouah, tu as fait attention à ça, s’étonna-t-il avant de prendre une autre gorgée. Dans ton métier, la plupart des filles ne font attention qu’à l’argent.

– Dis-tu que je ne suis pas ta première conquête ? demanda-t-elle avec une moue théâtrale, avançant la lèvre inférieure avec une telle férocité que Gordon arriva tout juste à se retenir.

Cette fille est bonne.

Il se dit qu’il faudrait qu’il ajoute un petit supplément si le reste de ses prestations était de la même qualité.

– Et si tu enlevais ton maillot de corps ? Viens par ici, suggéra-t-elle en se levant pour qu’il puisse la voir de la tête aux pieds.

– Volontiers, murmura-t-il en retirant son maillot de corps avec plus de maladresse qu’il ne l’aurait voulu.

En fait, quand il le leva au-dessus de sa tête, il perdit l’équilibre et trébucha légèrement. Heureusement, il atterrit sur le lit, où il réussit finalement à s’enlever le maillot de corps, même s’il sentit qu’il se décoiffait ce faisant. Sa maladresse l’irritait, mais il se rappela que la fille blonde ne s’en souciait guère.

Maintenant, elle se tenait au-dessus de lui et souriait légèrement. Peut-être trouvait-elle sa maladresse touchante.

– Maladroit ? roucoula-t-elle en allant vers le fauteuil où il avait posé son pantalon et en se mettant alors ce qui ressemblait à des gants en plastique.

Il la regarda bouger mais se rendit compte qu’il avait un peu de mal à se concentrer.

Elle sortit son portefeuille de sa poche de derrière et l’inspecta lentement, sortant toutes ses cartes et les laissant tomber dans une petite poche en plastique. Il essaya de s’appuyer sur ses coudes pour mieux la voir, mais ses bras ne répondaient pas aux ordres que leur envoyait son cerveau.

– Hé … essaya-t-il de dire, alors que sa langue lui paraissait pesante dans sa bouche.

La fille lui jeta un coup d’œil et lui fit un sourire doux.

– Tu te sens à l’aise ? demanda-t-elle en allant récupérer son sac à main et en y déposant la poche en plastique.

Quelque part au fond de son cerveau, Gordon se rendit compte que la fille essayait peut-être de le voler. Il pensa aussi qu’elle avait peut-être glissé quelque chose dans sa boisson. Il était temps de mettre fin à ces manigances.

Avec toute la force qu’il put trouver, Gordon se remit en position assise. Il essaya de fixer la fille du regard, mais il n’arrivait pas à garder la tête droite.

– Arrête, essaya-t-il de crier, mais il ne parvint qu’à bafouiller, comme s’il avait eu un tas de billes dans la bouche.

Quand elle avança vers lui, il commença à voir double, puis triple. Il n’arrivait pas à distinguer la vraie fille de ses doubles.

– Tu es mignon, dit la fille du milieu en le repoussant sur le lit. On commence ?

Elle s’installa à califourchon sur lui. Le corps de Gordon était lourd et insensible et il sentait à peine le poids de la fille. Il vit qu’elle portait encore les gants en plastique.

Dans son esprit de plus en plus confus, une alarme résonna. Cette fille faisait plus que le droguer et le dévaliser. La manière décontractée et tranquille dont la femme bougeait suggérait qu’elle n’en avait pas simplement après son argent et ses possessions. Elle aimait ce qu’elle faisait. La façon dont elle se dandina contre son torse lui rappela un serpent qui montait à une branche d’arbre lentement et en ondulant.

– Que … tu fais ? réussit-il à baragouiner.

Elle sembla le comprendre à la perfection.

– Je tiens une promesse, répondit-elle avec désinvolture comme si elle répondait à une question sur la météo.

Gordon regarda dans ses yeux bleus et vit que toute gaieté en avait disparu. Maintenant, ils étaient glacials et concentrés. Gordon comprit qu’il était en danger. Cette prise de conscience envoya soudain une poussée d’adrénaline dans son organisme et il s’en servit pour se relever du lit.

Il avait prévu de se relever sans difficulté et de repousser la femme pour la faire tomber par terre mais, alors qu’il s’était à peine relevé de quinze centimètres, elle le fit retomber sur le lit en appuyant seulement son index contre sa poitrine et le remit ainsi dans sa position précédente. Alors, elle se pencha jusqu’à ce que leurs visages ne soient plus séparés que de quelques centimètres. Les cheveux de la femme tombaient sur les yeux de Gordon, mais il n’y pouvait rien.

– Tout est fini pour toi, Gordon, lui chuchota-t-elle à l’oreille. As-tu un dernier message ?

Il écarquilla les yeux. C’était la seule partie de son anatomie qu’il semblait encore capable de contrôler.

– Argh … bafouilla-t-il.

– Peu importe, dit-elle en l’interrompant brusquement. De toute façon, ça m’est égal.

Alors que Gordon la regardait, elle se redressa et passa les mains autour de son cou. Il ne la sentit pas vraiment lui serrer la gorge, mais il comprit que c’était ce qu’elle faisait parce qu’il eut soudain du mal à respirer. Ses yeux commencèrent à se gonfler et lui donnèrent l’impression qu’ils allaient sortir de leurs orbites. Il essaya désespérément de haleter, mais il semblait ne pas pouvoir faire entrer d’air dans sa poitrine. Sa vision se brouilla. Sa langue s’agita dans tous les sens comme pour chercher de l’oxygène partout. Pourtant, rien ne fonctionnait.

La dernière chose qu’il vit avant que sa vision ne s’obscurcisse fut la femme qui, au-dessus de lui, le fixait attentivement du regard pendant qu’elle l’étranglait. Elle souriait encore.




CHAPITRE DEUX


Nerveuse, Jessie Hunt était assise dans le box de Nickel Diner dans South Main Street, à seulement deux pâtés de maison du Poste Central de la Police de Los Angeles.

Alors que la personne qu’elle allait rencontrer ne se soucierait pas du tout de son apparence, elle voulait faire bonne impression. En général, elle jugeait qu’elle était présentable. Ses yeux verts étaient clairs et ses cheveux marron à hauteur des épaules avaient l’air plus brillants que d’habitude. Aujourd’hui, elle avait pris la précaution de mettre son chemisier et son pantalon les plus professionnels avant d’aller travailler, ainsi que des chaussures plates qui n’accentuaient pas sa taille déjà imposante d’un mètre soixante-dix-sept. Elle pensait qu’aucune des personnes qui la verraient aujourd’hui ne la prendraient pour un mannequin, comme cela se produisait parfois. Cependant, à seulement quelques semaines de son trentième anniversaire, elle savait qu’elle pouvait encore séduire quand cela l’aidait à obtenir ce qu’elle voulait.

Réflexion faite, elle pensait qu’elle se débrouillait plutôt bien. Après tout, cela ne faisait que sept jours qu’elle avait été droguée par une personne soupçonnée d’homicide et qu’il avait fallu lui faire un lavement. Depuis, après qu’on lui avait permis de quitter l’hôpital, elle était surtout restée enfermée dans son appartement, sous la garde et la protection de l’inspecteur Ryan Hernandez.

Ryan avait insisté pour rester avec elle jusqu’à ce qu’elle ait repris ses forces. Donc, toute la semaine dernière, il avait couché sur le canapé-lit du salon et préparé la plupart des repas de sa protégée. Jessie avait délibérément décidé d’accepter l’aide de son collègue en toute simplicité, sans surinterpréter les actions de l’homme qui était parfois son collègue dans certains cas et parfois plus.

En temps normal, après un congé médical prolongé, Jessie serait en priorité repartie travailler avec Ryan pour aller à sa réunion de réintégration avec le capitaine Roy Decker de la Police de Los Angeles. Cependant, aujourd’hui était une journée inhabituelle. Elle avait décidé d’organiser une petite réunion personnelle avant de recommencer à travailler et que le capitaine ne se mette à lui imposer des règles et des limites.

Même si Jessie Hunt était consultante en profilage criminel pour la Police de Los Angeles sans être agent de police officiel, le capitaine Decker était quand même son supérieur immédiat et désobéir à ses ordres pouvait avoir des répercussions graves. Cependant, si Jessie se contentait de retrouver quelqu’un et d’avoir une discussion officieuse sur une enquête en cours avant de recevoir les ordres de Decker, on pourrait difficilement le lui reprocher.

C’était pour cette raison qu’elle était assise dans ce restaurant bondé à 7 h 30 du matin et qu’elle y attendait l’arrivée d’un homme auquel elle n’avait parlé que rarement et presque toujours en se battant contre sa propre angoisse. Elle grignota son toast et sirota sa deuxième tasse de café, tout à fait consciente qu’elle aurait probablement dû n’en boire qu’une. Il entra juste au moment où elle posait la tasse sur la table.

Garland Moses jeta un coup d’œil dans le restaurant, repéra Jessie et se dirigea vers elle. Comme il avait soixante-et-onze ans, la peau parcheminée, des cheveux blancs en bataille et des lunettes à double foyer qui semblaient être sur le point de tomber du bout de son nez, il n’attira pas l’attention des clients devant lesquels il passa et dont aucun ne fut conscient d’être en présence de l’un des profileurs criminels les plus renommés du dernier quart de siècle.

Jessie ne pouvait guère le leur reprocher. Cet homme semblait cultiver son allure négligée. Il avança vers Jessie en traînant les pieds et en semblant oublier les pans de chemise qui dépassaient de son pantalon en velours côtelé froissé et les taches visibles sur son gilet bordeaux trop grand. Sa veste sport grise, qui pendait sur lui comme s’il avait été un cintre, paraissait sur le point de l’avaler tout entier.

Cependant, si l’on y prêtait plus d’attention, d’autres choses devenaient claires. Derrière les lunettes épaisses, ses yeux vifs observaient rapidement les environs et les analysaient en un instant. Alors qu’il avait les cheveux en bataille, il était rasé de près et pas un seul poil ne dépassait. Ses dents étaient encore d’un blanc immaculé et en parfait état. Ses ongles étaient coupés nettement et les lacets de ses mocassins usagés étaient attachés avec des nœuds doubles. Garland Moses donnait l’impression d’être un vieil homme négligé style Columbo mais, comme Jessie le savait bien, c’était une apparence et rien de plus.

Moses avait résolu quelques-uns des homicides les plus complexes du pays pendant les quarante dernières années. Il l’avait d’abord fait en tant que membre de la célèbre Division des Sciences du Comportement du FBI basée à Quantico, en Virginie. Alors, à la fin des années 1990, après avoir passé vingt ans à étudier ce que l’humanité avait de pire, il était parti à la retraite dans le soleil de la Californie du Sud.

Cependant, quelques mois après son arrivée, la Police de Los Angeles lui avait demandé de devenir consultant en profilage. Il avait accepté à plusieurs conditions. D’abord, comme il ne serait plus officiellement employé, il ne voulait plus être soumis aux règles de la division et il voulait être libre de ses allées et venues. Ensuite, il voulait choisir ses affaires. Enfin, chose la plus importante pour lui, il ne voulait pas être obligé de respecter un code vestimentaire, quel qu’il soit.

La division avait tout de suite accepté et, malgré son attitude extérieurement bourrue qui avait poussé un agent de police à le traiter de « crétin taciturne et irascible », les officiels n’avaient jamais regretté leur choix. Confortablement installé dans son bureau isolé et grand comme un placard à balais du premier étage du poste, Moses travaillait et on pouvait lui faire confiance pour résoudre au moins trois ou quatre affaires très médiatisées par an, en général celles qui restaient énigmatiques pour tout le monde.

Pour des raisons que Jessie n’avait jamais comprises, Garland Moses semblait l’apprécier, ou au moins ne pas avoir ouvertement envie qu’elle disparaisse, ce qui était quasiment la même chose pour lui. Parfois, il lui avait même donné quelques conseils sur quelques-unes de ses affaires en cours.

De plus, même s’il ne l’avait jamais reconnu, elle avait appris que sa recommandation avait aidé à la faire admettre à l’Académie du FBI, pour cette formation de dix semaines si renommée qu’elle avait remportée l’année d’avant.

Ce programme très sélectif réunissait les meilleurs agents des services de police locaux pour leur apprendre les dernières techniques d’enquête du FBI. En général, cette formation n’était accessible qu’aux inspecteurs expérimentés au parcours exceptionnel. Cependant, Jessie, qui était assez peu expérimentée, avait été admise d’une façon ou d’une autre. Pendant ses semaines de formation, elle n’avait pas seulement bénéficié des lumières des instructeurs de la Division des Sciences du Comportement mondialement célèbre. Elle avait aussi subi un entraînement physique intense qui avait inclus une initiation au maniement des armes et des cours d’auto-défense.

Il était certain que le fait qu’elle ait réussi à résoudre plusieurs affaires de meurtre très médiatisées et aussi à survivre à la tentative de meurtre de son ex-mari avait joué un rôle dans son admission. Cependant, les recommandations de plusieurs officiels de haut niveau de la police de Los Angeles, dont Garland Moses, avaient presque certainement exercé encore plus d’influence.

Quand il s’assit en face d’elle, Jessie se sentit certaine qu’il devinait déjà pourquoi elle lui avait donné rendez-vous tôt le matin et en dehors des heures de travail. Malgré sa nervosité, Jessie en était presque soulagée. S’il devinait déjà ce qu’elle voulait, elle pourrait se dispenser de mettre en œuvre toute la courtoisie, la persuasion et la flatterie que la requête qu’elle allait lui soumettre nécessiterait auprès de quelqu’un d’autre. Il était venu, après tout. Cela signifiait qu’il était au moins légèrement intéressé.

– Bonjour, M. Moses, dit-elle quand il s’installa en face d’elle.

– Garland, répondit-il avec son grognement rauque typique tout en faisant signe à la serveuse pour qu’elle lui emmène un café. J’espère que ça va être intéressant, Hunt. Vous avez été très énigmatique au téléphone. Je n’aime pas déranger ma routine du matin et vous l’avez incontestablement dérangée.

– Je suis quasiment sûre que vous trouverez que ce chamboulement avait son intérêt, lui assura-t-elle avant de décider de se lancer sans plus attendre. J’ai besoin de votre aide.

– Je m’en doutais. Personne ne demande à me rencontrer pour parler de motifs peints sur porcelaine, dit-il d’un air impassible.

Jessie décida de considérer que son trait d’humour était un bon signe et poursuivit.

– Ce sera un plaisir plus tard, Garland, si ça vous plaît, mais, pour l’instant, je suis moins intéressée par la vaisselle que par les ravisseurs d’enfants tueurs en série.

La serveuse, qui venait d’arriver avec sa cafetière, contempla Jessie d’un air stupéfait. C’était une blonde de la quarantaine d’apparence angélique qui s’appelait Pam, d’après son badge. Elle retrouva rapidement ses moyens, détourna les yeux et remplit la tasse de Garland.

– J’écoute, comme Pam a semblé le faire, dit Garland quand la serveuse fut partie.

Jessie décida de ne pas demander comment il connaissait le nom de cette femme alors qu’il ne l’avait pas regardée. Elle préféra tenter tout de suite de le convaincre.

– Je suis sûre que vous savez que Bolton Crutchfield est encore dans la nature et que, la semaine dernière, il a kidnappé une fille de dix-sept ans du nom de Hannah Dorsey.

– Je le sais, dit-il sans ajouter quoi que ce soit.

Il n’en avait pas besoin. Il n’était pas nécessaire d’être un profileur criminel renommé pour connaître l’histoire monstrueuse de Bolton Crutchfield, qui avait assassiné des dizaines de gens de manières aussi brutales que raffinées et qui s’était récemment évadé d’un centre de détention psychiatrique.

– OK, poursuivit-elle. Vous savez peut-être aussi que j’ai un petit passé avec Crutchfield, que je l’ai interrogé une bonne dizaine de fois quand il était détenu au centre de détention psychiatrique de la DNR, où il m’avait dit que mon bon vieux papa, le tueur en série, Xander Thurman, était son mentor et qu’ils avaient communiqué l’un avec l’autre.

– Je le savais aussi. Je sais aussi que, malgré son admiration pour votre père, quand il a dû choisir entre vous deux, il vous a avertie que votre père allait s’attaquer à vous et vous a presque sauvé la vie. Cela doit vous donner des sentiments complexes à son égard.

Jessie prit une longue gorgée de son café en se demandant comment répondre.

– Oui, concéda-t-elle finalement, surtout quand il a précisé qu’il comptait dorénavant me laisser tranquille et s’intéresser à autre chose.

– Cela a été une sorte de détente.

Pam revint timidement prendre la commande de Garland.

– Je prendrai la même chose qu’elle, dit-il en désignant le toast de Jessie de la tête.

Pam eut l’air déçue mais ne dit rien et partit dans la cuisine.

– On peut dire ça, dit Jessie. Bien sûr, je n’ai pas voulu faire confiance à ce dangereux assassin quand il m’a dit qu’il allait me laisser en paix. Ensuite, il a enlevé la fille.

– Cela vous a contrariée, précisa Garland tout en sachant que c’était une évidence.

– Oui, dit Jessie. C’était une fille que j’avais trouvée prisonnière de mon père dans une maison avec ses parents adoptifs. Il était en train de la torturer. Elle a tout juste survécu, comme moi. Ses parents adoptifs ont péri. Donc, quand, seulement quelques semaines plus tard, Crutchfield l’a kidnappée et a tué ses parents adoptifs, j’ai pris ça …

– … comme un affront personnel, dit Garland pour compléter sa phrase.

– Exactement, dit Jessie. Et maintenant, après une semaine de congé forcé, une semaine que Hannah a passée dans les griffes de Crutchfield, je reviens travailler aujourd’hui.

– Mais il y a un problème, dit Garland pour suggérer à Jessie d’aller au droit au but, ce qu’elle fit.

– Oui. L’affaire a été attribuée au FBI. Je sais que, quand j’entrerai dans le poste de police, on m’interdira expressément de participer à cette enquête à cause de … mes liens personnels. Cependant, comme je me connais après avoir passé presque trente ans sur cette planète, je sais que je ne pourrai jamais cesser d’y penser pour me consacrer à mon travail normal. Donc, j’ai eu l’idée de demander l’assistance d’un homme qui n’est pas soumis aux règles que l’on va m’imposer.

– Et pourtant, dit Garland quand son toast arriva, j’ai la nette impression que je ne suis pas votre premier choix pour cette tâche.

Jessie ne comprenait absolument pas comment il pouvait le savoir, mais elle n’essaya pas de le nier.

– C’est vrai. Normalement, je ne demanderais pas à un profileur émérite renommé de me faire une faveur si je pouvais l’éviter. Ce que je n’aime surtout pas, c’est de demander à cette personne de faire un sale boulot, comme d’essayer de comprendre discrètement ce qui se passe dans l’enquête de quelqu’un d’autre. Malheureusement, mon premier choix est indisponible.

– Qui est-ce ? demanda Garland.

– Katherine Gentry. Elle a été directrice de la sécurité à la prison de la DNR. Nous sommes devenues amies au cours de mes nombreuses visites. Cependant, quand Crutchfield s’est évadé en faisant assassiner plusieurs gardes, elle a été renvoyée. Depuis, elle est devenue détective privée. Kat est débutante dans ce domaine, mais elle est compétente. J’ai récemment eu recours à ses services.

– Mais … dit Garland pour inviter Jessie à poursuivre.

– Mais, comme elle est impliquée dans une autre affaire qui nécessite beaucoup de surveillance en dehors de cette ville, elle n’a pas vraiment le temps. De plus, j’ai pensé que cela pourrait être un peu trop dur pour elle, vu son lien avec Crutchfield. Je pense qu’elle pourrait être trop proche de l’intéressé.

– Je vois, dit-il d’un ton espiègle. Donc, vous craignez qu’une femme ne soit pas capable d’évaluer objectivement la situation à cause de sa liaison personnelle avec l’intéressé. Est-ce que cette description s’applique à d’autres de vos connaissances ?

Jessie le regarda. Elle savait parfaitement où il voulait en venir. Bien sûr, s’il avait su à quel point cette affaire la touchait, il aurait probablement été encore plus inquiet. Alors, Jessie eut une idée susceptible de l’inciter à changer de regard sur les circonstances.

– Vous avez raison, dit-elle. Je ne suis pas objective et c’est encore plus vrai que vous ne le savez. Vous voyez, Garland, ce que seulement une demi-douzaine de gens savent dans le monde entier, c’est que le père de Hannah Dorsey était Xander Thurman. Elle est ma demi-sœur et j’ai découvert ce fait il y a moins d’un mois. Donc, je ne suis absolument pas objective sur cette affaire.

Garland, qui allait prendre une gorgée de café, s’interrompit brièvement. Apparemment, il pouvait encore ressentir de l’étonnement.

– Ça complique les choses, reconnut-il.

– Oui, dit-elle en se penchant en avant et en regardant Garland Moses avec attention. De plus, je suis presque sûre que Crutchfield l’a enlevée pour qu’elle devienne tueuse en série comme mon père et lui-même. C’est ce que mon père voulait faire de moi. Quand j’ai refusé, il a essayé de me tuer. Je pense que Crutchfield essaie de reprendre là où Thurman s’est arrêté.

– Qu’est-ce qui vous fait penser ça ? demanda Garland.

– Il m’a envoyé une carte postale qui le disait plus ou moins clairement, puis il a écrit un message avec du sang sur un mur de la maison de la famille d’accueil, où il a répété la chose. Il ne fait pas dans la subtilité.

– Il semble effectivement être du style à insister, concéda Garland.

– Tout à fait, dit Jessie en sentant qu’il commençait à s’intéresser à sa demande. Donc, je veux bien admettre que je n’ai pas exactement la tête froide sur cette affaire et je comprends pourquoi le capitaine Decker refuse que j’enquête dessus. Cependant, comme je l’ai dit, je me connais et jamais je ne pourrai faire comme s’il n’y avait pas un tueur en série qui tente de transformer ma demi-sœur en son double personnel. Donc, j’ai pensé que je pourrais m’adresser à quelqu’un susceptible d’être plus rationnel que moi pour se renseigner sur l’affaire et me tenir au courant. Autrement, je vais devenir folle. De plus, il faut que ce soit quelqu’un qui puisse accéder aux informations sans avoir les mains liées par toutes les interdictions de la Police de Los Angeles.

Garland se pencha en arrière dans le box et remonta ses lunettes. Il paraissait perdu dans ses pensées.

– Garland, dit Jessie en chuchotant presque, Bolton Crutchfield essaie de créer un monstre à son image et il le fait avec une fille traumatisée. Ce serait assez terrible, même si elle n’était pas la seule famille qu’il me reste, une sœur dont j’ai tout juste fait la connaissance. Cependant, Crutchfield fait ça volontairement pour jouer avec moi ; c’est un autre de ses jeux sadiques sans fin. Je comprends ce qui se passe. Je le vois clairement. Cependant, si vous pensez que comprendre la situation signifie que je vais pouvoir éviter m’en mêler à cause d’une directive de mon supérieur, vous vous trompez gravement. Si vous refusez, je m’en occuperai moi-même sans penser aux conséquences. Je vous demande votre aide, en partie parce que vous êtes meilleur que moi dans ce domaine, mais aussi en partie pour échapper à moi-même. Je ne veux pas faire dans le dramatique et dire que mon avenir est entre vos mains … Pourtant, mon avenir est bel et bien entre vos mains. Qu’en pensez-vous ?

Garland resta assis en silence pendant un moment. Alors, il se pencha vers Jessie pour répondre. Soudain, le téléphone portable de Jessie sonna. Elle y jeta un coup d’œil. C’était Ryan. Elle le laissa enregistrer un message audio et releva les yeux vers le vieil homme assis devant elle. Alors, elle sentit une vibration. Quand elle baissa les yeux, elle vit un SMS de Ryan qui disait simplement « 911 », leur code pour « Décroche ». Une seconde plus tard, le téléphone sonna à nouveau. Elle décrocha.

– Je suis occupée, dit-elle.

– Il y a eu un homicide au Bonaventure Hotel, dit Ryan. Decker nous a attribué l’affaire. Il dit qu’il remet à plus tard notre réunion avec lui et qu’il veut qu’on aille sur les lieux le plus vite possible. Je viens te chercher maintenant. Je serai là dans deux minutes.

Il décrocha avant qu’elle ait pu répondre. Elle se tourna vers Garland.

– On vient de me dire d’aller sur une scène de crime. L’inspecteur Hernandez vient me chercher. J’ai besoin d’une décision. Que dites-vous, Garland ?




CHAPITRE TROIS


Dans la voiture, Jessie tenait la poignée comme si elle s’attendait à un accident.

Ryan avait allumé la sirène et fonçait dans les rues du centre-ville en prenant ses tournants de façon brusque. Apparemment, les médias savaient déjà qu’on avait trouvé un cadavre dans un hôtel chic et une foule se formait à l’extérieur. Ryan voulait y arriver avant que l’endroit ne devienne trop chaotique.

Bousculée dans la voiture, Jessie était silencieuse et satisfaite de n’avoir mangé que des toasts au petit-déjeuner. Elle était chamboulée mais, malgré cela, elle ne retenait qu’une chose. Garland Moses avait dit oui.

Cela signifiait que, si elle pouvait se forcer à profiter au maximum de son implication, elle ne serait pas obligée de s’inquiéter de la disparition de Hannah à tout moment d’inactivité. À présent, elle avait quelqu’un qui s’y intéressait et elle avait confiance en cet homme pour qu’il progresse et la tienne réellement au courant de la progression de l’affaire. Pour ne pas perdre la tête, il faudrait qu’elle lui accorde sa confiance et évite d’en faire une obsession permanente.

Ce qui était tout aussi important si elle voulait se rendre utile dans cette affaire au Bonaventure, ou dans celles qui suivraient, c’était qu’elle garde les idées claires. Quelle que soit l’identité de la victime qui se trouvait dans cette chambre d’hôtel, Jessie devrait fournir son analyse la plus pertinente et la plus épurée qui soit. Comme s’il avait lu dans ses pensées, Ryan prit la parole.

– Ce n’était pas mon idée.

– Que veux-tu dire ? demanda-t-elle.

– J’avais pensé que nous devrions reprendre le travail tranquillement en passant au moins un jour ou deux à rattraper des tâches bureaucratiques et barbantes, mais le capitaine Decker a insisté pour que tu m’accompagnes.

– Ça ne lui ressemble pas, précisa-t-elle.

– En temps normal, non, convint-il, mais il a dit très précisément qu’il tenait à ce que tu travailles immédiatement sur une affaire pour que tu sois occupée. Il ne veut pas que tu t’intéresses à l’affaire Dorsey et il a considéré que la meilleure façon d’empêcher que ça n’arrive était de t’occuper.

– Il a dit ça ? demanda Jessie.

– Plus ou moins. En fait, je pense qu’il voulait que je te le dise, un peu comme un avertissement.

– OK, c’est noté, dit Jessie en se demandant brièvement s’il fallait qu’elle parle à Ryan de son entretien avec Garland Moses.

Ryan savait que Hannah était sa demi-sœur, mais pas grand-chose de plus. De plus, Jessie n’avait pas dit à Ryan qui elle était allée voir ou pourquoi. Il semblait supposer qu’elle était allée retrouver Kat Gentry et Jessie n’avait pas corrigé son erreur. Elle craignait qu’il soit en danger d’un point de vue professionnel s’il savait qu’elle tentait de se renseigner sur l’affaire de Hannah. Elle ne voulait pas qu’il soit obligé de mentir au patron pour la protéger si sa tentative était révélée.

Cependant, d’un autre point de vue, si elle ne disait rien à Ryan, cela ressemblerait à une sorte de trahison personnelle. Elle jeta un coup d’œil à Ryan Hernandez, son aîné de deux ans, et elle se demanda silencieusement ce qu’elle lui devait. Après tout, même s’il était inspecteur et elle profileuse, ils travaillaient ensemble sur la plupart des affaires et étaient des associés informels, même si ce n’était pas officiel.

Au-delà de ça, pendant les quelques dernières années, leur relation avait évolué. De purement professionnelle, elle était devenue professionnellement amicale, authentiquement amicale puis, maintenant, c’était autre chose. Quelques mois auparavant, la femme de Ryan avait demandé le divorce après six ans de vie en couple et, après quelques ambiguïtés linguistiques embarrassantes, Ryan avait récemment avoué à Jessie que ce qu’il ressentait pour elle dépassait la sphère professionnelle.

Jessie ressentait la même chose depuis assez longtemps, mais elle n’était jamais passée à l’action. Elle l’avait trouvé séduisant dès qu’elle l’avait rencontré, le jour où il avait donné une conférence en tant qu’invité à un cours auquel Jessie avait assisté. À ce stade, elle n’avait pas encore connu son pedigree impressionnant en tant qu’inspecteur dans une unité d’élite de la division vols-homicides de la Police de Los Angeles nommée la Section Spéciale Homicide ou SSH. La SSH traitait les homicides à profil élevé ou qui bénéficiaient d’une grande attention des médias, souvent avec plusieurs victimes ou avec des tueurs en série.

Tout cela ne faisait que lui prêter encore plus de charme. Ryan mesurait un mètre quatre-vingt-deux et pesait quatre-vingt-dix kilos de muscles durcis par la rue. Et pourtant, sous ses cheveux noirs courts, ses yeux marron dégageaient une chaleur inattendue.

Maintenant que seuls leurs problèmes personnels les empêchaient d’aller plus loin, ils s’observaient mutuellement. Ils s’étaient embrassés une fois, mais ça s’était arrêté là. Pour être honnête, Jessie ne savait pas s’ils étaient prêts à aller plus loin.

– Parle-moi de l’affaire, dit-elle en décidant de ne pas lui parler de son entretien avec Garland Moses, ou du moins pour l’instant.

– Je ne sais pas grand-chose pour l’instant, dit Ryan. Le corps a été découvert par une femme de chambre il y a moins d’une heure ; c’est un homme de la quarantaine, nu. Le portefeuille était vide : ni carte d’identité ni cartes de crédit ni liquide. La cause initiale du décès semble être la strangulation.

– Ne peuvent-ils l’identifier en cherchant qui a réservé la chambre ?

– C’est un peu bizarre, ça aussi. Apparemment, la carte qui a été utilisée pour réserver la chambre est celle d’une société écran. Quant au nom inscrit sur le registre, c’est John Smith. Je suis sûr qu’on trouvera qui c’est mais, pour l’instant, nous avons une victime inconnue.

Ils arrivèrent au grand Bonaventure Hotel, avec ses plusieurs tours et ses célèbres ascenseurs extérieurs, qui avaient été rendus célèbres par le film Dans la ligne de mire. Ryan montra son badge pour passer la barricade des policiers et s’arrêta près de l’entrée du quai de chargement.

Un agent de police en uniforme les accueillit, les emmena au monte-charge et, de là, dans l’énorme hall central. Quand ils le traversèrent pour se rendre aux ascenseurs principaux, Jessie ne put s’empêcher d’être stupéfiée par la taille et le nombre d’atriums, de halls et d’escaliers qui se croisaient les uns les autres. C’était comme si l’endroit avait été expressément conçu pour qu’on s’y perde.

Suivant Ryan et l’agent de police, elle prit son temps, laissa partir les complications de la matinée et se concentra sur sa tâche actuelle. Son travail était de profiler ce crime, de déterminer quels pouvaient être les coupables potentiels. Cela signifiait qu’il fallait qu’elle prenne conscience du cadre dans lequel le crime avait eu lieu, pas juste la chambre mais aussi l’hôtel. Il était possible qu’il s’y soit passé une chose qui, bien qu’ayant eu lieu hors de la chambre, aurait pu avoir une influence sur les événements qui s’étaient déroulés dans cette chambre. Elle ne pouvait rien ignorer.

Ils passèrent un groupe de touristes qui, excités, se dirigeaient vers une sortie dans une tenue qui suggérait qu’ils allaient à un parc d’attractions célèbre. Juste derrière eux, dans un open bar circulaire qui s’appelait le Lobby Court, plusieurs hommes en costume commençaient à boire tôt. Quelques hommes costauds en blazers bleus identiques allaient çà et là. Avec leurs oreillettes, ils appartenaient manifestement à la sécurité. Jessie ne put décider si leur but était d’être authentiquement discrets ou juste d’en donner l’impression.

Quand ils atteignirent les ascenseurs, un des hommes en blazer se joignit à eux et attendit en silence qu’un autre arrive.

– Comment se passe votre matinée ? lui demanda joyeusement Jessie, incapable d’accorder à l’homme la solennité qu’il cherchait visiblement à inspirer.

Il hocha la tête mais ne dit rien.

– Vous finissez votre service ou vous le commencez ? insista-t-elle d’un ton plus sévère, agacée qu’il ne réponde pas.

Il la regarda, puis regarda Ryan, qui le contempla froidement. Alors, il répondit à contrecœur.

– J’ai commencé à six heures. Nous avons reçu l’appel de la femme de chambre à sept heures, dit-il pour répondre à la question implicite de Jessie.

– Pourquoi les femmes de ménage sont-elles allées dans la chambre si tôt ? demanda Jessie. Y avait-il une demande de nettoyage sur la poignée de porte ?

– Elle a dit qu’une odeur venait de la chambre.

Jessie se tourna vers Ryan, qui avait une expression résignée.

– Quel début de matinée, dit-elle en lisant dans ses pensées.

L’ascenseur arriva et ils y entrèrent. Le garde les accompagna au quatorzième étage. Quand ils montèrent, Jessie ne put s’empêcher de s’émerveiller devant la vue. L’ascenseur faisait face à Hollywood Hills et, par cette matinée assez claire, le panneau blanc « Hollywood » leur renvoyait son éclat et donnait l’impression d’être assez proche pour qu’on le touche. L’Observatoire Griffith était niché aux alentours, au sommet d’une colline du parc. Divers studios d’enregistrement parsemaient l’espace intermédiaire et il y avait des milliers de véhicules dans les rues embouteillées.

Un ding mélodieux la remmena au moment présent et Jessie sortit, suivant le garde et Ryan vers le fond du hall. Alors qu’ils n’étaient qu’à mi-chemin, Jessie sentit ce qui avait dû attirer l’attention de la femme de chambre.

C’était l’odeur de gaz putrides et pleins de bactéries qui, venant du corps de la victime, s’accumulaient puis en sortaient, souvent avec des liquides tout aussi malodorants. Même si c’était toujours désagréable, Jessie s’y était quelque peu habituée. Elle ne pensait pas qu’une femme de chambre connaîtrait aussi bien cette odeur ou la tolérerait aussi facilement.

Un agent de police qui attendait devant la porte reconnut Ryan et tendit, à lui et à Jessie, des pantoufles en plastique. Alors, il souleva le ruban de la police pour qu’ils puissent entrer. Jessie ressentit une satisfaction dont elle reconnut la petitesse quand l’agent de police refusa de laisser entrer le garde de la sécurité de l’hôtel.

Une fois à l’intérieur, elle resta à côté de la porte et examina la scène. Plusieurs techniciens de la scène de crime prenaient des photos et relevaient les empreintes digitales présentes dans la chambre. Plusieurs petites marques dans la moquette avaient été notées et on leur avait attribué des numéros de preuves.

Le corps gisait sur le lit, nu, gonflé et découvert. La description initiale de la victime semblait exacte. L’homme paraissait avoir une quarante d’années. Quand Jessie se rapprocha, elle constata clairement qu’il avait effectivement été étranglé. Des marques de doigts violacées et bleuâtres lui couvraient le cou, même si l’on remarquait qu’il n’y avait ni marques ni coupures susceptibles de suggérer que l’assassin y avait planté les ongles.

L’homme était en un état décent, si l’on oubliait le gonflement. Il était visiblement riche. Ses ongles des doigts avaient été récemment manucurés, une greffe de cheveux avait été effectuée à grand-peine pour placer un peu de gris au milieu de ses cheveux noirs et on voyait aussi quelques injections apparemment artisanales de Botox près de ses yeux, de sa bouche et de son front.

Ses chaussettes, qui souffraient maintenant sous l’excès de fluides qui s’accumulait à ses chevilles, s’accrochaient tristement à ses pieds. Ses chaussures se trouvaient à côté du lit. Ses vêtements, qui comprenaient un costume visiblement cher, un caleçon et un tee-shirt, étaient soigneusement pliés sur le dossier d’une chaise de bureau.

Dans la chambre, on ne voyait pas d’autres affaires personnelles, pas de valise, pas de vêtements supplémentaires, ni montre ni lunettes sur la table de nuit. Jessie jeta un coup d’œil dans la salle de bain et y vit la même chose : pas d’affaires de toilette, pas de serviettes mouillées, rien qui suggère que cet homme ait passé beaucoup de temps dans la chambre.

– Téléphone portable ? demanda Ryan à l’agent de police qui se tenait dans le coin.

– Nous l’avons trouvé dans la poubelle, lui dit l’enquêteur de la scène de crime. Il était en morceaux, mais les techniciens pensent qu’ils pourront récupérer ses données. La carte SIM était encore à l’intérieur. On l’emmène au labo en ce moment.

– Portefeuille ? demanda Ryan.

– Il était par terre près du lit, dit l’enquêteur, mais il avait été vidé. Presque tout ce que l’on aurait pu identifier avait disparu : pas de cartes de crédit ou de permis de conduire. Il y avait quelques photos d’enfants. Je suppose qu’on pourra s’en servir pour trouver l’identité. Cependant, je soupçonne que le téléphone portable nous rendra ses résultats plus vite.

Jessie se rapprocha du corps en s’assurant d’éviter tous les marqueurs de preuves présents sur la moquette.

– Pas de blessures défensives visibles, remarqua-t-elle. Pas d’égratignures sur ses mains. Pas de bleus aux doigts.

– J’ai du mal à imaginer qu’il se soit allongé là et s’y soit étouffé tout seul, à moins que ça n’ait fait partie d’un jeu sexuel. Bien sûr, on connaît ce cas de figure, dit Ryan en faisant allusion à une affaire compliquée comprenant des éléments de sadomasochisme qu’ils avaient résolue récemment.

– Ou on l’a peut-être drogué, répliqua Jessie en désignant le verre vide qui se trouvait sur le bureau près d’un autre marqueur de preuve. Si quelqu’un a mis quelque chose dans sa boisson, ça l’a peut-être empêché de se battre.

– Donc, je suppose que nous pouvons écarter l’hypothèse du suicide, dit Ryan en approchant du corps.

– S’il s’était fait ça, ce serait extraordinaire, dit Jessie.

Elle regarda l’expression de Ryan passer de l’amusement à la curiosité.

– Qu’y a-t-il ? demanda-t-elle.

– Je pense que je reconnais ce gars.

– Vraiment ? dit Jessie. Qui est-ce ?

– Je n’en suis pas sûr. Je pense qu’il pourrait être un politicien local, peut-être à la mairie.

– Nous devrions comparer sa photo à celle des politiciens locaux et des autres officiels, suggéra Jessie.

– Exact, convint-il. Si ça se confirme, alors, nous devrons envisager un mobile politique.

– C’est vrai. Peut-être quelqu’un a-t-il désapprouvé un de ses votes récents ou prévus. Bien sûr, on penserait que lui montrer des photos de lui-même drogué et nu dans une chambre d’hôtel aurait été tout aussi efficace.

– Bien vu, concéda Ryan. Peut-être cela devait-il servir de message à l’intention de quelqu’un d’autre.

– C’est une autre possibilité, dit Jessie en regardant dans la chambre au cas où quelque chose lui aurait échappé, mais je trouve que, en matière de message, deux balles dans la nuque auraient eu plus d’impact. Je pense qu’il faut que nous trouvions qui est ce gars avant de pouvoir tirer de vraies conclusions.

Ryan approuva d’un hochement de tête.

– Et si on allait à la réception ? dit-il. Voyons ce qu’ils peuvent nous dire sur John Smith.


*

Le réceptionniste qui avait inscrit John Smith de City Logistics au registre avait fini son service à six heures du matin et il fallut le rappeler. Pendant qu’ils attendaient qu’il arrive, Ryan ordonna au bureau de la sécurité de fournir toutes les vidéos qui montraient l’enregistrement et toutes les utilisations de la carte électronique de la porte de la chambre d’hôtel louée par l’homme mort.

Jessie s’assit dans le hall avec Ryan et attendit en regardant passer les clients et le personnel de l’hôtel. Certaines personnes quittaient l’hôtel, mais la majorité des gens étaient des touristes qui s’affairaient çà et là ou des gens en costume d’affaires qui sortaient pour, semblait-il, se rendre à des réunions réservées aux magnats de l’industrie.

Jessie repéra le réceptionniste dès son arrivée. Vêtu d’un jean et d’une chemise décontractée, ce jeune homme d’une vingtaine d’années au visage couvert d’acné donnait l’impression qu’on l’avait réveillé d’un sommeil profond et qu’il avait tout juste eu le temps de s’habiller et encore moins de se peigner. Il avait aussi une autre caractéristique qui semblait l’envelopper comme un manteau invisible : la peur.

Jessie tapota l’épaule à Ryan et désigna le jeune homme. Ils se levèrent et le rejoignirent juste au moment où il approchait du bureau. Il fit signe à un directeur, qui lui indiqua d’aller au bout du comptoir, loin des clients.

– Merci d’être venu, Liam, dit le directeur.

– Pas de problème, Chester, dit le jeune homme, qui avait pourtant l’air contrarié. Vous avez dit que c’était urgent. De quoi s’agit-il ?

– Certaines personnes ont quelques questions à vous poser, dit Chester en suivant les instructions de Jessie, qui lui avait demandé de ne pas préciser pourquoi il avait appelé Liam.

– Qui a des questions à me poser ? demanda Liam.

– Nous, dit Ryan derrière lui.

Surpris, le jeune homme sursauta un peu.

– Qui êtes-vous ? demanda Liam, essayant en vain de passer pour un dur.

– Je m’appelle Ryan Hernandez. Je suis inspecteur à la Police de Los Angeles. Je vous présente Jessie Hunt. Elle est profileuse criminelle pour notre division. Et si nous allions à un endroit tranquille pour y parler librement ?

L’espace d’un instant, Liam donna l’impression qu’il allait s’enfuir. Alors, il sembla retrouver son courage.

– Oui, d’accord, pourquoi pas ?

– Il y a une petite salle de conférence au bout de ce hall, dit Chester, le directeur. Vous devriez y être tranquilles.

Quand ils furent dans la salle de conférence, eurent fermé la porte et furent tous assis, Liam sembla se crisper à nouveau. C’était peut-être à cause de ces deux agents de l’ordre qui le regardaient fixement, ou parce qu’il ne savait pas pourquoi on l’interrogeait, ou à cause de l’étrange bruit blanc que l’on entendait dans cette pièce autrement silencieuse. Jessie soupçonnait que c’était une combinaison de tous ces éléments. Quelle qu’en soit la raison, Liam ne pouvait pas se maîtriser.

– Est-ce à propos des caisses de bière ? laissa-t-il échapper. On m’a dit que c’était du stock excédentaire et qu’on allait le jeter. Si je les ai prises, où est le mal ?

– Non, Liam, dit Ryan. Il ne s’agit pas des caisses de bière. Il s’agit d’un meurtre.




CHAPITRE QUATRE


Liam ouvrit la bouche si grand que Jessie craignit qu’elle ne se détache de son visage.

– Quoi ? demanda-t-il quand il put reparler.

– Un client a été assassiné ici hier soir, dit Ryan, et on dirait que c’est vous qui l’avez enregistré, même si nous n’en sommes pas certains. Nous espérions que vous alliez pouvoir nous aider à clarifier ce point.

Liam déglutit avec difficulté avant de répondre.

– Bien sûr, dit-il, apparemment content de ne plus être soupçonné d’avoir volé la bière.

– Hier soir, à vingt-et-une heures trente-sept, vous avez enregistré un homme dont le nom semble seulement être John Smith. La carte associée à la transaction appartenait à une entreprise du nom de City Logistics, qui semble être une société écran.

– Qu’est-ce que ça signifie ? demanda Liam.

– Cela signifie, dit Ryan, que l’entreprise est possédée par une autre entreprise qui est possédée par une autre entreprise. Elles ont toutes plusieurs personnes qui sont présentées comme étant des cadres et chacune de ces personnes semble être un avocat d’affaires connu pour créer des sociétés écrans.

– Je ne comprends pas, dit Liam, qui avait l’air sincèrement perdu.

– Liam, dit Jessie, parlant pour la première fois, cela signifie que la personne qui vous a donné la carte de crédit ne voulait pas que son vrai nom soit lié à la réservation de la chambre et c’est pour cela qu’elle a utilisé cette carte d’entreprise aux origines complexes. C’est probablement pour cela qu’il s’est enregistré sous le nom de ‘John Smith’. De plus, comme la carte n’a jamais été débitée, je suppose qu’il a payé la chambre en liquide, n’est-ce pas ?

– Cela pourrait correspondre à un client qui s’est enregistré hier soir, concéda Liam.

– Seulement, voici ce que je ne comprends pas, insista Jessie. Même s’il a payé en liquide, la carte a dû être débitée pour les faux frais comme la petite bouteille de brandy du mini-bar. Comment cette bouteille a-t-elle été payée ?

– Si nous pensons au même homme, dit craintivement Liam, cela pourrait être parce qu’il m’a glissé deux cents dollars et qu’il a dit que cela servirait à payer tous les faux frais pour la chambre. Il a aussi dit que je pourrais garder le reste.

– Combien reste-t-il ? demanda Jessie.

– Cent quatre-vingt-quatre dollars.

Ryan et Jessie échangèrent un regard.

– C’est beaucoup d’argent, Liam, dit Jessie. Pourquoi John Smith vous donnerait-il un pourboire aussi élevé ? Et puis, souvenez-vous que, pour l’instant, vous êtes juste un témoin potentiel mais que, si vos réponses s’avèrent manquer de sincérité, nous risquerons de devoir vous inclure à la liste des suspects.

Liam ne semblait pas le désirer.

– Écoutez, dit-il fébrilement. Cet homme n’a rien dit de bien clair, mais il a suggéré qu’une amie pourrait lui rendre visite ce soir et qu’il préférerait que cela ne laisse pas de traces. Il voulait que ça reste officieux, vous voyez ?

– Et vous avez accepté ça ? insista Ryan.

– C’était deux cents dollars, l’ami. La vie est dure. Même s’il avait sorti cinq mini-bouteilles de brandy, j’aurais quand même ramené cent dollars à la maison sans avoir fait quoi que ce soit. Suis-je censé décider s’il est convenable qu’un mec utilise cet hôtel pour retrouver sa maîtresse ? Dans le pire des cas, il aurait saccagé la chambre et, en cas d’urgence, j’ai sa carte commerciale dans les fichiers. J’ai pensé qu’il n’y avait rien à y perdre.

– Sauf s’il finit nu et mort sur le lit, fit remarquer Ryan. Cela devient alors une perte pour tout le monde, dont vous, Liam. Sans parler de l’histoire de la caisse de bières, je dirais que vous allez devoir épousseter votre CV.

Alors que Liam allait répondre, quelqu’un frappa à la porte. C’était Chester, le directeur. Ryan lui fit signe d’ouvrir la porte.

– Désolé de vous interrompre, dit-il, mais la sécurité a préparé les vidéos qui vous intéressent.

– Ça tombe au moment idéal, dit Ryan. Je pense que nous en avons fini pour l’instant, n’est-ce pas, Liam ?

Liam hocha la tête d’un air abattu. Quand Ryan et Jessie quittèrent la salle, il essaya de les suivre, mais le directeur leva une main pour lui ordonner de rester.

– J’aimerais que vous restiez un peu plus longtemps, Liam, dit-il. Il faut que nous parlions.


*

Jessie cessa de penser aux problèmes de Liam quand elle arriva dans le bureau de la sécurité. Elle se plaça derrière la jeune femme qui manipulait le système pour avoir une meilleure vue du moniteur. Ryan et un autre directeur de l’hôtel se mirent à côté d’elle.

Comme Liam l’avait décrit, l’homme qui avait réservé la chambre lui avait tendu une carte et une liasse de billets. Il avait été seul. Pendant qu’il avait attendu que Liam finisse la transaction, il avait jeté un coup d’œil autour de lui et semblé adresser un hochement de tête à une personne hors-champ.

– Pouvez-vous voir à qui il a fait signe ? demanda Jessie à la technicienne.

– J’ai déjà essayé, dit la femme, qui s’appelait Natasha. J’ai visionné toutes les vidéos des caméras de l’endroit où il a regardé. Personne n’a semblé répondre de façon visible. En fait, personne n’a même semblé regarder dans sa direction.

Jessie trouva cela étonnant, mais elle ne dit rien pour l’instant. Visiblement, l’homme avait adressé un hochement de tête à quelqu’un, mais ce quelqu’un avait dû craindre qu’on le filme.

Qui connaîtrait ces sortes de détails ?

– Avez-vous les vidéos du hall pour le quatorzième étage ? demanda-t-elle.

Natasha les afficha. Alors que l’horodatage indiquait 22 h 01, on vit l’homme marcher dans le hall et entrer dans la chambre. Jessie entendit Ryan inspirer brusquement et elle se tourna vers lui. Il se pencha vers elle et chuchota dans son oreille.

– Quand j’ai vu la démarche joyeuse de ce gars, ça m’a rappelé quelque chose. Je viens de me souvenir de son nom. C’est bien un politicien. Quand on sera tranquilles, je te dirai qui c’est.

Jessie hocha la tête, curieuse. Natasha fit défiler rapidement la vidéo du hall vers l’avant, s’arrêtant à chaque fois que quelqu’un y passait. Personne n’approcha de la chambre de l’homme mais, à 22 h 14, exactement treize minutes après que l’homme était entré dans sa chambre, l’ascenseur s’ouvrit et une femme en sortit.

C’était une blonde superbe aux cheveux qui tombaient jusqu’au milieu du dos. Elle portait d’énormes lunettes de soleil qui lui cachaient les traits et un trench-coat à ceinture et à col montant. Elle marcha dans le hall en regardant les numéros des chambres puis s’arrêta devant la porte de l’homme. Elle frappa. La porte s’ouvrit seulement quelques secondes plus tard et elle entra.

Il n’arriva rien pendant les trente-et-une minutes qui suivirent, mais, à 22 h 45, la femme quitta la chambre et repartit par là où elle était arrivée. Cette fois-ci, elle marchait vers la caméra et Jessie put mieux la voir.

Elle portait encore les lunettes de soleil et le manteau, mais, même avec eux, Jessie voyait que la femme était très belle. Ses pommettes semblaient avoir été sculptées par un artiste. Même sur ce petit moniteur, sa peau avait l’air immaculée et on comprenait que, sous cette veste, elle avait une silhouette qui pouvait facilement pousser un homme politique riche et excité à mettre sa carrière en danger.

Jessie remarqua aussi autre chose. La femme semblait se diriger vers les ascenseurs … avec nonchalance. Elle n’avait pas l’attitude de quelqu’un qui se presse. Il était tout à fait possible que, seulement quelques minutes auparavant, elle ait drogué un homme puis l’ait tué par strangulation, et pourtant, dans sa façon de se comporter, rien ne suggérait l’inquiétude ou l’anxiété. Elle avait l’air pleine d’assurance.

Alors, Jessie fut certaine qu’ils avaient affaire à plus qu’un simple crime passionnel ou à un vol qui tourne mal. Si cela avait été une rencontre physique qui avait dégénéré, la femme aurait eu l’air beaucoup plus troublée et pressée. Si cela avait été un simple vol, elle aurait pu quitter la chambre moins de dix minutes après qu’elle y était entrée.

Pourtant, elle était restée une demi-heure. Elle avait pris son temps. Elle avait détruit le téléphone de l’homme et lui avait pris toutes ses cartes, son liquide et ses pièces d’identité, alors même qu’elle avait forcément compris que l’identité de cet homme ne tarderait pas à être découverte. Elle avait même laissé les photos de famille dans le portefeuille.

Chose encore plus remarquable, elle n’avait apparemment laissé aucune empreinte digitale dans la chambre, ni sur le verre, ni sur d’autres surfaces de la chambre ni sur le cou de l’homme. C’était le travail d’une femme qui avait soigneusement préparé son coup, qui avait pris son temps et qui y avait trouvé du plaisir.




CHAPITRE CINQ


Jessie ne pouvait pas se débarrasser de cette image.

Pendant que Ryan les conduisait à leur prochaine destination, elle repensait constamment à la dernière vidéo que Natasha, la technicienne de la sécurité, leur avait montrée. Maintenant qu’ils savaient à quoi ressemblait cette femme, Jessie avait pu visionner des vidéos qui remontaient à plus tôt dans la soirée.

On ne voyait jamais la femme arriver à l’hôtel ou le quitter, mais on la voyait s’installer dans le Lobby Court, le bar même où Jessie avait vu boire les hommes en costume plus tôt dans la matinée.

La femme était arrivée peu après vingt-et-une heures et avait attendu quinze minutes en sirotant une boisson qu’elle avait achetée en liquide et bue avec ses gants en cuir. Ce qui frappait Jessie, c’était son air de tranquillité absolue. Elle n’avait pas l’allure d’une personne qui allait assassiner un homme moins de deux heures plus tard.

Finalement, son ‘rendez-vous’ était arrivé. Il était directement allé la trouver comme s’ils s’étaient connus mais, chose étrange, il l’avait saluée comme si cela avait été leur première rencontre. Il avait commandé une boisson pour lui-même et s’était assis à côté d’elle. Ils avaient parlé pendant une demi-heure. Il avait commandé deux autres boissons et elle avait continué à siroter la sienne.

Vers 21 h 50, il avait payé sa note et s’était levé. Les caméras l’avaient suivi jusqu’aux toilettes puis jusqu’à la réception. La femme était restée un peu plus longtemps au bar pour finir sa boisson puis elle était partie hors-champ et on ne la revoyait qu’au moment où elle sortait de l’ascenseur pour aller dans la chambre de l’homme.

– À quoi penses-tu ? demanda Ryan, interrompant sa méditation.

– Je pense que nous avons affaire à une personne qui a aimé ce qu’elle a fait et je crains donc qu’elle ne recommence.

– Je comprends ça, convint-il. Puis-je te dire ce qui m’inquiète, moi ?

– Je t’en prie, dit Jessie.

– Je crains que l’épouse de cet homme ne pète les plombs quand nous lui dirons ce qui s’est passé.

Ryan parlait des moments désagréables qu’ils allaient connaître. Après qu’ils avaient quitté le bureau de la sécurité, il lui avait dit qui était la victime : Gordon Maines.

Quand Ryan avait appelé le médecin légiste pour lui confier ce qu’il soupçonnait, ce dernier le lui avait confirmé. La victime était effectivement Gordon Maines, un conseiller qui représentait le quatrième district de Los Angeles, qui comprenait Hancock Park et Los Feliz.

Ryan s’était finalement souvenu de lui à cause de sa démarche joviale. C’était le même style qu’il avait eu quand il était venu au poste plusieurs années auparavant pour passer un savon au capitaine Decker parce que ce dernier ne lui avait pas donné assez d’agents de police pour assurer la sécurité d’un défilé de quartier.

– ‘Crétin’ est le mot le plus sympathique qui me vient pour décrire ce gars, avait dit Ryan.

Jessie espérait qu’il utiliserait des mots plus diplomates quand ils arriveraient à sa maison de Hancock Park pour annoncer la mauvaise nouvelle à sa femme, Margo. Pendant qu’il se frayait un chemin dans la circulation du milieu de matinée, Jessie se remit à penser à Hannah malgré tous ses efforts.

Elle se demanda si Garland Moses était arrivé à déterminer comment l’enquête avançait. Est-ce que le FBI avait des pistes sur l’endroit où pouvait se trouver Bolton Crutchfield ? Est-ce que Hannah était saine et sauve ? Jessie fut tentée de lui envoyer un SMS pour le lui demander et ce ne fut que quand elle eut sorti son téléphone qu’elle se rappela que c’était une très mauvaise idée.

D’abord, elle ne l’avait vu que deux ou trois heures auparavant. Même si Garland Moses était le profileur le plus décoré du pays, il n’était pas un super-héros. De plus, s’il avait des informations, il la tiendrait sûrement au courant. S’il ne lui disait rien, cela signifiait probablement qu’il n’avait rien trouvé d’intéressant.

Ensuite, ils s’étaient mis d’accord pour ne communiquer qu’en tête-à-tête. Même si le capitaine Decker n’avait pas encore formellement interdit à Jessie de s’impliquer dans cette affaire, il le ferait bientôt, c’était certain. S’il était prouvé que Jessie avait tenté de contourner cette directive, cela pourrait compromettre sa carrière et, comme Garland l’avait dit, gâcher sa « jolie petite enquête ».

Pourtant, cela l’obsédait. Elle était en train d’enquêter sur la mort d’un homme qui avait visiblement plusieurs choses à cacher. Entre temps, une jeune fille innocente était détenue par un tueur en série pour la seule raison qu’elle avait le même ADN qu’un autre tueur en série.

La frustration monta dans sa poitrine et elle eut énormément de mal à la ravaler.

Garland Moses ferait mieux de trouver quelque chose et vite, parce que je ne sais pas combien de temps je vais pouvoir tenir avant de craquer.


*

Quand ils arrivèrent à Hancock Park, au manoir de Gordon Maines, Jessie ne fut pas étonnée.

Elle savait déjà qu’ils avaient affaire à un homme qui était prêt à payer 400 dollars pour tromper sa femme dans une chambre d’hôtel, un homme qui détenait apparemment une carte de crédit associée à une société écran, ce qui indiquait probablement que ses finances étaient aussi peu claires que sa vie. De plus, apparemment, il habitait dans une maison qu’aucun fonctionnaire n’aurait pu acquérir, à moins d’en hériter.

Quand ils montèrent les marches jusqu’à la porte de devant, Jessie se rappela qu’il ne fallait pas qu’elle inflige son dégoût pour la victime à sa femme, qui pensait peut-être son mari capable de décrocher la lune et allait apprendre qu’il en était autrement. Ryan sonna et ils attendirent, tous les deux inquiets de ce qui allait se passer.

La porte fut ouverte par une petite femme svelte de la quarantaine finissante. Elle portait un tailleur brun clair et ses cheveux blonds étaient attachés en chignon. Malgré son apparence professionnelle, Jessie voyait qu’elle était mal en point.

Sous les yeux, elle avait des cernes impossibles à masquer, même avec beaucoup de maquillage, comme elle avait courageusement essayé de le faire. Ses yeux en eux-mêmes étaient rouges, ce qui pouvait indiquer, entre autres choses, qu’elle n’avait pas dormi, avait pleuré ou pris des drogues. Aucune de ces possibilités n’était bonne. Son bas droit avait une échelle très visible mais qu’elle semblait ne pas avoir remarquée, ce qui suggérait qu’elle avait les pensées ailleurs.

– Que puis-je faire pour vous ? demanda-t-elle d’une voix éraillée.

– Bonjour. Êtes-vous Margo Maines ? demanda gentiment Jessie.

– Oui, dit-elle avec prudence. De quoi s’agit-il ?

Jessie regarda Ryan, qui semblait prêt à donner la nouvelle qui, comme ils le savaient, allait la briser. Elle l’avait vu le faire à de nombreuses reprises et elle voyait la même réaction maintenant, sa colonne vertébrale qui se raidissait comme s’il se préparait à accepter le contre-coup émotionnel qu’il allait recevoir. Soudain, quand elle pensa au nombre de fois où il avait dû se retrouver dans cette situation au cours de sa carrière, une vague d’empathie la submergea. Elle ressentit un désir intense de le protéger contre cette situation cette fois-ci et avança légèrement.

– Nous sommes de la Police de Los Angeles, dit-elle avant qu’il n’ait pu prononcer un seul mot. Je suis Jessie Hunt et voici l’inspecteur Ryan Hernandez. Je crains d’avoir une mauvaise nouvelle à vous annoncer, Mme Maines.

Margaret Maines, ou ‘Margo’ comme on l’appelait dans la bio de son mari publiée sur le site web de la ville, semblait savoir ce qui arrivait. Elle baissa la tête, tendit une main et agrippa l’encadrement de la porte. Ryan avança légèrement au cas où elle s’effondrerait.

Heureusement, ce ne fut pas nécessaire. Margaret Maines les regarda à nouveau avec une résolution que Jessie admira, même si elle semblait fragile.

– Entrons, dit Mme Maines. Je pense que j’aimerais m’asseoir avant que vous m’en disiez plus.

Jessie et Ryan la suivirent dans le salon, où elle s’assit sur la causeuse et leur fit signe de s’asseoir sur le sofa d’à côté. Une fois qu’ils furent tous installés, elle les regarda tous les deux et hocha la tête.

– Allez-y, dit-elle d’un air résigné.

Jessie continua sans regarder Ryan pour voir s’il acceptait qu’elle prenne les devants.

– Je dois malheureusement vous annoncer que votre mari est mort, Mme Maines. Son corps a été trouvé ce matin dans un hôtel du centre-ville. Son identité a été récemment confirmée.

Mme Maines hocha la tête, inspira profondément et tendit la main pour prendre un mouchoir en papier. Elle se sécha les yeux puis répondit.

– Je savais qu’il y avait un problème. Il n’est pas rentré hier soir. Parfois, il travaille très tard, mais il m’appelle toujours. De plus, il n’a pris aucun de mes appels. J’ai même envisagé d’appeler la police. Cependant, j’ai imaginé qu’il dormait dans son bureau et que son téléphone était en mode silencieux ou que la batterie était à plat. Je n’ai pas voulu dramatiser. J’ai appelé le bureau ce matin et ils ont dit qu’il n’était pas encore arrivé. Je savais qu’il y avait un problème. J’étais sur le point de vous appeler.

– Pourquoi ne l’avez-vous pas fait ? demanda Jessie d’un ton non-accusateur.

– Gordon était très exigeant. Il détestait que les journaux parlent mal de lui. Dans ma tête, je l’imaginais dire : « Si tu appelles la police, ça finira dans les journaux puis au journal télévisé. À la prochaine élection, mon opposant en fera quelque chose de néfaste aussi innocent que ce soit. En politique moderne, il ne faut tolérer aucune erreur de relations publiques ». Il disait beaucoup qu’il voulait éviter que les journaux parlent mal de lui. Maintenant, je me demande si j’aurais pu empêcher sa mort en l’appelant.

Jessie pensa qu’il était ironique qu’un gars qui craignait d’avoir mauvaise réputation trompe sa femme à l’hôtel et finance ce qui paraissait être une caisse noire, mais elle garda cette réflexion pour elle-même.

– Ne vous faites pas de reproches, Mme Maines, dit Ryan. D’après ce que nous pouvons dire jusque-là, il semblerait que votre mari soit mort hier soir. Même si vous l’aviez appelé, vous n’auriez pas pu le sauver.

Elle sembla dériver une petite consolation de ce fait et soupira profondément, plus ou moins soulagée. Elle parut se demander s’il fallait qu’elle pose la question qu’elle avait en tête mais, finalement, elle coupa court à ses hésitations.

– Comment est-ce arrivé ?

Se sentant juste un peu lâche, Jessie considéra que les années d’expérience de Ryan pourraient s’avérer utiles dans ce cas-là et décida de le laisser répondre.

– Peut-être pourrons-nous garder les détails pour une autre fois, Mme Maines, suggéra-t-il gentiment.

L’air désespéré visible sur le visage de Mme Maines céda vite la place à un mélange d’irritation et de résolution.

– Dites-moi la vérité, inspecteur. Il est clair qu’il n’est pas mort de causes naturelles. Je le saurai tôt ou tard et je préférerais le découvrir dans l’intimité de ma propre maison que dans une morgue sinistre entourée par un groupe d’inconnus. Je préfère de loin deux inconnus à dix.

– Oui, madame, dit-il. Vous avez raison. Il n’est pas mort de causes naturelles. Je crains qu’il n’ait été étranglé jusqu’à la mort. Les circonstances qui entourent son meurtre sont quelque peu … obscènes. Dois-je poursuivre ?

– Je veux en prie, insista Mme Maines d’une voix atone.

– On dirait qu’il était à l’hôtel pour y retrouver une femme dont nous ne connaissons pas encore l’identité. Nous ne connaissons pas son mobile. Nous savons juste que votre mari a probablement été drogué, puis dévalisé et étranglé.

Jessie regarda les traits de Mme Maines se durcir. Elle ressentit une pointe d’anxiété et se demanda si Margo Maines allait hurler ou pleurer. En fait, elle ne fit ni l’un ni l’autre.

– Je suis tout à fait certaine qu’il a été drogué et dévalisé, insista-t-elle d’un ton vif en se redressant. Jamais Gordon ne serait allé retrouver une femme dans une chambre d’hôtel de son plein gré, à moins d’avoir perdu la tête.

Jessie se souvint de la vidéo du bar, où Gordon avait joyeusement flirté pendant une demi-heure avant d’aller réserver une chambre d’hôtel, tout cela sans avoir été drogué. Elle se demanda si elle devait mettre fin aux certitudes de son épouse mais décida que ce n’était pas son travail.

Un autre exemple de lâcheté morale.

– De toute façon, dit Ryan d’une voix qui suggérait qu’il désirait passer à autre chose parce qu’il ne voulait visiblement pas mettre fin aux certitudes de Mme Maines lui non plus, même si nous avons confirmation que c’est lui, il faudra que quelqu’un vienne au bureau du médecin légiste pour identifier formellement le corps. Si vous préférez qu’un de ses employés le fasse, nous pourrons arranger ça.

– Non, je le ferai, dit-elle.

– Merci, dit Ryan. Il y a une autre chose. Nous n’avons pas beaucoup de pistes sur la femme que nous soupçonnons du meurtre de votre mari, mais elle a quand même pris toutes ses cartes de crédit et toutes ses pièces d’identité.

– Et sa montre ? interrompit Mme Maines.

– Quelle montre ? demanda Ryan.

– Il avait une Rolex avec ses initiales gravées au dos.

– Nous ne l’avons pas trouvée sur la scène du crime, dit Ryan, mais nous l’ajouterons à la liste des objets manquants.

– Je lui ai offert cette montre pour notre dixième anniversaire de mariage, dit-elle en repensant visiblement à ce moment.

Jessie avait une idée mais décida de la remettre à plus tard. À contrecœur, Ryan remmena Mme Maines au moment présent.

– Nous ferons de notre mieux pour la récupérer, madame, lui assura-t-il. Cependant, en ce qui concerne les cartes de crédit, au lieu de les bloquer, nous comptons les surveiller en espérant que cela nous permettra de retrouver cette femme quand elle en utilisera une. Elle pourrait aussi essayer de contrefaire un nombre indéterminé de documents officiels à l’aide de la carte d’identité de votre mari. Nous donneriez-vous la permission d’examiner ses transactions et ses données financières pour voir s’il y a des anomalies ?

Mme Maines lui lança un regard sceptique, comprenant visiblement que sa requête devait cacher une arrière-pensée.

– Cela semble imprécis, fit-elle remarquer.

– Ça l’est, admit-il. Nous voulons ratisser aussi large que possible pour ne rien manquer. Nous pouvons demander une décision de justice si nécessaire, mais cela prend du temps et je crains que la coupable ne nous file entre les doigts avant cela, alors que, si vous signez les autorisations maintenant, nous pourrons commencer immédiatement.

Mme Maines avait encore l’air peu convaincue mais, vu la façon dont Ryan avait présenté les choses, si elle refusait, cela donnerait l’impression qu’elle entravait l’enquête sur le meurtre de son mari. Au bout d’un moment, il devint clair qu’elle avait décidé que, quelles que soient les choses qu’elle soupçonnait que son mari lui avait cachées, il allait falloir avant tout se concentrer sur la recherche de l’assassin.

– Donnez-moi les papiers, dit-elle durement.

Ryan, qui avait déjà l’enveloppe à disposition, les lui tendit. Jessie le vit se retenir de sourire et dut réprimer sa propre envie de lui envoyer un coup de pied.

Ryan avait eu de la chance que Margo Maines ne connaisse pas ses expressions aussi bien que Jessie. En général, les jeunes veuves n’appréciaient pas les sourires satisfaits.




CHAPITRE SIX


Jessie était agacée par Ryan.

De retour au poste, assis à leurs bureaux, ils examinaient des états financiers compliqués en attendant que l’équipe des techniciens trouve les origines de « City Logistics » et de ses ressources. Le capitaine Decker assistait à une réunion au quartier général, ce qui signifiait que Jessie avait encore réussi à éviter l’entretien où il lui interdirait inévitablement de s’intéresser à l’affaire concernant Hannah.

Entre temps, Ryan avait suggéré l’idée selon laquelle Margo Maines faisait semblant d’être triste, avait découvert que son mari la trompait et avait embauché une tueuse à gages pour l’éliminer, avec pour but de se venger, de toucher l’assurance-vie ou les deux à la fois. En fait, Ryan semblait être obsédé par cette idée.

– Elle ne m’a pas paru crédible, c’est tout, insista-t-il. Je ne la crois pas quand elle dit qu’il aurait fallu que Gordon soit drogué pour aller dans une chambre d’hôtel avec une autre femme. Tu as vu la vidéo du bar. Il était entièrement volontaire. Margo devait au minimum soupçonner que c’était un cochon.

– Je suis sûre qu’elle le soupçonnait, convint Jessie malgré son agitation, mais cela ne signifie pas qu’elle a demandé qu’on l’assassine. Peut-être trouvait-elle embarrassant d’avouer à deux inconnus qu’elle avait choisi d’ignorer la mauvaise attitude de son mari. Les femmes le font parfois, c’est connu.

Jessie avait répondu d’une voix égale pour que Ryan ne comprenne pas à quel point ce sujet de discussion la touchait encore. Son propre ex-mari, Kyle, l’avait trompée pendant des mois et, alors qu’il y avait eu des quantités de signes, Jessie avait d’une façon ou d’une autre réussi à n’en voir aucun.

Dans ses moments plus honnêtes, elle reconnaissait qu’elle avait peut-être évité intentionnellement de les voir parce que, si elle s’était confrontée à cette réalité, cela aurait détruit son couple et sa vie. Bien sûr, le désastre s’était quand même produit quand Kyle avait assassiné sa maîtresse, fait accuser Jessie du meurtre puis essayé de la tuer elle aussi. Cependant, ce n’était pas l’essentiel pour l’instant.

– Peut-être ne voulait-elle pas révéler qu’elle savait qu’il la trompait parce qu’elle était gênée, concéda Ryan. Ou alors, elle savait peut-être que, si elle l’admettait, cela lui donnerait un mobile.

Jessie ne voulait pas rejeter la théorie de Ryan. Elle n’était pas absurde et Ryan avait beaucoup plus d’expérience qu’elle. Cependant, il semblait ignorer d’autres éléments pertinents.

– Permets que je te pose une question, proposa-t-elle. Si c’était un meurtre commandité, pourquoi ne pas loger deux balles dans la tête de la victime ? C’est beaucoup plus rapide et plus sûr.

– Peut-être Margo Maines savait-elle que les détails du meurtre de son mari finiraient par être dévoilés. Son mari serait humilié et elle serait l’épousée martyre. Elle récolterait énormément de compassion et personne ne la soupçonnerait.

– Cela explique la situation de son point de vue, mais pas de celui de l’assassin, répliqua Jessie. La femme qui l’a tué a pris tout son temps. Même si on l’avait chargée de rendre la scène sordide, elle aurait pu s’en aller moins de quinze minutes plus tard. Elle y est restée deux fois plus longtemps. Elle s’est attardée. Ce n’est pas le travail d’une professionnelle. De plus, elle aurait pu se contenter de le droguer sans le tuer. Un politicien mort, nu et drogué que l’on retrouve dans une chambre d’hôtel, c’est assez embarrassant en soi. Pourquoi l’étrangler en plus ? Non. Ce meurtre a une touche personnelle.

Ryan y réfléchit pendant un moment. L’argument avait semblé avoir son impact. Le niveau d’agacement de Jessie diminua quelque peu.

– C’est une bonne idée. Je n’y avais pas réfléchi du point de vue de l’assassin.

– Oui, bon, tu n’es pas le profileur, dit-elle pour le taquiner légèrement.

Il l’envoya promener malicieusement, mais un éclair soudain dans ses yeux indiqua à Jessie qu’il avait trouvé une nouvelle théorie.

– Écoute, commença-t-il. Cette femme était peut-être bien sa maîtresse. Elle ne savait peut-être pas qu’il était marié ou il avait peut-être promis qu’il quitterait sa femme pour elle. Quoi qu’il en soit, hier soir, elle a peut-être découvert qu’il la menait en bateau et elle s’est fâchée. Donc, elle a décidé de se permettre une petite vengeance en le tuant de façon très personnelle. Ainsi, elle a gagné sur tous les plans : elle s’est vengée du gars qui l’avait manipulée, cela lui a donné la possibilité de détruire sa réputation et, comme bonus, l’épouse a perdu sa star de mari.

– Je préfère cette idée à l’autre, concéda Jessie.

À ce moment-là, Camille Guadino de l’équipe des techniciens vint les rejoindre en apportant des papiers, un sourire triste au visage. Elle sortait de formation et était la jeunette de la section, celle à qui l’on confiait les tâches les plus basiques.

– Oh, dit Ryan en la regardant, ne me dis pas que tu vas nous apporter des vraies preuves dont il va falloir qu’on s’inspire ! Nous, on préfère pondre des théories sans nombre.

– Désolé, inspecteur, mais si, dit-elle en posant un dossier sur son bureau. Je vous apporte des preuves réelles et toutes fraîches.

– Qu’as-tu, Guadino ? demanda Jessie.

– Ça m’a pris longtemps, mais nous avons finalement trouvé ce qu’est City Logistics.

– Un groupe d’enthousiastes de l’urbanisme ? suggéra Jessie pour rire.

– Presque, répondit Guadino. C’est un cabinet de conseil qui « propose des retours et des recommandations sur les problèmes d’amélioration urbaine ».

– Qu’est-ce que ça veut dire, ce foutoir ? demanda Ryan.

– Ça veut dire que c’est quasiment ce que vous soupçonniez tous les deux. C’est une société écran gérée par un avocat et possédée par une société écran elle aussi gérée par un avocat qui est associé dans la même entreprise qui représente un cabinet de conseil qui a travaillé pour un stratège associé à, vous l’aviez deviné, Gordon Maines.

– Qu’est-ce que tout ce charabia signifie pour nous ? demanda Ryan.

– Cela signifie que, par l’intermédiaire de plusieurs sociétés fantômes, Maines avait accès à un compte d’entreprise qui contenait plus de deux cent quatre-vingt mille dollars. De plus, on dirait que, à un distributeur situé dans le Bonaventure Hotel, quelqu’un a retiré deux mille dollars en liquide sur ce compte pendant que Maines y était.

Jessie et Ryan échangèrent un regard qui reconnaissait que, à présent, les théories qu’ils avaient explorées pendant les dix dernières minutes étaient probablement sans intérêt.

– Qu’est-ce qu’il y a ? demanda Guadino, sentant que quelque chose lui échappait. Est-ce que j’ai merdé d’une façon ou d’une autre ?

– Non, c’est du bon travail, lui assura Jessie. Continue.

– OK. Nous avons surveillé toutes ses cartes de crédit et nous n’avons rien trouvé. Je commence à me dire que ça n’arrivera jamais. D’habitude, ces cartes sont utilisées dans les premières heures qui suivent le vol, avant que la victime ne découvre leur disparition, ou, dans cette affaire, avant qu’on n’ait retrouvé le corps.

– C’est une blague ? demanda Ryan. Viens-tu de te moquer de la mort d’un homme pour t’amuser à moindre coût ?

– Euh … commença à bafouiller Guadino.

– Je déconne, c’est tout. C’était une bonne idée. Autre chose ?

– Oui, dit Guadino, se passant de tout humour et se contentant des faits. Les dégâts subis par son téléphone se sont avérés minimes. Nous avons réussi à obtenir tous ses SMS récents et un historique des appels. Il est dans le dossier. Cependant, Maines n’a passé aucun appel et n’a envoyé aucun SMS dans l’heure qui a précédé son retrait de liquide.

– Merci, Guadino, dit Jessie. Nous allons poursuivre. Tu peux repartir travailler tes intermèdes comiques.

Guadino sourit d’un air penaud et s’en alla. Quand elle fut partie, Jessie se tourna vers Ryan.

– Est-ce que tu penses ce que je pense ? demanda-t-elle.

– Que tu pourrais vraiment manger un pastrami au pain de seigle maintenant ?

– Oui, ça aussi, dit-elle, contente de l’aider à détendre l’atmosphère. Cependant, je pense aussi que cette femme ne ressemble pas du tout à une maîtresse. On dirait que Gordon a payé pour sa soirée. Je pense que nous avons affaire à une pro.

– Je suis d’accord, dit-il. Cela expliquerait pourquoi elle a passé tout ce temps dans un bar d’hôtel chic.

– Tu sais, Ryan, les femmes fréquentent parfois les bars, dit Jessie pour le réprimander. Cela ne signifie pas toujours qu’elles sont des prostituées.

– Je ne voulais pas dire ça —

– Je déconne, c’est tout, dit-elle en souriant. Tu n’es pas le seul qui sache jouer à ce jeu. Cette idée correspond au profil de cette femme, mais elle n’explique pas pourquoi il n’y a eu aucune communication téléphonique avant leur rencontre. Si cela avait été un premier rendez-vous, ils auraient dû préciser les choses, dire quand et où, mais ils ne l’ont pas fait.

– C’est vrai, dit Ryan. De plus, il n’a pas eu l’air étonné de la voir, ce qui m’incite à penser que ce n’était pas leur première rencontre.

– Mais s’ils se retrouvaient régulièrement, pourquoi a-t-elle attendu jusqu’à maintenant pour le tuer ? Et pourquoi le voler s’il acceptait de payer plus de deux mille dollars, de toute façon ?

– Peut-être voulait-elle s’assurer qu’il ait vraiment beaucoup d’argent et qu’il ne fasse pas semblant. Bien sûr, quand elle en a été sûre, elle aurait dû utiliser ces cartes de crédit le plus vite possible après l’avoir laissé dans cette chambre. Elle savait forcément qu’elles seraient bloquées dans la matinée. Pourtant, il n’y a pas un seul achat.

– J’ai l’impression que cette femme est trop intelligente pour utiliser ces cartes, dit Jessie. Elle a porté des gants toute la soirée. La scène de crime était propre. Elle savait comment éviter de se faire filmer par les caméras de l’hôtel. Tu te souviens qu’on ne l’a pas vue sur la vidéo quand il lui a adressé un hochement de tête dans le hall ? Elle n’aurait pas été négligente au point de risquer d’utiliser les cartes et de se faire attraper pour ça.

– Dans ce cas, pourquoi les a-t-elle prises ? demanda Ryan. À quoi bon ?

– Peut-être pour compliquer son identification ? Elle a également pris son permis de conduire et ça n’a pas grand sens. Ou alors, elle voulait peut-être l’humilier encore plus, pour ajouter l’insulte au meurtre. Je pense que c’est peut-être pour cela qu’elle a aussi pris la Rolex : pas parce qu’elle vaut beaucoup d’argent, mais à cause de l’inscription au dos. Elle avait un sens et une valeur personnels pour Maines. En la prenant, la tueuse a peut-être eu la sensation de lui prendre le pouvoir qui venait avec son identité.

– Donc, tu ne penses pas qu’elle va la mettre au clou ?

– Je n’ai pas dit ça, dit Jessie. Pour retrouver une montre mise au clou, cela prendrait beaucoup plus longtemps que pour repérer des cartes de crédit. S’il y avait une chose qu’elle puisse vendre, ce serait cette montre. C’est très hypothétique, mais je pense que nous devrions aller enquêter dans les boutiques locales de prêteurs sur gages.

– Je vais demander à Dunlop d’étudier la question. Il a de bonnes relations avec presque tous les brocanteurs du centre-ville. Si elle a essayé de mettre cette montre au clou à l’est de l’autoroute 405, il le saura.

– Bonne idée, dit Jessie. Pendant que tu le contactes, il faut que je vérifie quelque chose.

– Tu ne vas pas fouiller dans l’affaire Crutchfield, n’est-ce pas ? demanda-t-il avec prudence. Ce n’est pas parce que Decker ne te l’a pas encore officiellement interdit qu’il ne va pas le faire.

– Non, Ryan, dit-elle sèchement en se levant. Je ne vais pas fouiller dans cette affaire. Et si tu avais un peu confiance en moi, pour une fois ?

Il leva un sourcil d’un air sceptique et Jessie se leva pour aller au deuxième étage. Elle lui envoya une grimace prétendument offensée avant de se tourner vers l’escalier.

Je ne fouille pas dans cette affaire. Je me contente de poser quelques questions.

Elle refusa de se demander s’il existait une vraie différence entre les deux.




CHAPITRE SEPT


Jessie était étonnée de se sentir si nerveuse.

Elle se rendait rarement au deuxième étage du poste, qui était surtout utilisé pour stocker des affaires et par les bureaux de l’administration. En fait, quand elle marcha dans le long hall, elle ne croisa absolument personne.

Elle s’arrêta à la porte du bureau minuscule dont la plaque nominative indiquait seulement « G. Moses » et frappa discrètement. Elle entendit bouger quelques papiers de l’autre côté puis ce qui ressemblait au craquement de rotules âgées que l’on étendait. Ce bruit lui envoya un frisson dans la colonne vertébrale. Un moment plus tard, Garland Moses ouvrit la porte.

– J’ai perdu, dit-il de sa voix rauque habituelle quand il la vit.

– Perdu quoi ? demanda-t-elle en sentant soudain monter sa tension.

– J’avais parié avec moi-même que tu ne viendrais m’embêter pour la première fois qu’après midi. Il est onze heures cinquante-six heures du matin, donc, j’ai perdu. Je me dois dix dollars.

Jessie fut soulagée de constater qu’il ne faisait que se moquer d’elle et se permit de prendre un moment pour respirer avant de répondre.

– Eh bien, espérons que tu seras vite payé. J’ai entendu dire que tu peux être dur quand on te paie en retard.

– T’as pas idée, dit Garland, dont la bouche forma une chose qui ressemblait à un sourire. Disons que je force les récalcitrants à prendre du Metamucil.

– Sympa, dit Jessie en s’étouffant légèrement. Bon, combien de temps va-t-il falloir que je parle poliment de ta routine médicale de vieux monsieur avant que tu me tiennes au courant de la situation ?

Garland fit un nouveau demi-sourire. Cela semblait devenir une habitude.

– Entre, dit-il en s’écartant.

Elle avança d’un pas dans la pièce avant de se rendre compte que, si elle en faisait un autre, elle heurterait le bureau de Garland.

– Je croyais que les gens disaient seulement ça pour se moquer, mais cette pièce a vraiment été un placard, n’est-ce pas ?

– Je n’ai pas besoin de beaucoup de place, répondit-il en refermant la porte.

Il frôla Jessie pour aller rejoindre la chaise qui se trouvait de l’autre côté de son petit bureau. Dans la pièce, on ne trouvait pas grand-chose d’autre mis à part une chaise unique pour les invités, une lampe de bureau et un classeur à tiroirs de petite taille.

– Je suppose que, comme tu ne prends que quelques affaires par an, tu ne te noies pas dans la paperasse.

– Même quand je travaillais plus, j’aimais conserver une quantité minimum de papiers. À bureau encombré, esprit encombré.

– Confucius ? demanda-t-elle pour le taquiner.

– Non, Moses, mais pas celui de la Bible, dit-il.

Avant qu’elle ait pu répondre, il continua.

– Bon, parlons de ton affaire.

– Oui ?

– Je n’ai rien.

– Quoi ? demanda-t-elle, incrédule.

Il sembla indifférent à sa réaction.

– En vérité, je n’ai même pas encore essayé.

– Et pourquoi ? demanda-t-elle.

– Réfléchis, Hunt, dit-il patiemment. Je ne peux pas me rendre au bureau local du FBI, entrer nonchalamment et demander aux agents concernés comment avance leur enquête, surtout le matin même où la profileuse la plus proche de Crutchfield revient travailler. Ils comprendraient immédiatement ce que je ferais. Ils ne diraient rien. Tu aurais des ennuis. Quant à moi, je perdrais mon statut officiel de ‘spécialiste émérite’. Mauvaise idée.

– À t’entendre, ce serait impossible, protesta Jessie. Tu peux les approcher comme tu veux, ils seront toujours sur leurs gardes.

– Pas forcément, surtout si j’aime déjà déjeuner dans un restaurant qu’ils fréquentent. Et puis, s’ils viennent me voir parce que je suis le ‘spécialiste émérite’, ils se mettront peut-être à parler. Ils voudront peut-être impressionner le vieil homme et ils en diront un peu plus qu’ils ne le devraient. Je prendrai peut-être un air indifférent pour qu’ils m’en disent encore plus parce qu’ils veulent prouver qu’ils sont bons. Les gars aiment faire ça en ma présence.

– Parce que tu as le statut de ‘spécialiste émérite’, répéta Jessie.

– Tu comprends enfin, dit-il. Cependant, ils ne me diront rien si je leur pose des questions directes. Ce sont des agents du FBI, pas des élèves de CE1.

– Dans ce cas, pourquoi ne vas-tu pas déjeuner ? insista-t-elle.

– Parce qu’ils ne vont en général manger là-bas que vers treize heures. C’est pour cette raison que j’ai appelé le propriétaire et que je lui ai dit de me réserver une table pour midi quarante-cinq, un box au fond, avec un peu d’intimité et de la place pour trois.

– Tu as déjà fait ça ?

– Oui.

– Je suis désolée, dit Jessie, impressionnée. Je n’aurais pas dû venir te harceler. C’est juste que Hannah est dans la nature et que personne ne sait ce qui lui arrive. Comme je t’ai vu ici, je me suis énervée. Je n’aurais pas dû tirer mes conclusions trop vite.

– J’apprécie ta considération, Hunt, et je ne te fais aucun reproche. Avec un vieux gars comme moi, on te pardonnerait si tu avais cru que j’avais complètement oublié notre petite conversation de ce matin. Cela dit, puis-je te donner un conseil ?

– Bien sûr, dit-elle.

– Tu dois prendre un peu de distance.

Jessie hocha la tête.

– J’ai du mal, admit-elle.

– Je comprends, répondit-il. J’ai été pareil longtemps. Cependant, le fait est que, avec ce que nous faisons, il y aura toujours des gars peu recommandables dans la nature. Il y aura toujours une victime en danger. Il y aura toujours le temps qui passe. Cependant, si tu vas à la vitesse maximum tout le temps, tu auras un accident. C’est inévitable. Finalement, ce jour-là, tu ne seras plus utile à personne.

Jessie hocha la tête. Tout ce qu’il disait lui parlait. Avant qu’elle ait pu l’admettre, il continua.

– Je sais que ce n’est pas facile, et surtout pas maintenant, vu que la personne en danger est ta propre demi-sœur. Pourtant, parfois, tu dois ralentir un peu. Tu dois trouver une sorte d’équilibre dans ta vie. Autrement, tu vas t’épuiser et des gens que tu aurais pu sauver mourront. Je ne dis pas que tu ne devrais pas travailler dur et je ne dis pas que tu ne devrais pas te soucier du sort de ces victimes, mais tu dois trouver le moyen de faire ce travail tout en restant un être humain vivant. Autrement, tu seras malheureuse. Tu comprends ce que je veux dire ?

Jessie eut l’impression qu’elle n’avait jamais rien mieux compris de sa vie.

– Oui, dit-elle simplement.

– Bien, répondit-il. Dans ce cas, dégage de mon bureau. Il faut que je fasse une petite sieste avant le déjeuner.

Alors que les mots de sagesse du vieil homme résonnaient encore dans ses oreilles, Jessie partit pour qu’il puisse faire sa sieste.




CHAPITRE HUIT


Hannah Dorsey se rappela qu’elle n’était pas encore morte.

Ce fait aurait pu paraître évident mais, à la même heure une semaine auparavant, elle n’avait pas pu en être si sûre. Or, à chaque minute où elle était en vie, elle avait une chance. Du moins, c’était ce qu’elle se disait.

Elle savait qu’il était aux environs de midi grâce à l’endroit où le rai de lumière qui entrait par la fenêtre illuminait le sol du sous-sol où elle était détenue. Longtemps, elle avait cru qu’on l’avait emmenée hors de Californie parce que c’était le premier sous-sol qu’elle voyait.

Cependant, l’homme, qui lui avait dit de l’appeler Bolton, avait expliqué que l’ex-propriétaire venait de la Côte Est et avait exigé qu’on construise un sous-sol dans sa nouvelle maison de Californie du Sud, même si cela n’avait pas vraiment de sens d’un point de vue géologique.

Bolton avait expliqué beaucoup de choses à Hannah.

Pendant les quelques premières heures après qu’il avait tué ses parents adoptifs puis l’avait droguée et enlevée, il ne lui avait pas beaucoup parlé, en partie parce que Hannah avait d’abord été trop endormie pour le comprendre. Après ça, ses cris de panique avaient rendu toute conversation impossible.

Cependant, au bout d’environ dix-huit heures, à force de crier, elle avait perdu la voix. Après cela, elle avait été si épuisée par la peur, la surcharge d’adrénaline et la confusion qu’écouter cet homme parler avec son accent aux inflexions méridionales était presque devenu apaisant. Quand il parlait, il ne tuait pas. Donc, elle était contente de l’écouter parler.

Elle imaginait qu’il passerait bientôt bavarder avec elle. Il lui apportait toujours son déjeuner vers l’heure où la lumière de la petite fenêtre éclairait le milieu de la pièce, heure qui, selon ses estimations, devait être midi. Pendant la semaine qu’elle avait passée ici, elle avait déduit quelques autres choses.

D’abord, elle savait qu’elle était là depuis environ une semaine parce que, avec la cuillère qu’il lui avait laissée, elle avait réussi à gratter un trait pour chaque jour sur le poteau en bois à laquelle elle était enchaînée. En fait, elle était quasiment sûre qu’on était mardi. Elle savait aussi qu’ils étaient à un endroit isolé. Autrement, Bolton l’aurait bâillonnée ou aurait au moins condamné la petite fenêtre qui offrait à sa captive ce petit rai de lumière du soleil.

Visiblement, il ne craignait pas que quelqu’un entende sa prisonnière appeler à l’aide ou ne casse la fenêtre et ne la trouve ici. De plus, elle n’avait jamais entendu passer de véhicule à moteur, d’avion les survoler ou d’alarme se déclencher au loin.

La nuit, au travers du verre sale et plein de traces de la fenêtre, elle arrivait à voir au loin l’enseigne clignotante en néon rose et bleu qui indiquait la présence d’un endroit nommé L’Essence Même. D’après le style de l’enseigne, elle supposait que cet endroit était probablement un club de strip-tease mais, comme elle n’était pas experte en lieux de ce type, cette information n’était pas très utile.

Elle était aussi quasiment sûre qu’il ne voulait pas la tuer, ou du moins pas encore. Ce n’était pas parce qu’il n’avait pas envie de tuer. Dans la maison de ses parents adoptifs, avant de la droguer mais après l’avoir bâillonnée et attachée, il l’avait tranquillement portée dans le salon et l’avait posée dans le coin pour qu’elle puisse assister aux deux meurtres.

Il ne l’avait pas fait discrètement. En fait, pendant toute l’épreuve, il avait agi avec nonchalance. Son père adoptif avait été endormi dans le fauteuil et sa mère adoptive avait été assise sur la causeuse d’à côté en train de regarder la télévision.

Comme ils lui avaient tourné le dos, il était simplement allé dans la cuisine et il en était ressorti avec deux couteaux. Le plus petit avait été un couteau-scie et l’autre un grand couteau à découper. Après avoir adressé un petit clin d’œil à Hannah, il était allé derrière le couple et s’était assis à côté de la mère adoptive d’Hannah, une femme du nom de Caryn aux cheveux gris fade mais dans l’ensemble décente.

Caryn avait dû supposer que c’était Hannah et n’avait regardé que quand l’émission avait cédé la place aux publicités. Quand elle avait vu l’inconnu au couteau sourire à côté d’elle, elle avait ouvert la bouche pour crier. C’était à ce moment que Crutchfield lui avait planté le couteau dans le côté de la gorge.

Elle avait produit un étrange gargouillis asthmatique, comme si quelqu’un avait laissé s’échapper l’air d’un ballon sous l’eau. Son père adoptif, Clint, qui n’était pas désagréable mais semblait ne participer au processus d’adoption que parce que sa femme le lui demandait, avait légèrement remué sans se réveiller.

Quand le sang de Caryn avait giclé dans le salon en aspergeant partiellement Bolton, il s’était levé et était allé vers Clint. Comme l’homme n’avait pas réagi, Bolton avait pris la télécommande et monté le volume jusqu’à ce qu’il soit si fort que Clint n’avait pu que se réveiller.

– Trop fort, avait-il marmonné d’un ton grognon.

Quand il n’avait pas reçu de réponse, l’homme s’était frotté les yeux et avait regardé l’écran. Ce n’était qu’à ce moment-là qu’il s’était rendu compte que sa vue était bloquée par un homme grassouillet de taille moyenne aux cheveux marron clairsemés et au double menton. Bolton lui avait fait un grand sourire, affichant ainsi des dents de devant qui avaient désespérément besoin d’un passage chez le dentiste et dont plusieurs partaient dans des directions différentes. Il n’avait pas cligné de ses yeux marron brillants et intenses une seule fois.

Alors, comme si l’on venait d’émettre le signal sonore de départ d’une course de chevaux, il avait bondi en avant et enfoncé le couteau à découper dans le centre de la poitrine de Clint. Hannah n’avait pas pu voir le visage de son père adoptif de là où elle avait été, seulement son dos, mais elle avait vu son corps se crisper brièvement puis retomber dans le fauteuil. Il n’avait pas produit le moindre son.

Bolton s’était tourné vers Hannah et avait haussé les épaules comme pour dire qu’il aurait cru que ça serait plus spectaculaire.

Hannah savait qu’elle aurait dû paniquer et elle était sûre que cette réaction viendrait plus tard mais, à ce moment qui avait suivi le massacre de Caryn et de Clint, elle n’avait presque rien ressenti. Elle aurait voulu ressentir quelque chose, mais cette chose n’était pas en elle, pas après tout le reste.

Seulement deux mois plus tôt, elle avait vécu une expérience tout aussi traumatisante. Elle avait été capturée avec ses parents adoptifs dans leur maison de San Fernando Valley et ils avaient été emmenés dans un grand manoir situé près du centre-ville de Los Angeles. Cette fois-là, le coupable avait été un homme plus âgé, probablement d’une cinquantaine d’années, et il avait été beaucoup moins gai. Plus tard, Hannah avait appris qu’il s’appelait Xander Thurman et qu’il était un tueur en série célèbre.

Cependant, à cette époque-là, tout ce qu’elle avait su, c’était qu’elle avait été emmenée dans cette maison étrange par cet inconnu. Il l’avait attachée à une chaise et l’avait forcée à le regarder torturer ses parents adoptifs. Il était parti pendant un moment puis il était revenu finir ce qu’il avait commencé. Alors, une femme (Hannah avait plus tard découvert que c’était une profileuse criminelle du nom de Jessie Hunt) était entrée dans la maison, apparemment à la recherche de l’assassin. Il l’avait attaquée par surprise et assommée.

Pendant qu’elle avait été inconsciente, il lui avait sanglé les bras à une poutre de plafond. Quand elle avait repris conscience, il l’avait torturée elle aussi. Ils avaient commencé une conversation perverse qui avait en grande partie échappé à Hannah. Finalement, la rapidité de réflexion de la femme lui avait permis de prendre le dessus. Cela avait mené à une lutte féroce après laquelle l’homme avait péri et la femme avait été en sale état.

Hannah avait réussi à se libérer et à aller chercher de l’aide. Elle ne se souvenait pas beaucoup de la nuit qui avait suivi ; elle savait seulement que les urgentistes avaient dû la mettre sous sédatifs parce qu’elle avait commencé à péter les plombs. Quand elle s’était réveillée, elle avait été à l’hôpital. Après avoir été interrogée par plusieurs inspecteurs, elle avait été brièvement envoyée dans un foyer de groupe puis elle avait vécu avec Caryn et Clint.

Elle avait presque tout oublié des mois suivants. Elle avait essayé d’aller à l’école mais avait eu du mal à se concentrer. Le district lui avait envoyé un tuteur pour lui faire cours à la maison et cela s’était un peu mieux passé. Elle s’était coupé les cheveux très court ; ainsi, quand elle se regardait dans un miroir, elle ne se souvenait pas de la fille que l’on voyait dans les photos de famille, les photos d’une famille qui n’existait plus.

Ça n’avait pas vraiment marché. Ses cheveux avaient encore été blond sable, ses yeux encore verts et ses longues jambes lui avaient encore donné l’air d’un bébé girafe. Elle était encore Hannah, quoi que cela signifie.

Pendant cette période, un inspecteur était venu lui poser d’autres questions sur la déclaration qu’elle avait fournie le lendemain de l’attaque. Elle avait répété ce qui s’était passé mais, cette fois-là, elle avait eu l’impression de raconter quelque chose de lointain, comme si elle n’avait pas vraiment participé aux événements qui avaient détruit sa famille.

Ce n’était qu’alors qu’elle avait tout appris sur l’homme qui avait tué ses parents. Apparemment, ce policier-là n’avait pas tenu autant que les autres à protéger le bien-être émotionnel de la jeune fille. Il lui avait dit que l’homme avait été Xander Thurman, tueur en série notoire, responsable de plusieurs dizaines de morts du Midwest à la Californie pendant le dernier quart de siècle. Quand elle lui avait demandé pourquoi cet assassin avait ciblé sa famille, le policier n’avait pas su lui répondre.





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– Dans ce chef-d’œuvre de suspense et de mystère, Blake Pierce a magnifiquement développé ses personnages en les dotant d’un versant psychologique si bien décrit que nous avons la sensation d’être à l’intérieur de leur esprit, de suivre leurs angoisses et de les encourager afin qu’ils réussissent. Plein de rebondissements, ce livre vous tiendra en haleine jusqu’à la dernière page.

–Books and Movie Reviews, Roberto Mattos (à propos de SANS LAISSER DE TRACES)

LE LOOK IDÉAL est le sixième tome d’une nouvelle série de suspense psychologique par l’auteur à succès Blake Pierce, dont le best-seller n°1, SANS LAISSER DE TRACES (disponible en téléchargement gratuit), a obtenu plus de 1000 critiques à cinq étoiles.

Quand un homme est retrouvé mort dans une chambre d’hôtel de Los Angeles après avoir passé la nuit avec une prostituée, personne n’en pense grand-chose, jusqu’au moment où ce qui ressemblait à un cas isolé s’avère être une série. Il devient bientôt clair qu’une prostituée est devenue tueuse en série et que Jessie Hunt, 29 ans, profileuse criminelle et agent du FBI, est peut-être la seule à pouvoir l’arrêter.

Thriller psychologique palpitant aux personnages inoubliables et au suspense haletant, LE LOOK IDÉAL est le tome 6 d’une nouvelle série qui vous tiendra éveillé tard la nuit.

Le tome 7 de la série Jessie Hunt sera bientôt disponible.

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