Книга - Les Pendules à l’heure

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Les Pendules à l’heure
Blake Pierce


Une Enquête de Riley Paige #4
Un chef-d’œuvre de suspense et de mystère. Pierce développe à merveille la psychologie de ses personnages. On a l’impression d’être dans leur tête, de connaître leurs peurs et de célébrer leurs victoires. L’intrigue est intelligente et vous tiendra en haleine tout le long du roman. Difficile de lâcher ce livre plein de rebondissements. Books and Movie Reviews, Roberto Mattos (à propos de SANS LAISSER DE TRACES) LES PENDULES A L’HEURE est le quatrième tome de la populaire série de thrillers RILEY PAIGE, qui commence avec SANS LAISSER DE TRACES (tome 1) ! On retrouve des cadavres de femmes le long d’une autoroute du Delaware. Certaines disparaissent pendant des jours. D’autres sont abandonnées, mortes, le cou brisé, les bras pointant vers le haut ou vers le bas. Pour le FBI, il devient évident que ces meurtres sont l’œuvre d’un tueur en série dangereux et insondable. Il ne s’arrêtera jamais de tuer. Voulant à tout prix résoudre cette affaire énigmatique, le FBI exhorte Riley Paige à retourner sur le terrain. La brillante Riley, quoique hantée par ses souvenirs, a le sentiment d’avoir enfin trouvé la paix. Elle est bien décidée à aider sa fille, April, à surmonter son traumatisme. Pourtant, quand les meurtres s’enchaînent, de plus en plus choquants – et quand son ancien partenaire, Bill, la supplie de l’aider –, Riley comprend qu’elle ne peut plus refuser. Son enquête la lance sur les traces des auto-stoppeuses, des fugueuses et de gamines délaissées. Quand elle découvre que le tueur retient prisonnière d’autres femmes, et qu’il est encore possible de les sauver, plus rien ne l’arrête. Encore une fois, son enquête la rapproche d’un abîme familier… Le fragile équilibre de sa vie de famille s’effondre, et sa propre santé mentale est mise à rude épreuve. Dans une course effrénée contre le temps, elle devra plonger dans l’esprit du tueur pour sauver ces femmes – et elle-même – d’une terrible fin. Sombre thriller psychologique au suspense insoutenable, LES PENDULES A L’HEURE est le quatrième tome de la série. Son intrigue et son personnage principal attachant vous pousseront à lire jusqu'à tard dans la nuit. Le tome 5 des enquêtes de Riley Paige sera bientôt disponible.







L E S P E N D U L E S A L’ H E U R E



(UNE ENQUETE de RILEY PAIGE—TOME 4)



B L A K E P I E R C E


Blake Pierce



Blake Pierce est l’auteur de la populaire série de thrillers RILEY PAIGE : SANS LAISSER DE TRACES (tome 1), REACTION EN CHAINE (tome 2), LA QUEUE ENTRE LES JAMBES (tome 3) et LES PENDULES A L’HEURE (tome 4). Elle écrit également les séries de thrillers MACKENZIE WHITE et AVERY BLACK.

Fan depuis toujours de polars et de thrillers, Blake adore recevoir de vos nouvelles. N'hésitez pas à visiter son site web www.blakepierceauthor.com (http://www.blakepierceauthor.com) pour en savoir plus et rester en contact !



Copyright © 2016 par Blake Pierce. Tous droits réservés. Sauf dérogations autorisées par la Loi des États-Unis sur le droit d'auteur de 1976, aucune partie de cette publication ne peut être reproduite, distribuée ou transmise sous quelque forme que ce soit ou par quelque moyen que ce soit, ou stockée dans une base de données ou système de récupération, sans l'autorisation préalable de l'auteur. Ce livre électronique est réservé sous licence à votre seule jouissance personnelle. Ce livre électronique ne saurait être revendu ou offert à d'autres personnes. Si vous voulez partager ce livre avec une tierce personne, veuillez en acheter un exemplaire supplémentaire par destinataire. Si vous lisez ce livre sans l'avoir acheté ou s'il n'a pas été acheté pour votre seule utilisation personnelle, vous êtes prié de le renvoyer et d’acheter votre exemplaire personnel. Merci de respecter le difficile travail de cet auteur. Il s'agit d'une œuvre de fiction. Les noms, les personnages, les entreprises, les organisations, les lieux, les événements et les incidents sont le fruit de l'imagination de l'auteur ou sont utilisés dans un but fictionnel. Toute ressemblance avec des personnes réelles, vivantes ou mortes, n'est que pure coïncidence. Image de couverture : Copyright GoingTo, utilisée en vertu d'une licence accordée par Shutterstock.com.


DU MÊME AUTEUR



LES ENQUÊTES DE RILEY PAIGE

SANS LAISSER DE TRACES (Tome 1)

REACTION EN CHAINE (Tome 2)

LA QUEUE ENTRE LES JAMBES (Tome 3)

LES PENDULES À L’HEURE (Tome 4)



:

LES ENQUÊTES DE MACKENZIE WHITE

AVANT QU'IL NE TUE (Tome 1)


TABLE DES MATIÈRES

PROLOGUE (#u3041796d-48c6-5599-bab1-b3109f4022e0)

CHAPITRE UN (#u484aa85e-72d6-548d-aeb9-7562e0fa2569)

CHAPITRE DEUX (#u987e2274-c13c-5c55-915a-f18e8806ef2f)

CHAPITRE TROIS (#u31ef19d1-88cc-5bd2-a818-dc5b5bb111b7)

CHAPITRE QUATRE (#u1edde665-86fd-54e8-8c73-443359b919ca)

CHAPITRE CINQ (#u824c460d-6b09-5a63-9839-f385a249fcd5)

CHAPITRE SIX (#u9c0071d0-74d3-50ab-be6d-b55b25f83292)

CHAPITRE SEPT (#u0e21d936-01fe-50f3-92b9-9c92dc7cbe79)

CHAPITRE HUIT (#u47a10290-642a-593f-bd90-104505e476a6)

CHAPITRE NEUF (#litres_trial_promo)

CHAPITRE DIX (#litres_trial_promo)

CHAPITRE ONZE (#litres_trial_promo)

CHAPITRE DOUZE (#litres_trial_promo)

CHAPITRE TREIZE (#litres_trial_promo)

CHAPITRE QUATORZE (#litres_trial_promo)

CHAPITRE QUINZE (#litres_trial_promo)

CHAPITRE SEIZE (#litres_trial_promo)

CHAPITRE DIX-SEPT (#litres_trial_promo)

CHAPITRE DIX-HUIT (#litres_trial_promo)

CHAPITRE DIX-NEUF (#litres_trial_promo)

CHAPITRE VINGT (#litres_trial_promo)

CHAPITRE VINGT-ET-UN (#litres_trial_promo)

CHAPITRE VINGT-DEUX (#litres_trial_promo)

CHAPITRE VINGT-TROIS (#litres_trial_promo)

CHAPITRE VINGT-QUATRE (#litres_trial_promo)

CHAPITRE VINGT-CINQ (#litres_trial_promo)

CHAPITRE VINGT-SIX (#litres_trial_promo)

CHAPITRE VINGT-SEPT (#litres_trial_promo)

CHAPITRE VINGT-HUIT (#litres_trial_promo)

CHAPITRE VINGT-NEUF (#litres_trial_promo)

CHAPITRE TRENTE (#litres_trial_promo)

CHAPITRE TRENTE-ET-UN (#litres_trial_promo)

CHAPITRE TRENTE-DEUX (#litres_trial_promo)

CHAPITRE TRENTE-TROIS (#litres_trial_promo)

CHAPITRE TRENTE-QUATRE (#litres_trial_promo)

CHAPITRE TRENTE-CINQ (#litres_trial_promo)

CHAPITRE TRENTE-SIX (#litres_trial_promo)

CHAPITRE TRENTE-SEPT (#litres_trial_promo)

CHAPITRE TRENTE-HUIT (#litres_trial_promo)

CHAPITRE TRENTE-NEUF (#litres_trial_promo)

CHAPITRE QUARANTE (#litres_trial_promo)

CHAPITRE QUARANTE ET UN (#litres_trial_promo)

CHAPITRE QUARANTE-DEUX (#litres_trial_promo)

CHAPITRE QUARANTE-TROIS (#litres_trial_promo)

CHAPITRE QUARANTE-QUATRE (#litres_trial_promo)

CHAPITRE QUARANTE-CINQ (#litres_trial_promo)

CHAPITRE QUARANTE-SIX (#litres_trial_promo)

CHAPITRE QUARANTE-SEPT (#litres_trial_promo)

CHAPITRE QUARANTE-HUIT (#litres_trial_promo)




PROLOGUE


Assis dans sa voiture arrêtée, l’homme s’inquiétait. Ce soir, il était particulièrement important que tout se passe comme prévu. La femme passerait-elle bien par ici, et à l’heure habituelle ?

Il était onze heures.

La voix qu’il avait entendue avant de partir, celle de son grand-père, résonna dans sa tête :

« J’espère que tu t’es pas trompé, Scratch. »

Scratch. L’homme n’aimait pas ce nom. Ce n’était pas son vrai nom. C’était un nom qu’on donnait parfois au Diable. Son grand-père pensait qu’il était « de la mauvaise graine ».

Grand-père l’avait toujours appelé comme ça. Même si tous les autres l’appelaient par son vrai nom, c’était ce surnom cruel qui lui restait en tête. Il haïssait son grand-père, mais il n’arrivait pas à le chasser de son esprit.

Scratch se frappa la tête plusieurs fois pour faire taire la voix.

Ça lui fit mal et, l’espace d’un instant, il se sentit mieux.

Ce fut alors que le rire mou de Grand-père résonna à nouveau. Un peu plus faiblement.

Il jeta un coup d’œil inquiet à sa montre. Un peu plus de onze heures. Elle était en retard ? Et si elle allait ailleurs, cette fois ? Non, ce n’était pas son genre. Il la suivait depuis des jours. Elle était toujours à l’heure. Toujours la même routine.

Si seulement elle connaissait les enjeux… Grand-père le punirait s’il foirait. Non, c’était plus que ça. Le monde entier commençait à manquer de temps. Il avait une grande responsabilité. Ça lui pesait terriblement.

Des phares apparurent au loin. Il poussa un soupir de soulagement. Ce devait être elle.

La route de campagne conduisait à un pâté de maisons. A cette heure-ci, elle était déserte. Seule cette femme passait par là en rentrant du travail.

Scratch avait garé sa voiture en travers de la route, face à elle. Il sortit, ses mains tremblantes, armé d’une lampe électrique.

Son cœur battait la chamade.

Stop ! la supplia-t-il en pensée. S’il te plait, arrête-toi !

Le véhicule s’arrêta non loin.

Il retint un sourire.

C’était bien son petit tacot, comme il l’avait espéré.

Maintenant, il n’avait plus qu’à l’attirer vers lui.

Elle baissa la vitre de sa voiture. Il lui adressa son plus charmant sourire.

— Je suis bloqué, lança-t-il.

Il tourna brièvement le faisceau de sa lampe vers son visage. Oui, c’était bien elle.

Elle avait l’air charmant et très ouvert. Et, surtout, elle était très mince. C’était ce qui comptait.

C’était vraiment dommage de lui faire ça. Comme Grand-père disait toujours, c’était « pour le mieux ».

Scratch le savait. Si seulement la femme pouvait comprendre, peut-être qu’elle accepterait de se sacrifier. Après tout, le sacrifice est une grande qualité humaine. Elle serait contente de se rendre utile.

Non, c’était un doux rêve... Comme la dernière fois, ce serait violent et désagréable.

— Quel est le problème ? demanda-t-elle.

Sa voix avait quelque chose d’agréable et de séduisant. Il n’était pas sûr de savoir pourquoi.

— Je ne sais pas, dit-il. Ma voiture ne démarre plus.

La femme passa la tête par la fenêtre. Ses bouclettes rousses et ses taches de rousseur bordaient un sourire charmant. Elle n’avait pas l’air agacé.

Descendrait-elle de la voiture ? Sans doute, comme les autres avant elle.

Grand-père lui répétait qu’il était laid, mais il savait que certaines femmes lui trouvaient du charme.

Il fit un geste en direction de son capot ouvert.

— Je n’y connais rien en mécanique, dit-il.

— Moi non plus.

— A nous deux, on finira peut-être par régler le problème ? Vous voulez essayer ?

— Bien sûr, mais ne vous attendez à rien.

Elle ouvrit la portière et descendit. Oui, tout se déroulait comme prévu.

— Jetons un coup d’œil, dit-il en se penchant sur le capot ouvert.

Il finit par comprendre ce que sa voix avait de différent.

— Vous avez un accent charmant, dit-il. Vous êtes écossaise ?

— Non, irlandaise. Je suis arrivée il y a deux mois. J’ai eu ma green card pour travailler.

Il sourit.

— Bienvenue en Amérique !

— Merci, je suis très contente.

Il pointa du doigt la mécanique.

— Attendez, dit-il, c’est quoi, ce machin ?

Comme elle se penchait pour y regarder de plus près, il fit tomber le capot sur elle, avant de le relever aussitôt.

Il l’avait assommée. Son corps s’était effondré sur la voiture.

Il regarda de tous côtés. Personne en vue. Pas de témoin.

Il s’en frotta les mains.

Il la ramassa entre ses bras. Son visage et sa robe étaient couverts de graisse. Elle était légère comme une plume. Il la chargea à l’arrière de sa voiture.

Elle allait lui être très utile.



*



Quand Meara reprit conscience, un brouhaha assourdissant la fit sursauter. Un gong, ou des cloches, des carillons, des chants d’oiseaux… Quelque chose de bruyant et d’hostile.

Elle ouvrit les yeux, mais elle ne put rien distinguer. Sa tête lui faisait mal.

Où suis-je ?

A Dublin ? Non, elle était partie il y a deux mois. Elle avait déjà commencé à travailler dans le Delaware. Elle finit par se rappeler du type avec sa voiture. Quelque chose lui était arrivé. Quelque chose de terrible.

Mais quel était ce bruit ?

On la portait comme un enfant. La voix de l’homme lui parlait :

— Ne t’inquiète pas. Nous sommes arrivés à temps.

Ses yeux s’ajustèrent à l’obscurité. Elle était entourée d’horloges de différentes tailles, formes et styles. De grandes comtoises, des coucous, des automates… Et même des petits réveils disposés sur des étagères.

Elles sonnent l’heure, comprit-elle.

Elle fut incapable de compter le nombre de coups.

Elle leva la tête vers l’homme qui la portait. Il baissa les yeux vers elle. Oui, c’était lui. L’homme qui lui avait demandé de l’aider. Elle avait été stupide de s’arrêter. Elle était tombée dans son piège. Qu’allait-il faire d’elle ?

Le bruit des horloges s’arrêta. Ses yeux se fermèrent. Elle n’arrivait plus à les garder ouverts.

Je dois rester éveillée, pensa-t-elle.

Elle entendit un bruit métallique, puis sentit qu’on la posait sur un sol froid et dur. Ensuite, des bruits de pas. Une porte qui s’ouvre et se referme. Les horloges tiquaient.

Des voix de femmes se firent entendre :

— Elle est vivante.

— Dommage pour elle.

Les voix étaient rauques et parlaient bas. Meara parvint à ouvrir les yeux. Elle était allongée sur du béton gris. Trois formes humaines étaient avec elle. Du moins avaient-elles l’air encore humain. On aurait dit trois adolescentes, aux visages émaciés. Presque des squelettes. L’une d’elle était à peine consciente et dodelinait de la tête. Ça lui rappela les photos de prisonniers de camps de concentration.

Etaient-elles vraiment vivantes ? Oui, sans doute. Meara les avait entendues parler.

— On est où ? demanda-t-elle.

— Bienvenue en enfer, souffla l’une d’elles.




CHAPITRE UN


Riley Paige ne vit pas le coup venir, mais ses réflexes la sauvèrent. Le temps parut ralentir. Elle évita le poing qui voulait la frapper au ventre. Un crochet du gauche fila vers sa mâchoire. Elle fit un pas de côté. Enfin, ses gants de boxe amortirent le dernier coup.

Cela avait duré moins de deux secondes.

— Bien, dit Rudy.

Riley sourit. Rudy était prêt à esquiver sa contre-attaque. Elle feinta plusieurs fois, souple sur les genoux.

— Inutile de se dépêcher, dit Rudy. Réfléchis bien. C’est une partie d’échecs.

Sa remarque l’agaça. Il n’y allait pas à fond. Pourquoi ?

C’était peut-être mieux ainsi. C’était la première fois qu’elle montait sur le ring contre un véritable adversaire. Elle avait jusque là testé ses combinaisons contre un sac de frappe. Elle débutait. Mieux valait y aller doucement.

C’était une idée de Mike Nevins. Ce psychiatre, qui travaillait avec le FBI, était un bon ami de Riley. Il l’avait aidée à traverser des moments difficiles.

Elle lui avait confié qu’elle avait du mal à gérer son agressivité. Elle perdait facilement son sang-froid.

— Essaye la boxe, avait dit Mike. C’est un bon moyen d’évacuer la pression.

Mike avait raison. C’était agréable de combattre un véritable adversaire, de prendre des coups au corps, plutôt que des coups à l’âme. Et c’était agréable de combattre sans être réellement en danger.

Ça lui permettait également de sortir des locaux du FBI. Elle passait trop de temps là-bas.

Non, elle n’avait pas réagi assez vite. Rudy préparait une nouvelle attaque. Elle le voyait dans ses yeux.

Elle choisit mentalement sa prochaine combinaison. Direct du gauche, contré par un crochet qui effleura son casque. Puis, direct du droit. Elle ne trouva que son gant. Elle conclut sa combinaison par un crochet du gauche, qu’il évita adroitement.

— Bien, dit encore Rudy.

Non, ce n’était pas bien. Elle ne l’avait pas touché une seule fois. Lui, il l’avait effleurée, alors qu’il était en défense. Ça commençait à l’agacer. Elle tâcha de se rappeler ce que lui avait dit Rudy dès le début :

« N’espère pas me toucher. Ce n’est pas comme ça que ça marche. Pas à l’entraînement, en tout cas. »

Elle regardait ses gants, à présent. Il allait passer à l’attaque. Ce fut alors qu’une image s’imposa dans son esprit.



Les gants se changèrent en flamme. Une seule flamme blanche. Celle d’un chalumeau au propane. Elle était à nouveau plongée dans les ténèbres, prisonnière d’un tueur sadique nommé Peterson. Il jouait avec elle et l’obligeait à se tourner de tous côtés pour éviter la flamme.

Elle en avait marre d’être humiliée. Il était temps de contre-attaquer. Quand la flamme plongea vers elle, elle se baissa et lança un féroce direct qui ne trouva que le vide. La flamme l’évita. Elle para le coup avec un crochet, qui ne trouva également que le vide. Avant que Peterson n’ait eu le temps d’enchaîner, elle le frappa au menton avec un uppercut.



— Eh ! s’écria Rudy.

Sa voix ramena Riley au moment présent. Rudy était au tapis.

Comment est-il arrivé là ? se demanda Riley.

Elle comprit alors qu’elle l’avait frappé. Fort.

— Oh merde ! s’écria-t-elle. Rudy, je suis désolée !

Rudy était hilare.

— Mais non, dit-il, c’était super.

Ils se repositionnèrent. Le reste de l’entraînement se déroula sans incident. Aucun d’eux ne toucha l’autre. Oui, Mike Nevins avait raison. C’était tout ce dont elle avait besoin.

Serait-elle jamais capable de se débarrasser de ces souvenirs ?

Sans doute pas, pensa-t-elle.



*



Riley attaqua son steak avec enthousiasme. Le chef de Blaine’s Grill avait un très bon menu mais, après son entraînement de boxe, elle n’avait envie que d’une bonne pièce de viande et d’une salade. Sa fille, April, et son amie, Crystal, avaient commandé des hamburgers. Blaine Hildreth, le père de Crystal, était en cuisine, mais il reviendrait d’une minute à l’autre pour finir son mahi mahi.

Riley balaya la salle du regard avec un profond sentiment de satisfaction. Elle s’était rendue compte qu’elle ne consacrait pas assez de temps aux loisirs, aux amis et à la famille. Elle se laissait trop souvent submerger par l’horreur de son travail.

Dans quelques jours, elle témoignerait à l’audience de libération d’un tueur d’enfants qui voulait sortir plus tôt de prison. Elle devait s’assurer que ce ne serait pas le cas.

Quelques semaines plus tôt, elle avait bouclé une affaire particulièrement troublante à Phoenix. Avec l’aide de son partenaire, Bill Jeffreys, elle avait arrêté un tueur qui s’attaquait aux prostituées. Riley n’était toujours pas certaine d’avoir vraiment aidé ces femmes de la rue. Elle avait entraperçu un monde terrible, peuplé de femmes et de gamines exploitées…

Non, elle ne laisserait pas ses pensées lui gâcher la soirée. Elle se détendait peu à peu. Manger aux restaurant avec un ami et deux ados lui rappelait ce que c’était qu’avoir une vie normale. Elle avait une jolie maison, dans un quartier sympathique.

Blaine revint et s’assit à nouveau. Riley ne put s’empêcher de penser qu’il était, décidément, très attirant. Il perdait un peu ses cheveux, mais ça lui donnait un air de maturité très agréable. De plus, il était mince et musclé.

— Désolé, dit-il. Le restaurant tourne très bien quand je ne suis pas là mais, dès que j’arrive, tout le monde a besoin de moi…

— Je sais ce que c’est, dit Riley. Si je reste loin assez longtemps, le FBI finira peut-être par m’oublier.

April intervint :

— Aucune chance ! Ils vont bientôt t’appeler. Tu vas encore partir à l’autre bout du pays.

Riley soupira.

— Un peu de détente, ça ne me fait pourtant pas de mal…

Blaine engloutit une bouchée de mahi mahi.

— Tu pourrais changer de carrière ? demanda-t-il.

Riley haussa les épaules.

— Et pour faire quoi ? J’ai été agent toute ma vie.

— Oh, je suis sûr que tu trouverais…, dit Blaine. Tu as de la ressource. Tu pourrais faire un travail moins dangereux.

Il parut réfléchir.

— Je t’imagine bien professeur, ajouta-t-il.

Riley étouffa un rire.

— Moins dangereux, on a dit…

— Ça dépend où, dit Blaine. A l’université, par exemple ?

— Ouais, bonne idée, Maman, intervint April. Tu serais pas obligée de voyager tout le temps. Et tu aiderais quand même des gens.

Riley ne répondit pas. Enseigner à l’université ne serait pas très différent de ce qu’elle avait fait pour les étudiants du FBI. Ça lui avait plu. Ça lui avait donné le temps de recharger les batteries. Mais professeur à temps plein ? Pourrait-elle vraiment passer ses journées dans un bâtiment, sans réelle activité ?

Elle piqua un champignon avec sa fourchette.

Voilà ce que je deviendrais, pensa-t-elle.

— Et détective privé ? proposa Blaine.

— Non, je ne pense pas, dit Riley. Les secrets inavouables des couples qui divorcent, non merci.

— Ce n’est la seule fonction des détectives privés. Et les fraudes à l’assurance ? Par exemple, j’ai un cuisinier qui touche une assurance invalidité. Il dit qu’il a mal au dos. Je suis sûr que ce n’est pas vrai, mais je ne peux pas le prouver. Tu pourrais commencer par lui.

Riley éclata de rire. Bien sûr, Blaine plaisantait.

— Ou vous pourriez chercher des personnes disparues, ajouta Crystal. Ou des animaux disparus.

Riley éclata de rire une nouvelle fois.

— Ah, je serais certaine d’aider l’humanité !

April se détourna de la conversation. Riley vit qu’elle était en train d’envoyer des textos en gloussant. Crystal se pencha par-dessus la table et expliqua à voix basse :

— April a un nouveau copain.

Puis elle articula sans prononcer les mots :

— Je l’aime pas.

Riley s’agaça : April était en train d’ignorer tout le monde à table.

— Arrête ça, je te prie. C’est malpoli.

— Pourquoi c’est malpoli ? répliqua April.

— On en a déjà parlé, dit Riley.

April l’ignora et se remit à taper.

— Range ça, s’il te plait.

— J’arrive, Maman.

Riley retint un grognement d’impatience. Elle savait que « j’arrive » signifiait surtout « jamais » chez les ados.

Ce fut alors que son propre téléphone vibra. Elle se morigéna de ne pas l’avoir mis en silencieux. C’était un message de son partenaire, Bill. Elle songea à l’ignorer, mais elle ne pouvait pas faire ça.

Alors qu’elle faisait apparaître le message sur son écran, April lui décocha un sourire moqueur. Tout en grognant intérieurement, Riley lut le message de Bill :

Meredith a une nouvelle affaire. Il veut nous parler.

L’agent spécial chargé d’enquête Brent Meredith était le chef de Riley et de Bill. Riley lui devait beaucoup. Il était toujours très juste avec elle. Il l’avait même sortie du pétrin plus d’une fois. Ça ne changeait rien : Riley ne le laisserait pas la déraciner une nouvelle fois.

Je ne peux pas voyager en ce moment, écrit-elle.

Bill répondit : C’est dans les environs.

Riley secoua la tête. Ça n’allait pas être facile.

Je te recontacte.

Pas de réponse. Riley rangea son téléphone dans son sac.

— Je croyais que c’était malpoli, marmonna April.

Elle était toujours sur son téléphone.

— Moi, j’ai fini, lui signala Riley.

April l’ignora. Le téléphone de Riley vibra à nouveau. Elle fit la grimace. Cette fois, c’était un message de Meredith.

Soyez à l’UAC demain à 9h.

Riley se creusait la tête pour trouver une excuse, quand un autre texto arriva :

C’est un ordre.




CHAPITRE DEUX


L’humeur de Riley s’assombrit immédiatement quand les deux photos apparurent sur l’écran, dans la salle de conférence. D’un côté, une jeune fille aux yeux brillants et au sourire ravageur. De l’autre, son cadavre, terriblement émacié, les bras disposés de façon étrange. Depuis qu’on lui avait ordonné de venir, Riley savait à quoi s’attendre.

Sam Flores, le technicien futé aux lunettes cerclées de noir, faisait défiler les images devant les quatre agents.

— Il s’agit de Metta Lunoe, dix-sept ans, expliqua-t-il. Sa famille vit à Collierville, dans le New Jersey. Ses parents ont signalé sa disparition en mars. Une fugue, apparemment.

Il fit apparaître une grande carte du Delaware.

— Son corps a été retrouvé dans un champ, près de Mowbray, dans le Delaware, le seize mai. Elle est morte d’un traumatisme crânien.

Flores fit défiler de nouvelles images : d’un côté, une fille vivante et, de l’autre, son cadavre, disposé de la même manière.

— Là, c’est Valerie Bruner, dix-sept ans également, une fugueuse de Norbury, dans l’état de Virginie. Elle a disparu en avril.

Flores montra l’emplacement du cadavre sur la carte.

— Elle a été retrouvée morte sur une route de terre, non loin de Redditch, dans le Delaware, le douze juin. Même mode opératoire. A l’époque, nous avions confié l’enquête à l’agent Jeffreys.

Riley sursauta. Bill avait travaillé sur une affaire sans elle ? Ah oui. En juin, elle avait été hospitalisée, après son séjour dans la cage de Peterson. Bill lui avait souvent rendu visite. Il n’avait jamais parlé de cette affaire.

Elle se tourna vers lui.

— Pourquoi tu ne m’as rien dit ?

Bill avait la mine sombre.

— Ce n’est pas le bon moment, répondit-il. Tu avais des problèmes.

— Tu as fait équipe avec qui ?

— L’agent Remsen.

Riley connaissait ce nom. Mais Bruce Remsen avait été muté avant son retour au FBI.

Au bout d’un moment, Bill avoua :

— Je n’ai pas trouvé.

Riley connaissait cette expression. Après des années d’amitié et de travail en équipe, elle comprenait Bill mieux que quiconque. Il était très déçu de lui-même.

Flores fit apparaître les photos des autopsies. Les corps étaient si abîmés qu’ils ne paraissaient pas réels. Les dos portaient des traces de coups, certaines cicatrisées, d’autres plus fraîches.

Riley en eut la nausée, ce que la surprit. Depuis quand avait-elle envie de vomir devant des photos de cadavres ?

Flores dit :

— Elles ont été affamées avant d’être tuées. Elles ont été battues, sans doute pendant une longue période. Leurs corps ont ensuite été déplacés sur les lieux de leurs découvertes. Nous ne savons pas où elles ont été tuées.

En tâchant d’ignorer sa nausée, Riley compara en pensée cette affaire avec celles qu’elle avait résolues avec Bill quelques mois plus tôt. Le « tueur de poupées » abandonnait ses victimes où elles seraient facilement découvertes, nues, dans des positions grotesques. Le « tueur aux chaînes » suspendait ses victimes au-dessus du sol.

Flores fit apparaître la photo d’une jeune femme – une rouquine au visage jovial. A côté, l’image d’une Toyota vide.

— Cette voiture appartient à une immigrée irlandaise de vingt-quatre ans répondant au nom de Meara Keagan, expliqua Flores. Sa disparition nous a été signalée hier matin. Sa voiture a été abandonnée devant un immeuble de Westree, dans le Delaware. Elle travaillait comme bonne et nounou pour une famille.

Ce fut au tour de l’agent Brent Meredith de prendre la parole. C’était un afro-américain intimidant au visage anguleux.

— Elle a quitté son service à onze heures, avant-hier, dit Meredith. La voiture a été retrouvée le lendemain matin.

L’agent spécial chargé d’enquête Carl Walder se pencha en avant. C’était le supérieur de Brent Meredith – un homme aux cheveux cuivrés et au visage poupin constellé de taches de rousseur. Riley ne l’aimait pas. Elle ne le trouvait pas compétent. Et puis, il l’avait virée, une fois.

— Qu’est-ce qui nous dit que sa disparition est liée aux meurtres précédents ? demanda Walder. Meara Keagan est plus âgée.

Lucy Vargas intervint. C’était une jeune agente brillante, aux cheveux noirs, aux yeux noirs et à la peau mate.

— Ça se voit sur la carte. Keagan a disparu à peu près dans la zone où les deux autres corps ont été retrouvés. C’est peut-être une coïncidence, mais c’est peu probable. Pas sur une période de cinq mois.

Malgré sa nausée, Riley vit avec satisfaction Walder grimacer. Sans le vouloir, Lucy l’avait mouché. Riley espérait seulement qu’elle n’en ferait pas les frais plus tard. Walder était du genre mesquin.

— C’est exact, Agent Vargas, dit Meredith. Nous pensons que les deux jeunes filles ont été enlevées quand elles faisaient du stop. Sans doute le long de l’autoroute qui traverse la région.

Lucy demanda :

— Ce n’est pas interdit de faire du stop dans le Delaware ? Bien sûr, c’est difficile d’être partout.

— Vous avez raison, dit Meredith. Et ce n’est pas l’autoroute principale. Il y a sûrement des auto-stoppeurs. Apparemment, le tueur le sait. Un des corps a été retrouvé pas loin de la route et l’autre à dix miles. Keagan a été enlevée à soixante miles, au nord. Il a changé de méthode. Mais s’il suit le même mode opératoire, il va l’affamer. Ensuite, il va lui briser le cou et laisser son corps quelque part.

— Ça n’arrivera pas, dit Bill d’une voix serrée.

— Agents Paige et Jeffreys, il faut s’y mettre tout de suite.

Il leur tendit un dossier de photos et de rapports écrits.

— Agent Paige, voilà tout ce dont vous aurez besoin pour rattraper votre retard.

Riley tendit la main, mais elle fut prise soudain d’un spasme d’anxiété.

Qu’est-ce qui se passe ?

Sa tête lui tournait. Des images floues prenaient forme dans son esprit. Peterson ? Non, c’était différent. Quelque chose de nouveau.

Riley bondit de sa chaise et s’enfuit de la salle de conférence. Elle se précipita dans son bureau.

Des visages. Des femmes et des jeunes filles.

Mitzi, Koreen et Tantre – des jeunes escorts dont les habits soignés camouflaient la dégradation.

Justine, une pute vieillissante penchée au-dessus de son verre, fatiguée et amère, prête à mourir d’une mort violente.

Chrissy, emprisonnée dans un bordel par son mari qui la battait.

Et, pire que tout, Trinda, une gamine de quinze ans qui vivait déjà le cauchemar de l’exploitation sexuelle et qui n’imaginait pas une autre vie.

Riley s’effondra sur sa chaise. Voilà pourquoi elle avait eu la nausée. Les images avaient été le déclencheur d’un problème plus enfoui. Elles avaient ramené à la surface l’affaire de Phoenix. Elle avait peut-être arrêté le tueur, mais elle n’avait pas rendu service aux femmes qu’elle avait rencontrées. Tout un monde d’exploitation qu’elle avait abandonné.

Ce monde la hantait. C’était peut-être pire que son stress post-traumatique. Après tout, elle pouvait passer ses nerfs sur un sac de frappe. Mais comment se débarrasser de son sentiment d’impuissance ?

Pouvait-elle travailler sur une nouvelle affaire ?

La voix de Bill retentit à la porte.

— Riley.

Elle leva les yeux. Il avait l’air triste. Il lui amenait le dossier.

— J’ai besoin de toi, dit Bill. C’est personnel pour moi. Ça me rend fou de n’avoir pas pu résoudre l’enquête. Je n’arrête pas de penser que mon divorce a rendu les choses difficiles. J’ai rencontré la famille de Valerie Bruner. Ce sont des gens bien, mais j’ai perdu le contact parce que… Je les ai laissés tomber. Il faut que j’arrange les choses.

Il déposa le dossier sur le bureau de Riley.

— Jette un coup d’œil, je te prie.

Il s’en alla. Elle fixa du regard le dossier, indécise.

Non, ce n’était pas son genre.

Elle passa en revue tout ce qui s’était passé à Phoenix. Elle avait tout de même sauvé une fille. Jilly. Du moins, elle avait essayé.

Elle sortit son téléphone et composa le numéro du centre d’hébergement. Une voix familière lui répondit.

— Brenda Fitch à l’appareil.

Riley fut soulagée. Elle avait rencontré Brenda pendant son séjour en Arizona.

— Bonjour, Brenda. C’est Riley. J’appelle pour prendre des nouvelles de Jilly.

Jilly était une gamine de treize ans, au corps maigre et à la peau noire, que Riley avait sauvée des réseaux de prostitution. Elle n’avait pas de famille, à part un père violent. Riley l’appelait de temps en temps pour prendre de ses nouvelles.

Brenda poussa un soupir.

— C’est bien que vous l’appeliez, dit-elle. J’aimerais bien que plus de gens s’inquiètent de son sort. Jilly est toujours avec nous.

Le cœur de Riley se serra. Elle avait espéré que Jilly aurait trouvé une famille d’accueil. Ce n’était pas encore pour aujourd’hui.

— La dernière fois, vous pensiez que vous seriez obligée de la renvoyer chez son père, dit Riley.

— Oh non, on s’est arrangé avec la justice. Il n’a plus le droit de la voir.

Riley poussa un soupir de soulagement.

— Jilly parle de vous tout le temps, dit Brenda. Vous voulez lui parler ?

— Oui, s’il vous plait.

Brenda la mit en attente. Soudain, Riley se demanda si c’était une bonne idée. Quand elle parlait à Jilly, elle ne pouvait s’empêcher de se sentir coupable. Mais pourquoi ? Après tout, elle l’avait arrachée à la prostitution ?

Oui, mais pour faire quoi ? Quelle vie Jilly pouvait-elle espérer ?

La voix de Jilly retentit.

— Salut, Agent Paige.

— Combien de fois t’ai-je demandé de m’appeler Riley ?

— Pardon… Salut, Riley.

Riley étouffa un rire.

— Salut, toi-même. Comment vas-tu ?

— Oui, ça va.

Un silence.

Une adolescente comme tout le monde, pensa Riley. Il était toujours difficile de pousser Jilly à parler.

— Alors, qu’est-ce que tu fais ? demanda Riley.

— Je viens de me lever, dit Jilly un peu groggy. On va manger le petit déj’.

Riley se rappela soudain du décalage horaire.

— Je n’aurais pas dû appeler si tôt, dit-elle. J’oublie tout le temps qu’il y a trois heures de différence.

— Non, c’est sympa !

Riley l’entendit bâiller.

— Alors, tu vas à l’école aujourd’hui ? demanda Riley.

— Ouais, on a le droit de quitter la taule pour y aller.

C’était la blague habituelle de Jilly. Elle disait « la taule » pour parler du centre d’hébergement, comme si c’était une prison. Riley ne trouvait pas ça très drôle.

— Bon, je vais te laisser manger et te préparer.

— Non, attendez !

Un deuxième silence. Riley entendit Jilly étouffer un sanglot.

— Personne ne veut de moi, Riley, dit Jilly.

Maintenant, les larmes coulaient librement.

— Les familles d’accueil ne veulent pas de moi, à cause de mon passé.

Riley s’étrangla.

Son passé ? pensa-t-elle. Putain, une fille de treize ans a un passé ? Qu’est-ce qui ne tourne pas rond chez ces gens ?

— Je suis désolée, dit Riley.

Jilly se mit à bafouiller :

— Je me disais… Ben, vous voyez… Riley, c’est comme si, vous, vous étiez la seule à s’intéresser à moi.

Les yeux de Riley se mirent à piquer. Elle ne répondit pas.

— Est-ce que je pourrais pas venir vivre avec vous ? Je ferais pas d’histoire. Vous avez une fille, hein ? Ce serait comme ma sœur. On s’entendrait bien. Vous me manquez.

Riley lutta pour reprendre la parole.

— Je ne pense pas que ce soit possible, Jilly.

— Pourquoi pas ?

La question frappa Riley comme une balle de revolver.

— C’est juste… pas possible.

Jilly pleurait.

— D’accord, dit Jilly. Je dois aller manger. Salut.

— Salut, dit Riley. Je t’appellerai bientôt.

Jilly raccrocha. Riley s’écroula sur son bureau, en larmes. La question de Jilly résonna dans sa tête.

« Pourquoi pas ? »

Il y a avait beaucoup de raisons. Riley avait déjà du mal avec April. Son travail était trop contraignant. Et était-elle seulement préparée à gérer l’état psychologique de Jilly ? Bien sûr que non.

Riley essuya ses larmes et se redressa. Ça ne servait à rien de pleurer. Il fallait retourner au travail. Des filles étaient en danger. Elles avaient besoin d’elle.

Riley ramassa le dossier et l’ouvrit. Il était temps de retourner dans l’arène.




CHAPITRE TROIS


Assis sur le porche de sa maison, Scratch regardait les enfants aller et venir dans leurs costumes de Halloween. Il avait toujours aimé cette période de l’année. Aujourd’hui, la fête lui laissait un goût amer.

Combien de ces enfants seront vivants dans quelques semaines ? se demanda-t-il.

Il soupira. Probablement aucun. La date approchait et personne n’écoutait ses messages.

La balancelle sur laquelle il était assis craquait. Une pluie tiède tombait. Scratch espéra que les enfants ne prendraient pas froid. Il avait un gros sac de bonbons sur les genoux. Il commençait à être tard. Bientôt, les enfants rentreraient chez eux.

Grand-père n’en finissait pas de se plaindre dans la tête de Scratch, même s’il était mort depuis des années. Scratch était peut-être adulte, mais ça ne l’empêchait pas de penser, encore et encore, au vieillard.

— Regarde celui-là, avec une cape et un masque en plastique, disait-il. T’appelles ça un costume ?

Scratch aurait préféré qu’il se taise. Ils allaient encore se disputer.

— Il est déguisé en Dark Vador, Grand-père.

— Je m’en fiche bien ! C’est un costume de supermarché. Quand je t’emmenais faire du porte à porte pour Halloween, on fabriquait ton costume.

Scratch s’en souvenait. Une fois, pour l’habiller en momie, Grand-père l’avait enroulé dans des draps déchirés. Pour un costume de chevalier, il lui avait bricolé une armure avec du carton et du papier d’alu, puis il lui avait donné un balai en guise de lance. Grand-père était très créatif.

Pourtant, ce n’étaient pas de bons souvenirs. Grand-père passait son temps à râler en fabriquant ces costumes. Et quand Scratch rentrait… L’espace d’un instant, il se remit dans la peau de ce petit garçon. Grand-père avait toujours raison. Scratch ne savait pas pourquoi, mais ça n’avait pas d’importance. Grand-père avait raison et il avait tort. C’était comme ça.

Scratch avait été soulagé d’atteindre l’âge adulte. Maintenant, il restait sur le porche, pour distribuer des bonbons aux enfants. Il était content pour eux. Au moins, ils avaient une enfance heureuse.

Trois gamins surgirent. Un garçon était habillé en Spiderman, une fille en Catwoman. Ils devaient avoir neuf ans. Le troisième costume fit sourire Scratch. La petite fille d’environ sept était déguisée en abeille.

— Farce ou bonbon ! s’écrièrent-ils.

Scratch étouffa un rire et fouilla dans son sac de bonbons. Il les distribua aux enfants qui s’en allèrent.

— Arrête de leur filer des bonbons ! grogna Grand-père. Pourquoi tu encourages encore ces petits cons ?

Scratch défiait les ordres de son Grand-père depuis deux heures déjà. Il serait obligé de payer plus tard.

Grand-père marmonnait toujours.

— N’oublie pas : nous avons du travail à faire demain soir.

Scratch ne répondit pas. Il se contenta d’écouter la balancelle craquer. Non, il n’oublierait pas ce qu’il avait à faire. C’était un travail détestable. Mais il fallait que ça se fasse.



*



Libby Clark suivait son frère et sa cousine dans les bois, derrière chez elle. Elle n’avait pas envie de les accompagner. Elle aurait préféré être dans son lit.

Son frère, Gary, menait le groupe, armé d’une lampe électrique. Il avait l’air bizarre dans son costume de Spiderman. Sa cousine le suivait, dans son costume de Catwoman. Libby trottinait derrière eux.

— Allez, vous deux, les encourageait Gary.

Il se faufila entre deux buissons. Denise fit de même. Mais le costume de Libby était trop rembourré. Elle s’accrocha dans les branchages. Ça lui fit encore plus peur. Si son costume d’abeille était abîmé, Maman se mettrait très en colère. Libby se dégagea vivement et les rattrapa.

— Je veux rentrer, souffla-t-elle.

— Ben, vas-y, fit Gary.

Non, Libby avait trop peur de rentrer toute seule. Elle était allée beaucoup trop loin.

— On devrait peut-être rentrer, dit Denise. Libby a la trouille.

Gary s’arrêta et se retourna vers elles. Libby ne voyait pas son visage, à cause du masque.

— Qu’est-ce que t’as, Denise ? T’as la trouille, toi aussi ?

Denise éclata d’un rire nerveux.

— Non, dit-elle.

Libby comprit qu’elle mentait.

— Allez, venez, poursuivit Gary.

Le petit groupe se remit en marche. Le sol est mou et glissant. Libby avait des mauvaises herbes jusqu’aux genoux. Au moins, il ne pleuvait plus. La lune se montrait entre les nuages. Il faisait de plus en plus froid et Libby était toute mouillée. Ça la faisait frissonner. Elle avait vraiment très peur.

Enfin, les buissons s’ouvrirent sur une clairière. Il y avait du brouillard. Gary s’arrêta.

— C’est là, dit-il. Regardez. C’est tout carré, comme s’il devait y avoir une maison. Mais y a pas de maison. Y a rien. Même les arbres ne poussent pas. Y a que des mauvaises herbes. C’est parce que c’est hanté. Y a des fantômes.

Libby pensa très fort à ce que disait Papa :

« Les fantômes, ça n’existe pas. »

Mais ça n’empêchait pas ses genoux de s’entrechoquer. Elle allait se faire pipi dessus. Maman ne serait pas contente.

— Et ça, c’est quoi ? demanda Denise.

Elle montra du doigt des formes sur le sol. On aurait dit des tuyaux recouverts de feuillage.

— Je sais pas, dit Gary. Ça ressemble aux trucs de sous-marins, pour voir ce qui se passe à la surface. Peut-être que les fantômes s’en servent pour nous regarder. Va voir, Denise.

Denise poussa un rire effrayé.

— Non, toi, vas-y !

— C’est bon, j’y vais.

Gary s’avança d’un pas prudent dans la clairière et s’approcha. Il s’arrêta à quelques pas, puis il se retourna vers sa cousine et sa sœur.

— Je sais pas ce que c’est, dit-il.

Denise éclata de rire.

— Tu regardes pas d’assez près !

— Mais si !

— Mais non ! T’es trop loin.

— Mais si, je suis assez près. T’as qu’à y aller, si t’es si maligne.

Denise ne répondit pas. Elle finit par s’avancer à son tour. Elle s’approcha un tout petit peu plus près que Gary, puis fit demi-tour.

— Moi non plus, je sais pas, dit-elle.

— C’est ton tour, Libby, dit Gary.

La peur de Libby lui remontait dans la gorge.

— Non, elle est trop petite, protesta Denise.

Gary poussa Libby dans le dos. Elle se retrouva dans la clairière. Elle essaya de faire demi-tour, mais Gary l’en empêcha.

— Non, non, dit-il. Denise et moi, on est allés. T’y vas aussi.

Libby avala sa salive. Elle se retourna vers les formes étranges, au milieu de la clairière. Elle avait l’impression que ces trucs la regardaient.

Elle pensa à nouveau à ce que disait Papa.

« Les fantômes, ça n’existe pas. »

Papa ne mentirait pas sur un sujet aussi important. Alors pourquoi avait-elle peur ?

Et puis, Gary l’avait énervée. Elle était plus en colère qu’effrayée.

Je vais lui faire voir, pensa-t-elle.

Sur des jambes flageolantes, elle s’avança courageusement vers le truc métallique.

Elle s’approcha. Le plus près possible. Plus près que Gary ou Denise. Elle en était très fière, mais elle ne savait toujours pas ce que c’était que ce truc.

Elle tendit la main pour le toucher. Ses doigts écartèrent les feuilles, en espérant qu’elle ne se ferait pas dévorer la main. Puis elle effleura le métal froid.

C’est quoi ? se demanda-t-elle.

Un bruit sortait de ce tuyau.

Elle approcha son oreille. C’était un bruit très faible, mais ce n’était pas son imagination. C’était réel. On aurait dit une femme qui pleurait.

Libby s’écarta vivement. L’espace de quelques secondes, la terreur la pétrifia sur place. C’était comme quand elle était tombée d’un arbre, une fois, sur le dos, et qu’elle en avait eu le souffle coupé.

Elle devait s’en aller, mais elle restait figée comme une statue. Non, elle allait ordonner à son corps de s’en aller.

Tourne-toi et cours, pensa-t-elle.

Elle en fut incapable pendant de longues secondes.

Enfin, ses jambes se mirent à courir toutes seules. Elle se précipita dans les bois, sans s’arrêter, effrayée à l’idée que quelque chose la poursuive et l’attrape par-derrière.

Quand elle arriva enfin à l’orée de la forêt, elle reprit son souffle.

— Qu’est-ce qui se passe ? s’exclama Denise.

— Un fantôme ! hoqueta Libby. J’ai entendu un fantôme.

Elle n’attendit pas de réponse. Elle se remit à courir aussi vite que possible. Sa cousine et son frère s’élancèrent derrière elle.

— Eh, Libby, attends nous ! cria Gary.

Ah non, pas question ! Libby ne s’arrêterait qu’à la maison.




CHAPITRE QUATRE


Riley frappa à la porte d’April. Il était midi et grand temps pour sa fille de se lever. Elle n’eut pas la réponse qu’elle espérait :

— Qu’est-ce que tu veux ? grogna April.

— Tu vas dormir toute la journée ?

— C’est bon, je suis levée. Je descends dans une minute.

Riley redescendit les escaliers en soupirant. Si seulement Gabriela était là ! Mais elle avait toujours un congé le dimanche.

Riley se laissa tomber sur le canapé. April était très distante, ces derniers jours. Riley ne savait pas comment faire pour briser la glace. Elle avait presque été soulagée de voir sa fille partir faire la fête pour Halloween la nuit dernière. Riley ne s’était pas inquiétée : la fête avait eu lieu à quelques pâtés de maisons… Et puis, April n’était toujours pas rentrée à une heure du matin.

Alors que Riley se demandait si elle devait appeler la police, sa fille avait fini par revenir. Elle était montée dans sa chambre sans dire un mot. Elle n’avait pas l’air beaucoup plus prête à communiquer ce matin.

Heureusement, Riley était à la maison pour la surveiller. Elle n’avait pas encore accepté son nouveau dossier. Bill ne cessait de lui envoyer des messages. Il était parti en reconnaissance avec Lucy Vargas pour enquêter sur la disparition de Meara Keagan. Ils avaient interrogé ses employeurs et ses voisins, mais n’avaient trouvé aucune piste.

Lucy prenait en charge les recherches. Elle faisait distribuer des prospectus avec une photo de Meara. Pendant ce temps, Bill attendait avec impatience que Riley prenne sa décision.

Mais elle n’était pas obligée de décider tout de suite. Tout le FBI savait qu’elle ne serait de toute façon pas disponible demain. L’un des premiers tueurs qu’elle avait arrêtés avait réclamé une audience. Elle ne pouvait pas rater ça.

April descendit les escaliers, toute habillée. Elle se précipita dans la cuisine sans accorder un seul regard à sa mère, qui la suivit.

— On mange quoi ? demanda April en ouvrant le frigo.

— Je peux te préparer un petit déjeuner, dit Riley.

— C’est bon, je vais me débrouiller.

April sortit un morceau de fromage et referma le frigo. Elle s’en coupa un morceau et se versa une tasse de café, qu’elle allongea de sucre et de crème. Puis, elle s’assit à table.

Riley la rejoignit.

— C’était comment, la fête ?

— C’était bien.

— Tu es rentrée très tard.

— Mais non…

Riley décida de ne pas la contredire. Après tout, une heure du matin, ce n’était peut-être pas si tard aux yeux des ados.

— Crystal m’a dit que tu avais un nouveau copain ?

— Ouais, répondit April en sirotant son café.

— Comment il s’appelle ?

— Joel.

Au bout d’un court silence, Riley demanda :

— Il a quel âge ?

— Je sais pas.

Une boule d’anxiété se referma sur la gorge de Riley.

— Il a quel âge ? répéta-t-elle.

— Quinze ans, d’accord ? Comme moi.

Non, April mentait.

— J’aimerais bien le rencontrer.

April leva les yeux au ciel.

— Mais Maman, t’as grandi où ? Dans les années cinquante ou quoi ?

Riley eut l’impression de prendre un coup.

— Je ne trouve pas ça bizarre, dit-elle. Dis-lui de passer. Tu me le présenteras.

April reposa son café si brutalement qu’elle en renversa une partie sur la table.

— Mais pourquoi t’essayes tout le temps de contrôler ma vie ?

— Je n’essaye pas de contrôler ta vie, je veux juste rencontrer ton copain.

Pendant quelques minutes, April se contenta de fixer son café du regard. Puis elle se leva brusquement de table et partit en trombe.

— April !

Riley la suivit à travers la maison. April ramassa son sac à l’entrée.

— Où tu vas ? demanda Riley.

April ne répondit pas. Elle ouvrit la porte et la fit claquer derrière elle.

Riley resta bouche bée quelques secondes. April allait forcément revenir pour s’excuser.

Elle attendit une minute entière, avant d’ouvrir la porte et de jeter un coup d’œil dans la rue. Aucun signe d’April.

L’incident laissa un goût amer dans la bouche de Riley. Comment les choses en étaient-elles arrivées là ? Bien sûr, elles avaient vécu des moments difficiles, toutes les deux, mais, depuis leur déménagement, April était heureuse. Elle avait sympathisé avec la voisine, Crystal. Quand l’école avait commencé en septembre, tout allait bien.

Et, deux mois plus tard, April retombait dans ses travers d’adolescente rebelle et boudeuse. Fallait-il y voir des effets du syndrome post-traumatique ? April avait déjà fait une attaque de panique, mais elle avait consulté un bon thérapeute…

Toujours à la porte, Riley sortit son téléphone et lui envoya un texto :

Reviens tout de suite.

Puis elle attendit. April ne répondit pas. Avait-elle laissé son téléphone à la maison ? Non, impossible. April avait pris son sac. Elle n’allait nulle part sans téléphone.

April l’ignorait-elle ?

Riley eut soudain une assez bonne idée de l’endroit où April avait pu aller. Elle referma la porte derrière elle et se dirigea vers la maison des voisins, où vivaient Crystal et Blaine. Tout en fixant du regard son téléphone, elle sonna.

Quand Blaine ouvrit la porte, il lui adressa un grand sourire.

— Eh bien, dit-il, quelle belle surprise ! Qu’est-ce qui t’amène ?

Riley se dandina nerveusement.

— Je me demandais… April est là ? Avec Crystal ?

— Non, répondit-il. Crystal n’est pas là non plus, d’ailleurs. Elle est au café. Tu sais, pas loin d’ici.

Blaine fronça les sourcils.

— Qu’est-ce qu’il y a ? Un problème ?

— On s’est disputées, grommela Riley. Elle est partie comme une furie. J’espérais qu’elle serait là. Elle ignore mon texto.

— Entre, dit Blaine.

Riley le suivit dans son salon. Ils s’assirent sur le canapé.

— Je ne comprends pas ce qu’elle a, dit Riley. Je ne sais pas ce qui se passe.

Blaine lui adressa un sourire entendu.

— Je sais ce que c’est.

Son aveu surprit Riley.

— Vraiment ? demanda-t-elle. On dirait que vous vous entendez à merveille, Crystal et toi.

— La plupart du temps, oui. Depuis que c’est une ado, c’est un peu plus rock ‘n roll.

Blaine laissa passer un court silence, avant de poursuivre :

— Ne dis rien. C’est à propos de son nouveau copain.

— Visiblement, dit Riley. Elle ne veut rien me dire. Et elle refuse de me le présenter.

Blaine secoua la tête.

— Elles sont toutes les deux à cet âge-là, dit-il. C’est comme si c’était une question de vie ou de mort, d’avoir un copain. Crystal n’en a pas, ce qui me convient très bien, mais pas elle. Elle est presque désespérée.

— J’étais sans doute pareille au même âge, avoua Riley.

Blaine étouffa un rire.

— Crois-moi, quand j’avais quinze ans, je ne pensais qu’aux filles. Tu veux du café ?

— Oui, merci. Noir, s’il te plait.

Blaine disparut dans la cuisine. Riley en profita pour jeter un coup d’œil dans le salon. Tout était décoré avec goût.

Blaine ramena deux tasses. Riley but une gorgée de son café. Il était délicieux.

— Je ne savais pas ce que je faisais quand j’ai eu un enfant, dit-elle. J’étais sans doute un peu jeune.

— Tu avais quel âge ?

— Vingt-quatre.

Blaine éclata de rire.

— J’étais encore plus jeune. Je me suis marié à vingt-et-un ans. Je suis tombé amoureux d’une fille super belle, Phoebe. Super sexy. Bien sûr, je n’avais peut-être pas remarqué qu’elle était bipolaire et qu’elle buvait beaucoup.

Riley tendit l’oreille. Elle savait que Blaine avait divorcé, mais c’était tout. Visiblement, ils avaient tous les deux fait des erreurs de jeunesse. Ils s’étaient laissés berner par une attraction physique.

— Ton mariage a duré combien de temps ? demanda Riley.

— Neuf ans et c’est trop long. J’aurais dû demander le divorce bien plus tôt. Je me disais que je pourrais aider Phoebe. C’était stupide de ma part. Crystal est née quand Phoebe avait vingt-et-un an. Elle était encore étudiante en école de cuisine. On était pauvres et immatures. Ensuite, elle a accouché d’un bébé mort-né. Elle ne s’en est jamais remise. Elle est devenue alcoolique. Et violente.

Le regard de Blaine se voila. Riley comprit qu’il n’avait pas envie de tout dire.

— Quand April est née, j’étais en formation au FBI, dit-elle. Ryan voulait que j’avorte, mais pas moi. Il voulait absolument réussir sa carrière d’avocat. On a tous les deux réussi, mais on n’avait rien en commun. On n’a pas construit notre mariage.

Riley se tut sous le regard compatissant de Blaine. C’était agréable d’en parler à un autre adulte. Il était presque impossible d’être mal à l’aise en présence de Blaine. Elle avait l’impression qu’elle pouvait tout lui dire.

— Blaine, je ne sais plus quoi faire, dit-elle. Je suis demandée sur une affaire très importante, mais ça ne va pas à la maison. Je crois que je ne passe pas assez de temps avec April.

Blaine sourit.

— Ah oui. Le vieux dilemme. La famille ou le travail. Je connais. Crois-moi, tenir un restaurant, ça prend du temps. C’est dur pour Crystal.

Riley croisa le regard bleu et tranquille de Blaine.

— Comment tu fais ?

Il haussa les épaules.

— Tu sais… On n’a jamais assez de temps pour tout, mais ce n’est pas la peine de s’en vouloir. Abandonner ta carrière n’est pas la solution. Phoebe a essayé de rester à la maison. C’est aussi ça qui l’a rendue folle. Tu dois trouver le moyen de te pardonner.

Riley sourit. C’était une excellente idée. Se pardonner de n’avoir pas le temps. Ça semblait presque possible.

Elle tendit la main et toucha la main de Blaine. Il la prit dans la sienne. Une délicieuse tension s’installa entre eux. L’espace d’une seconde, Riley eut envie de rester chez lui, comme leurs deux enfants étaient partis. Peut-être qu’elle…

Cette pensée lui avait à peine traversé l’esprit que Riley s’éloigna de lui. Elle n’était pas prête. Elle dégagea sa main.

— Merci, dit-elle. Je vais rentrer. Si ça se trouve, April est déjà à la maison.

Elle le salua et sortit de chez lui. Son téléphone vibra. C’était un message d’April.

Je viens d’avoir ton texto. Désolée d’être partie comme ça. Je suis au café. Je reviens vite.

Riley soupira. Que répondre à ça ? Mieux valait ne pas répondre du tout. Elle aurait une conversation sérieuse avec April.

Riley rentrait chez elle quand son téléphone vibra à nouveau. Cette fois, c’était Ryan qui l’appelait. Elle n’avait pas du tout envie de lui parler, mais elle savait qu’il laisserait des messages jusqu’à ce qu’elle réponde. Elle décrocha.

— Qu’est-ce que tu veux, Ryan ?

— Je te dérange ?

Riley aurait voulu lui dire qu’il la dérageait toujours, mais elle se retint.

— Non, c’est bon, dit-elle.

— Je pourrais passer vous voir, toi et April ? dit-il. On pourrait discuter.

Riley ravala un grognement.

— Je ne préfère pas.

— Tu as dit que je ne dérangeais pas.

Riley ne répondit pas. C’était Ryan tout craché. Il essayait de la manipuler.

— Comment va April ?

Riley faillit s’étouffer. Ryan essayait seulement de faire la conversation.

— Oh, comme c’est gentil de demander…, répondit-elle d’un ton sarcastique. Elle va bien.

C’était un mensonge, mais elle n’avait pas envie de se confier à Ryan.

— Ecoute, Riley…, reprit Ryan d’une voix traînante. J’ai fait beaucoup d’erreurs.

Sans déconner…, pensa Riley. Il poursuivit :

— Ça ne va pas fort, ces derniers temps.

Riley ne répondit pas.

— Je voulais juste prendre de vos nouvelles.

Riley n’en crut pas ses oreilles.

— On va bien. Pourquoi tu demandes ? Tu t’es fait plaquer, Ryan ? Ou ça ne se passe pas bien, au boulot ?

— Tu es dure avec moi, Riley.

Oh non, elle se trouvait même plutôt gentille… Elle comprenait sa situation. Ryan se sentait seul. La fille qu’il avait rencontrée après le divorce avait dû partir.

Ryan ne supportait pas la solitude. Riley et April étaient toujours son dernier recours pour ne pas être seul. Si elle le laissait revenir, il resterait le temps de trouver une nouvelle copine.

Elle répondit :

— Rabiboche-toi avec ta dernière copine. Ou celle d’avant. Je ne sais même pas combien tu en as eu depuis le divorce. Combien, Ryan ?

Ryan poussa un hoquet à l’autre bout du fil. Riley avait vu juste.

— Ryan, la vérité, c’est que tu me déranges, oui.

C’était vrai, après tout. Elle venait de rendre visite à un homme qui lui plaisait. Pourquoi devait-il tout gâcher ?

— Quand est-ce que je peux te rappeler, alors ?

— Je ne sais pas, dit Riley. Je te tiens au courant. Salut.

Elle raccrocha. Elle s’assit sur le canapé et prit de longues inspirations pour se calmer.

Puis elle envoya un texto à April.

Reviens tout de suite.

Elle n’attendit que quelques secondes avant de recevoir une réponse.

OK. J’arrive. Désolée, Maman.

Riley soupira. La crise semblait être passée. Mais quelque chose n’allait pas.

Qu’est-ce qui se passait ?




CHAPITRE CINQ


Dans sa tanière faiblement éclairée, Scratch allait et venait d’une horloge à l’autre, pour tout préparer. Il était bientôt minuit.

— Répare celle avec le cheval ! hurla Grand-père. Elle est en retard !

— J’y vais.

Scratch savait qu’il serait puni quoi qu’il arrive, mais ce serait pire si tout n’était pas en place.

Il remit à l’heure la pendule avec les fleurs, qui avait cinq minutes de retard, puis il ouvrit une vieille comtoise et poussa tout doucement l’aiguille des minutes.

Il vérifia que la grosse horloge avec les bois de cerf était à l’heure. Ce n’était pas toujours le cas mais, pour une fois, oui. Enfin, il remit à l’heure celle avec les chevaux. Heureusement : elle avait sept minutes de retard.

— Va falloir que ça aille, maugréa Grand-père. Tu sais quoi faire ensuite.

Scratch obéit et s’empara du fouet. C’était ce qu’on appelait un chat à neuf queues. Grand-père s’en servait pour le punir quand il était plus jeune.

Il s’aventura jusqu’au fond de sa tanière, derrière la barrière. Ces quatre captives se trouvaient là, sur des matelas. Elles avaient une armoire pour faire leurs besoins. Ça puait, mais Scratch s’était habitué à l’odeur.

L’Irlandaise le regardait avec attention. A la diète depuis plus longtemps, les autres étaient très faibles. Deux d’entre elles ne faisaient plus que gémir. La quatrième était allongée à côté de la barrière. Elle ne faisait plus de bruit. Scratch ouvrit la cage. L’Irlandaise se jeta en avant pour essayer de s’échapper. Scratch la gifla d’un coup de fouet. Elle serra les dents et recula. Il la fouetta, encore et encore. Il savait d’expérience combien ça faisait mal.

A minuit, toutes les horloges se mirent à sonner l’heure. Scratch savait ce qu’il lui restait à faire.

Il s’accroupit à côté de la plus faible, celle qui paraissait à peine vivante. Elle lui adressa un étrange regard. C’était la seule qui était restée là assez longtemps pour savoir ce qu’il allait faire. C’était comme si elle était prête. Comme si elle était soulagée.

Scratch n’avait pas le choix.

Il s’agenouilla près d’elle et lui brisa le cou.

Comme la vie quittait son corps, Scratch leva les yeux vers la vieille horloge de l’autre côté de la barrière. La Mort allait et venait devant les aiguilles, vêtue de sa robe noire. On apercevait à peine son crâne souriant sous sa capuche. Elle poursuivait des chevaliers, des rois, des reines et des paysans, sans distinction. C’était l’horloge préférée de Scratch.

Le bruit mourut peu à peu. Bientôt, on n’entendit plus que le tic-tac des aiguilles et les sanglots des autres filles.

Scratch chargea le cadavre sur son épaule. Elle ne pesait rien du tout. Il ouvrit la cage, sortit et referma derrière lui.

L’heure était venue.




CHAPITRE SIX


Une belle comédie, pensa Riley.

La voix de Larry Mullins tremblait. Alors qu’il terminait son allocution aux familles des victimes, il semblait au bord des larmes.

— J’ai eu quinze ans pour y réfléchir, dit Mullins. Pas un jour ne passe sans que je regrette. Je ne peux pas revenir en arrière. Je ne peux pas ramener Nathan Betts et Ian Harter à la vie. Mais j’ai encore le temps de me racheter aux yeux de la société. Je vous supplie de me laisser une chance de le faire…

Mullins s’assit. Son avocat lui tendit un mouchoir et il s’essuya les yeux, bien que Riley ne vit aucune larme.

Les officiels échangèrent des murmures.

Ce serait bientôt au tour de Riley de témoigner. Elle dévisagea Mullins.

Elle se rappelait bien de lui. Il n’avait pas beaucoup changé. Quand elle l’avait arrêté, elle l’avait trouvé propre sur lui et éloquent. La prison l’avait endurci, mais il se cachait derrière les sanglots. Il avait travaillé comme nounou.

Il avait si peu vieilli ! Il avait été arrêté à vingt-cinq ans, mais il avait toujours le même visage poupin.

Les parents des victimes, eux, avaient vieilli, brisés prématurément. Le cœur de Riley se serra.

Si seulement elle avait mieux géré cette affaire… Jake Crivaro, son premier partenaire, partageait ses regrets. C’était un des premiers dossiers de Riley. Jake l’avait bien instruite.

Larry Mullins avait été arrêté pour le meurtre d’un petit garçon dans un terrain de jeu. En investiguant, Riley et Jake avaient découvert qu’un autre enfant était mort dans des circonstances similaires.

Quand Riley avait arrêté Mullins et lui avait lu ses droits avant de le menotter, il avait presque admis sa culpabilité en lui adressant un sourire triomphal.

« Bonne chance. », lui avait-il glissé.

En effet, la chance avait tourné très vite. Mullins avait nié avec force. Malgré tous les efforts de Riley et de Jake, les preuves étaient dangereusement minces. Il avait été impossible de déterminer comment les enfants avaient été étouffés. On n’avait découvert aucune arme du crime. Mullins admettait les avoir perdus de vue, mais pas de les avoir tués.

Riley se souvenait encore de ce que lui avait dit le procureur.

— Il va falloir jouer serré. On ne peut pas prouver que Mullins était le seul à avoir accès aux gamins quand ils ont été tués.

Ça s’était terminé sur une négociation de peine. Riley détestait les négociations de peine depuis ce jour. L’avocat de Mullins avait proposé un accord. Mullins plaiderait coupable, mais sans préméditation, et les sentences pour les deux meurtres défileraient en même temps.

Un accord minable. Cela n’avait même pas de sens. Si Mullins avait bien tué les deux enfants, comment aurait-il pu être aussi négligent ? C’était contradictoire, mais le procureur n’avait pas eu le choix et il avait accepté. Mullins s’en était tiré avec trente ans de prison et la possibilité de sortir plus tôt pour bon comportement.

Les familles avaient été horrifiées. Elles avaient accusé Riley et Jake de ne pas avoir fait leur travail. Jake avait rapidement pris sa retraire après ça. Il était devenu amer.

Riley avait promis aux parents des deux garçons qu’elle ferait tout pour garder Mullins derrière les barreaux. Quelques jours plus tôt, les parents de Nathan Betts l’avaient appelée pour lui rappeler sa promesse.

Les murmures se turent. Le conseiller-auditeur Julie Simmons se tourna vers Riley.

— L’agent spécial Riley Paige aimerait parler, dit-elle.

Riley avala sa salive. Voilà le moment qu’elle préparait depuis quinze ans. Elle savait que tout le monde dans la salle connaissait le dossier, même s’il était incomplet. Inutile de revenir dessus. Elle allait faire un discours plus personnel.

Elle se leva et prit la parole.

— C’est le « comportement exemplaire » de Larry Mullins qui lui vaut cette audience, je ne me trompe pas ?

Elle ajouta avec une pointe d’ironie.

— Monsieur Mullins, je vous félicite.

Mullins hocha la tête, le visage dénué d’expression. Riley poursuivit.

— « Comportement exemplaire », qu’est-ce que cela signifie, concrètement ? Cela n’a rien à voir avec ce qu’il a fait, mais plutôt avec ce qu’il n’a pas fait. Il n’a pas enfreint les règles de la prison. Il a surveillé son comportement. C’est tout.

Elle fit une pause pour reprendre le contrôle de sa voix.

— Sincèrement, je ne suis pas surprise. En prison, il n’y a pas beaucoup d’enfants à tuer.

Des hoquets et des murmures se firent entendre. Le sourire de Mullins se crispa.

— Excusez-moi, dit Riley. Je sais bien que Mullins n’a jamais admis qu’il avait prémédité les meurtres. Le procureur n’a pas choisi cette voie. Mais Mullins a bel et bien plaidé coupable. Il a tué deux enfants. Il me parait impossible qu’il ait pu le faire sans avoir eu de mauvaises intentions.

Elle se tut, le temps de choisir ses mots. Elle voulait pousser Mullins a montré sa colère. Bien sûr, Mullins savait qu’il n’avait pas le droit à l’erreur. La meilleure stratégie à adopter, c’était de convaincre les membres de la commission de l’énormité de ses crimes.

— J’ai vu le corps de Ian Harter, quatre ans, le jour de sa mort. Il avait l’air de dormir les yeux ouverts. La vie avait effacé l’expression de son visage, mais pas celle de ses yeux. Il a vécu ses derniers moments dans une terreur sans nom. La même chose est arrivée à Nathan Betts.

Les deux mères s’étaient mises à pleurer. Riley n’avait pas le choix. Elle était obligée de remuer les terribles souvenirs.

— Nous ne devons pas oublier cette terreur, dit Riley. Et nous ne devons pas oublier que Mullins n’a montré aucune émotion lors de son procès. Pas un geste de remords. Ses remords sont apparus beaucoup, beaucoup plus tard… En admettant que ce ne soit pas une comédie.

Riley prit une grande inspiration.

— Combien d’années a-t-il pris à ces garçons, si on les additionne ? Combien d’années de vie a-t-il volées ? Plus de cent, il me semble. Il a été condamné à trente ans. Il n’est resté que quinze ans en prison. Ce n’est pas suffisant. Il ne vivra jamais assez longtemps pour purger la peine qui devrait être la sienne.

Maintenant, la voix de Riley tremblait. Il fallait qu’elle se reprenne. Elle ne pouvait pas exploser de rage, ni éclater en sanglots.

— L’heure est-elle venue de pardonner Larry Mullins ? C’est aux familles des garçons de le dire. Mais le pardon n’est pas le sujet de cette audience. Le plus important, c’est le danger qu’il représente. Nous ne pouvons pas mettre en danger des enfants.

Quelques membres de la commission regardaient leurs montres. Riley paniqua. Ils avaient déjà assisté à deux audiences ce matin. Quatre autres suivraient. Ils s’impatientaient. Riley devait terminer. Elle les regarda droit dans les yeux, un à un.

— Mesdames et messieurs de la commission, je vous supplie de ne pas lui accorder sa libération.

Elle ajouta :

— Quelqu’un veut peut-être ajouter quelque chose au nom du prisonnier.

Riley s’assit. Elle était satisfaite de sa conclusion. Elle savait pertinemment que personne ici ne parlerait en faveur de Mullins. Il n’avait aucun ami et il n’en méritait aucun.

— Quelqu’un souhaite ajouter quelque chose ? demanda le conseiller-auditeur.

— J’aimerais ajouter quelques mots, lança une voix du fond de la pièce.

Riley sursauta. Elle connaissait cette voix.

Elle se retourna brusquement. Oui, il était là, l’homme aux larges épaules. Jake Crivaro. Riley n’aurait pas cru le voir aujourd’hui.

Jake s’approcha et se présenta aux membres de la commission. Puis il prit la parole :

— Je ne vous dirai qu’une chose : cet homme est un manipulateur de génie. Ne croyez pas un mot de ce qu’il dit. Il ment. Il n’a montré aucun remords quand nous l’avons arrêté. Ce qu’il vous sert, aujourd’hui, c’est une comédie.

Jake se tourna vers Mullins.

— Tu ne t’attendais pas à me voir aujourd’hui ? lança-t-il d’une voix méprisante. Je n’aurais raté ça pour rien au monde, espèce de connard tueur d’enfants.

Le conseiller-auditeur donna du marteau.

— De l’ordre, je vous prie !

— Oh, je suis navré, dit Jake. Je ne voulais pas insulter votre prisonnier modèle. Après tout, il s’est repenti. C’est un connard tueur d’enfants repenti.

Jake toisa Mullins. Riley comprit qu’il essayait de provoquer un coup de colère, mais le prisonnier gardait son calme.

— Monsieur Crivaro, retournez à votre place, di le conseiller-auditeur. La commission va rendre sa décision.

Les membres se rassemblèrent en échangeant des murmures et des notes. Riley attendit.

Donald et Melanie Betts sanglotaient. Darla Harter pleurait, mais son mari, Ross, lui tenait la main. Il regardait Riley. Son regard était tranchant. Qu’avait-il pensé de son élocution ? Pensait-il qu’elle s’était enfin rachetée ?

Il faisait chaud. Riley se mit à transpirer. Son cœur battait la chamade.

Cela ne prit que quelques minutes. Un membre de la commission chuchota leur décision à l’oreille du conseiller-auditeur. Elle se tourna vers le public et le prisonnier.

— Libération refusée, dit-elle. Passons à l’audience suivante.

La brusquerie de cette femme fit sursauter Riley, comme si cette affaire n’était rien de plus qu’un ticket de parking. La commission était en retard, bien sûr.

Riley se leva. Les deux couples se précipitèrent vers elle. Melanie Betts se jeta dans ses bras.

— Oh merci, merci, merci…, bredouilla-t-elle.

Les trois autres la remercièrent entre leurs larmes.

Jake se tenait à l’écart. Dès qu’elle quitta les parents, Riley le rejoignit.

— Jake ! dit-elle. Ça fait longtemps.

— Trop longtemps, dit-il en lui adressant un sourire de travers. Vous, les jeunes, vous ne donnez jamais de nouvelles…

Riley soupira. Jake l’avait toujours traitée comme sa fille. Il avait un peu raison : elle aurait dû rester en contact.

— Alors, comment vas-tu ?

— J’ai soixante-quinze ans. On m’a changé les deux genoux et la hanche. Ma vue baisse. J’ai un appareil pour entendre et un pacemaker. Et tous mes amis sont morts, à part toi. Qu’est-ce que tu dis de ça ?

Riley sourit. Il avait beaucoup vieilli, mais il n’était pas en si mauvais état qu’il semblait le croire. Il pourrait revenir au FBI s’il en avait envie.

— Je suis contente que tu aies pris la parole.

— Ça te surprend ? dit Jake. Je parle au moins aussi bien que ce bâtard de Mullins.

— Tu as vraiment aidé.

Jake haussa les épaules.

— J’aurais bien aimé qu’il pète les plombs devant la commission, mais il est plus malin que dans mes souvenirs. La prison lui aura appris au moins ça. Mais bon, on a eu ce qu’on voulait. Il va rester derrière les barreaux.

Riley ne dit rien. Jake lui adressa un regard curieux.

— Tu me caches quelque chose ? demanda-t-il.

— Ce n’est pas si simple, dit Riley. Si Mullins continue de bien se comporter, il aura le droit de demander audience l’année prochaine. Cette fois, on ne pourra rien y faire.

— Merde…, dit Jake

Il avait l’air presque aussi amer qu’à la fin du procès, tant d’années auparavant.

Riley savait ce qu’il ressentait. Il était terrifiant d’imaginer Mullins dehors. Cette petite victoire ne valait pas grand-chose.

— Bon, je dois y aller, dit Jake. Sympa de te voir…

Riley regarda son vieux partenaire s’éloigner. Il n’avait pas envie de traîner ici, à s’apitoyer sur son sort. Ce n’était pas son genre. Elle prit mentalement la décision de l’appeler plus souvent.

Il fallait qu’elle positive. Les Betts et les Harter lui avaient enfin pardonné. Riley n’était pas sûre de le mériter. Pas plus que Larry Mullins.

Ce fut alors que Larry Mullins passa devant elle, avec ses menottes.

Il lui adressa un sourire machiavélique, tout en articulant les mots :

— A l’année prochaine.




CHAPITRE SEPT


Au volant de sa voiture, Riley rentrait à la maison, quand elle reçut un appel de Bill. Elle mit son téléphone en mode haut-parleur.

— Qu’est-ce qui se passe ? demanda-t-elle.

— On a trouvé un autre corps, dit-il. Dans le Delaware.

— Meara Keagan ?

— Non. Elle n’a pas encore été identifiée. Elle est dans le même état que les deux autres. Pire, peut-être.

On pouvait en conclure plusieurs choses. Meara Keagan était encore prisonnière. Le tueur devait retenir plusieurs filles en même temps. Les meurtres allaient continuer. Combien ? Riley ne pouvait que deviner.

Bill avait l’air agité :

— Riley, je pète les plombs, dit-il. Je n’arrive plus à réfléchir. Lucy est super, mais elle n’a pas d’expérience.

Riley comprenait ce qu’il ressentait. En fait, c’était assez ironique. L’affaire Larry Mullins continuait de la hanter. Pendant ce temps-là, dans le Delaware, Bill pensait que son échec avait coûté la vie d’une femme.

En voiture, ça lui prendrait environ trois heures pour rejoindre Bill.

— Tu as fini ? demanda Bill.

Riley l’avait prévenu qu’elle serait dans le Maryland pour l’audience.

— Ouais, dit-elle.

— Bien, dit Bill. J’envoie un hélico te chercher.

— Quoi ? s’écria Riley.

— Il y a un aéroport pas loin. Je t’envoie les coordonnées GPS. Ils t’attendent déjà. Quelqu’un va ramener ta voiture.

Sans un mot de plus, Bill raccrocha.

Riley conduisit en silence pendant un long moment. L’issue de l’audience l’avait soulagée. Elle voulait maintenant rentrer à la maison, pour retrouver sa fille à la sortie de l’école. Elles ne s’étaient pas disputées hier, mais April n’avait pas dit grand-chose. Ce matin, Riley était partie avant de la voir.

Mais on ne lui demandait visiblement pas son avis. Prête ou non, elle retournait sur le terrain. Il faudrait qu’elle parle à April.

Elle suivit les indications que Bill venait de lui envoyer. Après tout, c’était mieux ainsi. Elle allait soigner son sentiment d’échec en amenant un tueur devant la justice. La vraie justice.

Il était temps.



*



Riley fixait du regard la fille étendue sur le sol du kiosque à musique. C’était une matinée fraîche. Le kiosque se trouvait au milieu d’un belvédère, sur la place principale de la ville, dans un environnement planté d’arbres.

La victime ressemblait aux victimes précédentes. Elle gisait face contre terre. Elle était si émaciée qu’elle avait l’air momifié. Ses vêtements sales et déchirés semblaient anormalement larges. Elle avait des cicatrices, plus ou moins récentes, témoignant de coups de fouet.

Elle devait avoir dix-sept ans, l’âge des deux autres victimes.

Ou peut-être pas…

Après tout, Meara Keagan avait vingt-quatre ans. Le tueur changeait peut-être son mode opératoire. Cette fille était trop amaigrie pour savoir.

Riley se tenait entre Bill et Lucy.

— On dirait qu’elle a encore plus souffert que les deux autres, remarqua Bill. Il a dû la garder plus longtemps.

La voix de Bill était chargée d’amertume. Riley lui adressa un regard en coin. Elle savait ce qui lui passait par la tête. Au moment où il avait enquêté, la fille devait être déjà prisonnière. Il se sentait responsable de sa mort.

Personne n’était responsable, mais Riley ne savait que dire pour le réconforter. Elle traînait, elle aussi, des échecs qui lui laissaient un goût amer dans la bouche.

Riley balaya du regard les environs. On n’apercevait que le palais de justice – un grand bâtiment en briques avec une horloge. Redditch était une charmante petite bourgade à l’architecture coloniale. Riley n’était pas surprise que le tueur ait pu déposer le corps ici, au milieu de la nuit, sans que personne s’en aperçoive. Tout le monde devait dormir, à ces heures-là. Bien sûr, le tueur n’avait laissé aucune empreinte sur les trottoirs en béton.

La police avait délimité la zone et gardait les badauds à l’écart. Cependant, la presse locale commençait à s’agglutiner.

Ça l’inquiéta. La presse n’avait pas encore fait le rapprochement entre les deux précédents meurtres et la disparition de Meara Keagan, mais ils finiraient par comprendre. Les gens sauraient. Et l’enquête deviendrait difficile.

Le chef de la police de Redditch, Aaron Pomeroy, se tenait non loin.

— Quand et comment le corps a-t-il été découvert ? demanda Riley.

— Un balayeur nettoie le matin. C’est lui qui l’a trouvée.

Pomeroy avait l’air très affecté. C’était un homme vieillissant et en surpoids. Même dans une petite ville comme ça, un policier de cet âge avait dû enquêter sur un meurtre ou deux, mais jamais rien d’aussi troublant.

L’agent Lucy Vargas s’approcha du corps.

— Notre tueur a beaucoup d’assurance, dit-elle.

— Pourquoi ?

— Il dépose les corps à la vue de tous, dit-elle. Metta Lunoe a été retrouvée dans un champ. Valerie Bruner au bord d’une route. Seulement la moitié des tueurs en série déplacent les corps après leur mort. Et ceux que le font les cachent ou les jettent. Celui-là doit être du genre arrogant.

Lucy avait bien retenu ses leçons…. Cependant, Riley n’était pas certaine de la suivre dans son raisonnement. Le tueur n’essayait pas de flamber. Il avait un objectif. Riley n’arrivait pas à mettre le doigt dessus.

Ce devait être lié à la manière dont le corps était disposé. D’une manière à la fois maladroite et délibérée. Le bras gauche de la fille était levé au-dessus de sa tête, tout droit. Son bras droit, également très raide, descendait le long de son corps. Même la tête, dont la nuque avait été brisée, avait été alignée avec le reste du corps.

Lucy avait une tablette à la main.

— Lucy, tu peux me montrer les photos des deux autres corps ?

Elle les fit apparaître sur son écran. Riley et Bill se rapprochèrent.

Bill pointa le doigt vers l’image.

— Celui de Metta Lunoe est positionné exactement pareil. Celui de Valerie Bruner, c’est le contraire : c’est le bras droit qui est levé et le bras gauche qui descend le long de son corps.

Riley s’approcha et souleva le poignet du cadavre pour essayer de le bouger. Le corps était déjà trop raide. Il faudrait envoyer le corps à la médecine légale pour savoir à quelle heure elle était morte. Sans doute neuf heures plus tôt, d’après l’estimation de Riley.

Comme les autres, elle avait été déplacée peu de temps après sa mort.

Une idée commençait à chatouiller Riley… Le tueur avait disposé le corps avec beaucoup de soin. Il l’avait porté jusque là, en montant une volée de marches, puis l’avait soigneusement arrangé sur le sol. La position n’avait rien de logique.

Le corps n’était pas parallèle aux murs du belvédère. Il n’était pas orienté en direction de l’entrée du kiosque ou du palais de justice. On aurait dit que c’était le hasard.

Non, il ne fait rien par hasard, pensa-t-elle.

Le tueur essayait de dire quelque chose, mais quoi ?

— Que penses-tu de la position ? demanda-t-elle à Lucy.

— Je ne sais pas. Ce n’est pas courant chez les tueurs en série. C’est bizarre.

Elle débute, se rappela Riley.

Lucy n’avait peut-être pas remarqué que les affaires « bizarres » étaient justement la spécialité de Riley et du FBI en général. Pour des agents expérimentés comme Riley et Bill, ce qui était bizarre était devenu la routine.

— Lucy, fais voir la carte.

Lucy fit apparaître la carte sur son écran. Les points indiquaient les endroits où avaient été découverts les deux corps précédents.

— Ce n’est pas loin, dit Lucy. C’est dans un mouchoir de poche de moins de dix miles.

Oui, Lucy avait raison. En revanche, Meara Keagan avait disparu à quelques miles au nord, à Westree.

— Quelqu’un voit quelque chose ? demanda Riley à Lucy et à Bill.

— Pas vraiment, dit Lucy. Le corps de Metta Lunoe était dans un champ, en bordure de Mowbray. Valerie Bruner était le long de l’autoroute. Et maintenant, celle-ci, sur la place d’une petite ville. On dirait que le tueur cherche surtout des endroits qui n’ont rien en commun.

Ce fut alors qu’un cri retentit parmi les badauds.

— Je sais qui c’est ! Je sais qui l’a tuée !

Riley, Bill et Lucy se retournèrent. Un jeune homme gesticulait derrière la rubalise de la police.

— Je sais qui a fait le coup ! s’écria-t-il encore.




CHAPITRE HUIT


Riley détailla du regard l’homme qui criait. Plusieurs personnes autour de lui hochaient la tête et murmuraient, comme pour confirmer.

— Je sais qui a fait ça ! On le sait tous !

— Josh a raison, renchérit une femme non loin de lui. C’est sûrement Dennis.

— C’est un taré, dit un autre. Une bombe à retardement depuis le début.

Bill et Lucy s’approchèrent, mais Riley resta à sa place. Elle appela un policier.

— Faites-le venir, dit-elle.

Il était important de le séparer du groupe. Si tout le monde y allait de sa petite histoire, il serait difficile de démêler le vrai du faux. Dans l’hypothèse où il y avait effectivement du vrai à démêler…

Les journalistes s’agglutinaient déjà autour de l’homme. Riley ne pouvait tout simplement pas l’interroger devant eux.

Le policier leva la barrière de rubalise et fit signe à l’homme.

Il continuait de hurler :

— On sait tous ! On sait qui a fait ça !

— Calmez-vous, dit Riley en le prenant par le bras pour l’éloigner de la foule.

— Demandez à n’importe qui, répéta l’homme d’une voix agitée. C’est un taré. Tout le temps tout seul. Il fait peur aux filles. Il emmerde les femmes.

Riley sortit son calepin, tout comme Bill. Son partenaire avait un regard particulièrement concentré, mais elle savait qu’il ne fallait pas s’emballer. Ils ne savaient encore rien. Et puis, l’homme était si nerveux que Riley n’était pas certaine de faire confiance à son jugement. Elle voulait entendre quelqu’un d’un peu plus neutre.

— Quel est son nom complet ? demanda Riley.

— Dennis Vaughn, dit l’homme.

— Continue, souffla Riley à Bill.

Bill hocha la tête, sans cesser de prendre des notes. Riley s’avança vers le belvédère, où le chef de la police, Aaron Pomeroy, se tenait toujours près du corps.

— Chef Pomeroy, que pouvez-vous me dire sur Dennis Vaughn ?

A l’expression qui traversa le visage du policier, Riley comprit que ce nom n’était que trop familier.

— Qu’est-ce que vous voulez savoir ?

— Vous pensez que c’est un suspect potentiel ?

Pomeroy se gratta les cheveux.

— Maintenant que vous le dites, peut-être. Ça vaut le coup de l’interroger.

— Pourquoi cela ?

— Eh bien, il nous cause des problèmes depuis des années. Exhibitionnisme, comportement obscène, ce genre de trucs. Il y a quelques années, il observait aux fenêtres. Il a passé quelques temps dans le centre psychiatrique du Delaware. L’année dernière, il s’est pris de passion pour une pom-pom girl du lycée. Il lui écrivait des lettres d’amour, il la suivait partout. La famille de la fille s’est débrouillée pour obtenir une injonction du tribunal, mais il l’a ignorée. Du coup, il a fait six mois de prison.

— Il a été relâché ? demanda-t-elle.

— En février.

Cette conversation devenait de plus en plus intéressante. Dennis Vaughn était sorti de prison juste avant les premiers meurtres. Etait-ce une coïncidence ?

— Les filles du coin n’arrêtent pas de se plaindre, dit Pomeroy. Apparemment, il prend des photos d’elles. Ce n’est pas un motif pour l’arrêter. Pas encore, du moins.

— Qu’avez-vous d’autre ? demanda Riley.

Pomeroy haussa les épaules.

— C’est un glandeur, si je puis me permettre. Il a trente ans et il n’a jamais travaillé. Il survit grâce à la famille – des tantes, des oncles, des grands-parents… Il est plutôt grincheux, ces derniers temps. Il en veut à tout le monde en ville, parce qu’il a fait six mois de taule. Il n’arrête pas de répéter : « un de ces jours… ».

— Un de ces jours… quoi ? demanda Riley.

— Personne ne le sait. Les gens disent que c’est une bombe à retardement. Ils ne savent pas ce qu’il a l’intention de faire. Mais il n’a jamais été vraiment violent.

Les pensées de Riley défilaient à toute allure. Etait-ce une piste fiable ?

Pendant ce temps, Bill et Lucy avaient terminé leur interrogatoire. Ils rejoignaient Riley et le chef de la police.

Bill avait l’air anormalement confiant – un changement d’attitude brutal.

— Dennis Vaughn, c’est notre homme, dit-il. Il correspond parfaitement au profil.

Riley ne répondit pas. C’était vrai, mais elle préférait ne pas tirer de conclusions hâtives.

De plus, la certitude dans la voix de Bill la mit mal à l’aise. Depuis qu’elle était arrivée, le comportement de Bill était instable. C’était une affaire très personnelle : il culpabilisait de n’avoir pas su la résoudre plus tôt. Mais son émotion pourrait devenir un problème. Elle avait besoin de s’appuyer sur lui.

Elle se tourna vers Pomeroy.

— Vous pouvez nous dire où le trouver ?

— Bien sûr, dit Pomeroy en pointant le doigt. Remontez la rue principale jusqu’à Brattleboro. Tournez à gauche. Sa maison est la troisième sur la droite.

Riley se tourna vers Lucy :

— Reste là et attends l’équipe des médecins. Ils peuvent emporter le corps. On a assez de photos.

Lucy hocha la tête.

Bill et Riley s’éloignèrent de la scène de crime. Aussitôt, des journalistes s’approchèrent, avec caméras et micros.

— Le FBI a-t-il un commentaire ? demanda l’un d’eux.

— Pas encore, dit Riley.

Elle se pencha pour passer en dessous de la rubalise, puis se faufila entre les badauds.

Un autre journaliste hurla :

— Ce meurtre a-t-il un rapport avec ceux de Metta Lunoe et de Valerie Bruner ?

— Ou avec la disparition de Meara Keagan ?

Riley se crispa. La rumeur n’allait pas tarder à courir qu’un tueur en série sévissait dans le Delaware.

— Pas de commentaire, dit-elle sèchement.

Elle ajouta :

— Si vous nous suivez, je vous fais arrêter pour obstruction à la justice.

Les journalistes reculèrent. Riley et Bill s’éloignèrent. L’affaire attirerait bientôt des journalistes et des équipes de télé plus agressives et aux méthodes douteuses. Ils allaient devoir gérer l’attention médiatique, en plus du reste.

La maison de Dennis Vaughn n’était pas loin. Ils atteignirent Brattleboro et tournèrent à gauche.

Sa maison était en mauvais état. Le toit penchait et avait été endommagé par la grêle. La peinture s’écaillait. L’herbe du jardin montait jusqu’aux genoux. Une vieille voiture était garée dans l’allée. Elle était sans doute assez large pour transporter un corps.

Bill et Riley frappèrent à la porte.

— Vous voulez quoi ? lança une voix.

— Vous êtes Dennis Vaughn ? répondit Bill.

— Oui, peut-être, pourquoi ?

Riley dit :

— Nous sommes du FBI. Nous aimerions vous parler.

La porte s’ouvrit. Dennis Vaughn apparut de l’autre côté de la moustiquaire, qui était toujours fermée. C’était un homme assez jeune, mais en surpoids et à l’allure négligée. Des poils se laissaient entrevoir sous son tee-shirt taché de nourriture.

— Qu’est-ce qu’il y a ? demanda Vaughn d’une voix agacée. Vous allez m’arrêter ?

— Nous voulons seulement vous poser quelques questions, dit Riley en lui montrant son badge. On peut entrer ?

— Pourquoi je vous ferais rentrer ? demanda Vaughn.

— Pourquoi vous ne nous feriez pas entrer ? rétorqua Riley. Vous avez quelque chose à cacher ?

— On pourrait revenir avec un mandat, ajouta Bill.

Vaughn secoua la tête. Il ouvrit le verrou et laissa les deux agents rentrer.

La maison était dans un désordre inouï. Le papier peint pendait. Le plancher était troué, ça et là. Il y avait très peu de mobilier, à part une paire de chaises et un canapé éventré. De la vaisselle sale traînait partout. Ça sentait mauvais.

Riley remarqua immédiatement les photographies punaisées sur les murs. Elles représentaient toutes des femmes ou des filles, qui ne savaient visiblement pas qu’on les prenait en photo.

Vaughn suivit le regard de Riley.

— C’est un passe-temps, dit-il. C’est grave ?

Riley ne répondit pas. Bill non plus. Il n’y avait sans doute rien d’illégal dans le fait de prendre des passantes en photo, mais Riley en eut des frissons.

Vaughn s’assit sur une chaise paillée qui craqua sous son poids.

— Vous êtes venus pour m’accuser de quelque chose, dit-il. Alors, allons-y.

Riley s’assit en face de lui. Bill resta debout.

— A votre avis, de quoi va-t-on vous accuser ? demanda-t-elle.

C’était une astuce qui marchait bien. Parfois, il était utile d’aborder le sujet indirectement et de laisser un suspect potentiel s’emmêler les pinceaux avec sa propre histoire.

Vaughn haussa les épaules.

— Un truc ou un autre, dit-il. Y a toujours quelque chose. Personne comprend rien.

— Personne ne comprend quoi ? demanda Riley.

— J’aime les filles, d’accord ? dit-il. Comme tous les mecs de mon âge. Pourquoi c’est mal ? Juste parce que c’est moi ?

Il jeta un coup d’œil aux photos, comme dans l’espoir qu’elles le défendent. Riley attendit qu’il reprenne la parole. Elle espéra que Bill ferait de même, mais l’impatience de son partenaire était palpable.

— J’essaye d’être sympa avec les filles, dit-il. C’est de ma faute, si elles comprennent pas ?

Il parlait d’une voix traînante. Riley comprit qu’il avait bu ou pris des substances. Peut-être qu’il avait un retard mental ou un problème neurologique.

— Pourquoi pensez-vous que les gens vous traitent différemment ? demanda Riley d’un ton compatissant.

— Qu’est-ce que j’en sais ?

D’un filet de voix à peine audible, il ajouta…

— Un de ces jours…

— Un de ces jours, quoi ? demanda Riley.

Vaughn haussa les épaules.

— Rien. J’en sais rien. Mais un de ces jours… C’est tout ce que je dis.

Il commençait à dire n’importe quoi. C’était à ce moment-là qu’un suspect pouvait se trahir.

Mais, avant que Vaughn n’ait eu le temps de reprendre la parole, Bill le toisa d’un air menaçant :

— Que savez-vous sur les meurtres de Metta Lunoe et de Valerie Bruner ?

— Jamais entendu parler, dit Vaughn.

Bill s’approcha tout près et Riley s’inquiéta. Elle aurait voulu lui dire d’arrêter, mais elle ne pouvait pas interférer avec sa stratégie.

— Et Meara Keagan ?

— Jamais entendu parler, non plus.

Bill parlait plus fort.

— Où étiez-vous jeudi soir ?

— Je sais pas.

— Vous voulez dire que vous n’étiez pas chez vous ?

Vaughn transpirait à grosses gouttes. Il ouvrait de grands yeux paniqués.

— Peut-être pas. Je fais pas attention. Parfois, je sors.

— Où allez-vous ?

— Je roule. Je quitte la ville. Je déteste cette ville. Je voudrais vivre ailleurs.

Bill cracha presque la question suivante :

— Et où êtes-vous allé jeudi ?

— Je sais pas. Je sais même pas si je suis sorti.

— Vous mentez, s’écria Bill. Vous êtes allé à Westree, je me trompe ? Vous avez rencontré une gentille fille, là-bas, je me trompe ?

Riley bondit de sa chaise. Bill était en train de perdre le contrôle. Elle devait l’arrêter.

— Bill, dit-elle doucement en l’attrapant par l’épaule.

Bill repoussa sa main. Il poussa Vaughn. La chaise sur laquelle ce dernier était assis cassa. Le suspect s’étala. Bill l’attrapa par le col et le poussa à travers la pièce, avant de le plaquer contre le mur.

— Bill, arrête ! cria Riley.

Bill pouvait sortir son pistolet d’une seconde à l’autre.

— Prouve-le ! grogna Bill.

Riley glissa un bras entre eux et repoussa Bill.





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Un chef-d’œuvre de suspense et de mystère. Pierce développe à merveille la psychologie de ses personnages. On a l’impression d’être dans leur tête, de connaître leurs peurs et de célébrer leurs victoires. L’intrigue est intelligente et vous tiendra en haleine tout le long du roman. Difficile de lâcher ce livre plein de rebondissements. Books and Movie Reviews, Roberto Mattos (à propos de SANS LAISSER DE TRACES) LES PENDULES A L’HEURE est le quatrième tome de la populaire série de thrillers RILEY PAIGE, qui commence avec SANS LAISSER DE TRACES (tome 1) ! On retrouve des cadavres de femmes le long d’une autoroute du Delaware. Certaines disparaissent pendant des jours. D’autres sont abandonnées, mortes, le cou brisé, les bras pointant vers le haut ou vers le bas. Pour le FBI, il devient évident que ces meurtres sont l’œuvre d’un tueur en série dangereux et insondable. Il ne s’arrêtera jamais de tuer. Voulant à tout prix résoudre cette affaire énigmatique, le FBI exhorte Riley Paige à retourner sur le terrain. La brillante Riley, quoique hantée par ses souvenirs, a le sentiment d’avoir enfin trouvé la paix. Elle est bien décidée à aider sa fille, April, à surmonter son traumatisme. Pourtant, quand les meurtres s’enchaînent, de plus en plus choquants – et quand son ancien partenaire, Bill, la supplie de l’aider –, Riley comprend qu’elle ne peut plus refuser. Son enquête la lance sur les traces des auto-stoppeuses, des fugueuses et de gamines délaissées. Quand elle découvre que le tueur retient prisonnière d’autres femmes, et qu’il est encore possible de les sauver, plus rien ne l’arrête. Encore une fois, son enquête la rapproche d’un abîme familier… Le fragile équilibre de sa vie de famille s’effondre, et sa propre santé mentale est mise à rude épreuve. Dans une course effrénée contre le temps, elle devra plonger dans l’esprit du tueur pour sauver ces femmes – et elle-même – d’une terrible fin. Sombre thriller psychologique au suspense insoutenable, LES PENDULES A L’HEURE est le quatrième tome de la série. Son intrigue et son personnage principal attachant vous pousseront à lire jusqu'à tard dans la nuit. Le tome 5 des enquêtes de Riley Paige sera bientôt disponible.

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