Книга - La Queue Entre les Jambes

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La Queue Entre les Jambes
Blake Pierce


Une Enquête de Riley Paige #3
LA QUEUE ENTRE LES JAMBES est le troisième tome de la populaire série de thrillers RILEY PAIGE, qui commence avec SANS LAISSER DE TRACES (tome 1) – un roman disponible gratuitement sur de nombreuses plateformes. Personne ne s’étonne de retrouver des prostituées mortes à Phoenix. Cependant, quand la police s’aperçoit que ces meurtres sordides sont liés, ils réalisent qu’un tueur en série sévit dans la région et que l’affaire les dépasse. Devant la nature étrange des crimes, le FBI comprend qu’il devra faire appel à son agent le plus brillant : Riley Paige. Riley hésite : elle se remet à peine de sa précédente affaire et tente de recoller les morceaux de sa vie privée. Toutefois, quand elle apprend que ces jeunes femmes sont mortes dans des circonstances bouleversantes et que le tueur est susceptible de frapper à nouveau, elle ne peut s’en empêcher. Elle se lance à la poursuite de l’insaisissable meurtrier. Sa nature obsessive l’emporte loin, très loin – peut-être trop loin, cette fois, au-delà même de ses propres limites. Ses recherches l’entraînent dans le monde troublé de la prostitution, des foyers brisés et des rêves abandonnés. Elle apprend que, même chez les prostituées, on trouve encore des lueurs d’espoir – un espoir qu’un violent psychopathe est en train de leur voler. Quand une adolescente se fait enlever, Riley se lance dans une course frénétique contre le temps et nage en eaux troubles pour atteindre les abysses de l’esprit du tueur. Mais ce qu’elle finit par découvrir, même Riley n’aurait jamais pu l’imaginer. Sombre thriller psychologique au suspense insoutenable, LA QUEUE ENTRE LES JAMBES est la troisième enquête d’une série palpitante qui met en scène un personnage principal attachant. Le roman vous poussera à lire jusqu'à tard dans la nuit. Le tome 4 des enquêtes de Riley Paige sera bientôt disponible.







L A Q U E U E E N T R E L E S J A M B E S



(UNE ENQUETE de RILEY PAIGE—TOME 3)



B L A K E P I E R C E


Blake Pierce



Blake Pierce est l’auteur de la populaire série de thrillers RILEY PAIGE : SANS LAISSER DE TRACES (tome 1), REACTION EN CHAINE (tome 2) et LA QUEUE ENTRE LES JAMBES (tome 3). Elle écrit également la série de thrillers MACKENZIE WHITE.

Fan depuis toujours de polars et de thrillers, Blake adore recevoir de vos nouvelles. N'hésitez pas à visiter son site web www.blakepierceauthor.com (http://www.blakepierceauthor.com) pour en savoir plus et rester en contact !



Copyright © 2016 par Blake Pierce. Tous droits réservés. Sauf dérogations autorisées par la Loi des États-Unis sur le droit d'auteur de 1976, aucune partie de cette publication ne peut être reproduite, distribuée ou transmise sous quelque forme que ce soit ou par quelque moyen que ce soit, ou stockée dans une base de données ou système de récupération, sans l'autorisation préalable de l'auteur. Ce livre électronique est réservé sous licence à votre seule jouissance personnelle. Ce livre électronique ne saurait être revendu ou offert à d'autres personnes. Si vous voulez partager ce livre avec une tierce personne, veuillez en acheter un exemplaire supplémentaire par destinataire. Si vous lisez ce livre sans l'avoir acheté ou s'il n'a pas été acheté pour votre seule utilisation personnelle, vous êtes prié de le renvoyer et d’acheter votre exemplaire personnel. Merci de respecter le difficile travail de cet auteur. Il s'agit d'une œuvre de fiction. Les noms, les personnages, les entreprises, les organisations, les lieux, les événements et les incidents sont le fruit de l'imagination de l'auteur ou sont utilisés dans un but fictionnel. Toute ressemblance avec des personnes réelles, vivantes ou mortes, n'est que pure coïncidence. Image de couverture : Copyright GoingTo, utilisée en vertu d'une licence accordée par Shutterstock.com.


DU MÊME AUTEUR



LES ENQUÊTES DE RILEY PAIGE

SANS LAISSER DE TRACES (Tome 1)

REACTION EN CHAINE (Tome 2)

LA QUEUE ENTRE LES JAMBES (Tome 3)



LES ENQUÊTES DE MACKENZIE WHITE

AVANT QU'IL NE TUE (Tome 1)


TABLE DES MATIÈRES

PROLOGUE (#u8d71c359-7326-554d-95db-d8c060b635c0)

CHAPITRE UN (#uc897a58f-9fa7-5817-bfb5-0dbd7d4d3e88)

CHAPITRE DEUX (#u75c292fc-1fab-5d85-93e3-f0ffc76ba45b)

CHAPITRE TROIS (#ufc8a78c3-0bca-5dc3-a18b-c6eb4cb71c8b)

CHAPITRE QUATRE (#ubc8939d7-25a8-5248-b350-d56f6f2c5fac)

CHAPITRE CINQ (#u2ed29947-cecd-5fa4-8037-52d9c71b2d31)

CHAPITRE SIX (#ue66033b9-056f-5d5e-b01c-b28efd7fe80e)

CHAPITRE SEPT (#uff274602-1a0d-55d1-93bc-c68eec538a99)

CHAPITRE HUIT (#u9fad6b26-6944-5c29-a12b-d17334a7fcc0)

CHAPITRE NEUF (#u9b3a4c24-6f39-5803-8b64-00370f4987ec)

CHAPITRE DIX (#litres_trial_promo)

CHAPITRE ONZE (#litres_trial_promo)

CHAPITRE DOUZE (#litres_trial_promo)

CHAPITRE TREIZE (#litres_trial_promo)

CHAPITRE QUATORZE (#litres_trial_promo)

CHAPITRE QUINZE (#litres_trial_promo)

CHAPITRE SEIZE (#litres_trial_promo)

CHAPITRE DIX-SEPT (#litres_trial_promo)

CHAPITRE DIX-HUIT (#litres_trial_promo)

CHAPITRE DIX-NEUF (#litres_trial_promo)

CHAPITRE VINGT (#litres_trial_promo)

CHAPITRE VINGT-ET-UN (#litres_trial_promo)

CHAPITRE VINGT-DEUX (#litres_trial_promo)

CHAPITRE VINGT-TROIS (#litres_trial_promo)

CHAPITRE VINGT-QUATRE (#litres_trial_promo)

CHAPITRE VINGT-CINQ (#litres_trial_promo)

CHAPITRE VINGT-SIX (#litres_trial_promo)

CHAPITRE VINGT-SEPT (#litres_trial_promo)

CHAPITRE VINGT-HUIT (#litres_trial_promo)

CHAPITRE VINGT-NEUF (#litres_trial_promo)

CHAPITRE TRENTE (#litres_trial_promo)

CHAPITRE TRENTE ET UN (#litres_trial_promo)

CHAPITRE TRENTE-DEUX (#litres_trial_promo)

CHAPITRE TRENTE-TROIS (#litres_trial_promo)

CHAPITRE TRENTE-QUATRE (#litres_trial_promo)

CHAPITRE TRENTE-CINQ (#litres_trial_promo)

CHAPITRE TRENTE-SIX (#litres_trial_promo)

CHAPITRE TRENTE-SEPT (#litres_trial_promo)

CHAPITRE TRENTE-HUIT (#litres_trial_promo)

CHAPITRE TRENTE-NEUF (#litres_trial_promo)

CHAPITRE QUARANTE (#litres_trial_promo)

CHAPITRE QUARANTE ET UN (#litres_trial_promo)




Prologue


Janine crut apercevoir une tache sombre dans l’eau. C’était grand et noir, et ça se balançait au rythme des vaguelettes.

Elle tira sur la pipe à cannabis, avant de la tendre à son copain. Et si c’était un très gros poisson ? Ou une autre bête ?

Janine secoua la tête, comme pour faire taire son imagination. Elle avait envie de se détendre. Pas la peine de flipper. Le lac Nimbo était un réservoir artificiel de poissons destinés à la pêche, comme il en existait en Arizona. S’il y avait un monstre du Loch Ness là-dedans, ça se saurait.

Colby lança :

— Oh putain, le lac est en feu !

Janine se tourna vers son copain. La lumière de fin d’après-midi mettait en valeur ses taches de rousseur et ses cheveux roux. Il venait de tirer sur la pipe et regardait maintenant le lac avec une expression d’émerveillement stupide.

Janine gloussa :

— T’es défoncé, mon pote, dit-elle.

— Oui, mais regarde le lac !

Janine se tourna vers le lac Nimbo. Elle n’était pas encore complètement défoncée, mais il était certain que la vue était splendide. Le soleil de fin d’après-midi enflammait le canyon d’or et de rouge. Les eaux reflétaient le spectacle comme un miroir.

En espagnol, « nimbo » signifiait « nimbe ». Ce nom convenait très bien au lac.

Elle reprit la pipe des mains de Colby et tira longuement dessus. La fumée laissa une traînée brûlante dans sa gorge. Elle était tout près de la défonce. Trop bien…

D’accord, mais c’était quoi, cette tache noire dans l’eau ?

Rien. Juste une illusion d’optique, se dit-elle.

Mieux valait ne pas y penser. Tout était tellement parfait. C’était leur endroit préféré, à elle et à Colby. C’était magnifique, douillet et intime, loin des campings, loin de tout et de tout le monde.

Ils venaient en général le week-end mais, aujourd’hui, ils avaient séché l’école. Il faisait trop beau pour s’enfermer dans une classe. La voiture de Colby était garée sur la route de terre, derrière eux.

Un vertige lui monta à la tête – le début d’une défonce royale. Soudain, le lac lui parut trop lumineux et trop superbe à regarder. Elle se tourna vers Colby. Il était beau, lui aussi. Elle le saisit par le col et l’embrassa. Il avait bon goût. Tout était merveilleux, chez lui.

Elle le repoussa doucement et le regarda dans les yeux, le souffle court.

— « Nimbo », ça veut dire « nimbe », tu le savais ?

— Ouah, dit-il. Ouah…

On aurait dit qu’il n’avait jamais rien entendu d’aussi fantastique. C’était marrant, comme si on lui avait parlé de Dieu. Janine se mit à rire et Colby l’imita. Quelques secondes plus tard, ils tombèrent dans les bras l’un de l’autre.

Janine se dégagea.

— Qu’est-ce que t’as ? demanda Colby.

— Rien.

Elle retira son dos nu. Les yeux de Colby s’écarquillèrent.

— Qu’est-ce que tu fais ? demanda-t-il.

— Qu’est-ce que tu crois que je fais ?

Elle remonta le T-shirt de Colby sous ses aisselles.

— Attend, souffla-t-il. Ici ?

— Pourquoi pas ? C’est mieux qu’à l’arrière de ta caisse. Personne regarde.

— Mais un bateau…

Janine éclata de rire.

— Et s’il y a un bateau qui passe, et alors ?

Colby coopéra : il l’aida à retirer son T-shirt. L’excitation les rendait tous deux fébriles et maladroits. Janine n’arrivait pas à croire qu’ils n’avaient jamais fait ça avant. Après tout, ce n’était pas la première fois qu’ils venaient fumer ici.

Cependant, cette tache dans l’eau… Janine n’arrivait pas à la chasser de sa mémoire. C’était bien quelque chose et il fallait qu’elle sache quoi, sinon ça lui gâcherait tout son plaisir.

Le souffle court, elle se leva.

— Viens, dit-elle. Je veux vérifier un truc.

— Quoi ?

— Je sais pas. Viens.

Elle prit la main de Colby et tous deux dévalèrent en trottinant la pente douce jusqu’au rivage. La défonce de Janine se changeait en bad trip. Elle le sentait. Elle détestait quand ça arrivait. Plus vite ils régleraient cette histoire, mieux ça irait.

Tout de même, elle aurait préféré avoir les idées claires.

A chacun de ses pas, la tache noire se précisait. C’était du plastique noir. Il y avait une forme blanche et longue à côté.

Janine finit par comprendre que c’était un sac poubelle. Il était ouvert et la forme d’une main étrangement pâle se laissait entrevoir par l’ouverture.

Un mannequin, peut-être, pensa Janine.

Elle se pencha pour y voir plus clair. La peau blafarde et le vernis rouge sur les ongles offraient un contraste sinistre. Un éclair de compréhension traversa le corps de Janine avec la même force qu’un choc électrique.

C’était une vraie main. La main d’une femme. Le sac poubelle contenait un cadavre.

Janine se mit à hurler. Elle entendit Colby crier aussi.

Elle sut qu’elle serait incapable de se calmer pendant de très longues minutes.




Chapitre un


Riley savait que les diapositives qu’elle s’apprêtait à montrer aux étudiants du FBI les choqueraient. Certains d’entre eux seraient peut-être même incapables d’en supporter davantage. Elle balaya du regard les jeunes gens qui la fixaient d’un air intéressé, derrière les pupitres disposés en demi-cercle.

Voyons voir comment ça se passe, pensa-t-elle. Cela pourra leur servir.

Bien sûr, Riley savait que les meurtres en série étaient relativement rares, comparés aux autres délits. Cependant, les étudiants devaient tout apprendre. Ils voulaient travailler sur le terrain et ils sauraient bien assez tôt que la police avait peu d’expérience et de connaissance dans ce domaine. L’agent spécial Riley Paige était, elle, une experte.

Elle appuya sur le bouton de la télécommande. La première image n’avait rien de violent. Elle montrait cinq portraits de femmes au fusain, de la plus jeune à la plus âgée. Tous les modèles étaient beaux et souriants. Les dessins avaient été exécutés avec beaucoup de talent.

Riley expliqua :

— Ces cinq portraits ont été réalisés il y a huit ans par un artiste du nom de Derrick Caldwell. Chaque été, il dessinait les touristes sur la promenade de Dunes Beach, ici même, en Virginie. Ces femmes font partie de ses derniers clients.

Riley appuya sur le bouton pour faire apparaître l’image sinistre d’un congélateur rempli de membres humains. Elle entendit ses étudiants pousser des hoquets de surprise et d’horreur.

— Voilà ce qu’elles sont devenues, dit Riley. Alors qu’il était en train de les dessiner, Derrick Caldwell s’est convaincu, et je le cite, qu’elles étaient trop belles pour vivre. Il les a suivies une par une, tuées, démembrées et stockées dans son congélateur.

Riley appuya sur le bouton. La nouvelle série de photographies était encore plus choquante : les clichés avaient été pris dans le laboratoire, pendant que l’équipe médicale essayait d’assembler les corps.

— Caldwell avait mélangé les différentes parties pour déshumaniser ses victimes et les rendre méconnaissables.

Riley se tourna vers sa classe. Un étudiant se précipita vers la sortie en se tenant le ventre. D’autres avaient l’air d’avoir envie d’en faire autant. Quelques uns pleuraient. Seule une poignée demeura imperturbable.

Paradoxalement, Riley sentit que les étudiants les plus stoïques seraient les moins préparés au travail sur le terrain. A leurs yeux, ce n’étaient que des images. Ce n’était pas réel. Quand ils seraient les témoins directs de l’horreur, ils auraient dû mal à le supporter. Le stress post-traumatique les affecterait d’autant plus. Parfois, une flamme sortie d’un chalumeau au propane dansait encore dans la mémoire de Riley, mais elle allait mieux. Elle avait appris qu’il fallait toucher le fond pour apprendre à guérir.

— Et maintenant, dit Riley, je vais vous donner une série de phrases toutes faites sur les tueurs en série. Vous allez me dire si elles relèvent du mythe ou de la réalité. La première : la plupart des tueurs en série sévissent pour des raisons sexuelles. Mythe ou réalité ?

Des mains se levèrent. Riley pointa du doigt un étudiant qui semblait avoir très envie de répondre.

— Réalité ?

— Oui, en effet, c’est une réalité, dit Riley. Un tueur en série peut avoir d’autres raisons, mais ce facteur intervient fréquemment. L’élément sexuel peut prendre des formes étranges. Derrick Caldwell est un bon exemple. Le médecin légiste a déterminé qu’il avait commis des actes de nécrophilie sur les corps de ses victimes avant de les démembrer.

La plupart des étudiants prirent des notes sur leurs ordinateurs. Riley poursuivit :

— Une autre phrase : les tueurs en série deviennent plus violents de meurtre en meurtre.

Des mains se levèrent à nouveau. Cette fois, Riley choisit un étudiant assis au fond.

— Réalité ?

— Mythe, répondit Riley. Il y a quelques exceptions mais, le plus souvent, il n’y a pas d’escalade de la violence. Derrick Caldwell a infligé la même chose à toutes ses victimes. Mais il était imprudent. Il n’avait rien d’un génie du mal. Il en a trop fait : il a capturé ses victimes sur une période très courte d’un mois et demi. En attirant l’attention sur lui, il a rendu sa propre arrestation inévitable.

Elle jeta un coup d’œil à la pendule. Son heure était écoulée.

— C’est tout pour aujourd’hui, dit-elle. Mais il y a bien d’autres mythes qui circulent sur les meurtres en série. La base de données de l’Unité d’Analyse Comportementale est très importante et j’ai moi-même travaillé dans tous le pays. Nous avons encore beaucoup de choses à voir.

Les étudiants s’égaillèrent, mais trois ou quatre s’approchèrent du bureau, où Riley était en train de rassembler ses affaires.

Un jeune homme demanda :

— Agent Paige, vous avez travaillé sur l’affaire Derrick Caldwell ?

— Oui. Ce n’est pas une histoire que je vous raconterai aujourd’hui.

En vérité, elle n’avait pas du tout envie de la raconter, mais elle n’en dit rien.

Une jeune femme enchaîna :

— Caldwell a été exécuté pour ses crimes ?

— Pas encore.

En faisant de son mieux pour ne pas être grossière. Riley contourna ses étudiants et se dirigea vers la sortie. Elle n’avait pas envie de parler de Caldwell et de son exécution imminente. En fait, la date allait être fixée très bientôt. En tant que responsable de son arrestation, elle serait invitée à y assister. Elle n’était pas sûre de vouloir y aller.

Cet après-midi de septembre était superbe. En plus, elle était encore en congé.

Elle souffrait de stress post-traumatique depuis sa captivité aux mains d’un psychopathe. Elle avait fini par s’échapper et tuer son assaillant, mais elle avait ensuite refusé tous les congés que son patron lui avait offerts. Sa dernière affaire l’avait lancée à la poursuite d’un homme qui s’était suicidé sous ses yeux en tranchant sa propre gorge.

Elle y repensait souvent. Quand son superviseur Brent Meredith lui avait proposé une nouvelle affaire, elle avait décliné l’invitation. Elle avait accepté de donner un cours dans l’unité de formation du FBI à la place.

Elle s’assit dans sa voiture et démarra. Oui, elle avait fait le bon choix. Elle avait retrouvé la paix et la tranquillité.

Cependant, pendant qu’elle conduisait, une impression familière fit battre son sang un peu plus vite. Quelque chose allait se produire. Son instinct la trompait rarement.

Elle pouvait s’accrocher à cette vie paisible autant qu’elle le voulait… Elle savait que ça ne durerait pas.




Chapitre deux


Riley sursauta quand son sac vibra. Elle se gara devant l’entrée de sa nouvelle maison et sortit son téléphone portable. Son cœur manqua un battement.

C’était un message de Brent Meredith.

Appelez-moi.

Riley s’inquiéta. Son patron voulait peut-être seulement prendre de ses nouvelles. Il faisait ça souvent. D’un autre côté, il avait peut-être l’intention de lui faire reprendre le travail. Et alors, que ferait-elle ?

Je lui dirai non, bien sûr, se convainquit Riley.

Ce ne serait pas facile. Elle appréciait son patron. En outre, il savait se montrer persuasif. Elle éloigna son téléphone pour ne pas avoir à prendre cette décision tout de suite.

Quand elle ouvrit la porte d’entrée, son inquiétude momentanée disparut. Tout allait si bien depuis qu’elle avait emménagé.

Une voix aimable l’interpella.

— ¿ Quién es ?

— Soy yo, répondit Riley. Je suis rentrée, Gabriela.

La silhouette trapue de sa bonne guatémaltèque apparut dans l’embrasure de la porte de la cuisine. Elle s’essuyait les mains sur un torchon. Il était agréable de revoir le sourire de Gabriela. Elle travaillait pour eux depuis des années, bien avant que Riley ne se sépare de Ryan. Gabriela avait accepté d’emménager avec Riley et sa fille. Riley lui en était reconnaissante.

— Vous avez passé une bonne journée ? demanda Gabriela.

— Oui, une très bonne journée.

— ¡ Qué bueno !

Gabriela disparut à nouveau dans la cuisine en chantant en espagnol. Des odeurs délicieuses embaumaient toute la maison.

Riley balaya le salon du regard. Elle avait emménagé récemment avec sa fille. La maison aux allures de ranch où elles avaient habité après le divorce était trop isolée. En outre, Riley avait ressenti le besoin de changer d’air, pour elle et pour April. Ryan leur versait maintenant une généreuse pension alimentaire. Il était temps de repartir à zéro.

Il restait encore quelques détails à régler. Le mobilier était un peu vieux et semblait peu à sa place dans le salon flambant neuf. L’un des murs était vide et Riley n’avait plus d’images à y suspendre. Peut-être qu’elle pourrait aller faire des emplettes avec April, ce week-end… L’idée lui plut. Elle vivait enfin une vie normale au lieu de courir après les psychopathes.

En parlant d’April… Où était-elle ?

Elle tendit l’oreille. Il n’y avait pas de musique dans la chambre de sa fille. Ce fut alors qu’elle entendit April hurler.

Elle était dans le jardin. Riley traversa à toute allure le salon et fit irruption sur la terrasse. La tête et le torse de sa fille apparurent par-dessus la clôture, avant de disparaître à nouveau. Riley mit quelques secondes avant de comprendre. Elle éclata de rire. Elle avait eu tort de réagir si vivement. Il est vrai qu’elle avait récemment arraché sa fille des mains d’un taré…

April rebondissait en rythme de l’autre côté de la clôture, en poussant des petits cris d’excitation. Elle était en train de sauter sur le trampoline des voisins. Elle avait fait connaissance avec la fille qui habitait là : c’était une adolescente de son âge et elles allaient à la même école.

— Fais attention ! l’interpella Riley.

— Tout va bien, Maman !

Riley éclata de rire. C’était un bruit inhabituel, son rire – l’expression d’une émotion trop longtemps oubliée. Elle allait devoir s’y réhabituer.

Elle voulait également s’habituer à la joie de sa fille. Elle avait eu si souvent affaire à une April renfrognée et boudeuse, même pour une adolescente… Riley ne lui en voulait pas. Après tout, elle n’avait pas été à la hauteur dans son rôle de mère. Elle essayait de se rattraper.

C’était sans doute ce qu’elle préférait dans sa nouvelle vie : sur le terrain, les horaires étaient imprévisibles. Maintenant, l’emploi du temps de Riley coïncidait avec celui de April. Elle redoutait le moment où cela changerait à nouveau.

Profitons-en pendant que ça dure…

Elle tourna les talons, juste au moment où la sonnette retentissait.

— J’y vais, Gabriela.

Elle ouvrit la porte. Un homme souriant, qu’elle n’avait jamais vu, se trouvait sur le perron.

— Bonjour, dit-il un peu timidement. Je m’appelle Blaine Hildreth. J’habite à côté. Votre fille est avec la mienne, Crystal.

Il tendit un paquet à Riley.

— Bienvenue dans le quartier. Je vous ai apporté un petit cadeau pour la pendaison de crémaillère.

— Oh…

Riley n’était pas habituée à recevoir ce genre d’attentions. Elle mit du temps avant de trouver la réponse appropriée :

— Je vous en prie : entrez.

Elle accepta avec embarras le paquet et invita Blaine à s’asseoir dans un fauteuil. Elle s’assit à son tour, en gardant le cadeau sur ses genoux. Blaine Hildreth la dévisagea, comme s’il attendait quelque chose.

— C’est très gentil à vous, dit-elle en déballant le paquet.

Il contenait un service de tasses colorées, avec des papillons et des fleurs.

— Elles sont ravissantes, dit Riley. Je peux vous offrir un café ?

— Merci, avec joie.

Riley appela Gabriela qui passa la tête par l’embrasure de la porte.

— Gabriela, pourriez-vous nous préparer du café ? Servez-le dans ces tasses. Blaine, qu’est-ce que vous voulez ?

— Noir, ça ira.

Gabriela emporta le paquet dans la cuisine.

-Je m’appelle Riley Paige, dit-elle. Merci d’être passé. Et merci pour le cadeau.

— Je vous en prie.

Gabriela leur servit du café chaud, avant de retourner dans la cuisine. Riley se surprit à détailler son voisin du regard… Après tout, elle était maintenant célibataire et elle ne put s’en empêcher. Elle espéra qu’il ne s’en rendrait pas compte.

Oh, de toute façon, il fait peut-être la même chose avec moi…

Elle remarqua d’abord qu’il ne portait pas d’alliance. Veuf ou divorcé.

Ensuite, elle estima qu’il devait avoir son âge, peut-être un peu plus jeune, peut-être à la fin de la trentaine.

Enfin, elle songea qu’il était beau – raisonnablement beau. Son front commençait à se dégarnir, ce qui n’était pas un problème. Il avait l’air en forme et musclé.

— Alors, qu’est-ce que vous faites dans la vie ? demanda Riley.

Blaine haussa les épaules.

— J’ai un restaurant. Vous connaissez Blaine’s Grill ?

Impressionnant ! Blaine’s Grill était l’endroit le plus sympa pour déjeuner à Fredericksburg. Riley avait entendu dire que c’était encore meilleur le soir, mais elle n’avait jamais eu l’occasion d’essayer.

— J’y suis allée, dit-elle.

— Eh bien, il m’appartient. Et vous ?

Riley prit une longue inspiration. Il n’était jamais facile de dire à un étranger ce qu’elle faisait dans la vie. Les hommes, surtout, étaient souvent intimidés.

— Je suis du FBI, dit-elle. Je suis… agent de terrain.

Les yeux de Blaine s’écarquillèrent.

— Ah vraiment ?

— Oui, mais je suis en congé pour le moment. J’enseigne.

Blaine se pencha vers elle, une lueur de respect et d’intérêt dans le regard.

— Je suis sûr que vous avez un tas d’histoires à raconter. Ça m’intéresserait.

Riley étouffa un rire nerveux. Serait-elle capable de raconter à quelqu’un qui ne travaillait pas au FBI certaines des choses dont elle avait été le témoin ? Ce serait encore plus difficile de parler de ce qu’elle avait fait, elle.

— Je ne pense pas, dit-elle d’un ton un peu sec.

Elle vit Blaine se tendre comme un arc. Elle s’était peut-être montrée grossière.

— Excusez-moi, dit-il. Je ne voulais pas vous mettre mal à l’aise.

Ils discutèrent aimablement après cet incident, mais Riley remarqua que son voisin était un peu plus réservé qu’auparavant. Quand il prit congé, Riley le raccompagna, puis elle referma la porte en poussant un soupir sonore. Elle se rendait elle-même inaccessible à ceux qui l’entouraient. La femme qui commençait une nouvelle vie, c’était toujours cette bonne vieille Riley Paige.

Cela n’avait pas d’importance. Elle n’avait pas besoin d’un homme, au contraire. Il fallait qu’elle fasse le tri dans sa vie. Ensuite, elle pourrait avancer.

Mais il avait été agréable de bavarder avec un bel homme et c’était un soulagement d’avoir enfin des voisins. Des voisins plutôt sympathiques.



*



Quand Riley et sa fille se mirent à table pour dîner, April tripotait encore son smartphone.

— S’il te plait, arrête avec les textos. On mange.

— Une seconde, Maman, dit April sans lever le nez.

Le comportement de April, si typique d’une adolescente, n’irritait pas vraiment Riley. Il y avait des bons côtés. Cela voulait dire que April se faisait des amis. D’ailleurs, elle se débrouillait bien à l’école. Elle avait de meilleures fréquentations qu’avant. April devait être en train de communiquer avec un garçon qui lui plaisait. Elle n’en avait pas encore parlé à Riley.

April lâcha son téléphone quand Gabriela servit un plat de chiles rellenos. L’adolescente étouffa un rire malicieux.

— C’est assez picante, Gabriela ? demanda-t-elle.

— Sí, répondit Gabriela en souriant.

C’était une blague qu’elles seules pouvaient comprendre. Ryan détestait les plats trop pimentés. En fait, il ne pouvait tout simplement pas manger de piment. April et Riley, elles, adoraient ça. Gabriela avait reçu l’instruction de ne plus se retenir – du moins, pas autant qu’avant. Riley doutait qu’elle aurait pu supporter une authentique recette guatémaltèque.

En s’asseyant à son tour, Gabriela se tourna vers Riley.

— Le jeune homme est guapo, no ?

Riley s’empourpra.

— Beau ? Je n’ai pas remarqué, Gabriela.

La bonne éclata de rire. Elle remplit son assiette et se mit à manger en chantonnant un petit air. Ce devait être une chanson d’amour. April dévisageait sa mère.

— Quel jeune homme, Maman ?

— Oh, notre voisin est passé…

April l’interrompit avec un enthousiasme non dissimulé.

— Oh là là ! Le papa de Crystal ? C’était lui, hein ? Il est trop beau !

— Et je crois qu’il est célibataire, ajouta Gabriela.

— Oh, arrêtez, vous deux, dit Riley. Laissez-moi vivre. Je n’ai pas besoin que vous me rencardiez avec le voisin.

Elles piochèrent dans le plat de poivron farcis. Le dîner était presque terminé quand Riley sentit son téléphone vibrer dans sa poche.

Merde, pensa-t-elle. Je n’aurais pas dû l’apporter à table.

Elle pourrait très bien ne pas répondre. Depuis qu’elle était rentrée, Brent lui avait envoyé deux messages supplémentaires. Elle s’était répété qu’elle rappellerait plus tard, mais elle ne pouvait plus repousser l’échéance. Elle sortit de table en s’excusant et décrocha.

— Riley, je suis désolé de vous déranger, dit son patron, mais j’ai vraiment besoin de votre aide.

Riley fut surpris d’entendre Meredith l’appeler par son prénom. Cela n’arrivait quasiment jamais. Ils étaient proches, mais toujours professionnels.

— Qu’est-ce qui se passe ? demanda Riley.

Meredith ne répondit pas tout de suite. Pourquoi hésitait-il ? Le ventre de Riley fit un nœud. Le moment qu’elle redoutait était arrivé.

— Riley, j’aimerais vous demander une faveur, à titre personnel, dit-il d’une voix moins ferme que d’habitude. On m’a confié une affaire de meurtre à Phoenix.

Riley s’étonna :

— Un seul meurtre ? Pourquoi ça concerne le FBI ?

— J’ai un ami qui travaille dans le bureau de Phoenix. Garrett Holbrook. Nous avons fait notre formation ensemble. C’est sa sœur Nancy qui a été tuée.

— Je suis désolée, dit Riley. Mais la police…

Une note inhabituelle de supplique fit traîner la voix de Meredith :

— Garrett a vraiment besoin de notre aide. C’était une prostituée. Elle a disparu et ils ont retrouvé son corps dans un lac. Il veut qu’on y travaille comme si c’était l’œuvre d’un tueur en série.

C’était une requête bizarre. Les prostituées disparaissaient souvent, sans pour autant avoir été assassinées. Parfois, elles décidaient de changer d’air, tout simplement.

— A-t-il une raison de penser que c’est le cas ?

— Je ne sais pas, répondit Meredith. Peut-être qu’il essaye de s’en convaincre pour nous impliquer. Mais, après tout, c’est vrai : les prostituées sont souvent la cible des tueurs en série.

En effet, leur choix de vie les exposait au danger. Elles se rendaient visibles et accessibles. Elles acceptaient de rester seules avec des inconnues et elles étaient souvent accros à la drogue.

Meredith poursuivit :

— Il m’a appelé personnellement. Je lui ai promis que j’enverrais mes meilleurs agents. Et, bien sûr, vous en faites partie.

Meredith ne lui rendait pas les choses faciles.

— S’il vous plait, essayez de comprendre, Monsieur, dit-elle. Je ne peux pas prendre d’affaire pour le moment.

Ce n’était pas tout à fait honnête. Je ne peux pas ou je ne veux pas ? se demanda-t-elle. Après l’expérience traumatisante qu’elle avait vécue aux mains d’un tueur en série, tout le monde avait insisté pour qu’elle prenne un congé. Elle avait essayé, mais un besoin désespéré de travailler l’avait ramenée sur le terrain. Elle commençait à se demander pourquoi. Elle avait été imprudente. Elle s’était mise en danger plus d’une fois. Elle avait eu du mal à mettre de l’ordre dans sa vie. Quand elle avait enfin tué Peterson, son tourmenteur, elle avait cru laisser tout cela derrière elle, mais il continuait de la hanter, tout comme la manière dont s’était terminée sa dernière affaire.

Au bout d’un moment, elle ajouta :

— J’ai besoin de rester loin du terrain encore un peu. Je suis toujours en congé et j’essaye de redémarrer.

Un long silence suivit ses mots. Meredith n’allait pas insister et il n’allait pas affirmer son autorité, mais il n’était pas satisfait non plus. Il ne relâcherait pas la pression.

Elle l’entendit pousser un soupir au bout du fil.

— Garrett ne voyait plus Nancy depuis des années. Ce qui est arrivé le bouffe de l’intérieur. Il va retenir la leçon. On ne doit pas laisser ceux qu’on aime s’éloigner.

Riley faillit lâcher le téléphone. Meredith venait de toucher une corde sensible. Riley avait perdu le contact avec sa grande sœur des années plus tôt. Elles ne se voyaient plus. En fait, Riley n’avait plus pensé à Wendy depuis longtemps. Elle ne savait même pas ce qu’elle faisait dans la vie.

Meredith enchaîna :

— Promettez-moi que vous y penserez.

— Je vous le promets, dit Riley.

Ils raccrochèrent. Riley se sentit mal. Meredith l’avait aidée à traverser des moments difficiles et il ne lui avait jamais montré une telle vulnérabilité. Elle n’avait pas envie de le laisser tomber. Et elle venait de promettre d’y réfléchir.

Elle n’était pas sûre de pouvoir refuser.




Chapitre trois


L’homme était assis dans sa voiture garée sur le parking. Il observait la pute qui marchait sur le trottoir. Elle se faisait appeler « Mousseline ». Sans doute pas son vrai non. Il y avait bien des choses qu’il ne savait pas sur elle.

Je pourrais la faire parler, pensa-t-il. Mais pas ici. Pas maintenant.

Il ne la tuerait pas aujourd’hui. Pas si près de son lieu de travail – la salle de gym. De là où il se tenait, il pouvait apercevoir les vieilles machines de musculation à travers la vitrine. Trois tapis, un rameur et des poids. Rien ne fonctionnait. Pour ce qu’il en savait, personne ne venait là pour faire du sport.

Pas du sport comme on en fait habituellement, pensa-t-il avec un rictus.

Il n’était pas venu souvent – pas depuis qu’il avait tué la brunette qui bossait là quelques années plus tôt. Bien sûr, il ne l’avait pas assassinée ici. Il l’avait attirée dans un motel pour des « petits extras » et avec la promesse de payer grassement.

Ce n’était pas un meurtre prémédité. Il lui avait couvert la tête d’un sac en plastique, mais uniquement par jeu, pour assouvir un fantasme. Quand tout avait été terminé, sa propre satisfaction l’avait pris par surprise. Il avait ressenti un plaisir épicurien. Un plaisir très différent de tout ce qu’il avait connu jusqu’à cet instant.

Depuis, il s’était montré plus prudent pendant ses rendez-vous galants. Du moins, jusqu’à la semaine dernière, quand le même jeu sexuel s’était mal terminé pour son escort… Comment s’appelait-elle, déjà ?

Ah oui. Nanette.

Ce ne devait pas être son vrai nom. Il ne saurait jamais. Au fond de lui, il savait que sa mort n’était pas un accident. Pas vraiment. Il avait fait ce qu’il avait voulu faire. Et sa conscience demeurait sans taches. Il était prêt à recommencer.

Celle qui se faisait appeler Mousseline s’approchait. Vêtue d’un bustier jaune et d’une jupe microscopique, elle trottinait vers la salle de gym sur des talons effroyablement hauts, tout en parlant au téléphone.

Il aurait vraiment aimé savoir si c’était son vrai nom. Leur seule rencontre professionnelle s’était mal passée – à cause d’elle, pas de lui. Quelque chose chez elle l’avait dégoûté.

Elle devait être plus âgée qu’elle ne le prétendait. Il ne le voyait pas seulement à son corps : même les putes de moins de vingt ans avaient des vergetures de grossesse. Et ce n’étaient pas non plus ses rides qui lui donnaient la puce à l’oreille : les putes vieillissaient plus vite que toutes les autres femmes.

Il n’arrivait pas à mettre le doigt dessus, mais il y avait quelque chose chez elle qui le dérangeait. Ses fausses minauderies de gamine n’étaient pas très professionnelles – même les débutantes n’en faisaient pas autant.

Elle gloussait un peu trop, comme une gosse en train de jouer. Elle était trop impatiente. Le plus étrange, c’était qu’il la soupçonnait d’aimer son travail.

Une pute qui aime baiser, pensa-t-il. Qui a jamais entendu parler d’une chose pareille ?

Franchement, c’était presque un tue-l’amour.

Au moins, ce n’était pas une fliquette sous couverture. Il l’aurait démasquée en un clin d’œil.

Quand elle fut assez près pour le voir, il klaxonna. Elle s’arrêta de parler au téléphone et jeta un regard dans sa direction, en se protégeant les yeux contre le soleil matinal. Quand elle le reconnut, elle sourit et lui adressa un signe. Elle semblait parfaitement sincère.

Elle contourna la salle de gym pour entrer par la porte de service. Elle avait probablement rendez-vous à l’intérieur. Peu importait : il l’embaucherait un autre jour. En attendant, il avait l’embarras du choix.

A la fin de leur premier rendez-vous, elle l’avait rassuré d’une voix enjouée et un peu gênée :

— Reviens quand tu veux, lui avait-elle dit. Ça ira mieux, la prochaine fois. Tout se passera bien. Ce sera très excitant.

— Oh, Mousseline, murmura-t-il. Tu n’as pas idée.




Chapitre quatre


Des coups de feu résonnaient tout autour de Riley. A sa droite, elle entendait surtout le claquement sec des balles de pistolet. A sa gauche, l’armement était plus lourd : des mitrailleuses et des fusils d’assaut.

Au milieu de la clameur sourde, elle tira son Glock de son étui, s’allongea sur le ventre et tira six fois. Elle se redressa pour s’agenouiller et tira trois coups. Elle rechargea avec adresse, puis se leva et tira six coups. Enfin, elle termina son entraînement en tirant trois coups supplémentaires de la main gauche.

Elle rangea son pistolet et s’éloigna de la ligne de tir, tout en retirant ses cache-oreilles et ses lunettes protectrices. La cible se trouvait à une distance de vingt-deux mètres. Même d’ici, Riley vit qu’elle l’avait touchée. Autour d’elle, les étudiants du FBI poursuivaient leur entraînement sous la direction d’un instructeur.

Riley n’avait pas utilisé son arme depuis longtemps, même si elle ne s’en séparait jamais au travail. Elle avait réservé cette ligne de tir pour se dérouiller l’œil. Le recul puissant de son arme lui apportait toujours la même satisfaction.

Une voix l’interpella :

— Un peu vieux jeu, non ?

Elle se retourna et répondit au sourire de l’agent spécial Bill Jeffreys. Quelques années plus tôt, le FBI avait changé les modules de l’entraînement au tir. Savoir tirer en position allongée n’était plus nécessaire. On mettait aujourd’hui l’accent sur le tir à bout portant, sur une distance de trois à six mètres. Le système de réalité virtuelle plongeait les agents dans des scénarios d’altercations rapprochées. Souvent, les étudiants s’entraînaient aussi dans la célèbre Hogan’s Alley – une ville factice où ils combattaient de faux terroristes avec des armes de paint-ball.

— J’aime bien faire les choses à ma façon, dit-elle. Je pourrais en avoir besoin.

De sa propre expérience, Riley savait que les altercations rapprochées, et inattendues, étaient plus fréquentes sur le terrain. Au cours de ses deux dernières affaires, elle avait même été obligée de se battre à mains nues. Elle avait tué l’un en retournant son propre couteau contre lui et l’autre avec un caillou pointu.

— Tu crois qu’ils préparent bien ces gamins pour le terrain ? demanda Bill en lui montrant du menton les étudiants.

— Non, pas vraiment. C’est de la réalité virtuelle. Il n’y a pas de danger immédiat, pas de douleur, pas de fureur à contrôler. Au fond, dans un scénario virtuel, on sait très bien qu’on ne sera pas tué.

— Ouais, dit Bill. Ils apprendront sur le tas, comme on l’a fait il y a des années.

Riley lui jeta un regard en coin.

Comme elle, il avait quarante ans et quelques cheveux gris. Avait-elle le droit de le comparer à son voisin plus mince ?

Comment s’appelait-il ? Ah oui. Blaine.

Blaine était beau, mais elle n’était sûre de le préférer à Bill. Bill était costaud, solide et plutôt attirant.

— Qu’est-ce qui t’amène ? demanda-t-elle.

— J’ai entendu dire que tu étais là.

Riley lui adressa un coup d’œil gêné. Ce n’était sans doute pas une visite de courtoisie. Elle devina à l’expression de son visage qu’il n’était pas pressé de lui expliquer ce qu’il voulait.

Bill dit :

— Si tu veux faire tout l’entraînement, je vais te chronométrer.

— Merci, c’est gentil, dit Riley.

Ils changèrent de salle, loin des tirs perdus des étudiants.

Quand Bill enclencha le chrono, Riley exécuta toutes les étapes de l’entraînement réglementaire : elle tira à trois mètres de distance, puis quatre, puis six, puis douze. La dernière étape, c’était la plus facile : tirer en s’abritant derrière une barricade sur une cible à vingt-deux mètres.

Riley retira son casque. Elle marcha jusqu’aux cibles en compagnie de Bill, pour vérifier son travail. Les impacts se trouvaient au bon endroit.

— Cent pourcent. Un score parfait, dit Bill.

— J’espère bien ! Heureusement que je ne rouille pas.

Bill lui montra du doigt la colline qui servait de barrière de sécurité.

— Un peu surréaliste, non ?

Des daims broutaient au sommet. Ils s’étaient rassemblés pendant que Riley tirait. Elle aurait pu facilement les toucher, si elle l’avait voulu, même avec son petit pistolet. Pourtant, les coups de feu ne les dérangeaient pas du tout.

— Oui, dit-elle. C’est beau.

On voyait fréquemment des daims à cette période de l’année. C’était la saison de la chasse. Pour une raison ou pour une autre, le gibier savait qu’il était en sécurité ici. En fait, le terrain du FBI était même devenu une sorte de havre de paix pour les animaux sauvages, comme les renards, les dindons et les marmottes d’Amérique.

— Il y a quelques jours, un de mes étudiants a vu un ours sur le parking, dit Riley.

Elle fit quelques pas en direction de la colline. Les daims levèrent gracieusement la tête, la dévisagèrent, puis s’éloignèrent en trottant. Ils n’avaient pas peur des coups de feu, mais ils ne voulaient pas que des humains s’approchent.

— Comment ont-ils deviné qu’ils étaient en sécurité ici ? se demanda Bill à voix haute. Un coup de feu, c’est un coup de feu.

Riley secoua la tête. C’était un mystère. Son père l’avait emmenée à la chasse quand elle était petite. Pour lui, les daims constituaient une ressource naturelle : de la nourriture et des fourrures. Cela n’avait pas dérangé Riley de les tuer avec lui, mais les choses avaient changé.

C’était étrange... Elle n’hésitait pas à faire usage de la force sur un être humain quand c’était nécessaire. Elle tuerait un homme en un clin d’œil. Mais tuer un animal qui lui faisait confiance, comme ces daims ? Non, c’était impensable.

Riley et Bill rejoignirent l’air de repos et s’assirent sur un banc. Bill n’avait toujours pas l’air prêt à aborder le sujet qui l’avait poussé à venir.

— Comment tu t’en sors, tout seul ? demanda-t-elle d’une voix douce.

C’était une question délicate. Elle le vit grimacer du coin de l’œil. Sa femme l’avait quitté après des années de disputes. Bill avait eu peur de perdre le contact avec ses fils. Maintenant, il vivait dans un appartement dans le centre-ville de Quantico. Il voyait ses enfants le week-end.

— Je ne sais pas, Riley, dit-il. Je ne sais pas si je vais m’y habituer.

Il se sentait seul. Il était déprimé. Elle avait connu ça, après son divorce. Elle savait que tourner la page était le plus difficile. Après des années de relation, même chaotique, il était étrange de se retrouver au milieu d’inconnus, sans trop savoir quoi faire.

Bill lui toucha le bras. D’une voix débordante d’émotion, il dit :

— Parfois, j’ai l’impression que tout ce qui me reste dans la vie, c’est… toi.

L’espace d’un instant, Riley faillit le prendre dans ses bras. Bill était son ancien partenaire. Il lui avait souvent porté secours, physiquement et émotionnellement. Mais elle devait faire attention. Dans un moment comme celui-là, certains font des bêtises qu’ils regrettent. Riley elle-même avait téléphoné à Bill, une nuit, après avoir bu plus que de raison, pour lui proposer une aventure extraconjugale. La situation venait de s’inverser. Au moment où elle se libérait de toutes ces émotions, c’était lui qui devenait plus fragile et vulnérable.

— Nous avons bien travaillé, tous les deux, dit-elle.

Pas terrible, mais elle ne trouva rien de plus intelligent à dire.

Bill prit une longue inspiration.

— C’est ce que je suis venu te demander, avoua-t-il. Meredith m’a dit qu’il t’avait appelée. A propos de Phoenix. Je vais y aller. J’ai besoin d’un partenaire.

Une pointe d’irritation traversa Riley. La visite de Bill prenait des allures de traquenard.

— Je lui ai dit que j’allais y réfléchir, dit-elle.

— Maintenant, c’est moi qui te le demande.

Un bref silence s’installa.

— Et Lucy Vargas ? proposa Riley.

C’était une jeune agente, mais elle avait travaillé avec Bill et Riley sur leur dernière affaire. Ils avaient été impressionnés par son sérieux.

— Sa cheville n’est pas encore guérie, dit Bill. Elle ne retournera pas sur le terrain avant un mois.

Riley se sentit stupide. Quand tous trois avaient pris au piège Eugene Fisk, le « tueur aux chaînes », Lucy avait fait une très mauvaise chute. Elle s’était brisé la cheville et elle avait failli y passer. Bien sûr qu’elle ne retournerait pas sur le terrain avant longtemps…

— Je ne sais pas, Bill, dit Riley. Ce congé me fait beaucoup de bien. J’aimerais bien rester dans l’enseignement, pour le moment. Je vais te dire ce que j’ai dit à Meredith, rien de plus.

— Que tu vas y réfléchir.

— Oui.

Bill poussa un grognement mécontent.

— On pourrait au moins en discuter ? demanda-t-il. Peut-être demain ?

Riley ne répondit pas tout de suite.

— Pas demain, dit-elle. Demain, je vais assister à la mort de quelqu’un.




Chapitre cinq


A travers la vitre teintée, Riley observa la pièce où Derrick Caldwell allait bientôt mourir. Elle était assise à côté de Gail Bassett, la mère de Kelly Sue Bassett, la dernière victime de Caldwell. Il avait tué cinq femmes avant que Riley ne le mette hors d’état de nuire.

Riley avait hésité quand Gail l’avait invitée à assister à l’exécution. Elle n’en avait vu qu’une jusqu’ici, en tant que témoin volontaire, entourée de journalistes, d’avocats, de représentants de la loi, de prêtres et du président du jury. Aujourd’hui, elle était avec Gail et neuf membres des familles des victimes. Tous se pressaient dans un espace confiné, sur des chaises en plastique.

Gail était un petit bout de femme de soixante ans au visage délicat. Elle avait gardé le contact avec Riley pendant toutes ces années. Son mari était mort entre-temps, et elle n’avait plus personne pour l’accompagner pendant ce moment difficile. Riley avait accepté de venir avec elle.

La pièce où se déroulerait l’exécution se trouvait juste de l’autre côté de la vitre. Seule la table en forme de croix se dressait au milieu de l’espace vide. Un rideau de plastique bleu dissimulait le fond de la pièce. Riley savait que les composants chimiques de l’injection létale se trouvaient de l’autre côté.

Un téléphone rouge contre le mur reliait en permanence les personnes présentes au gouvernement. Il pourrait sonner jusqu’à la dernière minute pour gracier le condamné. Personne ne s’attendait à ce que cela arrive aujourd’hui. Une horloge pendue au-dessus de la porte constituait la seule décoration.

En Virginie, les condamnés à mort avaient le droit de choisir entre la chaise électrique et l’injection létale. La deuxième option était la plus populaire. Quand le prisonnier refusait de choisir, c’était même le choix par défaut.

Riley était presque surprise que Caldwell ne préfère pas la chaise électrique. C’était un monstre qui n’avait montré aucun signe de remords et il semblait accueillir la mort avec un étrange aplomb.

Il était huit heures cinquante-cinq quand la porte s’ouvrit. Un murmure indéchiffrable suivit l’équipe et Caldwell dans la pièce. Deux hommes en uniforme tenaient le condamné par les bras. Un autre les escortait. Un homme bien habillé entra le dernier. C’était le directeur de la prison.

Caldwell portait un pantalon bleu, une chemise bleue et des sandales sans chaussettes. Il était menotté. Riley ne l’avait pas revu depuis des années. Elle l’avait connu avec les cheveux longs et une barbe emmêlé – un look bohème qui convenait à son profil d’artiste de rue. Aujourd’hui, il était rasé de près. Il avait l’air banal et ordinaire.

Il ne se débattait pas, mais il paraissait effrayé.

Tant mieux, pensa Riley.

Il se tourna vers la table d’exécution, puis détourna vivement les yeux. Il s’appliqua à ne pas regarder non plus en direction du rideau de plastique bleu. L’espace d’un instant, il fixa des yeux le miroir sans tain. Il parut alors plus calme.

— J’aimerais bien qu’il puisse nous voir, murmura Gail.

Ce n’était pas le cas de Riley. Caldwell l’avait déjà bien trop regardée à son goût. Pour le capturer, elle s’était mise dans la peau d’une touriste en goguette désireuse de se faire tirer le portrait. Tout en dessinant, il l’avait submergée de compliments mielleux, en lui disant qu’il était la plus belle femme qu’il ait eue pour modèle depuis longtemps.

Elle avait compris qu’il comptait faire d’elle sa prochaine victime. Cette nuit-là, elle avait servi d’appât. Elle l’avait laissé la suivre sur la plage. Quand il avait essayé de l’attaquer, des agents l’avaient interpellé.

Sa capture s’était déroulée de façon banale. En revanche, découvrir les corps démembrés de ses victimes dans un congélo… Un des pires moments de la carrière de Riley. Elle avait eu mal pour les familles des victimes, contraintes d’identifier les corps de leurs épouses, filles ou sœurs…

« Trop belles pour vivre », avait-il dit.

Le fait qu’il l’ait identifiée comme une de ces femmes-là glaçait Riley d’horreur. Elle ne s’était jamais crue belle, et les hommes – même son ex-mari, Ryan – la complimentaient rarement. Caldwell était la sinistre exception.

Qu’est-ce que cela signifiait, se demandait-elle, qu’un psychopathe monstrueux la trouve si parfaite ? Avait-il vu quelque chose chez elle d’aussi monstrueux que lui ? Pendant un ou deux ans, dans ses cauchemars, elle l’avait entendu répéter ces sinistres compliments, tout en ouvrant son congélateur rempli de membres humains.

L’équipe installa Caldwell sur la table d’exécution, retira ses menottes et ses sandales, avant de l’attacher : deux ceintures de cuir autour de sa poitrine, deux autour de ses jambes, une par cheville et par poignet. Ses pieds nus étaient tournés vers la vitre et il était difficile d’apercevoir son visage.

Soudain, un rideau se referma sur le miroir sans tain. L’insertion des aiguilles se déroulerait à huis clos, au cas où quelque chose se passait mal – par exemple, si l’équipe ne trouvait pas de veine. Cependant, Riley trouva cela étrange. Les gens étaient venus assister à la mort de Caldwell, mais ils n’avaient pas le droit de voir les aiguilles s’enfoncer dans le bras du condamné. Le rideau dansa, apparemment effleuré par un membre de l’équipe.

Quand le rideau s’ouvrit à nouveau, les intraveineuses étaient en place. Certains membres de l’équipe s’affairaient de l’autre côté du plastique bleu.

Un homme se tenait tout près du téléphone rouge, prêt à recevoir un appel qui ne viendrait sans doute jamais. Un autre parlait à Caldwell. On entendait à peine sa voix sous le grésillement de système sonore. Il demandait à Caldwell s’il avait un dernier mot à dire.

Au contraire, la réponse de Caldwell leur parvint avec une étonnante clarté.

— L’agent Paige est ici ? demanda-t-il.

Riley sursauta.

Son interlocuteur ne répondit pas. Caldwell n’avait pas le droit de le savoir.

Au terme d’un silence tendu, Caldwell prit à nouveau la parole.

— Dites-lui que j’aurais voulu que mon art lui fasse honneur.

Riley ne pouvait pas voir son visage, mais elle l’entendit ricaner.

— C’est tout, dit-il. Je suis prêt.

Un mélange de fureur, d’horreur et d’incompréhension traversa Riley. Elle ne s’était pas préparée à ça. Derrick Caldwell avait choisi de lui consacrer ses derniers instants. Assise derrière cette vitre incassable, elle était impuissante, incapable d’y faire quoi que ce soit.

Elle l’avait rendu à la justice mais, à la fin de leur histoire, il avait eu sa revanche, de la plus écoeurante façon.

La main frêle de Gail saisit la sienne.

Mon Dieu, elle veut me consoler, pensa Riley.

Riley ravala sa nausée.

Caldwell posa une dernière question :

— Je vais sentir quand ça va commencer ?

Encore une fois, il n’y eut pas de réponse. Riley vit le liquide monter dans les tubes de l’intraveineuse. Caldwell prit plusieurs longues inspirations, avant de fermer les yeux comme pour s’endormir. Son pied droit trembla, puis s’immobilisa.

Au bout d’un moment, l’un des gardes pinça ses orteils. Il n’y eut aucune réaction. C’était un geste étrange. Riley comprit qu’il vérifiait que le sédatif avait bien fonctionné et que Caldwell était inconscient.

Le garde s’adressa alors à l’équipe derrière le rideau de plastique bleu. On injecta un autre liquide dans les tubes. Cette fois, le composé chimique arrêterait ses poumons. Dans quelques minutes, ce serait son cœur.

La respiration de Caldwell se mit à ralentir. Riley eut tout le temps de réfléchir à ce qu’elle était en train de regarder. Elle avait déjà fait usage de la violence. Etait-ce vraiment différent ? En service, elle avait tué plusieurs meurtriers.

Non, c’était différent. Cette exécution avait quelque chose d’étrangement clinique et programmé. Ce ne semblait pas correct. Les pensées de Riley défilèrent…

Je n’aurais pas dû laisser faire ça.

Elle savait qu’elle avait tort. Elle avait arrêté Caldwell avec professionnalisme, en suivant toutes les règles. Mais tout de même…

J’aurais dû le tuer moi-même.

Gail ne lui lâcha pas la main pendant dix longues minutes. Enfin, un membre de l’équipe prononça des mots que Riley n’entendit pas.

Un homme sortit de sa cachette derrière le rideau bleu et prit la parole d’une voix claire et forte, pour être entendu de tous les témoins :

— L’exécution s’est terminée avec succès à neuf heures sept du matin.

Le rideau tomba à nouveau devant la vitre. Les témoins avaient vu ce qu’ils étaient venus voir. Des gardiens les invitèrent à quitter la pièce aussi vite que possible.

Gail saisit à nouveau la main de Riley.

— Je suis désolée qu’il ait dit ce qu’il a dit.

Riley sursauta. Comment Gail pouvait-il s’inquiéter de l’état de Riley, dans un moment pareil, alors que la justice venait de rattraper le meurtrier de sa fille ?

— Comment allez-vous, Gail ? demanda-t-elle en se dirigeant d’un pas brusque vers la sortie.

Gail ne répondit pas tout de suite. L’expression de son visage était vide.

— C’est fait, dit-elle d’une voix froide. C’est fait.

Elles firent quelques pas dehors. La lumière matinale les éclaboussa. Devant le bâtiment, deux groupes distincts se faisaient entendre, derrière les cordons de sécurité. D’un côté, les gens fêtaient l’exécution de Caldwell en brandissant des pancartes aux slogans haineux, profanes ou obscènes. Ils jubilaient, pour des raisons évidentes. De l’autre côté, on protestait contre la peine de mort. Les militants étaient restés toute la nuit. Ils étaient beaucoup plus calmes.

Riley ne ressentait aucune compassion ou sympathie pour l’un ou l’autre groupe. Ils étaient là pour eux-mêmes, pour montrer leur indignation et leur vertu. Aux yeux de Riley, ils n’avaient rien à faire ici, parmi des gens dont la peine et le chagrin étaient réels.

Une nuée de journalistes les attendait entre les camionnettes de télévision. Une femme se précipita vers Riley, avec un micro et un caméraman.

— Agent Paige ? Vous êtes l’agent Paige ? demanda-t-elle.

Riley ne répondit pas. Elle essaya de contourner la journaliste.

Celle-ci la suivit à la trace.

— Il parait que Caldwell vous a adressé ses derniers mots. Un commentaire ?

D’autres journalistes s’approchèrent avec la même question. Riley serra les dents et se fraya un chemin. Elle réussit à se dégager. En trottinant jusqu’à sa voiture, elle repensa à Meredith et à Bill. Ils l’avaient suppliée de prendre cette nouvelle affaire. Et elle avait évité de leur donner une réponse claire.

Pourquoi ? se demanda-t-elle.

Elle venait de fuir des journalistes. Fuyait-elle Bill et Meredith également ? Fuyait-elle la personne qu’elle était en réalité ? Fuyait-elle ce qu’elle avait à faire ?



*



Riley referma avec soulagement la porte de sa maison. La mort à laquelle elle avait assistée l’avait laissée vide et le retour à Fredericksburg avait été long et fatiguant. Cependant, elle se rendit compte rapidement que quelque chose n’allait pas.

La maison était étrangement silencieuse. April aurait dû être rentrée de l’école. Et où était Gabriela ?

Riley jeta un coup d’œil dans la cuisine. La pièce était vide. Il y avait un mot sur la table.

Me voy a la tienda. Gabriela était partie faire les courses.

Riley se raccrocha au dossier d’une chaise pour ne pas tomber. Une fois, Gabriela était partie faire des courses, et April avait été enlevée devant la maison de son père.

Les ténèbres. Une flamme.

Riley monta quatre à quatre les marches de l’escalier.

— April ! cria-t-elle.

Pas de réponse. Personne dans les chambres. Personne dans le petit bureau.

Le cœur de Riley battit un peu plus fort contre ses côtes. Bien sûr, elle savait qu’elle n’était pas raisonnable, qu’elle n’avait pas les idées claires, mais son corps ne l’écoutait plus.

Elle dévala les escaliers et se précipita sur la terrasse.

— April ! hurla-t-elle.

Personne ne jouait dans le jardin des voisins. Pas un seul gosse en vue.

Riley se retint de crier à nouveau. Elle ne voulait que les voisins pensent qu’elle était folle. Pas tout de suite.

Elle attrapa d’un geste fébrile son téléphone portable dans sa poche et envoya un message à April.

Pas de réponse.

Riley retourna s’asseoir sur le canapé, la tête dans les mains.

Elle était enfermée sous le parquet, allongée par terre, dans l’obscurité.

Une petite lumière dansait vers elle. Elle aperçut sa grimace cruelle derrière le halo aveuglant. Mais venait-il pour elle ou pour April ?

Non, elle devait distinguer ce cauchemar de la réalité.

Peterson est mort, dit-elle avec conviction. Il ne nous fera plus rien, ni à moi, ni à April.

Elle s’obligea à se concentrer. Elle avait une nouvelle maison et une nouvelle vie. Gabriela était partie faire les courses. April ne devait pas être loin.

Sa respiration s’apaisa, mais Riley ne put se résoudre à se lever. Elle eut peur de hurler à nouveau.

Au terme de ce qui lui parut une éternité, Riley entendit la porte d’entrée s’ouvrir.

April entra en chantonnant.

Cette fois, Riley bondit sur ses pieds.

— Mais où tu étais, merde ?

April resta bouche bée.

— C’est quoi, ton problème, Maman ?

— Où tu étais ? Pourquoi tu n’as pas répondu à mon message ?

— Désolée, mon téléphone était en silencieux. Maman, j’étais chez Cécé. De l’autre côté de la rue. Quand on est descendues du bus, sa mère nous a proposé d’aller manger une glace.

— Comment j’étais censée le savoir ?

— Je ne pensais pas que tu rentrerais si tôt.

Riley s’entendit hurler, mais elle ne put se retenir :

— Je me fiche de ce que tu penses ! Tu dois toujours me dire…

Les larmes qui brillèrent dans les yeux de sa fille l’interrompirent.

Riley reprit son souffle. Elle fit un pas en avant et étreignit April. Le corps de sa fille, rigide de colère, se détendit lentement dans ses bras. Riley se rendit compte qu’elle pleurait également.

— Je suis désolée, souffla-t-elle. Je suis désolée. Mais après tout ce qu’on a vécu… toutes ces horreurs…

— Mais c’est fini, dit April. Maman, c’est fini.

Elles s’assirent toutes deux sur le canapé. C’en était un nouveau : elles l’avaient acheté tout spécialement pour la maison et pour démarrer leur nouvelle vie.

— Je sais que c’est fini, dit Riley. Je sais que Peterson est mort. J’essaye de m’y habituer.

— Maman, tout va tellement mieux ! Tu n’as pas besoin de t’inquiéter tout le temps. Et je ne suis pas une gamine débile. J’ai quinze ans.

— Et tu es très intelligente, dit Riley. Je le sais. Je dois juste me le rappeler de temps en temps. Je t’aime, April. C’est pour ça que je suis un peu bizarre, parfois.

— Je t’aime aussi, Maman, dit April, mais arrête de t’inquiéter.

Pour le plus grand plaisir de Riley, April sourit. Elle avait été enlevée, retenue prisonnière et menacée avec un chalumeau. Pourtant, elle était redevenue une adolescente parfaitement normale. C’était sa mère qui avait du mal à lâcher prise.

Riley ne pouvait s’empêcher de se demander si les tristes souvenirs traînaient encore au fond de la mémoire de sa fille, prêts à se faire entendre à tout moment.

Quant à elle, elle comprit qu’elle avait besoin de parler à quelqu’un de ses peurs et de ses cauchemars. Dès que possible.




Chapitre six


Riley se balançait nerveusement sur sa chaise. Que voulait-elle dire à Mike Nevins ?

— Prends ton temps, dit le psychiatre en la couvant d’un regard inquiet.

Riley étouffa un rire sans joie.

— C’est justement ça, le problème, dit-elle. Je n’ai pas le temps. Je traîne les pieds. Il faut que je prenne une décision. Ça fait trop longtemps que je remets à plus tard. Tu m’as déjà vu si indécise ?

Mike ne répondit pas. Il se contenta de sourire.

Riley ne l’avait jamais vu comme ça. L’élégant psychiatre avait eu bien des rôles dans sa vie : celui d’un ami, d’un thérapeute et parfois même celui d’un mentor. Elle l’avait souvent appelé pour connaître son avis sur le profil d’un criminel. Cette fois, c’était différent. Elle l’avait contacté la veille, en rentrant de l’exécution, puis elle était venue ce matin.

— Quelles sont les différentes options ? demanda-t-il enfin.

— En gros, je dois décider de ce que je veux faire du reste de ma vie – enseigner ou retourner sur le terrain. Ou totalement autre chose.

Mike rit doucement.

— Attends une minute. Ne parlons pas du reste de ta vie. Parlons d’aujourd’hui, de maintenant. Meredith et Jeffreys veulent que tu prennes une affaire. Une seule. Ce n’est pas l’un ou l’autre pour le reste de ta vie. Personne n’a dit que tu devais renoncer à l’enseignement. Tu n’as que deux options très simples : oui ou non. Alors quel est le problème ?

Riley ne répondit pas. Elle ne savait pas quel était le problème. C’était pour cela qu’elle était venue.

— Je crois que quelque chose t’effraye, dit Mike.

Riley avala sa salive avec difficulté. Oui. Elle avait peur. Elle se refusait à l’admettre, même dans sa propre tête. Mike allait la faire parler.

— De quoi as-tu peur ? demanda Mike. Tu dis que tu as des cauchemars…

Riley ne répondit pas.

— Ça fait partie du stress post-traumatique, dit Mike. Tu as des visions, des souvenirs qui reviennent sous forme de flashs ?

Cette question ne surprit pas Riley. Après tout, Mike l’avait aidée plus que tout autre à s’en sortir.

Elle renversa sa tête sur le dossier de sa chaise et ferma les yeux. L’espace d’un instant, elle retourna dans la cage de Peterson et il la menaça avec la flamme de son chalumeau. Pendant des mois, après sa libération, ce souvenir avait trouvé le moyen de s’imposer à elle au moment où elle s’y attendait le moins.

Mais elle avait tué Peterson de ses propres mains. En fait, elle avait fait de son visage une bouillie à peine identifiable.

Si ce n’est pas ça, régler ses problèmes, je ne sais pas ce que c’est, pensa-t-elle.

Les souvenirs de sa captivité lui paraissaient maintenant impersonnels, comme si elle regardait défiler les images d’un film.

— Je vais mieux, dit-elle. Ça m’arrive moins souvent et ça dure moins longtemps.

— Et ta fille ?

La question ouvrit une entaille dans le cœur de Riley. Un écho de l’horreur qu’elle avait ressentie après l’enlèvement de April la heurta comme un coup de fouet. Elle entendait encore sa fille appeler à l’aide.

— Je pense que je n’ai pas tourné la page, dit-elle. Je me réveille en sueur, la peur au ventre. Je suis obligée d’aller voir dans sa chambre si elle est là.

— C’est pour ça que tu ne veux pas prendre une nouvelle affaire ?

Un frisson parcourut l’échine de Riley.

— Je n’ai pas envie de lui faire subir ça de nouveau.

— Cela ne répond pas à ma question.

— Non, je suppose que non…

Un silence.

— J’ai l’impression que tu ne me dis pas tout, dit Mike. Qu’est-ce qui te donne des cauchemars ? Qu’est-ce qui te réveille la nuit ?

Avec un sursaut, une terreur enfouie plus profondément refit surface.

Oui, il y avait quelque chose d’autre.

Même les yeux grands ouverts, elle voyait son visage – le visage poupin et d’une innocence grotesque de Eugene Fisk. Riley l’avait regardé droit dans ses petits yeux au moment de leur confrontation.

Il avait menacé Lucy Vargas avec un rasoir. Riley avait agité sous son nez ce qu’il redoutait le plus. Elle lui avait parlé des chaînes – les chaînes qu’il pensait responsables de son malheur, celles qui le poussaient à commettre des meurtres.

« Les chaînes ne veulent pas que vous preniez cette femme, lui avait dit Riley. Elle ne convient pas. Vous savez ce que les chaînes veulent vraiment. »

Les yeux brillants d’effroi, il avait hoché la tête, puis il s’était donné la mort.

Il avait tranché sa propre gorge sous les yeux de Riley.

A présent, assise dans le bureau de Mike Nevins, Riley s’en étouffait presque d’horreur.

— J’ai tué Eugene, hoqueta-t-elle.

— Le tueur aux chaînes, tu veux dire. Ce n’est pas le premier que tu as mis hors d’état de nuire.

C’était vrai. Elle avait déjà fait usage de la force. Mais, Eugene, c’était différent. Elle repensait souvent à sa mort. Elle n’en avait encore jamais parlé à personne.

— Je n’ai pas utilisé mon arme, ou un caillou, ou mes poings, dit-elle. Je l’ai tué avec ma compassion. Je me suis servi de mon intellect comme d’une arme létale. Ça me terrifie, Mike.

Mike hocha la tête.

— Tu sais ce que dit Nietzsche à propos de regarder dans l’abîme.

— L’abîme regarde aussi en toi, dit Riley. Mais j’ai fait plus que regarder dans l’abîme. J’y ai vécu. Au fil des années, l’abîme est presque devenu ma maison. Ça me terrifie, Mike. Un de ces jours, je vais y descendre et je ne pourrais plus jamais remonter. Qui sait de quoi je serais capable…

— Eh bien, dit Mike en se renversant sur son dossier. On avance…

Riley n’en était pas si sûre. Et elle n’était pas plus près de prendre une décision.



*



Quand Riley rentra à la maison, April dévala les escaliers à sa rencontre.

— Maman, viens m’aider ! Vite !

Riley suivit sa fille jusqu’à sa chambre. April avait ouvert une valise sur son lit. Des habits étaient éparpillés par terre et sur la couverture.

— Je ne sais pas quoi prendre ! Je ne suis jamais partie !

La joie paniquée de sa fille fit sourire Riley, qui s’attela à la tâche. April partait le lendemain avec sa classe d’Histoire des Etats-Unis : une semaine à Washington, DC.

Quand Riley avait signé les papiers, elle avait eu quelques scrupules. Peterson avait retenu April en otage non loin de Washington. Elle avait eu peur que le voyage ravive de mauvais souvenirs. Mais April faisait preuve d’une étonnante maturité, à l’école et en dehors. Ce voyage, c’était aussi une formidable opportunité.

Alors qu’elle taquinait April sur son manque d’organisation, Riley se rendit compte qu’elle s’amusait. L’abîme dont elle avait parlé à Mike lui parut soudain très loin d’ici. Il lui restait une vie en dehors de cet abîme. C’était une belle vie. Quoi qu’elle déciderait, elle ferait tout pour la protéger.

Gabriela les rejoignit.

— Señora Riley, mon taxi arrive pronto, dit-elle en souriant. Ma valise est prête. Elle est devant la porte.

Riley avait presque oublié que Gabriela s’en allait aussi. Comme April partait en voyage, la bonne avait demandé un congé pour rendre visite à sa famille dans le Tennessee. Riley avait accepté avec joie.

Elle étreignit Gabriela et dit :

— Buen viaje.

Le sourire de Gabriela se fana. Elle ajouta :

— Me preocupo.

— Vous vous inquiétez ? répéta Riley avec surprise. Mais pourquoi ?

— Pour vous, dit Gabriela. Vous allez rester toute seule dans la nouvelle maison.

Riley rit.

— Ne vous inquiétez pas. Je sais prendre soin de moi.

— Mais vous n’êtes pas restée seule depuis longtemps et tant de choses sont arrivées, dit Gabriela. Je m’inquiète.

Gabriela avait raison. Depuis sa captivité, Riley avait pu au moins compter sur la présence de April. Et si l’abîme s’ouvrait dans sa nouvelle maison, juste sous ses pieds ?

— Ça ira, dit Riley. Passez un bon moment avec votre famille.

Gabriela sourit et lui tendit une enveloppe.

— C’était dans la boîte aux lettres, dit-elle.

Gabriela prit April dans ses bras, puis étreignit à nouveau Riley, avant de redescendre pour attendre son taxi.

— Qu’est-ce que c’est, Maman ? demanda April.

— Je ne sais pas, dit Riley. Ça n’a pas été envoyé par la poste.

Elle ouvrit l’enveloppe. Une carte plastifiée se trouvait à l’intérieur. « Blaine’s Grill », annonçaient les élégantes cursives. En dessous, il était écrit : « Dîner pour deux personnes ».

— Ce doit être une carte cadeau de notre voisin, dit Riley. C’est très gentil à lui. On pourra y aller toutes les deux quand tu rentreras.

— Maman ! ricana April. Ce n’est pas ça que ça veut dire !

— Pourquoi ?

— Il t’invite à dîner.

— Oh, tu crois ? Ce n’est pas ce que ça dit.

April secoua la tête.

— Ne sois pas bête. Il veut sortir avec toi. Crystal m’a dit que tu lui plaisais. Et il est trop beau !

Riley se sentit rougir. Elle était incapable de se rappeler de son dernier rencard. Elle était restée avec Ryan si longtemps… Depuis leur divorce, elle avait surtout pensé à sa nouvelle maison et à son travail.

— Tu rougis, Maman.

— Allez, finis ta valise, marmonna Riley. Je vais y réfléchir.

Au bout de quelques minutes de silence, April dit :

— Tu sais, je m’inquiète un peu, Maman. Comme Gabriela…

— Ça ira, répondit fermement Riley.

— Vraiment ?

Riley entreprit de plier un chemisier sans répondre. Certaines choses l’effrayaient bien plus qu’une maison vide : les psychopathes obsédés par des chaînes, les poupées, les chalumeaux, entre autres. Mais si ces démons intérieurs profitaient de sa solitude ? Une semaine, c’était long. Et décider ou non de sortir avec son voisin lui parut soudain effrayant.

Je vais m’en sortir, pensa-t-elle.

Il y avait une autre solution. Elle repoussait l’échéance depuis trop longtemps.

— On m’a proposé une affaire, dit-elle à April. Il faudrait que je parte en Arizona dès maintenant.

April s’interrompit et jeta un regard à sa mère.

— Alors, tu vas y aller, hein ?

— Je ne sais pas, April, répondit Riley.

— Pourquoi pas ? C’est ton travail, non ?

Riley se tourna vers elle. Les moments difficiles semblaient loin derrière elles. Depuis qu’elles avaient toutes deux survécu à Peterson, elles avaient forgé un nouveau lien très fort.

— Je me suis dit que je pourrais abandonner le travail de terrain, dit Riley.

April écarquilla les yeux de surprise.

— Quoi ? Maman, attraper les méchants, c’est ce que tu fais de mieux.

— J’enseigne aussi et je me débrouille bien, dit Riley. Et j’aime ça.

April haussa les épaules.

— Ben, vas-y, enseigne. Personne t’en empêche. Mais c’est bien aussi que tu bottes le cul aux psychopathes.

Riley secoua la tête.

— Je ne sais pas, April. Après tout ce que je t’ai fait vivre…

April ouvrit des yeux immenses.

— Après tout ce que tu m’as fait vivre ? Mais de quoi tu parles ? Tu ne m’as rien fait vivre du tout. J’ai été enlevée par un dingo qui s’appelait Peterson. Il aurait pu enlever n’importe qui. Arrête de t’en vouloir.

April laissa passer un court silence avant d’ajouter d’un ton autoritaire :

— Assied-toi, Maman. Faut qu’on parle.

Riley sourit. A se demander qui était la mère et qui était la fille…

C’est peut-être exactement ce qu’il me faut.

— Je t’ai parlé de mon amie Angie Fletcher ? demanda April.

— Non, je ne crois pas.

— On était assez proches et puis elle a changé d’école. Elle était super intelligente. Elle avait un an de plus que moi. J’ai entendu dire qu’elle avait commencé à acheter de la drogue à un gars qui s’appelait Trip. Elle est devenue accro à l’héro. Comme elle pouvait plus payer, Trip l’a fait bosser comme pute. Il l’a installée chez lui. La mère d’Angie, elle est complètement frappée, elle s’est rendue compte de rien. Trip en a même parlé sur son site web.

— Qu’est-ce qui lui est arrivé ?

— Trip s’est fait choper au bout d’un moment et Angie est partie en désintox. C’était l’été dernier, quand on était à New York. Je ne sais pas ce qu’elle est devenue. Mais je sais qu’elle n’a que seize ans et que sa vie est foutue.

— Je suis vraiment désolée.

April étouffa un grognement d’impatience.

— Tu ne comprends rien, Maman ! Tu as passé toute ta vie à essayer d’empêcher ces trucs-là. Les gars comme Trip, tu les arrêtes. Certains, tu les arrêtes même pour toujours. Mais si tu ne le fais plus, qui le fera ? Quelqu’un d’aussi doué que toi ? Non, je ne pense pas.

Riley ne répondit pas tout de suite. Elle serra alors la main de April.

— Je crois que j’ai un coup de fil à passer, dit-elle en souriant.




Chapitre sept


Quand le FBI décolla de l’aéroport de Quantico, Riley sut qu’un nouveau monstre l’attendait en Arizona. Cette pensée la mit mal à l’aise. Elle aurait préféré rester loin des tueurs, mais elle avait pris la bonne décision. Meredith avait eu l’air soulagé.

De l’autre côté des hublots, le ciel s’assombrissait. La pluie battait contre les vitres. On traversa une zone de turbulences, puis l’avion s’éleva au-dessus des nuages. Riley baissa les yeux vers le tapis d’un blanc cotonneux qui dissimulait la surface de la terre. Elle essaya d’imaginer les gens courant dans tous les sens à la recherche d’un abri, ou bien du plaisir, ou bien de l’horreur, comme le font les hommes et les femmes.

— Tu as un dossier à me montrer ? demanda Riley en se tournant vers Bill.

Son partenaire ouvrit son ordinateur sur la table. Il fit apparaître la photo qu’un sac poubelle noir dans un lac d’eau peu profonde. Une main blanche se laissait entrevoir entre les ficelles.

— C’est le corps de Nancy Holbrook. On l’a retrouvée dans un lac artificiel, pas loin de Phoenix. Une escort aux tarifs assez chers. Trente ans. Une pute de luxe, en gros.

— Elle s’est noyée ?

— Non. Mort par asphyxie, probablement. Elle a ensuite été jetée à l’eau dans un sac poubelle lesté au moyen de pierres.

Riley plissa les yeux. La photo lui inspirait déjà de multiples questions.

— Le tueur a laissé des empreintes ? Fibres ? ADN ?

— Non, rien.

Riley secoua la tête.

— Je ne comprends pas. La disposition du corps… S’il avait fait quelques efforts supplémentaires, le corps aurait pu disparaître. Dans un lac d’eau douce, ils coulent à pic et se décomposent rapidement. Bien sûr, ils peuvent remonter au bout de quelques temps, à cause des gaz, mais rajouter quelques pierres dans le sac aurait résolu le problème. Pourquoi l’avoir laissée là ?

— C’est à nous de le découvrir, dit Bill.

Il fit apparaître de nouvelles images, mais Riley n’apprit rien de plus.

— Alors, qu’est-ce que tu en penses ? dit-elle. C’est un tueur en série ou pas ?

Bill fronça les sourcils.

— Je ne crois pas, dit-il. C’est un meurtrier qui a tué une pute. Il y en a d’autres qui ont disparu à Phoenix, mais ça n’a rien d’inédit. Les prostituées qui disparaissent, c’est la routine dans toutes les grandes villes du pays.

La routine. Ce mot mit Riley mal à l’aise. Comment la disparition de femmes issues d’un certain groupe social pouvait-elle devenir la routine ? Pourtant, elle savait que Bill avait raison.

— Quand Meredith m’a téléphoné, il avait l’air de penser que c’était urgent, dit-elle d’une voix songeuse. Il nous a même réservé un jet pour y aller. Il a dit que nous devions aborder l’affaire comme si c’était l’œuvre d’un tueur en série. C’est ce que nous conseille son ami. Mais personne n’a l’air de penser qu’il s’agit bien d’un tueur en série.

Bill haussa les épaules.

— Peut-être pas. Meredith semble très proche du frère de Nancy Holbrook, Garrett.

— Ouais, dit Riley. Ils ont fait leur formation ensemble. Mais c’est étonnant.

Bill ne répondit pas. Riley se renversa sur son siège et réfléchit. Meredith manipulait le règlement du FBI pour venir en aide à son ami. Venant de sa part, c’était un comportement inhabituel.

Riley ne lui en voulait pas. Au contraire, elle admirait la dévotion dont il faisait preuve.

Je serais capable de faire la même chose ? Pour Bill, peut-être ?

Au fil des années, il était devenu bien plus d’un partenaire et bien plus qu’un ami. Toutefois, Riley n’était pas certaine… Ces derniers jours, elle ne se sentait plus très proche de ses collègues.

Inutile d’y penser maintenant. Riley ferma les yeux et tâcha de se reposer.



*



Il faisait grand soleil quand ils atterrirent à Phoenix.

Bill donna un coup de coude à Riley.

— Le temps est splendide ! Ce sera peut-être l’occasion de prendre un peu le soleil.

Riley en doutait. Elle n’était pas partie en vacances depuis une éternité. La dernière fois qu’elle avait essayé, elle avait emmenée April à New York pour lui changer les idées, mais son travail avait trouvé le moyen de la rattraper.

Un de ces jours, je vais avoir besoin de repos, pensa-t-elle.

Un jeune agent les accueillit à la descente de l’avion et les conduisit au bureau de terrain de Phoenix. C’était un bâtiment très moderne.

— Sympa, l’architecture, hein ? s’exclama l’agent avec enthousiasme. Il a gagné un prix, ce bâtiment. Devinez ce que ça représente…

Riley détailla du regard la façade qu’il lui montrait du doigt. Les longues fenêtres rectangulaires formaient un dessin vaguement familier. Elle eut besoin d’y réfléchir quelques secondes.

— Des séquences ADN ? demanda-t-elle.

— Ouais, mais le machin rocheux, là-bas, vous ne devinerez jamais à quoi il ressemble vu d’en haut !

Avant que Riley ou Bill n’ait eu le temps de lancer une hypothèse, il les entraîna à l’intérieur. On retrouvait le même motif ADN sur le carrelage. L’agent les conduisit dans les couloirs jusqu’au bureau de l’agent spécial chargé d’enquête Elgin Morley.

Riley et Bill se présentèrent. Morley était un petit homme d’une cinquantaine d’années, à la moustache abondante et aux lunettes rondes. Une autre personne les attendait dans son bureau. Celui-ci devait avoir quarante ans. Il était grand, voûté et il avait le visage émacié. En fait, il avait l’air fatigué et déprimé.

— Agent Paige, Agent Jeffreys, je vous présente l’agent Garrett Holbrook. C’est sa sœur qui a été retrouvée dans le lac Nimbo.

Tous échangèrent des poignées de mains, puis les agents s’assirent pour discuter.

— Merci d’être venus, dit Holbrook.

— Parlez-nous de votre sœur, demanda Riley.

— Je n’ai pas grand-chose à vous dire, dit Holbrook. Je ne la connaissais pas très bien. C’était ma demi-sœur. Mon père était infidèle. Il a quitté ma mère et il a eu des enfants avec trois femmes différentes. Nancy avait quinze ans de moins que moi. Nous nous sommes rarement vus, ces dernières années.

Son regard vide fixa le sol, pendant que ses doigts jouaient nerveusement avec un fil de son pull. Sans relever les yeux, il dit :

— La dernière fois que j’ai entendu parler d’elle, elle faisait un travail de bureau et elle prenait des cours dans un collège communautaire. C’était il y a quelques années. Quand j’ai appris ce qui lui était arrivé… Je ne savais pas.

Il se tut. Riley eut l’impression qu’il cachait quelque chose, mais elle se trompait peut-être. Après tout, si quelqu’un lui demandait de parler de sa propre sœur, que dirait-elle ? Elle n’avait plus de nouvelles de Wendy depuis si longtemps…

Pourtant, le langage corporel de Holbrook exprimait bien autre chose que le chagrin. C’était étrange.

Morley proposa d’emmener Riley et Bill au laboratoire pour voir le corps. Holbrook acquiesça et leur dit qu’il serait dans son bureau.

En suivant l’agent chargé d’enquête, Bill demanda :

— Agent Morley, avez-vous une raison de penser que nous avons affaire à un tueur en série ?

Morley secoua la tête.

— Nous n’avons pas vraiment de raison, mais Garrett n’en démord pas depuis qu’il a appris la mort de Nancy. C’est un de nos meilleurs agents et nous avons choisi de l’écouter. Son enquête n’a menée à rien. En fait, il n’est plus vraiment lui-même depuis qu’il a appris la nouvelle.

Riley l’avait trouvé très choqué. Peut-être un peu trop, pour un agent expérimenté comme lui. En plus, il avait bien précisé qu’il n’était pas proche de sa sœur.

Morley présenta Riley et Bill au chef du département de médecine légale, le docteur Rachel Fowler. Fowler ouvrit le compartiment réfrigéré qui contenait le corps de Nancy Holbrook.

Riley plissa le nez, même si l’odeur de décomposition n’avait pas eu le temps de devenir épouvantable. La victime était petite et très mince.

— Elle n’est pas restée longtemps dans l’eau, dit Fowler. La peau commençait à peler quand nous l’avons sortie.

Le docteur Fowler pointa ses poignets du doigt.

— On observe des traces laissées par des cordes. Elle devait être attachée quand elle a été tuée.

Riley remarqua des marques caractéristiques au creux du coude.

— Des traces d’injection, dit-elle.

— Oui. Elle se shootait à l’héroïne. Je pense qu’elle n’était pas encore accro, mais pas loin de le devenir.

La victime avait peut-être été anorexique.

— Etonnant, cette addiction, pour une escort de haut standing, dit Bill. Comment connaissons-nous son profil ?

Fowler lui montra une carte de visite enveloppée dans une pochette plastique. On pouvait y voir une photo provocante de la femme décédée. Il était écrit : « Nanette » et « Ishtar Escorts ».

— On a trouvé cette carte sur elle, expliqua Fowler. La police a contacté Ishtar Escorts. Ce sont eux qui ont identifié la victime.

— Comment a-t-elle été asphyxiée ? demanda Riley.

— Elle a des hématomes sur le cou, dit Fowler. Le tueur l’a peut-être étouffée avec un sac en plastique.

Riley examina les marques de plus près. Un jeu sexuel qui avait mal tourné ? Ou un meurtre délibéré ? Elle n’aurait su le dire.

— Qu’avait-elle sur elle ? demanda Riley.

Fowler ouvrit une boîte contenant les vêtements de la victime : une robe rose avec un décolleté provocant, mais plus élégant que ce que l’on voyait habituellement sur les trottoirs. C’était la robe d’une femme qui voulait être à la fois sexy et acceptée en boîte de nuit.

La boîte contenait également un sac en plastique avec des bijoux.

— Je peux jeter un œil ? demanda-t-elle à Fowler.

— Je vous en prie.

Riley examina les bijoux l’un après l’autre. Ils étaient tous de très bon goût : un collier de perles, des bracelets et des boucles d’oreille. Un objet sortait du lot. C’était une bague sertie d’un diamant. Riley le montra à Bill.

— Un vrai ?

— Oui, répondit Fowler. Or et diamant véritables.

— Le tueur ne l’a pas volée, remarqua Bill. Il n’a pas fait ça pour l’argent.

Riley se tourna vers Morley.

— J’aimerais voir l’endroit où le corps a été retrouvé, dit-elle. Immédiatement, si possible, pendant qu’il fait encore jour.

Morley haussa les sourcils.

— Nous pouvons vous y conduire en hélicoptère, mais je ne vois pas ce que vous pourriez trouver là-bas. La police et le FBI ont déjà passé le site au peigne fin.

— Faites-lui confiance, dit Bill d’un air entendu. Elle trouvera quelque chose.




Chapitre huit


Les eaux du lac Nimbo tendaient un miroir paisible aux passagers de l’hélicoptère.

Les miroirs sont trompeurs, se rappela Riley. Elle savait que les eaux les plus calmes cachaient souvent de noirs secrets.

L’hélicoptère se posa sur la pelouse. Riley se tendit comme un arc. Elle n’aimait pas beaucoup voyager en hélicoptère. Elle adressa à Bill un regard en coin. Il n’avait pas l’air très à l’aise, lui non plus.

Quant à l’agent Holbrook, l’expression de son visage était vide – ou impénétrable. Il avait à peine prononcé un mot depuis leur départ de Phoenix. Riley savait qu’elle était un excellent juge de la nature humaine. Le langage du corps avait peu de secrets pour elle – c’en était presque gênant, parfois. Mais Holbrook était une énigme.

Les trois agents se détachèrent et sautèrent de l’hélicoptère en se penchant pour se protéger des bourrasques que déplaçaient les pales. Deux ornières parallèles rayaient le paysage. C’était ce qui devait faire office de route, ici.

Riley se pencha. La route ne devait pas être souvent utilisée, mais des pneus avaient sans doute déjà effacé les traces du tueur.

Le pilote de l’hélicoptère coupa le moteur. Riley et Bill suivirent Holbrook.

— Dites-nous ce que vous savez sur ce lac, demanda Riley.

— C’est un lac artificiel. Il y en a plusieurs dans le coin. Ce sont les barrages sur le fleuve Acacia qui les ont créés, dit Holbrook. Ça grouille de poissons. Les gens aiment bien venir là pour se détendre, mais les aires de pique-nique sont de l’autre côté. Un couple d’ados shootés au cannabis a trouvé le corps. Je vous montre.

Holbrook descendit la pente et se percha sur une crête rocheuse surplombant le lac.

— Les gamins se trouvaient là, dit-il. Ils ont baissé les yeux et ils l’ont vu. D’après eux, ce n’était qu’une tache noire dans l’eau.

— Quelle heure était-il ? demanda Riley.

— Un peu plus tôt qu’aujourd’hui, dit Holbrook. Ils avaient séché l’école pour fumer.

Riley embrassa la scène du regard. Le soleil était bas et enflammait de ses rayons les crêtes rocheuses, de l’autre côté du lac. Quelques bateaux naviguaient.

Un peu plus loin de l’à-pic, la berge descendait en pente douce. C’était l’endroit que Holbrook montrait du doigt.

— Ils sont descendus pour aller voir ce que c’était, dit-il. C’est là qu’ils ont compris.

Les pauvres, pensa Riley. Elle avait essayé le cannabis à l’université. Faire une telle découverte sous l’influence de la drogue… Ce devait être terrible.

— Tu veux descendre pour t’approcher ? demanda Bill.

— Non, ici, c’est bien.

Ses tripes lui disaient qu’elle se trouvait au bon endroit. Le tueur, lui, n’avait pas pris la peine de descendre.

Non. Il est resté là.

L’herbe sous ses pieds avait même l’air un peu abîmé.

Elle prit de profondes inspirations, pour se glisser dans son rôle. Il était venu la nuit. Une nuit claire ou brumeuse ? En Arizona, à cette époque de l’année, les nuits devaient être claires. Et, une semaine plus tôt, la lune brillait. Peut-être même qu’il avait apporté une lampe torche.

Il avait déposé le corps ici. Et ensuite ? Il l’avait roulé jusqu’au bord. Le corps était tombé comme une pierre.

Non, quelque chose clochait. Comment avait-il pu se montrer si imprudent ?

De là-haut, il aurait pu ne pas remarquer que le corps n’avait pas coulé. « Une tache noire », avaient dit les gamins. A cette distance, même sous un ciel étoilé, la couleur du sac poubelle se serait confondue avec celle de l’eau. L’homme serait parti du principe que le corps avait coulé, comme font les cadavres dans l’eau douce, surtout dans un sac poubelle rempli de pierres.

Avait-il cru que l’eau était profonde, à cet endroit-là ?

Riley se pencha. Dans la lumière de l’après-midi, il était facile de voir où le corps était tombé. C’était une sorte de plateau horizontal. Tout autour, l’eau était noire et devait être plus profonde.

Riley se tourna vers le lac. Visiblement, c’était un ancien canyon. Il était difficile de s’approcher du bord. Les falaises étaient particulièrement abruptes.

A gauche et à droite, se dressaient des masses rocheuses comme celle sur laquelle Riley se tenait. Sous ces petites falaises, l’eau était noire. Le plateau n’existait qu’ici.

Un éclair de compréhension traversa la tête de Riley.

— Il est déjà venu, dit-elle à Bill et Holbrook. Il y a un autre corps dans ce lac.



*



Alors que l’hélico les ramenait à Phoenix, Holbrook demanda :

— Alors, vous pensez vraiment que c’est l’œuvre d’un tueur en série ?

— Oui, dit Riley.

— Tant mieux. Je voulais surtout mettre quelqu’un de compétent sur l’affaire. Qu’est-ce qui vous a convaincue ?

— Il y a plusieurs aplombs rocheux, expliqua-t-elle. Ils se ressemblent. La dernière fois, il a jeté le corps d’un endroit différent et le corps a coulé. Quand il est revenu, il s’est trompé d’endroit – ou peut-être qu’il pensait que c’était sans importance. Bref, il s’attendait au même résultat. Il a eu tort.

— Je savais que tu trouverais quelque chose, dit Bill.

— Il faudra envoyer des plongeurs, ajouta Riley.

— Ça prendra du temps, les prévint Holbrook.

— Peu importe, il faut le faire. Il y a un autre corps. Vous pouvez en être sûr. Je ne sais pas depuis combien de temps il est là, mais il y est.

Elle s’interrompit. Que lui apprenait cette révélation sur la personnalité du tueur ? Il était compétent. Il ne ressemblait pas à Eugene Fisk, mais plutôt à Peterson, le tueur qui les avait enlevées toutes les deux, elle et April. Il était malin et réfléchi, et il aimait tuer. C’était un sociopathe, plutôt qu’un psychopathe. Et surtout, il avait confiance en lui.

Un peu trop pour son bien, pensa Riley.

Ce serait peut-être la raison de sa chute.

— Ce n’est pas un voyou, dit-elle. Je pense qu’il s’agit d’un citoyen ordinaire, qui a peut-être fait des études, qui s’est peut-être marié. Personne ne le soupçonne.

Riley dévisageait Holbrook tout en parlant. Elle venait de lui apprendre quelque chose sur l’assassin de sa sœur, mais Holbrook demeurait impénétrable.

L’hélicoptère décrivit de larges cercles au-dessus du bâtiment du FBI. La nuit tombait et la zone était bien éclairée.

— Regarde, dit Bill en pointant du doigt le hublot.

Riley se pencha. La rocaille dont leur avait parlé le jeune agent ressemblait à une immense empreinte digitale vue d’en haut. Un paysagiste excentrique avait dû penser que cela conviendrait mieux au FBI qu’un simple parterre de fleurs. Des centaines de pierres avaient été disposées avec soin. L’illusion était parfaite.

— Eh ben ! s’exclama Riley. Tu penses que ce sont les empreintes de qui ? Une affaire célèbre, je parie. Dillinger, peut-être ?

— Ou John Wayne Gacy. Ou Jeffrey Dahmer.

C’était un étrange spectacle. D’en bas, personne n’aurait jamais pu deviner que cet alignement de pierres était autre chose qu’un labyrinthe.

Riley eut l’impression qu’on lui lançait un avertissement. Pour résoudre l’affaire, elle allait devoir changer de perspective. Elle était sur le point de s’aventurer dans une région de ténèbres.




Chapitre neuf


L’homme aimait observer les tapineuses. Il aimait les voir se regrouper au coin des rues et sur les trottoirs. Elles allaient souvent par paire. Ces filles avaient plus de caractère que les escorts.

L’une d’elles était justement en train d’engueuler un groupe de jeunes. Ils étaient passés en voiture et avaient ralenti l’allure pour la photographier. La fille avait raison. Elle était là pour travailler, pas pour servir de décor.

Aucun respect, les gamins, de nos jours, pensa-t-il.

Maintenant, les jeunes l’insultaient et lui hurlaient des obscénités. Dans ce domaine, elle avait visiblement plus d’imagination qu’eux. Elle hurla quelque chose en espagnol. Son style lui plut.

L’homme s’était garé devant les motels bon marché où travaillaient les tapineuses. Les autres filles avaient moins de caractère que leur copine. Les poses qu’elles prenaient étaient plus gênantes que sexy. Quand un conducteur ralentit l’allure, l’une d’elles retroussa même sa jupe pour lui montrer sa petite culotte. La voiture ne s’arrêta pas.

L’homme se tourna à nouveau vers la fille qui avait attiré son attention. Elle battait le pavé d’un air agacé, tout en se plaignant auprès de ses copines.

Elle aurait pu devenir sa prochaine victime. Tout ce qu’il avait à faire pour l’attirer chez lui, c’était arrêter sa voiture devant elle.

Non, il n’en ferait rien. Ce n’était pas son genre. Il n’approchait pas les putes dans la rue. C’était à elles de le séduire. Il se débrouillait pour les voir seul à seul, sans jamais leur demander directement, comme si l’idée était venue d’elles.

Avec un peu de chance, la fille au fort caractère allait le repérer et trottiner jusqu’à lui. Il avait une belle voiture. Et il s’était bien habillé.

Il faudrait qu’il se montre plus prudent que la dernière fois. Lâcher le corps du haut de la falaise en espérant qu’il coule… Non, ce n’était pas du travail bien fait.

Le tollé qu’il avait créé ! La sœur d’un agent du FBI ! Ils avaient fait venir du monde de Quantico. Des experts. Mais lui, il ne faisait pas ça pour la gloire. Il voulait juste assouvir ses envies.

Et c’était son droit. Tous les hommes adultes ont des envies.

Ils allaient envoyer des plongeurs fouiller le lac. L’homme savait ce qu’ils pourraient y trouver, même au bout de trois ans. Et ça ne lui plaisait pas du tout.

Il ne s’inquiétait pas seulement pour lui. Etonnamment, il se sentait mal pour le lac. Envoyer des plongeurs fouiller ses moindres recoins sombres lui semblait obscène. Après tout, le lac n’avait rien fait. Pourquoi devrait-il avoir à subir ça ?

Il n’était pas inquiet. La FBI ne remonterait pas jusqu’à lui. C’était tout simplement impossible. Bien sûr, il ne retournerait plus au lac. Il ne savait pas encore où il déposerait sa prochaine victime, mais il finirait bien par trouver.

La fille avait repéré sa voiture. Elle marcha vers lui en roulant des hanches.

Il baissa la vitre du siège passager et elle passa la tête. C’était une femme latino à la peau sombre et au maquillage agressif : un contour des lèvres marqué, une ombre à paupières colorée et des sourcils tatoués. Des crucifix dorés pendaient à ses oreilles.

— Sympa, votre voiture, dit-elle.

Il sourit.

— Qu’est-ce qu’une gentille fille comme toi fait dehors, à cette heure-ci ? demanda-t-il. Tu ne devrais pas être couchée ?

Son sourire révéla des dents étonnamment propres et bien alignées. En fait, la fille avait l’air en excellente santé. C’était rare, ici, dans la rue. La plupart des putes étaient des junkies.

— Tu me plais, dit-il. Très chola.

Son sourire s’élargit.

— Comment tu t’appelles ?

— Socorro.

Ah, “Socorro”, pensa-t-il. Ça veut dire « aide » ou « secours » en espagnol.

— Je suis certain que tu es très forte en socorro, dit-il d’un ton lubrique.

Elle minauda.

— Ça tombe bien : tu as l’air d’avoir besoin de socorro…

— Peut-être.

Avant qu’il n’ait eu le temps de négocier, une voiture se gara derrière lui. Un homme appela la fille par la fenêtre coté conducteur.

— ¡ Socorro ! hurla-t-il. ¡ Vente !

La fille leva les bras au ciel d’un air théâtral, pour montrer son indignation.

— ¿ Porqué ?

— Vente aquí, ¡ puta !

Un éclair inquiet passa dans le regard de la fille. Ce ne pouvait pas être à cause de l’insulte. Non, l’homme dans la voiture devait être son mac. Il venait compter son argent.

— ¡ Pinche Pablo ! marmonna-t-elle.





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LA QUEUE ENTRE LES JAMBES est le troisième tome de la populaire série de thrillers RILEY PAIGE, qui commence avec SANS LAISSER DE TRACES (tome 1) – un roman disponible gratuitement sur de nombreuses plateformes. Personne ne s’étonne de retrouver des prostituées mortes à Phoenix. Cependant, quand la police s’aperçoit que ces meurtres sordides sont liés, ils réalisent qu’un tueur en série sévit dans la région et que l’affaire les dépasse. Devant la nature étrange des crimes, le FBI comprend qu’il devra faire appel à son agent le plus brillant : Riley Paige. Riley hésite : elle se remet à peine de sa précédente affaire et tente de recoller les morceaux de sa vie privée. Toutefois, quand elle apprend que ces jeunes femmes sont mortes dans des circonstances bouleversantes et que le tueur est susceptible de frapper à nouveau, elle ne peut s’en empêcher. Elle se lance à la poursuite de l’insaisissable meurtrier. Sa nature obsessive l’emporte loin, très loin – peut-être trop loin, cette fois, au-delà même de ses propres limites. Ses recherches l’entraînent dans le monde troublé de la prostitution, des foyers brisés et des rêves abandonnés. Elle apprend que, même chez les prostituées, on trouve encore des lueurs d’espoir – un espoir qu’un violent psychopathe est en train de leur voler. Quand une adolescente se fait enlever, Riley se lance dans une course frénétique contre le temps et nage en eaux troubles pour atteindre les abysses de l’esprit du tueur. Mais ce qu’elle finit par découvrir, même Riley n’aurait jamais pu l’imaginer. Sombre thriller psychologique au suspense insoutenable, LA QUEUE ENTRE LES JAMBES est la troisième enquête d’une série palpitante qui met en scène un personnage principal attachant. Le roman vous poussera à lire jusqu'à tard dans la nuit. Le tome 4 des enquêtes de Riley Paige sera bientôt disponible.

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