Книга - Le Fils des Dragons

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Le Fils des Dragons
Morgan Rice


Le Temps des Sorciers #3
“Tous les ingrédients d'un bestseller : énigmes, rebondissements, mystère, preux chevaliers, amours naissants et cœurs brisés, déception et trahison. Des heures de lecture à tout âge. Vivement recommandé pour tous les inconditionnels de fantasy.”

–-Books and Movie Reviews, Roberto Mattos (L'Anneau du Sorcier)



“Les prémices d'une série prometteuse.”

–-San Francisco Book Review (La Quête des Héros)



Morgan Rice, auteur du bestseller La Quête des Héros (plus de 1.300 commentaires cinq étoiles) revient avec une toute nouvelle saga de Fantasy.



LE FILS DES DRAGONS (Le Temps des Sorciers – Tome Trois)

Lenore réintègre le Royaume du Nord saine et sauve – non sans avoir payé un lourd tribut. Son frère Rodry est mort et son père, le Roi Godwin, est dans le coma. La souveraineté du Royaume du Nord est compromise, son frère, le perfide Vars, risque d'en profiter pour accéder au trône.



Mais Vars est un lâche, le roi Ravin, remis de sa défaite, projette d'envahir le Sud. Marées et canaux protègent la capitale du Nord, toujours invaincue – Ravin risque d'y perdre bon nombre d'hommes.



Une bataille mémorable approche à grands pas.



Devin doit découvrir sa véritable identité et forger l'Epée Inachevée – mais il est distrait, amoureux fou de Lenore, prisonnière d'un mariage malheureux. Sa vie est en péril.



Renard a brillamment subtilisé l'amulette capable de maîtriser les dragons. Il fuit l'Homme à la Capuche, bien déterminé à récupérer son bien.



A son réveil Nerra, se retrouve métamorphosée en une créature de toute beauté, monstrueuse, puissante et méconnaissable. L'élue qui sauvera la race des dragons ?



LE TEMPS DES SORCIERS, une histoire mêlant amour, passion, rivalité fraternelle ; trésors cachés et malfrats ; moines et mercenaires ; honneur et gloire, trahison, hasard et destinée. Un récit qui vous tiendra en haleines des heures durant, découvrez un nouveau monde, tombez sous le charme de protagonistes inoubliables. Tout public.



Tome 4 bientôt disponible en précommande



“La fantasy tambour battant …. Les prémices d'une série prometteuse pour jeunes adultes.”

–-Midwest Book Review (La Quête des Héros)



“Un concentré d'action …. Rice et son style éblouissant, une énigme qui tient en haleine.”

–-Publishers Weekly (La Quête des Héros)





Morgan Rice

LE FILS DES DRAGONS




LE FILS DES DRAGONS




(LE TEMPS DES SORCIERS – TOME TROIS)




MORGAN RICE



Morgan Rice

Morgan Rice est bestseller et meilleure autrice d'après USA Today grâce à la série de fantasy L'ANNEAU DU SORCIER, dix-sept tomes ; bestseller avec MEMOIRES D'UN VAMPIRE, douze tomes ; bestseller avec LA TRILOGIE DES RESCAPÉS, thriller post-apocalyptique comprenant trois tomes ; la fantasy ROIS ET SORCIERS, six tomes ; la fantasy DE COURONNES ET DE GLOIRE, huit tomes ; la fantasy UN TRÔNE POUR DES SŒURS, huit tomes ; une nouvelle série de science-fiction, LES CHRONIQUES DE L’INVASION, en quatre tomes ; la fantasy OLIVER BLUE À L’ÉCOLE DES PROPHÈTES, quatre tomes ; la fantasy LE FIL DE L'ÉPÉE, quatre tomes ; et une nouvelle série de fantasy LE TEMPS DES SORCIERS. Les ouvrages de Morgan sont disponibles en livres audio et brochés et traduits en plus de 25 langues.



Morgan adore vous lire, rendez-vous sur www.morganricebooks.com (http://www.morganricebooks.com/), recevez un livre gratuit et des cadeaux ; téléchargez l'application gratuite et recevez des infos en avant-première, connectez-vous sur Facebook et Twitter, restons en contact !



Morgan Rice – Critiques

“Vous pensiez en avoir terminé avec la série L'ANNEAU DU SORCIER, vous aviez tort. Découvrez LE REVEIL DES DRAGONS, la nouvelle saga prometteuse de Morgan Rice, laissez-vous entraîner au pays des trolls et dragons, où sens des valeurs, honneur, courage, magie et destinée règnent en maître. Les personnages de Morgan nous envoûtent au fil des pages … vivement recommandé pour tous les inconditionnels de fantasy.”



    --Books and Movie Reviews
    Roberto Mattos



“Un mélange de fantasy et d'action qui séduira les lecteurs de Morgan Rice et Christopher Paolini, auteur de L'HERITAGE … Les fans de fictions pour jeunes adultes vont littéralement dévorer le dernier opus de Rice.”



    --The Wanderer, A Literary Journal (Le Réveil des Dragons)



“Un ouvrage de fantasy de haut vol mêlant complot et mystère. La Quête des Héros aborde les thèmes du courage et du succès, l'âge adulte, la maturité, l'excellence … Réservé aux fans de fantasy, les protagonistes mêlent astuces et scènes d'action, abordant le passage du jeune Thor à l'âge adulte, une vie placée sous le signe de la chance …. prémices d'une série prometteuse pour jeunes adultes.”



    --Midwest Book Review (D. Donovan, eBook Reviewer)



“L'ANNEAU DU SORCIER comporte tous les ingrédients d'une recette à succès : intrigues, complots, mystères, preux chevaliers, amours naissantes et cœurs brisés, déception et trahison. Des heures de lecture, à tout âge. Chaudement recommandé pour tous les amoureux de fantasy.”



    --Books and Movie Reviews, Roberto Mattos



“Avec ce premier tome "action" de la série de fantasy L'Anneau du Sorcier (14 tomes), Rice nous présente le jeune Thorgrin "Thor" McLeod, qui, à 14 ans, rêve d'intégrer la prestigieuse Légion d'Argent, les chevaliers d'élite du roi …. Une prose et une intrigue riches en rebondissements, Rice en majesté.”



    --Publishers Weekly



Livres par Morgan Rice

LE TEMPS DES SORCIERS

LE ROYAUME DES DRAGONS (Tome 1)

LE TRÔNE DES DRAGONS (Tome 2)

LE FILS DES DRAGONS (Tome 3)



OLIVER BLUE A L’ECOLE DES PROPHÈTES

LA FABRIQUE MAGIQUE (Tome 1)

L’ORBE DE KANDRA (Tome 2)

LES OBSIDIENNES (Tome 3)

LE SCEPTRE DE FEU (Tome 4)



LES CHRONIQUES DE L’INVASION

ATTAQUE EXTRATERRESTRE (Tome 1)

ARRIVÉE (Tome 2)

ASCENSION (Tome 3)

RETOUR (Tome 4)



LE FIL DE L’ÉPÉE

LES PLUS MÉRITANTS (Tome 1)

LES PLUS VAILLANTS (Tome 2)

LES DESTINÉS (Tome 3)

LES PLUS TÉMÉRAIRES (Tome 4)



UN TRÔNE POUR DES SŒURS

UN TRÔNE POUR DES SŒURS (Tome 1)

UNE COUR DE VOLEURS (Tome 2)

UNE CHANSON POUR DES ORPHELINES (Tome 3)

UN CHANT FUNÈBRE POUR DES PRINCES (Tome 4)

UN JOYAU POUR LA COUR (Tome 5)

UN BAISER POUR DES REINES (Tome 6)

UNE COURONNE POUR DES ASSASSINS (Tome 7)

UNE ÉTREINTE POUR DES HÉRITIÈRES (Tome 8)



DE COURONNES ET DE GLOIRE

ESCLAVE, GUERRIÈRE, REINE (Tome 1)

CANAILLE, PRISONNIÈRE, PRINCESSE (Tome 2)

CHEVALIER, HÉRITIER, PRINCE (Tome 3)

REBELLE, PION, ROI (Tome 4)

SOLDAT, FRÈRE, SORCIER (Tome 5)

HÉROÏNE, TRAÎTRESSE, FILLE (Tome 6)

SOUVERAIN, RIVALE, EXILÉE (Tome 7)

VAINQUEUR, VAINCU, FILS (Tome 8)



ROIS ET SORCIERS

LE RÉVEIL DES DRAGONS (Tome 1)

LE RÉVEIL DU VAILLANT (Tome 2)

LE POIDS DE L’HONNEUR (Tome 3)

UNE FORGE DE BRAVOURE (Tome 4)

UN ROYAUME D’OMBRES (Tome 5)

LA NUIT DES BRAVES (Tome 6)



ROIS ET SORCIERS : NOUVELLE



L’ANNEAU DU SORCIER

LA QUÊTE DES HÉROS (Tome 1)

LA MARCHE DES ROIS (Tome 2)

LE DESTIN DES DRAGONS (Tome 3)

UN CRI D’HONNEUR (Tome 4)

UNE PROMESSE DE GLOIRE (Tome 5)

UN PRIX DE COURAGE (Tome 6)

UN RITE D’ÉPÉES (Tome 7)

UNE CONCESSION D’ARMES (Tome 8)

UN CIEL ENSORCELE (Tome 9)

UNE MER DE BOUCLIERS (Tome 10)

UN RÈGNE DE FER (Tome 11)

UNE TERRE DE FEU (Tome 12)

UNE LOI DE REINES (Tome 13)

LE SERMENT DES FRÈRES (Tome 14)

UN RÊVE DE MORTELS (Tome 15)

UNE JOUTE DE CHEVALIERS (Tome 16)

LE DON DU COMBAT (Tome 17)



TRILOGIE DES RESCAPÉS

ARENE UN: LA CHASSE AUX ESCLAVES (Tome 1)

DEUXIEME ARENE (Tome 2)

ARÈNE TROIS (Tome 3)



LES VAMPIRES DÉCHUS

AVANT L’AUBE (Tome 1)



MEMOIRES D'UN VAMPIRE

TRANSFORMATION (Tome 1)

ADORATION (Tome 2)

TRAHISON (Tome 3)

PREDESTINATION (Tome 4)

DÉSIR (Tome 5)

FIANÇAILLES (Tome 6)

SERMENT (Tome 7)

TROUVÉE (Tome 8)

RENÉE (Tome 9)

ARDEMMENT DÉSIRÉE (Tome 10)

SOUMISE AU DESTIN (Tome 11)

OBSESSION (Tome 12)


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Copyright © 2020 by Morgan Rice. Tous droits réservés. Sauf autorisation selon Copyright Act de 1976 des U.S.A., cette publication ne peut être reproduite, distribuée ou transmise par quelque moyen que ce soit, stockée sur une base de données ou stockage de données sans permission préalable de l'auteur. Cet ebook est destiné à un usage strictement personnel. Cet ebook ne peut être vendu ou cédé à des tiers. Vous souhaitez partager ce livre avec un tiers, nous vous remercions d'en acheter un exemplaire. Vous lisez ce livre sans l'avoir acheté, ce livre n'a pas été acheté pour votre propre utilisation, retournez-le et acheter votre propre exemplaire. Merci de respecter le dur labeur de cet auteur. Il s'agit d'une œuvre de fiction. Les noms, personnages, sociétés, organisations, lieux, évènements ou incidents sont issus de l'imagination de l'auteur et/ou utilisés en tant que fiction. Toute ressemblance avec des personnes actuelles, vivantes ou décédées, serait purement fortuite. Photo de couverture Copyright Aphelleon sous licence istockphoto.com.




CHAPITRE UN


La Reine Aethe s'agenouilla auprès de son mari et contempla sa silhouette inerte parmi ses larmes. En proie au chagrin elle avait perdu la notion du temps, le jour et la nuit ne faisaient plus qu'un, la nourriture que les serviteurs la suppliaient d’avaler avait un goût de cendres.

La pièce était richement décorée, ornée de tentures murales et de meubles en bois précieux provenant de tout le Royaume du Nord. Les coupes en or et les soieries ne faisaient aucune différence. Tout était gris et mort depuis que Godwin reposait, immobile, dans son lit.

"Quand se réveillera-t-il ?" demanda-t-elle au Docteur Jarran, qui se borna à secouer la tête et écarter ses doigts boudinés.

"J'ai pansé ses blessures du mieux que j'ai pu. Pour le reste, je regrette, je ne détiens pas la réponse."

"Alors à quoi servez-vous ?" demanda la Reine Aethe, son chagrin se muait en colère, désormais son seul réconfort. "Vous avez échoué à guérir ma fille. Vous ne pouvez pas soigner mon mari. A quoi servez-vous ? Sortez ! Retournez à vos incisions de furoncles et vos points de suture !"

Des mots durs, mais la vie était dure. Le monde était devenu un univers peuplé d'ombres inquiétantes qui la vidaient de ses forces, lui rendait la vie difficile. Personne ne pouvait réconforter Aethe en pareils moments. Bien que son époux soit entouré de serviteurs et de gardes, Aethe se sentait aussi seule qu’abandonnée en pleine nature.

"Pourquoi personne ne peut l'aider ?" se demandait-elle, agenouillée près du lit, mais sa question demeura sans réponse. Personne n'osa. Une folle pensée germa dans son esprit. "Où est Maître Grey ?"

C'était peut-être une question à laquelle personne ne pouvait répondre. Qui savait où se trouvait le mage, ce qu'il ferait ? Au prix d'un grand effort Aethe s’afficha à l'une des fenêtres de la chambre, elle fixa la tour qui flanquait le château, essayant de l'apercevoir. Bien sûr, il n'y avait personne, personne n'était là pour sauver Godwin.

Elle contempla Royalsport en contrebas. Le cours d’eau sinueux de la cité était désormais à marée haute, la scindant en une multitude d'îles, chacune abritant un quartier d'habitation. Une muraille ceinturait la majeure partie de la cité mais une partie s'étendait à l'extérieur, tel le ventre d'un homme enrobé débordant de sa ceinture. Des maisons insalubres flanquaient les murs d'enceinte et s'étendaient jusque dans la campagne. Les grandes Maisons surplombaient la cité : l'imposante Maison des Marchands jouxtait le marché, la Maison des Soupirs avec ses couleurs vives régnait sur le quartier des plaisirs, la Maison des Lettrés dont les flèches s'élevaient en spirales, et la Maison des Armes dont les fours crachaient de la fumée, forgeant des armes qui engendreraient la violence.

Depuis son poste d’observation, Aethe pouvait déjà voir les signes de cette violence, les chevaliers et les soldats qui campaient à l'extérieur de la cité, la foule dans les rues comptaient encore plus d'hommes violents que d'habitude. Des hommes de la noblesse et les soldats du roi, les ducs ou comtes disposaient de douzaines d'hommes à lui prêter, soumis à sa volonté.

Aethe tourna le dos ; ce spectacle lui était insupportable. Elle ne supportait plus rien.

"Réveille-toi, mon époux," dit-elle à voix basse en retournant près du lit. "Ton royaume a besoin de toi." Elle se pencha et déposa un baiser sur son front. "J'ai besoin de toi."

Son mari n'était plus l'homme de jadis, l'âge avait fait grisonner ses cheveux, ses muscles s'étaient empâtés. Aethe y était habituée, elle s'était faite à ces changements, les rides et les cheveux gris avaient modifié son apparence. Non, il était d'une pâleur mortelle, le teint presque aussi gris que sa barbe, son souffle, erratique. Le voir ainsi était au-dessus de ses forces.

Atrocement douloureux. Elle ne le supporterait pas davantage.

"Ne meurs pas. Rodry… ton fils est mort, Godwin." Aethe ne s'était jamais beaucoup préoccupée des fils de Godwin, ils lui rappelaient son premier mariage et combien il avait aimé sa première femme. Mais Rodry était le meilleur. Greave était étrange, obsédé par ses livres, quant à Vars … Aethe frissonna. "Quant à mes filles, Nerra est partie, et Erin guerroie comme un homme."

Ils avaient au moins sauvé Lenore. Elle était de retour, saine et sauve et mariée, elle qui n'aurait jamais dû être en danger, capturée. Aethe espérait simplement que son mariage avec Finnal serait heureux ; elle avait confiance, malgré la crise de nerfs de sa fille le jour de ses noces.

Mais il leur faudrait affronter la menace du Royaume du Sud. Aethe était convaincue qu'aucune armée ne pouvait traverser les eaux tumultueuses de la Slate, mais on disait que l'ennemi arrivait par l'est, via l'Ile de Leveros.

"Je t'en supplie, réveille-toi," dit-elle en prenant la main de Godwin. "Je redoute ce qui risque de nous arriver si tu ne te réveilles pas."

"Il n'y a rien à craindre," lança une voix depuis le seuil de la porte. "En tant que régent, j'ai la situation en main."

La Reine Aethe se retourna en entendant Vars pénétrer dans la pièce.

Le fils de son époux ne ressemblait en rien à un roi. Il portait une couronne d'or, plus petit que son mari, plus faible d’apparence, les cheveux d’un brun terne, les traits grossiers. Ses vêtements étaient certes raffinés mais Aethe aperçut des taches de vin. Pire encore, elle n'avait jamais aimé Vars. Godwin n'aurait assurément jamais voulu qu'il règne à sa place.

"Comment en sommes-nous arrivés là ?" demanda Aethe, sachant que Vars partagerait son chagrin, même s'ils ne partageaient presque rien d'ordinaire. "Ma fille a été emmenée vers le sud, ton frère a été tué ? Ton père est tombé au moment où le Royaume du Sud nous attaque ? Pourquoi ?"

Ce dernier point décupla le chagrin de Aethe. Que son mari soit tombé au combat était déjà suffisamment grave, mais que tout arrive en même temps, c'en était trop. Comme si on l'avait anéantie, détruisant tout derrière elle. Vars parut ébranlé à l'évocation de tous ces malheurs.

"Il est impossible de juger," dit Vars. À la surprise d'Aethe, il se plaça à côté d'elle et posa une main sur son épaule. "Je soupçonne que tout a été manigancé par le Royaume du Sud. Oui, s'il y a quelqu'un à blâmer, c'est bien eux."

"Je leur en veux," rétorqua Aethe, elle bouillait de rage, d'un feu qui la consumerait pourvu qu'elle donne libre cours à sa colère. "Je les rayerais de la carte après tout ce qu'ils ont fait si c'était en mon pouvoir !"

"Des êtres haïssables," affirma Vars.

"Tuer ton frère, kidnapper ta sœur…"

"Oui. Elle a heureusement épousé Finnal."

"Effectivement," répondit Aethe, quelque peu soulagée. Lenore avait les nerfs à vif avant le mariage mais elle était convaincue que sa fille serait bientôt heureuse. "Et Godwin…"

"Nous ferons tout notre possible pour l'aider. Tout ce qui est envisageable."

"Pourrais-tu … pourrais-tu trouver Maître Grey ? Le médecin n'est d'aucune aide, peut-être qu'il…"

"Je veillerai à ce qu'il vienne ici. En attendant, je ferai en sorte que tout se passe pour le mieux."

"Je t'aiderai. Je ferai tout mon possible. Nous veillerons à la sécurité du royaume ensemble. Pour Godwin."

Elle sentit ses larmes couler, défaillit presque de faiblesse et de chagrin.

"Ce ne sera pas nécessaire."

"Mais Vars—” commença Aethe. Elle avait besoin de faire quelque chose pour se sentir utile, être à nouveau partie prenante.

"L'épouse de mon père est visiblement perdue," dit Vars en s'adressant aux deux gardes. Il ne l'avait pas appelée "reine", remarqua Aethe. "Elle a besoin de repos. Escortez-la dans sa chambre et veillez à ce qu'on ne la dérange pas."

"Comment ? Je n'irais nulle part."

"Oh que si," insista Vars. "Tu es fatiguée, désemparée. Repose-toi. C'est pour ton bien."

Seul hic, plus elle protestait, plus elle ressemblait à une épouse éplorée. Les gardes vinrent la chercher et la prirent par les bras. Elle se débattit, résolue à marcher seule, sans pouvoir arrêter les larmes qui ruisselaient sur son visage. Elle se retourna pour regarder Vars, penché sur son mari. Comment en était-on arrivé là ?

Pire encore, quel désastre attendait le royaume ?




CHAPITRE DEUX


Vars ne voyait pas l'heure de renvoyer Aethe depuis son arrivée au château, alors qu'il n'était encore qu'un enfant. La femme de son père, qui avait remplacé sa propre mère, avait longtemps été à l’origine de ses déceptions. Elle n'avait eu de cesse de rabâcher aux oreilles de son père, aussi longtemps qu'il s'en souvienne, que Vars était faible, lâche, indigne : que ses filles devaient prendre le pouvoir.

Elle s'était immiscée à plusieurs reprises dans leur conversation. L'avait interrogé sur la façon dont Lenore s'était retrouvée seule, suggérant manifestement qu'elle soupçonnait Vars d'avoir manqué à ses devoirs de gardien. Elle prétendait que ses propres enfants pourraient l'aider à gouverner, Vars savait mieux que quiconque qu'il s'agissait d'une manière détournée de le renverser. Vars risqua un sourire satisfait alors que les gardes emmenaient Aethe dans ses appartements.

"Que faites-vous tous ici ?" demanda-t-il aux gardes et serviteurs. Il constata qu'ils demeuraient là, immobiles. "Croyez-vous que mon père va s'asseoir et demander un verre de vin, ou faire la conversation ?"

La plupart d'entre eux se détournèrent devant ses paroles, comme s'ils refusaient d'écouter. Vars était le régent désormais, ils devaient l'écouter.

"Nous demeurons auprès du roi par loyauté, Votre Altesse," dit l'un des serviteurs. "Au cas où il aurait besoin de notre aide."

"Quelle aide ? Le Docteur Jarran sortait d’ici à mon arrivée. Son aide est-elle opportune ? Non. Même le sorcier favori de mon père ne fait que marmonner dans sa tour. Et vous voudriez, tous combien vous êtes, lui venir en aide ? Sortez."

“Mais Votre Altesse —”

Vars s'en prit au serviteur. "Vous parlez de loyauté. Je suis le régent. Je m'exprime au nom du roi. Si vous faisiez preuve de loyauté, vous obéiriez. Mon père n'a pas besoin d'être entouré de gardes ou de serviteurs. Partez, avant que je ne vous fasse sortir de force."

Vars savait pertinemment qu'aucun d'entre eux n'avait envie de partir, mais en vérité, il s'en fichait. Il avait constaté depuis fort longtemps déjà que les gens ne faisaient que ce pour quoi ils étaient faits. Ceux qui parlaient d'honneur, de loyauté ou de patriotisme n'étaient que des menteurs prétendant être meilleurs que Vars.

Un des gardes fit halte alors qu'ils s’apprêtaient à sortir. "Et si le roi seréveillait, Votre Altesse ? L'un de nous ne devrait-il pas rester à ses côtés et vous informer le cas échéant ?"

Vars ne réprimanda pas l'homme, uniquement parce qu'il ne voulait pas être perçu comme un fils haïssant son père, ou comme un fou incapable de gouverner son royaume. Préserver les apparences, la vérité était secondaire.

"Ce n'est pas une mission pour vous. Cette tâche conviendrait plus à un enfant." Une idée germa dans son esprit. "Qui est le plus jeune page ici présent ?"

"Merin, Votre Altesse. Il a onze ans."

"Onze ans c'est bien assez grand pour veiller sur mon père au cas où il se réveillerait et suffisamment jeune pour n'être d'aucune utilité ailleurs. Allez le chercher et retournez à vos obligations. Nous sommes en guerre, après tout !"

Ces paroles suffirent à les faire réagir, les forcèrent à bouger, là où les capacités de commandement de Vars avaient échoué. Il les détestait. Il les haïssait encore plus qu’ils le détestaient. Il se rendit au chevet de son père malade, dévisagea la silhouette du Roi Godwin plongée dans le coma.

Il avait l'air si fragile, d’un teint de cendres, les muscles de son corps moins dessinés, couché sur le dos. Il paraissait plus âgé qu'avant, Vars le trouva moins impressionnant.

"Je crois que c'est la première fois que tu ne m'écrases pas de ta présence, que tu me dises à quel point je suis inutile," déclara Vars. Prononcer ces mots lui fit grand bien, même si son père ne pouvait l’entendre. Il n'aurait jamais eu le courage de parler si son père avait été éveillé, il n'aurait jamais osé.

Vars faisait les cent pas dans la chambre, songeant à tout ce qu'il avait toujours voulu dire à son père, tout ce qu'il avait en tête, des réflexions que la peur retenait captives. Même maintenant, il avait du mal à s'exprimer, savoir que son père ne pouvait pas vraiment les entendre, ne pouvait rien, libéra sa parole.

"On dit que tu peux en réchapper, ou mourir. J'espère que tu mourras. C'est tout ce que tu mérites, vu le père que tu as été." Il dévisageait son père d'un air haineux. S'il avait eu le courage, il se serait emparé d'un oreiller et l'aurait plaqué sur son visage.

"Sais-tu ce que c'est, que de grandir avec un père pareil ? Rien de ce que je faisais n'était jamais assez bien pour toi. Rodry a toujours été le meilleur. Oh, tu l'aimais, lui, quand il ne s'en prenait pas aux ambassadeurs. Je suis bien aise que tu aies appris sa mort avant qu'on ne te poignarde. Et Nerra… qu'a-t-elle ressentit lorsque tu l'as forcée à partir ?"

Il n'y eut évidemment pas de réponse, pas l'ombre d'une réponse de la part de son père, inerte. Ce qui était d'autant plus grave, en fin de compte.

"Quand ma mère est morte, tu t'es vite trouvé une nouvelle femme. Tes fils avaient besoin de toi, j'avais besoin de toi, mais tu as choisi d'épouser Aethe, qui t'a donné tes précieuses filles."

Il songea à toutes les fois où son père l'avait réprimandé tout en portant Nerra, Lenore et même Erin, aux nues.

"Tu as accordé tant d'attention à Lenore et à son stupide mariage, n'est-ce pas ? Tu as placé tant d'espoirs en elle. Sais-tu pourquoi tu gis ici ? Sais-tu pourquoi elle a été enlevée ?" Vars s'arrêta et se pencha sur son père, suffisamment près pour chuchoter. "Ils l'ont capturée parce que j'ai pris le mauvais chemin avec mes hommes. Je ne voulais pas perdre mon temps à la protéger, alors que j'étais le suivant dans l'ordre d'accession au trône. Je ne voulais pas rester à attendre pendant que la princesse idéale se pavanait dans tout le royaume, était adulée. Je l'ai laissée seule, les hommes de Ravin l'ont capturée, Rodry est mort en voulant la sauver."

Vars se redressa, éprouvant la profonde satisfaction d'avoir enfin vidé son sac, d’avoir dit à son père tout ce qu'il avait sur le cœur.

"Tu n'as eu de cesse de me rabaisser, regarde-moi maintenant. J’ai toujours fait ce que j'ai voulu, j'ai passé mon temps à la Maison des Soupirs et dans les auberges plutôt que dans ta fabuleuse Maison des Armes. C'est moi qui commande désormais, et je compte bien en profiter."

On frappa à la porte. Un serviteur entra suivi d'un jeune garçon aux cheveux blonds et au visage poupin, vêtu d'une chemise, d'une tunique et d'un collant bleu roi et or. Il semblait nerveux en présence de Vars, et esquissa une révérence parfaite. Vars remarqua qu'une de ses mains était petite et tordue, peut-être un accident survenu il y a longtemps. Vars s'en moquait.

"Tu es Merin ?"

"Oui, Votre Altesse," répondit le jeune garçon d'une petite voix effrayée.

"Sais-tu quel est ton rôle ici ?"

Le garçon secoua la tête, manifestement trop effrayé pour répondre.

"Tu veilleras sur mon père. Tu lui apporteras ses repas, fera sa toilette, tu attendras de voir s'il se réveille." Il ne lui demanda pas s'il en était capable ; il s'en fichait. "Est-ce clair ?"

"O-oui, Votre—”

"Bien," Vars lui coupa la parole. La réponse d’un garçonnet ne l'intéressait pas mais il tenait simplement à s'assurer que l'humiliation de son père soit complète. Vivre ou mourir, peu importe. Soit son père vivrait, et Vars savourerait sa petite revanche, soit il mourrait, auquel cas, Vars saurait qu'il avait réussi à rendre les derniers jours du vieux fou encore pires.

Il se tourna alors vers l'autre serviteur, qui se remit nerveusement au garde à vous. "Que faites-vous ici ? Je pensais vous avoir dit à tous de retourner à vos tâches habituelles."

"Oui, Votre Altesse. Je suis venu parce que… parce que votre présence est requise."

"Ma présence est requise ?" Vars saisit l'homme par son col de chemise. C'était facile, il savait que le serviteur n'oserait pas le frapper, ce serait considéré comme une trahison. "Je suis le régent. Le peuple n'a rien à exiger."

"Pardonnez-moi, Votre Altesse. C'est… c'est le terme qu'ils ont utilisé quand ils m'ont envoyé vous chercher."

Le terme "chercher" le disputait à "requise." Vars envisageait de frapper l'homme mais se retint de justesse, son rang lui dictait de rester à sa place, Vars ne voulait pas recevoir de mauvais coup, quelles que soient ses envies de vengeance.

"Qui vous envoie, et pourquoi ? Qui se croit permis de donner des ordres en mon château ?"

"Les nobles, Votre Altesse. Ils se concertent…" Il semblait réfléchir aux termes exacts qu'on lui avait demandé de transmettre. "… ils se concertent afin de débattre de l'invasion du Royaume du Sud et décider d'une réponse commune. Les nobles et les chevaliers sont présents. La réunion se déroule dans le grand salon en ce moment-même."

Vars écarta l'homme du milieu, soudain en proie à la colère. Comment osaient-ils ? Comment osaient-ils profiter de ce moment où le pouvoir du royaume était enfin entre ses mains pour tenter de le rabaisser ?

Il savait où ils voulaient en venir, bien qu'on le lui ait tu. La noblesse le mettait à l'épreuve, le traitant comme s'il n'était pas un vrai roi, pas un souverain aussi puissant que son père. Ils essayaient d'en faire une marionnette, un homme de paille qu'ils pourraient commander et contrôler, un serviteur et un régnant. Ils croyaient pouvoir lui dicter sa conduite, décider entre eux, Vars se verrait réduit à être une simple tête couronnée, sagement assis sur son trône.

Rira bien qui rira le dernier. Vars leur montrerait qu'ils avaient tort.




CHAPITRE TROIS


Toute sa vie durant, Lenore s'était montrée parfaite, docile et obéissante. La princesse idéale, tandis que ses sœurs en faisaient toujours plus ou moins à leur tête. Nerra était toujours la première à arpenter la forêt, tandis qu'Erin jouait aux petits soldats. Lenore était la seule à tenir son rôle de princesse.

Mais elle faisait désormais qu'elle voulait.

"Etes-vous certaine de vouloir descendre en ville, madame ?" demanda Orianne, alors qu'elles se dirigeaient vers l'entrée du château. "Y aller seules peut être imprudent."

Un frisson s'empara de Lenore au souvenir de son enlèvement mais elle secoua la tête.

"Le risque existe hors les murs mais Royalsport est un lieu sûr. De plus, nous prendrons un garde." Elle en choisit un. "Vous, nous escorterez-vous en ville ?"

"A vos ordres, Votre Altesse."

"Pourquoi aller dans la cité ?" demanda Orianne. "Vous ne vous y rendez que très rarement."

C'était la vérité. De toute sa famille, Lenore était celle qui avait passé le moins de temps hors du vase clos de la cour royale. Mais rester cloîtrée ici lui devenait désormais insupportable. Elle ne pouvait plus supporter de rester avec tous ces gens qui la félicitaient pour son mariage, pendant que son père était à l'article de la mort et que sa mère, en deuil, n’était plus que l'ombre d'elle-même. Elle ne pouvait pas supporter la présence de Finnal, bien qu'il exige qu'elle demeure à ses côtés.

Il y avait une autre raison : elle croyait avoir vu Devin descendre en ville de temps à autre, il s'y trouverait peut-être. Pouvoir lui parler à nouveau fit battre ce cœur que Lenore croyait mort. Penser à lui, à sa gentillesse, lui redonnait le sourire, contrairement à son mari.

"Nous descendrons et montrerons au peuple que nous sommes là pour eux, malgré la période de deuil," déclara Lenore.

Elle partit avec Orianne et le garde dans son sillage, passa devant les gardes postés près des portes, avant de se frayer un chemin en direction du ventre de la cité. Lenore admirait les habitations de part et d'autre, leur hauteur et leur magnificence, perçut l'air chargé de parfums, sentit les pavés sous ses pieds. Elle aurait pu monter en carrosse mais cela l'aurait tenue à l'écart de la cité. La dernière fois qu'elle était monté en calèche remontait à sa procession de noces, Lenore essaya de refouler ces souvenirs, de ne point les revivre.

Elle se dirigea vers un quartier agréable émaillé de jardins non loin du château, les demeures appartenaient visiblement à la noblesse, les rues étaient propres et peu fréquentées. Mais ce n'est pas ce que Lenore recherchait. Elle savait que Devin était probablement originaire d'un quartier beaucoup plus pauvre, elle voulait constater de visu le vrai visage de Royalsport.

"Etes-vous certaine de vouloir aller dans cette direction, Lenore ?" demanda Orianne alors qu'ils franchissaient un pont pour atteindre une zone nettement plus pauvre, les maisons étaient moins espacées, la population plus encline à travailler qu'à paresser. La fumée de la Maison des Armes montait, droite, vers le ciel.

"Ma place est ici. Je veux voir le vrai visage de la cité."

Ce serait d'autant mieux si d'aventure elle tombait sur Devin chemin faisant. Lenore devait avouer que son cœur s'emballait à chaque fois qu'elle l’apercevait. Bien sûr, elle avait fait pareil avec Finnal, mais c'était différent. Devin n'était pas intéressé par conclure une union qui lui rapporterait des terres, d’horribles rumeurs ne circulaient pas sur son compte. Ce que Lenore avait vu ou entendu à son sujet prouvait qu'il était courageux et prévenant … le genre d'homme qu'elle aurait dû épouser, mais c'était impossible.

"Nous seront bientôt en vue de la Maison des Soupirs si nous continuons de la sorte," dit Orianne. Lenore l'apercevait par-dessus les toits, la bâtisse aux couleurs vives attirait le regard. Une idée lui traversa l’esprit.

"Tu devrais y aller," dit-elle à sa bonne. "Parler à … notre amie. La rassurer quant à nos intentions."

"Vous en êtes sûre ? Nous voir en pareil endroit peut s'avérer délicat."

"Sûre certaine." Lenore connaissait désormais le vrai visage de Finnal ; elle avait besoin de tous les alliés possibles, même issus de lieux qui l'auraient fait rougir, rien qu'à y penser.

"Comme il vous plaira, madame », Orianne fit la révérence et se hâta.

Lenore se retrouva à flâner dans les rues avec le garde. Lenore errait sans but ; se promenait librement, là où elle le souhaitait.

Elle se baladait lorsqu'elle entendit des pas derrière eux. Lenore fronça les sourcils et se retourna vers le garde.

"Vous avez entendu ?"

"Entendu quoi, Votre Altesse ?"

Sa peur reprenait sans doute le dessus, peur certainement liée au fait de se retrouver en un lieu inconnu, mais non. Elle était malgré tout persuadée d'entendre à nouveau des bruits de pas, croyait avoir aperçu une silhouette quelque part derrière son épaule, un individu qui la suivait dans les rues de la cité, parmi les passants. Lenore pressa le pas.

Elle tourna à l'angle au hasard à plusieurs reprises, se maudit alors qu'elle et son gardien atterrissaient dans une impasse, une cour tranquille entourée de maisons. Elle se retourna, un homme s'approcha, vêtu de sombre, un couteau à la ceinture, il arborait l'insigne des hommes du Duc Viris ; les sbires de Finnal.

Lenore aurait dû pousser un soupir de soulagement à la vue de cet homme, acquis à son mari, il ne s'agissait pas d'un voyou susceptible de la voler. Lenore sentit néanmoins une certaine appréhension monter peu à peu.

"Que faites-vous ici ? Qui êtes-vous ?"

"Mon nom est Higgis, Votre Altesse," dit l'homme en faisant la révérence. "Un serviteur, votre époux m'a remis des instructions."

"Quelles instructions ?"

L'homme acheva sa révérence, le couteau à la main, s'approcha du garde de Lenore qu’il poignarda à deux reprises. Lenore tressaillit et se plaqua contre le bâtiment le plus proche, mais l'homme se posta entre elle et la sortie donnant sur la cour, bloquant toute issue.

"J'ai été envoyé pour vous sauver des voyous qui vous ont attaquée." Il essuya et rangea son couteau. "Ils ont tué votre garde et vous ont molesté avant de vous détrousser. Tout cela parce que vous n'avez pas suivi les recommandations de votre époux, à savoir, rester à votre place. Il se verra par conséquent contraint de vous emmener hors de la cité durant votre convalescence."

Le serviteur avança en faisant craquer ses jointures.

"Vous frapperiez vraiment une princesse ? Je vous ferai pendre."

"Non, Votre Altesse. Certainement pas, votre mari me récompensera, comme il l'a déjà fait par le passé. Je serais tenté de dire que la chose serait plus aisée si vous vous teniez tranquille, mais je mentirais."

Il leva son poing, Lenore crut, l'espace d'un instant, que son avenir ne rimait qu’avec douleur. Puis une deuxième silhouette, plus petite, fit irruption devant l'homme dans la cour, s'interposa entre Lenore et son agresseur.

"Erin ?"

Sa sœur faisait tournoyer son bâton d'un air désinvolte en attendant. Le serviteur de Finnal se précipita vers elle sans hésiter. Erin attendit le dernier moment avant de s'écarter, puis abattit son bâton dans le ventre, les genoux et sur le crâne de l'homme. L'arme semblait frapper partout à la fois, à telle vitesse qu'un flou s'instaura, ponctué par le craquement du bois sur son bras.

Le serviteur recula et sortit de nouveau son couteau. Erin s'élança avec son bâton, frappa au niveau du poignet, Lenore entendit distinctement l'os craquer alors que l'arme entrait en contact. L'homme hurla, trébucha, se retourna et courut. Lenore crut que sa sœur le poursuivrait mais elle s'arrêta et se tourna vers elle.

"Tout va bien ? Il t'a fait mal ?"

Lenore secoua la tête. "Pas à moi, mais mon garde…" Elle contempla, sous le choc, les yeux vitreux du garde. Un bien pénible souvenir. "Que fais-tu ici, Erin ?"

"J’ai imaginé te suivre dans la cité. J'ai fait une pause dans mon entraînement avec Odd. J'ai vu cet individu te prendre en filature, je voulais en avoir le cœur net." Elle regarda Lenore droit dans les yeux. "Que se passe-t-il, ma sœur ?"

"C'est …" Lenore essayait de s'exprimer d'une voix assurée. Elle ne devait pas faire preuve de faiblesse, ne pas trembler ni perdre ses moyens, contrairement à ce que Finnal croyait probablement. "C'est à cause de mon jeune époux."

"Finnal ?"

"Il est aussi malveillant que le dit la rumeur, Erin. Il ne se soucie que de ce qu'il peut retirer de notre union, ni de moi. Et … il a mandé cet homme pour me molester parce que j'ai quitté le château sans son accord."

Le visage d'Erin se fit impénétrable. "Je le tuerai. Je l'étriperai et planterai sa tête sur une pique."

"Non. C'est impossible. Tuer le fils du Duc Viris ? Ce serait la guerre civile."

"Que crois-tu que ça me fasse ?

"Ça me fait quelque chose à moi. Non, nous devons la jouer fine."

"Nous ?"

“Orianne, ma servante, connait bien Finnal. Elle nous aidera. Les autres aussi, Devin notamment.”

Lenore ignorait pourquoi son nom lui vint à l'esprit, et pourtant.

"C'est tout ? » demanda Erin, pensive. "C'est un bon début. Nous pourrions aller voir Vars."

"Il s'en fiche. Je trouverais le moyen de divorcer de Finnal si seulement Vars voulait bien m'écouter."

"Nous trouverons quelque chose qui saura le faire plier," renchérit Erin.

Lenore secoua la tête. "Ça ne sera pas facile."

Erin soupira. "Je sais. Mais je te jure, Lenore, que Finnal ne te fera plus jamais de mal. Plus personne. Désormais, j'irai où tu iras, et si on t'attaque … je serai à tes côtés et lui arracherai le cœur si besoin est."




CHAPITRE QUATRE


Nerra s'agenouilla près des eaux de la fontaine du temple, parmi les os des morts qui y avaient bu avant elle. Au-dessus, les flancs du volcan semblaient la regarder avec colère, lui interdisant de tenter ce qu'elle s'apprêtait de faire. Elle contemplait, sur ses bras, les plaques aux zébrures sombres provoquées par la maladie de l'homme de la pierre.

Elle refusait de mourir comme Lina. Mieux valait boire à cette source mortelle qu'attendre que la maladie ne réclame son tribut, sur l'île où l'avait amenée son dragon. Voir mourir son amie était le catalyseur qui l'avait forcée à atteindre ce temple, jusqu'à la fontaine qu'elle avait promis de ne pas approcher à Kleos, le gardien de l'île.

Elle boirait de son eau. Elle but l'eau d'un long trait dans ses mains en coupe. Inutile de se contenter d'en boire une gorgée, le moindre contact avec cette eau était censé donner la mort.

Elle n'osait espérer que cela puisse signifier autre chose.

"Ils ne l'auraient pas appelé fontaine de guérison pour rien," dit Nerra à voix haute, comme pour s'en persuader. "Ils n'auraient pas construit tout ça."

Pourquoi édifier un temple en pleine nature si le seul but était de tuer ceux qui y venaient ? Pourquoi s'ennuyer avec une fontaine, ou avec cette étrange sensation qui semblait la repousser de ces lieux après avoir gravi les flancs du volcan ? Kleos, le gardien des malades, lui avait dit que boire signerait sa mort, que tout cela n'était qu'un moyen de laisser les individus atteints par la maladie du dragon s'éteindre à petit feu, Nerra espérait qu'il avait tort, qu'il mentait, ou les deux.

Ça devait marcher. Il fallait que ça marche.

Nerra se leva et contempla l'île autour d'elle, si proche du continent de Sarras, sans en faire toutefois totalement partie. Elle regarda le paysage volcanique déchiqueté qu'elle avait traversé, la forêt environnante. D'ici, elle n'apercevait pas le petit village qui essayait d'abriter les malades et les mourants, ceux que la maladie transformerait peu à peu en créatures monstrueuses ne connaissant que la faim et la mort. Ne valait-il pas mieux essayer, plutôt que demeurer assise à attendre le triste sort du couteau de Kleos, lorsque son corps serait trop informe ?

Nerra demeurait dans l'expectative, essayait d'imaginer l'eau faire son ouvrage. Aurait-elle déjà dû en ressentir les effets ? Elle connaissait suffisamment bien les herbes pour savoir que les effets étaient rarement instantanés, mais elle s'attendait à ce que les eaux curatives soient toutefois—

Nerra poussa un cri de douleur, une douleur si forte et dévorante qui la poussa à s'agenouiller de nouveau. Elle serra ses mains sur son ventre tandis que son corps se contorsionnait de douleur, ses cris se succédaient à un rythme si rapide qu'elle fut bientôt à bout de souffle.

Kleos n'avait pas menti ; la fontaine était empoisonnée. Nerra ressentait désormais les effets de l'eau, se frayer un chemin tel un serpent hérissé d'épines, brûler sa trachée comme si elle avalait du magma, et non de l'eau. Elle essaya de vomir, en pure verte ; elle n'arrivait pas à se dominer suffisamment pour y parvenir.

"Pitié …" cria Nerra.

Elle avait l'impression que son corps entier se déchirait, muscle après muscle, os après os. Comme si chaque centimètre carré de son corps luttait avec le reste, dans une guerre où son organisme était le champ de bataille, les guerriers et l'étendue stérile qu'elle laisserait derrière elle, une vie décimée.

"Non…" hurla Nerra. Elle songea, à cet instant précis, à tout ce qu'elle avait été contrainte de laisser derrière elle au Royaume du Nord, tout ce qu'elle ne reverrait plus jamais tandis que ces eaux mortelles se déchaînaient et précipitaient sa mort. Elle songea à ses frères et sœurs, à l'élégante Lenore et à Erin la rebelle, à Rodry, toujours prompt à se battre pour défendre autrui et à Greave, si calme et posé. Elle eut même une pensée pour Vars.

Mais elle songea par-dessus tout au dragon qu'elle avait découvert. Dans son esprit, il avait grandi incroyablement vite, ses écailles brillaient d'un reflet arc-en-ciel, ses larges ailes s'étendaient tandis qu'il s'envolait vers les cieux. L'image était si nette que Nerra leva les yeux, s'attendant presque à le voir dans le ciel, comme cela avait été le cas lorsque les bandits s'étaient emparés d'elle dans la forêt. Il l'avait amenée jusqu'ici, pourquoi aller ailleurs ?

Mais elle était seule ; plus seule que jamais. Dans la forêt, il y avait les animaux, un sentiment de paix. Maintenant… seule demeurait cette douleur qui la terrassait, la faisait se contorsionner, l'anéantissait. Nerra sentit son bras se briser et poussa un hurlement de douleur, les muscles de ses doigts se contractaient si violemment qu'ils lui brisèrent les os.

Elle avait dû s'évanouir de douleur, vit à nouveau le dragon, d'autres dragons, volant au-dessus de Sarras, des nuées obscurcissaient le ciel. Ils tournoyaient au-dessus d'elle, elle était parmi eux, se repaissant de cette myriade de couleurs, noir et rouge, or et émeraude, et bien plus encore.

Elle était au sol à présent, évoluait parmi les vestiges de bâtiments bien plus anciens que ceux existants au Royaume du Nord, des édifices comme surgis de terre, non bâtis de main humaine. Elle crut distinguer des silhouettes évoluer parmi ces bâtiments, ombres vacillantes au coin de ses yeux, mais elles se dispersaient à chaque fois qu'elle essayait de tourner la tête pour mieux voir, disparaissaient dans le lointain, impossibles à appréhender.

Nerra voulut les poursuivre mais elles se fondirent dans des tunnels aux parois qui semblaient se mouvoir et s'étirer au fur et à mesure que Nerra y pénétrait. Cette pierre vivante l'agrippait, l'attrapait et la pétrissait comme de l'argile jusqu'à ce que Nerra soit à bout de souffle, incapable de crier dans son rêve.

Elle fit la seule chose à laquelle elle ne s'attendait pas : elle se réveilla.

Il lui était impossible de dire combien de temps s'était écoulé. Le soleil était encore haut dans le ciel, mais une douzaine de jours auraient pu s'écouler sans que Nerra le sache. Son corps était encore tourmenté au souvenir de la douleur atroce que cette eau lui avait fait subir, elle se sentait si faible que…

Non ; elle ne se sentait pas faible. Elle avait soif, faim, était fatiguée, mais pas faible. Au contraire, elle se sentait forte. Elle se tenait debout, et pour la première fois depuis ce qui lui parut un long moment, n'éprouvait aucune sensation de vertige. Malgré cela, Nerra faillit tomber. Les muscles de ses jambes étaient … bizarres. Différents.

Même le monde autour d'elle paraissait autre, étrangement changé. Les couleurs semblaient avoir subtilement changé, comme si elle pouvait en voir plus, les odeurs de la forêt toute proche étaient si puissantes qu'elle pouvait presque les goûter.

Mais pour l'instant, cela n'avait pas d'importance. Elle avait survécu, c'est tout ce qui importait. Serait-ce à dire … qu'elle était guérie ? Que la fontaine l'avait guérie ?

Nerra osait à peine espérer que ce soit vrai, qu'elle ait survécu alors que tant d'autres avaient succombé, l'espoir commençait à renaître. Elle était bel et bien vivante, cette horrible sensation d'os brisés avait disparu. Si elle était entière, être guérie serait trop demander ?

Puis, Nerra vit son bras. Un bras humain, non pas tordu comme les hideuses créatures difformes atteintes de la maladie du dragon au village, mais entièrement recouvert d'écailles irisées d'un bleu profond. Les muscles se mouvaient sous sa peau désormais bien plus épaisse, Nerra regarda mieux et aperçut clairement, avec une netteté effroyable, des serres au bout de ses doigts.

Elle poussa un hurlement, en état de choc devant son bras désormais pourvu de serres, griffa ses écailles, ce qui ne fit qu'empirer les choses. Que lui arrivait-il, qu'était-elle devenue ? Elle avait l'impression de ne plus pouvoir respirer, cela n'avait rien à voir avec la maladie et tout avec l'étrangeté de la situation. Elle fit un pas en arrière et recula vers la vasque. C'était plus fort qu'elle ; elle devait se regarder.

La créature qui se reflétait dans l'eau n'avait rien à voir avec son apparence première, n'était pas la chose disloquée et tordue qu'elle avait tellement redouté devenir. Nerra la dévisagea de longues secondes, incapable de comprendre, l'horreur, le choc et une certaine fascination se disputaient ses faveurs.

Sa peau était couverte d'écailles, ses yeux, jaunes, semblables à ceux d'un serpent, ses traits avaient tout d'un dragon, une symétrie et une beauté indéniables habitaient pourtant son visage. Nerra refusait sa nouvelle apparence, et quand bien même, quelque chose lui rappelait la Nerra d'alors. Des réminiscences de ses cheveux étaient toujours présentes, les mèches sur son front semblables à la crête d'un lézard. Son corps plus musclé couvert d'écailles était capable de se mouvoir de façon sinueuse grâce aux nouvelles jointures de ses articulations, mais elle n'avait rien d'un monstre.

"Oui, je suis un monstre !" s'exclama-t-elle à haute voix, sa voix était la seule partie de son corps qui n'ait pas changé. C'était encore pire en quelque sorte, cela n'améliorait pas les choses. Comment cette partie d'elle pouvait demeurer, quand tout le reste était métamorphosé ? Une pensée lui vint à l'esprit, aucun membre de sa famille ne la reconnaîtrait désormais, elle avait tout perdu. Une fureur rapide, fulgurante, totale, s'empara d'elle, Nerra prit une pierre du temple et l'écrasa entre ses mains. Elle réalisa, ce faisant, la force que cette nouvelle apparence lui conférait.

Sa rage était omnipotente, Nerra la sentait écumer, bouillonner, s'emparer d'elle, la métamorphoser comme tous les individus au village, transformés en créatures dantesques. Nerra se révolta, refusait le choc, la douleur de la mutation qui sourdait en elle, refusait de devenir cette chose-là. Elle se cramponna au bord de la vasque, contempla l'eau fixement, se força à regarder cette version modifiée, jusqu'à la limite du supportable.

La fontaine ne l'avait ni tuée ni guérie, mais métamorphosée. Elle avait agi comme le catalyseur de la transformation générée par la maladie, l'avait transcendée au-delà des silhouettes alambiquées qu'elle engendrait habituellement, pour devenir un être fluide et aérien, mi-homme, mi-saurien.

Nerra ne savait que penser, comment surmonter le choc de ce nouveau corps, ce qu'elle était devenue. Elle ne comprenait pas, ne savait que faire. Elle avait besoin de savoir ce qui se passait et ce qui lui était arrivé, un seul endroit s'imposa à elle pour obtenir des réponses, un endroit où ils la tueraient pour ce qu'elle était.

Nerra avança à grandes enjambées sur les pentes du volcan en direction du village.




CHAPITRE CINQ


Suivre Finnal et ses sbires fut tâche aisée pour Erin ; après tout, en tant que princesse, elle pouvait vaquer à son gré dans le château, personne n'osait s'y frotter en tant que chevalier, avec sa courte lance à la pointe affûtée au côté, de sorte qu'elle passait pour un bâton.

Que verrait-on vraiment, en la regardant de près ? Une fille plus petite que ses sœurs, portant armure, des cheveux bruns coupés courts pour ne pas offrir de prise lors des combats, à l’expression déterminée. Personne ne devinerait de quoi il retournait, ne pourrait savoir où elle voulait en venir, deviner que tôt ou tard, elle prévoyait de ficher sa lance dans le cœur de Finnal. Les gens se bornaient à voir les princesses pour ce qu'elles étaient, sans voir plus loin que le bout de leur nez.

Les gens étaient stupides.

Pour l'instant, Erin ne faisait que suivre, se frayant un passage parmi la foule du château, des rassemblements de chevaliers aux groupes de serviteurs, tandis que Finnal traversait la cour en direction du grand salon. Des tentes avaient été dressées dans la cour, à l'ombre des hautes murailles, des soldats campaient en attendant les ordres. D'aucuns étaient assis autour de feux de camp, Finnal s'arrêtait avec certains d'entre eux, blaguait et riait. Il distribua des pièces à certains, probablement pour essayer de s'attirer leur dévouement.

Erin ne pouvait pas comprendre ce que sa sœur lui trouvait. Oh, il était plutôt séduisant de prime abord, gracieux et élégant, les pommettes hautes, le sourire aux lèvres. Il portait des vêtements sombres bordés d'argent afin d'attirer les regards sur sa silhouette. Tous s'inclinaient assurément sur son passage, tel l'astre solaire émergeant de derrière un nuage. Mais Lenore méritait mieux ; elle méritait un homme qui l'aime d'amour sincère.

Elle méritait un homme qui n'essaierait pas de l'épouser pour l’emprisonner, n’enverrait pas des malfrats à sa suite simplement parce qu'elle avait osé sortir. Finnal le paierait cher.

Erin sourit en voyant Finnal se frayer un chemin et traverser le grand salon en direction des écuries. Le château était une vraie fourmilière, trouver l’endroit adéquat pour une embuscade s'avérait délicat mais Erin était sûre d'y parvenir. Elle connaissait le lieu idéal.

Erin renonça à son idée de demeurer une ombre silencieuse et traversa la cour jusqu'à atteindre l'angle opposé à celui occupé par Finnal. Elle fit demi-tour, gravit une volée de marches en pierre jusqu'au niveau inférieur du mur d'enceinte et se faufila devant l'un des gardes qui veillait sur les îlots de la cité, avança à pas de loup et se glissa sur le toit des écuries.

Elle s'était cachée ici à maintes reprises dans sa jeunesse, la cachette était idéale pour éviter les leçons d'étiquette que sa mère tenait à lui inculquer, mais également parce qu'un trou ménagé dans la toiture lui permettait de voir les écuries. Erin espionnait les parties de chasse ou les chevaliers se préparant à parcourir le royaume, jalouse qu'ils en aient le droit, et pas elle. Elle s'empara de sa lance et observa, aux aguets.

Passerait-elle vraiment à l'acte ? La nervosité la gagnait, elle avait déjà tué mais jamais de sang-froid. Comptait-elle vraiment tuer le mari de sa sœur, le laisser pour mort dans les écuries ?

La réponse était pourtant simple : si elle ne s'en chargeait pas personnellement, alors qui le ferait ? Oh, Lenore avait parlé de sa servante qui tenterait quelque chose, trouverait une preuve qui les convaincraient de se débarrasser de Finnal plus élégamment, mais quelles étaient ses chances de réussite ? A supposer qu'ils obtiennent des preuves susceptibles de convaincre la plupart, Vars accepterait-il d'annuler le mariage ? C'est lui qui avait fait pression pour que la noce ait lieu sans tarder.

Peut-être, dès lors que leur père se réveillerait, mais son idée était plus rapide, plus expéditive, et … Finnal le méritait. Personne n'avait le droit de menacer la sœur d'Erin.

Elle attendit jusqu'à ce qu'elle entende des voix en contrebas.

"…le plus grand cheval bai," dit Finnal, quelque part en bas.

"Mais monsieur, ce cheval appartient au Prince Rodry."

"Et je souhaite honorer sa mémoire en l'offrant à sa sœur. Elle distinguait le haut de sa tête aux cheveux bouclés. "N'oubliez pas que je suis son mari et que les terres que je possède comptent désormais … hmm, d'où est originaire votre famille, déjà ?"

La menace était à peine voilée, ce qui ne fit qu'ajouter à la colère d'Erin. Cet homme faisait preuve de cruauté depuis qu'il exerçait le pouvoir, il avait bien trompé son monde. Pis encore, il essayait de voler son frère mort et menaçait sa sœur. Erin ne le supporterait pas.

"A moins que je demande au palefrenier."

"Excellente idée. J'attendrai," décréta Finnal.

Le garçon d'écurie ne comptait visiblement pas lui poser la question mais n'avait pas le choix, Finnal attendait. Unique avantage : Finnal resta seul dans les écuries, chevaux mis à part, en pleine ligne de mire d'Erin. Erin s'empara du fourreau de sa lance, le cœur battant à tout rompre. Elle pouvait y arriver, elle devait y arriver, pour sa sœur.

L'angle n'était pas idéal, Erin changea de position sur le toit, ou du moins, essaya. Son pied traversa le toit de chaume, elle lutta pour ne pas crier, elle avait failli tomber. Elle parvint à se rétablir en plantant sa lance dans le chaume.

Erin s'accroupit hors de sa vue de longues secondes. Elle entendait marcher sur le mur d'enceinte mais savait que les gardes ne pourraient pas la voir de là où ils étaient. Elle était plus préoccupée par la probabilité d'avoir effrayé Finnal. Elle osa malgré tout regarder par l'interstice ménagé dans le toit des écuries, il était toujours là, à observer les chevaux comme s'il essayait de déterminer auquel prétendre.

Erin brandit sa lance, ajusta sa prise, prête à tirer. La lance était courte, mais elle ne doutait pas de réussir à la propulser d'ici et atteindre Finnal en plein cœur. Erin inspira profondément, stabilisa sa main, sentit la tension monter et—

Une main se referma sur la hampe de la lance, arrêtant son geste.

"Vous comptez le tuer en plein jour ?" murmura Odd, désapprobateur.

Erin lui tournait le dos. L'ancien chevalier portait toujours l'habit de moine de l'Ile de Leveros, son épée en travers du dos. Elle ne s'attendait pas à ce qu'il se déplace aussi silencieusement.

"Il doit mourir," siffla Erin, Finnal s'éloignait alors même qu'elle jetait un œil par l'ouverture.

"Que se passera-t-il lorsque vous l'aurez tué ?" demanda Odd. Il n'avait toujours pas lâché son arme. "Primo, votre lance sera fichée dans sa poitrine. Princesse ou pas, on ne peut tuer le fils d'un duc impunément. Vous seriez pendue !"

"Même Vars n'oserait pas me faire pendre," déclara Erin. "Et pour protéger Lenore—”

"Pour protéger votre sœur, vous devez rester en vie !" aboya Odd en écartant Erin. "Faites en sorte de ne pas vous retrouver à moisir dans un cachot, et déclencher une guerre civile qui nous tuera tous."

"Tuer ce … cet individu mettra fin aux problèmes, au contraire," insista Erin.

"Pas quand la moitié des nobles le soutiennent, lui et son père. Cela montrerait au royaume que la monarchie essaie de gouverner sans prendre le moindre avis, ni faire preuve de modération. Faites preuve de sagesse, Erin."

"Vous êtes donc tant au fait ?" lâcha Erin, en regardant Odd et les chevaliers. "Croyez-vous que je ne sache pas qui vous êtes, qui vous étiez ? Vous n'avez certes pas hérité du surnom de Sire Oderick le Sage !"

"Non, ils m'ont surnommé le fou." Il dégaina son épée étincelante du fourreau en un éclair, Erin esquiva de justesse avec sa lance. "Ils m'ont traité de fou. Ils disaient que j'étais un monstre."

Il frappa encore et encore, forçant Erin à reculer, pas à pas.

"Vous croyez que la colère est bonne conseillère ? Je ne connais que ça, la colère." Il frappa encore et encore, Erin était suffisamment hors d’elle pour riposter. Elle avança d'un pas et …

… sauf qu'il n'y eut pas de "et", Erin était au bord du toit. Elle chuta, lâchant sa lance. Elle crut se briser les os sur les pavés plus bas. Sauf qu'Odd ne l'avait pas seulement poussée vers le bord du toit, mais vers le seul endroit avec un point d'eau juste en-dessous. Erin atterrit dans une gerbe d'eau, fut brièvement submergée et ressortit en crachotant.

Odd était déjà en bas, lui tendait sa lance.

"Ça va mieux ?"

"Je me demande ce qui me retient de vous tuer," dit Erin, face à son regard lourd de sens. "Mais … pas encore. Vous avez raison. Je ne peux pas simplement le tuer, n'est-ce pas ?"

Odd secoua la tête et lui lança sa lance. "Nous trouverons un autre moyen. Votre sœur a contracté une union dangereuse, elle a moins d'amis qu'elle ne le pense."

"Elle m'a moi," rétorqua Erin en sortant de l'eau.

"Nous", rectifia Odd.

Erin n'en doutait pas ; elle était reconnaissante de bénéficier de l'aide d'un guerrier aussi vaillant. Finnal pouvait compter sur des appuis, son rang, et même l'amitié de Vars. En revanche, tout ce qu'Erin avait pour l'aider à protéger sa sœur était un ex-chevalier vraisemblablement fou. Erin ferait son possible pour veiller sur Lenore, quitte à en mourir.




CHAPITRE SIX


Devin examinait – parmi les étranges objets que seul un mage possédait – une carte du royaume dans les appartements de Maître Grey tandis que le sorcier indiquait des points sur cette dernière.

"Mes recherches ont permis d'identifier les lieux où reposent les fragments de l'Epée Inachevée. Un caveau familial dans les collines du grand nord, un sanctuaire à l'extérieur d'un village dans les terres au cœur du royaume," il indiquait un par un une demi-douzaine d'autres lieux.

Devin essayait de comprendre. "Pourquoi disséminer les fragments d'une épée ?"

"Il s'agit d'une arme de pouvoir, une arme trop dangereuse pour être laissée aux mains des hommes en temps de paix."

"Y a-t-il eu des périodes de paix récemment ?" demanda Sire Twell le Planificateur à l'autre bout de la salle. Sire Halfin le Rapide se tenait à ses côtés, les deux Chevaliers d'Argent portaient une cuirasse sous leurs manteaux, leurs boucliers n'affichaient pas d’insigne distinctif. Sire Twell avait été blessé à la bataille mais paraissait bien portant. Sire Halfin se dandinait d'un pied sur l'autre, impatient de bouger.

"Les guerres des hommes ne sont pas ce qui m'inquiète," affirma Maître Grey.

"Alors qu'est-ce qui vous inquiète ?" demanda Devin. Non qu'il attende une réponse. Qui ne vint d'ailleurs pas.

"Récupérer les fragments de l'épée est primordial," expliqua Maître Grey. "Beaucoup sont cachés à la vue de tous, d'autres dans des endroits plus… dangereux. Tu as prouvé grâce à l'épée forgée pour le mariage que tu sais travailler le métal de météorite."

"Merveilleux," décréta Sire Halfin. "Voyager ensemble pour récupérer ce truc. Comme notre périple à la Baie de Cristal."

"Sauf que cette fois, Rodry ne nous accompagnera pas," rétorqua Sire Twell, morose. "Est-ce bien nécessaire, magicien ?"

Maître Grey opina du chef. "Vous ne poseriez pas la question si vous aviez vu ce que j'ai vu."

"Mais justement, je vous la pose," reprit Sire Twell. "Vous comptez envoyer deux chevaliers en pleine zone de guerre."

"J'en enverrais bien plus, si c'était en mon pouvoir," déclara Maître Grey. "Mais vous seriez suivis, si la chose venait à se savoir. Vous deux, plus Devin, serez plus discrets."

Le chevalier soupira, sa réponse n'était manifestement pas ce à quoi il s'attendait. "Y êtes-vous suffisamment préparé ?"

Maître Grey lui lança un regard étrange. "Depuis plus longtemps que vous ne pourriez l'imaginer, Planificateur. Mais si vous parlez dans l’immédiat… des chevaux, des provisions, des armes et de l'or vous attendent en bas. Tout ce dont vous pourriez avoir besoin."

Ce qui rendit le chevalier, sinon heureux, du moins satisfait.

Sire Halfin se tourna vers Devin. "Et toi ? Penses-tu que ce soit une bonne idée ? Fais-tu confiance au sorcier du roi ?"

Devin ne savait pas trop quoi répondre à l'une ou l'autre de ces questions. Maître Grey n'était pas un homme qui inspirait confiance, donnait des réponses, agissait de manière inconsidérée, pas à la hauteur de ses prophéties insondables. Il savait que leur mission ne serait ni sûre, ni facile. Pourtant, il avait vu de ses yeux des choses qu'il n'aurait jamais dû voir, il avait lu certaines des réflexions de Maître Grey quant à cet enfant né sous la lune-dragon, élément vital. S'il était effectivement cet enfant, n'avait-il pas le devoir d'agir ?

"Je pense que nous devons lui faire confiance," répondit Devin en tendant la main vers les autres. "Si cela peut aider le royaume, alors nous devons au moins essayer. Vous nous aiderez ?"

Sire Halfin fut le premier à serrer la main de Devin. "Je le jure. Si non, à quoi serviraient les Chevaliers d'Argent ?"

Sire Twell réfléchit un instant de plus et joignit sa main aux leurs. "Très bien. Je le jure. Mais j'ai une question : comment trouver ces fragments ?"

"Devin saura qu'il s'agit du métal de météorite dès qu'il s'en approchera," déclara Maître Grey. "De plus…" il prit ce qui ressemblait à une carte, et l'étala devant lui. Elle représentait le royaume, montrait les fragments qu'il avait indiqués, mais il y avait autre chose… l'un d'entre eux se déplaçait.

"La magie,“ dit Devin, admiratif et éternellement émerveillé, bien que sachant de quoi Maître Grey était capable.

"La carte vous indiquera l'emplacement des fragments," dit le mage. "Elle devrait vous permettre de vous en approcher. Je suppose que celui en mouvement est en ce moment-même aux mains d'un marchand, qui le considère comme un vulgaire objet de pacotille."

"Alors nous le récupérerons," promit Devin. "Et les autres avec."

"Partez sans tarder, » décréta Maître Grey en posant la main sur l'épaule de Devin. "Il ne nous reste peut-être plus beaucoup de temps, tous combien nous sommes."

"Je vous le jure," affirma Devin, avant de réfléchir un moment. "Mais j'ai d'abord une chose à faire."


***

Devin s'approcha des appartements de Lenore, le cœur au bord des lèvres. Il n'était pas certain de pouvoir la voir, encore moins de pouvoir lui parler, ou… ou quoi ? Exprimer ce qu'il ressentait ? Tout lui dire, tout en sachant qu'elle était désormais une femme mariée ?

Devin ne savait que faire, quoi dire, ni jusqu'où aller. Il savait simplement qu'il devait agir. Il s'était rendu en ses appartements, fait déjà étrange en soi. Ne devrait-elle pas être dans ceux de Finnal, maintenant qu'elle était sa femme ?

Il fut d'autant plus surpris lorsqu'une tout autre princesse lui ouvrit la porte, une lance à la main, sur le point de l'embrocher.

"Qui êtes-vous ?" demanda la Princesse Erin. "Que voulez-vous ?"

"Tout va bien, Erin," répondit Lenore derrière elle. "C'est Devin, l'ami de Rodry. Laisse-le entrer."

La Princesse Erin lui lança un méchant acéré, comme si elle s'attendait à ce que Devin sorte un couteau et attaque, mais finit par s'écarter.

"Je suppose que vous pouvez entrer si vous êtes un ami de Rodry."

Devin n'avait jamais vu l'intérieur des appartements, et demeura, l'espace d'un instant, déconcerté. Des rideaux de soie bleue drapaient les fenêtres d'un boudoir, Lenore lisait, assise sur un canapé, une silhouette vêtue d'une robe de bure se tenait légèrement à l'écart, le regard perdu dans le lointain. Devin trouva Lenore plus belle que jamais, la fragilité de ses traits de porcelaine emplis d'une détermination nouvelle suite à son enlèvement, ses cheveux presque noirs étaient désormais attachés dans un style plus simple qui lui convenait mieux encore que ses coiffures travaillées d'alors, fruits du talent de ses servantes, et ses yeux… des yeux que Devin aurait pu contempler éternellement.

"Devin," elle lui tendit la main et l'attira afin qu'il s'asseye auprès d'elle. "C'est bon de vous revoir. Je ne pensais pas que vous viendrez jusqu'ici."

"Ai-je le droit de venir jusqu’à vous ?" demanda Devin, perplexe. "Je … ne voudrais pas vous créer d'ennuis."

Qu'un jeune homme de basse naissance rende visite à une princesse dans ses appartements était inhabituel. Il ne voulait pas risquer de mécontenter Lenore.

"Non, je suis contente que vous soyez venu," répondit Lenore, le cœur de Devin bondit. "Je … j'espérais que vous viendriez, mais j'ai pensé que vous n'auriez peut-être pas le temps, Maître Grey vous donne fort à faire. Que vous m'aviez oubliée."

"Je ne pourrais jamais vous oublier," s'exclama Devin, avant de se reprendre. "C'est … j'ai été fort occupé."

"Travailler pour un sorcier doit être étrange. L'épée que vous avez forgé est d'ailleurs fort belle. Je suis persuadée que Rodry aurait…"

Elle ravala le dernier mot, Devin acquiesça, Rodry n'était pas son frère mais il était toujours affecté par sa disparition. "Merci", dit-il, Lenore était la plus à même d'apprécier son ouvrage. "En fait, tel est l'objet de ma venue. Je… Maître Grey m'a confié une mission. Je ne peux pas m'en ouvrir à vous, je vais devoir m'absenter quelque temps."

Devin crut voir une certaine déception dans son regard, ou bien imaginait-il simplement ce qu'elle ressentait, à l'idée de ne pouvoir se voir ?

"C'est… dommage. Vous avoir parmi nous est bien agréable. Il … il me plait de vous savoir ici."

"J'apprécie également," déclara Devin. "Mais je pense devoir accepter, je tenais à, eh bien, vous remettre quelque chose avant mon départ." Il se rendit compte de l'interprétation que Lenore risquait de faire de sa phrase. "Le cadeau de mariage que j'ai forgé est en définitive tombé entre les mains de votre époux."

"Mon mari, oui," dit Lenore, comme si, l'espace d'un instant, elle avait presque oublié Finnal.

Devin saisit sa chance et prit un petit fragment de métal de météorite récupéré dans la forge. Il l'avait façonné, essayant de mettre à profit ses compétences sur ce fragment, le façonnant en une série de cages sphériques s'emboîtant les unes aux autres, chacune se mouvant librement à l'intérieur. Il avait placé un morceau de verre coloré en son centre, de sorte qu'au moindre mouvement, les sphères issues du métal de météorite changeaient de couleur selon l'orientation et le degré de réfraction de la lumière.

"Ce n'est pas grand-chose. Rien comparé à une épée, mais—”

"C'est magnifique", dit Lenore, en le tenant dans la paume de sa main. "J'adore."

Moi aussi je vous aime, aurait voulu rétorquer Devin, mais il ne pouvait pas, il ne devait pas. Pas à une princesse ; une princesse mariée, qui plus est.

"Je le garderai près de moi en souvenir durant votre absence. J'en prendrai grand soin."

"Je … vous m'en voyez ravi," rétorqua Devin. Pourquoi perdait-il son latin en sa présence ? "Je dois y aller, on m'attend."

Il prit brièvement la main de Lenore, ne sachant s'il devait lui faire un baisemain ou pas. Probablement pas. Il se leva et se dirigea vers la porte.

“Devin,” le rappela Lenore avant qu'il ne l'atteigne. Il se retourna, plein d'espoir. “Je… vous allez me manquer.”

“Je vous remercie, vous me manquerez aussi,” avant de se précipiter hors de la pièce, se maudissant de manquer d'à-propos.

Essayer de récupérer les fragments serait assurément un exercice plus aisé que ce dernier ?




CHAPITRE SEPT


Bloqué dans un tombeau avec un dragon à l'extérieur et les Forces Obscures non loin, Renard s'était déjà retrouvé dans des situations bien pires. Il ne savait pas vraiment s'ils étaient là mais savait que tel était certainement le cas.

En théorie, bien sûr, il pouvait simplifier la chose : attendre que le dragon parte, et sortir ensuite rejoindre les Forces Obscures. Tout ce qu'il avait à faire serait leur remettre l'amulette qui, en ce moment-même, pompait toute son énergie comme l'aurait fait un réservoir percé.

Mais il ne pouvait s'y résoudre. Renard devrait employer la manière forte.

Il examina soigneusement les murs du tombeau, espérant trouver une issue cachée, une brèche ou une galerie qui n'existait pas lorsque les bâtisseurs avaient bâti ce caveau à flanc de volcan. Une petite issue pratique était trop demander ?

Apparemment, oui, il sortirait soit par l’itinéraire déjà emprunté à l'aller, soit… soit par l'ouverture ménagée au-dessus de la pièce principale du mausolée. Se jeter dans les bras de la mort ou être capturé par les Forces Obscures en essayant de leur échapper. Vu sous cet angle, le choix était faible.

Renard déverrouilla les portes dorées du tombeau à l’aide de ses outils, sentit la sueur perler sur son front en songeant à ce qui pouvait se trouver derrière, en entendant le déclic. D'autres grattements se firent entendre, le dragon donnait des coups de griffes pour entrer, Renard resta parfaitement immobile jusqu'à ce que le bruit s'arrête. Il laissa une minute, puis deux, s'écouler.

Il pouvait rester assis ici à attendre et écouter, mais tôt ou tard, il lui faudrait bouger. Ce qu'il fit, il ouvrit la porte et regarda au dehors. Le ciel s'assombrissait, la lumière pénétrant dans le tombeau déclinait désormais. Mais Renard n'osa pas allumer sa lanterne, cela attirerait certainement l'attention de la bête. Au lieu de cela, il se faufila à l'extérieur, ses yeux essayant d'y voir clair grâce à la luminosité naturelle.

La silhouette massive de la créature se tenait là, de l'autre côté de l'enceinte caverneuse. Immobile, pelotonnée tel un chat dans son sommeil, son flanc se soulevait et s'abaissait lentement au rythme de sa respiration. Renard gardait ses distances, soupçonnant qu'elle s'éveillerait au moindre bruit.

Il inspecta les parois internes du tombeau de son mieux malgré la faible luminosité. Les soubassements étaient richement ornés de sculptures ; escalader serait simple comme bonjour pour quelqu'un comme lui. Plus haut néanmoins, les pierres semblaient céder la place à la roche naturelle, l'ascension lui parut bien plus difficile que la précédente.

C'était soit ça, soit rester ici jusqu'à ce que le dragon se réveille, Renard entama son ascension. Il démarra, utilisant la statue d'un guerrier oublié pour assurer sa prise, avant de s'élancer et atteindre des pierres situées plus haut. Son corps effectua un mouvement ascendant, se contorsionnait au fur et à mesure, se déplaçait de plus en plus haut.

Renard poussa un cri lorsque le visage de pierre d'une gargouille qu'il utilisait comme prise céda, une partie commença à s'effriter. Ses réflexes étaient heureusement encore bons, il tendit la main pour la rattraper, plutôt que la laisser s'écraser au sol. Renard demeura un instant suspendu d'une seule main, s'agrippant de l'autre à un visage de pierre goguenard qui semblait trouver tout cela très drôle. Si ça le faisait rire, tant mieux.

Il tâtonnait prudemment à l'aide de ses pieds, en quête de points d'appui qui le soutiendraient. Il posa d'un geste sûr la pierre face contre terre sur un éperon rocheux, là où elle ne pourrait pas tomber et risquer de troubler le sommeil du dragon juste en dessous.

Il se déplaçait plus rapidement maintenant, sachant qu'il ne tiendrait plus bien longtemps. Il se déplaçait d'une prise à l'autre, tendant la main ou le pied, faisant basculer son poids. Il essaya de se frayer un chemin parmi la végétation au-dessus et retint subitement son souffle, un problème venait de surgir.

Des rochers étaient tombés, ne laissant aucune place à une prise. Cela n'aurait pas été un problème s'il avait eu du temps malgré l'espace laissé vacant, Renard aurait utilisé ses marteaux et maillets afin de se frayer un passage. Il l'avait déjà fait dans la chambre forte d'un marchand, toucher le sol aurait inévitablement déclenché une armada de pièges. Mais il ne savait pas combien de temps il lui restait avant que le dragon ne se réveille, il ne pouvait pas courir le risque de faire tinter un marteau contre la roche. Une seule solution s'imposait : sauter, franchir l'espace vacant et ainsi atteindre la prochaine prise.

Renard envisagea un instant de rejoindre le plancher des vaches, sortir par la galerie principale et essayer de se faufiler sans être repéré par les Forces Obscures. Il doutait, cependant, que son plan fonctionne. Ils l'attraperaient, et alors…

Oui, il y avait largement pire que la chute.

Il jeta un coup d'œil en contrebas, le dragon ouvrit un de ses immenses yeux dorés.

Renard bondit comme s'il avait le diable au corps. Il entendit le dragon rugir et se propulsa en hauteur, son corps semblait comme suspendu dans l'espace un temps infini avant que ses mains ne retrouvent la sécurité d'une prise dans la roche. Une roche tranchante entailla ses mains mais il n'en avait cure, seulement préoccupé à se hisser, à l'air libre, sur le flanc supérieur du volcan.

Le dragon quitta son repère et s'élança vers l'azur d'un puissant battement d'ailes. Il tournoyait, Renard crut l’espace d’un instant qu'il ferait demi-tour et foncerait droit sur lui. Quelque chose semblait le distraire, une proie au loin ou autre chose peut-être. Il s'envola à l'horizon en battant vigoureusement des ailes.

Renard resta allongé sur le dos de longues secondes, essayant de reprendre son souffle après la terreur des derniers instants. Mais il ne pouvait pas rester ainsi bien longtemps, n'ayant aucun moyen de savoir quand la bête déciderait de s'occuper de son sort. Pire, la créature disparue, les Forces Obscures risqueraient de le suivre dans le mausolée, et constateraient sa disparition.

Il se força à se relever, ne serait-ce que parce qu'il aurait besoin d'avance pour affronter de tels ennemis ; car ils étaient désormais ses ennemis. Il l'était devenu en les défiant, en refusant de les rejoindre pour leur remettre l'amulette.

Ils l'auraient probablement tué de toute façon, c’est évident. Ce genre d'individus était du genre à berner un voleur. Et le code d'honneur ? Bien sûr, il se mettait encore plus en danger ce faisant. Que feraient-ils à Yselle ou aux autres sur les terres de Lord Carrick ?

Renard espérait juste qu'ils seraient trop occupés pour partir à sa recherche, c'est bien connu, l'espoir fait vivre. Il descendit le flanc le plus éloigné du volcan en direction des terres situées en contrebas, il avançait rapidement maintenant. Il sentait le mince filet d'énergie s'échapper de l'amulette, qui se cantonnait à un filet tant qu'il n'essayait pas de s'en servir.

Il poursuivit son chemin, il avait atteint les contreforts du volcan lorsqu'il se retourna et aperçut les trois silhouettes loin derrière. Néant, Colère et Nature s'étaient visiblement aperçus de sa traîtrise, autant dire qu'il valait mieux courir.

Il courut comme un dératé en direction des champs, autour de lui, le paysage respirait le danger. Un arbre tordait ses branches vers lui, Renard s'écarta de justesse. Une pierre coupante, hérissée de pointes tranchantes comme des rasoirs, le contraignit à se jeter à plat ventre. Il se releva et poursuivit sa course.

Il sauta par-dessus un muret de pierre et courut à travers champs en slalomant, faisant profil bas, espérant que les sombres secrets qui animaient les Forces Obscures n'aient qu'une portée limitée. Renard regarda en arrière, crut que les cultures le cacheraient à leur vue, mais il savait qu'il lui fallait poursuivre. La fuite rythmait sa vie depuis toujours, il avait suffisamment de recul pour savoir que cela ne rimait à rien.

Il continua d'avancer pour atteindre un ruisseau large, boueux et vraisemblablement profond jusqu'à la taille. Au-delà s'étendait un terrain dégagé largement à découvert, à peine ponctué de quelques arbres et buissons. Un homme comme Renard pourrait s'y cacher, mais pour combien de temps ? Il devait exister un meilleur moyen. Renard songea en voyant la rivière que sa solution était toute trouvée, mais que se passerait-il si—

"Nous te retrouverons !" éructa Colère quelque part derrière lui. "Et alors, je ferai fondre tes yeux hors de tes orbites !"

Sa décision était prise, ni une ni deux, Renard prit une profonde inspiration, plongea en eaux troubles et s'accroupit au fond.

Les eaux vaseuses l'engloutirent instantanément à la face du monde, il n'apercevait plus que des ombres. L'eau était froide et le courant puissant mais Renard demeurait immobile, n'osant bouger alors que les trois individus parurent sur les berges. L'écho de leurs voix venait jusqu'à lui.

"… où est-il passé ?" demanda Colère, ivre de fureur.

"Nous le retrouverons," répondit Nature de sa voix suave, avant de crier "Sors de là, cher Renard. Montre toi !"

Les membres de Renard s'animèrent au ton de sa voix, comme animés d’une volonté propre. Il dut se faire violence pour se contenir et rester immobile, produire un effort surhumain. Ses poumons réclamaient de l'air, mais alors, il remonterait à la surface et surgirait juste devant les Forces Obscures. La terreur de ce qui risquait de lui arriver lui donna l'énergie nécessaire pour se maintenir sous l'eau.

Mais combien de temps tiendrait-il sans se noyer… Les poumons de Renard brûlaient, tandis qu'au-dessus, Néant regardait autour de lui, encore plus effrayant que les autres avec son masque blanc.

"Continuez. Trouvez-le. Trouvez cet objet."

Nature surplombait la berge juste au-dessus de Renard. Des branches et des lianes s'étendaient sur la rivière, formant un pont végétal qui grinçait et se mouvait au fur et à mesure que les trois individus le traversaient, poursuivant leur traque.

Renard remonta à la surface longtemps après qu'ils aient disparu de sa vue. Il attendit jusqu'à ce que son champ de vision soit presque complètement obscurci, chaque seconde passée était une seconde gagnée sur ses poursuivants, qui s'éloignaient.

N'en pouvant plus, il remonta finalement à la surface en haletant.

"Bon sang. Qu'ils aillent au diable !"

Il brandit l'amulette octogonale contenant une écaille de dragon, entourée de runes et de gemmes de différentes couleurs. C'était ce qu'ils voulaient, mais Renard savait qu'il ne pouvait pas donner un objet si puissant à pareils individus. Il ne pouvait pas non plus la conserver, son énergie le rongeait peu à peu.

Ce dont il avait vraiment besoin, c'était qu'un sorcier lui dise quoi en faire, mais Renard n'y connaissait rien. Il n'avait aucune expérience en matière d'amulette magique, aucune expérience des dragons ou des phrases étranges capables de renverser l'ordre établi, aucune de ces bizarreries. Mais, il avait, heureusement, une grande expérience du vol.

Il savait exactement où se débarrasser de cet objet.




CHAPITRE HUIT


Le grand salon était déjà comble lorsque Vars y pénétra. La foule était si nombreuse que les grands tapis qui délimitaient en temps normal les courtisans selon leur rang avaient été disposés de façon approximative. Etaient présents les nobles, ainsi que les dirigeants des Maisons des Marchands, des Armes, des Lettrés et même des Soupirs. Les portes du fond étaient ouvertes afin que tous puissent écouter, les bannières aux murs claquaient au vent.

Presque autant que leurs bouches. Vars n'avait jamais apprécié le brouhaha de la cour, toutes ces voix qui caquetaient en même temps l'irritaient d'autant plus.

"Nous devons surveiller la Slate," dit un nobliau.

"Pourquoi ?" rétorqua un chevalier. "Au cas où Ravin construirait des ponts pendant que nous avons le dos tourné ?"

“Exactement,” répondit l'homme, visiblement oublieux de sa propre stupidité.

“Nous devons nous consulter et unir nos forces,” dit le Commandant Harr. Le commandant des Chevaliers d'Argent se tenait là dans son armure, sa barbe grise descendait sur son plastron, Vars se demandait s'il ne dormait pas avec. “Nous ne devons laisser aucune brèche dans nos lignes de défense.”

"Cela signifie que nous devons en assumer le coût ?" demanda le chef de la Maison des Marchands, il portait tant de chaînes en or qu'une seule aurait probablement suffi à financer la guerre.

"Nous devons étudier ce qui se passe," dit le chef des lettrés, austère avec sa robe sombre et son crâne rasé.

"Nous devons augmenter la production," ajouta le représentant de la Maison des Armes.

La patronne de la Maison des Soupirs gardait le silence, visiblement satisfaite d'assister à cet échange. Vars n'avait que faire de l'avis d'une simple courtisane.

Vars demeurait dans l'ombre du trône, les écoutant poursuivre, attendant que l'un d'eux remarque sa présence. Les secondes passèrent à se chamailler, les uns disant d'attendre, d'autres, d'aller de l'avant. Aucun consensus ne semblait prendre forme, chaque partie en présence ayant ses propres stratégies, ses propres idées sur quelles troupes devaient aller où et comment, qui devrait payer.

Il sentit sa colère monter, colère balayant même sa peur face à cette assemblée. Il s'avança vers le trône et se planta devant délibérément.

"Silence !" Seuls certains d'entre eux se turent. "Si vous ne faites pas silence, je fais évacuer la salle par les gardes !"

Le calme se fit enfin. Tous le regardaient dans un silence pesant. L'angoisse qui s'était emparée de Vars n'a fit qu'aggraver son état. Il se sentait petit et vulnérable avec tous ces regards rivés sur lui, Vars détestait cela.

"Je suis désormais le roi !" lança-t-il, en défiant leurs regards. "Vous parlez comme si c'est vous qui décidiez de l'invasion, c'est moi qui décide !"

"Votre Altesse," dit un comte en s'avançant. "Sauf votre respect, cette décision concerne le royaume en son entier, et votre père est toujours en vie. Il est important que toutes les parties en présence aient leur mot à dire."

Vars lui jeta un regard furieux. "Vraiment ? Vous souhaitez peut-être demander leur avis aux paysans qui travaillent votre terre ?"

L'homme fut pris au dépourvu. "Votre Altesse, les nobles ne sont pas des paysans. Notre position vis-à-vis de vous n'est pas la même que la leur par rapport à nous."

"On s'adresse à un roi en lui donnant du votre majesté," lui répondit Vars.

"Mais vous êtes le régent, Votre Altesse," rétorqua un autre noble, que Vars reconnut comme étant le Marquis d'Underlands. "Nous devons respecter toute décision prise à cet égard, mais il est également vrai que vous n'êtes que second dans l'ordre d'accession au trône. Aucune décision définitive n'a encore été prise."

"Une décision définitive à quel sujet ?" tempêta Vars, sentant la situation lui échapper.

"Quant à savoir si vous serez roi," répondit le marquis.

Vars aurait voulu décapiter cet homme pour son affront, l'étrangler à mains nues. Sauf que… le marquis était un homme grand, Vars sentit la peur le terrasser, le pétrifier, l'empêchant de faire ce qu'il voulait désespérément faire.

"De tels propos frisent la trahison, mon seigneur," dit une voix dans son dos. Vars poussa un soupir de soulagement en reconnaissant Finnal, qui se frayait un chemin parmi la foule. "Mon père ne validerait certainement pas."

L'homme recula légèrement. "Ce n'était pas dans mes intentions. Simplement que les rôles traditionnels de la noblesse doivent…"

"Le rôle traditionnel de la noblesse est de soutenir le roi," déclara Finnal en esquissant un geste en direction de Vars. "Poursuivez, je vous prie, Majesté."

Vars reprenait confiance, rasséréné par le soutien de Finnal.

"D'après nos informations, les hommes du Roi Ravin attaquent via l'Ile de Leveros," déclara Vars. "Ma propre sœur a pris des risques pour nous apporter cette information."

Erin considérait désormais sa sœur qui avait agi de façon utile. Elle redeviendrait bientôt sa demi-sœur.

"Nous en sommes conscients," affirma le Commandant Harr. "La question est de savoir quoi faire pour les contrer. Les implications militaires sont complexes, et—”

"La situation militaire est simple," décréta Vars. "Notre ennemi ignore que nous possédons ces informations. Nous savons qu'ils attaquent au nord. Ils pensent que nous sommes encore sous le choc de l'attaque des ponts du sud. Nous irons par conséquent à leur rencontre."

"Qu'est-ce à dire ?" demanda le Commandant Harr. Le vieil homme avait une manière bien à lui de poser des questions à Vars, qui lui donnait l'impression d'un ignare. "Quelles troupes devons-nous envoyer, lesquelles laisser derrière nous ?"

"Mais enfin Commandant. Nous enverrons vos chevaliers."

"Tous ?" s'exclama le représentant de la Maison des Armes. "Royalsport resterait sans défense ?"

"Les gardes resteront ici, évidemment," poursuivit Vars. "Ainsi que les escortes privées de mes fidèles nobles." Il les regarda tous afin de s'assurer de leur loyauté. "Mais les Chevaliers d'Argent iront vers le nord pour affronter la menace, avec autant de soldats possibles en mesure de se déplacer rapidement. Nous les attaquerons dès qu'ils débarqueront, et les prendrons par surprise."

Le génie de ce plan résidait dans sa simplicité et sa rapidité. Cela signifiait également que les combats se dérouleraient loin de la capitale. Vars s'attribuerait le mérite de la victoire, sans jamais approcher du combat. Le plan idéal.

"Je ne pense pas—” commença le Commandant Harr, mais Vars l’interrompit.

"Nous sommes en position de force. Notre ennemi croit nous avoir bernés, peut semer la désolation dans le nord du royaume à sa guise. Cette situation ne durera pas. Il s'attend à ce que des messagers se dirigent vers le sud après son arrivée. Nous devons agir dès à présent. Nous devons tout mettre en œuvre pour en finir. La tête du Roi Ravin finira sur une lance, nous lui montrerons que le Royaume du Sud ne peut nous atteindre, ne peut enlever ma sœur, tuer mon frère, assassiner mon père !"

Vars n'en avait cure mais si ses courtisans s'en souciaient, alors il les utiliserait pour parvenir à ses fins.

Les discussions reprirent bon train. Ils auraient dû applaudir son plan, chanter ses louanges, mais se mirent à échanger. Tous parlaient en même temps, Vars ne distinguait que des bribes de conversation.

"Les précédents historiques sont inquiétants…" déclara le chef des lettrés.

"Nous allons assumer le fardeau d'une telle décision," rétorqua un comte.

"…sans parler des conséquences selon les terres traversées," dit un des chevaliers, comme si un simple chevalier avait son mot à dire.

Même la patronne de la Maison des Soupirs semblait vouloir ajouter son grain de sel, elle chuchotait à ses voisins des paroles que Vars ne pouvait entendre. À son grand étonnement, certains d'entre eux acquiescèrent, comme si la femme de cetteMaison-là était plus au fait de la guerre que le régent.

"…devrions attendre les ordres du Roi Godwin à son réveil," dit un noble, Vars sentit sa rage gronder.

Finnal s'interposa une fois de plus, mains levées. "Mes seigneurs, mesdames. Nous avons eu de nombreuses occasions d'en discuter, mais le temps est venu d'agir. Le régent a pris une décision pour le bien du pays, à nous d'agir. Je le dis maintenant, en tant que membre de sa famille et en tant qu'ami, le Régent Vars tient notre sécurité à cœur. Nous devons agir ; nous attaquerons les troupes du Roi Ravin au nord sur le champ !"

La foule l'acclama, Vars lui en sut gré, d'autant plus lorsqu'il vit que les chevaliers se mettaient en branle parmi la foule, se dirigeaient vers la cour pour rassembler des provisions. Il éprouva une vive satisfaction à l'idée que les gens lui obéissent, même s'il avait fallu que Finnal s'en mêle.

Mais en même temps, il était en colère. En colère qu’on ait osé le défier, l'ait remis en question, l'ait regardé de haut, il n'avait de régent que le titre. Une situation qu'il ne pouvait pas se permettre de supporter, une situation qu'il ne supporterait pas.

Il devait agir.




CHAPITRE NEUF


Le Roi Ravin se tenait à la proue de son vaisseau amiral, son armure étincelait, un vrai héros, sa couronne posée sur ses boucles brunes, la main sur la garde de son épée, veillant à avoir l'air d'un roi guerrier, tandis que son armada se rapprochait de la côte d'Astare.

Il ressentit une vive satisfaction. Il éprouvait toujours une certaine joie sachant que les choses se passaient toujours comme prévu, qu'il s'agisse de chasser une proie, séduire une femme ou conquérir un royaume.

Il avait éprouvé la même satisfaction en s’emparant du trône de son père voilà bien des années, il l'avait ressenti avec chaque groupe de mercenaires infiltré dans le Royaume du Nord sur ses ordres, chaque espion qui rapportait de plus amples informations sur le territoire, les villages, les marchandises. Il avait planifié chaque détail de la future conquête qui se déroulait maintenant exactement selon ses plans.

Il savait que ses hommes le surveilleraient, attendraient ses ordres. Déjà, une douzaine de ses navires attaquaient la cité, le reste attendait, sous son autorité. Pas un homme n'aurait osé agir sans son commandement, et pas seulement parce qu'ils savaient tous qu'agir sonnerait leur mort ou celle de leurs familles. Tous les hommes présents savaient qu'ils n'étaient qu'un maillon de la chaîne, que seul leur roi maîtrisait le plan dans son ensemble.

Tout était pour le mieux. Un roi qui confie ses plans ne demeure pas roi longtemps. Il n'y avait qu'à voir son idiot de père, qui avait confié à Ravin la moindre de ses pensées, la moindre réflexion. Sa mort avait facilité l'unification du royaume.

"Alors ?" dit Ravin en se tournant vers le pont du navire. Les commandants attendaient, un de la flotte, un des soldats et un troisième vêtu de l'habit ordinaire des mercenaires. Un lettré portait le message d'un pigeon voyageur. Il avait l'air terrifié, Ravin le fit attendre exprès et demanda à l'amiral de la flotte d'avancer d'un geste du doigt.

"Votre Majesté. Le voyage depuis Leveros n'a subi que des pertes minimes. Des troupes du détachement précédent ont débarqué, conformément à vos ordres, elles sont désormais de retour en position au sein de la flotte. Les autres navires attendent votre ordre pour accoster."

Ravin s'adressa au commandant des troupes qu'il avait envoyé à Astare. "Et vous ?"

L'homme s'inclina. "Votre Majesté, l'assaut de la ville est en cours. Ses défenses sont minimes, nous prévoyons de la contrôler d'ici quelques heures. Les hommes ont reçu ordre de tuer tous ceux qui résisteraient."

"Et mes mercenaires ?" demanda Ravin au troisième homme.

"Ils sont à leur poste dans les colonies du royaume, prêts à recevoir vos troupes provenant d'Astare jusqu'à Royalsport."

Le Roi Ravin hocha la tête et se tourna enfin vers le messager terrifié. "Vous allez m'annoncer que mes troupes dans le sud ont été vaincues."

Ce n'était pas une question, mais l'homme hocha tout de même la tête. "Le Roi Godwin est tombé au combat, le Prince Rodry est mort mais ils ont réussi à capturé la Princesse Lenore, le pont a été détruit alors que vos troupes se trouvaient dessus," avoua l'homme péniblement.

Le Roi Ravin haussa les épaules et vit le messager écarquiller les yeux de surprise. "Pensiez-vous que je n'avais donc rien prévu ? L'attaque au sud était destinée à échouer depuis le départ, qu'est-ce que ça peut me faire qu'ils aient capturé une princesse ?"





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“Tous les ingrédients d'un bestseller : énigmes, rebondissements, mystère, preux chevaliers, amours naissants et cœurs brisés, déception et trahison. Des heures de lecture à tout âge. Vivement recommandé pour tous les inconditionnels de fantasy.”

–Books and Movie Reviews, Roberto Mattos (L'Anneau du Sorcier)

“Les prémices d'une série prometteuse.”

–San Francisco Book Review (La Quête des Héros)

Morgan Rice, auteur du bestseller La Quête des Héros (plus de 1.300 commentaires cinq étoiles) revient avec une toute nouvelle saga de Fantasy.

LE FILS DES DRAGONS (Le Temps des Sorciers – Tome Trois)

Lenore réintègre le Royaume du Nord saine et sauve – non sans avoir payé un lourd tribut. Son frère Rodry est mort et son père, le Roi Godwin, est dans le coma. La souveraineté du Royaume du Nord est compromise, son frère, le perfide Vars, risque d'en profiter pour accéder au trône.

Mais Vars est un lâche, le roi Ravin, remis de sa défaite, projette d'envahir le Sud. Marées et canaux protègent la capitale du Nord, toujours invaincue – Ravin risque d'y perdre bon nombre d'hommes.

Une bataille mémorable approche à grands pas.

Devin doit découvrir sa véritable identité et forger l'Epée Inachevée – mais il est distrait, amoureux fou de Lenore, prisonnière d'un mariage malheureux. Sa vie est en péril.

Renard a brillamment subtilisé l'amulette capable de maîtriser les dragons. Il fuit l'Homme à la Capuche, bien déterminé à récupérer son bien.

A son réveil Nerra, se retrouve métamorphosée en une créature de toute beauté, monstrueuse, puissante et méconnaissable. L'élue qui sauvera la race des dragons ?

LE TEMPS DES SORCIERS, une histoire mêlant amour, passion, rivalité fraternelle ; trésors cachés et malfrats ; moines et mercenaires ; honneur et gloire, trahison, hasard et destinée. Un récit qui vous tiendra en haleines des heures durant, découvrez un nouveau monde, tombez sous le charme de protagonistes inoubliables. Tout public.

Tome 4 bientôt disponible en précommande

“La fantasy tambour battant …. Les prémices d'une série prometteuse pour jeunes adultes.”

–Midwest Book Review (La Quête des Héros)

“Un concentré d'action …. Rice et son style éblouissant, une énigme qui tient en haleine.”

–Publishers Weekly (La Quête des Héros)

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