Книга - Une Forge de Bravoure

a
A

Une Forge de Bravoure
Morgan Rice


Rois et Sorciers #4
Une fantasy pleine d'action qui saura plaire aux amateurs des romans précédents de Morgan Rice et aux fans de livres tels que le cycle L'Héritage par Christopher Paolini.. Les fans de fiction pour jeunes adultes dévoreront ce dernier ouvrage de Rice et en demanderont plus. – The Wanderer, A Literary Journal (pour Le Réveil des Dragons) La série n°1 de best-sellers, avec plus de 400 critiques à cinq étoiles sur Amazon ! UNE FORGE DE BRAVOURE est le tome n°4 de la série de fantaisie épique à succès de Morgan Rice ROIS ET SORCIERS (qui commence avec LE RÉVEIL DES DRAGONS, disponible en téléchargement gratuit) ! Dans UNE FORGE DE BRAVOURE, Kyra revient lentement à la vie après avoir frôlé la mort, soignée par l’amour de Kyle et par ses pouvoirs mystérieux. Il se sacrifie pour elle et elle retrouve ses forces mais doit en payer le prix. Elle insiste pour qu’Alva lui dévoile le secret de son origine et il lui révèle finalement tout sur sa mère. A ce moment-là, Kyra a une chance de remonter jusqu’à la source de ses pouvoirs et doit faire un choix crucial : soit elle achève son entraînement, soit elle part sauver son père, qui croupit dans le cachot principal en attendant son exécution. Aidé par Motley, Aidan s’efforce aussi de sauver son père, piégé dans la capitale aux mille dangers, pendant que, à l’autre bout du royaume, Merk, stupéfait par ce qu’il découvre dans la Tour de Ur, se prépare à une immense invasion de trolls. Sa Tour est cernée et il doit se battre aux côtés de ses compagnons Gardiens pour défendre la relique la plus précieuse de sa nation. Dierdre se retrouve confrontée une invasion pandésienne à part entière dans sa cité assiégée de Ur. Alors que sa précieuse cité est détruite tout autour d’elle, il faut qu’elle décide soit de s’échapper soit de livrer un dernier combat héroïque. Entre temps, Alec est en mer avec son nouvel ami mystérieux et ils voguent vers un pays où il n’est jamais allé, un pays encore plus mystérieux que son compagnon. C’est là-bas que, finalement, il apprend en quoi consistent sa destinée et le dernier espoir pour Escalon. Avec son atmosphère puissante et ses personnages complexes, UNE FORGE DE BRAVOURE est une saga spectaculaire de chevaliers et de guerriers, de rois et de seigneurs, d'honneur et de bravoure, de magie, de destinée, de monstres et de dragons. C'est une histoire d'amour et de cœurs brisés, de tromperie, d'ambition et de trahison. C'est de la fantasy de haute qualité qui nous invite à découvrir un monde qui vivra en nous pour toujours, un monde qui plaira à tous les âges et à tous les sexes. Le Tome n°5 de ROIS ET SORCIERS sera bientôt publié. Si vous pensiez qu'il n'y avait plus aucune raison de vivre après la fin de la série de L'ANNEAU DU SORCIER, vous aviez tort. Morgan Rice a imaginé ce qui promet d'être une autre série brillante et nous plonge dans une histoire de fantasy avec trolls et dragons, bravoure, honneur, courage, magie et foi en sa propre destinée. Morgan Rice a de nouveau réussi à produire un solide ensemble de personnages qui nous font les acclamer à chaque page.. Recommandé pour la bibliothèque permanente de tous les lecteurs qui aiment les histoires de fantasy bien écrites. Books and Movie Reviews, Roberto Mattos (pour Le Réveil des Dragons)





Morgan Rice

Une Forge de Bravoure (Rois et Sorciers, Tome n 4)




Morgan Rice

Morgan Rice est l’auteure de best-sellers #1 de USA Today et l’auteure de la série d’épopée fantastique L’ANNEAU DU SORCIER , comprenant dix-sept livres; de la série à succès MÉMOIRES D'UNE VAMPIRE, comprenant onze livres (jusqu'à maintenant); de la série à succès LA TRILOGIE DES RESCAPÉS, un thriller post-apocalyptique comprenant deux livres (jusqu'à maintenant); et de la nouvelle série épique de fantaisie, ROIS ET SORCIERS, comprenant deux livres (jusqu'à maintenant). Les livres de Morgan sont disponibles en format audio et papier et ont été traduits dans plus de 25 langues. .

TRANSFORMATION (Livre # 1 de Mémoires d'une vampire), ARÈNE UN (Livre # 1 de la Trilogie des rescapés) et LA QUÊTE DE HÉROS (Livre # 1 dans L'anneau du sorcier) et LE RÉVEIL DES DRAGONS (Livre # 1 de Rois et sorciers) sont disponibles en téléchargement gratuit!

Morgan sera ravie que vous la contactiez, n'hésitez donc pas à visiter www.morganricebooks.com (http://www.morganricebooks.com/) et à joindre à la liste de diffusion pour recevoir un livre gratuit, des cadeaux, télécharger l'application gratuite, obtenir les dernières nouvelles exclusives, connectez avec nous sur Facebook et Twitter, et restez en contact!



Critiques pour Morgan Rice

« Si vous pensiez qu'il n'y avait plus aucune raison de vivre après la fin de la série de L'ANNEAU DU SORCIER, vous aviez tort. Dans LE RÉVEIL DES DRAGONS, Morgan Rice a imaginé ce qui promet d'être une autre brillante série, nous plongeant dans une histoire du genre fantastique de trolls et dragons, de bravoure, d'honneur, de courage, de magie et de foi dans votre destinée. Morgan Rice a de nouveau réussi à produire un solide ensemble de personnages qui nous font les acclamer à chaque page.... Recommandé pour la bibliothèque permanente de tous les lecteurs qui aiment une histoire du genre fantastique bien écrite ».



    – Critiques de films et livres
    Roberto Mattos

« RÉVEIL DES DRAGONS est un succès – dès le début .... une histoire supérieure ontinue facilement dans un cercle plus large de chevaliers, de dragons, de magie et de monstres et du destin.... Tous les signes extérieurs du « high fantasy » sont ici, des soldats et des batailles à des affrontements avec soi-même ....Une histoire gagnante recommandée pour tous ceux qui aiment la fantasy épique alimentée par de puissants, crédibles jeunes protagonistes adultes. »



    —Midwest Book Review
    D. Donovan, critique de livres électroniques

« [LE RÉVEIL DES DRAGONS] est un roman fondé sur l'intrigue qui est facile à lire en un week-end … Un bon début pour une série prometteuse. »



    —San Francisco Book Review

« Une fantasy pleine d'action qui saura plaire aux amateurs des romans précédents de Morgan Rice et aux fans de livres tels que le cycle L'héritage par Christopher Paolini .... Les fans de fiction pour jeune adulte dévoreront ce dernier ouvrage de Rice et en demanderont plus. »



    --The Wanderer,A Literary Journal (au sujet de Réveil des dragons)

« Une histoire du genre fantastique entraînante qui entremêle des éléments de mystère et d'intrigue dans son histoire. Une Quête de héros est au sujet de la création du courage et la réalisation d’une raison d'être qui mène à la croissance, la maturité et l'excellence.... Pour ceux qui recherchent des aventures fantastiques substantielles, les protagonistes, les dispositifs et l'action constituent un ensemble vigoureux de rencontres qui se concentrent bien sur l'évolution de Thor, d'un enfant rêveur à un jeune adulte face à des défis insurmontables pour la survie ....Seulement le début de ce qui promet d'être une série pour jeune adulte épique. »



    —Midwest Book Review (D. Donovan, critique de livre électronique)

« L'ANNEAU DU SORCIER a tous les ingrédients pour un succès instantané: intrigues, contre-intrigues, mystères, vaillants chevaliers et des relations en plein épanouissement pleines de cœurs brisés, de tromperie et de trahison. Il retiendra votre attention pendant des heures, et saura satisfaire tous les âges. Recommandé pour la bibliothèque permanente de tous les lecteurs de fantasy. »



    – Critique de films et livres, Roberto Mattos

« La fantasy épique divertissante de Rice [L'ANNEAU DU SORCIER] inclut les caractéristiques classiques du genre – un cadre fort, très inspiré par l'ancienne Écosse et son histoire, et un bon sens de l'intrigue de la cour. »



    —Kirkus Reviews

« J'ai aimé la façon dont Morgan Rice a construit le personnage de Thor et le monde dans lequel il vivait. Le paysage et les créatures qui le parcouraient étaient très bien décrits … J'ai aimé [l'intrigue]. C'était bref et concis.... Il y avait juste la bonne quantité de personnages secondaires, donc je ne suis pas devenu confus. Il y avait des aventures et des moments pénibles, mais l'action représentée n'était pas trop grotesque. Le livre serait parfait pour un lecteur adolescent … Les débuts de quelque chose de remarquable sont là … »



    – San Francisco Book Review

« Dans ce premier livre bourré d'action de la série de fantasy épique L'anneau du sorcier (qui est présentement forte de 14 livres), Rice présente aux lecteurs Thorgrin « Thor » McLéod, 14 ans, dont le rêve est de joindre la Légion d'argent, des chevaliers d'élite qui servent le roi .... L'écriture de Rice est solide et la prémisse intrigante. »



    – Publishers Weekly

« [UNE QUÊTE DE HÉROS] est une lecture rapide et facile. La fin des chapitres fait en sorte que vous devez lire ce qui arrive ensuite et vous ne voulez pas poser le livre… Il y a quelques fautes de frappe dans le livre et quelques erreurs dans les noms, mais cela ne distrait pas de l'histoire. La fin du livre m'a donné envie de lire le prochain livre immédiatement et c'est ce que j'ai fait. Les neuf livres de la série L'anneau du sorcier peuvent actuellement être achetés à la boutique Kindle et le tome « Une quête de héros » est actuellement gratuit pour vous aider à démarrer! Si vous cherchez quelque chose de rapide et d’amusant à lire pendant les vacances, ce livre fera l'affaire. »



    – FantasyOnline.net



Livres de Morgan Rice

ROIS ET SORCIERS

LE RÉVEIL DES DRAGONS (Livre n 1)

LE RÉVEIL DU VAILLANT (Livre n 2)

LE POIDS DE L'HONNEUR (Livre n 3)

UNE FORGE DE BRAVOURE (Livre n 4)



L'ANNEAU DU SORCIER

LA QUÊTE DES HEROS (Livre n 1)

LA MARCHE DES ROIS (Livre n 2)

LE DESTIN DES DRAGONS (Livre n 3)

UN CRI D'HONNEUR (Livre n 4)

UNE PROMESSE DE GLOIRE (Livre n 5)

UN PRIX DE COURAGE (Livre n 6)

UN RITE D'ÉPÉES (Livre n 7)

UNE CONCESSION D'ARMES (Livre n 8)

UN CIEL DE CHARMES (Livre n 9)

UNE MER DE BOUCLIERS (Livre n 10)

LE RÈGNE DE L'ACIER (Livre n 11)

UNE TERRE DE FEU (Livre n 12)

LE RÈGNE DES REINES (Livre n 13)

LE SERMENT DES FRÈRES (Livre n 14)

UN RÊVE DE MORTELS (Livre n 15)

UNE JOUTE DE CHEVALIERS (Livre n 16)

LE DON DU COMBAT (Livre n 17)



TRILOGIE DES RESCAPÉS

ARÉNA UN : LA CHASSE AUX ESCLAVES (Livre n 1)

DEUXIÈME ARÈNE (Livre n 2)



MÉMOIRES D'UNE VAMPIRE

TRANSFORMÉE (Livre n 1)

AIMÉE (Livre n 2)

TRAHIE (Livre n 3)

PRÉDESTINÉE (Livre n 4)

DÉSIRÉE (Livre n 5)

FIANCÉE (Livre n 6)

VOUÉE (Livre n 7)

TROUVÉE (Livre n 8)

RENÉE (Livre n 9)

ARDEMMENT DÉSIRÉE (Livre n 10)

SOUMISE AU DESTIN (Livre n 11)












Écoutez ROIS ET SORCIERS en édition audio !



Vous voulez des livres gratuits  ?


Abonnez-vous à la liste de diffusion de Morgan Rice et recevez 4 livres gratuits, 2 cartes gratuites, 1 application gratuite et des cadeaux exclusifs ! Pour vous abonner, allez sur : www.morganricebooks.com


Copyright © 2015 par Morgan Rice

Tous droits réservés. Sauf dérogations autorisées par la Loi états-unienne sur le droit d'auteur de 1976, aucune partie de cette publication ne peut être reproduite, distribuée ou transmise sous quelque forme que ce soit ou par quelque moyen que ce soit, ou stockée dans une base de données ou système de récupération, sans l'autorisation préalable de l'auteur.

Ce livre électronique est réservé sous licence à votre seule jouissance personnelle. Ce livre électronique ne saurait être revendu ou offert à d'autres gens. Si vous voulez partager ce livre avec une autre personne, veuillez en acheter un exemplaire supplémentaire par destinataire. Si vous lisez ce livre sans l'avoir acheté, ou s'il n'a pas été acheté pour votre seule utilisation personnelle, alors, veuillez le renvoyer et acheter votre exemplaire personnel. Merci de respecter le difficile travail de cet auteur.

Il s'agit d'une œuvre de fiction. Les noms, les personnages, les entreprises, les organisations, les lieux, les événements et les incidents sont le fruit de l'imagination de l'auteur ou sont utilisés dans un but fictionnel. Toute ressemblance avec des personnes réelles, vivantes ou mortes, n'est que pure coïncidence.

Image de couverture : Copyright St. Nick, utilisée en vertu d'une licence accordée par Shutterstock.com.


"La valeur l'emporte sur le nombre."

    Végèce
    (4


siècle)






CHAPITRE PREMIER


Une porte de cellule claqua. Duncan ouvrit lentement les yeux puis eut envie de les refermer. Il avait des élancements dans la tête, un œil qu'il ne pouvait plus ouvrir et il avait peine à se réveiller de son lourd sommeil. Une douleur vive traversa rapidement son bon œil quand il se pencha en arrière contre le roc froid et dur. De la pierre. Il était allongé sur de la pierre froide et humide. Il essaya de se relever, sentit du fer lui tirer sur les poignets et les chevilles en produisant un bruit métallique et il comprit immédiatement ce que c'était : des chaînes. Il était dans un cachot.

Prisonnier.

Duncan ouvrit plus grand les yeux en entendant le son lointain de bottes en marche qui résonnait quelque part dans l'obscurité. Il essaya de prendre ses repères. Il faisait noir là-dedans. Les murs en pierre étaient faiblement éclairés par des torches qui vacillaient au loin et par un petit rayon de lumière du soleil qui entrait par une fenêtre trop haute pour être visible. La lumière pâle filtrait, crue et solitaire, comme si elle venait d'un monde situé à des kilomètres. Il entendit de l'eau goutter au loin et le pas traînant d'une paire de bottes. Il arrivait à peine à distinguer les contours de la cellule, qui était vaste, avec des murs cintrés en pierre et trop de coins sombres qui se fondaient dans l'obscurité.

Duncan, qui avait vécu dans la capitale, comprit tout de suite où il était : dans le cachot royal. C'était l'endroit où ils envoyaient les pires criminels et les ennemis les plus puissants du royaume pour qu'ils y croupissent sans fin ou y attendent leur exécution. Duncan y avait envoyé beaucoup d'hommes lui-même quand il avait servi ici, à la demande du Roi. Il ne savait que trop bien que c'était un endroit d'où les prisonniers ne ressortaient pas.

Duncan essaya de bouger mais ses chaînes ne le lui permettaient pas. Elles coupaient ses poignets et chevilles meurtris et saignants. Cependant, c'était là le dernier de ses soucis; son corps tout entier lui faisait mal et palpitait et il souffrait tellement qu'il avait peine à comprendre où ça lui faisait le plus mal. Il avait l'impression d'avoir été matraqué mille fois et piétiné par une armée de chevaux. Il avait mal quand il respirait et il secoua la tête en essayant de faire partir la douleur. Elle ne partit pas.

Quand il ferma les yeux, lécha ses lèvres gercées, Duncan revit ce qui s'était passé par éclairs. L'embuscade. Est-ce qu'elle avait eu lieu la veille ? Il y a une semaine ? Il ne s'en souvenait plus. Il avait été trahi, cerné, on l'avait attiré en lui promettant un accord de façon mensongère. Il avait fait confiance à Tarnis, et Tarnis, lui aussi, avait été tué sous ses yeux.

Duncan se souvint que ses hommes avaient baissé les armes sur ses ordres, qu'il avait été attaché et, ce qui était pire que tout, il se souvint du meurtre de ses fils.

Il secoua la tête à plusieurs reprises en pleurant d'angoisse, en essayant en vain de chasser les images de son esprit. Il resta assis la tête dans les mains, les coudes sur les genoux, et gémit en se souvenant. Comment avait-il pu être aussi idiot ? Kavos l'avait averti et il n'avait pas tenu compte de l'avertissement. Il avait été d'un optimisme naïf, avait cru que ce serait différent cette fois, qu'on pourrait faire confiance aux nobles et avait fait tomber ses hommes droit dans un piège, droit dans un panier de crabes.

Duncan se détestait pour sa naïveté, plus qu'il n'aurait pu le dire. Son seul regret était d'être encore en vie, de n'être pas mort là-bas avec ses fils et avec tous les autres qu'il avait déçus.

Les pas se firent plus forts. Duncan leva le regard et plissa les yeux dans l'obscurité. La silhouette d'un homme apparut lentement en bloquant le rayon de lumière du soleil. L'homme approcha jusqu'à ce qu'il ne se tienne plus qu'à un mètre ou deux. Quand le visage de l'homme prit forme et que Duncan le reconnut, il eut un mouvement de recul. L'homme, dont les vêtements aristocratiques étaient faciles à reconnaître, avait le même air pompeux qu'il avait eu quand il avait adressé une pétition à Duncan pour devenir roi, quand il avait essayé de trahir son père. Enis. Le fils de Tarnis.

Enis s'agenouilla devant Duncan, un sourire suffisant et victorieux au visage. La longue cicatrice verticale sur son oreille se voyait bien pendant qu'il regardait fixement Duncan de ses yeux fuyants et creux. Duncan se sentit envahi par le dégoût, par un désir brûlant de vengeance. Il serra les poings. Il voulait se ruer sur ce garçon, tailler en pièces de ses propres mains ce garçon qui avait été responsable de la mort de ses fils et de l'incarcération de ses hommes. Les chaînes étaient tout ce qui l'empêchait de le tuer.

“Une vraie honte, ce fer”, observa Enis en souriant. “Je suis à genoux ici, à seulement quelques centimètres de toi, et tu ne peux pas me toucher.”

Duncan lui adressa un regard furieux. Il aurait voulu pouvoir parler mais était encore trop épuisé pour former des mots. Sa gorge était trop sèche, ses lèvres trop desséchées et il fallait qu'il conserve son énergie. Il se demanda depuis combien de jours il n'avait pas bu, depuis combien de jours il était ici. De toute façon, ce misérable ne méritait pas qu'il lui adresse la parole.

Enis était descendu ici pour une raison précise; il était clair qu'il voulait quelque chose. Duncan ne se faisait pas d'illusions : il savait que, quoi que ce garçon ait à dire, son exécution ne tarderait pas. De toute façon, c'était ça qu'il voulait. Maintenant que ses fils étaient morts et ses hommes emprisonnés, il ne lui restait plus rien au monde, plus un seul moyen d'échapper à sa culpabilité.

“J'aimerais savoir”, dit Enis de sa voix mielleuse, “ce que ça fait d'avoir trahi tous ceux qu'on connaît et qu'on aime, tous ceux qui nous font confiance.”

Duncan sentit éclater sa rage. Incapable de se taire plus longtemps, il trouva d'une façon ou d'une autre la force de parler.

“Je n'ai trahi personne”, réussit-il à dire d'une voix rauque et enrouée.

“Ah bon ?” répliqua Enis, qui s'amusait visiblement beaucoup. “Ils te faisaient confiance. Tu les as emmenés droit dans une embuscade, tu les as forcés à se rendre. Tu les as privés de tout ce qui leur restait : leur fierté et leur honneur.”

La fureur de Duncan ne connaissait pas de relâche.

“Non”, finit-il par répondre après un silence long et pesant. “C'est toi qui les as privés de ça. J'ai fait confiance à ton père et il t'a fait confiance.”

“La confiance”, dit Enis en riant. “Quelle notion naïve. Risquerais-tu vraiment la vie de tes hommes pour de la confiance ?”

Il rit à nouveau et Duncan enragea.

“Les chefs, ça ne fait pas confiance”, poursuivit-il. “Les chefs, ça doute. C'est leur travail de douter de tous leurs hommes. Les commandants protègent les hommes contre la guerre mais les chefs doivent protéger les hommes contre la tromperie. Tu n'es pas un chef. Tu les as tous déçus.”

Duncan inspira profondément. Une partie de lui-même ne pouvait s'empêcher de sentir qu'Enis avait raison, même s'il détestait l'admettre. Il avait déçu ses hommes et ne s'était jamais senti aussi mal de sa vie.

“C'est pour ça que tu es venu ici ?” répondit finalement Duncan. “Pour te réjouir de ta tromperie ?”

Le garçon sourit. C'était un sourire laid et diabolique.

“Tu es mon sujet, maintenant”, répondit-il. “Je suis ton nouveau Roi. Je peux aller partout, quand je le veux, pour n'importe quelle raison, ou sans aucune raison. Peut-être que j'aime simplement te regarder, allongé ici dans ce cachot, brisé comme tu es.”

Duncan avait mal à chaque souffle et il parvenait tout juste à retenir sa rage. Il voulait faire plus de mal à cet homme qu'à tous ceux qu'il avait jamais rencontrés.

“Dis-moi”, dit Duncan pour lui faire mal. “Quelle impression est-ce que ça t'a fait d'assassiner ton père ?”

L'expression d'Enis se durcit.

“Ce sera bien meilleur quand je te regarderai mourir sur la potence”, répondit-il.

“Alors, fais-le maintenant”, dit Duncan en le pensant.

Cependant, Enis sourit et secoua la tête.

“Ça ne sera pas aussi facile pour toi”, répondit-il. “D'abord, je te regarderai souffrir. Je veux d'abord que tu voies ce qui va advenir de ton pays adoré. Tes fils sont morts. Tes commandants sont morts. Anvin, Durge et tous tes hommes de la Porte du Sud sont morts. Des millions de Pandésiens ont envahi notre nation.”

Le cœur de Duncan se serra quand il entendit ces nouvelles. Une partie de lui-même se demanda si c'était une ruse, mais il sentait que tout cela était vrai. A chaque proclamation, il se sentit tomber plus bas que terre.

“Tous tes hommes sont emprisonnés et Pandésia bombarde Ur depuis la mer. Donc, tu vois, tu as piteusement échoué. Escalon est dans un état bien pire qu'avant et tu en es le seul responsable.”

Duncan tremblait de rage.

“Et dans combien de temps”, demanda Duncan “le grand oppresseur se retournera-t-il contre toi ? Crois-tu vraiment que tu vas t'en sortir indemne, que tu vas échapper à la colère de Pandésia ? Qu'ils vont te permettre d'être Roi ? De régner comme le faisait autrefois ton père ?”

D'un air décidé, Enis fit un grand sourire.

“Je sais qu'ils le feront”, dit-il.

Il se rapprocha tellement que Duncan put sentir sa mauvaise haleine.

“Tu vois, j'ai passé un accord avec eux. C'était un accord vraiment spécial destiné à garantir mon pouvoir, un accord qui les intéressait trop pour qu'ils le refusent.”

Duncan n'osait pas demander ce que c'était mais Enis fit un grand sourire et se rapprocha de lui.

“Ta fille”, murmura-t-il.

Duncan écarquilla les yeux.

“Croyais-tu vraiment que tu pouvais me cacher l'endroit où elle se trouvait ?” insista Enis. “En ce moment même, les Pandésiens la cernent, et ce cadeau consolidera mon pouvoir.”

Les chaînes de Duncan cliquetèrent et le bruit résonna partout dans le cachot quand il se débattit de toutes ses forces pour se libérer et passer à l'attaque. Le désespoir qui le submergeait dépassait ce qu'il pouvait supporter.

“Pourquoi es-tu venu ?” demanda Duncan d'une voix brisée en se sentant beaucoup plus vieux. “Que veux-tu de moi ?”

Enis sourit. Il resta silencieux longtemps puis finit par soupirer.

“Je crois que mon père voulait que tu lui rendes un service”, dit-il lentement. “Sinon, il ne t'aurait pas fait appeler, n'aurait pas négocié cet accord. Il t'a offert une grande victoire contre les Pandésiens et, en retour, il t'a forcément demandé quelque chose. Quoi ? Qu'est-ce que c'était ? Quel secret cachait-il ?”

Duncan le regarda fixement, résolu, indifférent.

“Ton père voulait en effet me demander une chose”, dit-il en remuant le couteau dans la plaie. “Une chose honorable et sacrée. Une chose qu'il ne pouvait confier qu'à moi. Pas à son propre fils. Maintenant, je sais pourquoi.”

Enis rougit et ricana.

“Si mes hommes ont péri pour quelque chose”, poursuivit Duncan, “c'est pour l'honneur et la confiance. Jamais je ne reviendrai là-dessus et c'est pour cette raison que tu ne sauras jamais ce que m'a demandé ton père.”

Le visage d'Enis s'assombrit et Duncan eut le plaisir de voir qu'il était furieux.

“Tu voudrais conserver les secrets de feu mon père, l'homme qui vous a trahis, toi et tous tes hommes ?”

“C'est toi qui m'as trahi”, corrigea Duncan, “pas lui. Ton père était un homme bon qui a fait une erreur une fois. Par contre, toi, tu n'es rien. Tu n'es que l'ombre de ton père.”

Enis le regarda d'un air renfrogné. Il se redressa lentement de toute sa taille, se pencha et cracha à côté de Duncan.

“Tu me diras ce qu'il voulait”, insista-t-il. “Tu me diras quelle chose ou quelle personne il essayait de cacher. Si tu le fais, je pourrais être clément et te libérer. Sinon, non seulement je t'escorterai jusqu'à la potence moi-même, mais je m'arrangerai aussi pour que tu meures de la façon la plus horrible que l'on puisse imaginer. C'est à toi de choisir et tu ne pourras pas faire marche arrière. Réfléchis bien, Duncan.”

Enis se tourna pour partir mais Duncan le rappela.

“Tu peux avoir ma réponse maintenant, si tu veux”, répondit Duncan.

Enis se retourna, l'air satisfait.

“Je choisis la mort”, répondit-il en parvenant à sourire pour la première fois. “Après tout, la mort n'est rien par rapport à l'honneur.”




CHAPITRE DEUX


Alors que Dierdre travaillait dans la forge et qu'elle essuyait la sueur de son front, elle se redressa soudain, secouée par un bruit tonitruant. C'était un bruit distinct, un bruit qui lui tapait sur les nerfs, un bruit qui s'élevait au-dessus du vacarme de tous les marteaux qui frappaient les enclumes. Tous les hommes et toutes les femmes qui l'entouraient s'arrêtèrent aussi, posèrent leurs armes inachevées et regardèrent dehors, perplexes.

Le bruit se fit entendre à nouveau. On aurait dit le bruit du tonnerre porté par le vent, ou que quelque chose détruisait la structure même de la terre.

Le bruit se fit entendre une fois de plus.

Finalement, Dierdre comprit : c'étaient les cloches en fer. Elles sonnaient, semaient la terreur dans son cœur en sonnant à plusieurs reprises et en résonnant dans toute la cité. C'étaient des cloches d'avertissement, de danger. Des cloches de guerre.

Les citoyens de Ur bondirent tous en même temps de leur table et se précipitèrent à l'extérieur de la forge, tous impatients de voir ce que c'était. Dierdre fut la première d'entre eux. Elle fut rejointe par ses filles, par Marco et ses amis, et ils sortirent tous brusquement dans les rues remplies de citoyens soucieux qui se rassemblaient tous du côté des canaux pour mieux voir. Dierdre chercha partout. En entendant ces cloches, elle s'attendait à voir sa cité envahie par des navires, par des soldats. Pourtant, elle ne vit rien de la sorte.

Perplexe, elle se dirigea vers les énormes tours de guet perchées au bord du Chagrin car elle voulait avoir une meilleure vue.

“Dierdre !”

Elle se tourna et vit son père et ses hommes qui couraient tous vers les tours de guet, eux aussi, car ils voulaient avoir une vue dégagée de la mer. Les quatre tours faisaient frénétiquement sonner leur cloche, chose qui n'arrivait jamais, comme si la mort elle-même approchait de la cité.

Dierdre se plaça à côté de son père et ils coururent, tournèrent dans des rues et montèrent des marches de pierre jusqu'à finalement atteindre le sommet du mur de la cité, au bord de la mer. Elle s'arrêta là, à côté de lui, sidérée par ce qu'elle voyait.

C'était comme si son pire cauchemar s'était réalisé. Jamais elle n'aurait cru voir ça de toute sa vie : la mer toute entière, jusqu'à l'horizon, était couverte de noir. Les navires noirs de Pandésia étaient si serrés qu'ils recouvraient l'eau et semblaient recouvrir le monde entier. Pire encore, ils se précipitaient tous en force droit sur sa cité.

Dierdre resta figée sur place en fixant la mort qui approchait. Ils n'avaient aucun moyen de se défendre contre une flotte de cette taille. Ni leurs piètres chaînes ni leurs épées ne suffiraient. Quand les premiers navires atteindraient les canaux, ils pourraient peut-être les coincer dans un goulet d'étranglement et les retarder. Ils pourraient peut-être tuer des centaines ou même des milliers de soldats.

Mais pas les millions qu'elle voyait devant elle.

Quand Dierdre se tourna, regarda son père et ses soldats et vit la même panique muette sur leur visage, cela lui fendit le cœur. Son père faisait bonne figure devant ses hommes, mais elle le connaissait. Elle voyait le fatalisme dans ses yeux, voyait la lumière les quitter. Visiblement, confrontés à ces navires, c'était leur propre mort et la fin de leur grande et ancienne cité que voyaient tous ces hommes.

A côté d'elle, Marco et ses amis regardaient la scène avec terreur, mais aussi avec détermination. Aucun d'eux ne se retourna pour s'enfuir et c'était tout à leur honneur. Dierdre chercha Alec dans la mer de visages mais fut surprise de ne le trouver nulle part. Elle se demanda où il avait pu partir. Il n'avait tout de même pas fui ?

Dierdre résista à sa peur et resserra son étreinte sur son épée. Elle savait que la mort venait les chercher, bien qu'elle ne se soit pas attendue à ce qu'elle vienne si vite. Cela dit, elle ne voulait plus fuir devant qui que ce soit.

Son père se tourna vers elle et la saisit par les épaules avec insistance.

“Tu dois quitter la cité”, dit-il d'un ton autoritaire.

Dierdre vit l'amour paternel dans ses yeux et cela la toucha.

“Mes hommes t'escorteront”, ajouta-t-il. “Ils peuvent t'emmener loin d'ici. Pars maintenant ! Et ne m'oublie pas.”

Dierdre écrasa une larme quand elle vit son père la regarder avec tant d'amour. Elle secoua la tête et enleva de ses épaules les mains de son père.

“Non, Père”, dit-elle. “C'est ma cité, et je mourrai à tes —”

Avant qu'elle ait pu finir sa phrase, une terrible explosion fendit l'air. D'abord perplexe, elle crut que c'était une autre cloche, puis elle comprit : c'était un tir de canon. Pas seulement un seul, mais des centaines.

Rien que l'onde de choc fit perdre l'équilibre à Dierdre. Elle déchira l'atmosphère avec une telle force que Dierdre eut l'impression qu'elle lui avait fendu les oreilles en deux. Ensuite, elle entendit le sifflement aigu des boulets et, quand elle regarda vers la mer, elle se sentit submergée par une vague de panique en voyant des centaines de boulets énormes, semblables à des chaudrons de fer dans le ciel, décrire un arc élevé et se diriger droit sur sa cité adorée.

Il y eut un autre son, pire que le précédent : le son du fer qui démolissait la pierre. L'air lui-même gronda sous le coup des explosions qui se succédèrent. Dierdre trébucha et tomba. Tout autour d'elle, les grands bâtiments de Ur, des chefs-d’œuvre d'architecture, des monuments qui avaient tenu des milliers d'années, furent détruits. A sa grande horreur, ces bâtiments en pierre aux murs de trois mètres d'épaisseur, des églises, des tours de guet, des fortifications, des remparts, furent tous réduits en morceaux par les boulets. Ils s'écroulèrent devant ses yeux.

Un bâtiment après l'autre s'écroula au sol et il y eut des avalanches de décombres.

C'était écœurant à regarder. En roulant par terre, Dierdre vit une tour en pierre de trente mètres de hauteur commencer à tomber sur le côté. Elle ne put que regarder les centaines de personnes qui se trouvaient sous la tour lever les yeux et hurler de terreur quand le mur de pierre les écrasa.

Une autre explosion suivit.

Puis une autre.

Puis encore une autre.

Tout autour d'elle, de plus en plus de bâtiments explosaient et tombaient et des milliers de personnes étaient immédiatement écrasées dans d'immenses panaches de poussière et de débris. De gros blocs de pierre roulaient comme des cailloux dans toute la cité pendant que des bâtiments s'écrasaient les uns contre les autres puis s'écroulaient et tombaient par terre. Pendant ce temps, les boulets pleuvaient sans arrêt, fracassaient de précieux bâtiments les uns après les autres, transformaient en tas de décombres ce qui avait été une cité majestueuse.

Dierdre finit par se relever. Choquée, un sifflement dans les oreilles, elle regarda autour d'elle et, entre des nuages de poussière, elle vit les rues pleines de cadavres, de mares de sang, comme si toute la cité avait été rayée de la carte en un instant. Elle regarda du côté de la mer, vit d'autres navires qui attendaient par milliers pour passer à l'attaque et comprit que tout ce qu'ils avaient prévu n'avait été qu'une blague. Ur était déjà détruite et les navires n'avaient même pas accosté. A quoi bon toutes ces armes, toutes ces chaînes et ces piques, maintenant ?

Dierdre entendit des gémissements, regarda et vit un des braves hommes de son père, un homme qu'elle avait autrefois aimé tendrement, allongé par terre, mort, à seulement quelques mètres d'elle, écrasé par une pile de décombres qui aurait dû atterrir sur elle si elle n'avait elle pas trébuché et si elle n'était pas tombée. Elle allait l'aider quand l'air trembla soudain sous le grondement d'une autre volée de boulets.

Puis d'une autre.

Il y eut un sifflement puis d'autres explosions et d'autres destructions de bâtiments. Les tas de décombres montèrent plus haut et d'autres personnes moururent. Dierdre fut à nouveau renversée. Un mur de pierre s'écroula à côté d'elle et la rata de peu.

Il y eut une accalmie dans les tirs et Dierdre se releva. Un mur de décombres bloquait maintenant sa vue de la mer mais elle sentait que les Pandésiens s'étaient rapprochés et avaient atteint la plage, ce qui expliquait pourquoi les tirs avaient cessé. D'immenses nuages de poussière flottaient dans l'air et, dans le silence inquiétant, tout autour de Dierdre, on n'entendait que les gémissements des morts. Elle regarda et, à côté d'elle, vit Marco qui pleurait de détresse en essayant de dégager le corps d'un de ses amis. Dierdre regarda vers le bas et vit que le garçon était déjà mort, écrasé sous le mur de ce qui avait été un temple.

Elle se retourna, se souvint de ses filles et fut bouleversée quand elle vit que plusieurs d'entre elles avaient aussi été écrasées. Cela dit, trois d'entre elles avaient survécu et essayaient vainement de sauver les autres.

On entendit le cri des fantassins pandésiens qui, sur la plage, fonçaient vers Ur. Dierdre pensa à la proposition de son père et se souvint que ses hommes pouvaient encore lui permettre de s'échapper d'ici. Elle savait que, si elle restait ici, elle mourrait, et pourtant, c'était ce qu'elle voulait. Elle refusait de fuir.

A côté d'elle, son père, une estafilade au front, se leva des décombres, tira son épée et mena bravement ses hommes dans une charge vers la pile de décombres. Elle comprit fièrement qu'il se ruait vers l'ennemi. Maintenant, la bataille allait se dérouler entre fantassins et des centaines d'hommes se rassemblaient derrière lui. Ils se précipitaient tous en avant avec un tel courage que ça la rendait fière d'eux.

Elle les suivit, tira son épée et escalada les énormes blocs de pierre qui se trouvaient devant elle, prête à se battre à ses côtés. Alors qu'elle se ruait vers le sommet, elle s'arrêta, sidérée par ce qu'elle vit : des milliers de soldats pandésiens, qui portaient leur armure jaune et bleue, noircissaient la plage et chargeaient vers le tas de décombres. Ces hommes étaient bien entraînés, bien armés et frais et dispos, alors que les hommes de son père n'étaient que quelques centaines, avaient des armes rudimentaires et étaient déjà tous blessés.

Elle savait que ça allait être un massacre.

Et pourtant, son père ne fit pas demi-tour. Elle n'avait jamais été aussi fière de lui qu'à ce moment. Il se tenait là, extrêmement fier, ses hommes rassemblés autour de lui, tous prêts à se précipiter sur l'ennemi, même si cela entraînerait sûrement leur mort. Pour elle, c'était l'incarnation même de la bravoure.

Alors qu'il se tenait là avant de descendre, il se tourna et regarda Dierdre avec un amour intense. Il y avait un adieu dans son regard, comme s'il savait qu'il ne la reverrait jamais. Dierdre était perplexe : il avait l'épée en main et elle se préparait à charger avec lui, donc, pourquoi lui disait-il adieu maintenant ?

Soudain, elle sentit de fortes mains l'attraper par derrière, sentit qu'on la tirait en arrière, se retourna et vit deux des commandants les plus fidèles de son père se saisir d'elle. Un groupe de ses hommes attrapa aussi ses trois filles restantes avec Marco et ses amis. Elle rua et protesta mais en vain.

“Lâchez-moi !” hurla-t-elle.

Ils ne tinrent aucunement compte de ses protestations et l'entraînèrent. Visiblement, ils suivaient les ordres de son père. Elle aperçut son père pour la dernière fois avant qu'il mène ses hommes de l'autre côté des décombres en poussant un grand cri de guerre.

“Père !” cria-t-elle.

Elle se sentait déchirée. Juste au moment où elle admirait vraiment le père qu'elle aimait à nouveau, on le lui enlevait. Elle voulait désespérément être avec lui, mais il était déjà parti.

Dierdre se retrouva jetée sur un petit bateau et, immédiatement, les hommes commencèrent à ramer sur le canal en s'éloignant de la mer. Le bateau tourna à plusieurs reprises, traversa les canaux et se dirigea vers une ouverture latérale secrète située dans un des murs. Devant eux surgit une arche de pierre basse et Dierdre reconnut immédiatement l'endroit où ils allaient : la rivière souterraine. Le courant était violent de l'autre côté de ce mur et il les emmènerait loin de la cité. Elle émergerait à un endroit situé dans la campagne à beaucoup de kilomètres d'ici, saine et sauve.

Toutes ses filles se tournaient vers elle comme si elles se demandaient que faire. Dierdre prit tout de suite sa décision. Elle fit semblant d'accepter le plan pour qu'elles restent unies. Elle voulait qu'elles s'échappent toutes, qu'elles fuient cet endroit.

Dierdre attendit jusqu'au dernier moment et, juste avant qu'ils entrent dans le souterrain, elle sauta du bateau et plongea dans les eaux du canal. A sa grande surprise, Marco la remarqua et sauta, lui aussi. Seuls eux deux flottaient dans le canal.

“Dierdre !” crièrent les hommes de son père.

Ils se tournèrent pour l'attraper mais il était trop tard. Elle s'était échappée au moment idéal et ils étaient déjà pris dans les courants impétueux, qui emportaient leur bateau.

Dierdre et Marco se tournèrent et nagèrent rapidement vers un bateau abandonné, où ils montèrent. Ils restèrent là, dégoulinants, et se regardèrent fixement l'un l'autre, respirant avec difficulté tous les deux, épuisés.

Dierdre se retourna et regarda l'endroit d'où ils étaient venus, le cœur de Ur, où elle avait laissé son père. C'était là qu'elle voulait aller, là et nulle part ailleurs, même si elle devait en mourir.




CHAPITRE TROIS


Merk se tenait à l'entrée de la pièce cachée, au dernier étage de la Tour de Ur. Pult, le traître, gisait mort aux pieds de Merk, qui regardait fixement dans la lumière qui brillait. La porte était entrebâillée et il avait peine à croire ce qu'il voyait.

C'était la pièce sacrée, à l'étage le plus protégé, l'unique pièce conçue pour contenir et conserver l'Épée de Feu. Sur sa porte et sur ses murs en pierre étaient sculptés l'insigne de l'épée. C'était cette pièce, rien que cette pièce, où le traître avait voulu entrer pour voler la relique la plus sacrée du royaume. Si Merk ne l'avait pas surpris et tué, qui sait où l'Épée se trouverait maintenant ?

Alors que Merk regardait fixement à l'intérieur de la pièce, dont les murs en pierre lisse formaient un cercle, alors qu'il regardait fixement dans la lumière qui brillait, il commença à voir une plate-forme dorée située au milieu de la pièce. En-dessous de la plate-forme, il y avait une torche qui brûlait et au-dessus se trouvait un support en acier visiblement conçu pour contenir l'Épée. Et pourtant, Merk avait beau regarder fixement la support, il ne comprenait pas ce qu'il voyait.

Le support était vide.

Il cligna des yeux en essayant de comprendre. Est-ce que le voleur avait déjà volé l'Épée ? Non, car l'homme était mort à ses pieds. Cela ne pouvait signifier qu'une chose.

Cette tour, la Tour Sacrée de Ur, était un leurre. Tout ça, la pièce, la tour, était un leurre. L'Épée de Feu n'était pas conservée ici. Elle n'y avait jamais été conservée.

Mais dans ce cas, où pouvait-elle se trouver ?

Merk resta sur place, horrifié, trop choqué pour bouger. Il repensa à toutes les légendes qui entouraient l'Épée de Feu. Il se souvint qu'on parlait des deux tours, la Tour de Ur dans le coin nord-ouest du royaume et la Tour de Kos dans le sud-est. On disait qu'elles étaient placées aux extrémités opposées du royaume et que l'une était le pendant de l'autre. Il savait que seule une des deux tours détenait l'Épée. Et pourtant, Merk avait toujours supposé que cette tour, la Tour de Ur, était la bonne. Dans le royaume, c'était ce que tout le monde supposait; les gens ne faisaient leur pèlerinage qu'à cette tour, et les légendes elles-mêmes suggéraient toujours que la tour de Ur était la bonne. Après tout, Ur était sur le continent, près de la capitale, près d'une grande cité ancienne, alors que Kos était au bout du Doigt du Diable, un endroit éloigné, sans importance et loin de tout.

L'Épée devait être à Kos.

Figé sur place par le choc, Merk comprit lentement qu'il était le seul homme du royaume à savoir où se trouvait vraiment l'Épée. Merk ne savait pas quels secrets, quels trésors étaient détenus dans cette Tour de Ur, en supposant qu'il y en ait, mais il savait avec certitude qu'elle ne contenait pas l'Épée de Feu. Il se sentait découragé. Il avait appris ce qu'il était pas supposé apprendre : que lui et tous les autres soldats stationnés ici ne gardaient que du vide. C'était une chose que les Gardiens n'étaient pas supposés savoir car, bien sûr, ça les démoraliserait. Après tout, qui voudrait garder une tour vide ?

Maintenant que Merk connaissait la vérité, il brûlait d'envie de fuir cet endroit, d'aller à Kos et d'y protéger l'Épée. Après tout, pourquoi rester ici et garder des murs vides ?

Merk était un homme simple qui détestait les énigmes plus que toute autre chose, et celle-ci lui donnait un gros mal de tête et soulevait plus de questions qu'elle ne lui fournissait de réponses. Qui d'autre pouvait être au courant ? se demanda Merk. Les Gardiens ? Certains d'entre eux savaient forcément. S'ils savaient, comment pouvaient-ils avoir assez de discipline pour passer tous leurs jours à garder un leurre ? Est-ce que ça faisait partie de leur entraînement ? De leur devoir sacré ?

Maintenant qu'il était au courant, que fallait-il qu'il fasse ? Il ne pouvait absolument pas le dire aux autres. Cela pourrait les démoraliser. Ils pourraient même ne pas le croire, s'imaginer qu'il avait volé l'Épée.

Et que devait-il faire du cadavre de ce traître ? Et si ce traître essayait de voler l'Épée, était-ce aussi le cas de quelqu'un d'autre ? Est-ce qu'il avait agi seul ? Pourquoi voulait-il la voler, de toute façon ? Où l'aurait-il emmenée ?

Alors qu'il se tenait là en essayant de comprendre la situation, soudain, il eut les cheveux dressés sur la tête. Des cloches se mirent à sonner extrêmement fort à seulement quelques mètres de sa tête et on aurait dit qu'elles se trouvaient dans cette même pièce. Ces cloches étaient si présentes, si insistantes qu'il ne comprenait pas d'où elles venaient, jusqu'au moment où il comprit que le clocher, situé sur le toit, ne se trouvait qu'à quelques mètres de sa tête. La pièce tremblait sous leur musique incessante et Merk n'arrivait pas à réfléchir. Après tout, vu leur insistance, elles devaient être des cloches de guerre.

Il y eut soudain du fracas dans tous les coins de la tour. Merk entendait le vacarme lointain, comme si tous les occupants de la tour se rassemblaient. Il fallait qu'il sache ce qui se passait; il pourrait revenir à ce dilemme plus tard.

Merk tira le corps hors du chemin, claqua la porte et quitta précipitamment la pièce. Il se rua dans le hall et vit des dizaines de guerriers monter l'escalier à toute vitesse, tous l'épée en main. D'abord, il se demanda s'ils venaient le chercher, puis il leva les yeux, vit d'autres hommes monter l'escalier à toute vitesse et comprit qu'ils se dirigeaient tous vers le toit.

Merk se joignit à eux, monta l'escalier à toute vitesse et arriva brusquement sur le toit au milieu du son assourdissant des cloches. Il se précipita vers le bord de la tour et regarda au loin. Ce qu'il vit le sidéra. Son cœur se serra quand il vit au loin la Mer du Chagrin recouverte de noir. Un million de navires convergeait au loin vers la cité de Ur. Cependant, la flotte ne semblait pas se diriger vers la Tour de Ur, qui se dressait à un bon jour de cheval au nord de la cité. Donc, en l'absence d'un danger immédiat, Merk se demanda pourquoi ces cloches sonnaient avec tant d'insistance.

Alors, il vit les guerriers se tourner dans la direction opposée. Il se tourna, lui aussi, et vit ce qu'ils voyaient : là-bas, une troupe de trolls émergeait des bois. Ils furent suivis par d'autres trolls.

Et encore d'autres.

On entendit un fort bruissement suivi par un rugissement et, soudain, des centaines de trolls sortirent brusquement de la forêt en hurlant, en chargeant, la hallebarde haute et les yeux injectés de sang. Leur chef était à l'avant. C'était le troll que l'on connaissait sous le nom de Vesuvius, une bête grotesque au visage recouvert de sang et qui portait deux hallebardes. Les trolls convergeaient tous vers la tour.

Merk comprit tout de suite que ce n'était pas une attaque de trolls ordinaire. On aurait dit que toute la nation de Marda avait pénétré en Escalon. Comment avaient-ils réussi à franchir les Flammes ? se demanda-t-il. Visiblement, ils étaient tous venus ici pour chercher l'Épée et faire baisser les Flammes. Ironique, se dit Merk, quand on sait que l'Épée n'est pas ici.

Merk comprit que la tour ne pourrait pas résister à un tel assaut. Tout était fini.

Gagné par la terreur, comprenant qu'il était cerné, Merk se prépara au dernier combat de sa vie. Tout autour de lui, les guerriers serrèrent leur épée en regardant vers le bas, pris de panique.

“SOLDATS !” hurla Vicor, le commandant de Merk. “PRENEZ VOS POSITIONS !”

Les guerriers prirent des positions tout au long des remparts et Merk les rejoignit immédiatement. Il se rua vers le bord, saisit un arc et un carquois comme ceux qui l'entouraient, visaient et tiraient.

Merk eut le plaisir de voir une de ses flèches empaler un troll dans la poitrine; pourtant, à sa grande surprise, la bête poursuivit sa course, même avec une flèche qui lui ressortait par le dos. Merk lui tira encore dessus, logea une flèche dans le cou du troll et, une fois de plus, il fut choqué de s'apercevoir qu'il poursuivait sa course. Il tira une troisième fois, toucha le troll à la tête et, cette fois, le troll tomba au sol.

Merk comprit vite que ces trolls n'étaient pas des adversaires ordinaires et qu'il ne mourraient pas aussi facilement que des hommes. Cela diminuait les chances de survie de la Tour. Pourtant, il tira à plusieurs reprises et abattit autant de trolls que possible. Ses compagnons de guerre faisaient eux aussi pleuvoir des flèches qui obscurcissaient le ciel. Des trolls trébuchaient, tombaient et bloquaient la route aux suivants.

Cependant, trop d'entre eux passaient quand même. Ils atteignirent bientôt les murs épais de la tour, levèrent des hallebardes et les claquèrent contre les portes dorées en essayant de les renverser. Merk sentait les vibrations sous ses pieds et ça lui tapait sur les nerfs.

La nation de trolls claquait contre les portes sans relâche et le bruit du métal envahissait l'air. Au grand soulagement de Merk, les portes résistèrent d'une façon ou d'une autre. Malgré les centaines de trolls qui les frappaient, les portes, comme par magie, ne ployaient pas et ne se bosselaient même pas.

“BOULETS !” cria Vicor.

Merk vit les autres soldats se ruer vers un tas de boulets alignés le long du bord, et il les rejoignit quand ils tendirent tous les bras pour en soulever un. Ensemble, Merk et dix autres réussirent à le soulever et à le pousser vers le haut du mur. Merk poussa de toutes ses forces et gémit sous l'effort, hissant le boulet de toutes ses forces, puis, finalement, ils le firent tous passer par-dessus le bord en poussant un grand cri.

Merk se pencha avec les autres et regarda le boulet tomber en sifflant.

En dessous, les trolls levèrent les yeux mais trop tard. Le boulet en écrasa un groupe, qu'il enterra sur place en les aplatissant et en laissant un cratère énorme dans le sol à côté du mur de la tour. Merk aida les autres soldats à hisser les boulets par-dessus le bord de tous les côtés de la tour. Les boulets tuèrent des centaines de trolls et firent trembler la terre avec leur explosion.

Pourtant, les trolls surgissaient encore du bois et arrivaient en flux continu. Merk vit qu'ils étaient à court de rochers; ils étaient aussi à court de flèches et les trolls ne semblaient pas ralentir leur approche.

Soudain, Merk sentit quelque chose lui passer tout près de l'oreille. Il se tourna et vit une lance voler tout près. Perplexe, il regarda vers le bas et vit les trolls prendre des lances et les jeter vers les remparts. Il était stupéfait car il n'avait pas cru qu'ils avaient la force de jeter les lances aussi loin.

A leur tête, Vesuvius leva une lance dorée et la jeta fortement, droit vers le haut. Choqué, Merk regarda la lance atteindre le sommet de la tour, l'esquiva et la vit le rater de peu. Il entendit un gémissement, se retourna et vit que ses compagnons de guerre avaient eu moins de chance. Plusieurs d'entre eux étaient allongés sur le dos, percés par les lances, et le sang leur coulait de la bouche.

Les hommes de la tour n'étaient pas au bout de leurs peines. Ils entendirent un grondement et, soudain, un bélier en fer arriva du bois en roulant, transporté sur un chariot avec des roues en bois. La foule de trolls laissa passer le bélier qui, mené par Vesuvius, se dirigea directement vers la porte.

“LANCES !” cria Vicor.

Merk se précipita avec les autres vers le tas de lances. Il en prit une en sachant que c'était leur dernier moyen de défense. Il avait pensé qu'ils ne les utiliseraient que lorsque les trolls ouvriraient une brèche dans la tour, ce qui leur aurait laissé un dernier moyen de défense mais, apparemment, la situation était désespérée. Il saisit une lance, visa et la jeta vers le bas en visant Vesuvius.

Cependant, Vesuvius était plus rapide qu'il n'en avait l'air et il esquiva la lance au dernier moment. Au lieu de frapper Vesuvius, la lance de Merk frappa un autre troll à la cuisse, ce qui le fit tomber et ralentit l'approche du bélier. Les compagnons de guerre de Merk l'imitèrent. Les lances s'abattirent sur les trolls qui poussaient le bélier et les tuèrent, arrêtant ainsi sa progression.

Pourtant, dès que les trolls tombaient, cent autres trolls sortaient du bois et les remplaçaient. Bientôt, le bélier repartit en avant. Les trolls étaient simplement trop nombreux et leur vie n'avait pas de valeur. Ce n'était pas comme ça que se battaient les humains. La nation des trolls était une nation de monstres.

Merk tendit la main pour prendre une autre lance à jeter et fut consterné de constater qu'il n'en restait aucune. Au même moment, le bélier atteignit les portes de la tour et plusieurs trolls posèrent des planches de bois au dessus des cratères pour former un pont.

“EN AVANT !” cria Vesuvius de sa voix grave et rauque, loin au dessous.

Le groupe de trolls chargea et envoya le bélier en avant. Un moment plus tard, il frappa les portes avec une telle force que Merk sentit la vibration remonter jusqu'à lui. Le tremblement lui traversa les chevilles et le fit souffrir jusqu'à l'os.

Il y eut un autre choc, puis un autre et encore un autre. Ils secouèrent la tour et firent trébucher tous les soldats. Merk atterrit à quatre pattes sur un corps, un compagnon Gardien, et ne s’aperçut qu'à ce moment-là qu'il était déjà mort.

Merk entendit un sifflement, sentit un souffle de vent et, quand il leva les yeux, il ne comprit pas ce qu'il voyait : au-dessus de sa tête, il vit voler un boulet en feu. Des boulets en feu atterrirent au sommet de la tour et des explosions résonnèrent tout autour de lui. Merk s'accroupit, regarda par-dessus le bord et vit des dizaines de catapultes les prendre pour cible d'en dessous en visant le toit de la tour. Tout autour de lui, ses hommes mouraient.

Un autre boulet en feu atterrit près de Merk et tua deux Gardiens à côté de lui, deux hommes qu'il avait appris à apprécier. Les flammes s'étendaient et il les sentait près de son propre dos. Merk regarda autour de lui, vit que presque tous les hommes étaient morts et comprit qu'il ne pourrait plus rien faire ici, mis à part attendre la mort.

Merk savait que c'était maintenant ou jamais. Il n'allait pas mourir comme ça, blotti en haut de la tour à attendre la mort. Il voulait mourir avec courage, bravement, en affrontant l'ennemi l'arme à la main, face à face, et il voulait tuer autant de ces créatures que possible.

Merk poussa un grand cri, tendit la main vers la corde fixée à la tour et sauta par-dessus le bord. Il descendit à toute vitesse vers la nation de trolls qui l'attendait en dessous, prêt à faire face à son destin.




CHAPITRE QUATRE


Kyra cligna des yeux quand elle regarda le ciel, le monde qui se mouvait au-dessus d'elle. C'était le ciel le plus beau qu'elle ait jamais vu, violet foncé avec de doux nuages blancs qui dérivaient au-dessus de sa tête, illuminé par la lumière diffuse du soleil. Elle sentit qu'elle bougeait et elle entendit le doux clapotis de l'eau tout autour d'elle. Elle n'avait jamais eu une telle sensation de paix.

Allongée sur le dos, Kyra regarda autour d'elle et eut la surprise de constater qu'elle flottait au milieu d'une vaste mer, sur un radeau en bois, loin de toute rive. D'immenses rouleaux faisaient doucement monter et descendre son radeau. Elle eut l'impression qu'elle dérivait vers l'horizon, vers un autre monde, une autre vie. Vers un endroit de paix. Pour la première fois de sa vie, elle ne se soucia plus du monde; elle se sentit étreinte par l'univers, comme si elle pouvait finalement baisser sa garde et être prise en charge, à l'abri de tout mal.

Kyra sentait une autre présence sur son bateau. Elle se redressa et fut étonnée de voir une femme assise là. La femme portait une robe blanche, était enveloppée de lumière, avait de longs cheveux dorés et des yeux bleus saisissants. C'était la plus belle femme que Kyra ait jamais vue.

Kyra ressentit un choc quand elle se sentit certaine que c'était sa mère.

“Kyra, mon amour”, dit la femme.

La femme lui fit un sourire d'une telle tendresse qu'il apporta du baume à l'âme de Kyra, qui regarda sa mère et se sentit encore plus profondément en paix. La voix résonnait en elle, la faisait se sentir en paix dans le monde.

“Mère”, répondit-elle.

Sa mère tendit une main presque translucide. Kyra leva le bras et la prit. Le toucher de sa peau était électrisant et, alors qu'elle tenait cette main, Kyra avait l'impression qu'une partie de sa propre âme guérissait.

“Je t'ai regardée”, dit-elle, “et je suis fière. Plus fière que tu ne le sauras jamais.”

Kyra essaya de se concentrer mais, alors qu'elle sentait la chaleur de l'étreinte de sa mère, elle eut l'impression qu'elle quittait ce monde.

“Suis-je en train de mourir, Mère ?”

Sa mère la regarda de ses yeux brillants et lui serra la main plus fort.

“C'est le moment, Kyra”, dit-elle, “et pourtant, ton courage a changé ton destin. Ton courage, et mon amour.”

Kyra la regarda en clignant des yeux, perplexe.

“Nous n'allons pas être ensemble maintenant ?”

Sa mère lui sourit et Kyra la sentit lâcher prise lentement, s'en aller. Kyra eut soudain peur car elle savait que sa mère allait partir, la quitter pour toujours. Kyra essaya de la retenir mais elle retira sa main et plaça plutôt sa paume sur le ventre de Kyra. Kyra sentit une chaleur et un amour intenses le traverser et la guérir. Lentement, elle sentit qu'elle revenait à la vie.

“Je ne te laisserai pas mourir”, répondit sa mère. “Mon amour pour toi est plus fort que le destin.”

Soudain, sa mère disparut.

A sa place se tenait un beau garçon qui la regardait fixement. Ses yeux gris brillants et ses longs cheveux droits l'hypnotisaient. Elle sentait l'amour qui émanait de son regard.

“Moi non plus, je ne te laisserai pas mourir, Kyra”, répéta-t-il.

Il se rapprocha, plaça sa paume sur son ventre, au même endroit que sa mère, et elle sentit une chaleur encore plus intense lui traverser le corps. Elle vit une lumière blanche, sentit la chaleur se répandre en elle et, quand elle sentit qu'elle revenait à la vie, elle put à peine respirer.

“Qui es-tu ?” demanda-t-elle d'une voix à peine plus forte qu'un murmure.

Elle se noya dans la chaleur et dans la lumière et ne put s'empêcher de fermer les yeux.

Qui es-tu ? La question résonna dans son esprit.

Kyra ouvrit lentement les yeux et se sentit inondée de paix, de tranquillité. Elle regarda tout autour d'elle en s'attendant à être encore sur l'océan, à voir l'eau, le ciel.

Au lieu de cela, elle entendit le chant omniprésent des insectes. Elle se tourna, étonnée de se retrouver dans les bois. Elle était allongée dans une clairière et sentait une chaleur intense rayonner dans son ventre, à l'endroit où elle avait été poignardée. Elle regarda vers le bas et vit une seule main à cet endroit. C'était une belle main pâle qui lui touchait le ventre, comme dans son rêve. Étourdie, elle leva les yeux et vit ces beaux yeux gris la regarder, avec une telle intensité qu'on aurait dit qu'ils brillaient.

Kyle.

Il s'agenouilla à côté d'elle, un main sur son front et, quand il la toucha, Kyra sentit sa blessure guérir lentement, se sentit lentement revenir dans ce monde, comme si Kyle l'y ramenait par la seule force de sa volonté. Avait-elle vraiment reçu une visite de sa mère ? Est-ce que cela avait été réel ? Elle avait l'impression qu'elle avait été censée mourir mais que, d'une façon ou d'une autre, son destin avait été modifié. C'était comme si sa mère avait intervenu. Kyle aussi. Leur amour l'avait ramenée. Leur amour et, comme avait dit sa mère, son propre courage.

Kyra se lécha les lèvres, trop faible pour se relever. Elle voulait remercier Kyle mais elle avait la gorge trop sèche et les mots ne venaient pas.

“Chut”, dit-il en la voyant faire des efforts. Il se pencha en avant et lui embrassa le front.

“Suis-je morte ?” réussit-elle finalement à demander.

Au bout d'un long silence, il répondit d'une voix douce mais puissante.

“Tu es revenue”, dit-il. “Je ne t'aurais jamais laissée partir.”

C'était une sensation étrange; en le regardant dans les yeux, elle avait l'impression qu'elle l'avait toujours connu. Elle tendit la main, lui saisit le poignet et le serra pour montrer sa gratitude. Il y avait tant de choses qu'elle voulait lui dire. Elle voulait lui demander pourquoi il avait risqué sa vie pour elle, pourquoi il tenait tant à elle, pourquoi il s'était sacrifié pour la ramener. Elle sentait qu'il avait réellement fait un grand sacrifice pour elle, un sacrifice qui lui ferait du mal d'une façon ou d'une autre.

Elle voulait surtout qu'il sache ce qu'elle ressentait en ce moment.

Je t'aime, voulait-elle dire.

Cependant, les mots ne venaient pas. Au lieu de cela, une vague d'épuisement la submergea et, quand ses yeux se fermèrent, elle fut forcée de succomber à  la fatigue. Elle sentit qu'elle s'enfonçait de plus en plus profondément dans le sommeil, que le monde passait à côté d'elle à toute vitesse et elle se demanda si elle était en train de mourir une deuxième fois. N'avait-elle été ramenée que pour un moment ? N'était-elle revenue une dernière fois que pour adieu à Kyle ?

Puis, quand un sommeil profond finit par la submerger, elle fut quasi-certaine d'entendre quelques derniers mots avant de perdre conscience pour de bon :

“Je t'aime, moi aussi.”




CHAPITRE CINQ


Le bébé dragon souffrait le martyre. Alors qu'il volait, chaque battement d'ailes était un effort et il fallait qu'il se batte pour rester en l'air. Cela faisait des heures qu'il survolait la campagne d'Escalon. Il se sentait perdu et seul dans ce monde cruel où il était né. Son esprit était hanté par des images de son père qui mourait allongé par terre et de ses grands yeux qui se refermaient alors que tous ces soldats humains le tuaient à coup de lance. Son père, qu'il n'avait jamais eu le temps de connaître, sauf pendant cet unique et glorieux moment de combat; son père, qui était mort pour le sauver.

Le bébé dragon ressentait la mort de son père comme si c'était la sienne et, à chaque battement d'ailes, il se sentait plus accablé par la culpabilité. Si ce n'avait pas été pour lui, son père aurait pu être en vie à l'instant même.

Le dragon volait, déchiré par le chagrin et le remords parce qu'il savait qu'il n'aurait jamais la possibilité de connaître son père, de le remercier pour son acte désintéressé de bravoure, pour lui avoir sauvé la vie. Une partie de lui-même ne voulait plus vivre, elle non plus.

Cela dit, une autre partie enrageait, voulait désespérément tuer ces humains, venger son père et détruire le pays qu'il survolait. Il ne savait pas où il était, mais son intuition lui disait qu'il était à des océans de distance de sa patrie. Un instinct le poussait à repartir chez lui, mais il ne savait pas où c'était.

Le bébé volait sans but, complètement perdu dans le monde. Il crachait le feu sur le sommet des arbres, sur tout ce qu'il trouvait. Bientôt, il fut à court de feu, et peu de temps après, il se rendit compte qu'il volait de plus en plus bas à chaque battement d'ailes. Il essaya de reprendre de l'altitude mais paniqua en constatant qu'il n'en avait plus la force. Il essaya d'éviter le haut d'un arbre mais ses ailes ne pouvaient plus le porter et il fonça droit dedans. Les vieilles blessures qui n'avaient pas guéri le faisaient toutes souffrir.

A l'agonie, il rebondit sur l'arbre et continua à voler. A mesure qu'il perdait de la force, son altitude ne cessait de diminuer. Il saignait et le sang tombait en dessous comme des gouttes de pluie. La faim, ses blessures et les milliers de coups de lance qu'il avait reçus l'affaiblissaient. Il voulait continuer à voler, trouver une cible à détruire, mais il sentait que ses yeux se fermaient et que les paupières lui pesaient trop lourd maintenant. Il sentait qu'il perdait conscience par intermittence.

Le dragon savait qu'il mourait. D'une certaine façon, c'était un soulagement; bientôt, il rejoindrait son père.

Il fut réveillé par le son d'un bruissement de feuilles et de craquement de branches et, quand il sentit qu'il s'écrasait au sommet des arbres, il ouvrit finalement les yeux. Sa vision était obscurcie dans ce monde de verdure. Il ne pouvait plus se contrôler et sentit qu'il tombait en cassant des branches et en souffrant encore plus à chaque branche qu'il cassait.

Il finit par s'arrêter brusquement, haut dans un arbre, coincé entre les branches, trop faible pour se débattre. Il resta pendu là, immobile. Il avait trop mal pour bouger et avait de plus en plus mal à chaque souffle. Il était sûr qu'il allait mourir là-haut, emmêlé dans les arbres.

Une des branches céda soudain avec un bruit fort et sec. Le dragon chuta. Il tomba en faisant des tonneaux et en cassant d'autres branches. Il tomba sur une quinzaine de mètres jusqu'à ce qu'il finisse par heurter le sol.

Il y resta en ayant l'impression que toutes ses côtes étaient cassées et qu'il crachait du sang. Il battit lentement d'une aile mais ne put guère en faire plus.

Alors qu'il sentit la vie le quitter, son destin lui apparut injuste, prématuré. Il savait qu'il avait un destin mais il ne comprenait pas en quoi il consistait. Il lui semblait bref et cruel de n'être né dans ce monde que pour assister à la mort de son père puis pour mourir soi-même. Peut-être la vie était-elle comme ça : cruelle et injuste.

Quand il sentit ses yeux se fermer pour la dernière fois, le dragon se rendit compte  que son esprit était rempli par une dernière pensée : Père, attends-moi. Je te retrouverai bientôt.




CHAPITRE SIX


Alec se tenait sur le pont et s'accrochait au bastingage du navire noir luisant. Il regardait la mer depuis des jours. Il regardait les vagues géantes rouler, soulever leur petit navire à voiles, et il regardait l'écume se briser en dessous de la cale pendait qu'ils fendaient l'eau à une vitesse qui dépassait tout ce qu'il avait jamais connu. Leur navire avançait penché car les voiles étaient tendues par le vent et les coups de vent forts et constants. Alec examinait le navire avec les yeux d'un artisan. Il se demandait en quoi il était fait; visiblement, il était confectionné à partir d'un matériau inhabituel et luisant qu'il n'avait jamais rencontré et qui leur avait permis de foncer à toute vitesse jour et nuit, de passer à côté de la flotte pandésienne dans le noir, puis de sortir de la Mer du Chagrin et de passer dans la Mer des Larmes.

Alec réfléchit et se souvint que cela avait été un voyage difficile de plusieurs jours et de plusieurs nuits. Les voiles n'avaient jamais été baissées, les longues nuits sur la mer obscure avaient été pleines des sons hostiles des craquements du navire et des créatures exotiques qui bondissaient et battaient des ailes. Plus d'une fois, il s'était réveillé et avait vu un serpent qui luisait dans le noir essayer de monter à bord, puis, à chaque fois, il avait vu l'homme avec lequel il voyageait le repousser d'un coup de botte.

Ce qu'il y avait d'encore plus mystérieux que tout l'exotisme de la vie maritime, c'était Sovos, l'homme à la barre du navire. Alec se demandait s'il avait été fou de faire confiance à cet homme qui était allé le chercher à la forge, l'avait emmené sur ce navire et l'emmenait vers une destination lointaine. Jusque là, au moins, Sovos avait déjà sauvé la vie à Alec. Alec se souvint avoir regardé la cité de Ur alors qu'ils étaient au large et d'avoir souffert le martyre et de s'être senti démuni en voyant la flotte pandésienne resserrer son étau. De l'horizon, il avait vu les boulets fendre l'air, avait entendu le grondement lointain, avait vu s'effondrer les grands bâtiments, des bâtiments à l'intérieur desquels il s'était trouvé lui-même il y avait seulement quelques heures. Il avait essayé de descendre du navire pour aller aider les citoyens d'Ur mais, à ce stade-là, ils avaient été trop loin. Il avait plusieurs fois demandé à Sovos de faire demi-tour mais ce dernier avait fait la sourde oreille.

Alec eut les larmes aux yeux en pensant à tous ses amis qui étaient restés là-bas, surtout Marco et Dierdre. Il ferma les yeux et essaya en vain de penser à autre chose. Il avait le cœur serré car il sentait qu'il les avait tous abandonnés.

La seule chose qui permettait à Alec de tenir bon, qui l'empêchait de sombrer dans le désespoir, était l'impression qu'on avait besoin de lui ailleurs, comme Sovos le lui avait dit avec insistance, qu'il avait un certain destin, qu'il pourrait s'en servir pour aider à détruire les Pandésiens quelque part ailleurs. Après tout, comme avait dit Sovos, s'il avait péri là-bas avec les autres, cela n'aurait aidé personne. Cela dit, il espérait ardemment que Marco et Dierdre avaient survécu et qu'il pourrait encore revenir à temps pour les retrouver.

Alec était très curieux de savoir où ils allaient et il avait mitraillé Sovos de questions. Cependant, ce dernier était resté obstinément muet. Il était toujours à la barre, jour et nuit, le dos tourné à Alec. Pour autant qu'Alec puisse dire, il ne dormait ni ne mangeait jamais. Il se tenait seulement là à regarder la mer, avec ses grandes bottes en cuir et son manteau de cuir noir, ses soieries écarlates repliées sur l'épaule, portant une cape avec ses étranges insignes. La petite barbe brune de cet homme et ses yeux verts étincelants, qui regardaient fixement les vagues comme s'ils ne faisaient qu'un avec elles, ne faisaient qu'agrandir le mystère qui entourait cet homme.

Alec regardait fixement l'inhabituelle Mer des Larmes avec sa lumière bleu vert et sentait qu'il était urgent qu'il sache où on l'emmenait. Incapable de supporter le silence plus longtemps, il se tourna vers Sovos, désespérément en quête de réponses.

“Pourquoi moi ?” demanda Alec en rompant le silence. Ce n'était pas sa première tentative mais, cette fois-ci, il voulait absolument obtenir une réponse. “Pourquoi m'avoir choisi dans toute cette cité ? Pourquoi était-ce moi qui devais survivre ? Tu aurais pu sauver cent personnes plus importantes que moi.”

Alec attendit mais Sovos resta muet. Le dos tourné, il scrutait la mer.

Alec décida de changer de tactique.

“Où allons-nous ?” redemanda Alec. “Et comment ce navire peut-il voguer si vite ? En quoi est-il fait ?”

Alec regarda le dos de l'homme. Plusieurs minutes s'écoulèrent.

Finalement, l'homme secoua la tête sans se retourner.

“Tu vas là où tu es censé aller, où tu es censé être. Je t'ai choisi parce que nous avons besoin de toi et de personne d'autre.”

Alec s'interrogea.

“Vous avez besoin de moi pour quoi ?” insista Alec.

“Pour détruire Pandésia.”

“Pourquoi moi ?” demanda Alec. “Quelle utilité puis-je avoir ?”

“Tout sera expliqué quand nous arriverons”, répondit Sovos.

“Quand nous arriverons  où ?” insista Alec, frustré. “Mes amis sont en Escalon. Les gens que j'aime. Une fille.”

“Je suis désolé”, dit Sovos en soupirant, “mais il ne reste personne là-bas. Tout ce que tu as connu et aimé a disparu.”

On entendit un long silence et, dans le sifflement du vent, Alec pria pour qu'il se trompe, bien qu'il sente en son for intérieur qu'il avait raison. Comment la vie pouvait-elle changer aussi rapidement ? se demanda-t-il.

“Cela dit, tu es en vie”, poursuivit Sovos, “et c'est un cadeau extrêmement précieux. Ne le gâche pas. Tu pourras aider beaucoup d'autres personnes si tu réussis l'épreuve.”

Alec plissa le front.

“Quelle épreuve ?” demanda-t-il.

Sovos se tourna finalement vers lui et le regarda de ses yeux perçants.

“Si tu es l'élu”, dit-il, “notre cause reposera sur tes épaules; si tu ne l'es pas, nous n'aurons rien à faire de toi.”

Alec essaya de comprendre.

“Ça fait des jours qu'on navigue et on n'est arrivé nulle part”, observa Alec. “On est seulement plus loin sur la mer. Je ne vois même plus Escalon.”

L'homme sourit d'un air suffisant.

“Et où crois-tu que nous allons ?” demanda-t-il.

Alec haussa les épaules.

“On dirait que nous voguons vers le nord-est. Peut-être allons-nous dans la direction de Marda.”

Alec scruta l'horizon, exaspéré.

Finalement, Sovos répondit.

“Comme tu te trompes, jeune homme”, répondit-il. “C'est fou ce que tu te trompes.”

Sovos se retourna vers la barre. Alors que le bateau fonçait sur les moutons de l'océan, une forte bourrasque se leva. Alec regarda au-delà de Sovos et, quand il le fit, il eut la surprise de voir une forme à l'horizon pour la première fois.

Il se précipita en avant et saisit le bastingage, plein d'excitation.

Au loin, une masse terrestre émergeait lentement et commençait juste à prendre forme. La terre semblait étinceler comme si elle était en diamant. Alec leva une main aux yeux et regarda la masse terrestre en se demandant ce qu'elle pouvait bien être. Quelle île pouvait-il y avoir ici, au milieu de nulle part ? Il se creusa la cervelle mais ne se souvint d'avoir vu aucune terre sur les cartes. Était-ce un pays dont il n'avait jamais entendu parler ?

“Qu'est-ce que c'est ?” demanda hâtivement Alec en regardant l'île avec impatience.

Sovos se tourna et, pour la première fois depuis qu'Alec l'avait rencontré, il fit un grand sourire.

“Bienvenue aux Îles Perdues, mon ami”, dit-il.




CHAPITRE SEPT


Aidan se tenait attaché un poteau, incapable de bouger. Il regardait son père qui était agenouillé à quelques mètres devant lui, encadré par des soldats pandésiens. Ils tenaient l'épée levée au-dessus de sa tête.

“NON !” hurla Aidan.

Il essaya de se libérer, de se précipiter en avant et de sauver la vie à son père, mais il avait beau essayer, il ne pouvait pas bouger car les cordes lui sciaient les poignets et les chevilles. Il était obligé de regarder son père agenouillé là et qui, les yeux pleins de larmes, l'implorait de l'aider.

“Aidan !” appela son père en lui tendant une main.

“Père !” répondit Aidan.

Les lames s'abattirent et, un moment plus tard, Aidan eut le visage éclaboussé de sang quand ils coupèrent la tête à son père.

“NON !” hurla Aidan, qui sentit sa propre vie s'effondrer en lui et eut l'impression de sombrer dans un gouffre noir.

Aidan se réveilla en sursaut. Recouvert de sueur froide, il haletait. Il se redressa dans l'obscurité et eut du mal à reconnaître l'endroit où il se trouvait.

“Père !” hurla Aidan qui, encore à moitié endormi, recherchait Duncan et avait encore l'impression qu'il était urgent de le sauver.

Il regarda tout autour de lui, sentit qu'il avait quelque chose sur le visage et sur les cheveux, partout sur le corps, et comprit qu'il avait du mal à respirer. Il tendit la main, retira une chose légère et longue de son visage et comprit qu'il était allongé dans un tas de foin, presque enseveli dedans. Il écarta rapidement le foin et se redressa.

Il faisait noir là-dedans. Seule la faible lueur d'une torche passait par des lattes et il comprit bientôt qu'il était allongé à l'arrière d'un chariot. Il entendit un bruissement à côté de lui, regarda et vit avec soulagement que c'était Blanc. Dans le chariot, à côté de lui, l'énorme chien se leva d'un bond et lui lécha le visage pendant qu'Aidan le serrait contre lui.

Aidan respirait avec difficulté, encore bouleversé par le rêve, qui avait eu l'air trop réel. Est-ce que son père avait vraiment été tué ? Il essaya de se souvenir de la dernière fois où il l'avait vu, dans la cour royale, pris en embuscade, cerné. Il se souvint qu'il avait essayé de l'aider, puis qu'il avait été emmené à toute allure par Motley au beau milieu de la nuit. Il se souvint que Motley l'avait mis dans ce chariot et qu'ils s'étaient enfuis par les ruelles d'Andros.

Cela expliquait le chariot. Mais où étaient-ils partis ? Où Motley l'avait-il emmené ?

Une porte s'ouvrit et la petite lumière d'une torche éclaira la pièce obscure. Aidan put finalement voir où il était : dans une petite pièce en pierre au plafond bas et cintré qui ressemblait à un petit cottage ou à une petite taverne. Il leva les yeux et vit Motley qui se tenait dans l'embrasure, encadré par la lumière de la torche.

“Si tu continues à crier comme ça, les Pandésiens nous trouveront”, avertit Motley.

Motley se retourna, sortit et repartit vers la pièce bien éclairée qui se trouvait plus loin. Aidan sauta vite du chariot et le suivit, accompagné de Blanc. Quand Aidan entra dans la pièce bien éclairée, Motley ferma rapidement l'épaisse porte en chêne derrière lui et la verrouilla plusieurs fois.

Le temps que ses yeux se fassent à la lumière, Aidan regarda et reconnut des visages familiers : les amis de Motley. Les acteurs. Tous ces saltimbanques itinérants. Ils étaient tous ici, tous cachés, enfermés dans ce pub en pierre et sans fenêtres. Tous les visages, qui avaient été si festifs, étaient maintenant sinistres, sombres.

“Les Pandésiens sont partout”, dit Motley à Aidan. “Parle doucement.”

Aidan était embarrassé. Il ne s'était même pas rendu compte qu'il criait.

“Désolé”, dit-il. “J'ai fait un cauchemar.”

“On fait tous des cauchemars”, répondit Motley.

“On vit dans un cauchemar”, ajouta un autre acteur, le visage morose.

“Où sommes-nous ?” demanda Aidan en regardant autour de lui, perplexe.

“Dans une taverne”, répondit Motley, “dans le coin le plus éloigné d'Andros. Nous sommes encore dans la capitale et nous nous cachons. Les Pandésiens patrouillent dehors. Ils sont passés plusieurs fois devant cet endroit mais ils ne sont pas entrés, et ils ne le feront pas tant que tu te tiendras tranquille. Nous sommes à l'abri, ici.”

“Pour l'instant”, dit un de ses amis d'un ton sceptique.

Aidan sentait qu'il était urgent d'aider son père et essaya de se souvenir.

“Mon père”, dit-il. “Est-il … mort ?”

Motley secoua la tête.

“Je ne sais pas. Il a été capturé. C'est la dernière fois que je l'ai vu.”

Aidan eut une poussée de rancœur.

“Tu m'as emmené !” dit-il avec colère. “Tu n'aurais pas dû. Je l'aurais secouru !”

Motley se frotta le menton.

“Et comment t'y serais-tu pris ?”

Aidan haussa les épaules en se creusant la cervelle.

“Je ne sais pas”, répondit-il. “D'une façon ou d'une autre.”

Motley hocha la tête.

“Tu aurais essayé”, convint-il. “Et tu serais aussi mort, à l'heure qu'il est.”

“Est-il mort, alors ?” demanda Aidan en sentant son cœur se déchirer en lui.

Motley haussa les épaules.

“Il était vivant quand nous sommes partis”, dit Motley. “Je ne sais pas s'il l'est encore. Nous n'avons plus ni amis ni espions dans la cité : elle a été annexée par les Pandésiens. Tous les hommes de ton père sont emprisonnés. J'ai bien peur que nous soyons à la merci de Pandésia.”

Aidan serra les poings. Il ne pensait qu'à son père qui croupissait dans une cellule.

“Il faut que je le sauve”, déclara Aidan, plein de motivation. “Je ne peux pas le laisser croupir là-bas. Il faut que je quitte cet endroit tout de suite.”

Aidan bondit, se précipita vers la porte et commença à ouvrir les verrous mais Motley apparut, se tint au-dessus de lui et plaça son pied devant la porte avant qu'il puisse l'ouvrir.

“Si tu y vas maintenant”, dit Motley, “tu vas tous nous faire tuer.”

Aidan regarda Motley, le vit sérieux pour la première fois et sut qu'il avait raison. Il ressentit une nouvelle gratitude et un nouveau respect pour lui; après tout, il lui avait réellement sauvé la vie. Aidan lui en serait éternellement reconnaissant. Pourtant, en même temps, il brûlait d'envie de sauver son père et il savait que chaque seconde comptait.

“Tu as dit qu'il y aurait une autre façon”, dit Aidan en se souvenant de ses paroles. “Qu'il y aurait une autre façon de le sauver.”

Motley hocha la tête.

“Je l'ai dit”, admit Motley.

“N'étaient-ce que des paroles en l'air, alors ?” demanda Aidan.

Motley poussa un soupir.

“Qu'est-ce que tu proposes ?” demanda-t-il, exaspéré. “Ton père se trouve au cœur de la capitale, dans le cachot royal, gardé par toute l'armée pandésienne. On y va comme ça et on frappe à la porte ?”

Aidan resta immobile en essayant de trouver une idée. Il savait que c'était une tâche redoutable.

“Il doit y avoir des hommes qui peuvent nous aider, non ?” demanda Aidan.

“Qui ?” dit un des acteurs. “Tous les hommes fidèles à ton père ont été capturés avec lui.”

“Pas tous”, répondit Aidan. “Quelques-uns de ses hommes étaient forcément ailleurs. Et les seigneurs de guerre d'en dehors de la capitale qui lui étaient fidèles ?”

“Peut-être.” Motley haussa les épaules. “Mais où sont ils, maintenant ?”

Aidan enrageait, désespéré. Il ressentait l'emprisonnement de son père comme si c'était le sien.

“On ne peut pas rester ici et ne rien faire”, s'exclama Aidan. “Si vous ne m'aidez pas, j'irai moi-même. Ça n'est égal de mourir. Je ne peux pas rester ici sans rien faire pendant que mon père est en prison. Quant à mes frères …” dit Aidan en se souvenant d'eux. Il se mit à pleurer, submergé par l'émotion, en se souvenant de la mort de ses deux frères.

“Je n'ai plus personne, maintenant”, dit-il.

Puis il secoua la tête. Il se souvint de Kyra, sa sœur, et pria de toutes ses forces pour qu'elle aille bien. Après tout, elle était tout ce qu'il avait, maintenant.

Alors que Aidan pleurait, embarrassé, Blanc s'approcha et posa la tête contre sa jambe. Aidan entendit des pas lourds traverser le plancher en bois craquant et sentit une grosse main musclée se poser sur son épaule.

Il leva les yeux et vit Motley qui le regardait avec compassion.

“Faux”, dit Motley. “ Nous sommes là. Nous sommes ta famille, maintenant.”

Motley se tourna et désigna les occupants de la pièce. Aidan regarda et vit tous les acteurs et tous les saltimbanques le regarder sérieusement par dizaines. La compassion dans les yeux, ils hochèrent la tête pour signifier leur accord. Il comprit que, bien qu'ils ne soient pas guerriers, c'étaient des gens au bon cœur. Il ressentit un nouveau respect pour eux.

“Merci”, dit Aidan, “mais vous êtes tous acteurs. Ce qu'il me faut, ce sont des guerriers. Vous ne pouvez pas m'aider à récupérer mon père.”

Motley eut soudain un regard particulier, comme s'il venait d'avoir une idée, et il fit un grand sourire.

“Comme tu te trompes, jeune Aidan !” répondit-il.

Aidan vit que Motley avait les yeux qui brillaient et il comprit qu'il pensait à quelque chose.

“Les guerriers ont une compétence précise”, dit Motley, “mais les saltimbanques ont une compétence qui leur est propre. Les guerriers peuvent gagner par la force mais les saltimbanques peuvent gagner par d'autres moyens, des moyens encore plus puissants.”

“Je ne comprends pas”, dit Aidan, perplexe. “Vous ne pouvez pas faire sortir mon père de sa cellule en le distrayant.”

Motley rit bruyamment.

“En fait”, répondit-il, “je crois que si.”

Aidan le regarda avec perplexité.

“Que veux-tu dire ?” demanda-t-il.

Motley se frotta le menton. Son regard se fit distant. Visiblement, il mettait au point un plan.

“Les guerriers n'ont plus le droit de se déplacer librement dans la capitale, ni de s'approcher du centre de la cité. Cela dit, les saltimbanques n'ont aucune restriction.”

Aidan était perplexe.

“Pourquoi est-ce que Pandésia autoriserait les saltimbanques à entrer dans le cœur de la capitale ?” demanda Aidan.

Motley sourit et secoua la tête.

“Tu ne sais pas encore comment fonctionne le monde, mon garçon”, répondit Motley. “Les guerriers n'ont jamais l'autorisation d'accéder qu'à certains endroits, et seulement à certains moments. Par contre, les saltimbanques ont toujours le droit d'aller partout où ils veulent. Les gens ont toujours besoin qu'on les distraie, qu'ils viennent de Pandésia ou d'Escalon. Après tout, un soldat qui s'ennuie est un soldat dangereux partout dans le royaume, et il faut maintenir l'ordre. Le divertissement a toujours été le meilleur moyen d'entretenir le moral des troupes et de contrôler une armée.”

Motley sourit.

“Tu vois, jeune Aidan”, dit-il, “ce ne sont pas les commandants qui contrôlent leur armée, mais nous, les saltimbanques ordinaires que nous sommes, les gens de la classe que tu méprises tant. Nous nous élevons au-dessus de la bataille, nous traversons les lignes ennemies. Personne ne s'intéresse à l'armure que je porte : tout ce qui intéresse les gens, c'est la qualité de mes contes, et j'ai d'excellents contes, mon garçon, des contes meilleurs que tu ne peux l'imaginer.”

Motley se tourna vers la pièce et dit d'une voix tonitruante :

“On va tous jouer une pièce !”

Tous les acteurs présents dans la pièce poussèrent soudain des cris de joie, s'égayèrent et se levèrent. L'espoir était de retour dans leurs yeux désespérés.

“Nous interpréterons notre pièce au cœur même de la capitale ! Ce sera le plus beau divertissement que ces Pandésiens aient jamais vu ! Et, ce qui est plus important, ce sera aussi le plus grand leurre qui soit. Au bon moment, quand nous tiendrons la cité entre nos mains et qu'elle sera captivée par notre grande représentation, nous passerons à l'action et nous trouverons un moyen de libérer ton père.”

Les hommes poussèrent des cris de joie et Aidan sentit se réchauffer son cœur, se sentit à nouveau optimiste pour la première fois.

“Crois-tu vraiment que ça va marcher ?” demanda Aidan.

Motley sourit.

“On a vu se produire des choses plus folles que ça, mon garçon”, dit-il.




CHAPITRE HUIT


Alors qu'il passait par des états de veille et de sommeil, Duncan essayait d'occulter sa douleur. Allongé contre le mur de pierre, il avait les chaînes qui lui tailladaient les poignets et les chevilles et l'empêchaient de s'endormir. Plus que tout, il mourait de soif. Il avait la gorge si desséchée qu'il n'arrivait pas à déglutir et si rugueuse que chaque souffle lui faisait mal. Il n'arrivait pas à se souvenir de combien de jours it avait passé sans boire et la faim l’affaiblissait tellement qu'il pouvait à peine bouger. Il savait qu'il dépérissait en ce lieu et que, si le bourreau ne venait pas bientôt le chercher, alors, c'était la faim qui l'emporterait.

Duncan passait par des états de veille et de sommeil depuis des jours, accablé par la douleur, qui devenait une partie de son être. Il avait des souvenirs soudains de sa jeunesse, des moments qu'il avait passés dans des champs ouverts, sur des terrains d'entraînement, sur le champ de bataille. Il se souvenait de ses premières batailles, des jours passés où Escalon était libre et en plein essor. Cependant, ces souvenirs étaient toujours interrompus par le visage de ses deux garçons morts qui s'élevaient devant lui et le hantaient. Il était déchiré par l'agonie et secouait la tête en essayant sans succès de se débarrasser de ces pensées.

Duncan pensa au dernier fils qui lui restait, Aidan, et il espéra désespérément qu'il était en sécurité à Volis, que les Pandésiens n'avaient pas encore atteint cet endroit. Ensuite, il repensa à Kyra. Il se souvint d'elle jeune fille, se souvint de la fierté avec laquelle il l'avait toujours élevée. Il pensa à sa traversée d'Escalon et se demanda si elle avait atteint Ur, si elle avait rencontré son oncle, si elle était maintenant en sécurité. Elle faisait partie de lui-même, c'était la seule partie de lui-même qui comptait à présent et sa sécurité comptait plus pour lui que sa propre vie. Est-ce qu'il la reverrait un jour ? se demanda-t-il. Il désirait fortement la voir mais il voulait aussi qu'elle reste loin d'ici et hors d'atteinte de tout ça.

La porte de la cellule s'ouvrit avec un claquement et Duncan leva les yeux, étonné, en scrutant l'obscurité. Des bottes entrèrent dans l'obscurité et, en écoutant la démarche, Duncan comprit que ce n'étaient pas les bottes d'Enis. Dans l'obscurité, son ouïe s'était affinée.

Alors que le soldat approchait, Duncan supposa qu'il venait le torturer ou le tuer. Duncan était prêt. Ils pouvaient faire de lui ce qu'ils voulaient : en son for intérieur, il était déjà mort.

Duncan ouvrit les yeux malgré la lourdeur de ses paupières et leva le regard avec toute la dignité qu'il lui restait pour voir qui venait. Il fut choqué de voir le visage de l'homme qu'il méprisait le plus : Bant de Barris. Le traître. L'homme qui avait tué ses deux fils.

Un sourire satisfait au visage, Bant s'avança et s'agenouilla devant Duncan, qui le regarda d'un air mauvais et se demanda ce que cette créature pouvait bien faire ici.

“Te voilà moins puissant, hein, Duncan ?” demanda Bant qui se tenait à un ou deux mètres, les mains sur les hanches, petit, trapu, les lèvres étroites, les yeux perçants et le visage vérolé.

Duncan essaya de se jeter en avant pour le tailler en pièces mais ses chaînes le retenaient.

“Tu paieras pour mes garçons”, dit Duncan la gorge serrée et si sèche qu'il ne pouvait pas dire les mots avec tout le venin qu'il aurait voulu.

Bant rit. C'était un son bref et cru.

“Ah bon ?” dit-il d'un ton moqueur. “C'est ici que tu vas rendre l'âme. J'ai tué tes fils et je peux te tuer toi aussi, si l'envie m'en prend. Je suis soutenu par Pandésia, maintenant, après la loyauté dont j'ai fait preuve. Cela dit, je ne te tuerai pas. Ce serait trop gentil. Je préfère que tu dépérisses.”

Duncan sentit une rage froide s'élever en lui.

“Dans ce cas, pourquoi tu es venu ?”

Bant s'assombrit.

“Je peux venir pour la raison que je veux”, dit-il en le regardant d'un air renfrogné, “ou sans aucune raison. Je peux venir rien que pour te regarder. Pour te regarder bouche bée. Pour voir les fruits de ma victoire.”

Il poussa un soupir.

“Et pourtant, il se trouve que j'ai une raison de te rendre visite. Il y a une chose que je veux que tu fasses pour moi et il y a une chose que je vais te donner.”

Duncan le regarda d'un air sceptique.

“Ta liberté”, ajouta Bant.

Duncan le regarda en s'interrogeant.

“Et pourquoi ferais-tu ça ?” demanda-t-il.

Bant poussa un soupir.

“Tu vois, Duncan”, dit-il, “toi et moi, on n'est pas si différents que ça. On est guerriers tous les deux. En fait, tu es un homme que j'ai toujours respecté. Tes fils méritaient la mort car c'étaient des vantards irréfléchis. Mais toi”, dit-il, “je t'ai toujours respecté. Tu ne devrais pas être ici.”

Il se tut un instant en le regardant.

“Donc, voici ce que je vais faire”, poursuivit-il. “Tu vas reconnaître publiquement tes crimes contre notre nation et tu vas exhorter tous les citoyens d'Andros à admettre la domination pandésienne. Si tu fais ça, alors, je m'arrangerai à ce que Pandésia te libère.”

Duncan resta immobile, si furieux qu'il ne savait pas quoi dire.

“Tu es la marionnette des Pandésiens, maintenant ?” demanda finalement Duncan, furieux. “Tu essaies de les impressionner ? De leur montrer que tu peux me délivrer ?”

Bant ricana.

“Fais-le, Duncan”, répondit-il. “Tu n'es utile à personne ici, surtout pas à toi-même. Dis au Suprême Ra ce qu'il veut entendre, confesse ce que tu as fait et offre la paix à cette cité. Notre capitale a besoin de paix, maintenant, et tu es le seul qui puisse la lui offrir.”

Duncan inspira profondément plusieurs fois, jusqu'à finalement trouver la force de parler.

“Jamais”, répondit-il.

Bant lui lança un regard mauvais.

“Ni pour ma liberté”, poursuivit Duncan, “ni pour ma vie, ni pour de l'argent quelle que soit la somme.”

Duncan le regarda fixement et sourit de satisfaction quand il vit Bant rougir. Ensuite, il finit par ajouter : “Mais sois sûr d'une chose: si jamais je m’échappe d'ici, mon épée trouvera le chemin de ton cœur.”

Après un long silence, Bant, stupéfait, se releva d'un air renfrogné, regarda fixement Duncan et secoua la tête.

“Vis quelques jours de plus pour moi”, dit-il, “que je puisse assister à ton exécution.”




CHAPITRE NEUF


Dierdre ramait de toutes ses forces avec l'aide de Marco et ils traversaient tous deux  le canal en retournant rapidement vers la mer, où elle avait vu son père la dernière fois. Son cœur était déchiré par l'angoisse quand elle se souvenait de la dernière fois où elle avait vu son père, se souvenait du courage avec lequel il attaquait l'armée pandésienne, même en forte infériorité numérique. Elle ferma les yeux et chassa l'image en ramant encore plus vite, en priant pour qu'il ne soit pas encore mort. Tout ce qu'elle voulait, c'était revenir à temps pour le sauver, ou, si elle n'arrivait pas à le sauver, avoir au moins une chance de mourir à ses côtés.

A côté d'elle, Marco ramait tout aussi vite et elle le regarda avec gratitude et surprise.

“Pourquoi ?” demanda-t-elle.

Il se tourna et la regarda.

“Pourquoi es-tu venu avec moi ?” insista-t-elle.

Il la regarda sans dire un mot puis détourna le regard.

“Tu aurais pu partir avec les autres, là-bas”, ajouta-t-elle, “mais tu as décidé autrement. Tu as choisi de venir avec moi.”

Il regardait droit devant lui, ramait toujours aussi rapidement et ne répondait toujours pas.

“Pourquoi ?” insista-t-elle en ramant avec fureur. Elle voulait absolument savoir.

“Parce que mon ami avait beaucoup d'admiration pour toi”, dit Marco, “et que ça me suffit.”

Dierdre rama plus vite dans les méandres du canal et elle se mit à penser à Alec. Il l'avait tellement déçue. Il les avait tous abandonnés, avait quitté Ur avec cet étranger mystérieux avant l'invasion. Pourquoi ? Elle n'avait pas de réponse. Il avait été tellement dévoué à la cause, à la forge et elle avait été sûre qu'il serait le dernier à s'enfuir quand on aurait besoin de lui. Pourtant, il s'était enfui au moment où tout le monde avait le plus besoin qu'il reste.

Cela poussait Dierdre à ré-examiner ce qu'elle ressentait pour Alec, qu'elle connaissait à peine, après tout, et ça l'incitait à plus s'intéresser à son ami Marco, qui s'était sacrifié pour elle. Elle se sentait déjà très liée à lui. Alors que les boulets continuaient à siffler au-dessus de sa tête et que les bâtiments continuaient à exploser et à s'effondrer tout autour d'eux, Dierdre se demandait si Marco savait vraiment dans quoi il s'engageait. Savait-il que, s'il se joignait à elle et retournait au cœur du chaos, ce serait un voyage sans retour ?

“Nous allons vers la mort, tu sais”, dit-elle. “Mon père et ses hommes sont sur cette plage, au-delà de ce mur de décombres, et je compte le trouver et me battre à ses côtés.”

Marco hocha la tête.

“Croyais-tu que j'étais revenu dans cette cité pour vivre ?” demanda-t-il. “Si je voulais m'enfuir, j'avais ma chance.”

Satisfaite et touchée par sa force, Dierdre continua à ramer et ils poursuivirent tous les deux leur route en silence en évitant les chutes de débris et en se rapprochant toujours plus de la rive.

Finalement, ils tournèrent à un coin et, au loin, elle repéra le mur de décombres où elle avait vu son père la dernière fois et, juste au-delà du mur, les hauts navires noirs. Elle savait que la plage où il combattait les Pandésiens se trouvait de l'autre côté et elle ramait de toutes ses forces, dégoulinante de sueur, impatiente de le retrouver à temps. Elle entendit les sons de la bataille, des hommes qui gémissaient de douleur, mouraient, et elle pria pour qu'il ne soit pas trop tard.

Dès que leur bateau eut atteint le bord du canal, elle en sortit d'un bond en le faisant tanguer, suivie par Marco, et fonça vers le mur. Elle escalada les énormes blocs de pierre en s'éraflant les coudes et les genoux sans s'en préoccuper. A bout de souffle, elle grimpa sans relâche en glissant sur les pierres. Elle ne pensait qu'à son père et au besoin qu'elle avait d'atteindre l'autre côté, sans comprendre que ces tas de décombres avaient autrefois été les grandes tours de Ur.

Elle jeta un coup d’œil par-dessus son épaule quand elle entendit les cris. De cet endroit élevé, elle avait une vue panoramique de Ur et fut choquée de voir que la moitié de la cité était en ruine. Les bâtiments étaient renversés et des montagnes de décombres bloquaient les rues, recouverts par des nuages de poussière. Elle voyait la population de Ur fuir dans toutes les directions pour sauver sa peau.

Elle se retourna et poursuivit son ascension dans la direction opposée à celle de la population, car elle voulait se ruer dans la bataille, pas la fuir. Elle atteignit finalement le sommet du mur de cailloux et, quand elle regarda, son cœur s'arrêta de battre. Elle resta figée sur place, incapable de bouger. Ce n'était pas du tout ce à quoi elle s'était attendue.

Dierdre s'était attendue à voir une grande bataille se dérouler en dessous, à voir son père se battre vaillamment entouré par tous ses hommes. Elle comptait pouvoir s'y précipiter et le rejoindre, le sauver, se battre à ses côtés.

Au lieu de cela, ce qu'elle vit lui donna envie de se recroqueviller et de mourir.

Son père était allongé là, le visage dans le sable, gisant dans une mare de sang, une hachette dans le dos.

Mort.

Tout autour de lui gisaient des dizaines de soldats, tous morts, eux aussi. Des milliers de soldats pandésiens sortaient bruyamment des navires comme des fourmis, se dispersaient, recouvraient la plage, poignardaient tous les corps pour s'assurer qu'ils étaient morts. Ils passèrent au-dessus du corps de son père et de celui des autres en se dirigeant vers le mur de décombres, et directement vers elle.

Dierdre regarda vers le bas en entendant un bruit et vit que quelques Pandésiens avaient déjà atteint le mur et l'escaladaient déjà, à moins de dix mètres, en allant directement vers elle.

Pleine de désespoir, d'angoisse et de rage, Dierdre s'avança et jeta sa lance au premier Pandésien qu'elle vit monter. Il leva les yeux, visiblement surpris de voir quelqu'un en haut du mur et ne s'attendant pas à ce que quelqu’un soit assez fou pour affronter une armée d'invasion. La lance de Dierdre lui traversa la poitrine et l'envoya dévaler les cailloux. Il tua plusieurs soldats en tombant.

Les autres soldats se réunirent. Une dizaine d'eux levèrent leur lance et la jetèrent vers elle. Cela se produisait trop rapidement et Dierdre, sans défense, voulait que les lances la transpercent. Elle était prête à mourir, voulait mourir. Elle était arrivée trop tard. En dessous d'elle, son père était mort et maintenant, écrasée par la culpabilité, elle voulait mourir avec lui.

“Dierdre !” cria une voix.

Dierdre entendit Marco à côté d'elle et, un moment plus tard, elle sentit qu'il la saisissait, la tirait violemment vers le bas, vers l'autre côté des décombres. Des lances lui frôlèrent la tête, passèrent à l'endroit même où elle s'était tenue en ne la ratant que de quelques centimètres. Elle retomba en arrière, sur la pile de décombres, avec Marco.

Elle eut terriblement mal quand ils tombèrent tous les deux la tête la première et que les cailloux lui meurtrirent les côtes. La chute lui fit mal, lui fit des bleus et des égratignures partout sur le corps, jusqu'au moment où ils atteignent finalement le bas de la pente.





Конец ознакомительного фрагмента. Получить полную версию книги.


Текст предоставлен ООО «ЛитРес».

Прочитайте эту книгу целиком, купив полную легальную версию (https://www.litres.ru/pages/biblio_book/?art=43695103) на ЛитРес.

Безопасно оплатить книгу можно банковской картой Visa, MasterCard, Maestro, со счета мобильного телефона, с платежного терминала, в салоне МТС или Связной, через PayPal, WebMoney, Яндекс.Деньги, QIWI Кошелек, бонусными картами или другим удобным Вам способом.



Une fantasy pleine d'action qui saura plaire aux amateurs des romans précédents de Morgan Rice et aux fans de livres tels que le cycle L'Héritage par Christopher Paolini.. Les fans de fiction pour jeunes adultes dévoreront ce dernier ouvrage de Rice et en demanderont plus. – The Wanderer, A Literary Journal (pour Le Réveil des Dragons) La série n°1 de best-sellers, avec plus de 400 critiques à cinq étoiles sur Amazon ! UNE FORGE DE BRAVOURE est le tome n°4 de la série de fantaisie épique à succès de Morgan Rice ROIS ET SORCIERS (qui commence avec LE RÉVEIL DES DRAGONS, disponible en téléchargement gratuit) ! Dans UNE FORGE DE BRAVOURE, Kyra revient lentement à la vie après avoir frôlé la mort, soignée par l’amour de Kyle et par ses pouvoirs mystérieux. Il se sacrifie pour elle et elle retrouve ses forces mais doit en payer le prix. Elle insiste pour qu’Alva lui dévoile le secret de son origine et il lui révèle finalement tout sur sa mère. A ce moment-là, Kyra a une chance de remonter jusqu’à la source de ses pouvoirs et doit faire un choix crucial : soit elle achève son entraînement, soit elle part sauver son père, qui croupit dans le cachot principal en attendant son exécution. Aidé par Motley, Aidan s’efforce aussi de sauver son père, piégé dans la capitale aux mille dangers, pendant que, à l’autre bout du royaume, Merk, stupéfait par ce qu’il découvre dans la Tour de Ur, se prépare à une immense invasion de trolls. Sa Tour est cernée et il doit se battre aux côtés de ses compagnons Gardiens pour défendre la relique la plus précieuse de sa nation. Dierdre se retrouve confrontée une invasion pandésienne à part entière dans sa cité assiégée de Ur. Alors que sa précieuse cité est détruite tout autour d’elle, il faut qu’elle décide soit de s’échapper soit de livrer un dernier combat héroïque. Entre temps, Alec est en mer avec son nouvel ami mystérieux et ils voguent vers un pays où il n’est jamais allé, un pays encore plus mystérieux que son compagnon. C’est là-bas que, finalement, il apprend en quoi consistent sa destinée et le dernier espoir pour Escalon. Avec son atmosphère puissante et ses personnages complexes, UNE FORGE DE BRAVOURE est une saga spectaculaire de chevaliers et de guerriers, de rois et de seigneurs, d'honneur et de bravoure, de magie, de destinée, de monstres et de dragons. C'est une histoire d'amour et de cœurs brisés, de tromperie, d'ambition et de trahison. C'est de la fantasy de haute qualité qui nous invite à découvrir un monde qui vivra en nous pour toujours, un monde qui plaira à tous les âges et à tous les sexes. Le Tome n°5 de ROIS ET SORCIERS sera bientôt publié. Si vous pensiez qu'il n'y avait plus aucune raison de vivre après la fin de la série de L'ANNEAU DU SORCIER, vous aviez tort. Morgan Rice a imaginé ce qui promet d'être une autre série brillante et nous plonge dans une histoire de fantasy avec trolls et dragons, bravoure, honneur, courage, magie et foi en sa propre destinée. Morgan Rice a de nouveau réussi à produire un solide ensemble de personnages qui nous font les acclamer à chaque page.. Recommandé pour la bibliothèque permanente de tous les lecteurs qui aiment les histoires de fantasy bien écrites. Books and Movie Reviews, Roberto Mattos (pour Le Réveil des Dragons)

Как скачать книгу - "Une Forge de Bravoure" в fb2, ePub, txt и других форматах?

  1. Нажмите на кнопку "полная версия" справа от обложки книги на версии сайта для ПК или под обложкой на мобюильной версии сайта
    Полная версия книги
  2. Купите книгу на литресе по кнопке со скриншота
    Пример кнопки для покупки книги
    Если книга "Une Forge de Bravoure" доступна в бесплатно то будет вот такая кнопка
    Пример кнопки, если книга бесплатная
  3. Выполните вход в личный кабинет на сайте ЛитРес с вашим логином и паролем.
  4. В правом верхнем углу сайта нажмите «Мои книги» и перейдите в подраздел «Мои».
  5. Нажмите на обложку книги -"Une Forge de Bravoure", чтобы скачать книгу для телефона или на ПК.
    Аудиокнига - «Une Forge de Bravoure»
  6. В разделе «Скачать в виде файла» нажмите на нужный вам формат файла:

    Для чтения на телефоне подойдут следующие форматы (при клике на формат вы можете сразу скачать бесплатно фрагмент книги "Une Forge de Bravoure" для ознакомления):

    • FB2 - Для телефонов, планшетов на Android, электронных книг (кроме Kindle) и других программ
    • EPUB - подходит для устройств на ios (iPhone, iPad, Mac) и большинства приложений для чтения

    Для чтения на компьютере подходят форматы:

    • TXT - можно открыть на любом компьютере в текстовом редакторе
    • RTF - также можно открыть на любом ПК
    • A4 PDF - открывается в программе Adobe Reader

    Другие форматы:

    • MOBI - подходит для электронных книг Kindle и Android-приложений
    • IOS.EPUB - идеально подойдет для iPhone и iPad
    • A6 PDF - оптимизирован и подойдет для смартфонов
    • FB3 - более развитый формат FB2

  7. Сохраните файл на свой компьютер или телефоне.

Книги серии

Книги автора

Аудиокниги автора

Последние отзывы
Оставьте отзыв к любой книге и его увидят десятки тысяч людей!
  • константин александрович обрезанов:
    3★
    21.08.2023
  • константин александрович обрезанов:
    3.1★
    11.08.2023
  • Добавить комментарий

    Ваш e-mail не будет опубликован. Обязательные поля помечены *