Книга - Héroïne, Traîtresse, Fille

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Héroïne, Traîtresse, Fille
Morgan Rice


De Couronnes et de Gloire #6
Morgan Rice a imaginé ce qui promet d'être une autre série brillante et nous plonge dans une histoire de fantasy avec trolls et dragons, bravoure, honneur, courage, magie et foi en sa propre destinée. Morgan Rice a de nouveau réussi à produire un solide ensemble de personnages qui nous font les acclamer à chaque page.. Recommandé pour la bibliothèque permanente de tous les lecteurs qui aiment les histoires de fantasy bien écrites. Books and Movie Reviews, Roberto Mattos (pour Le Réveil des Dragons) Ceres, 17 ans, une belle fille pauvre de Delos, cité de l'Empire, se réveille impuissante. Empoisonnée par la fiole du sorcier, détenue par Stephania, elle vit le pire des moments. Stephania s'amuse cruellement avec elle et elle est incapable de faire quoi que ce soit pour l'arrêter. Après avoir tué son frère Lucious, Thanos s'embarque pour Delos afin de sauver Ceres et sa patrie. Cependant, la flotte de Felldust a déjà pris la mer et, alors que tout le pouvoir du monde pèse sur la cité de Delos, Thanos arrivera peut-être trop tard pour sauver tout ce qui lui est cher. Il s'ensuit une bataille épique qui déterminera peut-être la destinée de Delos pour toujours. HÉROÏNE, TRAÎTRESSE, FILLE raconte une histoire épique d'amour tragique, de vengeance, de trahison, d'ambition et de destinée. Riche de personnages inoubliables et d'une action haletante, cette histoire nous transporte dans un monde que nous n'oublierons jamais et nous fait retomber sous le charme de l'heroic fantasy. Une fantasy pleine d'action qui saura plaire aux amateurs des romans précédents de Morgan Rice et aux fans de livres tels que le cycle L'Héritage par Christopher Paolini.. Les fans de fiction pour jeunes adultes dévoreront ce dernier ouvrage de Rice et en demanderont plus. – The Wanderer, A Literary Journal (pour Le Réveil des Dragons) Le tome n°7 de la série DE COURONNES ET DE GLOIRE sortira bientôt !







HÉROÏNE, TRAÎTRESSE, FILLE



(DE COURONNES ET DE GLOIRE, TOME N 6)



MORGAN RICE


Morgan Rice



Morgan Rice est l'auteur de best-sellers n°1 de USA Today et l’auteur de la série d’épopées fantastiques L’ANNEAU DU SORCIER, comprenant dix-sept tomes; de la série à succès SOUVENIRS D'UNE VAMPIRE, comprenant douze tomes; de la série à succès LA TRILOGIE DES RESCAPÉS, thriller post-apocalyptique comprenant trois tomes; de la série de fantaisie épique ROIS ET SORCIERS, comprenant six tomes; et de la nouvelle série d’épopées fantastiques DE COURONNES ET DE GLOIRE. Les livres de Morgan sont disponibles en format audio et papier et ont été traduits dans plus de 25 langues.

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Sélection de Critiques pour Morgan Rice



« Si vous pensiez qu'il n'y avait plus aucune raison de vivre après la fin de la série de L'ANNEAU DU SORCIER, vous aviez tort. Dans LE RÉVEIL DES DRAGONS, Morgan Rice a imaginé ce qui promet d'être une autre série brillante et nous plonge dans une histoire de fantasy avec trolls et dragons, bravoure, honneur, courage, magie et foi en sa propre destinée. Morgan Rice a de nouveau réussi à produire un solide ensemble de personnages qui nous font les acclamer à chaque page .... Recommandé pour la bibliothèque permanente de tous les lecteurs qui aiment les histoires de fantasy bien écrites ».

--Books and Movie Reviews, Roberto Mattos



« Une fantasy pleine d'action qui saura plaire aux amateurs des romans précédents de Morgan Rice et aux fans de livres tels que le cycle L'Héritage par Christopher Paolini .... Les fans de fiction pour jeunes adultes dévoreront ce dernier ouvrage de Rice et en demanderont plus. »

—The Wanderer, A Literary Journal (pour Le Réveil des Dragons)



« Une histoire du genre fantastique entraînante qui mêle des éléments de mystère et de complot à son intrigue. La Quête des Héros raconte la naissance du courage et la réalisation d’une raison d'être qui mène à la croissance, la maturité et l'excellence.... Pour ceux qui recherchent des aventures fantastiques substantielles, les protagonistes, les dispositifs et l'action constituent un ensemble vigoureux de rencontres qui se concentrent bien sur l'évolution de Thor d'un enfant rêveur à un jeune adulte confronté à d'insurmontables défis de survie .... Ce n'est que le début de ce qui promet d'être une série pour jeune adulte épique. »

—Midwest Book Review (D. Donovan, critique de livres électroniques)



« L'ANNEAU DU SORCIER a tous les ingrédients pour un succès instantané : intrigues, contre-intrigues, mystères, vaillants chevaliers et des relations en plein épanouissement pleines de cœurs brisés, de tromperie et de trahison. Il retiendra votre attention pendant des heures et saura satisfaire tous les âges. Recommandé pour la bibliothèque permanente de tous les lecteurs de fantasy. »

--Books and Movie Reviews, Roberto Mattos



« Dans ce premier livre bourré d'action de la série de fantasy épique L'Anneau du Sorcier (qui contient actuellement 17 tomes), Rice présente aux lecteurs Thorgrin « Thor » McLéod, 14 ans, dont le rêve est de rejoindre la Légion d'argent, des chevaliers d'élite qui servent le roi .... L'écriture de Rice est solide et le préambule intrigant. »

--Publishers Weekly


Livres par Morgan Rice



LA VOIE DE L'ACIER

SEULS LES BRAVES (Tome n°1)



DE COURONNES ET DE GLOIRE

ESCLAVE, GUERRIÈRE, REINE (Tome n°1)

CANAILLE, PRISONNIÈRE, PRINCESSE (Tome n°2)

CHEVALIER, HÉRITIER, PRINCE (Tome n°3)

REBELLE, PION, ROI (Tome n°4)

SOLDAT, FRÈRE, SORCIER (Tome n°5)

HÉROÏNE, TRAÎTRESSE, FILLE (Tome n°6)

SOUVERAIN, RIVALE, EXILÉE (Tome n°7)



ROIS ET SORCIERS

LE RÉVEIL DES DRAGONS (Tome n°1)

LE RÉVEIL DU VAILLANT (Tome n°2)

LE POIDS DE L'HONNEUR (Tome n°3)

UNE FORGE DE BRAVOURE (Tome n°4)

UN ROYAUME D'OMBRES (Tome n°5)

LA NUIT DES BRAVES (Tome n°6)



L'ANNEAU DU SORCIER

LA QUÊTE DES HÉROS (Tome n°1)

LA MARCHE DES ROIS (Tome n°2)

LE DESTIN DES DRAGONS (Tome n°3)

UN CRI D'HONNEUR (Tome n°4)

UNE PROMESSE DE GLOIRE (Tome n°5)

UNE VALEUREUSE CHARGE (Tome n°6)

UN RITE D'ÉPÉES (Tome n°7)

UNE CONCESSION D'ARMES (Tome n°8)

UN CIEL DE CHARMES (Tome n°9)

UNE MER DE BOUCLIERS (Tome n°10)

LE RÈGNE DE L'ACIER (Tome n°11)

UNE TERRE DE FEU (Tome n°12)

LE RÈGNE DES REINES (Tome n°13)

LE SERMENT DES FRÈRES (Tome n°14)

UN RÊVE DE MORTELS (Tome n°15)

UNE JOUTE DE CHEVALIERS (Tome n°16)

LE DON DE LA BATAILLE (Tome n°17)



TRILOGIE DES RESCAPÉS

ARÈNE UN : ESCLAVAGISTES (Tome n°1)

ARÈNE DEUX (Tome n°2)

ARÈNE TROIS (Tome n°3)



LES VAMPIRES DÉCHUS

AVANT L'AUBE (Tome n°1)



SOUVENIRS D'UNE VAMPIRE

TRANSFORMÉE (Tome n°1)

AIMÉE (Tome n°2)

TRAHIE (Tome n°3)

PRÉDESTINÉE (Tome n°4)

DÉSIRÉE (Tome n°5)

FIANCÉE (Tome n°6)

VOUÉE (Tome n°7)

TROUVÉE (Tome n°8)

RENÉE (Tome n°9)

ARDEMMENT DÉSIRÉE (Tome n°10)

SOUMISE AU DESTIN (Tome n°11)

OBSESSION (Tome n°12)





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Écoutez (https://itunes.apple.com/us/audiobook/quest-heroes-book-1-in-sorcerers/id710447409) la série L'ANNEAU DU SORCIER en format livre audio !


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Copyright © 2017 par Morgan Rice



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Il s'agit d'une œuvre de fiction. Les noms, les personnages, les entreprises, les organisations, les lieux, les événements et les incidents sont le fruit de l'imagination de l'auteur ou sont utilisés dans un but fictionnel. Toute ressemblance avec des personnes réelles, vivantes ou mortes, n'est que pure coïncidence.



Image de couverture : Copyright Image de couverture : Copyright Ralf Juergen Kraft, en vertu d'une licence accordée par istock.com.


SOMMAIRE



CHAPITRE PREMIER (#uf7cac12c-2fbe-5d06-8c57-f3112fe8e284)

CHAPITRE DEUX (#u98beceb6-ac3e-59ad-b1a5-67113b5feb60)

CHAPITRE TROIS (#u8ef1a014-35e4-56a3-a2ac-f85b43f381cc)

CHAPITRE QUATRE (#u7de955b6-6815-5ade-8d32-b4581dea190b)

CHAPITRE CINQ (#ua6bfb226-6cb6-5fbf-a4b4-63b350d53cd7)

CHAPITRE SIX (#uac5830b4-c12e-5f89-b297-9c9809a48688)

CHAPITRE SEPT (#u5aebb961-d3db-566a-bf45-cfc6be105c41)

CHAPITRE HUIT (#litres_trial_promo)

CHAPITRE NEUF (#litres_trial_promo)

CHAPITRE DIX (#litres_trial_promo)

CHAPITRE ONZE (#litres_trial_promo)

CHAPITRE DOUZE (#litres_trial_promo)

CHAPITRE TREIZE (#litres_trial_promo)

CHAPITRE QUATORZE (#litres_trial_promo)

CHAPITRE QUINZE (#litres_trial_promo)

CHAPITRE SEIZE (#litres_trial_promo)

CHAPITRE DIX-SEPT (#litres_trial_promo)

CHAPITRE DIX-HUIT (#litres_trial_promo)

CHAPITRE DIX-NEUF (#litres_trial_promo)

CHAPITRE VINGT (#litres_trial_promo)

CHAPITRE VINGT-ET-UN (#litres_trial_promo)

CHAPITRE VINGT-DEUX (#litres_trial_promo)

CHAPITRE VINGT-TROIS (#litres_trial_promo)

CHAPITRE VINGT-QUATRE (#litres_trial_promo)

CHAPITRE VINGT-CINQ (#litres_trial_promo)

CHAPITRE VINGT-SIX (#litres_trial_promo)

CHAPITRE VINGT-SEPT (#litres_trial_promo)

CHAPITRE VINGT-HUIT (#litres_trial_promo)




CHAPITRE PREMIER


Pendu au gréement de son navire, Akila voyait approcher la mort.

Elle le terrifiait. Il n'avait jamais été du style à croire aux signes et aux présages mais il y en avait qu'il ne pouvait ignorer. D'une façon ou d'une autre, Akila avait été combattant la plus grande partie de sa vie mais il n'avait jamais vu de flotte ressemblant à celle qui approchait maintenant. A côté d'elle, la flotte que l'Empire avait envoyée à Haylon ressemblait à une série de bateaux en papier auxquels des enfants faisaient traverser une mare.

Quand à ce dont disposait Akila, en comparaison, c'était encore moins que ça.

“Ils sont trop nombreux”, dit un des marins qui se tenait près de lui dans le gréement.

Akila ne répondit pas parce que, à ce moment-là, il n'avait pas de réponse. Cependant, il allait falloir qu'il en trouve une qui fasse abstraction de la chape de plomb qui lui pesait sur le cœur. Tout en descendant, il commença déjà à dresser mentalement la liste des choses qu'il allait falloir faire. Ils allaient devoir lever la chaîne qui barrait l'entrée du port. Ils allaient devoir envoyer des équipages s'occuper des catapultes qui se trouvaient sur les quais.

Il fallait qu'ils se dispersent, car il serait suicidaire d'affronter directement une flotte d'une telle taille. Il fallait qu'ils soient les loups qui chassent les grands bœufs des neiges, foncent dans la masse, mordent ça et là, épuisent l'ennemi.

Akila sourit à cette idée. Il planifiait presque le combat comme s'ils pouvaient s'en sortir. Qui aurait pu le prendre, lui, pour un optimiste ?

“Ils sont si nombreux”, dit un des marins alors qu'il passait.

Akila entendit d'autres marins prononcer les mêmes paroles alors qu'il redescendait sur le pont. Quand il rejoignit la plate-forme de commandement, il y avait au moins une dizaine de rebelles qui l'attendait. Ils avaient tous l'air préoccupé.

“Nous ne pouvons pas les affronter”, dit l'un d'eux.

“Nous serions quasiment insignifiants”, approuva un autre.

“Ils nous tueront tous. Il faut fuir.”

Akila les entendait. Il comprenait même ce qu'ils voulaient faire. Il serait logique qu'ils fuient tant qu'il en était encore temps, qu'ils alignent leurs navires de façon à former un convoi et partent en longeant la côte jusqu'à pouvoir prendre la fuite et rejoindre Haylon.

Une partie de lui-même voulait le faire. Peut-être même se retrouveraient-ils en sécurité s'ils arrivaient à rejoindre Haylon. Felldust verrait les forces qu'ils avaient là-bas, les défenses de leur port, et ils éviteraient peut-être de les y poursuivre.

Pour un temps, au moins.

“Mes amis”, cria-t-il assez fort pour que tous les hommes présents sur le navire puissent l'entendre. “Vous voyez la menace qui nous attend et, oui, j'entends que certains d'entre vous veulent prendre la fuite.”

Il écarta les mains pour apaiser le murmure qui s'ensuivit.

“Je sais. Je vous entends. J'ai navigué avec vous et vous n'êtes pas des lâches. Personne ne pourrait le prétendre.”

Cependant, s'ils fuyaient maintenant, on les traiterait bel et bien de lâches. Akila le savait. Les gens en voudraient aux guerriers de Haylon, en dépit de tout ce qu'ils avaient fait. Cependant, il ne voulait pas le dire. Il ne voulait pas forcer la main à ses hommes.

“Moi aussi, j'ai envie de m'enfuir. Nous avons joué notre rôle. Nous avons battu l'Empire. Nous avons gagné le droit de rentrer chez nous, plutôt que rester ici nous faire massacrer pour soutenir la cause d'autres gens.”

Ça, au moins, c'était évident. Après tout, ils n'étaient venus à Delos que parce que Thanos les en avait suppliés.

Il secoua la tête. “Mais je ne m'enfuirai pas. Je ne m'enfuirai pas en abandonnant les gens qui me font confiance. Je ne m'enfuirai pas alors qu'on nous a dit ce qui allait arriver à la population de Delos. Je ne m'enfuirai pas, car qui sont ces gens qui me disent de le faire ?”

Il pointa énergiquement le doigt vers la flotte qui avançait, puis fit le geste le plus vulgaire auquel il puisse penser sans réfléchir. Le geste fit au moins rire ses hommes. C'était bien, car il leur fallait rire le plus possible à ce moment-là.

“En vérité, le mal est la cause de tout le monde. Si un homme m'ordonne de m'agenouiller ou de mourir, alors, je lui envoie mon poing au visage !” Les hommes rirent plus fort. “Et je ne le fais pas parce qu'il m'a menacé. Je le fais parce que le type d'homme qui ordonne aux gens de s'agenouiller mérite qu'on lui tape dessus !”

Les hommes l'acclamèrent. Akila semblait les avoir bien jugés. Il désigna l'endroit où un vaisseau éclaireur était amarré à son vaisseau amiral.

“Là-bas, c'est un des nôtres qu'il y a”, dit Akila. “Ils l'ont capturé avec son équipage. Ils l'ont fouetté jusqu'à faire couler son sang. Ils l'ont attaché à la barre et ils lui ont crevé les yeux.”

Akila attendit un moment pour laisser le temps à ses hommes de se rendre compte de l'horreur de cet acte.

“Ils l'ont fait parce qu'ils pensaient que ça allait nous intimider”, dit Akila. “Ils l'ont fait parce qu'ils pensaient que ça allait nous faire fuir plus vite. Moi, je dis que, si un homme fait un tel mal à un de mes frères, ça me donne envie de le tuer comme le chien qu'il est !”

Les hommes l'acclamèrent.

“Cela dit, je ne vous donnerai aucun ordre”, dit Akila. “Si vous voulez rentrer chez vous … eh bien, personne ne pourra dire que vous ne l'avez pas mérité. Et quand ils viendront vous chercher, il restera peut-être quelqu'un pour vous aider.” Il se força à hausser les épaules. “Moi, je reste. Si nécessaire, je resterai seul. Je me tiendrai sur les quais et leurs soldats pourront venir se faire tuer un par un.”

Alors, il les contempla, regarda fixement ces hommes qu'il connaissait, ces frères de Haylon et ces esclaves affranchis, ces appelés qui étaient devenus combattants pour la liberté et ces hommes qui, à l'origine, n'avaient probablement été guère mieux que des assassins.

Il savait que, s'il demandait à ces hommes de se battre à ses côtés, la plupart d'entre eux allait probablement mourir. Il ne reverrait probablement jamais les chutes qui se jetaient entre les collines de Haylon. Il allait probablement mourir sans même savoir si ce qu'il allait faire serait suffisant pour sauver Delos. Alors, une partie de lui-même souhaita n'avoir jamais rencontré Thanos ou n'avoir jamais été poussé à prendre part à une rébellion de cette étendue.

Malgré cela, il se redressa.

“Serai-je seul, les gars ?” demanda-t-il. “Faudra-t-il que je me fraie un chemin jusqu'au plus obstiné de ces imbéciles à la force de mes seuls poings ?”

Les hommes rugirent “Non !” et leur cri résonna sur l'eau environnante. Akila espéra que la flotte ennemie l'avait entendu. Il espéra que ses ennemis l'avaient entendu et qu'ils en tremblaient de peur.

Dieux du ciel, il ne tremblait pas moins lui-même.

“Dans ce cas, les gars”, beugla Akila, “aux rames ! Nous avons une bataille à gagner !”

Alors, il les vit se précipiter vers les rames et il n'aurait pas pu être plus fier d'eux. Il commença à réfléchir, à donner des ordres. Il y avait des messages à renvoyer au château, des défenses à préparer.

Akila entendait déjà le son des cloches avertir la population partout dans la cité.

“Vous deux, hissez les drapeaux de signalisation ! Scirrem, je veux des petits bateaux et du goudron pour mettre le feu à des navires à l'entrée du port ! Est-ce que je me parle à moi-même, là ?”

“C'est fort possible”, répondit le marin. “C'est à ça qu'on reconnaît les fous, paraît-il. Cela dit, je vais faire tout ça.”

“Tu te rends compte que, dans une vraie armée, tu te ferais fouetter ?” répliqua Akila, mais il souriait en le disant. C'était ce qu'il y avait d'étrange quand on était sur le point de commencer une bataille. A ce moment, la mort les frôlait de très près et c'était le moment où Akila se sentait le plus vivant.

“Allez, Akila !” dit le marin. “Tu sais qu'une vraie armée n'accepterait jamais des hommes comme nous.”

Alors, Akila rit, et pas seulement parce que c'était probablement vrai. Combien de généraux pouvaient se permettre de dire qu'ils avaient non seulement un vrai respect mais aussi une véritable camaraderie pour leurs hommes ? Combien de généraux pouvaient demander à leurs troupes de se jeter la tête la première dans le danger, pas par loyauté, peur ou discipline mais parce que c'étaient les troupes en question qui proposaient de le faire ? Akila sentait qu'il pouvait au moins être fier d'eux pour ce courage-là.

Le marin partit précipitamment. Akila avait encore des ordres à donner.

“Quand nous aurons le champ libre, il faudra que nous relevions la chaîne qui barre l'entrée du port”, dit-il.

Un des jeunes marins qui se tenaient près de lui eut l'air inquiet à cette idée. Akila vit qu'il avait peur malgré ses discours. C'était tout sauf anormal.

“Si nous relevons la chaîne, cela signifie que nous ne pourrons pas nous réfugier dans le port, n'est-ce pas?” demanda le garçon.

Akila hocha la tête. “Oui, mais qu'est-ce que ça nous apporterait de nous réfugier dans une cité livrée à une attaque maritime ? Si nous perdons cette bataille sur les flots, penses-tu que la cité sera un bon refuge ?”

Il vit que le garçon y réfléchissait, essayait de calculer à quel endroit il serait le plus sûr d'être à l'abri. Ou alors, il se disait peut-être qu'il n'aurait jamais dû s'engager.

“Tu peux faire partie de ceux qui aident à remonter les chaînes, si tu veux”, proposa Akila. “Après, tu iras aux catapultes. On aura besoin d'hommes fiables pour les faire fonctionner.”

Le garçon secoua la tête. “Je reste. Je refuse de fuir devant eux.”

“Et si tu prenais la tête de la flotte pour que je puisse m'enfuir, moi ?” demanda Akila.

Cette idée fit rire le garçon, qui partit faire son travail. Le rire était toujours meilleur que la peur.

Que restait-il à faire ? Il y avait toujours autre chose, toujours une autre chose à laquelle se consacrer. Il y avait ceux qui disaient que la guerre, c'était surtout de l'attente, mais Akila avait constaté que l'attente contenait toujours mille petites choses. La préparation était la mère du succès et Akila ne comptait pas perdre la bataille par manque d'effort.

“Non”, marmonna-t-il en vérifiant le gréement de son vaisseau amiral. “Ce qui nous fera perdre, c'est qu'ils ont cinq fois plus de navires que nous.”

Leur seul espoir était de recourir à une tactique de guérilla : les attirer contre les navires en feu, les écraser contre la chaîne, utiliser la vitesse de leurs propres navires pour en éliminer autant que possible. Même ainsi, ça risquait d'être insuffisant.

Akila n'avait jamais vu de force d'une telle taille. Il doutait que quiconque en ait vu. La flotte envoyée à Haylon avait été conçue pour punir et détruire. L'armée rebelle était née de la fusion d'au moins trois grandes forces.

Celle-ci était plus grande. Ce n'était pas vraiment une armée mais plutôt un pays entier en mouvement. Son but était la conquête, mais pas seulement. Ayant repéré une opportunité, Felldust allait prendre à l'Empire tout ce qu'il avait.

Sauf si nous l'en empêchons, se dit Akila.

Sa flotte ne serait peut-être pas celle qui arrêterait l'ennemi. Peut-être ne pourraient-ils espérer que ralentir et affaiblir l'armée d'invasion, mais ça pourrait peut-être suffire. S'ils pouvaient faire gagner du temps à Ceres, elle parviendrait peut-être à trouver le moyen de vaincre les ennemis survivants. Avec ses pouvoirs, Akila l'avait vue faire des choses plus impressionnantes que ça.

Peut-être attaquerait-elle toute l'armée de Felldust pour les tirer hors d'affaire.

Akila allait probablement mourir ici. Si cela permettait de sauver Delos, cela en vaudrait-il la peine ? Telle n'était pas la question. Si cela permettait de sauver la population locale et celle de Haylon, cela en vaudrait-il la peine ? Oui, pour Akila, ça en vaudrait vraiment la peine. Des hommes comme ceux de Felldust ne se contenteraient pas de ce qu'ils avaient. Ils s'attaqueraient à Haylon dès qu'ils auraient fini de conquérir Delos. Si son sacrifice permettait de sauver les fermiers de l'île, Akila voulait bien se sacrifier mille fois.

Il regarda la flotte ennemie avancer sur l'eau et parla à voix basse.

“Tu m'es redevable, Thanos”, dit-il. Le prince lui était redevable pour être venu à Delos et pour ne pas l'avoir tué à Haylon. La vie d'Akila aurait probablement été beaucoup plus simple s'il l'avait tué.

En voyant devant lui la flotte ennemie, Akila se dit que sa vie aurait également pu durer plus longtemps.

“Bon !” cria-t-il. “A vos places, les gars ! On a une bataille à gagner !”




CHAPITRE DEUX


Assis à la proue de son vaisseau amiral, Irrien ressentait à la fois satisfaction et anticipation, de la satisfaction parce que sa flotte avançait exactement comme il l'avait ordonné et de l'anticipation à cause de tout ce qui allait se passer par la suite.

Autour de lui, la flotte glissait dans un silence quasi-total, comme il l'avait ordonné quand ils avaient commencé à longer la côte. Elle était aussi silencieuse que des requins qui fonçaient vers leur proie, que le moment qui suivait la mort d'un homme. A ce moment-là, Irrien était l'éclat de lumière sur la pointe d'une lance et le reste de sa flotte le suivait comme sa pointe élargie.

Sa chaise n'était pas la chaise en pierre noire sur laquelle il s'asseyait à Felldust mais un objet plus léger fabriqué avec les os de créatures qu'il avait tuées. Les fémurs d'un rôdeur des ténèbres formaient le dossier et des os de doigts humains étaient intégrés aux accoudoirs. Il avait recouvert la chaise de la fourrure d'animaux qu'il avait chassés. C'était une autre leçon qu'il avait apprise : en temps de paix, un homme devait mettre en valeur sa courtoisie et, en temps de guerre, sa cruauté.

Pour prouver sa cruauté, Irrien tira sur une chaîne reliée à sa chaise. L'autre extrémité de la chaîne servait d'entrave à un des guerriers de cette soi-disant rébellion, qui avait préféré s'agenouiller que mourir à la guerre.

“On arrive bientôt”, dit-il.

“Ou-oui, mon seigneur”, répondit l'homme.

Irrien tira à nouveau sur la chaîne. “Ne parle que quand on te le demande.”

L'homme se mit à implorer maladroitement la clémence d'Irrien, qui l'ignora. Il préféra regarder devant lui, bien qu'il ait disposé son bouclier pour que sa surface en métal lui révèle l'approche d'éventuels assassins par derrière.

Un homme sage faisait toujours ces deux choses. Les autres pierres de Felldust pensaient probablement qu'Irrien était fou de partir pour ce pays sans poussière pendant qu'eux y restaient. Ils pensaient probablement qu'il n'était pas au courant de leurs intrigues et de leurs machinations.

Irrien sourit encore plus quand il pensa à la tête qu'ils feraient quand ils se rendraient compte de ce qui se passait vraiment. Il ressentit encore plus de plaisir quand il se tourna vers la côte et y vit les feux qui y naissaient subitement à mesure que ses bandes de pilleurs débarquaient. D'habitude, Irrien détestait le gaspillage que représentait l'incendie des bâtiments mais, en temps de guerre, ces incendies étaient une arme utile.

Non, l'arme véritable, c'était la peur. Le feu et la menace silencieuse n'étaient que les moyens de l'aiguiser. La peur était une arme aussi puissante qu'un poison lent, aussi dangereuse qu'une épée. La peur pouvait pousser un homme fort à s'enfuir ou à se rendre sans se battre. La peur pouvait pousser les ennemis à faire de mauvais choix, à charger par bravade irréfléchie ou à se recroqueviller sur eux-mêmes quand il aurait fallu qu'ils se battent. La peur transformait les hommes en esclaves, les figeait sur place même quand ils étaient plus nombreux.

Irrien n'était pas arrogant au point de croire qu'il n'aurait jamais peur mais sa première bataille ne lui avait pas fait ressentir la peur telle que les hommes en parlaient, et sa cinquantième bataille non plus. Il s'était battu contre des hommes sur des sables brûlants et sur les pavés des ruelles et, même s'il avait ressenti de la colère, de l'excitation, même du désespoir, il n'avait jamais ressenti la peur que ressentaient les autres hommes. C'était en partie grâce à cela qu'il prenait aussi facilement ce qu'il voulait.

Ce qu'il voulait se manifesta presque aussi brusquement que si la pensée d'Irrien l'avait invoqué : à force de coups de rames, le port de Delos lui apparut. Il avait attendu ce moment avec impatience mais ce n'était pas celui dont il avait rêvé. Son rêve ne deviendrait réalité que quand il aurait remporté la victoire et dérobé tout ce qui en valait la peine.

En dépit de sa renommée, la cité était basse et puante comme toutes les cités humaines. Elle n'avait ni la grandeur de la poussière infinie ni la beauté rude des choses fabriquées par les Anciens. Comme avec toutes les cités, quand on rassemblait assez de gens dans trop peu d'espace, cela mettait en valeur leur vraie bassesse, leur cruauté et leur laideur. Aucune belle maçonnerie quelle qu'elle soit ne pouvait le cacher.

Cependant, l'Empire dont elle formait le pilier valait la peine d'être conquis. Irrien se demanda brièvement si les autres pierres avaient compris l'erreur qu'ils avaient faite en ne se joignant pas à lui. Leur simple occupation des chaises de pierre montrait leur ambition et leur pouvoir, leur ruse et leur capacité à profiter des intrigues politiques.

Et pourtant, malgré ça, ils avaient quand même pensé que le jeu n'en valait pas la chandelle. Ils avaient pensé que ce n'était qu'un raid glorifié, alors que ce pouvait être tellement plus que ça. Une flotte de cette taille n'avait pas fait le voyage que pour ramener de l'or et des lignes d'esclaves, même si elle ramènerait les deux. Elle était venue prendre, tenir et s'installer. Qu'était l'or par rapport aux terres fertiles, libres de cette poussière sans fin ? Pourquoi ramener des esclaves dans un pays dévasté par les guerres des Anciens alors qu'on pouvait aussi prendre la terre sur laquelle ils vivaient ? Et qui serait sur place pour s'assurer d'obtenir la part la plus grande de cette nouvelle terre ?

Pourquoi piller et repartir quand on pouvait faire table rase de ce qu'il y avait et s’installer ?

Cela dit, il y avait d'abord des obstacles à surmonter. Devant la cité se tenait une flotte, en supposant qu'elle mérite le nom de flotte. Irrien se demanda si les vaisseaux éclaireurs que ces derniers avaient envoyés étaient déjà rentrés, s'ils avaient vu ce qui les attendait. Même s'il ne ressentait pas la peur de la bataille, Irrien savait comment l'encourager chez les hommes les plus faibles.

Il se leva pour mieux voir et pour que ceux qui le regardaient depuis la côte puissent voir qui avait ordonné cette attaque. Seul ceux qui avaient la meilleure vue parviendraient à le distinguer mais il voulait qu'ils comprennent que c'était sa guerre, sa flotte et que, bientôt, ce serait sa cité.

Il discerna les préparations que les défenseurs commençaient à entreprendre, les petits bateaux qui seraient bientôt et sans doute mis à feu, la façon dont la flotte formait des groupes, prête à les harceler, les armes sur les quais, qui serviraient à les attaquer quand ils se rapprocheraient.

“Ton commandant sait y faire”, dit Irrien en tirant sur les chaînes de son dernier prisonnier pour le faire se relever. “Qui est-ce ?”

“Akila est le meilleur général encore en vie”, dit l'ex-marin avant de croiser le regard d'Irrien. “Pardonnez-moi, mon seigneur.”

Akila. Irrien avait entendu ce nom, car Lucious lui en avait dit bien plus. Akila, qui avait aidé à libérer Haylon du joug de l'Empire et qui l'avait défendue contre leur flotte. On disait qu'il se battait avec toute la ruse d'un renard, frappait sans s'attarder là où les ennemis s'y attendaient le moins.

“J'ai toujours apprécié les adversaires forts”, dit Irrien. “Il faut du fer pour aiguiser une épée.”

Il sortit son épée de son fourreau en cuir noir comme pour illustrer son propos. La lame était tellement huilée qu'elle était bleu-noir et aussi tranchante qu'un rasoir. C'était le type d'objet qui, pour quelqu'un d'autre qu'Irrien, aurait pu être l'outil d'un bourreau, mais Irrien s'était familiarisé avec son équilibre et s'était entraîné pour avoir la force de bien la manier. Il avait d'autres armes : des couteaux et des fils à étrangler, une épée en forme de lune incurvée et une épée solaire aux nombreuses pointes. Cependant, c'était cette arme-ci que les gens connaissaient. Si elle n'avait aucun nom, c'était seulement parce qu'Irrien pensait que c'était idiot de nommer une épée.

Il vit que cette épée effrayait son nouvel esclave.

“Autrefois, les prêtres sacrifiaient un esclave avant de livrer bataille. Ils espéraient étancher la soif de la mort avant qu'elle ne puisse s'intéresser à un général. Plus tard, ils en vinrent à sacrifier l'esclave aux dieux de la guerre en espérant que ces derniers apporteraient leur soutien à leur camp. A genoux.”

Irrien vit l'homme le faire comme par réflexe, en dépit de sa terreur, ou peut-être à cause d'elle.

“Pitié”, supplia-t-il.

Irrien lui donna un coup de pied assez violent pour le faire tomber à plat ventre, la tête dépassant de la proue du navire. “Je t'ai dit de te taire. Reste ici et estime-toi heureux que je n'aie aucun intérêt pour les prêtres et leurs idioties. S'il existe des dieux de la mort, leur soif ne saurait être étanchée. S'il existe des dieux de la guerre, ils soutiennent l'homme qui a le plus de soldats.”

Il se retourna vers le reste de son navire. Il souleva son épée d'une main et les esclaves qui avaient attendu ses instructions se précipitèrent vers des cors et s'en saisirent. Quand il hocha la tête, les cors sonnèrent fortement une fois. Irrien vit ses soldats remonter les catapultes et les balistes et mettre le feu à leurs projectiles.

Irrien se tenait droit, noir contre la lumière du soleil. Sa peau bronzée et ses vêtements sombres faisaient de lui une ombre qui cachait la cité.

“Je vous avais dit que nous irions à Delos et nous y voici !” cria-t-il. “ Je vous avais dit que nous prendrions leur cité et nous allons le faire !”

Il attendit que les acclamations qui suivirent se calment.

“J'ai donné un message aux éclaireurs que nous leur avons renvoyés et je compte y être fidèle !” Cette fois-ci, Irrien n'attendit pas. “Tous les hommes, toutes les femmes et tous les enfants de l'Empire sont maintenant des esclaves. Tous ceux que vous croiserez là-bas et qui seront dépourvus de l'insigne des maîtres appartiendront à ceux qui les prendront et vous pourrez en faire ce que vous serez assez fort pour faire. Tous ceux qui prétendront détenir des biens seront des menteurs et vous pourrez les leur prendre. Tous ceux qui nous désobéiront devront être punis. Tous ceux qui nous résisteront seront des rebelles et seront traités sans pitié !”

Irrien avait découvert que la pitié était une autre de ces blagues en lesquelles les gens aimaient faire semblant de croire. Pourquoi un homme laisserait-il la vie à un ennemi si cela ne lui rapportait rien ? La poussière apprenait des choses simples : si on était faible, on mourait. Si on était fort, on prenait au monde ce qu'on pouvait lui prendre.

Or, Irrien comptait tout lui prendre.

Le plus important, c'était qu'il se sentait plus vivant que jamais à ce moment-là. Il s'était battu pour devenir Première Pierre puis s'était rendu compte qu'il ne lui restait nulle part où aller. A force de jouer aux jeux politiques de la cité et à s'immiscer dans les petites querelles des autres pierres pour s'amuser, il avait senti qu'il commençait à stagner. Cela dit, cette guerre … cette guerre allait sûrement se révéler bien plus intéressante.

“Préparez-vous !” cria-t-il à ses hommes. “Si vous obéissez à mes ordres, nous réussirons. Si vous échouez, vous serez moins que poussière à mes yeux.”

Il revint à l'endroit où l'ex-marin était encore allongé, la tête dépassant par-dessus le bord du navire. Il pensait probablement que ce serait tout. Irrien avait constaté que ces hommes-là espéraient que les choses n'empireraient pas au lieu de voir le danger et d'agir.

“Tu aurais pu mourir au combat”, dit-il, sa grande épée encore levée. “Tu aurais pu mourir en homme au lieu de finir piteusement sacrifié.”

L'homme se tourna et leva les yeux vers lui. “Vous avez dit … vous avez dit que vous ne croyiez pas à ça.”

Irrien haussa les épaules. “Les prêtres sont des idiots mais le peuple croit en leurs idioties. Si ça les pousse à se battre plus fort, pourquoi pas ?”

D'une botte, il plaqua l'esclave sur le pont en s'assurant que tous ceux qui étaient là puissent le voir. Il voulait que tout le monde voie le premier moment de sa conquête.

“Je t'offre à la mort”, cria-t-il. “Toi, et tous ceux qui s'élèvent contre nous !”

Il abattit son épée et la planta dans la poitrine du pauvre hère, lui transperçant le cœur. Irrien n'attendit pas. Il la souleva à nouveau et, pour une fois, sa lame de bourreau accomplit ce pour quoi elle avait été forgée. Elle trancha proprement le cou au marin esclave. Ce n'était pas de la pitié mais de la fierté, car la Première Pierre n'aurait jamais accepté jamais de garder une arme mal aiguisée.

Il leva l'épée, dont le tranchant était encore ensanglanté.

“Commencez !”

On sonna du cor. Les catapultes lancèrent leurs projectiles, les archers tirèrent leurs flèches vers leurs ennemis et le ciel se remplit de feu. Des navires plus petits se faufilèrent vers leurs cibles.

L'espace d'un instant, Irrien se surprit à penser à cet “Akila”, l'homme qui se tenait forcément là-bas en attendant de voir ce qui allait se passer. Il se demanda si, à ce moment-là, son ennemi potentiel avait peur.

Il aurait dû avoir peur.




CHAPITRE TROIS


Thanos s'agenouilla au-dessus du corps de son frère et, l'espace d'un instant, il eut l'impression que le monde avait cessé de tourner. A ce moment-là, il ne sut que penser ou ressentir. Il ne sut que faire.

Il s'était attendu, quand il tuerait Lucious, à avoir une sensation de triomphe, ou au moins à se sentir soulagé que ce soit enfin terminé. Il s'était attendu à avoir finalement la sensation que ses proches étaient en sécurité.

En fait, Thanos sentit le chagrin monter en lui et il offrit ses larmes à un frère qui ne les avait probablement jamais méritées. Cependant, cela n'avait plus d'importance. Ce qui comptait, c'était que Lucious était son demi-frère et qu'il était mort.

Il était mort le poignard de Thanos planté dans le cœur. Thanos sentait le sang de Lucious sur ses mains et il semblait y en avoir trop pour qu'il tienne dans un seul corps. Une petite partie de lui-même s'attendait à ce que ce sang ait quelque chose de différent, qu'il contienne un signe de la folie qui s'était emparée de Lucious ou de la rapacité maladive qui avait semblé l'habiter. Au lieu de ça, Lucious n'était qu'une coquille silencieuse et vide.

Alors, Thanos voulut faire quelque chose pour son frère, le faire enterrer ou au moins le confier à un prêtre. Cependant, alors même qu'il y pensait, il savait que c'était impossible. Les paroles de son propre frère signifiaient que c'était impossible.

Felldust allait envahir l'Empire et, si Thanos voulait pouvoir faire quelque chose pour aider ses proches, il fallait qu'il parte maintenant.

Il se leva et ramassa son épée, prêt à foncer vers la porte. Il prit aussi l'épée de Lucious. De toutes les choses que son frère avait chéries, les outils de violence avaient semblé être ses préférées. Thanos se tint les deux épées en main et s'étonna de voir qu'elles allaient très bien ensemble. Il fut presque aussi étonné de voir un groupe des clients de l'auberge lui bloquer le passage.

“Il a dit que vous étiez le Prince Thanos”, dit un homme à la barbe touffue en promenant le doigt sur le tranchant d'un couteau. “Est-ce vrai ?”

“Les pierres paieront une bonne somme pour un prisonnier comme vous”, dit un autre.

Un troisième hocha la tête. “Et s'ils ne paient pas, les esclavagistes paieront, eux.”

Ils avancèrent et Thanos n'attendit pas mais chargea. Il heurta de l'épaule l'homme le plus proche et le renvoya ainsi tomber sur une table. Thanos se battait déjà, tailladait le bras à un homme armé d'un poignard.

Thanos l'entendit crier quand la lame mordit dans son avant-bras, mais il était déjà en mouvement et donnait un coup de pied au troisième homme, qui retomba à un endroit où quatre hommes n'avaient pas cessé de jouer aux dés, même pendant son combat contre Lucious. Alors, l'un d'eux grogna, se retourna puis saisit le voyou.

En quelques moments, l'auberge réussit à faire ce qu'elle n'avait pas fait quand cela avait été Lucious qui se battait : elle devint le théâtre d'une bagarre généralisée. A présent, les hommes qui s'étaient contentés de ne rien faire pendant que Thanos et son frère échangeaient des coups d'épée donnaient des coups de poing et tiraient des couteaux. L'un d'eux saisit une chaise et l'envoya vers la tête de Thanos. Thanos l'évita puis la renvoya sur un autre des clients, tailladant le bois au passage.

Il aurait pu rester se battre mais s'enfuit en pensant au risque que Ceres courait peut-être. Il avait été entièrement sûr qu'il lui suffirait de retrouver Lucious pour empêcher l'invasion, puis qu'il lui resterait assez de temps pour trouver la vérité sur sa filiation, découvrir la preuve dont il avait besoin et repartir à Delos. A présent, il n'avait le temps de faire aucune de ces choses.

Thanos fonça vers la porte. Il se laissa tomber puis glissa sous les mains d'un homme qui essayait de le saisir pour l'arrêter, lui occasionnant une blessure superficielle à la cuisse. Il se précipita dans les rues …

… et y trouva immédiatement une des pires poussières qu'il ait jamais vues depuis son arrivée dans la cité. Il ne ralentit pas. Il se contenta de se remettre ses lames jumelles à la ceinture, de remonter son écharpe pour se protéger de la poussière puis d'avancer au mieux.

Derrière lui, Thanos entendait les sons que produisaient les hommes qui essayaient de le suivre, même s'il se demandait bien comment ils comptaient y voir assez clair dans ce temps-là pour le rattraper. Thanos avançait à l'aveuglette. Il passa devant un marchand qui remballait ses marchandises dans sa charrette puis deux soldats qui juraient tout en se réfugiant dans une embrasure de porte pour échapper à la poussière.

Thanos entendit l'un d'eux crier “Regarde ce fou !” dans la langue de Felldust.

“Il se précipite probablement vers le port pour se joindre à l'invasion. J'ai entendu dire que Vexa, la Quatrième Pierre, a commencé à envoyer une flotte plus grande, pendant que les trois autres sont encore en train de comploter. La Première Pierre a pris de l'avance sur eux.”

“Comme toujours”, répliqua le premier.

Cela dit, à ce stade, Thanos s'était déjà éloigné dans la poussière. Il cherchait sa route en observant la forme vague des bâtiments, en faisant attention aux panneaux qui étaient suspendus au-dessus des rues, éclairés par des lampes à huile. Il y avait aussi des sculptures en pierre, apparemment prévues pour que les gens du coin puissent trouver leur chemin de la rue de l'ours sculpté à celle des serpents entremêlés rien qu'en touchant les sculptures si nécessaire.

Thanos ne connaissait pas assez bien le système pouvoir s'en servir mais, même ainsi, il avançait dans la poussière.

Il y en avait d'autres que lui qui faisaient de même et, à plusieurs reprises, Thanos s'arrêta en essayant de déterminer si les bottes qu'il entendait étaient bien celles de ses poursuivants. Une fois, il se cacha derrière la masse en fer incurvé d'un coupe-vent, les épées aussitôt en main, certain que ses poursuivants de l'auberge l'avaient rattrapé.

En fait, ce fut un groupe d'esclaves qui passa devant lui, le visage emmitouflé contre la poussière, portant un palanquin de l'intérieur duquel Thanos entendit un marchand leur ordonner d'accélérer le pas.

“Plus vite, chiens ! Plus vite ou je vous fais empaler. Il faut qu'on arrive au port à temps ou on va rater le butin.”

Thanos les regarda et suivit le palanquin en se disant que ceux qui le portaient connaissaient probablement mieux le chemin que lui. Il ne pouvait pas les suivre de trop près parce que, dans une cité comme Port Leeward, tout le monde faisait attention aux voleurs ou aux tueurs en puissance, mais, même ainsi, il réussit à les suivre dans plusieurs rues avant que le palanquin ne disparaisse dans la poussière.

Thanos resta sur place une seconde ou deux pour reprendre son souffle et, aussi brusquement qu'elle était venue, la tempête de poussière s'interrompit et lui permit de voir le port.

Ce que Thanos y vit le figea sur place.

Avant, il avait cru qu'il y avait beaucoup de navires dans le port. Maintenant, on aurait dit que l'eau en débordait, à un tel point qu'il sembla à Thanos qu'il aurait pu rejoindre l'horizon rien qu'en passant d'un pont à l'autre.

Beaucoup d'entre eux étaient des navires de guerre mais, parmi les autres, il y avait maintenant des navires de commerce ou des vaisseaux plus petits. Comme la flotte principale avait déjà quitté Felldust, le port aurait dû être vide, mais il semblait à Thanos qu'on n'aurait pas pu loger un seul bateau de plus à cet endroit. Il semblait que toute la population de Felldust se soit rassemblée ici, prête à prendre sa part de ce qu'il y avait à voler à l'Empire.

Alors, Thanos commença à comprendre l'étendue de cette flotte et ce que cela signifiait. Ce n'était pas seulement une armée mais tout un pays qui partait conquérir l'Empire. Ils avaient vu là l'opportunité de prendre des terres qui leur avaient longtemps été inaccessibles et, maintenant, ils allaient les acquérir par la force.

Sans se soucier de ce que cela signifiait pour ceux qui s'y trouvaient déjà.

“Qui es-tu ?” demanda un soldat en avançant vers lui. “Quelle flotte, quel capitaine ?”

Thanos réfléchit rapidement. S'il disait la vérité, il devrait se battre à nouveau et, maintenant, il n'avait plus le voile accueillant de la poussière pour se cacher. Il ne doutait pas qu'il en était autant recouvert que tous les autochtones mais, si quelqu'un devinait qui il était, ou même seulement qu'il était de l'Empire, l'histoire se terminerait mal.

Il se demanda brièvement ce qu'ils faisaient aux espions, à Felldust. Quoi que ce soit, ce ne serait pas agréable.

“Avec quelle flotte es-tu ?” redemanda l'homme, d'une voix rude cette fois-ci.

“Avec celle de Vexa, la Quatrième Pierre”, répondit soudain Thanos d'une voix toute aussi rude. Il essaya de suggérer qu'il n'avait pas le temps qu'on l'interrompe de la sorte. Ce n'était pas difficile à faire à ce moment-là où il lui restait si peu de temps pour aller retrouver et aider Ceres. “Dites-moi que ce n'est pas vrai, que sa flotte n'est pas déjà partie.”

L'autre homme lui rit au nez. “On dirait que t'es à court de chance, là. Quoi, tu pensais que tu pouvais traîner, dire adieu à la putain préférée de ton équipage ? Tu perds ton temps, tu gaspilles ta chance.”

“Enfer !” dit Thanos en essayant de jouer son rôle. “Ils ne peuvent pas tous être partis. Et les autres navires ?”

Le soldat rit à nouveau. “Tu peux demander si tu veux, mais si tu penses que l'équipage n'est pas complet à l'heure qu'il est, tu devrais faire plus attention. Avec un butin comme ça, tout le monde veut sa place. La moitié d'entre eux sait tout juste se battre. Allez, écoute, peut-être que je vais pouvoir te trouver une place dans un des équipages du Vieux Forkbeard. La Troisième Pierre prend son temps. Je ne te demanderai que la moitié de tout ce que tu obtiendras.”

“Peut-être, si je n'arrive pas à retrouver les gars que je suis censé accompagner”, dit Thanos. Chaque seconde qu'il passait ici était une seconde qu'il n'employait pas à repartir vers Delos avec le seul équipage qui n'essaierait pas de le tuer dès qu'il trouverait qui il était.

Il vit l'autre homme hausser les épaules. “Tu ne trouveras pas de meilleure offre aussi tard que ça.”

“On verra”, dit Thanos, qui partit entre les bateaux.

Pour un observateur extérieur, il semblait sans doute qu'il cherchait un des rares bateaux de la flotte qu'il s'était réservés, alors que Thanos espérait qu'il n'allait en trouver aucun. Il ne voulait surtout pas se faire enrôler dans la marine de Felldust.

Cependant, s'il fallait le faire, il le ferait. Si cela signifiait qu'il pourrait rejoindre Ceres, si cela signifiait qu'il pourrait l'aider, il faudrait qu'il prenne le risque. Il jouerait le rôle d'un quelconque guerrier de Felldust qui était impatient de rattraper son retard. Si cette flotte avait été la flotte principale, il l'aurait même choisie en premier pour essayer de se rapprocher autant que possible de la Première Pierre et le tuer.

Cependant, s'il se laissait maintenant emmener par cette seconde flotte, il n'arriverait à destination que bien trop tard. Il ne pourrait certainement pas aider Ceres. Donc, il erra de passerelle en passerelle entre les nombreux navires en regardant les guerriers porter des tonneaux d'eau douce et des cageots de nourriture. Thanos fendilla au moins trois tonneaux mais un petit sabotage comme celui-ci n'aurait aucune chance d'arrêter une flotte de cette taille.

Il préféra continuer à observer. Il vit des hommes et des femmes affûter des armes et enchaîner des galériens à leur place. Il vit des prêtres recouverts de poussière entonner des prières pour souhaiter bonne chance aux équipages, sacrifier des animaux et transformer la poussière en boue couleur sang. Il vit deux groupes de soldats de bannières différentes se disputer pour savoir lequel des deux aurait le droit de parcourir un quai en premier.

Thanos vit beaucoup de choses qui le mirent en colère et d'autres qui lui firent peur pour Delos. Il n'y avait qu'une chose qu'il ne pouvait trouver dans le chaos des quais, et c'était la chose qu'il était venu y trouver. Dans ce port, il y avait des centaines de bateaux de toutes formes, de toutes tailles et pour tous les desseins. Il y avait des bateaux remplis à craquer de guerriers d'apparence coriace et des bateaux qui semblaient n'être guère mieux que des barges d'agrément glorifiées qui emmenaient autant les gens assister à l'invasion qu'y participer.

Ce qu'il ne voyait pas, c'était le bateau qui l'avait emmené ici. Il fallait qu'il aille retrouver Ceres et, à ce moment-là, Thanos ne savait pas comment il allait s'y prendre.




CHAPITRE QUATRE


Stephania courait dans le château, excitée par le son des cors de guerre, comme une biche qui fuyait un groupe de chasseurs. Si elle ne sortait pas maintenant, elle n'aurait pas d'autre chance. Elle avait fait tout son possible pour se débarrasser de Ceres.

“Que Felldust s'occupe d'elle”, dit Stephania.

Elle retraversa le château, cherchant le point où il rejoignait les tunnels qui couraient sous la cité. Elle espéra qu'Elethe avait gardé sa sortie de secours comme Stephania le lui avait ordonné. Maintenant, il était temps de fuir. Si elles se faisaient attraper par la rébellion, ce serait déjà mauvais mais, si elles se faisaient attraper au milieu d'une bataille entre la rébellion et les Cinq Pierres de Felldust, ce serait bien pire.

A moins que …

Stephania s'arrêta et regarda par une fenêtre donnant sur le port. Elle voyait que le ciel était noir de projectiles et que des navires étaient en feu alors qu'un sombre ruban de vaisseaux d'invasion se rapprochait. Stephania se précipita vers un endroit d'où elle pouvait regarder par-dessus les murailles et vit aussi des feux au-delà de ces murailles.

Où qu'elle se précipite maintenant, il semblait qu'elle allait y trouver des ennemis. Elle ne pouvait plus s'échapper par la voie maritime comme elle l'avait fait pour revenir à Delos. Elle ne pouvait pas prendre le risque de s'échapper dans la campagne dégagée parce que, si elle avait été à la tête de l'invasion, elle aurait envoyé des bandes de pilleurs repousser les gens vers la cité. Elle ne pouvait pas prendre le risque d'errer ouvertement dans Delos parce que les forces de la rébellion essaieraient de la capturer.

Mais où étaient ces soldats ? Quand elle était entrée, Stephania avait passé quelques gardes et son déguisement avait été amplement suffisant pour qu'ils la laissent se faufiler devant eux. Cela dit, ils avaient été peu nombreux. Le château ressemblait à un navire fantôme, abandonné pour faire face à des problèmes plus urgents. En regardant à l'extérieur, Stephania vit des rebelles passer dans les rues en armure brillante et en armure de fortune. Il y aurait forcément quelques hommes aux alentours, mais combien et où ?

L'idée vint lentement à Stephania, plus comme une possibilité que comme une réalité. Pourtant, plus elle y réfléchissait, plus cela lui semblait être le meilleur choix pour elle. Elle n'était pas du style à se ruer en avant sans réfléchir. Dans les cercles de la noblesse, avec ce genre d'attitude, on se rendait vulnérable aux agissements de quelqu'un d'autre ou on se retrouvait ostracisé ou pire encore.

Cependant, parfois, c'étaient les actions décisives qui permettaient de s'en sortir. Quand il y avait un prix à conquérir, rester en retrait pouvait vous le faire perdre aussi sûrement qu'un excès de zèle.

Stephania se dirigea vers Elethe, qui regardait tantôt les tunnels, tantôt la cité, comme si elle s'attendait à ce qu'une horde d'ennemis arrive à tout moment.

“Est-il temps de partir, madame ?” dit Elethe. “Est-ce que Ceres est morte ?”

Stephania secoua la tête. “Le plan a changé. Viens avec moi.”

Elethe eut le mérite de ne pas hésiter. Elle accompagna Stephania en dépit des inquiétudes qu'elle devait ressentir.

“Où allons-nous ?” demanda Elethe.

Stephania sourit. “Aux cachots. J'ai décidé que tu allais me livrer à la rébellion.”

La servante de Stephania eut l'air choquée à cette idée mais sa surprise ne fit que croître quand Stephania expliqua son plan plus en détail.

“Es-tu prête ?” demanda Stephania alors qu'elles se rapprochaient des cachots.

“Oui, madame”, dit Elethe.

Stephania mit les mains derrière le dos comme si elle était attachée puis avança avec ce qu'elle espérait être un air craintif et contrit. Elethe se débrouillait étonnamment bien dans son rôle de féroce rebelle qui emmenait une ennemie récemment capturée.

Il y avait deux gardes près de la porte principale. Assis à une table avec une partie de cartes en cours, ils montraient comment ils passaient leur temps. Certaines choses ne changeaient jamais, quel que soit le chef.

Ils levèrent les yeux quand Stephania approcha et Stephania fut très amusée par la surprise qu'elle vit sur leur visage.

“Est-ce que … vous avez capturé Lady Stephania ?” demanda l'un d'eux.

“Comment avez-vous fait ça ?” dit l'autre. “Où l'avez-vous trouvée ?”

Stephania entendit leur incrédulité, mais elle entendit aussi qu'ils ne savaient pas quoi faire.

“Elle s'échappait furtivement des appartements de Ceres”, répondit Elethe sans gêne. Sa servante était une bonne menteuse. “Pouvez-vous … il faut que je le dise à quelqu'un mais je ne sais pas vraiment qui.”

C'était une bonne idée. Alors, ils regardèrent tous deux Elethe en essayant de décider ce qu'ils allaient faire. A ce moment-là, Stephania prit une aiguille dans chaque main et en frappa les gardes au cou. Ils se retournèrent mais le poison agissait vite et leur cœur le pompait déjà dans leur organisme. Un moment ou deux plus tard, ils s'effondrèrent.

“Prends les clés”, dit Stephania en montrant la ceinture d'un garde.

Elethe le fit et ouvrit les cachots. Ils étaient presque pleins à craquer, comme Stephania avait soupçonné qu'ils le seraient, ou du moins comme elle l'avait espéré. De plus, il n'y avait plus de gardes. Apparemment, tous ceux qui étaient capables de se battre étaient sur les murailles.

Il y avait des hommes et des femmes qui étaient apparemment des soldats et des gardes, des tortionnaires ou simplement des nobles loyaux. Dans ces cachots, Stephania vit plus que quelques-unes de ses propres servantes, ce qui lui sembla un peu absurde. Ce qu'il fallait faire, ce n'était pas insister sur sa propre loyauté mais prétendre servir le nouveau régime. Enfin, l'important, c'était qu'elles étaient là.

“Lady Stephania ?” dit l'une d'elles, comme si elle ne pouvait pas vraiment croire ce qu'elle voyait, comme si Lady Stephania était leur sauveur.

Stephania sourit à cette idée. Elle aimait que ses serviteurs la considèrent comme leur héroïne. De cette façon, elles feraient probablement bien plus que si elles se contentaient de lui obéir, et elle aimait aussi l'idée de retourner les armes de Ceres contre elle.

“Écoutez-moi”, leur dit-elle. “On vous a beaucoup pris. Vous aviez beaucoup et ces rebelles, ces paysans, ont osé s'en emparer. Je dis qu'il est temps de le reprendre.”

“Vous êtes venue nous libérer ?” demanda un ex-soldat.

“Je suis venue faire mieux que ça”, dit Stephania. “Nous allons reprendre le château.”

Elle ne s'était pas attendue à des acclamations. Elle n'était pas une romantique qui avait besoin que des idiots applaudissent chacune de ses décisions. Cela dit, les anxieux qui marmonnaient entre eux étaient un peu énervants.

“Vous avez peur ?” demanda-t-elle.

“Il va y avoir des rebelles là-haut !” dit un noble. Stephania le connaissait. Le Haut Préfet Scarel s'était toujours empressé de défier les autres quand il savait qu'il pouvait gagner.

“Pas assez pour tenir ce château”, dit Stephania. “Pas maintenant. Tous les rebelles disponibles sont sur les murailles et essaient de repousser l'invasion.”

“Et l'invasion ?” demanda une noble. Elle ne valait guère mieux que l'homme qui venait de parler. Stephania connaissait des secrets sur ce qu'elle avait fait avant d'épouser un homme assez riche pour faire rougir d'envie la plupart des autres.

“Oh, je vois”, dit Stephania. “Vous préférez attendre dans un joli cachot sécurisé que tout soit fini. Et après ? Au mieux, vous passerez le reste de votre vie dans ce trou puant, si les rebelles ne décident pas de vous tuer en douce quand ils comprendront quelle charge représentent les prisonniers. Si ce sont les autres qui gagnent … pensez-vous qu'être au cachot vous protégera ? Ici, vous ne serez pas des nobles pour eux, rien que des amusements. Des amusements à la vie courte.”

Elle s'interrompit pour leur laisser le temps de réfléchir. Elle avait besoin qu'ils aient l'impression d'être des lâches pour avoir même envisagé cette idée.

“Ou alors, nous pourrions sortir”, dit Stephania. “Nous prendrons le château et nous le fermerons contre nos ennemis. Nous tuerons ceux qui s'opposent à nous. Comme je me suis déjà occupée de Ceres, elle ne pourra pas nous arrêter. Nous tiendrons ce château jusqu'à ce que la rébellion et les envahisseurs se massacrent les uns les autres, puis nous reprendrons Delos.”

“Il y a encore des gardes”, dit quelqu'un. “Il y a encore des seigneurs de guerre ici. Nous ne pouvons pas nous battre contre les seigneurs de guerre et gagner.”

Stephania fit un signe à Elethe, qui commença à déverrouiller les cellules. “Il y a des façons d'y arriver. Nous aurons plus d'armes à chaque garde que nous tuerons et nous savons tous où se trouve l'armurerie. Ou alors, vous pouvez rester pourrir ici. Je fermerai les portes et j'enverrai quelques tortionnaires plus tard. L'un ou l'autre, ça m'est égal.”

Ils la suivirent, comme elle l'avait prévu. Peu importe qu'ils le fassent par peur, par fierté ou même par loyauté. Ce qui comptait, c'était qu'ils le fassent. Ils la suivirent dans le château et Stephania commença à donner des ordres, même si elle faisait attention à ce qu'ils ne ressemblent pas trop à des ordres, du moins pour l'instant.

“Lord Hwel, pourriez-vous emmener quelques-uns des hommes les plus valides bloquer l'accès à la caserne des gardes ?” dit Stephania. “Nous ne voulons pas que les rebelles s'échappent.”

“Et les hommes loyaux à l'Empire?” dit le noble.

“Ils peuvent prouver leur loyauté en tuant ces autres traîtres”, répondit Stephania.

Le noble s'empressa d'obéir à ses ordres. Stephania envoya une de ses servantes en rassembler d'autres et demanda à une noble d'apprendre aux servantes à obéir aux ordres de Stephania.

Stephania regarda le groupe qui l'accompagnait en évaluant l'utilité de ses membres, en repérant ceux qui avaient des secrets qu'elle pourrait utiliser, ceux dont les faiblesses les rendaient faciles à contrôler et ceux dont les faiblesses les rendaient dangereux. Elle envoya le noble qui avait tellement voulu éviter de se battre contrôler les portes et une douairière acariâtre aux cuisines, où elle ne pourrait faire aucun mal.

Ils récupèrent du monde sur leur chemin. Des gardes et des serviteurs venaient à eux en les entendant venir, changeant de camp comme des girouettes. Les servantes de Stephania s'agenouillaient devant elle, puis se levaient quand elle les touchait pour aller accomplir leur tâche suivante.

De temps à autre, ils trouvaient des rebelles qui refusaient de se rendre et les tuaient. Certains mouraient quand des nobles se ruaient précipitamment sur eux, saisissaient leurs armes et les battaient à mort. D'autres mouraient poignardés par derrière, ou quand une fléchette empoisonnée leur rentrait dans la chair. Les servantes de Stephania avaient appris à bien accomplir leurs tâches.

Quand elle vit la Reine Athena, Stephania se demanda comment elle allait devoir réagir.

“Que se passe-t-il ?” demanda la reine. “Que se passe-t-il ici ?”

Stephania ne tint aucunement compte de ses divagations.

“Tia, il faut que tu trouves comment ça se passe à l'armurerie. Il nous faut ces armes. J'imagine que Le Haut Préfet Scarel aura trouvé à se battre, maintenant.”

Elle poursuivit son chemin vers le grand hall.

“Stephania”, dit la Reine Athena. “J'exige qu'on me dise ce qui se passe.”

Stephania haussa les épaules. “J'ai fait ce que vous auriez dû faire. J'ai libéré ces personnes fidèles.”

C'était un argument si simple, si net, qu'il était inutile d'en dire plus. C'était Stephania qui avait sauvé les nobles. C'était à elle qu'ils devaient leur liberté, et peut-être la vie.

“Moi aussi, on m'a emprisonnée”, répliqua la reine.

“Ah, bien sûr. Si j'avais su, je vous aurais sauvée avec les autres nobles. Maintenant, excusez-moi. J'ai un château à prendre.”

Stephania s'éloigna rapidement à grands pas parce que le meilleur moyen de gagner une dispute était de ne pas laisser à son adversaire la possibilité de prendre la parole. Elle ne fut pas étonnée quand les autres personnes présentes continuèrent à la suivre.

Aux alentours, Stephania entendit les bruits d'un combat. Faisant signe à ceux qui l'accompagnaient, elle monta un escalier en cherchant un balcon. Elle trouva rapidement ce qu'elle cherchait. Stephania connaissait le château aussi bien que quiconque.

En contrebas, elle vit un combat qui aurait probablement impressionné la plupart des gens. Une dizaine d'hommes musclés portant des armes et des armures toutes différentes étaient en train de se battre dans la cour qui se trouvait devant la porte principale. Ils se battaient contre au moins deux fois plus de gardes, qui avaient peut-être été trois fois plus nombreux avant le début de la bataille et étaient tous menés par Le Haut Préfet Scarel. De plus, on aurait dit qu'ils étaient en train de gagner. Stephania voyait les corps éparpillés sur les pavés, portant leur armure impériale. Le noble qui adorait se battre avait trouvé de quoi se battre éternellement, semblait-il.

“Quel imbécile”, dit Stephania.

Stephania regarda un moment et, si elle avait ressenti un peu plus d'intérêt pour le Stade, elle aurait probablement trouvé une sorte de beauté sauvage à cette scène. Alors qu'elle regardait, un homme tenant une grande hache frappa deux hommes du manche, puis virevolta et en frappa un des deux assez violemment avec sa lame pour quasiment le fendre en deux. Un seigneur de guerre qui se battait avec une chaîne bondit par-dessus un soldat et la lui enroula autour du cou.

C'était une preuve de courage qui ne laissait pas de marbre. Peut-être que, si elle y avait pensé, elle aurait pu acheter une dizaine de seigneurs de guerre un peu plus tôt et en faire des gardes du corps assez loyaux. La seule difficulté aurait été le manque de subtilité. Stephania grimaça quand une éclaboussure de sang réussit à s'élever presque jusqu'au rebord du balcon.

“Ne sont-ils pas magnifiques ?” dit une des nobles.

Stephania la regarda avec tout le mépris qu'elle put exprimer. “Je pense que ce sont des imbéciles.” Elle claqua des doigts en direction d'Elethe. “Elethe, des couteaux et des arcs. Maintenant.”

Sa servante hocha la tête et Stephania les regarda, elle et quelques autres, sortir des armes à lancer et des fléchettes. Quelques gardes qui les accompagnaient avaient des arcs courts qu'ils avaient pris dans l'armurerie. L'un d'eux avait une arbalète de navire, qui était plus efficace tirée d'un pont que d'un balcon. Ils hésitèrent.

“Les nôtres sont là-bas”, dit un des nobles.

Stephania lui prit un arc léger des mains. “Et ils allaient mourir de toute façon, à se battre si pitoyablement contre des seigneurs de guerre. Au moins, comme ça, ils nous donnent une chance de gagner.”

Gagner passait avant tout le reste. Ces autres gens le comprendraient peut-être un jour. Ou peut-être était-il mieux qu'ils ne le comprennent jamais. Stephania ne voulait pas avoir à les tuer.

Pour l'instant, elle banda son arc aussi bien que possible avec son ventre rond. Comme elle tirait vers le bas, elle pouvait tout juste le retirer à moitié mais cela n'avait presque aucune importance. Elle ne prenait pas le temps de viser et cela n'avait certainement aucune importance. Vu la masse de gens qui grouillaient en-dessous, il suffisait qu'elle atteigne quelque chose.

Plus que ça, c'était assez pour servir de signal.

Les flèches s'abattirent. Stephania en vit une traverser la chair du bras d'un seigneur de guerre, qui rugit comme un animal blessé avant que trois autres lui transpercent la poitrine. Des couteaux s'abattirent, coupèrent, éraflèrent, creusèrent et évidèrent. Des fléchettes transportèrent du poison qui n'eut probablement pas le temps d'agir avant que les cibles ne soient transpercées de flèches.

Stephania vit des soldats de l'Empire tomber avec les seigneurs de guerre. Le Haut Préfet Scarel leva les yeux vers elle d'un air accusateur en tripotant le carreau d'arbalète qui lui avait perforé l'estomac. Les hommes continuaient à tomber sous les coups d'épée des seigneurs de guerre ou trouvaient des brèches dans leurs défenses mais leurs moments de victoire étaient vite interrompus par la pluie de flèches.

Stephania n'en avait que faire. Ce ne fut que quand le dernier seigneur de guerre tomba qu'elle leva la main pour mettre fin à l'assaut.

“Tellement de …” commença à dire une des nobles. Stephania s'en prit à elle.

“Ne soyez pas idiote. Nous avons tué les soutiens de Ceres et nous avons pris le château. Rien d'autre ne compte.”

“Et Ceres ?” demanda un des gardes. “Est-elle morte ?”

Stephania plissa les yeux en entendant cette question parce que c'était la seule partie de ce plan qui l'irritait.

“Pas encore.”

Il fallait qu'ils tiennent le château jusqu'à ce que l'invasion prenne fin ou jusqu'à ce que les rebelles trouvent un moyen ou un autre de la repousser. A ce stade, ils auraient peut-être besoin de Ceres comme élément de marchandage, ou peut-être même comme un simple cadeau permettant aux Cinq Pierres de Felldust d'afficher leur victoire. Sa présence au château pourrait même y attirer Thanos, ce qui permettrait à Stephania de perpétrer toutes ses vengeances d'un seul coup.

Pour l'instant, cela signifiait que Ceres devait rester en vie mais qu'elle pouvait quand même souffrir.

Et elle allait souffrir.




CHAPITRE CINQ


Ceres flottait au-dessus d'îles de pierre lisse d'une beauté si exquise qu'elle voulait presque pleurer. Elle reconnut le travail des Anciens et se mit immédiatement à penser à sa mère.

Alors, Ceres la vit quelque part devant elle, encore enrobée de brume. Ceres courut vers elle et la vit se retourner, mais elle semblait ne pas encore courir assez vite pour la rattraper.

A présent, un vide les séparait et Ceres bondit en tendant la main. Elle vit sa mère tendre la main vers elle et, seulement l'espace d'un instant, Ceres crut que Lycine allait l'attraper. Leurs doigts s'effleurèrent puis Ceres se mit à tomber.

Elle tomba au milieu d'une bataille, entourée de silhouettes qui se débattaient. Les morts étaient là et, en apparence, leur mort ne les empêchait pas de se battre. Lord West se battait à côté d'Anka, Rexus à côté de cent hommes que Ceres avait tués dans tout autant de combats différents. Ils étaient tous autour de Ceres, en train de se battre l'un contre l'autre, en train de se battre contre le monde entier …

Le Dernier Souffle était là, devant elle, et l'ex-seigneur de guerre était aussi sombre et terrifiant qu'il l'avait jamais été. Ceres sauta par dessus le bâton à lames qu'il maniait et tendit le bras pour le pétrifier comme elle l'avait déjà fait.

Cette fois-ci, rien ne se produisit. Le Dernier Souffle la jeta à terre d'un coup de poing, se tint triomphant au-dessus d'elle mais, maintenant, il était Stephania qui, au lieu d'un bâton, tenait une bouteille dont les exhalaisons étaient encore acres dans les narines de Ceres.

Alors, elle se réveilla et la réalité ne fut pas préférable à ses rêves.

En se réveillant, elle sentit sous elle la pierre rude. L'espace d'un instant, elle crut que Stephania l'avait peut-être laissée sur le sol de sa chambre ou, pire encore, qu'elle se tenait peut-être encore au-dessus d'elle. Ceres virevolta en essayant de se relever et de continuer à se battre, mais, à ce moment, elle se rendit compte qu'elle n'avait pas de place où le faire.

Quand Ceres vit des murs de pierre de tous les côtés, elle dut se forcer à respirer lentement, à réprimer la panique qui menaçait de l'engloutir. Ce fut seulement quand elle leva les yeux et vit une grille en métal au-dessus d'elle qu'elle se rendit compte qu'elle était dans une fosse, pas enterrée vivante.

La fosse était tout juste assez large pour qu'elle s'y asseye. Il lui était certainement impossible de s'allonger de tout son long. Ceres tendit la main vers le haut, testa la solidité des barreaux de la grille qui se trouvait au-dessus d'elle puis invoqua ses pouvoirs pour trouver la force de les plier ou de les briser.

Rien n'arriva.

Alors, Ceres sentit la panique monter en elle. Elle essaya d'invoquer ses pouvoirs, de la faire doucement, se souvenant des changements que lui avait appris sa mère après qu'elle avait épuisé ses pouvoirs en essayant de prendre la cité.

D'une façon ou d'une autre, cela lui semblait être une situation similaire, et pourtant différente de beaucoup plus d'autres points de vue. Avant, ç'avait été comme si les canaux qui acheminaient le pouvoir avaient été brûlés jusqu'à ce qu'ils fassent assez mal pour ne plus pouvoir être utilisés, laissant Ceres complètement vidée.

Maintenant, elle avait l'impression qu'elle était simplement normale, même si cela lui semblait être moins que rien comparé à ce qu'elle avait été peu de temps auparavant. Elle n'avait aucun doute sur l'origine de son état : Stephania et son poison. Quelque part, d'une façon ou d'une autre, elle avait trouvé le moyen de priver Ceres des pouvoirs que son sang Ancien lui donnait.

Ceres sentait la différence entre le présent et ce qui s'était passé auparavant. Cela avait été comme une cécité subite : c'était trop et trop tôt et ça s'évanouissait lentement avec les soins appropriés. A présent, elle avait plutôt la sensation que des corbeaux lui avaient crevé les yeux à coup de bec.

Elle retendit quand même la main vers le haut pour saisir les barreaux en espérant qu'elle se trompait. Elle se força à essayer de les faire bouger en y mettant toute la force qu'elle put convoquer. Ils ne cédèrent pas le moins du monde, même quand Ceres leur tira dessus si fort que ses paumes saignèrent contre le métal.

Elle poussa un cri de surprise quand quelqu'un jeta de l'eau dans la fosse et qu'elle se retrouva trempée et recroquevillée contre la pierre du mur. Quand Stephania devint visible, se tenant au-dessus de la grille, Ceres essaya de la toiser avec défi mais, à ce moment-là, elle avait trop froid, était trop mouillée et trop faible pour pouvoir faire grand-chose.

“Donc, le poison a fonctionné”, dit Stephania sans préambule. “C'est normal, après tout. Je l'ai payé assez cher.”

Ceres la vit alors se toucher le ventre, mais Stephania reprit la parole avant que Ceres ait pu demander ce qu'elle voulait dire.

“Quelle impression cela fait-il de se voir retirer la seule chose qu'on avait de spécial ?” demanda Stephania.

C'est comme avoir su voler mais ne plus être que tout juste capable de ramper. Cependant, Ceres n'allait pas lui donner la satisfaction de le dire à voix haute.

“On n'en a pas déjà parlé, Stephania ?” demanda-t-elle. “Vous connaissez la fin de l'histoire. Je m'échappe et je vous donne ce que vous méritez.”

Alors, Stephania l'aspergea d'un autre seau d'eau et Ceres bondit vers les barreaux. Elle entendit rire Stephania alors qu'elle le faisait et cela ne fit qu'accroître sa colère. Peu lui importait de ne plus avoir de pouvoirs à ce moment-là. Elle avait quand même l'entraînement d'un seigneur de guerre et elle avait quand même tout ce qu'elle avait appris auprès du Peuple de la Forêt. Elle étranglerait Stephania à mains nues si nécessaire.

“Regarde-toi. Regarde l'animal que tu es”, dit Stephania.

Cela calma un peu Ceres, ne serait-ce que parce qu'elle refusait d'être ce que Stephania voulait qu'elle soit.

“Vous auriez dû me tuer quand vous en aviez l'occasion”, dit Ceres.

“Je le voulais”, répondit Stephania, “mais les événements ne nous donnent pas toujours ce que nous voulons. Regarde simplement comment ça s'est passé, pour toi et Thanos. Ou avec moi et Thanos. Après tout, c'est moi sa véritable épouse, non ?”

Ceres dut plaquer les mains contre la pierre des murailles pour s'empêcher de bondir vers Stephania une fois de plus.

“Je t'aurais tranché la gorge si je n'avais pas entendu des cors de guerre”, dit Stephania. “Et puis, je me suis rendu compte qu'il serait facile de reprendre le château. Donc, je l'ai fait.”

Ceres secoua la tête. Elle ne pouvait y croire.

“J'ai libéré le château.”

Elle avait fait plus que ça. Elle l'avait rempli de rebelles. Elle avait capturé ceux qui étaient du côté de l'Empire et elle les avait emprisonnés. Les autres, elle leur avait donné leur chance, elle avait …

“Ah, ça y est, tu commences à comprendre, n'est-ce pas ?” dit Stephania. “Tous ces gens qui s'étaient empressés de te remercier de les avoir libérés se sont rangés à mes côtés avec tout autant d'empressement. Il faudra que je les surveille.”

“Il faudra que vous surveilliez plus de gens que ça”, répondit sèchement Ceres. “Vous vous imaginez que les combattants de la rébellion vont vous laisser régner, jouer à la reine ? Vous vous imaginez que les seigneurs de guerre vont le faire ?”

“Ah”, dit Stephania avec une mimique d'embarras exagérée qui fit craindre à Ceres ce qui allait suivre. “J'ai peur d'avoir des mauvaises nouvelles sur tes seigneurs de guerre. On dirait que les meilleurs des combattants meurent quand même quand on leur plante une flèche dans le cœur.”

Elle le dit avec une telle nonchalance, avec une telle moquerie que, même si cela n'avait été qu'à moitié vrai, cela aurait suffi à briser le cœur à Ceres. Elle s'était battue avec les seigneurs de guerre. Elle s'était entraînée avec eux. Ils avaient été ses amis et ses alliés.

“Tout ce que vous aimez, c'est la cruauté”, dit Ceres.

A sa grande surprise, elle vit Stephania secouer la tête.

“Voyons, voyons. Tu penses que je ne vaux pas mieux que cet idiot de Lucious ? Un homme qui ne peut ressentir de plaisir que si quelqu'un d'autre est en train de hurler ? Tu penses que je suis comme ça ?”

Du point de vue de Ceres, cela semblait être une description assez exacte, surtout en tenant compte de tout ce qui était susceptible d'arriver ensuite.

“Vous ne le seriez pas ?” demanda Ceres. “Oh, désolée, moi qui croyais que vous m'aviez mise dans une fosse en pierre pour que j'y meure.”

“Pour t'y faire torturer, en fait”, dit Stephania. “Mais ce n'est que toi. Tu mérites tout ce que tu subis depuis que tu as essayé de tout me prendre. Thanos était à moi.”

Peut-être le croyait-elle vraiment. Peut-être pensait-elle honnêtement qu'il était normal d'essayer d'assassiner ses rivaux à cause de désaccords portant sur les relations et sur la vie.

“Et le reste ?” dit Ceres. “Allez-vous essayer de me convaincre que vous êtes essentiellement quelqu'un de gentil, Stephania ? Parce que je suis quasiment sûre que ce navire a quitté le port au moment où vous avez essayé de m'envoyer à l'Île des Prisonniers.”

Peut-être n'aurait-elle pas dû se moquer d'elle comme ça, car Stephania leva un troisième seau d'eau. Elle sembla réfléchir l'espace d'un instant puis haussa les épaules et le versa sur Ceres, qui reçut une douche d'eau glacée.

“Je dis que je n'ai pas à être gentille, idiote de paysanne”, répondit-elle sèchement pendant que Ceres frissonnait. “Nous vivons dans un monde qui essaie toujours de nous prendre tout ce que nous avons sans nous demander la permission, surtout si on est une femme. Il y a toujours des voyous comme Lucious. Il y a toujours ceux qui veulent prendre sans s'arrêter.”

“Dans ce cas, on se bat contre eux !” dit Ceres. “On libère le peuple ! On le protège.”

Elle entendit Stephania rire à ces paroles.

“Tu crois vraiment que ce genre d'ânerie marche, n'est-ce pas ?” dit Stephania. “Tu crois que les gens sont essentiellement bons et que tout ira bien si on veut bien leur donner leur chance.”

Elle le dit comme si c'était une chose digne de dérision plutôt qu'une bonne philosophie de vie.

“La vie n'est pas comme ça”, poursuivit Stephania. “La vie est une guerre où on se bat comme on le peut. On ne donne à personne de pouvoir sur soi-même et on prend tout le pouvoir qu'on peut parce que, comme ça, on a la force de les écraser quand ils essaient de nous trahir.”

“Je ne me sens pas particulièrement écrasée”, répliqua Ceres. Elle n'allait pas permettre à Stephania de voir à quel point elle se sentait faible et vidée en ce moment. Elle allait faire semblant d'être forte en espérant arriver à trouver le moyen de faire de cette force une réalité.

Elle vit Stephania hausser les épaules.

“Ça viendra. Actuellement, ta rébellion est en train d'affronter l'armée de Felldust. Felldust gagnera peut-être et, à ce moment-là, je te vendrai à eux contre le droit de quitter la cité avec toute la richesse que je pourrai prendre. Cela dit, je crois plutôt que Felldust va traverser la cité comme une vague. Je vais les laisser buter contre les murailles de ce château jusqu'à ce qu'ils soient prêts à négocier.”

“Vous pensez que des hommes comme eux accepteront de vous parler ?” demanda Ceres. “Ils vous tueront.”

Ceres ne savait pas vraiment pourquoi elle donnait un tel avertissement à Stephania. Le monde serait plus tranquille si quelqu'un la tuait, même si c'étaient les armées de Felldust qui le faisaient.

“Tu penses que je n'y ai pas réfléchi ?” rétorqua Stephania. “Les citoyens de Felldust sont indisciplinés. Felldust ne peut pas se permettre de faire attendre ses soldats, d'assiéger un château qu'ils ne peuvent pas prendre. Au bout de quelques semaines ou même avant, ils se battraient entre eux. Il faudra qu'ils négocient.”

“Et vous pensez qu'ils seront honnêtes avec vous ?” demanda Ceres.

Parfois, elle trouvait l'arrogance dont faisait preuve Stephania tout juste crédible.

“Je ne suis pas une idiote”, dit Stephania. “Pour la première rencontre, une de mes servantes prendra ma place. Donc, s'ils essaient de nous trahir, j'aurai le temps de fuir la cité par les tunnels. Après ça, je te présenterai, à genoux et enchaînée, à la Première Pierre Irrien. Tu serviras d'offrande et nous entamerons des négociations de paix. Qui sait ? Peut-être la Première Pierre Irrien acceptera-t-il … d'unir nos deux nations. Je me dis que je pourrais faire beaucoup de choses avec quelqu'un comme lui.”

Ceres secoua la tête à cette idée. Elle refuserait toujours de s'agenouiller, que ce soit à l'ordre de Stephania ou à celui d'un autre noble quel qu'il soit. “Vous pensez que je vais vous donner la satisfaction —”

“Je pense que je n'ai pas à attendre que tu me donnes quoi que ce soit”, répondit sèchement Stephania. “Je peux te prendre tout ce que je veux, même la vie. Dans ce qui arrivera, souviens-toi que, si ce n'avait pas été pour cette guerre, je t'aurais témoigné de la pitié et me serais contentée de te tuer.”

La façon dont Stephania envisageait la pitié avait l'air aussi étrange que sa façon d'envisager toutes les autres choses du monde.

“Que vous est-il arrivé ?” lui demanda Ceres. “Qu'est-ce qui vous a rendue comme ça ?”

Stephania lui répondit avec un sourire. “J'ai vu le monde comme il était et, maintenant, à mon avis, le monde va te voir comme tu es. Comme je ne peux pas te tuer, je vais détruire le symbole que tu as décidé d'incarner. Tu vas te battre pour moi, Ceres, à de nombreuses reprises et sans la force qui suggérait au peuple que tu étais extraordinaire. Entre temps, nous allons trouver des moyens de te faire souffrir encore plus.”

Cela ne semblait guère différent de ce que Lucious ou les membres de la famille royale avaient essayé de faire.

“Vous ne me briserez pas”, lui promit Ceres. “Je ne vais pas m'effondrer et vous supplier pour vous amuser ou pour satisfaire votre pitoyable vengeance, quel que soit le nom que vous lui donnez.”

“Si, tu vas le faire”, lui promit Stephania à son tour. “Tu vas t'agenouiller devant la Première Pierre de Felldust et le supplier de te prendre comme esclave. Je vais m'en assurer.”




CHAPITRE SIX


Felene avait volé beaucoup de bateaux dans sa vie et elle fut contente quand elle constata que ce bateau-ci était de grande qualité. Ce n'était pas guère plus qu'un skiff mais il voguait très bien, semblait réagir à la vitesse de l'éclair, comme une extension d'elle-même.

“Il lui faudrait plus de trous”, dit Felene en bougeant pour écoper de l'eau qui s'était invitée à bord. Même un effort aussi anodin lui faisait mal et, la fois où elle avait dû ramer parce que le vent avait arrêté de souffler …

Felene grimaça rien qu'en y pensant.

Elle toucha prudemment sa blessure, bougea le bras dans toutes les directions pour s'étendre les muscles du dos. Il y avait des mouvements où il lui semblait presque pouvoir ignorer son existence, mais il y en avait d'autres —

“Malédiction !” jura Felene quand une douleur incandescente la traversa brusquement.

Ce qu'il y avait de pire, c'était que chaque douleur subite lui rappelait le moment où elle s'était faite poignarder, où elle avait regardé Elethe dans les yeux pendant que Stephania la poignardait par derrière. Chaque douleur physique lui faisait aussi ressentir l'agonie de la trahison. Elle avait osé croire …

“Quoi ?” demanda Felene. “Que tu finirais par vivre heureuse ? Que tu t'en irais avec une princesse et une belle fille et que le monde te laisserait en paix ?”

C'était stupide d'imaginer ça. Le monde n'offrait pas les fins heureuses qu'on trouvait dans les contes des bardes. Certainement pas pour une voleuse comme elle. Quoi qu'il arrive, il y aurait toujours autre chose à voler, que ce soit un bijou, une tranche de la carte ou le cœur d'une fille qui s’avérerait alors être une …

“Suffit”, se dit Felene, mais c'était plus difficile que ça en avait l'air. Certaines blessures refusaient de guérir.

D'ailleurs, sa blessure physique n'avait toujours pas guéri. Elle l'avait recousue aussi bien que possible sur la plage mais commençait à s'inquiéter du trou que le couteau de Stephania lui avait fait dans le dos. Elle souleva sa chemise assez haut pour le tremper dans l'eau de mer et serra les dents contre la douleur en le nettoyant.

Felene avait déjà été blessée et cette blessure-là semblait en être une mauvaise. Elle avait vu des blessures de ce type chez d'autres personnes et, en général, les personnes en question avaient mal fini. Il y avait eu ce guide d'escalade qu'un léopard des neiges avait attaqué à coups de griffes quand Felene avait essayé de dévaliser un des temples des morts. Il y avait eu l'esclave que Felene avait sauvée sur un coup de tête après que son maître l'avait fouettée jusqu'au sang mais elle n'avait pu que la regarder dépérir et mourir. Il y avait eu ce joueur qui avait insisté pour rester à la table de jeu même après s'être coupé la main sur un éclat de verre.

Felene savait que la chose qu'il faudrait qu'elle fasse maintenant serait repartir d'où elle venait, chercher un guérisseur et se reposer le temps qu'il faudrait pour retrouver son état antérieur. Évidemment, à ce stade, l'invasion serait probablement terminée et toutes les personnes concernées seraient parties par monts et par vaux, mais Felene irait bien à nouveau et serait libre de s'en aller où elle le voudrait.

Après tout, l'issue de l'invasion comptait assez peu pour elle. Elle était une voleuse. Il y aurait toujours des choses à voler et il y aurait toujours des gens qui voudraient la traquer. Il y en aurait même probablement plus à la suite d'une guerre, quand les choses avaient tendance à échapper un peu au contrôle et qu'il y avait toujours des brèches où un homme assez rusé saurait s'engouffrer.

Elle pouvait repartir à Felldust, se reposer puis se trouver une nouvelle aventure. Elle pouvait partir à la recherche d'îles perdues depuis longtemps ou se diriger vers les terres où la glace se refermait sur tout comme un poing. Il y aurait peut-être des trésors et de la violence, des femmes et à boire, toutes ces choses qui avaient eu tendance à être les ingrédients du cocktail de sa vie jusqu'à présent.

Ce qui la poussait à garder le gouvernail du petit bateau orienté vers Delos était simple : c'était là où seraient Stephania et Elethe. Stephania lui avait menti sur Thanos. Elle s'était servie d'elle pour aller à Felldust, puis elle avait essayé de la tuer. Pire que ça, elle avait essayé de tuer Thanos, même si les rumeurs qui circulaient à Felldust laissaient entendre qu'il avait au moins survécu jusqu'à la prise de la cité par la rébellion.

Felene considérait qu'elle ne pouvait pas pardonner à Stephania ce qu'elle avait fait. Felene avait laissé beaucoup d'ennemis derrière elle quand elle était partie en mer, mais elle n'aimait pas que les gens ne paient pas leurs dettes. Un jour, elle s'était battue en duel à Oakford pour une insulte et, une autre fois, elle avait traqué un serrurier sur la moitié des Grasslands parce qu'il avait essayé de lui voler sa part de butin.

Stephania allait mourir pour ce qu'elle avait fait. Quant à Elethe …

De beaucoup de façons, cette trahison était pire. Stephania était un serpent et Felene l'avait su dès le moment où elle était montée sur le bateau. Elethe, elle, avait en fait osé lui faire ressentir quelque chose. Pour une des premières fois de sa vie, Felene avait osé penser au-delà du prochain vol et avait commencé à rêver.

“Et quel rêve !” se dit Felene. “Parcourir le monde, sauver de belles princesses et séduire de belles jeunes filles. Tu te prends pour qui ? Une sorte d'héroïne ?”

Ce rêve semblait mieux correspondre à ce que Thanos aurait pu faire qu'à ce qu'elle ou ses semblables auraient pu faire.

“Ma vie serait bien plus simple si je ne t'avais pas rencontré, Prince Thanos”, dit Felene. Elle tira sur une des cordes de son bateau et lui fit prendre une nouvelle direction.

Cependant, elle ne pensait pas ce qu'elle avait dit. Si elle n'avait pas rencontré Thanos, sa vie aurait surtout été plus courte. Sans lui, elle aurait péri sur l'Île des Prisonniers et, après ça …

Thanos était un homme qui semblait avoir une cause, qui défendait quelque chose, même s'il avait fallu que Felene lui rappelle quelle cause c'était. Thanos était un homme qui avait été prêt à se battre contre tout ce que son éducation lui avait appris à croire. Il s'était battu contre l'Empire, même s'il aurait été plus facile pour lui de ne pas le faire. Il avait été prêt à donner sa vie pour sauver des femmes comme Stephania et c'était vraiment le type de chose que faisait un héros.

“Je suppose que, si j'avais du plomb dans la cervelle, je tomberais amoureuse de toi”, dit Felene en pensant au prince. Il était certainement mieux de tomber amoureux de lui que de femmes comme Elethe mais, dans cette vie, on n'obtenait pas ce qu'on voulait et, en matière d'amour, on n'avait absolument aucun choix.

Il suffisait que Thanos soit un homme digne de respect, sinon même d'admiration. Il suffisait que Felene devienne une meilleure personne rien qu'en pensant au type de chose qu'il ferait.

“Même si ça ne me rend pas forcément plus intelligente.”

Felene soupira. C'était stérile de se déchirer comme ça. Elle savait ce qu'elle allait faire.

Elle allait repartir à Delos. Elle allait trouver Thanos si, par un heureux hasard, il était encore en vie. Elle allait retrouver Stephania, elle allait retrouver Elethe et ce serait œil pour œil, dent pour dent. Thanos aurait probablement conseillé une solution moins violente et plus civilisée, mais l'émulation d'autrui avait ses limites, même avec les princes.

Maintenant, il restait quand même un problème : aller à Delos et y entrer. Felene était sûre que, quand elle y arriverait, ce serait une cité en guerre, en supposant qu'elle n'ait pas été vaincue d'entrée de jeu. La flotte de Felldust formerait probablement une barricade flottante devant la cité car le blocus des ports était une tactique de longue date en temps de guerre.

Ce n'était pas que Felene se soucie de ce genre de chose. Elle avait plus d'une fois amassé un très bon profit en faisant de la contrebande en situation de blocus. Qu'il s'agisse de nourriture, d'informations ou de gens qui voulaient sortir, ça avait toujours été le même type de situation.

Cependant, Felene imaginait bien que les soldats de Felldust ne seraient guère accueillants avec elle si elle avait la bêtise de se contenter de charger vers la cité. Felene voyait déjà des fragments de la flotte de Felldust devant elle, des vaisseaux répartis sur l'eau de Felldust à l'Empire comme des perles de jais sur un collier. La flotte principale était là depuis longtemps mais, maintenant, les navires se regroupaient par trois ou quatre et partaient ensemble en essayant de tirer le meilleur parti de l'invasion qui venait.

De beaucoup de façons, c'étaient probablement eux les plus rationnels. Felene avait toujours eu plus d'affinités pour les gens qui venaient voler après un combat que pour ceux qui risquaient leur vie. Ils comprenaient, eux, comment on se protège. C'étaient les siens.

Alors, une idée lui vint et elle dirigea son skiff vers un des groupes. De son meilleur bras, elle sortit un couteau.

“Salut !” cria-t-elle en dialecte de Felldust, le prononçant le mieux possible.

Un homme apparut au-dessus de la balustrade, braquant un arc vers elle. “Tu t'imagines qu'on va prendre tous les —”

Felene lança le couteau et il gargouilla, coupé au milieu de sa phrase. Il tomba du bateau et frappa l'eau en la faisant éclabousser.

“C'était un de mes meilleurs hommes”, dit la voix d'un homme.

Felene rit. “J'en doute, ou tu ne l'aurais pas envoyé à la balustrade pour voir si j'étais dangereuse. C'est toi le capitaine de ce navire ?”

“Oui”, répondit-il.

C'était une bonne chose. Felene n'avait pas de temps à perdre en négociant avec ceux qui n'étaient pas en position de le faire.

“Vous allez tous à Delos ?” demanda-t-elle.

“Où veux-tu qu'on aille sinon à Delos ?” répondit le capitaine. “Tu penses qu'on est partis pêcher ?”

Felene pensa à quelques-uns des requins qui l'avaient chassée alors qu'elle rejoignait la rive. Elle pensa au corps qui coulait maintenant vers eux. “Peut-être. Il y a des appâts dans l'eau et on trouve de gros poissons dans cette zone.”

“Et d'autres encore plus gros à Delos”, répondit la voix. “Tu veux te joindre à notre convoi ?”

Felene se força à hausser les épaules comme si elle n'en avait que faire. “J'imagine qu'une épée de plus pourra vous être utile.”

“C'est cinquante épées de plus qu'il faudrait avoir. Cela dit, on dirait que tu sais te battre. Tu ne nous ralentis pas et tu manges tes propres victuailles. Ça te va ?”

Ça lui allait parfaitement bien, puisqu'elle venait de trouver le moyen d'entrer à Delos. Même si le cordon de navires qui encerclait la cité montait la garde, la flotte de Felldust ne lui prêterait aucunement attention quand elle en ferait partie.

“Ça me va”, répondit-elle. “Tant que vous ne me ralentissez pas à moi !”

“Tu veux de l'or, hein ? J'aime ça.”

Ils pouvaient aimer ce qu'ils voulaient tant qu'ils laissaient Felene tranquille. Qu'ils pensent qu'elle était venue pour l'or. La seule chose qui comptait, c'était —

La quinte de toux prit Felene par surprise et sa violence la plia presque en deux. Elle la traversa brutalement et elle eut la sensation que ses poumons avaient pris feu. Elle mit une main à la bouche et, quand elle la retira, elle vit qu'elle était tachée de sang.

“Tu vas bien, dis donc ?” cria le capitaine du navire de Felldust, d'un ton visiblement soupçonneux. “C'est du sang ? Tu n'as pas la peste ou autre chose, hein ?”

Felene était certaine que, s'il pensait qu'elle avait la peste, il la forcerait à voyager seule ou alors mettrait le feu à son navire rien que pour s'assurer qu'aucune maladie ne s'approche du sien.

“Je me suis prise un coup de poing au ventre dans une bagarre sur les quais”, mentit-elle en s'essuyant la main sur la balustrade. “Rien de grave.”

“Si tu craches du sang, ça doit être assez grave”, répondit le capitaine. “Tu devrais aller trouver un guérisseur. Si on meurt, on ne peut pas dépenser d'or.”

C'était probablement un bon conseil mais Felene n'avait jamais été du style à écouter les bons conseils, surtout quand elle avait mieux à faire. Si elle n'avait été intéressée que par l'or, elle aurait probablement fait exactement ce que suggérait l'homme.

“C'est ce qu'on dit”, plaisanta Felene. “Moi, je dis qu'on devrait essayer plus fort.”

Elle laissa rire le capitaine du navire. Elle avait mieux à faire.

Il était temps de tuer Stephania et Elethe.




CHAPITRE SEPT


Tous les jours, le convoi d'ex-appelés faisait le tour de la campagne qui entourait Delos et, tous les jours, Sartes regardait fixement Leyana en essayant de trouver le moyen de lui dire ce qu'il ressentait quand il était avec elle.

Tous les jours, Sartes passait du temps à essayer de le dire avec des mots, de penser aux choses qu'une personne plus éloquente aurait pu trouver. Qu'est-ce que Thanos aurait dit, ou Akila, ou … ou n'importe quel autre homme à moitié amoureux qui ne savait pas comment continuer ?

Il passait son temps tantôt à penser à Leyana tantôt à penser aux choses qu'il aurait dû être en train de faire. Ils allaient de village en village, distribuaient les victuailles qu'ils avaient, ramenaient chez eux des appelés qui en avaient été arrachés et rassuraient les gens de leur mieux en leur disant que la rébellion ne serait pas une autre bande de tyrans.

Tous les jours, il essayait de préparer quelque chose à dire et, tous les jours, au moment de bivouaquer, il se rendait compte qu'il n'avait rien dit.

“Tu vas bien ?” demanda Leyana avec un sourire. Elle avait pris l'habitude de chevaucher dans le même chariot que Sartes, et Sartes était bien obligé d'admettre qu'il aimait ça. Le soir, quand ils bivouaquaient, la tente de Leyana n'était jamais loin de la sienne. Sartes aimait aussi ça. Il était reconnaissant du fait que, s'ils devaient être attaqués, il pourrait se ruer vers elle pour la sauver.





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Morgan Rice a imaginé ce qui promet d'être une autre série brillante et nous plonge dans une histoire de fantasy avec trolls et dragons, bravoure, honneur, courage, magie et foi en sa propre destinée. Morgan Rice a de nouveau réussi à produire un solide ensemble de personnages qui nous font les acclamer à chaque page.. Recommandé pour la bibliothèque permanente de tous les lecteurs qui aiment les histoires de fantasy bien écrites. Books and Movie Reviews, Roberto Mattos (pour Le Réveil des Dragons) Ceres, 17 ans, une belle fille pauvre de Delos, cité de l'Empire, se réveille impuissante. Empoisonnée par la fiole du sorcier, détenue par Stephania, elle vit le pire des moments. Stephania s'amuse cruellement avec elle et elle est incapable de faire quoi que ce soit pour l'arrêter. Après avoir tué son frère Lucious, Thanos s'embarque pour Delos afin de sauver Ceres et sa patrie. Cependant, la flotte de Felldust a déjà pris la mer et, alors que tout le pouvoir du monde pèse sur la cité de Delos, Thanos arrivera peut-être trop tard pour sauver tout ce qui lui est cher. Il s'ensuit une bataille épique qui déterminera peut-être la destinée de Delos pour toujours. HÉROÏNE, TRAÎTRESSE, FILLE raconte une histoire épique d'amour tragique, de vengeance, de trahison, d'ambition et de destinée. Riche de personnages inoubliables et d'une action haletante, cette histoire nous transporte dans un monde que nous n'oublierons jamais et nous fait retomber sous le charme de l'heroic fantasy. Une fantasy pleine d'action qui saura plaire aux amateurs des romans précédents de Morgan Rice et aux fans de livres tels que le cycle L'Héritage par Christopher Paolini.. Les fans de fiction pour jeunes adultes dévoreront ce dernier ouvrage de Rice et en demanderont plus. – The Wanderer, A Literary Journal (pour Le Réveil des Dragons) Le tome n°7 de la série DE COURONNES ET DE GLOIRE sortira bientôt !

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