Книга - De retour à la maison

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De retour à la maison
Blake Pierce


« Un chef-d’œuvre de thriller et de mystère. Blake Pierce est parvenu à créer des caractères avec un côté psychologique tellement bien décrit, que nous avons l’impression de pouvoir pénétrer dans leur esprit, suivre le cheminement de leurs pensées et nous réjouir de leurs réussites. Plein de rebondissements, ce livre vous tiendra en haleine jusqu’à la dernière page. » --Critiques de livres et de films, Roberto Mattos (re SANS LAISSER DE TRACES) DE RETOUR À LA MAISON (Un mystère Chloé Fine) est le volume 5 d’une nouvelle série suspense psychologique par Blake Pierce, l’auteur à succès de SANS LAISSER DE TRACES (volume 1) (téléchargement gratuit), un bestseller nº1 ayant reçu plus de 1 000 critiques à cinq étoiles.Quand deux maris, des meilleurs amis, sont retrouvés morts dans une petite ville riche de banlieue, l’agent spécial de l’unité VICAP du FBI, Chloé Fine, 27 ans, est appelée à mener l’enquête afin de dévoiler les mensonges qui ont cours dans cette petite ville et retrouver l’assassin. Chloé va devoir passer outre les allures et les apparences parfaites de cette ville pour découvrir qui étaient réellement ces deux hommes et qui aurait pu souhaiter leur mort. Et dans une ville qui se targue de son caractère exclusif, ce ne sera pas facile à faire. Quels secrets ces deux maris dissimulaient-ils ?Un suspense psychologique émotionnel avec des personnages complexes, une atmosphère de petite ville et un suspense qui vous tiendra en haleine, DE RETOUR À LA MAISON est le volume 5 d’une fascinante nouvelle série qui vous fera tourner les pages jusqu’à des heures tardives de la nuit.Le volume 6 dans la série CHLOÉ FINE sera bientôt disponible.







de retour à la maison



(un mystère suspense psychologique chloé fine—volume 5)



b l a k e p i e r c e


Blake Pierce



Blake Pierce est l’auteur de la série de romans à suspense à succès RILEY PAGE, qui comporte quinze tomes (pour l’instant). Blake Pierce est aussi l’auteur de la série de romans à suspense MACKENZIE WHITE, qui comprend neuf tomes (pour l’instant) ; de la série de romans à suspense AVERY BLACK, qui comprend six tomes ; de la série de romans à suspense KERI LOCKE, qui comprend cinq tomes ; de la série de romans à suspense LES ORIGINES DE RILEY PAIGE, qui comprend trois tomes (pour l’instant) ; de la série de romans à suspense KATE WISE, qui comprend deux tomes (pour l’instant) ; de la série de romans à suspense psychologique CHLOE FINE, qui comprend trois tomes (pour l’instant) et de la série de thrillers psychologiques JESSIE HUNT, qui comprend trois tomes (pour l’instant).



Lecteur gourmand et fan depuis toujours de romans à mystère et à suspense, Blake aime beaucoup recevoir de vos nouvelles, donc, n’hésitez pas à vous rendre sur www.blakepierceauthor.com pour en apprendre plus et rester en contact.



Copyright © 2019 par Blake Pierce. Tous droits réservés. Sous réserve de la loi américaine sur les droits d'auteur de 1976, aucune partie de cette publication ne peut être reproduite, distribuée ou transmise sous quelque forme ou par quelque procédé que ce soit, ni enregistrée dans une base de données ou un système de récupération, sans l'accord préalable de l'auteur. Ce livre électronique est sous licence pour usage personnel uniquement. Ce livre électronique ne peut être ni revendu, ni donné à d'autres personnes. Si vous désirez partager ce livre avec quelqu'un, veuillez acheter une copie supplémentaire pour chaque bénéficiaire. Si vous lisez ce livre et que vous ne l'avez pas acheté, ou qu'il n'a pas été acheté pour votre usage personnel uniquement, veuillez le rendre et acheter votre propre copie. Merci de respecter le travail de cet auteur. Il s'agit d'une œuvre de fiction. Les noms, les personnages, les entreprises, les organisations, les endroits, les événements et les incidents sont soit le produit de l'imagination de l'auteur, soit utilisés de manière fictive. Toute ressemblance avec des personnes existantes ou ayant existé est purement fortuite. Image de couverture Copyright eldar nurkovic, utilisé sous licence de Shutterstock.com.


LIVRES PAR BLAKE PIERCE



SÉRIE SUSPENSE PSYCHOLOGIQUE JESSIE HUNT

LA FEMME PARFAITE (Volume 1)

LE QUARTIER IDÉAL (Volume 2)

LA MAISON IDÉALE (Volume 3)

LE SOURIRE IDÉALE (Volume 4)

LE MENSONGE IDÉALE (Volume 5)



SÉRIE SUSPENSE PSYCHOLOGIQUE CHLOE FINE

LA MAISON D’À CÔTÉ (Volume 1)

LE MENSONGE D’UN VOISIN (Volume 2)

VOIE SANS ISSUE (Volume 3)

LE VOISIN SILENCIEUX (Volume 4)

DE RETOUR À LA MAISON (Volume 5)



SÉRIE MYSTÈRE KATE WISE

SI ELLE SAVAIT (Volume 1)

SI ELLE VOYAIT (Volume 2)

SI ELLE COURAIT (Volume 3)

SI ELLE SE CACHAIT (Volume 4)

SI ELLE S’ENFUYAIT (Volume 5)



LES ORIGINES DE RILEY PAIGE

SOUS SURVEILLANCE (Tome 1)

ATTENDRE (Tome 2)

PIEGE MORTEL (Tome 3)

ESCAPADE MEURTRIERE (Tome 4)



LES ENQUÊTES DE RILEY PAIGE

SANS LAISSER DE TRACES (Tome 1)

RÉACTION EN CHAÎNE (Tome 2)

LA QUEUE ENTRE LES JAMBES (Tome 3)

LES PENDULES À L’HEURE (Tome 4)

QUI VA À LA CHASSE (Tome 5)

À VOTRE SANTÉ (Tome 6)

DE SAC ET DE CORDE (Tome 7)

UN PLAT QUI SE MANGE FROID (Tome 8)

SANS COUP FÉRIR (Tome 9)

À TOUT JAMAIS (Tome 10)

LE GRAIN DE SABLE (Tome 11)

LE TRAIN EN MARCHE (Tome 12)

PIÉGÉE (Tome 13)

LE RÉVEIL (Tome 14)

BANNI (Tome 15)

MANQUE (Tome 16)



SÉRIE MYSTÈRE MACKENZIE WHITE

AVANT QU’IL NE TUE (Volume 1)

AVANT QU’IL NE VOIE (Volume 2)

AVANT QU’IL NE CONVOITE (Volume 3)

AVANT QU’IL NE PRENNE (Volume 4)

AVANT QU’IL N’AIT BESOIN (Volume 5)

AVANT QU’IL NE RESSENTE (Volume 6)

AVANT QU’IL NE PÈCHE (Volume 7)

AVANT QU’IL NE CHASSE (Volume 8)

AVANT QU’IL NE TRAQUE (Volume 9)

AVANT QU’IL NE LANGUISSE (Volume 10)

AVANT QU’IL NE FAILLISSE (Volume 11)



LES ENQUÊTES D’AVERY BLACK

RAISON DE TUER (Tome 1)

RAISON DE COURIR (Tome2)

RAISON DE SE CACHER (Tome 3)

RAISON DE CRAINDRE (Tome 4)

RAISON DE SAUVER (Tome 5)

RAISON DE REDOUTER (Tome 6)



LES ENQUETES DE KERI LOCKE

UN MAUVAIS PRESSENTIMENT (Tome 1)

DE MAUVAIS AUGURE (Tome 2)

L’OMBRE DU MAL (Tome 3)

JEUX MACABRES (Tome 4)

LUEUR D’ESPOIR (Tome 5)


TABLE DES MATIÈRES



PROLOGUE (#u0460443e-fca4-5a4b-aaab-4f9fd0bb940f)

CHAPITRE UN (#u00abcabc-498f-5847-9539-c8dcb64ba585)

CHAPITRE DEUX (#u2f040ffa-97fe-543e-b936-381f8e5a2a4f)

CHAPITRE TROIS (#ube310f64-4b97-53c1-b3aa-f59c1a47ef5d)

CHAPITRE QUATRE (#u779cfdcc-1311-54ef-8654-2ed2f284bbac)

CHAPITRE CINQ (#ud90415d9-fb6a-57eb-81d3-dad1dc25c516)

CHAPITRE SIX (#u551bfc83-2dc5-5501-85fc-ea017bf7a269)

CHAPITRE SEPT (#u89dec059-4393-5e8d-ab8c-5698c2579223)

CHAPITRE HUIT (#litres_trial_promo)

CHAPITRE NEUF (#litres_trial_promo)

CHAPITRE DIX (#litres_trial_promo)

CHAPITRE ONZE (#litres_trial_promo)

CHAPITRE DOUZE (#litres_trial_promo)

CHAPITRE TREIZE (#litres_trial_promo)

CHAPITRE QUATORZE (#litres_trial_promo)

CHAPITRE QUINZE (#litres_trial_promo)

CHAPITRE SEIZE (#litres_trial_promo)

CHAPITRE DIX-SEPT (#litres_trial_promo)

CHAPITRE DIX-HUIT (#litres_trial_promo)

CHAPITRE DIX-NEUF (#litres_trial_promo)

CHAPITRE VINGT (#litres_trial_promo)

CHAPITRE VINGT ET UN (#litres_trial_promo)

CHAPITRE VINGT-DEUX (#litres_trial_promo)

CHAPITRE VINGT-TROIS (#litres_trial_promo)

CHAPITRE VINGT-QUATRE (#litres_trial_promo)

CHAPITRE VINGT-CINQ (#litres_trial_promo)

CHAPITRE VINGT-SIX (#litres_trial_promo)

CHAPITRE VINGT-SEPT (#litres_trial_promo)

CHAPITRE VINGT-HUIT (#litres_trial_promo)

CHAPITRE VINGT-NEUF (#litres_trial_promo)

CHAPITRE TRENTE (#litres_trial_promo)

CHAPITRE TRENTE ET UN (#litres_trial_promo)

CHAPITRE TRENTE-DEUX (#litres_trial_promo)

CHAPITRE TRENTE-TROIS (#litres_trial_promo)

CHAPITRE TRENTE-QUATRE (#litres_trial_promo)

CHAPITRE TRENTE-CINQ (#litres_trial_promo)

CHAPITRE TRENTE-SIX (#litres_trial_promo)




PROLOGUE


Sherry Luntz n’était pas spécialement une sentimentale, mais elle aimait fêter les occasions spéciales. C’était pour ça qu’elle roulait légèrement au-dessus de la limitation de vitesse pour rentrer chez elle du travail. Elle avait deux steaks dans un sac posé sur le siège à côté d’elle, ainsi qu’une bouteille de vin rouge. Aujourd’hui, c’était leur anniversaire de mariage. Elle était mariée à Bo Luntz depuis maintenant vingt et un ans et c’était le premier anniversaire de mariage qu’ils passaient seuls chez eux, sans leur fils. Elle avait espéré que le départ de ce dernier aurait un peu pimenté leur vie conjugale, mais ça n’avait pas été le cas. On aurait dit que ça avait plutôt creusé un fossé entre eux.

La dernière fois qu’ils avaient couché ensemble remontait à deux semaines et ça avait été une sorte de formalité effectuée à la va-vite, un matin, avant d’aller travailler. Mais ce soir… c’était leur anniversaire de mariage et ils allaient célébrer ça dignement. Si Bo ne prenait pas les initiatives, elle avait prévu d’enfiler un petit dessous affriolant qu’elle avait acheté la semaine dernière sur internet et qu’elle n’hésiterait pas à sortir de son armoire.

Elle arriva chez elle à 17h25, cinq minutes avant l’heure à laquelle elle rentrait normalement à la maison. Le pickup de Bo était garé dans l’allée, ce qui voulait dire qu’il était déjà rentré. Ce n’était pas anormal, vu qu’il rentrait généralement avant elle.

Elle se gara et sortit de voiture. Elle réalisa soudain qu’il était possible que Bo ne se rappelle même pas que c’était leur anniversaire de mariage. Il avait normalement une bonne mémoire et se rappelait les dates importantes, mais dernièrement il avait été un peu distrait. Depuis que Luke était parti à l’université, Bo avait été plus distant et il n’avait pas vraiment été lui-même.

Il n’empêche que… elle serait vraiment très fâchée s’il avait oublié leur anniversaire de mariage. Mais vu qu’elle avait aussi très envie de lui sauter dessus ce soir, elle pourrait peut-être attendre demain avant de lui faire la tête.

Elle entra dans la maison. Le silence y régnait. Elle regarda dans le salon qui donnait vers la cuisine, et elle vit que Bo n’était pas là. C’était bizarre vu que, presque tous les après-midis, il était soit assis dans la cuisine à répondre à ses emails, soit vautré dans le divan à regarder les nouvelles à la télé.

Elle fut d’abord un peu surprise mais très vite, un sourire se dessina sur ses lèvres. Peut-être qu’il se rappelait non seulement que c’était leur anniversaire de mariage, mais qu’il était aussi excité qu’elle à l’idée de le célébrer dignement. Elle posa les steaks et la bouteille de vin sur le plan de travail de la cuisine et gravit lentement les escaliers qui se trouvaient entre le salon et la cuisine. Elle savait que Bo n’était pas du genre à utiliser des pétales de roses ou de la musique douce pour la séduire. Aucun des deux n’était particulièrement romantique.

Et ça lui allait très bien comme ça. Franchement, elle serait tout aussi heureuse s’il la surprenait derrière la porte de la chambre et qu’il la prenait là, contre le mur. Elle fut excitée à la seule idée d’y penser et elle accéléra le pas en arrivant en haut des marches.

« Bo ? » dit-elle, avec une touche d’espièglerie dans la voix.

Elle passa devant la salle de bains et arriva devant la porte de leur chambre à coucher. Elle était fermée et elle essaya de se rappeler si elle l’avait fermée en partant ce matin. Mais trop excitée pour y réfléchir plus longtemps, elle ouvrit la porte, en s’attendant à ce qu’il l’attrape par surprise ou qu’il soit allongé tout nu sur le lit, à l’attendre.

Mais il n’y avait personne. Elle fronça les sourcils et fit demi-tour dans le couloir. Où est-ce qu’il peut bien être ?

Puis elle se rappela qu’elle lui avait envoyé un message pour lui dire qu’elle avait acheté des steaks. Elle avait failli terminer son message en disant ‘pour célébrer notre anniversaire de mariage’ mais elle s’était ravisée, en espérant qu’il s’en rappellerait tout seul. Vu qu’il savait qu’elle amenait des steaks, il était probablement sur la terrasse, occupé à allumer le barbecue.

Un peu déçue par le fait de ne pas avoir de surprise dans la chambre à coucher, Sherry redescendit au rez-de-chaussée. En passant par la cuisine, elle faillit prendre les épices pour les steaks mais elle décida d’aller d’abord dire bonjour à Bo. Peut-être qu’elle l’embrasserait langoureusement, histoire de le mettre sur la piste de ce qu’elle attendait plus tard dans la soirée.

Elle ouvrit la porte de la terrasse et sortit. Elle vit Bo au moment de refermer la porte derrière elle. Il lui fallut un moment pour comprendre ce qu’elle voyait.

Il était couché sur la terrasse, face à la porte. Ses yeux étaient écarquillés et il y avait quelque chose de foncé qui lui sortait de la bouche – quelque chose de rond et de mou. Elle essaya de voir ce que c’était et à ce moment-là, elle vit qu’il y avait une large flaque de sang autour de sa tête. Du sang encore humide.

« Bo… ? »

Bien entendu, Bo ne répondit pas.

Sherry sentit un hurlement lui monter dans la gorge. Elle remarqua l’odeur d’allume-feu et de charbons ardents. Bo était effectivement sorti pour allumer le barbecue. Soudain, l’odeur de charbon fut la seule chose dont elle était encore consciente. Elle tomba à genoux en hurlant et se mit à pleurer à côté du corps de son mari.




CHAPITRE UN


« Vous êtes sur le répondeur de Danielle… Laissez un message après le bip sonore. »

Chloé raccrocha et posa son téléphone sur le comptoir. Elle regarda par la fenêtre du bar où elle était entrée par hasard. C’était un jeudi après-midi et elle prenait un verre toute seule, deux jours après avoir élucidé sa dernière enquête. Elle était encore sous le coup de la manière dont elle s’était terminée, mais ce n’était pas ce qui la préoccupait le plus. En regardant à travers la fenêtre les derniers rayons du soleil inonder les rues de Washington, Chloé se préoccupait surtout pour Danielle.

Ça faisait deux jours qu’elle n’avait pas parlé à sa sœur. Elle savait que ça ne faisait pas très longtemps, mais vu la manière dont les choses s’étaient déroulées entre elles récemment, elle ne pouvait s’empêcher de se préoccuper. De plus, ce n’était pas comme si elle avait seulement éteint son téléphone. Il n’y avait personne chez elle non plus. Chloé était passée par son appartement et personne ne lui avait ouvert la porte.

Chloé finit sa seconde bière de l’après-midi et jeta un coup d’œil à l’horloge de son téléphone. Il était 17h17 – une demi-heure s’était écoulée depuis la dernière fois où elle avait regardé. Elle ne se rappelait pas à quand remontait la dernière fois où elle s’était autant préoccupée.

Du coup de l’œil, elle vit le barman s’approcher d’elle. Il fit un geste de la tête en direction du verre vide et dit : « Une autre ? »

Elle faillit accepter. Elle ne buvait pas très souvent mais elle se disait qu’elle arrêterait peut-être de se préoccuper si elle continuait à boire. Elle pourrait se saouler, prendre un taxi pour rentrer chez elle, s’effondrer dans son lit et se réveiller demain matin en se rendant compte qu’elle s’était préoccupée pour rien.

Mais ça ne lui ressemble pas. Ça ne ressemble pas à la nouvelle Danielle que je connais.

« Non, merci, » dit-elle. « Juste l’addition. »

Il alla à la caisse pour aller la chercher. Chloé reprit son téléphone en main. Son journal d’appels prouvait combien elle était préoccupée – surtout cet après-midi. Elle était même allée jusqu’à appeler le club de strip-tease où Danielle travaillait en tant que serveuse. Et ce fut à ce moment-là qu’elle commença vraiment à se préoccuper. Le patron de Danielle lui avait dit qu’elle avait appelé il y a deux jours pour dire qu’elle était malade, qu’elle avait un mauvais rhume ou un truc dans le genre.

Mais si c’était le cas, elle n’était pas restée au chaud chez elle. Et elle ne répondait pas au téléphone. Ça n’avait pas de sens d’éteindre son téléphone quand on était malade, non ?

Le barman lui tendit l’addition et elle lui fit glisser sa carte de crédit. Elle se demanda si elle ne devrait pas signaler sa disparition auprès de la police. Mais ce serait stupide. Si quelqu’un signalait une disparition dans le même genre de circonstances et qu’elle devait s’en occuper, elle lèverait probablement les yeux au ciel et l’ignorerait. De plus… vu les antécédents de Danielle, ce serait la dernière chose dont elle aurait besoin. La connaissant, il était très possible qu’elle ait tout simplement décidé de changer d’air.

Non, pas cette nouvelle Danielle…

Chloé sortit du bar encore plus frustrée qu’avant. Elle essaya de se focaliser sur une émotion en particulier – la préoccupation ou la frustration – mais elle se rendit compte qu’elles allaient de pair. Elle se dirigea vers son appartement, en essayant de se convaincre qu’elle se faisait du souci pour rien. Il n’y avait aucune raison de penser que quelque chose ne tournait pas rond. Elle n’avait jamais été du genre à se préoccuper. Elle avait toujours tendance à trouver une raison logique pour ne pas se faire de souci. Elle était sûre que, dès qu’elle arrêterait de se focaliser là-dessus, Danielle l’appellerait et lui dirait qu’elle était partie rendre visite à de vieux amis dans le Maryland, ou un truc dans le genre.

Juste au moment où cette idée rassurante lui traversait l’esprit, son téléphone se mit à sonner.

Son cœur cessa de battre. Elle était tellement persuadée que c’était Danielle, qu’elle ne prit même pas la peine de jeter un coup d’œil à l’écran. Elle faillit même dire le nom de sa sœur en décrochant.

« Allô ? »

« Agent Fine… bonjour, » dit une voix masculine. Il lui fallut un moment pour reconnaître cette voix et quand elle le fit, elle se sentit un peu mal d’être aussi déçue. C’était Kyle Moulton. À tout autre moment, elle aurait été enchantée d’entendre sa voix mais là, elle était vraiment préoccupée pour sa sœur.

« Salut, Moulton. »

« Désolé de t’appeler sans crier gare. En général, ils me laissent passer des coups de fil à cette heure-ci et j’ai eu envie de savoir comment tu allais. »

« Je vais bien. » Elle fit la grimace en s’entendant mentir et en se rendant compte combien ses mots sonnaient faux. « Tu sais quoi ? » dit-elle. « En fait, ça ne va pas des masses. »

« Le boulot ? »

« Non. Des trucs personnels. »

« Ah, je vois. Dis donc, Fine. La dernière fois qu’on s’est parlé, tu avais déjà des soucis à ce niveau-là. Ça ne va pas mieux ? »

« Tu poses bien beaucoup de questions pour quelqu’un qui est derrière les barreaux et qui ne va pas pouvoir me soutenir émotionnellement. »

Il eut un petit rire. « Je sais. Désolé. Mais il y a pas mal de choses qui se passent pour l’instant et il se pourrait bien que ma sentence soit écourtée de manière significative. En revanche, mes chances de pouvoir revenir travailler au FBI sont plutôt minces. »

« Alors, il y a de l’espoir. »

Il resta un moment silencieux et quand il se remit à parler, il le fit sur un ton légèrement triste. « Écoute… je voulais juste te dire bonjour. Je ne savais pas que tu avais encore autant de soucis personnels. Je peux te rappeler à un autre moment. »

« Non, ne te tracasse pas. C’est juste que… ça a été une dure journée. »

Elle faillit lui parler de ses craintes concernant Danielle, en se disant qu’il pourrait peut-être lui donner des conseils. Mais elle décida que c’était un peu trop personnel – puis, elle n’avait pas spécialement envie qu’il sache qu’elle pouvait être un peu paranoïaque.

« Alors… si je comprends bien, toute cette histoire avec ton père, ta sœur et le journal, ça ne s’est pas solutionné ? »

« Non… en fait, ça s’est… »

Elle s’arrêta – pas seulement de parler, mais aussi de marcher.

« Fine ? »

« Oui… »

Je n’ai pas pensé à papa. Je ne lui ai pas parlé depuis quelque temps… probablement pas depuis quelques jours…

« Moulton… tu viens de me faire penser à quelque chose que je n’avais pas pris en compte. Il faut que je te laisse. »

« Je suis content d’avoir pu t’aider, » dit-il, sur un ton joyeux. « Salut, Fine. »

Chloé raccrocha et appela le numéro de son père. Elle porta le téléphone à son oreille et entendit un clic, suivi de la messagerie vocale. Elle resta un moment immobile et réfléchit – en essayant de ne pas tout de suite envisager le pire.

Mais franchement, rien de tout ça ne collait. Vu combien son père voulait se racheter à ses yeux, il n’y avait aucune raison pour qu’il évite ses appels. Est-ce qu’il était possible qu’il soit également parti sans prévenir et qu’il ait disparu dans la nature ? Le fait qu’elle ait le même genre de silence de la part de Danielle… ça ne pouvait pas être une coïncidence.

Chloé remit son téléphone en poche et courut jusqu’à son appartement. Sa préoccupation s’était maintenant transformée en peur et elle eut l’impression que ce sentiment ne ferait que s’empirer à chaque minute qui passait.




CHAPITRE DEUX


Exactement seize minutes s’étaient écoulées entre le moment où Chloé avait reçu l’appel de Moulton et le moment où elle se gara devant l’appartement de son père. Elle y vit sa voiture sur le parking, ce qui était bon signe. Mais ça ne l’empêcha pas de continuer à se sentir de plus en plus oppressée. Elle grimpa les escaliers et frappa à la porte de l’appartement.

Elle attendit quelques secondes mais personne ne vint lui ouvrir. Elle frappa à nouveau, mais un peu plus fort cette fois-ci. Elle se pencha en avant et appuya son visage contre la porte en disant : « Papa, ouvre, c’est moi. »

Mais personne ne vint lui ouvrir. Elle essaya de tourner la poignée et fut surprise de constater que la porte n’était pas fermée à clé. Mais elle se rendait bien compte que ce n’était pas normal. Elle se sentit de plus en plus anxieuse et préoccupée.

Elle entra dans l’appartement et referma la porte derrière elle. L’endroit était silencieux et bien rangé. Elle entra dans le salon et regarda autour d’elle d’un air méfiant. Elle cherchait tout indice signalant que quelque chose d’anormal ait pu arriver, mais elle ne remarqua rien de spécial – à part le fait que la porte d’entrée ne soit pas fermée à clé.

Elle sortit du salon et traversa le petit couloir qui menait à sa chambre à coucher. Tout avait également l’air à sa place. Le lit était fait et il y avait une petite pile de vêtements sales à côté de la commode. Elle avait l’impression de s’immiscer dans la vie privée de son père et ça la mit un peu mal à l’aise. En même temps, elle se rappela le genre d’homme qu’il était… qu’il avait été avec sa mère et qu’il était toujours.

Elle sortit de la chambre, en regrettant un peu d’avoir décidé de venir. Mais maintenant qu’elle était là, autant qu’elle en profite pour jeter un bon coup d’œil. Elle se dirigea vers la cuisine et, avant même d’y entrer, elle vit tout de suite quelque chose qui lui semblait bizarre.

La bouilloire était sur le sol. Il n’y avait pas d’eau autour et elle se trouvait à plus de deux mètres de l’endroit où elle aurait dû être posée, sur la cuisinière. Chloé se pencha lentement en avant pour la ramasser. Ses doigts hésitèrent un instant, à quelques centimètres de la poignée.

Il y avait une tache sur le côté – une sorte de rouge foncé, qui ressortait sur le corps en inox. Ce n’était pas vraiment une éclaboussure, mais plutôt une sorte de grosse goutte. C’était une teinte qu’elle avait très souvent vue au cours de sa formation au FBI, alors elle sut tout de suite de quoi il s’agissait.

C’était du sang, du sang séché, ce qui voulait dire qu’il se trouvait là depuis au moins huit à dix heures. Peut-être même plus longtemps.

Elle s’agenouilla près de la bouilloire et essaya d’imaginer ce qui avait pu se passer. Sa première réaction fut de penser que Danielle était venue voir leur père pour une raison ou une autre et qu’il l’avait attaquée – qu’il l’avait même peut-être emmenée loin. Mais ça ne tenait pas la route, vu que la voiture de son père était toujours là. Et si ça avait été une attaque et un enlèvement planifiés, il aurait été plus prudent et il n’aurait pas laissé d’indices derrière lui pouvant l’incriminer. Et cette bouilloire était une sacrée pièce à conviction.

Alors, si ce n’est pas ce qui s’est passé, qu’est-ce qui est arrivé ?

Elle n’en était pas sûre. Il y avait trop de possibilités à prendre en compte. Mais une chose dont elle était certaine, c’était qu’avec la porte ouverte, le sang sur la bouilloire et maintenant deux personnes disparues, elle avait une raison valable d’appeler la police.

Chloé sortit son téléphone et faillit appeler le directeur Johnson. Mais elle savait que ce serait une erreur. Ce genre d’affaire devait d’abord être traitée par la police locale. Même si elle pensait que le FBI pourrait mieux gérer l’enquête vu qu’ils connaissaient les antécédents des deux disparus, c’était l’affaire de la police – pour l’instant.

Elle appela la police et au moment où elle entendit une femme décrocher à l’autre bout du fil, elle regarda la goutte de sang sur la bouilloire et se demanda si ce sang appartenait à son père ou à sa sœur.



***



Ça faisait vraiment bizarre d’être interrogée. Le détective qui prit sa déclaration en eut l’air très conscient. Prendre la déposition d’un agent du FBI dans le cadre d’un problème familial n’était pas monnaie courante. En même temps, le détective devait probablement savoir que l’agent du FBI qu’il avait en face de lui allait très certainement le jauger.

Chloé se sentit mal pour lui, vraiment… parce que c’était vrai, elle le jaugeait. Il était très grand et il devait avoir la cinquantaine. Il avait l’air d’avoir l’esprit vif – une qualité qu’elle avait souvent remarquée chez les détectives.

Il faisait du bon boulot, bien qu’il ait l’air assez dubitatif concernant la situation. Il était venu avec deux policiers, qui étaient encore occupés à inspecter les lieux. Chloé resta polie et évita de leur dire qu’elle avait déjà passé l’endroit au peigne fin.

« Et vous dites que la porte n’était pas fermée à clé ? » lui demanda le détective.

Ils étaient assis sur des tabourets dans la cuisine et regardaient l’endroit en y cherchant encore des indices. « Oui, » répondit Chloé.

« Est-ce que vous savez si c’était dans ses habitudes ? »

« Non, je ne sais pas. Mais je ne pense pas que ce soit le cas. Ça ne fait qu’un mois qu’il est à Washington. Je doute qu’il se sente déjà aussi à l’aise. »

« Est-ce qu’il y a une raison pour laquelle votre père aurait pu inviter votre sœur à venir ? »

Elle n’allait pas mentionner le fait que Danielle était entrée par effraction dans son appartement pour voler le journal de leur mère. Si elle le faisait, elle attirerait l’attention sur Danielle, alors que c’était son père, le mauvais. Elle était bien consciente que ça entraverait l’enquête, mais elle n’avait pas le choix. Elle devait mentir.

« Il n’y en a aucune qui me vienne à l’esprit, » dit Chloé. « Papa essayait de recoller les morceaux avec nous. On n’est pas une famille très proche, mais Danielle a toujours été un peu plus encline à croire ce qu’il disait. » Et voilà, le mensonge. « Alors peut-être qu’il lui a demandé de passer pour parler. Je ne sais pas. »

« Mais à en juger par la bouilloire et le sang qui s’y trouve, il se pourrait que ça ne se soit pas aussi bien passé que ça, » dit le détective.

« C’est ce qui me fait peur. »

« Le truc qui me dérange, c’est qu’on n’a que la bouilloire, » dit le détective. « Oui, c’est vrai, il y a du sang dessus, mais il n’y a pas une seule trace de lutte. »

« Je dirais que le sang en est une. »

« Et vous êtes certaine que c’est votre père qui l’a brandie ? Il est possible que ce soit son sang à lui. »

« J’en doute fortement, » dit Chloé.

Mais au moment où il lui posa cette question, elle commença à envisager une autre alternative – une alternative qu’elle n’avait pas envisagée, tellement elle avait été préoccupée pour Danielle. Si la porte n’était pas fermée à clé et qu’il n’y avait aucune trace de lutte… ça avait plutôt tendance à indiquer que c’était Danielle l’assaillante et non pas l’inverse. Elle serait partie de manière précipitée, en oubliant de fermer la porte à clé. Et ça aurait été plus facile pour elle de surprendre son père et de le frapper avec la bouilloire, parce qu’il ne se serait jamais attendu à ce qu’elle l’attaque.

Mais elle préféra garder ça pour elle. Elle ne voulait pas donner l’impression que Danielle puisse être l’agresseur. Elle remarqua que le détective la scrutait du regard, comme s’il savait ce à quoi elle venait de penser. Après quelques instants, il griffonna quelque chose sur un bloc-notes qu’il tenait en main, avant de se lever de son tabouret.

« Eh bien, vous connaissez la chanson, agent Fine, » dit-il. « Tout ce qu’on a, c’est ce sang. Nous allons le faire analyser, comme vous vous en doutez. Et vous recevrez probablement les résultats plus rapidement que nous. Nous allons faire un prélèvement et l’envoyer au labo. »

« Merci. »

« Et surtout, appelez-nous si vous pensez à quoi que ce soit. Si, vous savez… quelque chose vous revient. »

Le ton de sa voix indiquait qu’il avait l’impression qu’elle ne lui disait pas tout. Mais son expression lui disait également que ce n’était pas forcément un problème. En étant détective à Washington, il avait peut-être déjà été confronté à des enquêtes liées à des agents du FBI, ou il en avait très certainement entendu parler.

Il fallait qu’elle s’en rappelle. Il ne la voyait sûrement pas comme une sœur paniquée, mais plutôt comme un agent rationnel qui savait qu’il y avait une procédure à suivre. Et de fait, elle savait qu’il y avait une procédure à suivre. Elle ne pouvait pas s’attendre à ce qu’on ignore les règles, juste parce que cette affaire lui était personnelle.

« Je n’y manquerai pas, » dit-elle. « Et merci. »

« Entretemps, nous allons diffuser le signalement de votre sœur et de sa voiture. »

Le détective se dirigea vers la chambre à coucher, pour rejoindre les autres policiers. Chloé se leva de son tabouret, en ne sachant pas vraiment où aller, ni quoi faire. Elle était toujours persuadée que c’était son père qui devait avoir fait quelque chose de mal. Danielle avait déjà fait des choses regrettables dans le passé mais Chloé ne pensait pas qu’elle soit capable de meurtre.

Leur père, en revanche, l’était tout à fait. Le passé le leur avait prouvé.

Et si Danielle était avec lui et que la situation entre eux était tendue, Chloé était sûre que son père n’aurait aucun scrupule à s’en prendre à elle afin de s’assurer de garder sa liberté.

Elle se dirigea vers la porte de l’appartement. Elle se dit qu’un passage par l’appartement de Danielle était l’étape suivante la plus logique. Peut-être qu’elle y trouverait des indices, ou des preuves que…

Son cheminement de pensée fut à nouveau interrompu par la sonnerie de son téléphone. Elle le sortit rapidement de sa poche et cette fois-ci, elle lut le nom qui s’affichait à l’écran avant de décrocher. Elle ne fut pas surprise de ne pas y voir le nom de Danielle, mais elle fut déçue en voyant qui l’appelait.

Directeur Johnson.

Elle décrocha en sachant qu’elle devait faire attention à ce qu’elle disait. Elle ne voulait pas que Johnson sache qu’elle avait appelé la police. Le moins il en savait sur ses problèmes familiaux, le mieux ce serait.

« Fine, » dit-elle, en décrochant.

« Fine, c’est Johnson. Vous êtes en ville ? »

« Oui, monsieur. »

« Vous êtes bien reposée ? Est-ce que ces deux derniers jours vous ont fait du bien ? »

« Je me sens en pleine forme, monsieur. »

« Tant mieux. Écoutez, je sais que c’est un peu dernière minute et que ça ne vous laisse pas beaucoup le temps de souffler après votre dernière affaire, mais je voudrais que vous veniez me voir. J’ai une autre affaire dont j’aimerais discuter avec vous. C’est assez urgent, alors j’apprécierais que vous puissiez venir assez vite. »

Elle se sentit soudain submergée en s’imaginant essayer de travailler sur une enquête, avec tout ce qui se passait actuellement dans sa vie privée. Mais elle savait que si elle refusait de venir, Johnson allait poser des questions. Et plus il allait en poser, plus il se rapprocherait de la vérité.

« Je serai là dans dix minutes, » dit-elle.

« Parfait. »

Johnson raccrocha. Chloé regarda autour d’elle et pendant un moment, elle resta immobile et silencieuse avant de se diriger vers la porte d’entrée. Elle avait non seulement l’impression d’abandonner le mystère que cet endroit renfermait, mais aussi sa sœur.




CHAPITRE TROIS


Danielle savait qu’à une époque, elle avait mené une vie toxique – guidée par un mauvais choix de partenaires, de l’alcool et des drogues en excès, et son dédain pour l’autorité. Elle en était bien consciente et elle n’avait aucun problème avec ça. Le fait d’accepter cette partie de son passé était une manière de parvenir à le laisser derrière elle. Et l’une des choses positives qu’elle retirait de ce passé sombre, c’était que ça l’avait obligée à être tout le temps en mouvement, à déménager continuellement. D’un état à l’autre.

Entre l’âge de dix-sept ans et de vingt-cinq ans, elle avait vécu dans neuf villes différentes, sur cinq états. C’était comme ça qu’elle connaissait Millseed, au Texas.

Millseed était un trou perdu. Quand elle y avait vécu, il y a quatre ans, cette ville minuscule était déjà au bout du rouleau. La population de quatre cents habitants suffisait à peine pour faire survivre l’épicerie et le petit magasin qui se trouvaient au centre-ville.

Il n’y avait même pas vraiment de quartier résidentiel. Il y avait quelques maisons ici et là, le long des routes à deux bandes, et deux parcs à mobil homes juste après les limites de la ville. Danielle avait vécu dans l’un de ces parcs pendant sept mois plutôt difficiles de sa vie. La méthamphétamine était monnaie courante et elle ne savait toujours pas comment elle était parvenue à ne pas en consommer. L’homme avec lequel elle vivait à l’époque y était devenu accro et il se trouvait actuellement en prison pour en avoir distribué.

Mais en arrivant à Millseed il y a deux jours, Danielle ne s’était pas arrêtée au parc à mobil homes. Elle fut d’ailleurs assez surprise de constater que l’endroit existait toujours. Elle avait continué à rouler sur huit cents mètres, jusqu’à un bâtiment qui était autrefois l’abattoir municipal. C’était un édifice quelconque, niché derrière un terrain vague envahi de mauvaises herbes, de plantes grimpantes et de buissons épineux. Le bâtiment était encore pire que dans ses souvenirs. En voyant son allure sale et crasseuse, elle se rappela qu’il avait également été utilisé à des fins beaucoup plus glauques. Après avoir fait office d’abattoir pour des milliers de cochons, il avait été utilisé pour produire de la méthamphétamine et de l’ecstasy de basse qualité. Elle l’avait appris par les gens qu’elle fréquentait à l’époque, ces paumés avec qui elle avait traînés pendant les mois où elle avait vécu à Millseed.

Mais maintenant, Danielle se demandait si elle n’avait pas été ramenée vers Millseed pour une autre raison – pour une raison qui la dépassait. C’était le premier endroit qui lui était venu en tête quand elle avait pensé à ce qu’elle allait faire, et c’était vraiment l’endroit parfait.

Debout devant l’abattoir, les yeux perdus dans le terrain vague qui se trouvait devant elle, elle se dit que la vie n’était parfois qu’un vaste cercle, qui pouvait quelquefois vous ramener à un endroit dont vous étiez parvenu à vous échapper de justesse. Elle fumait une cigarette, quelque chose qu’elle n’avait plus fait depuis qu’elle avait quitté cet endroit misérable, et elle réfléchissait à ce qu’elle allait faire ensuite.

Elle avait amené son père jusqu’ici pour le tuer et maintenant, elle était parvenue au point de non-retour. Une partie d’elle avait très envie d’appeler Chloé pour la mettre au courant. Elle voulait au moins que sa sœur sache qu’elle n’était pas en danger. Elle lui devait au moins ça.

De plus… ce qu’elle venait de faire allait avoir des répercussions sur leurs vies à toutes les deux. Danielle partait du principe qu’elle n’échapperait jamais à ce qu’elle avait fait… qu’elle devrait faire face aux conséquences de ses actes pendant le reste de sa vie. Mais pour Chloé, ce serait différent. Elle aurait à faire face à un tout autre genre de séquelles et vivre le reste de sa vie en essayant de comprendre pourquoi sa sœur avait fait une telle chose.

Danielle ne comprenait pas pourquoi Chloé lui manquait autant. Elle avait vécu près de dix ans sans sa sœur et elle s’en était très bien sortie. Enfin… très bien, c’était un peu exagéré. Elle avait essentiellement survécu pendant ces années, et rien de plus.

Elle aspira une dernière bouffée de sa cigarette, la jeta par terre et l’écrasa. Elle en détestait le goût mais c’était quelque chose qui lui semblait approprié à la situation. Elle avait fumé la moitié d’un paquet en une journée et bien que ça lui permette de se calmer, elle était d’autant plus convaincue que, dès qu’elle en aurait terminé avec ce qu’elle avait à faire, elle arrêterait.

Quand elle entra à nouveau dans l’abattoir, elle eut l’impression d’entrer dans une autre dimension. Un peu comme si elle pénétrait dans un de ces univers post-apocalyptiques qu’on voyait souvent dernièrement à la télé. À un moment donné de son histoire, le bureau qui se trouvait au bout de l’abattoir avait été démoli et réduit en morceaux ; des petits blocs de béton et des morceaux de ferraille étaient encore visibles au bord du terrain vague, bien qu’ils soient presque entièrement recouverts de végétation épaisse. La seule chose qui avait été laissée en place, c’était le grand espace rectangulaire en béton où les animaux étaient abattus. Il y avait des taches sur le sol, qui indiquaient l’emplacement d’anciennes grilles métalliques rouillées. Même dans l’état où elle se trouvait actuellement, Danielle ne pouvait imaginer les horreurs qui avaient dû avoir lieu derrière ces grilles.

Elle traversa la ‘zone d’abattage’ et se dirigea vers l’une des deux grandes salles qui se trouvaient à l’arrière de l’édifice. Elles n’étaient séparées de la zone d’abattage que par un demi-mur, permettant un accès facile entre les différents espaces.

À l’intérieur de cette salle, Aiden Fine était pendu par les bras à une corde qui était reliée à un rail en métal dans le plafond. Danielle supposait que les rails et les cordes avaient autrefois servis à attacher les cochons et à les amener lentement vers leur mort. En tout cas, ils lui avaient permis d’immobiliser son père. Il avait les bras tendus à la verticale et la corde lui entourait les poignets.

« Danielle, » dit-il. « S’il te plaît… réfléchis bien. Tu n’es pas obligée de faire ça. » Il parlait sur un ton hagard. Mais au moins, il ne pleurait plus. Mon dieu, combien elle avait détesté quand il s’était mis à pleurer, au moment où ils étaient arrivés au Texas. Elle n’était pas parvenue à ignorer les sanglots qui venaient du coffre de la voiture, même en augmentant le volume de la musique.

« À nouveau la même rengaine ? » dit-elle. Elle s’assit sur une pile de vieilles palettes en bois qui avaient été jetées dans un coin. Elle regarda son père, réalisa que c’était elle qui l’avait attaché à cette corde et elle se demanda quel genre de monstre elle était devenue.

« Danielle, je… »

« Tu quoi ? »

« Je suis désolé. »

Elle s’approcha de lui et le regarda dans les yeux. Il commençait à être visiblement fatigué et il avait mal, vu la position de ses bras. Ses pieds étaient posés sur le sol mais ses bras étaient tirés vers le haut, dans un angle assez inconfortable.

« Désolé pour quoi ? » demanda Danielle.

Il eut l’air d’y réfléchir pendant un instant. Elle se demanda s’il envisageait vraiment de confesser tous ses crimes. Mais finalement, il resta silencieux. Danielle fronça les sourcils et se dirigea vers le côté de la salle où elle avait laissé un petit sachet de courses. Il contenait des bouteilles d’eau et des crackers. Elle ouvrit l’une des bouteilles d’eau et s’approcha de lui.

« Ouvre la bouche, » dit-elle.

Il plissa les yeux et pendant une fraction de seconde, elle eut l’impression d’y voir de la colère. Mais cette expression fut rapidement remplacée par une sorte de remerciement. Il ouvrit la bouche. C’était la première fois qu’il avait l’occasion de boire en plus de vingt-quatre heures.

Elle versa lentement le liquide dans sa bouche et il l’avala goulûment. Elle continua à verser jusqu’à ce qu’il se mette à tousser. Quand elle eut terminé, Danielle referma la bouteille d’eau et retourna s’asseoir sur sa pile de palettes.

« Qu’est-ce que tu veux ? » demanda Aiden. « Je ne sais pas ce que tu penses que j’ai fait, mais… »

« Ne fais pas l’idiot, papa. Tu mérites ce qui t’arrive. Je sais que ça te fend le cœur que je ne sois plus une petite fille de huit ans que tu peux intimider et brimer. Ça doit te faire du mal de ne plus avoir ce pouvoir sur moi. Mon dieu… comme j’aurais aimé pouvoir te faire tout ça à l’époque… »

« C’est au sujet de ta mère ? » Il avait l’air presque surpris et ça énerva encore plus Danielle.

« En partie. Essentiellement. Papa, on sait tout. On a lu son journal. »

« Quel journal ? »

Danielle se leva lentement de sa pile de palettes, elle s’approcha de lui et elle le gifla de toutes ses forces. Le corps de son père se balança au bout de sa corde, sous la force de l’impact.

« Réfléchis avant de parler, » dit-elle.

Aiden Fine regarda autour de lui d’un air effrayé. Il cherchait visiblement quelque chose à lui dire qui pourrait la calmer.

« Ne cherche pas, » dit-elle. « Je veux la vérité. On a son journal et on l’a lu. On sait tout. »

Il la regarda dans les yeux. Toute une série d’émotions passèrent dans son regard – depuis la colère jusqu’à la peur et au ressentiment. Mais il finit par choisir le désarroi.

« S’il te plaît, Danielle. Réfléchis bien avant de commettre l’irréversible. »

« J’ai déjà bien réfléchi, » dit-elle, en lui tournant le dos. « Peut-être même un peu trop. »

Elle retourna près du sac en plastique et en sortit deux autres objets : un chiffon propre et le journal de sa mère. Elle posa le journal sur la pile de palettes et s’approcha de son père avec le chiffon. Elle l’appuya lentement contre sa bouche et le noua derrière sa tête, pour en faire un bâillon.

Elle retourna ensuite à la pile de palettes, s’assit dessus et ouvrit le journal. « Quelle partie tu voudrais entendre en premier ? » demanda-t-elle. « Le moment où maman savait que tu la trompais avec une autre femme – Ruthanne Carwile, au cas où tu aurais oublié –, ou les fois où elle avait peur que tu la tues ? »

Elle prit beaucoup de plaisir à entendre les gémissements étouffés de son père à travers le bâillon. Finalement, son plan allait marcher. Elle s’était débarrassée de son téléphone, en le jetant par la fenêtre, quelque part, en Virginie. Sa voiture était garée derrière le vieil abattoir, dissimulée dans la végétation, à un endroit qui devait probablement être le lieu où les camions venaient faire leur livraison, à l’époque.

Elle était complètement invisible. Elle avait un magnétophone pour enregistrer les confessions de son père et une arme pour lui tirer une balle entre les deux yeux. Elle n’espérait pas qu’il confesse facilement mais ce n’était pas grave. Elle n’avait aucun problème à le faire mijoter, en attendant. La seule question était de savoir combien de temps elle pourrait rester patiente.

Elle se mit à lire. Elle le fit sur un ton malicieux, comme si elle lisait une histoire à un enfant. Elle l’observa pour voir s’il réagissait en entendant les mots écrits par sa mère. Oui, elle avait envie qu’il ait mal et elle n’avait aucun problème à l’admettre. Et elle se demanda si, quelque part, elle n’avait pas déjà dépassé certaines limites – et qu’elle se trouvait si loin de toute logique qu’il n’y avait plus moyen de faire demi-tour.




CHAPITRE QUATRE


Quand Chloé entra dans le bureau de Johnson, elle vit que Rhodes était déjà là. Elle venait juste de prendre place sur l’une des chaises particulièrement inconfortables qui se trouvaient en face de Johnson. Elle regarda Chloé d’un air enthousiaste ; ce qui ne manqua pas de rappeler à Chloé que si elle n’était pas aussi embourbée dans ses problèmes personnels, elle aurait également été excitée à l’idée d’être appelée à travailler sur une nouvelle affaire.

Chloé prit place sur la chaise qui se trouvait à côté de Rhodes. Johnson fit un petit geste de la tête dans leur direction, tout en terminant de taper quelques mots sur son MacBook. Puis il soupira en baissant les épaules et il s’appuya contre le dossier de sa chaise pour les regarder.

« Je vous remercie d’être venues aussi rapidement. Nous avons une nouvelle affaire sur laquelle j’aimerais que vous travailliez. Deux hommes ont été assassinés en l’espace de quatre jours dans la banlieue de Baltimore. Des hommes d’âge moyen, tous les deux mariés. Pour l’instant, la police n’a aucun indice. Ça vient d’arriver sur mon bureau et j’ai tout de suite pensé à vous. »

Chloé regarda Rhodes. L’expression de son visage ressemblait à celle d’un taureau qu’on serait sur le point de lâcher dans une arène. Ce fut d’autant plus dur de dire ce qu’elle avait à dire.

« Monsieur, j’ai bien peur de ne pas pouvoir accepter d’affaire pour l’instant. » Les mots furent difficiles à sortir. Elle avait l’impression qu’ils lui écorchaient la gorge.

Johnson eut un petit sourire, mais ce n’était pas d’amusement. « Pardon ? »

« J’aurais aimé que ça n’interfère pas avec mon travail, mais ma sœur a disparu, monsieur. Ça fait presque quarante-huit heures. Et mon père a également disparu. »

Johnson cligna des yeux, comme s’il essayait de comprendre ce qu’elle venait de lui dire. Il essayait de savoir en quoi les problèmes personnels de Chloé pouvaient avoir un lien avec cette affaire. Le directeur Johnson était une personne respectueuse et il l’avait toujours très bien traitée, mais c’était également le genre d’homme qui était fermement convaincu que le boulot passait avant tout.

Il finit par hocher la tête. « Je suis au courant. Un ami m’a appelé… un détective auquel vous venez de parler. Il m’a appelé pour m’informer – non pas parce que vous étiez impliquée, mais parce que c’est généralement une politesse qu’il a à mon égard quand il enquête sur une affaire qui pourrait avoir des liens avec le FBI. Alors oui… je suis au courant concernant votre sœur, votre père et les quelques indices retrouvés sur la scène. »

Chloé fut outrée en entendant ça. Et dire que je faisais mon possible pour garder mes démons en cage, pensa-t-elle.

« Alors vous comprenez, » dit Chloé.

Johnson se redressa sur sa chaise, d’un air mal à l’aise. « Ce que je comprends, c’est que c’est une affaire qui vous touche personnellement et que vous auriez tendance à dramatiser. Sur base de ce que le détective Graves m’a dit, une altercation a certainement eu lieu chez votre père mais il n’y a pas assez d’indices solides pour envisager un enlèvement – et il croit que c’est ce que vous pensez. »

« Monsieur, vous penseriez sûrement différemment si vous connaissiez toute l’histoire et… »

« Mais je ne la connais pas. Et c’est pour ça que je fais confiance à Graves et à la police. Et s’ils pensent qu’il y a quoi que ce soit d’autre, ils m’en informeront. Ça reste une enquête de la police, Fine. »

Chloé sentit la colère monter en elle mais elle parvint néanmoins à se contrôler. Elle comprenait ce que Johnson cherchait à faire et d’une certaine manière, elle appréciait le geste. Il essayait de la maintenir occupée pendant que la police cherchait des réponses concernant la disparition de sa sœur et de son père. Le fait qu’il ait justement une enquête sur laquelle elle pouvait travailler avec Rhodes ne faisait que faciliter les choses.

« Fine… vous devez laisser la police faire son boulot, » dit Johnson. « Et pendant qu’ils font le leur, il faut que vous vous concentriez sur le vôtre. De plus, il est hors de question que je vous laisse vous mêler d’une enquête qui ne fait même pas partie de la juridiction du FBI. »

« Mais je pourrais leur être utile. »

« Je suis sûr que vous le seriez. Et si cette affaire finit dans les mains du FBI, peut-être que je vous laisserai la superviser. »

« Mais monsieur… »

« Je serai intraitable, Fine. Vous avez un boulot et j’attends de vous que vous le fassiez. Si vous voulez prendre des vacances, allez-y, je vous les accorderai sans problème. Mais si j’apprends que vous avez enquêté sur l’affaire concernant votre sœur pendant votre temps libre… »

Il s’interrompit, mais il n’avait pas besoin de terminer sa phrase. Elle savait ce qu’il voulait dire. Et elle savait qu’il avait raison, mais elle était encore agacée par la manière un peu désinvolte avec laquelle il traitait la disparition de sa sœur.

« Alors vous avez le choix entre deux options, Fine. Ou vous prenez quelques jours de congé et vous attendez que la police ait trouvé des réponses. Ou vous allez à Baltimore avec Rhodes et vous vous mettez à la recherche d’un assassin. »

Chloé n’avait pas trop le choix. Elle savait que si elle prenait des congés, elle finirait par enquêter sur la disparition de sa sœur. Et tant que ce n’était pas une affaire fédérale – si ça finissait par le devenir – elle pourrait s’attirer de gros ennuis en interférant dans une enquête qui n’était pas du ressort du FBI.

Ou elle pouvait s’occuper l’esprit avec le boulot. C’était un choix facile à faire, bien que son cœur ait envie de crier le contraire. « Je vais prendre l’affaire, » dit-elle.

« Très bien, » dit Johnson. « Je suis désolée pour vous… vraiment. Mais je m’attirerais également des problèmes si je vous laissais vous impliquer dans cette affaire. »

« Je sais, monsieur. »

Il hocha la tête et attendit une seconde, afin de s’assurer qu’elle n’avait rien de plus à ajouter. Chloé jeta un coup d’œil en direction de Rhodes, qui avait été mal à l’aise pendant toute la durée de leur conversation. On aurait dit un enfant qui attendait de savoir si la petite dispute entre papa et maman allait se terminer en bataille rangée.

« Comme je vous le disais, » dit Johnson. « Deux hommes ont été assassinés en l’espace de quatre jours, tous les deux mariés. Aucune piste, aucun indice… le seul point commun, c’est qu’ils vivaient dans la même région – à environ deux kilomètres l’un de l’autre. »

Il leur exposa les détails de l’enquête – comme d’habitude, il n’y en avait pas beaucoup – et Chloé fit de son mieux pour se concentrer. Mais elle continuait à penser à Danielle et à ce qu’elle pouvait bien traverser. Elle n’arriverait probablement pas à en détacher ses pensées, quel que soit le genre d’affaire qu’on lui assignait.

Et ce n’était pas la première fois au cours de sa courte carrière qu’elle craignait que sa vie de famille vienne mettre en péril son avenir.




CHAPITRE CINQ


Après une nuit sans avoir pu trouver le sommeil, Chloé retrouva Rhodes au parking du FBI le lendemain matin. Elles prirent une voiture de service et sortirent du parking à six heures du matin, afin d’éviter le trafic matinal sur le périphérique. Chloé remarqua que Rhodes faisait de son mieux pour cacher son excitation – qu’elle essayait maladroitement de dissimuler derrière de longues gorgées de café, en faisant semblant d’être concentrée sur la route.

« Écoute, » dit Chloé. « Vu qu’on va bosser ensemble sur cette affaire, autant que je te raconte tout de suite ce qui me préoccupe. » Rhodes haussa les épaules, en rejoignant le périphérique pour se rendre vers le Maryland. « Je pense que tu as pu te faire une petite idée hier soir, dans le bureau de Johnson. Danielle a disparu. Ce n’est pas vraiment inhabituel de sa part… ça a toujours été comme ça depuis qu’elle est adolescente. Elle va et elle vient un peu à sa guise. Mais cette fois-ci, c’est différent parce que je n’ai aucune idée de l’endroit où se trouve mon père. »

« C’est normal que tu envisages le pire, » dit Rhodes. « Vu tout ce que tu as traversé au cours de l’année qui vient de s’écouler. Ce qui m’amène à te poser une question qui me semble évidente : pourquoi n’as-tu pas pris quelques jours de congé ? »

« Parce que j’aurais fini par enquêter sur l’affaire. Et je préfère avoir un boulot au FBI, travailler activement sur une enquête et faire confiance à la police de Washington pour découvrir l’endroit où se trouve ma sœur, plutôt que d’être virée pour ne pas avoir pu m’empêcher de me mêler à l’enquête pendant mes soi-disant jours de congé. »

« Tu n’avais pas trop le choix, finalement, » soupira Rhodes.

« Oui, c’est un peu ça. »

« Au risque de te déplaire, je pense toutefois que Johnson a raison. Si ce n’est pas du ressort du FBI, il va falloir que tu fasses confiance à la police. »

« Je sais. Mais c’est plus difficile à faire quand c’est ta propre sœur qui a disparu. »

« Je n’imagine même pas ce que ça peut faire, » dit Rhodes. Il y avait une véritable émotion dans sa voix. Il était clair qu’elle le pensait.

Toute cette conversation avait néanmoins contrarié Chloé. Mais en même temps, elle se demanda si elle ne dramatisait pas un peu. Johnson avait eu l’air de dire que ce n’était pas si grave que ça et Rhodes avait l’air d’être d’accord avec lui.

Après ça, elles restèrent silencieuses un bon moment. Juste avant d’entrer dans Baltimore, une petite pluie fine se mit à tomber. Elles parvinrent à entrer en ville juste avant que le trafic d’heure de pointe n’envahisse les rues. Chloé jeta un coup d’œil aux maigres informations dont elles disposaient, juste quelques pages imprimées dans un dossier que Johnson leur avait donné. Elles avaient introduit l’adresse de la victime la plus récente dans le GPS. C’était un petit lotissement qui se trouvait à trois kilomètres en-dehors de la ville même de Baltimore.

« Fine, est-ce que tu peux me promettre quelque chose ? » demanda Rhodes, alors qu’elles s’approchaient de l’adresse.

« Je ne fais jamais de promesses, » dit Chloé. Elle avait eu l’intention de dire ça sur le ton de la rigolade, mais c’était sorti sur un ton un peu sec. « Mais je peux faire de mon mieux pour tenir parole. »

« OK, ça fera l’affaire. Je veux juste que tu sois franche avec moi et que tu me dises si tes soucis personnels commencent à t’affecter pendant qu’on travaille sur cette enquête. Pour une fois, j’aimerais qu’on trouve notre coupable en moins de vingt-quatre heures. Et qu’on élucide cette affaire en un tour de main. »

« Oui, pour ça, je peux te donner ma parole. »

Cette phrase eut pour effet de détendre instantanément l’atmosphère entre elles. Au moment où elles entrèrent dans le lotissement, Chloé se sentait presque normale. Bien sûr, elle pensait à Danielle à chaque seconde, mais elle se rappelait également combien Danielle avait souvent tendance à se comporter de manière désinvolte. Quand on prenait ça en compte, sa disparition ne semblait plus du tout aussi bizarre.

C’est vrai, mais papa, aussi ?

Elle balaya cette pensée de sa tête au moment où Rhodes se gara devant leur adresse de destination. C’était une maison à un étage, qui ressemblait beaucoup à toutes les autres maisons de la rue. Non pas qu’elle n’était pas jolie. Elle était simple, mais elle en imposait.

« Ça va aller ? Tu es prête ? » demanda Rhodes.

Chloé ravala la réponse acerbe qu’elle avait sur le bout de la langue. Si Rhodes commençait à prendre des pincettes avec elle à cause de Danielle, elle n’était pas sûre d’être capable de terminer cette enquête, finalement.

« Je suis prête, » fut tout ce qu’elle dit, en sortant de la voiture sous une pluie fine.



***



Le détective qui menait l’enquête était un homme dégingandé du nom d’Anderson. Il était assis à la table de la cuisine quand Chloé et Rhodes entrèrent dans la maison. Il leva les yeux de son iPad et le mit de côté d’un air désolé, en se levant de sa chaise. Chloé jeta un coup d’œil à l’écran et vit qu’il regardait des photos de la scène de crime, prises dans cette maison.

« Ben Anderson, » dit-il, en tendant la main.

« Agents Fine et Rhodes, » dit Chloé, en lui serrant la main. « Ça fait longtemps que vous attendez ? »

« Ça fait à peine dix minutes. Mais je suis venu trois ou quatre fois au cours des seize dernières heures, pour essayer de m’imprégner de l’endroit. »

« Vous êtes venu sur la scène dès que le corps a été découvert ? » demanda Chloé.

« Oui. J’étais le deuxième à arriver sur les lieux. »

« Où se trouvait le corps ? » demanda Rhodes.

Anderson fit un geste en direction de l’arrière de la maison. Il prit son iPad et traversa la cuisine, avant d’ouvrir une porte qui menait vers l’extérieur. « Ici, sur le porche arrière… mais il n’y a pas grand-chose à voir. »

Ils sortirent sur le porche arrière. Chloé ne remarqua rien de spécial au premier coup d’œil. C’était un joli porche, qui donnait sur un demi-hectare de jardin. Un barbecue se trouvait au fond, protégé par une housse décorée du logo des Ravens de Baltimore. Les quelques meubles qui se trouvaient sur la terrasse étaient assez jolis, mais plutôt ordinaires – ils avaient probablement été achetés chez Costco. Il pleuvait toujours et il y avait de légères traces de gouttes de pluie sur le sol en bois. Chloé remarqua une tache de sang de forme circulaire sur le plancher – dont la forme correspondait au pourtour d’une tête.

« La victime s’appelle Bo Luntz, » dit Anderson. « Sa femme, Sherry, a découvert son corps quand elle est rentrée du boulot. C’était leur anniversaire de mariage. Elle l’a trouvé ici, sur le porche arrière, couché sur le sol. Ça lui a fait un choc. Elle n’a même pas remarqué qu’une chaussette noire lui avait été enfoncée dans la bouche, jusque dans la gorge. Elle dit qu’elle se rappelle vaguement l’avoir vue quand elle a découvert le corps, mais… elle était complètement anéantie, comme vous pouvez l’imaginer. »

« Le sang, » dit Chloé, en s’agenouillant. « Ça semble indiquer qu’il n’a pas seulement été étouffé. Est-ce qu’il y avait des signes de lutte ? »

« Non. Il n’y avait rien en désordre, rien qui sorte de l’ordinaire. Le sang vient d’un coup qu’il a reçu au crâne, le long du front. »

Sur ces mots, il tendit à Chloé l’iPad qu’il tenait en main. Une photo du corps était affichée à l’écran. Chloé zooma sur le front de Bo Luntz. Elle y vit une marque bien nette et le début d’un hématome. D’après la forme de la marque, le coup avait dû être porté par quelque chose ayant une extrémité plate, d’environ treize à quinze centimètres de large.

« L’hématome a l’air récent, » dit Rhodes, en regardant par-dessus l’épaule de Chloé. « Cette photo a été prise combien de temps après que le corps ait été découvert ? »

« Environ une heure après. Et d’après madame Luntz, le sang était encore humide quand elle a découvert le corps. Alors nous pensons qu’il a été tué une heure ou deux avant qu’elle rentre chez elle. »

« Aucune empreinte sur la chaussette qu’il avait dans la gorge ? » demanda Chloé.

« Aucune. Aucune empreinte à l’intérieur non plus. Aucun signe d’entrée par effraction… rien. »

Rhodes se mit à consulter les dossiers qu’elles avaient reçus de Johnson, en protégeant les papiers de la pluie en se penchant en avant. « Bo Luntz, cinquante-deux ans, un enfant, employé par Mutual Telecom. Pas de casier judiciaire. Est-ce que vous avez d’autres informations à son sujet, détective Anderson ? »

« D’après ce que nous ont dit ses voisins et ses amis, c’était un type très apprécié. Il faisait du bénévolat chez les pompiers et il participait toujours aux œuvres de charité. Il était assistant entraîneur pour une petite équipe de football. J’ai interrogé cinq personnes moi-même et on a la déposition d’une dizaine d’autres personnes. Ce type n’avait rien à se reprocher. »

Chloé hocha la tête mais elle avait déjà entendu ce genre de commentaires dans le passé. C’était facile d’avoir l’air irréprochable en surface, mais quand on se mettait un peu à gratter, on trouvait souvent des failles et des secrets inavoués.

« Est-ce que vous savez pourquoi une chaussette lui a été enfoncée dans la gorge ? » demanda Chloé.

« Aucune idée. Nous avons fouillé ses tiroirs à l’étage, pour voir si on y trouverait la deuxième chaussette, mais sans résultat. »

« Détective, est-ce que vous pourriez nous donner le nom et les coordonnées du médecin légiste qui s’occupe du corps ? »

« Bien sûr, » dit-il, en sortant son téléphone et en faisant défiler ses contacts afin d’y trouver l’information.

« Et qu’en est-il de la première victime ? » demanda Chloé.

« La première victime s’appelle Richard Wells. Il vivait à une vingtaine de kilomètres d’ici, dans la petite ville de Eastbrook. Un quartier assez similaire à celui-ci. La police d’Eastbrook s’occupe de l’enquête mais j’ai quelques informations à son sujet, si vous voulez. »

« Oui, s’il vous plaît. »

« C’est plus ou moins pareil à ce qui s’est passé ici. Wells a été retrouvé mort dans sa chambre à coucher, avec un coup à la tête et une chaussette noire enfoncée dans la gorge. Mais en ce qui concerne leur personnalité, les deux victimes étaient assez différentes. Wells avait divorcé l’année dernière. Des rumeurs circulaient sur le fait qu’il avait un problème avec l’alcool. Il travaillait comme entrepreneur et ses quelques employés sont les seules personnes qui ont pu nous fournir des informations à son sujet. Son ex-femme est à nouveau fiancée et elle vit à Rhode Island. Ses deux parents sont morts et il n’avait aucun frère ni sœur… personne à qui nous aurions pu poser des questions un peu plus personnelles. »

« Alors il n’y a pas vraiment de pistes, c’est bien ça ? » demanda Rhodes.

« C’est bien ça, » dit Anderson.

Chloé baissa les yeux vers les planches en bois du porche. Elle observa la tache de sang et elle repensa au sang qu’elle avait vu sur la bouilloire de son père. Un frisson lui traversa le corps et elle sut qu’elle ne parviendrait pas à en faire abstraction. La disparition de Danielle allait la hanter jusqu’à ce qu’elle sache où elle se trouvait, enquête ou pas enquête.

Le pire de tout, c’était qu’elle commençait à en vouloir à Danielle, en se demandant si elle n’avait pas recommencé à faire n’importe quoi sans réfléchir, comme elle avait l’habitude de le faire dans le passé.

Si je la retrouve, peut-être que je pourrai éviter qu’elle fasse des bêtises, pensa Chloé.

Elle avait envie d’y croire. Mais en regardant la tache de sang de Bo Luntz, elle se dit que, en ce qui concernait sa sœur, c’était probablement déjà trop tard, comme c’était le cas pour Luntz.



***



Pour Chloé, il y avait deux types de médecins légistes : ceux qui étaient plutôt discrets et presque moroses dans leur travail, et ceux qui étaient du genre nerveux et un peu trop passionnés par ce qu’ils faisaient. La femme médecin légiste qui s’occupait du corps de Bo Luntz était du deuxième type. Elle s’appelait Gerda Holloway et elle avait l’air tout droit sortie d’une émission télé pour célibataires. On n’aurait jamais pu deviner qu’elle travaillait sur des cadavres. Elle vint les retrouver dans le vestibule du cabinet. Elle était vraiment très belle, avec ses cheveux attachés en queue de cheval et ses lunettes de bibliothécaire.

« Agents Rhodes et Fine, » dit Rhodes, après qu’Holloway se soit présentée.

« Venez avec moi, » dit Holloway. « Vous pourrez ainsi jeter un coup d’œil au corps. »

Elles la suivirent le long d’un couloir. Quand elles arrivèrent à la salle d’examen où le corps de Luntz était conservé, Holloway leur ouvrit la porte en souriant, comme si elles étaient des amies qu’elle avait invité à dîner, et non des agents du FBI sur le point d’examiner le cadavre d’une victime d’un meurtre.

Elles entrèrent dans la pièce et il fallut un moment à Chloé pour que ses yeux s’habituent à la luminosité qui y régnait et aux surfaces aseptisées. Chaque fois qu’elle entrait dans la salle d’examen d’un médecin légiste, elle avait l’impression d’entrer dans un autre univers. Puis elle voyait le corps allongé sur la table et ça la ramenait généralement à la réalité.

Et c’était le cas maintenant avec Bo Luntz. Il était allongé sur la table, les yeux fermés. À part la blessure qu’il avait au front, il avait l’air plutôt normal. Holloway laissa un moment aux agents avant de s’avancer vers le corps, une tablette en main.

« Comme vous pouvez le voir, il a subi un traumatisme crânien, » dit Holloway. « Il est impossible de savoir exactement ce qui l’a causé mais vu l’angle, la profondeur de la blessure et la manière dont le crâne a été renfoncé, ça pourrait être quelque chose d’aussi ordinaire qu’une pierre, ou aussi complexe qu’une décoration de jardin en ciment. »

« Est-ce qu’on peut en déduire quoi que ce soit concernant l’assassin ? » demanda Chloé.

« Eh bien, comme vous pouvez le voir, l’angle de la blessure présente une légère inclinaison vers le haut. Le coup semble avoir été porté dans cette direction. Ce qui indique que l’assassin était plus petit que la victime. »

« Selon le dossier, » dit Rhodes, « Bo Luntz faisait un mètre quatre-vingt-cinq. Alors il devait être plus grand que beaucoup de gens. »

« C’est vrai, » dit Holloway. « En revanche, en observant très attentivement la marque le long du crâne, il y a des indices qui signalent qu’il a été frappé à deux reprises. Et le deuxième coup était un peu plus fort, mais porté en oblique. »

Chloé s’approcha de la table et vit exactement ce qu’Holloway voulait dire. Sur le côté gauche de la marque sur le front de Luntz, le renfoncement était plus profond de cinq centimètres. L’endroit était également légèrement plus foncé, comme s’il avait été frappé avec plus de force. Chloé pencha la tête et essaya d’imaginer si ça pouvait avoir été causé par une arme ayant une forme un peu bizarre.

« Je pense, » dit Holloway, « qu’il a été frappé à deux reprises. Et que les coups ont été portés rapidement l’un après l’autre. Ce qui expliquerait le fait qu’il ait été frappé au même endroit. Mais vu que le deuxième coup semble l’avoir atteint en oblique, je pense qu’il a été porté au moment où il perdait l’équilibre. »

« Et les deux coups l’ont atteint en plein milieu du front, » dit Chloé. « Si c’était l’œuvre de quelqu’un qui l’avait pris par surprise, il lui aurait été difficile de le frapper à cet endroit, non ? »

« Oui. Ça n’aurait pas été totalement impossible, mais très difficile. »

« Alors quelqu’un qu’il connaissait probablement se trouvait dans la maison ? » suggéra Rhodes.

« Je parierais là-dessus, » dit Holloway.

Chloé réfléchit aux détails que Johnson leur avait communiqués, ainsi qu’aux informations fournies par Anderson. Aucun signe d’entrée par effraction, aucun signe de lutte, et ça s’est passé le jour de leur anniversaire de mariage. Au premier coup d’œil, tout indiquait que la femme pourrait être responsable.

« À part la chaussette, est-ce que vous avez trouvé autre chose dans sa gorge ? » demanda Chloé.

« Non. Mais elle a sûrement été placée là après sa mort. La langue était enfoncée dans sa gorge. Si la chaussette lui avait été mise en bouche alors qu’il était encore vivant, les muscles de sa langue auraient instinctivement cherché à la repousser. »

Cette chaussette rendait l’affaire un peu plus bizarre. C’était le genre d’élément inhabituel sur lequel Chloé avait tendance à s’attarder, vu qu’il devait probablement cacher une forme de symbolisme. Et derrière le symbolisme, se cachait en général un mobile.

Chloé regarda le corps de Luntz pendant encore quelques instants, en essayant d’y trouver un quelconque indice qui pourrait leur donner une autre piste que celle de l’épouse. Mais elle ne vit rien de plus. Elles remercièrent Holloway et quittèrent le cabinet.

« Tu penses également que ça pourrait être sa femme ? » demanda Rhodes, au moment où elles sortaient du bâtiment.

« Oui. Et même si elle n’était pas une suspecte potentielle – ce qu’elle est pour l’instant – ne serait-ce que pour lui demander si elle sait pourquoi une chaussette avait été enfoncée dans la gorge de son mari. »

Rhodes acquiesça d’un signe de tête. Elles traversèrent le parking et entrèrent dans leur véhicule. Avant même d’être sorties du parking, Chloé était déjà au téléphone avec le détective Anderson pour lui demander où se trouvait Sherry Luntz. En prenant son téléphone, elle n’avait pas pu s’empêcher d’avoir l’espoir d’y voir un appel perdu de la part de Danielle.

Mais ce n’était pas cas. Et Chloé n’eut pas d’autre choix que de supposer le pire et d’essayer d’enfouir sa préoccupation sous l’affaire Luntz.




CHAPITRE SIX


Anderson n’avait pas l’air d’avoir très envie qu’elles aillent parler à Sherry Luntz. D’après les rapports de police, elle avait été tellement affectée émotionnellement par la découverte du corps de son mari qu’elle s’était évanouie à deux reprises. Mais ce n’était pas ça qui allait arrêter Chloé. Elle avait déjà eu affaire à des veuves en deuil et elle savait que beaucoup d’entre elles savaient des choses qui pouvaient permettre de faire avancer l’enquête.

« C’est la seule suspecte potentielle que nous avons pour l’instant, » dit Chloé à Anderson. « Avec tout le respect que je vous dois, soit vous nous dites où on peut la trouver, soit on appelle Washington pour obtenir l’information. »

Anderson finit par plier et lui dit que Sherry restait chez sa sœur, en ville. « Mais écoutez, » dit-il. « Je tiens vraiment à insister sur le fait que cette femme est complètement anéantie. Est-ce qu’il serait possible que seule l’une d’entre vous l’interroge ? »

Ce n’était pas la manière dont Chloé avait l’habitude de procéder mais elle savait également que ça ne valait pas la peine de discuter. De plus, si l’une d’entre elles rendait visite à Sherry, pendant ce temps-là, l’autre pourrait aller interroger les voisins des Luntz.

C’est comme ça que Chloé finit par arriver seule devant la maison de Tamara Nelson, la sœur de Sherry, vingt minutes plus tard. Rhodes avait eu l’air contente de parler aux voisins pendant que Chloé allait interroger Sherry. Bien que Chloé n’aime pas particulièrement parler à des personnes en deuil, elles savaient toutes les deux qu’elle était beaucoup plus compatissante que Rhodes. Ce n’était pas quelque chose dont Rhodes était particulièrement fière, mais elle l’acceptait.

Anderson avait appelé Tamara pour la prévenir qu’un agent du FBI allait lui rendre visite. Alors quand Chloé frappa à la porte, elle s’ouvrit presque immédiatement. Deux femmes apparurent et il fut très facile à Chloé de deviner laquelle était Sherry Luntz. Elle se tenait légèrement en retrait derrière sa sœur, ses cheveux roux en pagaille, le visage pâle et de larges cernes foncées sous ses yeux injectés de sang, tellement elle avait pleuré. Bien qu’on eût dit que ses yeux allaient se fermer d’un moment à l’autre, il y avait également tellement de tristesse dans son regard que Chloé sut tout de suite que cette femme n’allait probablement pas trouver le sommeil de sitôt.

« Sherry Luntz ? » demanda Chloé.

La femme fragile et épuisée hocha la tête, mais sans faire un mouvement de plus. Sa sœur resta devant elle, comme pour la protéger.

« Je suis l’agent Fine. Je pense que le détective Anderson vous a appelée pour vous prévenir de ma visite, n’est-ce pas ? »

« Oui, en effet, » dit Tamara. « J’espère que vous ne le prendrez pas mal, mais je resterai avec vous dans la pièce pendant que vous parlez à Sherry. »

« Oui, bien sûr, je comprends, » dit Chloé. Elle commençait à se demander si Sherry allait parler tout court. Elle avait l’air dans un état second – à la limite du coma.

Tamara se retourna et rentra dans la maison sans vraiment inviter Chloé à la suivre. Mais elle le fit tout de même, en refermant la porte derrière elle. Tamara la guida jusque dans un salon joliment décoré. Une odeur agréable venait d’ailleurs dans la maison – une odeur de thé, se dit Chloé.

« Je comprends combien c’est dur pour vous, madame Luntz, » dit Chloé. « Alors j’essaierai de faire vite. »

« Non, ne vous tracassez pas, » dit Sherry. Au son de sa voix, on aurait dit qu’elle venait de se réveiller d’un sommeil de douze heures, après une soirée bien arrosée. « Je veux savoir ce qui s’est passé. Alors n’arrondissez pas les angles pour moi. »

Chloé jeta un coup d’œil en direction de Tamara, comme pour lui demander son approbation. La sœur haussa les épaules d’un air las.

« Madame Luntz, j’ai déjà été informée des détails de cette journée, alors nous ne sommes pas obligées d’en reparler. Ce que j’aurais aimé savoir, c’est s’il y avait certaines choses dans la vie de votre mari dont nous n’aurions pas connaissance. Est-ce qu’il avait des ennemis ou est-ce qu’il y avait des gens qui ne l’appréciaient pas ? »

« J’y ai également beaucoup réfléchi, en essayant de trouver quelqu’un qui aurait pu lui vouloir du mal, » dit-elle. « La seule personne qui m’est venue à l’esprit, c’est un ancien concurrent en affaires, mais il vit maintenant en Californie. Ça peut paraître un peu exagéré, mais vraiment, tout le monde appréciait Bo. »

« Est-ce qu’il vous a récemment parlé de difficultés dans son boulot ? »

« Non. Rien de tout cela. J’ai même demandé à Tamara d’appeler son patron pour savoir s’il m’avait caché quelque chose, mais il n’y avait rien. »

« Vous avez un enfant ensemble, c’est bien ça ? » demanda Chloé.

« Oui, un fils. Luke. Il a commencé l’université cette année. Il est aussi ici, chez Tamara. Il est occupé à dormir dans la chambre d’amis. Il a du mal à… accepter ce qui vient de se passer. »

« Est-ce que vous lui avez posé la question ? Est-ce qu’il a une idée de qui aurait bien pu vouloir faire du mal à son père ? » demanda Chloé.

« Pas de manière aussi directe, mais oui. On s’est demandé qui pourrait bien avoir fait ça. Ça pourrait être un cambriolage, mais… rien n’a été volé. Il ne manque rien. »

« J’ai appelé la banque de Sherry hier, » dit Tamara. « Toutes leurs cartes de crédit étaient encore dans le portefeuille de Bo, mais je me suis dit qu’il pourrait y avoir eu une sorte de fraude numérique ou quelque chose dans le genre. Mais tout est en ordre. Si c’est l’œuvre d’un sociopathe, c’était juste pour le plaisir quitter la vie à quelqu’un. »

« On a encore été vérifier hier soir, Luke et moi, » dit Sherry. « Mais rien ne manquait dans la maison. Tout était là. »

Chloé savait ce qu’elle voulait lui demander ensuite, mais ça allait être une question difficile à poser. Elle était de plus en plus certaine que Sherry n’avait rien à voir avec la mort de son mari. Il était possible de faire semblant de pleurer, et même de s’effondrer de chagrin. Mais perdre connaissance en présence de la police et manquer de sommeil au point d’avoir l’air d’un véritable zombie… c’était bien plus compliqué.

« Est-ce que vous avez remarqué s’il y avait quoi que ce soit qui n’était pas à sa place dans la maison, ou même dans le jardin ou sur le porche arrière ? Même si ça n’avait été déplacé que de quelques centimètres ? » demanda-t-elle. C’était sa manière de demander s’ils avaient éventuellement trouvé l’objet utilisé pour attaquer Bo.

« Nous n’avons rien remarqué. »

« Est-ce que quelqu’un avait le double de la clé de votre maison ? »

« Personne. Nous n’avons jamais eu besoin de donner un double de notre clé. On n’a jamais eu de femme de ménage, ni de membres de la famille qui logeaient chez nous. »

« Et est-ce que vous aviez un système de sécurité ? Je n’en ai pas vu quand je suis allé inspecter votre maison avec ma coéquipière. »

« Non. On n’arrêtait pas de dire qu’il faudrait qu’on en installe un, mais le quartier est tellement tranquille… c’était quelque chose qu’on remettait continuellement à plus tard. »

« Encore une chose, madame Luntz… et je suis désolée mais ça pourrait être une question difficile pour vous. »

« Allez-y, je suis prête. »

« Un détail vraiment étrange sur le corps de votre mari, c’était… »

« La chaussette dans sa bouche, » dit-elle. Elle le dit sur un ton résigné, comme si elle s’attendait à cette question.

« Oui. Vous avez une idée de ce que ça pourrait signifier ? »

« Absolument aucune idée, » dit Sherry, la voix tremblante. « Quand je l’ai trouvé, j’ai vu qu’il y avait quelque chose dans sa bouche, mais je ne savais pas ce que c’était. Je ne l’ai su que des heures plus tard, quand je m’en suis rappelée et que j’ai posé la question à la police. Le détective Anderson m’a dit que c’était une chaussette. En entendant ça, j’ai d’abord cru que j’étais à nouveau dans le gaz et que j’entendais des voix mais… non. C’était bien ça… une chaussette. Il m’en a même montré une photo hier soir, après que… après que le médecin légiste… »

« Si vous voulez, on peut arrêter là, madame Luntz, » dit Chloé.

« Je ne sais pas si ça peut vous aider, » dit Sherry, « mais ce n’était pas une de ses chaussettes. Il détestait les chaussettes épaisses, même en hiver. Ses pieds avaient tendance à transpirer et des chaussettes épaisses, c’était vraiment inconfortables pour lui. » L’ombre d’un sourire se dessina sur ses lèvres quand elle se rappela ce détail concernant son mari.

Chloé sortit une carte de visite de la poche de sa veste et la tendit à Tamara. « S’il vous plaît… si vous vous rappelez quoi que ce soit, même un détail, n’hésitez pas à m’appeler. »

« Bien entendu, » dit Tamara. Mais elle regarda à peine Chloé. Toute son attention était concentrée sur sa sœur. Après un silence gênant, Tamara se leva de son siège pour raccompagner Chloé jusqu’à la porte d’entrée.

Tamara sortit avec elle sur le porche et referma la porte derrière elles. Elle croisa les bras sur sa poitrine et regarda Chloé d’un air désolé.

« Elle n’exagère pas du tout, » dit Tamara. « Bo était vraiment un type bien, vous savez ? Humble, honnête, il aimait sa femme et son fils. Je n’ai jamais entendu qui que ce soit dire quelque chose de mal à son sujet – pas même notre mère, et ce n’est pas peu dire. »

« Vous n’êtes pas la seule à me le dire. Mais il y a une question que j’aimerais vous poser… et ce n’est que par pure formalité. »

« Si je pense que Sherry pourrait l’avoir tué ? »

Chloé fronça les sourcils et hocha la tête. « Je suis convaincue que ce n’est pas elle, mais j’ai besoin de l’entendre de quelqu’un qui la connait bien. »

« C’est impossible que ce soit Sherry. Et même si je pensais qu’elle pourrait avoir fait une telle chose, il vous serait facile de vérifier avec son boulot. La police l’a déjà fait, d’ailleurs. Sur les caméras de sécurité, on la voit sortir de son travail à dix-sept heures deux, cet après-midi-là. Vu l’heure à laquelle ils pensent qu’il a été tué… il est impossible que ce soit elle. »

Chloé faillit lui demander si Bo cachait certaines choses à sa femme. Mais elle se ravisa en se disant que non seulement elle n’obtiendrait aucune information utile de Tamara, mais aussi qu’elle risquait de la contrarier. Et pour l’instant, elle avait une épouse en deuil et une sœur solidaire qui pourraient peut-être lui fournir des informations utiles par la suite.

« Je vous remercie pour le temps que vous m’avez consacré, » dit Chloé. « Et si vous pensez à quoi que ce soit, appelez-moi. »

« Je n’y manquerai pas. »

Chloé descendit les marches du porche et retourna à sa voiture, en espérant que Rhodes en ait appris plus qu’elle. Rhodes avait une manière pressante de poser des questions précises tout en restant polie, et si elle avait seulement interrogé des voisins qui n’avaient aucun lien émotionnel avec la victime, peut-être qu’elle avait eu plus de chance qu’elle. Chloé se remit en route vers le quartier des Luntz, sous une petite pluie fine qui donnait une lueur grisâtre à la journée.

Chloé n’était pas du genre à croire aux présages, ni aux superstitions, mais elle ne put s’empêcher d’avoir l’impression que cette pluie – qui semblait tomber de plus en plus drue – pourrait être un signe de ce qui les attendait.




CHAPITRE SEPT


Rhodes avait l’air de bonne humeur quand Chloé la retrouva. S’il y avait quelque chose qui l’avait légèrement agacée, c’était d’être légèrement mouillée par la pluie qui était tombée. Après l’avoir récupérée, Chloé démarra tout de suite. Elle avait envie de trouver un endroit au chaud pour comparer leurs notes, peut-être une cafétéria. Elles pourraient y boire un café et décider des prochaines étapes à suivre.

« Tu as appris quelque chose ? » demanda-t-elle, en arrivant au bout de la rue des Luntz et en s’engageant dans la rue principale du quartier.

« Eh bien, j’ai découvert qu’il semblerait y avoir une sorte de fan club autour de Bo Luntz, » dit Rhodes. « Non seulement tout le monde l’adore mais il y a même quelques personnes qui ont émis le regret de n’avoir pas eu l’occasion de mieux le connaître. »

« À combien de personnes est-ce que tu as pu parler ? »

« J’ai quadrillé toute la rue. La plupart des gens étaient au travail mais j’ai réussi à parler à quatre personnes différentes. Ils ont tous dit du bien de Bo. Une dame âgée qui vit dans la rue m’a raconté que Bo lui a prêté sa voiture pendant trois semaines après qu’elle ait eu un accident avec la sienne et que la compagnie d’assurance faisait traîner le dossier. Il l’a fait sans hésiter, alors qu’il la connaissait à peine. »

« Et personne n’a vu, ni entendu, quoi que ce soit ? » demanda Chloé.

« Non, personne. »

On dirait que c’est un schéma récurrent, dernièrement, pensa Chloé, en se disant combien il avait été facile à Danielle et à son père de tout simplement disparaître.

Elles restèrent silencieuses jusqu’à ce qu’elles arrivent devant un coffee shop pseudo-branché, spécialisé en muffins sans gluten. Ça faisait assez longtemps qu’elles travaillaient ensemble pour être à l’aise au moment d’entrer dans un endroit, passer commande, aller aux toilettes et se retrouver à une table pour examiner leurs notes. Chloé était parfois un peu surprise combien leur relation avait évolué. Elle avait l’impression que ça remontait à hier quand Rhodes avait été agacée par le fait de se retrouver coincée avec Chloé en tant que coéquipière. C’était bien entendu avant que Chloé lui sauve la vie, le jour où elle avait reçu une balle lors de leur première enquête ensemble.

Chloé but une gorgée de son café pendant que Rhodes mélangeait son thé vert. Elles se mirent à examiner leurs notes et à les comparer, en se rendant compte que les voisins et la famille n’avaient rien apporté de neuf à l’enquête.

La seule certitude que Chloé avait maintenant à offrir, c’était que Sherry n’avait rien à voir avec le meurtre de son mari. « Je pense qu’on peut écarter la femme de notre liste de suspects. Sa sœur dit que la police a vérifié et que Sherry apparaît sur les caméras de sécurité, quittant son boulot à dix-sept heures deux. Ça ne colle pas avec l’heure présumée du meurtre. »

Rhodes hocha la tête, en feuilletant les quelques pages de dossier qu’elles avaient sur l’affaire. « Ils pensent qu’il a été assassiné entre quinze heures trente et seize heures quarante-cinq. Des collègues de Bo ont affirmé qu’il était encore au bureau vers quinze heures trente. D’après l’un d’entre eux, Bo avait mentionné qu’il partirait plus tôt pour préparer quelque chose de spécial pour leur anniversaire de mariage. »

« C’est bizarre. C’est comme si l’assassin savait qu’il rentrerait plus tôt chez lui. »

« Soit ça, soit l’assassin était déjà là pour une autre raison et il a tué Bo sous l’effet de la surprise. »

Elles restèrent silencieuses un moment. Chloé regarda la pluie qui tombait de plus en plus drue dehors. « Sherry Luntz dit que personne n’avait la clé de leur maison. Aucun membre de la famille, pas de femme de ménage, aucun ami, personne. »

« Et aucun signe d’entrée par effraction… »

Chloé savait où allaient les mener leurs déductions. C’était une explication logique même si elle n’avait pas vraiment l’impression que ça tenait la route. Mais elle le dit tout de même. « Alors, Bo a laissé entrer l’assassin. Peut-être même que cette personne est arrivée chez lui avec lui. »

« Une liaison extra-conjugale, peut-être ? »

« Mouais. Mais… s’il projetait de faire quelque chose de spécial cet après-midi-là pour leur anniversaire de mariage, ça paraît tout de même culotté, non ? »

« Ou stupide, » dit Rhodes.

« Et tu sais, il y a également autre chose. Tout ce que nous savons au sujet du meurtre de la première victime, Richard Wells, semble être une copie conforme de ce qui est arrivé à Bo Luntz. La chaussette enfoncée dans la gorge, un coup au niveau du front. Et deux jours se sont écoulés entre les deux meurtres. Si tu fais le calcul… »

« Si tu fais le calcul, » continua Rhodes, « et qu’il s’agit d’un tueur en série et non pas d’incidents isolés, il pourrait y avoir une autre victime dans les prochaines vingt-quatre heures. »

« Peut-être qu’il serait temps qu’on arrête de creuser sur Luntz et qu’on fasse un peu plus de recherches sur la première victime. »

« Oui, mais Anderson a dit qu’il n’y avait aucune personne proche dans la région, » dit Rhodes. « Pas de famille, pas d’amis, personne. »

« Exactement, » dit Chloé, en se levant de son siège. « Et si tu veux mon avis, c’est exactement le genre d’homme qui doit avoir pas mal de secrets. »



***



Pendant le trajet vers Eastbrook, elles appelèrent la police locale. Vu que c’était une toute petite ville avec des forces de police assez limitées, une femme du département des archives put leur envoyer par email des copies numériques du dossier, plutôt que de faire venir Chloé et Rhodes jusqu’au commissariat. En ce qui concernait Chloé, c’était plutôt une bonne nouvelle. Elle préférait de loin travailler sur une enquête sans être assistée par la police locale. Oui, bien sûr, leur aide était souvent très utile mais ils avaient également tendance à compatir avec les gens du coin et à avoir un point de vue biaisé.

Elles se trouvaient à sept kilomètres d’Eastbrook quand elles reçurent les dossiers. Rhodes les lut à haute voix pendant que Chloé conduisait. La pluie avait cessé et le soleil commençait à briller à travers les nuages. De la brume s’élevait de la route devant eux.

« Richard Wells, cinquante-deux ans, habitant d’Eastbrook pour la plus grande partie de sa vie d’adulte. Il a très peu d’antécédents – deux amendes pour conduite en état d’ivresse et une sanction pour ne pas s’être présenté au tribunal. On lui a donc retiré son permis de conduire il y a trois ans. La police locale a contacté son ex-femme et, bien qu’elle ait répondu à toutes leurs questions, elle n’avait pas l’air spécialement triste d’apprendre sa mort. Elle est le seul numéro indiqué à appeler en cas d’urgence. »

« Et elle vit à Rhode Island, c’est bien ça ? »

« C’est ça. »

« Wells était un entrepreneur privé, n’est-ce pas ? On a le nom de son entreprise ? »

« Oui, et ce n’est pas très original. Construction et Design Wells, situé à Eastbrook. »

Chloé était sur le point de demander à Rhodes d’introduire l’adresse de l’entreprise dans le GPS mais Rhodes était déjà occupée à le faire. Chloé se rappela que Johnson leur avait dit que l’une des raisons pour laquelle il leur assignait cette affaire, c’était parce qu’il avait l’impression que c’était une enquête qui leur conviendrait. Chloé se rendait compte qu’elle avait développé avec Rhodes une cohésion bien plus forte que les autres agents qui avaient terminé leur formation avec elles. Et c’était d’autant plus facile à croire quand elles en arrivaient à travailler ainsi, de manière tacite, sans même à avoir à prononcer un seul mot.

Quand elles arrivèrent au petit espace qui abritait le bureau de Construction et Design Wells, il était un peu après 11 heures. Le bureau était situé dans la rue principale d’Eastbrook, une ville qui ne devait probablement son existence qu’à sa proximité avec Baltimore. C’était le genre de ville où on s’arrêtait pour faire le plein ou acheter un truc à manger, avant de finir la route jusqu’en ville.

Chloé se gara devant l’édifice, en espérant que le bureau ne soit pas fermé, suite à la mort du propriétaire. Mais elle trouva la porte d’entrée ouverte. Le bureau était composé d’un vaste espace qui avait été subdivisé en box à l’aide de parois. Un grand bureau en forme de L se trouvait à l’avant, afin de permettre à la femme qui y était assise d’accueillir les gens quand ils entraient.

Elle leva les yeux vers Chloé et Rhodes. Elle avait visiblement l’air de s’ennuyer. Chloé se dit que ça devait être bizarre pour une petite entreprise d’essayer de poursuivre ses activités alors que le propriétaire avait été aussi brutalement assassiné.

« Mesdames, est-ce que je peux vous aider ? » demanda la femme.

« Oui, en effet, » dit Chloé. Elle fit les présentations et sortit son badge. « Nous enquêtons sur le meurtre de Richard Wells. Il n’a aucune famille dans la région et il semblerait que les personnes qui aient été les plus proches de lui soient celles qui travaillaient pour lui. »

« C’est vrai, » dit-elle. « Et c’est triste, aussi. De se rendre compte d’une telle chose qu’au moment où la personne n’est plus là, vous savez ? »

« Est-ce que vous savez si l’entreprise compte poursuivre ses activités sans lui ? »

La femme haussa les épaules d’une manière nonchalante, indiquant par là que non seulement elle ne savait pas, mais que ça ne lui importait guère. « Nous attendons de savoir ce que vont dire ses avocats. Richard n’avait apparemment pas rédigé de testament. Alors l’entreprise n’a été léguée à personne. Il y a trois constructeurs qui travaillent ici et ils se trouvent à l’instant présent sur deux sites différents de construction, en faisant de leur mieux pour essayer de terminer certains projets avant qu’il y ait des problèmes au niveau légal. »

« Est-ce que je peux vous demander votre nom ? » demanda Chloé.

« Oui, bien sûr. Je m’appelle Patty Marsh. »

« Mademoiselle Marsh, est-ce que ça fait longtemps que vous travaillez ici ? »

« Ça fait six ans. »

« Et que pensiez-vous de Richard Wells ? Quelle impression il vous donnait ? Pas seulement en tant que patron, mais aussi en tant qu’être humain… »

« Eh bien, il travaillait dur, ça, c’est sûr. Mais c’était aussi le genre de type qui était resté calé à l’époque du lycée, vous voyez ? Il avait la descente facile et il draguait pas mal, malgré le fait qu’il soit marié. C’était le genre de type à toujours raconter une histoire concernant ses années de gloire en tant que joueur de football au lycée. C’était un peu triste, mais lui, ça le rendait heureux. »

« Est-ce qu’il s’est déjà fâché sur vous ou sur d’autres employés ? »

« Oh, je suis sûre qu’il y avait parfois des mésententes avec les constructeurs. Mais ils étaient tous très bons amis. Ils sont un peu plus jeunes que Richard mais c’est un peu le même genre de personnages… avec pas grand-chose qui se passe dans leur vie, ils ressassaient continuellement de vieilles histoires du lycée et de l’université pour se sentir bien. Mon dieu… j’ai vraiment l’impression de casser du sucre sur leur dos. »

« Mais non, ne vous tracassez pas pour ça, » dit Rhodes. « Vu la nature de son boulot, est-ce que Richard avait des ennemis ou des gens qui lui voulaient du mal ? Peut-être des clients mécontents ? »





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« Un chef-d’œuvre de thriller et de mystère. Blake Pierce est parvenu à créer des caractères avec un côté psychologique tellement bien décrit, que nous avons l’impression de pouvoir pénétrer dans leur esprit, suivre le cheminement de leurs pensées et nous réjouir de leurs réussites. Plein de rebondissements, ce livre vous tiendra en haleine jusqu’à la dernière page. » –Critiques de livres et de films, Roberto Mattos (re SANS LAISSER DE TRACES) DE RETOUR À LA MAISON (Un mystère Chloé Fine) est le volume 5 d’une nouvelle série suspense psychologique par Blake Pierce, l’auteur à succès de SANS LAISSER DE TRACES (volume 1) (téléchargement gratuit), un bestseller nº1 ayant reçu plus de 1 000 critiques à cinq étoiles.Quand deux maris, des meilleurs amis, sont retrouvés morts dans une petite ville riche de banlieue, l’agent spécial de l’unité VICAP du FBI, Chloé Fine, 27 ans, est appelée à mener l’enquête afin de dévoiler les mensonges qui ont cours dans cette petite ville et retrouver l’assassin. Chloé va devoir passer outre les allures et les apparences parfaites de cette ville pour découvrir qui étaient réellement ces deux hommes et qui aurait pu souhaiter leur mort. Et dans une ville qui se targue de son caractère exclusif, ce ne sera pas facile à faire. Quels secrets ces deux maris dissimulaient-ils ?Un suspense psychologique émotionnel avec des personnages complexes, une atmosphère de petite ville et un suspense qui vous tiendra en haleine, DE RETOUR À LA MAISON est le volume 5 d’une fascinante nouvelle série qui vous fera tourner les pages jusqu’à des heures tardives de la nuit.Le volume 6 dans la série CHLOÉ FINE sera bientôt disponible.

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