Книга - Le Visage de la Peur

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Le Visage de la Peur
Blake Pierce


Les Mystères de Zoe Prime #3
« UN CHEF-D’ŒUVRE DU GENRE THRILLER ET ENQUÊTE. Blake Pierce a merveilleusement construit des personnages ayant un charactère psychologique si bien décrit que l’on sent ce qui se passe dans leurs esprits, on suit leurs peurs et l’on se réjouit de leur succès. Plein de rebondissements, ce livre vous tiendra éveillés jusqu’à la dernière page. »

–-Books and Movie Reviews, Roberto Mattos (re Sans Laisser de Traces)



LE VISAGE DE LA PEUR et le tome #3 d’une nouvelle série thriller FBI de l’auteur à succès selon USA Today, Blake Pierce, dont le bestseller Sans Laisser de Traces (Tome 1) (téléchargement gratuit) a reçu plus de 1000 critiques cinq étoiles.



L’Agent Spécial FBI Zoe Prime souffre d’une maladie rare qui lui confère aussi un talent unique : elle voit le monde à travers le prisme des chiffres. Des chiffres qui la tourmentent, la rendent incapable de comprendre les gens, et lui laissent une vie sentimentale ratée – mais ils lui permettent également de voir des schémas qu’aucun autre agent du FBI ne peut voir. Zoe garde ce secret pour elle, honteuse, de peur que ses collègues ne l’apprennent.



Des femmes sont retrouvées mortes à Los Angeles, sans lien entre elles si ce n’est qu’elles sont toutes lourdement tatouées. L’affaire étant au point mort, le FBI fait appel à l’Agent Spécial Zoe Prime pour trouver un schéma là où d’autres n’y arrivent pas et pour arrêter le tueur avant qu’il ne frappe à nouveau.



Mais Zoe lutte contre ses propres démons au cours de ses séances de thérapie, à peine capable d’interagir dans son monde en proie aux chiffres, et sur le point de quitter le FBI. Peut-elle vraiment pénétrer l’esprit de ce tueur psychotique, trouver le schéma caché et en sortir indemne ?



Un thriller plein d’action et de suspense, LE VISAGE DE LA PEUR est le tome #3 d’une nouvelle série fascinante qui vous fera tourner les pages jusqu’à tard dans la nuit.



Le tome #4 bientôt disponible également.





Blake Pierce

LE VISAGE DE LA PEUR




LE VISAGE


DE LA


PEUR




(LES MYSTÈRES DE ZOE PRIME – TOME 3)




B L A K E   P I E R C E



Blake Pierce

Blake Pierce est l’auteur de la série à succès mystère RILEY PAIGE, qui comprend dix-sept volumes. Black Pierce est également l’auteur de la série mystère MACKENZIE WHITE, comprenant treize volumes (pour l’instant) ; de la série mystère AVERY BLACK, comprenant six volumes ; de la série mystère KERI LOCKE, comprenant cinq volumes ; de la série mystère MAKING OF RILEY PAIGE, comprenant six volumes ; de la série mystère KATE WISE, comprenant sept volumes ; de la série mystère suspense psychologique CHLOE FINE, comprenant six volumes ; de la série thriller suspense psychologique JESSE HUNT, comprenant sept volumes (pour l’instant) ; de la série thriller suspense psychologique AU PAIR, comprenant deux volumes (pour l’instant) ; de la série mystère ZOÉ PRIME, comprenant trois volumes (pour l’instant) ; et de la nouvelle série mystère ADÈLE SHARP.



Lecteur avide et admirateur de longue date des genres mystère et thriller, Blake aimerait connaître votre avis. N’hésitez pas à consulter son site www.blakepierceauthor.com (http://www.blakepierceauthor.com/) afin d’en apprendre davantage et rester en contact.








Copyright © 2020 de Blake Pierce. Tous droits réservés. Sauf autorisation en vertu de la loi américaine sur le droit d’auteur de 1976, aucune partie de cette publication ne peut être reproduite, distribuée ou transmise sous quelque forme ou par quelque moyen que ce soit, ou conservée dans une base de données ou un système d’extraction, sans l’autorisation préalable de l’auteur. Ce livre électronique est à destination de votre usage personnel uniquement. Ce livre électronique ne peut être revendu ou donné à des tiers. Si vous souhaitez partager ce livre avec un tiers, veuillez acheter un exemplaire supplémentaire pour chaque destinataire. Si vous lisez ce livre et ne l’avez pas acheté, ou s’il n’a pas été acheté pour votre usage personnel, veuillez le retourner et acheter votre propre exemplaire. Nous vous remercions de respecter le travail acharné de cet auteur. Ceci est une œuvre de fiction. Les noms, personnages, entreprises, organisations, lieux, événements et incidents sont soit le produit de l’imagination de l’auteur, soit utilisés de manière fictionnelle. Toute ressemblance avec des personnes existantes ou ayant existé est purement fortuite. Image de la veste Copyright utilisée sous licence de Shutterstock.com.



LIVRES PAR BLAKE PIERCE

LES MYSTÈRES DE ADÈLE SHARP

LAISSÈ POUR MORT (Volume 1)

CONDAMNÈ À FUIR (Volume 2)

CONDAMNÈ À SE CACHER (Volume 3)



LA FILLE AU PAIR

PRESQUE DISPARUE (Livre 1)

PRESQUE PERDUE (Livre 2)

PRESQUE MORTE (Livre 3)



LES MYSTÈRES DE ZOE PRIME

LE VISAGE DE LA MORT (Tome 1)

LE VISAGE DU MEURTRE (Tome 2)

LE VISAGE DE LA PEUR (Tome 3)



SÉRIE SUSPENSE PSYCHOLOGIQUE JESSIE HUNT

LA FEMME PARFAITE (Volume 1)

LE QUARTIER IDÉAL (Volume 2)

LA MAISON IDÉALE (Volume 3)

LE SOURIRE IDÉALE (Volume 4)

LE MENSONGE IDÉALE (Volume 5)

LE LOOK IDEAL (Volume 6)



SÉRIE SUSPENSE PSYCHOLOGIQUE CHLOE FINE

LA MAISON D’À CÔTÉ (Volume 1)

LE MENSONGE D’UN VOISIN (Volume 2)

VOIE SANS ISSUE (Volume 3)

LE VOISIN SILENCIEUX (Volume 4)

DE RETOUR À LA MAISON (Volume 5)

VITRES TEINTÉES (Volume 6)



SÉRIE MYSTÈRE KATE WISE

SI ELLE SAVAIT (Volume 1)

SI ELLE VOYAIT (Volume 2)

SI ELLE COURAIT (Volume 3)

SI ELLE SE CACHAIT (Volume 4)

SI ELLE S’ENFUYAIT (Volume 5)

SI ELLE CRAIGNAIT (Volume 6)

SI ELLE ENTENDAIT (Volume 7)



LES ORIGINES DE RILEY PAIGE

SOUS SURVEILLANCE (Tome 1)

ATTENDRE (Tome 2)

PIEGE MORTEL (Tome 3)

ESCAPADE MEURTRIERE (Tome 4)

LA TRAQUE (Tome 5)



LES ENQUÊTES DE RILEY PAIGE

SANS LAISSER DE TRACES (Tome 1)

RÉACTION EN CHAÎNE (Tome 2)

LA QUEUE ENTRE LES JAMBES (Tome 3)

LES PENDULES À L’HEURE (Tome 4)

QUI VA À LA CHASSE (Tome 5)

À VOTRE SANTÉ (Tome 6)

DE SAC ET DE CORDE (Tome 7)

UN PLAT QUI SE MANGE FROID (Tome 8)

SANS COUP FÉRIR (Tome 9)

À TOUT JAMAIS (Tome 10)

LE GRAIN DE SABLE (Tome 11)

LE TRAIN EN MARCHE (Tome 12)

PIÉGÉE (Tome 13)

LE RÉVEIL (Tome 14)

BANNI (Tome 15)

MANQUE (Tome 16)

CHOISI (Tome 17)



UNE NOUVELLE DE LA SÉRIE RILEY PAIGE

RÉSOLU



SÉRIE MYSTÈRE MACKENZIE WHITE

AVANT QU’IL NE TUE (Volume 1)

AVANT QU’IL NE VOIE (Volume 2)

AVANT QU’IL NE CONVOITE (Volume 3)

AVANT QU’IL NE PRENNE (Volume 4)

AVANT QU’IL N’AIT BESOIN (Volume 5)

AVANT QU’IL NE RESSENTE (Volume 6)

AVANT QU’IL NE PÈCHE (Volume 7)

AVANT QU’IL NE CHASSE (Volume 8)

AVANT QU’IL NE TRAQUE (Volume 9)

AVANT QU’IL NE LANGUISSE (Volume 10)

AVANT QU’IL NE FAILLISSE (Volume 11)

AVANT QU’IL NE JALOUSE (Volume 12)

AVANT QU’IL NE HARCÈLE (Volume 13)



LES ENQUÊTES D’AVERY BLACK

RAISON DE TUER (Tome 1)

RAISON DE COURIR (Tome2)

RAISON DE SE CACHER (Tome 3)

RAISON DE CRAINDRE (Tome 4)

RAISON DE SAUVER (Tome 5)

RAISON DE REDOUTER (Tome 6)



LES ENQUETES DE KERI LOCKE

UN MAUVAIS PRESSENTIMENT (Tome 1)

DE MAUVAIS AUGURE (Tome 2)

L’OMBRE DU MAL (Tome 3)

JEUX MACABRES (Tome 4)

LUEUR D’ESPOIR (Tome 5)




CHAPITRE UN


Callie enfonça profondément ses mains dans ses poches, repliant son coude de telle manière qu’il presse davantage le sac à main sur son épaule contre sa hanche. C’était le genre de précaution qu’elle prenait quand elle visitait Javier, l’un de ses amis doué d’un grand talent pour l’art.

Ils s’étaient rencontrés à l’université, et tandis que Callie avait été contrainte de travailler prématurément dans un bureau, Javier tentait lui au moins de poursuivre ses rêves. Bien sûr, le fait de vivre une vie d’artiste avec des dettes scolaires signifiait qu’il n’habitait pas dans le meilleur des quartiers. Il y avait des moments où Callie, étant une jeune femme séduisante, ne se sentait pas en sécurité ici.

Mais c’était pourquoi elle disposait toujours d’un spray au poivre dans sa poche, se rappela-t-elle alors que le dos de ses doigts effleuraient l’extérieur froid du contenant.

De plus, elle avait un plan de sortie : pulvériser et fuir, en fonction de l’endroit qu’elle réussirait à atteindre. Il y avait une petite ruelle qu’elle devait traverser pour se rendre au studio de Javi, et qui représentait également le point décisif. Avant de l’atteindre, elle savait que le chemin le plus rapide était de revenir sur ses pas, en courant vers la rue principale où elle pourrait se mettre en sécurité parmi la foule. Après la moitié du trajet, elle devrait courir jusqu’à la porte de Javi et crier à l’interphone jusqu’à ce qu’il la fasse entrer.

Ce n’était pas comme si elle passait tout son temps à se préoccuper des dangers potentiels de l’endroit vers lequel elle marchait. En réalité, c’était tout le contraire. Callie avait élaboré ce plan la deuxième fois qu’elle avait rendu visite à Javi dans ce quartier, et dès lors, elle s’était autorisée à rêvasser en allant chez lui. Rêver au tatouage qu’il lui dessinait et à quoi il allait ressembler.

Ils avaient travaillé ensemble sur des dessins depuis quelques années, depuis qu’elle s’était fait faire son premier tatouage. Elle l’avait tellement aimé qu’elle l’avait supplié de lui en faire un autre, et ce serait la troisième fois qu’un de ses dessins allait décorer son corps. Il y avait là quelque chose d’étrangement intime, bien qu’ils n’aient jamais été amants. Quelque chose dans la façon dont son travail lui traversait la peau, le seul geste de rébellion contre la vie d’entreprise qu’elle allait sans doute devoir subir durant des décennies.

Ou peut-être pas. Peut-être qu’elle pourrait trouver un moyen de s’en échapper, de faire les choses qu’elle aimait vraiment. Créer sa propre entreprise, même si elle n’avait pas encore trouvé ce que ça serait. Callie pouvait encore espérer.

Elle descendit dans la ruelle, passa devant une poubelle renversée et une fresque de graffitis qui avait été taguée depuis par des enfants avec des bombes aérosols. De l’art, couvert par le genre de gribouillage inepte qui avait à l’origine donné aux villes l’envie de sévir contre les graffitis. C’était une honte. Le soleil californien qui brillait sur son visage disparut, remplacé par l’ombre fraîche des hauts bâtiments, laissant ses yeux s’adapter à cette nouvelle morosité.

Un homme entra à l’autre bout de la ruelle, venant dans sa direction. Callie se raidit un peu, le gardant à l’œil tout en faisant semblant de regarder le sol à sa gauche. Il avait une capuche remontée sur la tête, le visage dans l’ombre, les mains enfoncées dans ses poches, tout comme les siennes.

Elle ne put pas l’identifier. Cela pourrait être de mauvais augure, dans un endroit comme celui-ci. Cela pourrait signifier qu’il ne voulait pas être reconnu. Mauvais signe.

Les doigts de Callie s’enroulèrent et enveloppèrent le spray au poivre, les muscles de ses bras se tendant alors qu’elle pensait à l’utiliser. Elle le sortirait d’un geste rapide, le dirigerait vers son visage – elle utilisa le bout de son index pour trouver la buse afin qu’elle soit dans le bon sens – puis pulvériserait. Pulvériser et courir.

Elle accéléra le pas, pensant que plus vite elle le dépasserait, moins il aurait de chances de prendre le dessus. Elle regarda la distance qui les séparait, essayant de se rendre compte. Un coup d’œil vers le ciel. Était-elle déjà à mi-chemin ? Serait-il plus rapide de courir en avant ou vers l’arrière ? Javi l’attendait. Peut-être que si elle courait vers lui, il la laisserait entrer plus vite. Oui, elle allait courir en direction de Javi.

Elle retint son souffle lorsque l’homme s’approcha, essayant de continuer à avancer comme si de rien n’était, mais tout en serrant le spray au poivre plus fort que jamais. Elle était aux aguets, prête à se lancer—

Il passa à côté d’elle, sans incident.

Callie respira à nouveau, se réprimandant intérieurement d’avoir été si paranoïaque. C’était ce qui arrivait aux gens trop préparés. Qui craignaient trop de se faire attaquer dans les ruelles.

Javi en rirait. Elle le lui raconterait, même si c’était gênant. Il rirait de bon cœur et lui dirait qu’il la protégerait des grands hommes effrayants. Ce serait un moment de complicité entre eux.

Tout d’un coup, Callie fut déséquilibrée, juste au moment où elle reprenait son souffle. Quelque chose venant de derrière. Elle pris conscience que c’était forcément lui. Il l’agrippait par les épaules, un de ses bras la cintrant. Vers lui. Ses omoplates heurtèrent sa poitrine, et quelque chose se pressait sur sa gorge – quelque chose d’aiguisé – quelque chose—

Elle voulut crier au secours, appeler Javi, hurler, mais quand elle essaya, l’air ne fit que sortir en bulles de sa gorge, par la nouvelle ouverture qu’il avait faite. Il lui avait tranché la gorge. Quelque chose de chaud se répandait en cascade sur sa poitrine – elle savait ce que c’était – son propre sang.

Dans un moment de lucidité qu’elle n’avait jamais ressenti, Callie Everard sut qu’elle allait mourir.

Qu’elle mourait, même. Cela se passait, en ce moment, activement, et elle n’allait jamais revoir Javi pour se faire faire ce nouveau tatouage, et elle n’allait jamais réaliser son rêve de devenir son propre patron, et elle n’allait jamais posséder cette Mercedes sur laquelle elle avait posé les yeux quand elle avait lu qu’une célèbre rédactrice de mode en conduisait une. Les mains de Callie s’agrippèrent à sa gorge, glissant sur le sang, et elle ne put saisir que les bords de cette nouvelle ouverture, dont la cartographie n’avait aucun sens pour ses doigts tâtonnants.

Callie tomba, sans s’en rendre compte, jusqu’à ce qu’elle constate qu’elle regardait le ciel et devait donc être sur le dos. Elle s’efforça une dernière fois d’émettre un bruit, aspirant désespérément de l’air par sa bouche ouverte et essayant de l’expulser à nouveau en criant. Tout ce qu’elle entendit fut un nouveau jet de sang provenant de sa blessure, l’oxygène y bouillonnant, n’atteignant même pas ses poumons.

Ce ne fut qu’un instant plus tard que Callie cessa de voir quoi que ce soit, et arrêta de respirer, puis ce ne fut plus que son corps qui demeurait abandonné dans la ruelle. Une coquille. Son âme, ou sa conscience, ou quoi que ce soit qui avait été Callie, était bien loin.




CHAPITRE DEUX


Zoe posa son verre sur la table, tentant de se retenir de calculer le volume de l’eau restant à l’intérieur. C’était un combat perdu d’avance, bien sûr. Elle allait toujours voir les chiffres, qu’elle le veuille ou non.

« Qu’en penses-tu ?

– Hum ? » Zoe leva le regard, coupable, et croisa les yeux bruns de John qui patientaient.

Elle s’attendit à ce qu’il perde patience, mais elle n’avait toujours pas réussi à le pousser aussi loin. Au lieu de cela, il lui fit un doux sourire, un de ses sourires asymétriques qui montait plus haut sur le côté droit de son visage que sur le gauche. Il semblait toujours lui offrir ces sourires, lui pardonner quelque chose ou autre. Zoe ne savait pas vraiment si elle le méritait.

« À quoi penses-tu ? » demanda John.

Zoe essaya de modeler son visage en quelque chose qui lui dirait de manière convaincante qu’elle allait bien. « Oh, rien, » dit-elle, puis, sentant que ce n’était peut-être pas la meilleure des réponses : « Juste des trucs de boulot.

– Tu peux m’en parler, tu sais, » dit John, en glissant sa main sur la sienne au-dessus de la table. Elle sentit son cœur battre lentement à travers son pouce, à l’endroit où il appuyait sur sa peau, plus lentement que le sien. Bien plus lentement.

Super. Zoe avait inventé une excuse rapide, et maintenant il demandait des détails. Que devait-elle faire ? « C’est une affaire en cours », dit-elle en haussant les épaules, espérant qu’il y croirait. « Je ne peux pas vraiment parler des détails avant le procès. »

John acquiesça, semblant se contenter de cela. Zoe poussa un soupir de soulagement intérieur. Elle devait se concentrer, ne pas compter les quatre fois où sa tête avait basculé vers l’avant à un angle de trente degrés et où l’éclat de ses cheveux bruns bien soignés était apparu dans la lumière, ou les six verres qui passaient sur le plateau tenu par la serveuse d’un mètre soixante-sept ou le—

Zoe cligna des yeux, essayant de recentrer son regard sur John, et ses oreilles sur ce qu’il racontait.

« Alors, j’ai dû lui dire : « Désolé, Mike, mais c’est vraiment dommage que je doive sortir avec quelqu’un ce soir, » rit-il.

Zoe fronça les sourcils. « Tu aurais pu reporter le rendez-vous si cela ne te convenait pas, dit-elle. Ça ne m’aurait pas dérangée.

– Quoi ? Non ! » dit John, en se penchant d’abord en arrière d’un air inquiet, puis en saisissant à nouveau sa main. « Mon Dieu, non, Zoe. J’avais hâte de te revoir. C’était juste – j’étais sarcastique. Ou ironique, ou autre. J’oublie toujours lequel est lequel. Honnêtement, je n’aurais pas annulé notre rendez-vous juste pour un truc professionnel. »

Les yeux de Zoe se posèrent sur son assiette, désormais vide des excellentes roulades de saumon au beurre blanc citronné qui avaient constitué son plat principal. C’était le lieu de rendez-vous le plus en vue à Washington, D.C. pour un repas, et elle se souvenait à peine de l’avoir mangé.

Elle n’était pas sûre de pouvoir affirmer qu’elle placerait toujours John en priorité. Après tout, elle était agent du FBI. On attendait d’elle qu’elle mette sa vie de côté pour poursuivre une affaire, et non l’inverse. Elle tendit délibérément la main pour remettre une mèche de ses cheveux bruns courts derrière son oreille, sentant qu’elle était plus longue d’un centimètre que ce qu’elle aimait. Les choses avaient été mouvementées ces derniers temps. Pas de temps pour les activités quotidiennes qui faisaient tourner la vie.

« Je veux dire, bien sûr, je comprends que tu devrais parfois annuler, » dit John, en sirotant son vin nonchalamment comme s’il n’avait pas réussi à lire dans ses pensées. « Tu dois empêcher les tueurs en série de perpétrer des folies meurtrières. Ton travail est important. Personne ne se fâchera si je ne reste pas au bureau toute la nuit à essayer de déterminer s’il existe une limite de propriété commune établie dans trois rapports différents datant des années 1800 et s’ils peuvent être appliqués au cas de mon client. Sauf peut-être mon client, et il bénéficiera de l’excellente humeur dans laquelle je me réveillerai demain, sachant que j’ai passé ma soirée avec toi.

– Tu es trop gentil avec moi, lui dit Zoe. Toujours. Je ne comprends pas. »

C’était vrai : elle ne le comprenait pas. Elle avait complètement gâché leur premier rendez-vous, et lors du second, elle l’avait traîné à l’hôpital pour essayer de retrouver les dossiers d’un tueur potentiel. Puis il l’avait attendue dans le froid, parce que, sans réfléchir, elle n’avait pas pris la peine de lui dire qu’elle pouvait rentrer chez elle par ses propres moyens. Peu d’hommes auraient voulu postuler pour un troisième rendez-vous – et c’était leur cinquième.

« Tu n’as pas à le comprendre, » dit John, en lissant sa cravate pour la onzième fois de la soirée, dans un geste qui lui devenait familier. « Tu dois juste accepter mon avis que tu le mérites. Je ne suis pas trop gentil. Je suis juste assez gentil. En fait, je pourrais être plus gentil.

– Tu ne pourrais pas être plus gentil. Ce serait contraire aux lois de la physique et de la nature.

– Eh bien, qui en a besoin, de toute façon ? » John afficha à nouveau son sourire éclatant et se pencha en arrière pendant que le serveur ramassait leurs assiettes vides.

« Alors, sur quoi travailles-tu en ce moment ? » demanda-t-elle, pensant qu’elle devrait essayer de s’intéresser davantage à sa vie. Il était toujours si attentif à poser des questions sur la sienne. Est-ce qu’elle gâchait tout ? Elle faisait tout foirer, n’est-ce pas ?

« Comme je te disais, c’est la ligne de démarcation des propriétés ancestrales, » dit John, en lui faisant un petit froncement de sourcils. « Tu es sûre que ça va ? »

Zoe le regarda, croisant ses yeux avec des pupilles à peine dilatées dans la faible lumière du restaurant, entendant les quatre temps de la douce musique de piano en arrière-plan et la façon dont chaque note montait, descendait, montait, montait d’une demi-note et redescendait. Si seulement elle pouvait éteindre les chiffres, ou au moins baisser leur volume. Elle devait se concentrer sur John et sur ce qu’il lui disait, mais rien dans son cerveau ne s’arrêtait. Elle avait juste besoin que ça s’arrête. Tout s’envolait, et elle n’était plus sûre de pouvoir reprendre le contrôle.

« Je suppose que je suis un peu fatiguée, » dit-elle. Niveau excuses, il semblait que cela pouvait être à moitié acceptable. Si seulement il pouvait exister une excuse pour justifier du fait qu’elle ne lui accordait pas la courtoisie de son attention.

Il ne savait pas qu’elle était capable de voir les chiffres partout, dans tout, et elle n’était pas prête à le lui dire. Pas pour les mille quatre cent cinquante-trois dollars et dix-neuf cents de plats et de boissons qu’elle avait vus passer devant leur table, aux mains du personnel de salle, depuis qu’ils s’étaient assis il y a une heure et treize minutes.

« J’ai passé une merveilleuse soirée, » dit-elle. Le pire, c’était qu’elle était sincère. Quand John passait tout leur temps à être accommodant et à la faire se sentir bien, pourquoi ne pouvait-elle pas au moins l’écouter ?

« Eh bien, j’ai passé un moment horrible. On le refait la semaine prochaine ? » dit-il, en essuyant son sourire avec une serviette. Même s’il s’illumina, ses yeux pétillants d’une espièglerie qui répondaient aux courbes irrégulières de sa bouche, il lui fallut encore un moment pour prendre conscience qu’il plaisantait. Les mots la déstabilisèrent, à la pensée qu’elle aurait pu tout gâcher.

« J’aimerais bien, » dit Zoe, en hochant la tête, tout en gardant ses émotions pour elle. « Alors la semaine prochaine. »

Elle se leva, sachant désormais qu’il lui interdirait de payer les quatre-vingt-dix-huit dollars et trente-deux cents qui s’étaient accumulés sur l’addition, plus le pourboire.

Bien que cela lui ait traversé l’esprit, elle ne dit pas tout haut qu’il lui faudrait de la chance pour honorer leur rendez-vous. En tant qu’agent actif, on ne savait jamais quand la prochaine affaire serait traitée, ni où il faudrait aller.

À la même heure la semaine prochaine, qui sait où elle pourrait se trouver ?

Même à cet instant précis, leur prochain tueur faisait probablement son travail, en leur laissant un puzzle – et il y avait toujours une chance pour que le prochain soit celui qu’elle ne pourrait pas résoudre. Zoe lutta contre cette sensation de malaise dans ses tripes, se convaincant en quelque sorte qu’elle savait : la semaine prochaine à la même heure, elle serait plongée dans une affaire qui ferait passer toutes les autres pour un jeu d’enfant.




CHAPITRE TROIS


Zoe ajusta sa position sur le siège, se mettant un peu plus à l’aise dans le vieux et confortable fauteuil. Elle commençait à s’habituer à s’asseoir ici, aussi étrange que cela puisse sonner à ses propres oreilles qu’elle s’accoutumait à la thérapie.

Parler à quelqu’un de ses problèmes personnels semaine après semaine avait auparavant semblé infernal à Zoe, mais avoir le soutien de la Dr. Lauren Monk n’avait pas donné de si mauvais résultats jusqu’à présent. Après tout, c’était la Dr. Monk qui l’avait encouragée à sortir de nouveau avec John, et cela avait été une bonne décision, du moins jusqu’à maintenant.

En tout cas, la concernant. Elle commençait à se demander si John pouvait en dire autant.

« Alors, raconte-moi ce rendez-vous. Que s’est-il passé ? » s’enquit la Dr. Monk, en ajustant son carnet sur son genou.

Zoe soupira. « Je n’arrivais pas à me concentrer, dit-elle. Les chiffres prenaient le dessus. Je ne pensais qu’à ça. Je suis passé à côté de phrases entières de sa conversation. Je voulais lui donner toute mon attention, mais je ne pouvais pas les mettre en sourdine. »

La Dr. Monk acquiesça, concentrée, posant sa main sur son menton. Depuis la séance durant laquelle Zoe avait révélé sa synesthésie – sa capacité de voir les chiffres partout et en tout, comme le fait que le stylo de la Dr. Monk était plus lourd que la moyenne en raison du léger angle de chute de quinze degrés lorsqu’il reposait sur le bord de ses doigts, en comparaison avec celui d’un BIC – elle trouvait la thérapie encore plus utile. C’était libérateur à bien des égards, de pouvoir vraiment admettre ce qui se passait et la façon dont elle luttait.

Il y avait peu de gens dans le monde qui connaissaient la synesthésie de Zoe. Il y avait la Dr. Monk et la Dr. Francesca Applewhite, qui avait été la mentor de Zoe depuis ses années universitaires. Il y avait ensuite sa partenaire au F.B.I., l’Agent Spécial Shelley Rose.

Et c’était tout. Elle n’avait même pas besoin de tous les doigts de sa main pour les compter. C’étaient les seules personnes en qui elle avait eu assez confiance pour en parler depuis son premier diagnostic – celui d’un médecin qu’elle n’avait pas revu depuis. Délibérément. Pendant longtemps, elle avait pensé qu’il y avait peut-être un moyen d’échapper ou d’occulter cette capacité que sa mère qualifiait de sorcellerie diabolique.

Mais tant que cela l’aidait à résoudre des crimes, Zoe ne pouvait pas dire qu’elle souhaitait que cela disparaisse. Plus maintenant. Il serait juste utile que son aptitude s’atténue lorsqu’elle essayait d’établir une relation amoureuse, ce qui ne nécessitait pas d’estimer les mesures spécifiques de liquide dans chaque verre ou la distance entre les yeux de John.

« Ce qui pourrait être bénéfique, c’est que nous trouvions ensemble des moyens qui pourraient t’aider à baisser le volume sonore de ton cerveau, pour ainsi dire, dit la Dr. Monk. « Est-ce une chose que tu aimerais explorer ? »

Zoe hocha la tête, prise de court par la boule qui lui avait envahi la gorge à l’idée de pouvoir faire cela. « Oui, » réussit-elle à dire. « Ce serait génial.

– Très bien. » La Dr. Monk réfléchit un instant, en tapotant distraitement le stylo contre sa clavicule. Zoe avait remarqué cette habitude, toujours un nombre pair de tapotements.

« Pourquoi faites-vous cela ? » lâcha-t-elle, embarrassée l’instant d’après par la question qu’elle avait posée.

La Dr. Monk la regardait surprise. « Tu veux dire, taper ma clavicule ?

– Désolée. Cela ne me regarde pas. Vous n’avez pas à me le dire. »

La Dr. Monk sourit. « Cela ne me dérange pas. En fait, c’est quelque chose que j’ai pris quand j’étais étudiante. C’est un exercice de relaxation. »

Zoe fronça les sourcils. « Vous n’êtes pas calme ?

– Si. C’est devenu une habitude maintenant, même quand je réfléchis. Cela me permet de me plonger dans un état plus zen. J’avais des crises de panique quand j’étais plus jeune. As-tu déjà été prise d’une crise de panique, Zoe ? »

Zoe y réfléchit, essayant de déterminer en quoi cela consistait. « Je ne pense pas.

– Que ce soit une crise de panique totale ou quelque chose de moins grave, ce dont nous avons besoin, c’est que tu aies recours à quelque chose qui puisse te calmer, diminuer les chiffres. Nous voulons que ton esprit cesse de s’emballer, ce qui te permettra de te concentrer sur une seule chose à la fois. »

Zoe acquiesça, suivant avec ses doigts les fissures du bras de son fauteuil en cuir. « Ce serait bien.

– Commençons par un exercice de méditation. Ce que tu devrais commencer à faire, selon moi, c’est d’entreprendre une pratique de méditation tous les soirs, peut-être juste avant d’aller au lit. Cela t’aidera à améliorer ta capacité à contrôler ton esprit au fil du temps. Ce n’est pas une solution immédiate, mais si tu t’y tiens, tu verras des résultats. Jusque-là, tu me suis ? »

Zoe hocha la tête silencieusement.

« Bien. Maintenant, écoute mes instructions. Je veux que tu fasses un essai maintenant, et tu pourras ensuite t’exercer par toi-même ce soir. Commence par fermer les yeux et compte tes respirations. Essaie d’oublier tout le reste. »

Zoe ferma les yeux avec obéissance et entreprit de respirer profondément. Un, se dit-elle. Deux.

« Bien. Lorsque tu arrives à dix, recommence à partir de « un ». Ne te laisse pas compter au-delà. Tu souhaites seulement continuer à compter ces respirations, jusqu’à ce que tu commences à te détendre. »

Zoe essaya, en tentant de chasser d’autres pensées de son esprit. C’était difficile. Son cerveau voulait lui dire que sa jambe droite la démangeait, qu’elle pouvait percevoir l’odeur du café de la Dr. Monk, ou lui rappeler combien il était étrange d’être assise les yeux fermés dans le bureau de quelqu’un. Il voulait ensuite lui dire qu’elle pratiquait mal l’exercice et qu’elle se laissait distraire.

De toute façon, respirait-elle au bon rythme ? À quelle vitesse était-on censé respirer ? Le faisait-elle correctement ? Et si elle avait mal respiré pendant tout ce temps ? Pendant toute sa vie ? Comment aurait-elle pu le savoir ?

Malgré ses doutes, elle continua en silence, et commença finalement à sentir détendue.

« Très bien, » dit la Dr. Monk, sa voix étant désormais plus calme et plus grave. « Maintenant, je veux que tu imagines un ciel. Tu es assise et tu regardes ce ciel. D’un bleu magnifique, juste un petit nuage flottant au-dessus, rien d’autre à l’horizon. Il s’étend par-dessus une mer bleue, calme. Le vois-tu ? »

Zoe n’était pas douée pour imaginer des choses, mais elle se souvint d’une photo qu’elle avait récemment vue dans une publicité pour une agence de voyages. Une famille qui jouait joyeusement dans le sable, un paradis d’un bleu impossible derrière eux. Elle se posa là, en se concentrant sur cela. Elle fit un petit signe de tête pour annoncer à la Dr. Monk qu’elle était prête à continuer.

« Bien. Sens la chaleur du soleil sur ton visage et tes épaules. C’est une belle journée. Juste une légère brise, exactement le genre de temps que tu souhaiterais. Tu es assise dans un petit bateau gonflable, juste au large de la côte. Sens-le se balancer doucement dans le mouvement de la mer. C’est tellement paisible et calme. Le soleil n’est-il pas merveilleux ? »

En temps normal, Zoe se serait moquée d’une telle chose, mais elle fit ce qu’on lui disait, et elle put presque jurer qu’elle le ressentait. Un vrai soleil, qui tapait sur son front. Pas trop oppressant : le genre de soleil qui laisse à penser que l’on bronze, pas que l’on attrape un cancer de la peau.

Cancer de la peau. N’aurait pas dû penser au cancer de la peau. Concentre-toi, Zoe. Se balancer dans le courant.

« Regarde sur le côté. Tu verras une île derrière toi. La plage d’où tu viens, et derrière elle, le reste de ce paradis. Que vois-tu ? »

Zoe savait exactement ce qu’elle voyait quand elle y regarda : une autre image d’une publicité de voyage. Un endroit où elle aurait voulu aller. Sauf qu’il avait été présenté comme étant une destination de lune de miel, et elle était célibataire à l’époque, et que cela n’avait eu comme effet que de la faire se sentir encore plus seule.

« Du sable doré, » dit-elle, le son de sa propre voix étrangement détaché et inconnu. « Puis des sous-bois luxuriants. Derrière, des arbres tropicaux s’élèvent vers le ciel, de trois mètres et plus. Le soleil se couche selon un angle aigu, les ombres ne font que quinze centimètres de long. Je ne peux pas voir au-delà. Il y a un arbre penché à un angle de quarante-cinq degrés au-dessus de l’eau, avec un hamac de deux mètres attaché en dessous. Il est vide.

– Essaie de te concentrer davantage sur le paysage plutôt que les chiffres. Maintenant, écoute. Peux-tu entendre les vagues qui déferlent doucement sur le sable ? Entends-tu les cris des oiseaux ? »

Zoe inspira profondément, laissant cette nouvelle strate de sensations la submerger. « Oui, dit-elle. Des perroquets. Je pense. Les vagues s’enchaînent à intervalles de trois secondes. Le chant des oiseaux, toutes les cinq secondes.

– Ressens le soleil chaud sur ton visage. Tu peux fermer les yeux, arrêter de compter. Tu es en sécurité ici. »

Zoe respirait, contemplant toujours l’île dans son esprit. Ses yeux s’égaraient encore vers le hamac. Pour qui était-ce ? Pour elle-même, ou quelqu’un la rejoindrait-il un jour ? John ? Voulait-elle qu’il soit là, sur son île personnelle ? Il était taillé pour un homme. Elle ne mesurait elle-même qu’un mètre soixante-sept. Le hamac était suspendu à soixante centimètres au-dessus de l’eau.

« C’est très bien, Zoe. Maintenant, je veux que tu te concentres à nouveau sur ta respiration. Compte à rebours à partir de dix, comme avant, mais à l’envers. Pendant ce temps, je veux que tu reviennes lentement de ton île. Laisse-la s’évanouir, et laisse-toi te réveiller, petit à petit. Doucement, maintenant. C’est ça. »

Zoe ouvrit les yeux, un peu gênée de constater à quel point elle se sentait plus sereine – et désormais consciente de l’étrange sensation d’être partie sur une petite île dans sa tête pendant que sa thérapeute la regardait assise, le dos droit, dans un fauteuil.

« Tu t’es bien débrouillée. La Dr. Monk sourit. Comment te sens-tu maintenant ? »

Zoe hocha la tête. « Plus calme. » Mais elle avait des doutes. Les chiffres avaient été présents. Ils l’avaient suivie, même dans cet espace. Et si elle ne pouvait jamais s’en débarrasser ?

« C’est un excellent début. Plus tu feras l’exercice, plus tu trouveras cela paisible. Et c’est une bonne chose, parce que cela peut être un endroit calme où tu peux retourner quand tu te sens stressée ou débordée. » La Dr. Monk prit quelques notes dans son carnet, son stylo faisant des traits rapides et des lignes d’araignée que Zoe ne put décoder.

« Et si j’ai besoin de bloquer rapidement les chiffres ? Par exemple, dans une situation d’urgence ? demanda Zoe. Ou si je ne peux pas confier à l’autre personne pourquoi j’ai besoin de me calmer ? »

La Dr. Monk acquiesça. « Essaie tout simplement de compter les respirations, comme tu as fait pour entrer en méditation. Nous devrons tester cela dans un contexte réel, mais je crois que compter une chose – ta respiration – peut te permettre d’arrêter de voir les chiffres par ailleurs. C’est une tactique de distraction qui consiste à distraire le côté chiffres de ton cerveau pendant que tu te concentres sur autre chose. »

Zoe hocha la tête, essayant de graver cela dans son esprit. « D’accord. »

« Maintenant, Zoe, sur le fait de ne pas vouloir expliquer aux gens pourquoi tu as besoin de supprimer les numéros – ou le fait que tu peux les voir. Pourquoi es-tu toujours déterminée à cacher ce don ? » demanda la Dr. Monk, en penchant la tête d’une manière que Zoe avait fini par définir comme annonçant un changement de stratégie.

Elle eut du mal à répondre à cette question. Eh bien, non : elle en connaissait la raison. Une peur qui l’avait saisie depuis qu’elle était jeune fille, renforcée par des cris d’enfant du diable et des séances de prières forcées qui la maintenaient à genoux toute la nuit, en souhaitant que les nombres s’en aillent. Il était difficile de le confier à voix haute.

« Je ne veux pas que les gens le sachent, » dit-elle, en saisissant un morceau de peluche imaginaire sur son pantalon, au niveau du genou.

« Mais pourquoi, Zoe ? insista la Dr. Monk. « Tu as une capacité merveilleuse. Pourquoi ne veux-tu pas la partager avec les autres ? »

Zoe s’expliqua péniblement. « Je… ne souhaite pas qu’ils changent leur avis sur ma personne.

– Tu as peur que tes collègues te perçoivent différemment de ce qu’ils font maintenant ?

– Oui. Peut-être… » Zoe hésita, en haussant les épaules. « Peut-être qu’ils pourraient essayer de… de faire quelque chose avec ça. De l’exploiter d’une manière ou d’une autre. Je ne veux pas être la marionnette de quelqu’un d’autre. Ou la victime de pièges et de farces. Ou d’une pièce de théâtre que les gens pourraient expérimenter. »

La Dr. Monk acquiesça. « C’est compréhensible. Es-tu certaine que ce soit tout ce dont tu as peur ? »

Zoe connaissait la réponse. Elle la murmura même dans sa tête. J’ai peur qu’ils sachent tous – qu’ils voient que je ne suis pas normale. Je ne suis pas des leurs. Je suis un monstre de la nature. J’ai peur qu’ils me détestent pour cela. Mais, « Oui, j’en suis sûre, » dit-elle à voix haute.

La Dr. Monk l’observa un instant, et Zoe fut persuadée qu’elle était découverte. La Dr. Monk était une thérapeute, elle pouvait évidemment reconnaître quand quelqu’un lui mentait. Elle allait insister, ferait admettre à Zoe la peur secrète qu’elle avait enfouie au plus profond d’elle-même pendant si longtemps.

Mais elle ne fit que fermer son carnet et le posa soigneusement sur son bureau, en arborant un sourire éclatant. « Nous avons fait des progrès fantastiques aujourd’hui, Zoe. Nous sommes à la fin de notre séance, alors je te prie d’inclure cette méditation dans tes habitudes nocturnes et d’essayer de la conserver. Lors de notre prochaine entrevue, j’aimerais savoir si tu as fait des progrès. »

Zoe se leva et la remercia, puis elle repartit, avec l’impression d’avoir été sauvée par le gong.

Et puis il y eut un gong plus littéral, une sonnerie provenant de sa poche. Elle sortit son portable en traversant la salle d’attente, découvrant le nom de Shelley sur l’écran.

« Agent Spécial Zoe Prime, » dit-elle. Cela lui faisait du bien d’utiliser l’appellation officielle appropriée, même quand elle savait qui l’appelait.

« Z, c’est moi. Le chef a besoin que tu viennes tout de suite à l’aéroport. On a une affaire à Los Angeles. Prends un sac pour la nuit, et je te rejoindrai là-bas.

– Combien de temps me reste-t-il ? demanda Zoe.

– Quarante-cinq minutes, puis nous prenons l’avion.

– On se retrouve là-bas, » dit Zoe. Elle raccrocha et traversa le couloir avec une détermination renforcée, estimant le temps dont elle disposerait pour faire ses bagages après avoir tenu compte du trajet jusqu’à l’aéroport.

Au fond, elle était ravie, juste un peu. Il s’était écoulé un certain temps depuis leur dernière affaire, toute la paperasserie, les dates d’audience et la bureaucratie. Même si elle ne pouvait pas vraiment se réjouir de la mort de quelqu’un, cela serait une bonne occasion de se retrouver dans une affaire de meurtre facile et tranquille – et elle croisait mentalement les doigts pour que ce soit ce à quoi elles allaient être confrontées.




CHAPITRE QUATRE


Zoe regarda par le hublot les nuages passer sous l’aile de l’avion. Peut-être aurait-elle dû en ressentir une sorte de paix intérieure. Il n’y avait rien à compter, après tout. Mais elle n’aimait pas la sensation d’être si loin du sol, et elle ne l’apprécierait jamais. Elle détestait l’idée que quelqu’un d’autre puisse tout contrôler et être responsable de sa vie.

« L’Agent Spécial Superviseur Maitland nous a laissé ces documents, » dit Shelley, en présentant quelques dossiers pour capter l’attention de Zoe.

Zoe se détourna du hublot, en clignant des yeux pour se concentrer. « D’accord. À quoi avons-nous affaire de si urgent qu’on ne puisse pas attendre un briefing en personne ? » Les cheveux blonds de Shelley étaient soigneusement rangés en chignon derrière sa tête, son maquillage toujours aussi délicat et minutieux. Zoe se demanda un instant comment elle arrivait toujours à avoir l’air si soignée, même avec un jeune enfant à la maison – et même en prenant l’avion au pied levé.

« Deux victimes, » dit Shelley. Elle sépara les documents. « De toute évidence, l’équipe sur le terrain a considéré qu’elle n’arriverait à rien sans l’aide du Bureau. Ils nous l’ont remise volontairement.

– Volontairement ? Zoe haussa les sourcils. Pas étonnant que Maitland nous veuille sur place au plus vite. Il a probablement pensé qu’ils pourraient changer d’avis. »

Il était rare qu’elles obtiennent une affaire qui leur était remise volontairement. Les forces de l’ordre avaient tendance à être territorialistes, à vouloir mener une affaire à terme du début à la fin. Zoe le comprenait. Pourtant, cela contribuait généralement à des ambiances tendues et à une assistance des plus réticentes. Les agents avaient tendance à soupçonner le FBI d’être là pour les dessaisir de leur travail et à les déclarer inaptes au service, même si cela n’avait généralement aucun fondement dans les faits. Il serait rafraîchissant d’être véritablement accueilli quelque part.

Shelley ouvrit le premier dossier et commença à le parcourir. « La première victime retrouvée était un homme, caucasien, la trentaine environ. Il s’appelait John Dowling, bien que les gens du coin aient mis un certain temps à l’identifier. »

Zoe essaya d’occulter le nom et la façon dont celui-ci lui avait transpercé le cœur. Après tout, John était un prénom assez courant. Elle ne devrait pas avoir besoin d’imaginer John saignant, abattu ou étranglé pour passer à autre chose. « Pourquoi donc ?

– Le corps a été gravement brûlé. L’autopsie indique que sa gorge a d’abord été tranchée, puis qu’il a été emmené ailleurs et brûlé, avant d’être découvert.

– Savons-nous où le crime a été commis ? »

Shelley examina les notes. « Pas encore de localisation sur le meurtre à proprement parler. On pense qu’il a pu se produire dans une maison privative, car il a dû y avoir beaucoup de sang, et que rien n’a été signalé. Le corps a été transporté dans une rue isolée et brûlé au beau milieu de la nuit. Le temps qu’un résident du quartier le remarque et ait le courage d’aller faire les constatations, beaucoup de dégâts avaient été causés.

Sans dire un mot, Shelley lui remit une photographie. Elle montrait un corps noirci et tordu, au point de ne presque plus distinguer un corps humain. Cela ressemblait à un accessoire de cinéma, pas à une personne réelle. Zoe dut reconnaître les mérites de ceux qui avaient réussi à déterminer la cause du décès. Ils avaient dû avoir un sacré travail sur les bras.

Il y avait une autre photo dans le dossier, l’image d’un jeune homme souriant. John Dowling dans la vie de tous les jours, probablement issue d’un de ses profiles sur les réseaux sociaux. Il était dans une pièce sombre, avec des gens visibles en arrière-plan – vraisemblablement à l’occasion d’une fête. Il avait l’air heureux.

« Des pistes à ce jour le concernant ? Ennemis, rancunes ?

– Rien pour l’instant. L’enquête est en cours.

– D’accord. Et la seconde ? »

Shelley ferma le premier dossier et prit l’autre, en aspirant une bouffée d’air entre ses dents. « Histoire similaire. La gorge tranchée, puis brûlée. Une jeune femme, Callie Everard. La vingtaine. Elle était jolie aussi. »

Zoe se retient tout juste de ne pas lever les yeux au ciel. Elle ne manquait jamais de s’étonner que les gens, même son estimée partenaire, puissent mettre l’accent sur ce genre de choses. Jeune, vieux, joli, moche, mince, gros – un mort était un mort. Toute vie prise devait faire l’objet d’une enquête, chaque tueur devait être puni. Les détails ne faisaient que peu de différence.

« Le lieu ?

– Cette fois-ci, tout s’est passé dans la même ruelle. Il semble que le tueur s’est approché d’elle, lui a tranché la gorge, l’a laissée tomber raide morte, puis lui a mis le feu. C’est une clémence relative. Elle n’aura pas été consciente au moment de se consumer. »

C’était un sentiment auquel Zoe pouvait au moins se rallier. Il y avait très peu de façons agréables de partir, et être brûlé vif n’en faisait pas partie. « Et elle ? Aurait-elle pu avoir une cible sur elle ?

– Les flics locaux n’ont pas fini d’enquêter. Elle a été retrouvée hier, mais n’a pu être identifiée que ce matin. Ils ont réussi à informer le plus proche parent, et c’est tout. »

Zoe prit les photos. Ce corps était moins brûlé, même si ce n’était que de quelques degrés. Il était encore possible de distinguer qu’il s’agissait d’une femme, et il y avait des lambeaux de chair sur le corps qui scintillaient, rouges et crus, à travers le chaos noirci.

« Les images te révèlent-elles quelque chose ? » demanda Shelley.

Zoe leva les yeux et se rendit compte qu’on l’observait attentivement. « Pas encore. Je ne vois rien qui puisse me servir. Le feu corrompt les choses et les déforme. Je ne pourrais même pas estimer de façon fiable leur taille et leur poids, sans leur dossier médical.

– Les deux individus étaient des jeunes en bonne santé. Ce serait peut-être un simple crime passionnel. Ils ont eu un ami commun, ou un ex-ami, qui aurait perdu la tête et aurait décidé de mettre le feu aux poudres.

– Nous pouvons l’espérer. » Zoe soupira et reposa sa tête contre le fauteuil. Pourquoi les avions devaient-ils être toujours aussi inconfortables ? Elle avait lu que les passagers de première classe avaient des lits. Mais ce n’était pas comme si le Bureau allait prendre en compte cette option.

« Au fait, comment ça va ? » demanda Shelley. Elle rangea les dossiers dans son bagage à main et s’installa dans son siège avec un air entendu. « As-tu revu John hier ? »

C’était vendredi soir, et John avait semblé heureux de la façon dont Zoe menait sa vie. Une petite routine. La seule différence était le lieu. « Oui, je l’ai revu.

– Et alors ? » demanda impatiemment Shelley. « Des détails, Z. Cela se passe bien entre vous deux, n’est-ce pas ? »

Zoe haussa les épaules, et tourna à nouveau la tête vers le hublot. « Assez bien, je suppose. »

Shelley soupira d’un air irrité. « Assez bien ? Qu’est-ce que cela veut dire ? Il te plait ou non ?

– Bien sûr qu’il me plait. Zoe fronça les sourcils. Sinon, pourquoi me rendrais-je à autant de rendez-vous avec lui ? »

Shelley hésita, son reflet basculant sur le côté derrière elle. « Je suppose que tu as raison. Bien que certaines personnes s’investissent, même si quelque chose ne les attire pas vraiment. Mais tu saisis ce que je veux dire. Les rendez-vous deviennent-ils sérieux ? »

Zoe laissa ses yeux se refermer. Peut-être que Shelley comprendrait le message et penserait qu’elle essayait de se reposer. « Je ne sais pas ce que cela signifie, et je ne pense pas vouloir y répondre de toute façon. »

Shelley s’arrêta, restant silencieuse pendant un long moment. Puis, d’un ton tranquille : « Tu sais, tu n’as pas besoin de me repousser sans cesse. Tu sais que tu peux me faire confiance. Je ne dirai rien à personne. Je n’ai pas révélé ton secret, n’est-ce pas ? »

Il y eut le petit incident durant lequel Shelley avait mentionné à leur supérieur, Maitland, que Zoe était « douée en maths » ; cependant, Zoe ne vit pas l’utilité d’aborder le sujet.

Elle ne répondit pas, du moins pas tout de suite. Que pouvait-elle dire ? Il était vrai qu’elle gardait ses distances, et qu’elle avait toujours été ainsi. Avait-elle même besoin de se justifier ? D’abord la Dr. Monk, et maintenant Shelley, parlaient comme si elle avait un problème. Comme s’il était déraisonnable de vouloir préserver sa vie intime.

« Je ne sais même pas pourquoi tu gardes encore ce secret, poursuit Shelley. Tu pourrais faire le bien.

– Comment ?

– En mettant tes compétences à profit.  Pour attraper des tueurs.

– Je le fais déjà. »

Shelley soupira. « Tu sais ce que je veux dire.

– Non, je ne sais vraiment pas, » répondit Zoe, plus prête que jamais à changer de conversation. « Combien de temps de vol reste-t-il ? » Elle commença à tapoter sur l’écran devant elle, le changeant pour montrer leur trajectoire de vol et leur progression, même si elle savait très bien où elles seraient et combien de temps elles allaient encore voler.

« C’est une chose à laquelle il faut penser, de toute façon, dit Shelley. On a l’impression que tu es plus heureuse quand tu es entourée de gens qui sont au courant. Tu deviens tendue, tu refoules quand tu ne te sens pas à l’aise. Peut-être que tu aurais une vie plus confortable en général si tout le monde savait.

– Cinquante-six minutes, » dit Zoe, comme si elle ne l’avait pas entendue. « Nous devons nous préparer. Nous devrions aller directement sur la dernière scène de crime depuis l’aéroport. As-tu l’adresse ? »

Shelley ne dit rien, se contentant de la regarder longuement avant de revenir aux dossiers et de chercher les éléments dont elles avaient besoin.




CHAPITRE CINQ


Zoe plissa les yeux, observant les deux entrées de la ruelle, vers le ciel. C’était une journée claire et dégagée. Une petite bande bleu pâle courait au-dessus, se rétrécissant au loin, encadrée par les briques sales des immeubles d’habitation et des entrepôts situés de chaque côté.

On était loin du luxe et des palmiers ondulants de Beverly Hills. Les rues et les trottoirs étaient fissurés et défraîchis, et le bâtiment le plus proche au bout de l’allée était un refuge pour les sans-abri. Pourtant, les studios qui s’élevaient de l’autre côté coûtaient probablement plus cher que la maison de son enfance dans le Vermont rural.

Il y avait encore quelque chose qui flottait dans l’air, malgré le retrait du corps. Zoe pouvait encore le sentir. Cela ne partirait probablement pas avant longtemps. La puanteur de la chair et des cheveux humains brûlés avait tendance à persister.

Zoe porta de nouveau son attention au sol et à la tache de marques brûlées qui recouvrait le bitume de la rue et les briques, sacs poubelles et seringues éparpillés. La plupart de ces éléments étaient désormais brûlés et tordus sur eux-mêmes, transformés en amas de plastique noir informes qui ne faisait que renforcer l’odeur désagréable. Le tueur ne s’était visiblement pas tant soucié de la présentation.

Ou peut-être que si, et il déclarait que cette jeune femme – cette Callie Everard – n’était qu’un déchet de plus.

À proximité, Shelley parlait à un policier local, tandis que les autres étaient en train de tout emballer. L’équipe médico-légale était déjà venue sur le site, et le corps avait été emmené pour des tests. Il ne restait plus qu’à ramasser tous les petits morceaux de preuves laissés parmi les débris du meurtre. Une femme officier aux cheveux courts et de petite taille les plaçait avec précaution, un par un, dans des sacs de preuves en plastique.

Zoe ne la regardait qu’avec un vague intérêt. Son esprit travaillait sur ses propres pistes, retraçant ce que ses yeux voyaient. La femme avait été allongée la tête à côté des sacs poubelles renversés, les pieds orientés vers le milieu de la ruelle, à un angle de trente degrés par rapport à ce qui aurait été la ligne médiane. Elle était tombée en arrière, très probablement après avoir été égorgée. Il y avait encore quelques traces de sang, sous les brûlures et les fluides corporels dilués, qui étayaient cette théorie.

Elles en savaient déjà beaucoup sur elle, sur Callie. Le reste, elles l’apprendront en interrogeant ses amis et sa famille, en découvrant qui elle était et ce qu’elle faisait. Pourquoi quelqu’un aurait voulu la tuer.

Mais concernant le tueur lui-même, par contre, c’était autre chose. Où était-il, ou elle ? Zoe ne voyait rien sur le sol, aucun indice particulier qui aurait pu le trahir. Il n’y avait pas de traces de pas, dans une ruelle qui était sans doute traversée par des dizaines, voire des centaines de personnes chaque jour. Il n’y avait pas de briquet jeté, ni de bout d’allumette, ni de bidon d’essence vide. Toute preuve qui aurait pu indiquer sa présence avait été effacée lorsque quelqu’un avait jeté de l’eau sur le corps pour tenter de l’éteindre et de sauver une vie qui était déjà bien loin.

Qu’avait-il utilisé comme carburant ? Comme accélérateur ? Où s’était-il tenu ? De quel type d’arme s’était-il équipé pour lui trancher la gorge ? Ou elle, se reprit Zoe dans un effort d’ouverture d’esprit ; les statistiques étaient cependant claires. Ce degré de violence désignait d’habitude un suspect de sexe masculin.

C’était le « d’habitude » qui posait problème. Zoe aimait se fier à son instinct, mais à moins d’être sûre à plus de quatre-vingt-dix pourcent de quelque chose, elle n’était pas prête à tout miser dessus. Et par le passé, même avec ses certitudes, elle s’était parfois trompée. Aujourd’hui, elle ne pouvait plus être sûre de rien, pas en ce qui concernait ce tueur.

Peut-être en saurait-elle plus après avoir examiné le corps. Elle se retourna vers Shelley, qui était en train de terminer sa conversation.

« Il n’y a rien ici, » déclara Zoe une fois que Shelley eut terminé.

« Je ne peux pas dire que je suis étonnée, » répondit Shelley. Elle jetait un coup d’œil aux fenêtres des appartements situés au-dessus, noircies non pas par la fumée montante d’un cadavre humain, mais par des années de saleté et de négligence. « Personne dans le quartier n’a rien vu. Ils ont dit qu’ils avaient d’abord senti la fumée. Quelques habitants du quartier se sont précipités dehors avec un seau d’eau pour essayer d’aider, mais c’est tout. Aucun suspect, personne ne se tenait debout et regardait. Aucun témoin n’a vu quelqu’un pénétrer dans la ruelle à ce moment-là.

– Y a-t-il des enregistrements ? » Zoe désigna de la tête une caméra de sécurité perchée au bout de la ruelle, à l’endroit par lequel elles étaient entrées.

Shelley secoua la tête. « Les flics disent qu’elle n’est même pas connectée. Chaque fois qu’ils essayaient de la faire fonctionner, des enfants venaient et pulvérisaient de la peinture sur la lentille ou coupaient les fils. Ils l’ont gardée dans un esprit de dissuasion, au cas où, mais elle n’a pas fonctionné correctement pendant des années.

– Les gens du coin le savaient, souligna Zoe.

– Il en va de même pour toute personne qui aurait fait un repérage du quartier et aurait vu l’état dans lequel elle se trouve. »

Zoe fit un dernier tout d’horizon, satisfaite qu’il n’y avait plus rien à analyser ici. La seule histoire que les chiffres lui racontaient concernait la construction des bâtiments et la ruelle même. Comme elle doutait que la hauteur des murs ait un quelconque rapport avec le meurtre, elles en avaient fini avec la scène du crime. « Allons voir le coroner, maintenant » dit-elle avec détermination, en s’éloignant à grandes enjambées vers leur voiture de location.


***

Zoe plissait son nez, puis modulait sa respiration. C’était une question de concentration. Elle inspirait par la bouche, évitant ainsi l’odeur pestilentielle, et expirait par le nez. Shelley tentait de contenir des haut-le-cœur, mais Zoe s’affairait à la soutenir.

« C’est une sale affaire, » déclara le coroner. C’était une grande et jeune femme, bronzée aux cheveux blonds, et qui portait trop de fard à paupières pour une personne travaillant dans un cabinet médical – même si elle ne travaillaient qu’avec les morts.

Zoe l’ignora aussi et porta son attention sur le corps. Si l’on pouvait encore parler de corps, le charbon de bois étant une description plus appropriée. L’homme, celui que Shelley avait nommé John Dowling, n’était plus un homme. Il avait une certaine forme – des jambes entremêlées et sur un des côtés, des bras écrasés contre le corps, une saillie ronde à l’endroit où se trouvait la tête – mais on aurait tout aussi bien pu imaginer qu’il s’agisse d’un morceau de ferraille, d’une partie du ventre d’un navire ou d’une antique pièce de machinerie qui avait brûlé dans les ruines de Pompéi.

Le deuxième corps était à peine plus reconnaissable. Curieusement, même si la brûlure ne s’était pas tellement étendue, l’odeur de celui-ci était encore plus forte. Peut-être parce qu’elle avait été laissée dehors, sous la chaleur du soleil californien au milieu de la journée. La jeune femme. Les morceaux de chair déchiquetée et brûlée qui s’accrochaient encore à elle avaient quelque chose d’obscènes. Douze centimètres de jambe au-dessus du pied, cinq centimètres à chaque coude, une mèche de cheveux à l’arrière de la tête qui avait été protégée au contact sol humide. Plus longtemps dans les flammes, et elle aurait été tout aussi en cendres que lui.

« Blessures pré-immolation ? » demanda Zoe, sans lever les yeux.

Le coroner hésita une seconde.

« Je sais ce que signifie l’immolation, » répliqua le médecin légiste, avec pour la première fois une once de tension dans sa voix calme et posée. Tout chez elle était agaçant pour Zoe. « Pour autant que je puisse dire, compte tenu de l’état des corps, il n’y a eu qu’une seule incision à la gorge. Suffisante pour tuer à elle seule. On ne leur a rien fait d’autre, si ce n’est les brûler. »

Zoe se pencha plus près, examinant le cou. Les mains de la jeune fille s’étaient posées dessus, et les doigts avaient fusionné et fondu l’un contre l’autre quand elle s’était consumée. Cependant, il y avait encore une blessure nette et visible derrière eux, béante à l’endroit où sa tête avait basculé en arrière.

« C’était précis, » dit-elle, davantage pour elle-même qu’autre chose.

« C’était une attaque rapide, admit le coroner. Qui que soit le tueur, il savait ce qu’il faisait. Directement par derrière, une seule entaille dans le cou pour l’ouvrir complètement, dans les deux cas. »

Zoe se redressa et regarda Shelley pour bien faire comprendre que l’observation qui allait suivre était pour elle, et non pour l’irritante présence humaine dans la pièce. « Ce n’était pas un crime commis par impulsion. Il a été planifié, l’endroit a été choisi avec soin.

– Penses-tu que les victimes ont été choisies délibérément ? »

Zoe se mordit la lèvre pendant un moment, passant son regard d’un corps à l’autre. Qu’avaient-ils en commun, à part le fait d’être carbonisés ?

« Il est trop tôt pour se prononcer, conclut-elle. Nous devons en savoir plus sur Callie Everard. Si nous pouvons trouver un lien entre les deux, tant mieux. Sinon, il y aura peut-être un message plus important en jeu.

– Un tueur en série ? grogna Shelley. J’espère qu’ils étaient secrètement amants. Je croisais les doigts pour qu’on puisse rentrer à la maison pour le week-end.

– Bonne chance, » surenchérit le coroner, une déclaration qui n’était absolument pas nécessaire.

Zoe lui fit les gros yeux, et fut quelque peu calmée par l’attitude de la femme qui s’éloigna et s’occupa d’un plateau d’instruments en métal situé à proximité, plutôt que de croiser à nouveau son regard.

« Nous avons une salle qui nous attend au commissariat local, dit Shelley. Le flic à qui j’ai parlé m’a assuré que le café est horrible, et que la climatisation est également d’une inefficacité totale, nous avons donc des raisons de nous réjouir.

– Je te suis, » dit Zoe, en souhaitant qu’elle puisse au moins en rire pour atténuer le contre-coup.




CHAPITRE SIX


Tout en soupirant, Zoe choisit une chaise et s’effondra dessus, tendant la main vers le premier dossier qui leur avait été laissé.

« Merci, capitaine Warburton, nous apprécions vraiment votre aide, » disait Shelley près de la porte, recourant aux conversations informelles et aux plaisanteries que Zoe n’avait jamais appréciées.

Cela faisait du bien de faire partie d’une équipe qui fonctionnait. Où chacune avait son rôle à jouer. Shelley était aux personnes ce que Zoe était aux chiffres, et même si aucune des deux ne pouvait vraiment comprendre ce que faisait l’autre, cela rendait au moins les choses plus faciles.

Après une bonne vingtaine de minutes à étudier les dossiers, elles n’étaient pas davantage avancées. Même si la police locale avait réussi à recueillir quelques déclarations de la part des familles et à obtenir beaucoup plus d’informations que dans les dossiers initiaux qu’elles avaient examinés dans l’avion, rien de tout cela ne semblait utile. Zoe jeta ses papiers sur la table avec un grognement de frustration.

« Pourquoi ne peut-il jamais y avoir de lien évident ?

– Parce qu’alors les policiers locaux pourraient le faire, et nous serions sans emploi, dit posément Shelley. Passons en revue ce que nous savons. Parlons-en. Peut-être que quelque chose va coller.

– J’en doute beaucoup. Ces deux personnes étaient tellement différentes.

– Eh bien, commençons par là. John était en bonne santé, n’est-ce pas ? Un adepte de la salle de sport.

– Son colocataire dit qu’il passait presque tout son temps libre à la salle de sport. Il était en bonne forme.

– Et un gars gentil, en plus.

Zoe fit une grimace. « Il donnait de l’argent à des associations caritatives et donnait un coup de main à la soupe populaire le dimanche. Cela ne veut pas nécessairement dire que c’était un type gentil. Beaucoup de gens font des choses comme ça parce qu’ils dissimulent un côté sombre.

– Tu te raccroches à ce que tu peux, dit Shelley, en secouant la tête. Il n’y a rien d’autre à y voir. Il avait un style de vie sain. Pas de drogues, pas de condamnations, même pas de rapport disciplinaire au travail.

– Et elle était tout le contraire. » Zoe adressait cette dernière phrase à la photo d’une Callie Everard souriante, rayonnante devant l’objectif et brandissant une bouteille de bière tandis qu’un jeune homme visiblement ivre l’enlaçait de ses bras autour des épaules.

« Eh bien, peut-être pas. Oui, elle a eu des problèmes de drogue plus tôt dans sa vie. Mais elle a fait des allers-retours en cure de désintoxication à vingt-trois ans, a terminé le programme, a arrêté la drogue. Elle était sevrée depuis quelques années. Remise sur les rails. »

Zoe y réfléchit. « Cela pourrait être quelque chose d’intéressant. Les deux s’étaient mis à vivre sainement, même si ce n’est que récemment.

– Quoi, comme un culte du fitness ou quelque chose dans ce genre ? » demanda Shelley.

Zoe lui lança un regard noir.

« Eh bien, c’est possible, dit Shelley. Regarde tous ces trucs avec les vélos d’exercice. Et ce culte du développement personnel, celui qui incitait les femmes à coucher avec le fondateur et à lui donner tout leur argent.

– Je suppose que tu marques un point » Zoe n’en connaissait pas tous les détails, mais elle avait entendu parler de ces affaires. Shelley avait raison, d’une certaine manière. On ne savait jamais vraiment ce qui se passait dans l’envers du décor avant d’avoir enquêté suffisamment loin.

Elle saisit les photos de ces deux personnes, à la recherche de similitudes. C’était toujours frustrant de tomber sur une affaire comme celle-ci. Avec une seule victime, on pouvait résolument analyser les preuves, en se concentrant sur chaque petit détail en rapport avec cette personne. Avec trois victimes ou plus, on disposait d’assez d’éléments pour établir un schéma. Pour s’apercevoir que le tueur se déplaçait dans une certaine direction, ou qu’il ne visait que des blondes de moins d’un mètre soixante-dix-sept, ou qu’il se trahissait par un rituel qui apparaissait sur chacune des scènes de crime.

Avec deux, c’était beaucoup plus difficile. On ne pouvait pas relier les choses de la même manière. Une similitude parmi les chiffres pourrait n’être qu’une coïncidence qui serait remise en cause par un autre corps. On aurait pu remarquer que leurs âges étaient tous les deux un nombre premier, avant que cela s’avère insignifiant. On ne pouvait pas dire ce qui était important et ce qui n’était qu’une fausse piste élaborée par son propre esprit, sans intention délibérée.

« Il y a une chose qu’ils ont en commun, » dit Zoe en pointant les photos du doigt. « Les tatouages. Dowling avait un tigre sur son biceps gauche. Everard avait une rose sur la cuisse droite, en pointillés. Elle allait également voir un ami pour s’en faire faire un autre. »

Shelley haussa les épaules. « Est-ce que cela constitue vraiment un lien ? Beaucoup de gens ont des tatouages. »

Zoe compulsait d’autres photos, repérant davantage de marques sur les zones de peau qui étaient visibles sur les différents clichés. Elles étaient presque toutes issues des profils des victimes sur les réseaux sociaux, et il semblait qu’ils étaient tous les deux fiers de leurs tatouages. De les exhiber. Est-ce que cela avait du sens ? « Chacun d’entre eux n’avait pas qu’un seul tatouage. Regarde. Ils en étaient tous les deux recouverts. Dowling s’est fait tatouer toute une jambe, jusqu’au pied. Et Everard, ici, sur le dos et le ventre.

– Je ne sais toujours pas si cela signifie quelque chose. C’est juste une tendance culturelle de nos jours. »

Zoe plissa le nez. « Une tendance culturelle ?

– Oui. Tu n’as pas remarqué ? Beaucoup de gens se font tatouer au début de la vingtaine à l’heure actuelle. Couvrant tout leur corps. Même le visage et les mains. Il y a eu beaucoup de célébrités qui l’ont fait. Justin Bieber, Ariana Grande, tu sais ? Des rappeurs, des chanteurs et des sportifs. C’est considéré comme cool actuellement.

– Les tatouages sur le visage et les mains sont de très mauvaises idées, dit Zoe en grimaçant. Imagine que tu ne puisses jamais cacher l’erreur de jeunesse que tu as commise, celle d’avoir choisi de te faire inscrire quelque chose de stupide sur ton corps pour toujours.

– Il doit tout de même bien y avoir une connexion entre eux, poursuivit Shelley. Je parie que ce serait dans leur vie personnelle. Peut-être qu’ils connaissaient tous les deux les mêmes personnes, quelque part dans leur vie. Un bar ou un club, un groupe d’amis, un cousin qui connaissait un cousin. Peut-être qu’ils ont participé au même événement sans le savoir. Il faut juste continuer à creuser jusqu’à ce qu’on débouche là-dessus. »

Zoe acquiesça. « Dans ce cas, je sais par où commencer. » Elle prit le dossier de Callie Everard et nota l’adresse qui y figurait. « L’ami qu’elle allait voir : Javier Santos. »




CHAPITRE SEPT


Zoe parcourut l’espace exiguë de l’atelier, scrutant les illustrations et les dessins qui couvraient toutes les surfaces possibles. Seule une personne qui s’intéressait davantage aux arts pouvait juger si Javier était talentueux ou non. Le fait qu’il soit prolifique n’était cependant pas sujet à débat.

« Tout ça, c’est pour les tatouages ? » demanda-t-elle en les examinant intérieurement.

« Oui, bien sûr. Javier fit un signe de tête. La plupart ont été utilisés. Mais je peux vous concevoir quelque chose d’unique, si vous le souhaitez. »

Zoe le dévisagea pour voir s’il plaisantait. Il avait l’air sérieux, ce qui n’était pas mieux.

« Je ne pense pas, » dit-elle, se contentant de ces simples mots et espérant qu’il n’insisterait pas sur le sujet. Elle n’aurait pas aimé gâcher l’interrogatoire avant même de l’avoir entamé, en lui déclarant précisément ce qu’elle pensait des personnes qui se faisaient tatouer.

Surtout des tatouages comme ceux-ci : des œuvres d’art aléatoires et sans aucun sens. Zoe aurait pu comprendre que quelqu’un puisse considérer la forme caricaturale d’un visage de femme comme étant une œuvre d’art, quelque chose à placer sur un mur ou dans un livre. Mais le faire tatouer sur son corps pour le reste de sa vie ? Porter le visage de cette personne – cette personne fictive, qui ne signifie rien pour vous ni pour personne d’autre, qui est seulement née des rêveries hasardeuses d’un artiste ?

Cela la dépassait, et elle ne savait pas si elle pouvait faire confiance à quelqu’un qui était prêt à faire une déclaration systématique sur quelque chose d’aussi insignifiant.

« Tant pis. » Javier haussa les épaules, visiblement peu affecté par son désintérêt. « Je ne sais pas ce que je vais faire avec le dessin que j’ai réalisé pour Callie. Je pensais le mettre sur moi, mais ça pourrait sembler bizarre.

– Pourquoi donc ? » demanda Zoe, suspendues à ses mots. D’après son expérience, si une personne impliquée dans une affaire de meurtre pensait qu’une situation lui semblait « bizarre, » cela valait généralement la peine de vérifier.

« Eh bien, tout d’abord, c’était une pièce commémorative. Attendez, je vais vous montrer. » Javier se mit à fouiller sur un bureau jonché de morceaux de motifs épars esquissés sur du papier calque, et en sortit un dessin plus abouti sur un bloc-notes d’artiste. Il était encré avec de larges traits noirs, reprenant la forme d’un oiseau en vol.

« Qu’est-ce que c’est ? » demanda Zoe, sans tenir compte du regard méchant que Javier lui lançait pour ne pas avoir immédiatement compris son œuvre.

« C’est un corbeau. Tiré du mythe de Munin, commença-t-il.

– Une légende en vieux norrois, » coupa Zoe. Elle pouvait ici démontrer qu’elle savait au moins quelque chose. « Un oiseau qui accompagnait le dieu Odin. C’est pourquoi vous l’avez qualifié de pièce commémorative.

– Ça et les fleurs. » Javier indiqua des gerbes de fleurs derrière l’oiseau noir, soigneusement colorées dans des nuances de lilas et de violet. « Ce sont des zinnias, qui représentent le souvenir d’un ami perdu.

– En souvenir de qui ? » demanda doucement Shelley, en examinant le dessin par-dessus l’épaule de Zoe.

« Un ancien ami. » Javier grimaça, haussa les épaules. « Un ancien petit ami, en réalité. À l’époque où Callie, hum…

– Se droguait ? » compléta Zoe. Elle sentit Shelley quelque peu embarrassée à côté d’elle, mais elle ne réagit pas. Quel était l’intérêt de tourner autour du pot ? Ils savaient tous de quoi ils parlaient. Ce n’était un secret pour personne.

« Oui, » dit Javier, remontant l’une de ses mains pour se frotter la nuque. « J’allais dire qu’elle avait de mauvaises fréquentations, mais oui.

– Quelle est cette histoire ? » demanda Shelley. Son ton était beaucoup plus compatissant que celui de Zoe. Elle avait, en quelque sorte, le don de poser ces mêmes questions incisives, mais en les rendant tellement plus… gentilles.

– C’était un type louche. Il faisait partie du groupe qui l’a conduite à se droguer pour la première fois. D’après ce que j’ai compris, quand ils n’étaient pas défoncés, ils étaient ivres. Et quand n’étaient pas défoncés ou ivres, ils sniffaient de la coke dans les toilettes et ils baisaient. » Javier secoua la tête, inspirant profondément. « Désolé. Je n’aime pas penser à elle comme ça. Ce n’est pas ce qu’elle est vraiment. Celle qu’elle a été, ces dernières années quand je l’ai connue.

– Elle s’est ressaisie après l’université, n’est-ce pas ? demanda Shelley.

– Exact. Je l’ai aidée. Au début, elle ne pouvait pas se payer la cure de désintoxe, alors on a fait une expo d’art. On a collecté de l’argent pour elle, pour moi et pour quelques autres de notre classe. Nous sommes restés en contact depuis.

– Cet ex-ami, » insista Zoe, en essayant de le maintenir sur la bonne voie.

« Il a été tué, je crois. Ou, je ne sais pas. Callie n’aimait pas beaucoup parler de lui à l’époque. Ces dernières années, elle a commencé à se réconcilier avec, à passer à autre chose. Je pense qu’elle avait finalement accepté qu’il était mauvais pour elle, toxique. Mais que ce qu’ils avaient vécu avait aussi de l’importance. C’est pour ça, les fleurs. Pas un amour perdu, mais juste un ami perdu. »

Tué ? Cela suscita fortement l’intérêt de Zoe. « Savez-vous quelles ont été les circonstances de sa mort ?

– Ce n’était pas une overdose. La police enquêtait, mais je ne sais pas s’ils ont attrapé quelqu’un au final. C’est tout. C’est tout ce que je sais. »

Zoe réfléchit à cette idée. Cela pourrait être un fil conducteur très tentant, si d’abord ce mystérieux petit ami avait été assassiné, et ensuite Callie. Il suffirait de trouver un lien avec Dowling, et elles auraient une piste. Peut-être quelque chose en rapport avec la drogue.

Shelley avait dit que tout cela n’était que de la culture populaire, mais les tatouages… Zoe n’avait jamais été fan. Ils symbolisaient une frange de la société qu’elle situait plutôt derrière les barreaux que dans des positions respectables. On ne pouvait pas trouver un bon emploi avec un tatouage. On ne pouvait certainement pas s’engager dans les forces de l’ordre, pas avec des larmes tatouées sur le visage ou le nom de son enfant sur le cou.

Le tatouage que Javier avait conçu pour Callie était grand. Dix-huit virgule cinq centimètres, de haut en bas. Ce n’était pas quelque chose que l’on pouvait cacher. Il avait été conçu pour être vu. Les gens avec des tatouages visibles, comme le sien et comme celui de Dowling, n’étaient généralement pas des gens bien.

Les choses commençaient à coller. Callie et son petit ami évoluaient dans le milieu de la drogue. Ils traînaient avec des individus peu recommandables. Même si elle était sevrée au moment de sa mort, elle avait le genre de passé qui attirait le meurtre. Ce n’était pas parce que Dowling avait un style de vie propre maintenant qu’il n’avait pas été impliqué dans des affaires auparavant.

« Merci, Javier, dit sèchement Zoe. Cela va beaucoup nous aider.

– Attends, l’arrêta Shelley. J’ai encore juste quelques questions. »

Zoe lui fit signe de continuer, tout en se dirigeant vers la porte où elle pourrait attendre à l’écart. Pour elle, c’en était fini, et elle souhaitait être prêt à partir dès que possible. Elle ne voulait pas perdre davantage de temps à regarder ces dessins de tatouages inutiles et à parler à Javier, qui leur avait déjà fait part de la chose la plus intéressante à savoir.

« Connaissez-vous quelqu’un qui aurait voulu faire du mal à Callie ? »

Javier secoua négativement la tête. « Je l’ai déjà dit aux flics tout à l’heure. C’était une gentille fille. Ces temps derniers. Je veux dire, elle avait vraiment changé. Personne ne voulait qu’il lui arrive malheur. »

Mais avait-elle vraiment changé ? se demandait Zoe. Un léopard peut-il changer ses taches ? Callie n’aurait certainement pas pu changer les siennes – pas celles qui étaient inscrites pour toujours sur son corps. Pour toujours, du moins jusqu’à ce que son assassin les ait brûlées.

Peut-être que tout cela était lié. Peut-être qu’elle avait des tatouages de gang qu’il fallait brûler. Peut-être que quelqu’un l’avait perçue comme la dernière cible d’un engrenage meurtrier en cours depuis des lustres. La dernière vengeance d’un trafiquant de drogue libéré de prison, ou d’un gang de motards cherchant à se débarrasser de quelqu’un qui avait enfreint leurs règles.

« Et ce matin, hier soir, hier ? Avez-vous remarqué quelqu’un d’inhabituel dans les environs ? demanda Shelley.

– Non, pas du tout, » dit Javier. Son poids le quitta et il s’effondra sur un banc, solidaire de la table, enfouissant sa tête dans ses mains. « J’aimerais en savoir plus. J’aimerais pouvoir dire quelque chose qui permettrait de retrouver celui qui lui a fait ça. Elle ne méritait pas ça. »

Mais quelqu’un avait probablement pensé le contraire. C’était à Zoe et Shelley de trouver la solution, et elles n’allaient pas s’en rapprocher ici.

« Nous vous quitterons avec vos pensées, » dit Zoe, une phrase qu’elle avait entendue auparavant et qui, au moins, lui semblait plutôt compatissante. « Si vous pensez à quoi que ce soit qui pourrait nous être utile, n’hésitez pas à nous contacter. »

Ignorant le regard réprobateur que lui lançait Shelley pour ne pas avoir été assez aimable, elle sortit du repaire de tatouage de Javier, heureuse de respirer l’air libre et de ne plus être encerclée par l’ambiance étouffante de ses dessins criards.




CHAPITRE HUIT


Il la regardait depuis l’autre côté de la rue.

Elle ne le connaissait pas, et il ne la connaissait pas. Pas personnellement. Mais il en savait suffisamment.

Il la surveillait, et il savait des choses sur elle que les autres ne savaient pas. Il savait où elle vivait, seule au rez-de-chaussée d’un immeuble du centre-ville. Il savait qu’elle travaillait à temps partiel dans un magasin situé à trois rues de là, pour subvenir à ses besoins pendant ses études. Il savait qu’elle avait mis du temps à se trouver et à prendre conscience de ce qu’elle voulait faire de sa vie.

Il savait qu’elle avait un tatouage sur la face interne de son avant-bras droit, et qu’elle se colorait les cheveux. Il avait vu sa collection de bijoux fantaisie défiler jour après jour, et savait qu’elle aimait panacher son look à chaque fois qu’elle sortait. Il savait qu’elle quittait la maison à 8h32 précises les jours où elle devait travailler, car son trajet était réglé comme du papier à musique. Il savait qu’elle prenait un café sur le chemin, qu’elle précommandait à partir d’une application afin d’éviter les files d’attente, et qu’elle allait dans la pièce du fond pour revêtir son uniforme avant de ressortir pour servir les clients.

Il savait quand son service se terminait, et le chemin qu’elle prenait pour rentrer chez elle à pied.

Il savait qu’elle devait mourir.

Il pouvait à peine la regarder, mais il savait qu’il devait la surveiller. Il avait besoin de l’observer. Il pianota distraitement sur l’écran de son téléphone portable, comme s’il était absorbé par son contenu, la scrutant à travers des lunettes de soleil qui dissimulaient ses yeux. Cela faisait déjà plusieurs jours qu’il avait commencé à observer sa routine, et il savait qu’elle passerait par ici avant elle-même. Ce banc, parfaitement situé pour la regarder s’en aller.

Le monde allait devenir beaucoup plus sûr quand elle serait partie. C’était clair pour lui.

Il la regarda passer, exactement à l’heure prévue, et disparaître de son champ de vision. Cela importait peu. Il savait exactement où elle allait. Lentement, comme s’il avait tout son temps, il se leva de son banc et commença à se déplacer sur le trottoir, dans la même direction qu’elle.

Le samedi, elle faisait un double service. Elle finançait ses propres frais de scolarité, et elle avait besoin d’argent. Comme il n’y avait pas de cours le dimanche matin, c’était logique. Ses collègues étaient ravis de ne pas avoir à travailler eux-mêmes le samedi, du moins pas aussi souvent qu’ils l’auraient fait, si elle ne prenait pas les deux services. C’était un arrangement qui contentait tout le monde.

Cela lui convenait particulièrement, car lorsqu’elle partait enfin et fermait pour rentrer chez elle, il faisait nuit. Il serait caché. Elle ne le verrait jamais venir.

Il la suivit à distance, jusqu’à ce qu’il atteigne le magasin, jetant un coup d’œil à l’intérieur pour la voir ressortir de la salle du personnel. Bien. Il ne s’y attarda pas. Il n’y avait pas de raison. Elle était là où il avait besoin qu’elle soit, et cela signifiait que tout allait se dérouler comme prévu.

Il bouillonnait, en pensant à elle, au simple fait qu’elle existait. Elle n’en avait pas le droit. Elle ne devait pas oser mettre tout le monde en danger comme elle le faisait. Comment pouvait-elle ne pas voir, ne pas savoir ?

Elle suivait une formation pour devenir enseignante. C’était la plus grande des aberrations. Imaginer que quelqu’un comme elle puisse fréquenter des enfants. Qu’on lui confie leur éducation, qu’on s’occupe d’eux. Une position de confiance comme celle-là, pour quelqu’un comme elle.

Le monde allait s’en trouver mieux sans elle.

Pour l’instant, il ne pouvait rien faire d’autre qu’attendre. Il avait ses recherches, et il aimait passer son temps libre à examiner les individus, à annihiler la menace qui planait s’il ne faisait rien. Il avait fort à faire pour occuper son temps.

Et ce soir-là, quand le moment serait venu pour elle de terminer sa journée, il serait là. À regarder. À patienter. Prêt à purifier le monde de ses péchés.




CHAPITRE NEUF


Zoe attendait que l’opération de recherche s’achève, penchée en arrière sur sa chaise et ses bras repliés sur sa poitrine.

« As-tu trouvé quelque chose ? demanda Shelley.

– Laisse une minute au système, » dit Zoe. Elle était encore un peu grognon de tout à l’heure, et elle était trop à l’aise avec Shelley pour s’efforcer de le cacher. « Ce n’est pas un film. Les choses prennent vraiment du temps à venir ici.

– D’accord, d’accord, dit Shelley. Je suis juste impatiente. Ça pourrait être une piste importante. »

Zoe lui adressa un regard noir, se demandant comment quelqu’un pouvait passer d’une émotion à l’autre, avec autant de force. Comment Shelley pouvait-elle être désemparée et au bord des larmes en voyant un corps ou en interrogeant un proche, puis aussi excitée qu’une écolière à la perspective de résoudre l’affaire.

L’écran clignota devant elle, captant son attention tandis qu’une liste de résultats défilait. Il semblait que leur deuxième victime, Callie Everard, avait été une fille très active pendant quelques années. De nombreux dossiers la concernant figuraient dans le système du commissariat de police local, dont deux arrestations pour détention de stupéfiants.

« Nous y sommes, dit Zoe. Elle a été interrogée à plusieurs reprises sur la mort d’un certain Clay Jackson. Ça doit être lui.

– Clay Jackson ? D’accord, » répéta Shelley, en saisissant sa propre recherche sur l’ordinateur qui avait été amené dans leur salle d’enquête temporaire.

C’était parfois épuisant de travailler ainsi. Toujours à se déplacer de ville en ville. S’installer à peine, puis repartir ailleurs. Ne revenir que pour les audiences, qui n’étaient jamais appréciées et qui n’arrangeaient personne.

Zoe cliqua sur son nom dans le système afin d’accéder aux dossiers de l’enquête. Elle attendait toujours que la page se charge quand Shelley prit la parole. Sans surprise, tous les moteurs de recherche sur internet fonctionnaient plus vite que le système de la police du comté.

« J’ai quelque chose. La page du mémorial de Clay Jackson sur les réseaux sociaux. Il y a quelques messages postés chaque année pour l’anniversaire de sa mort et ses anniversaires, mais il y a aussi des photos. Il avait beaucoup de tatouages.

– Beaucoup ?

– Plus que Callie. Et je pense en reconnaître un ou deux ayant une signification particulière dans la rue. Cette théorie des gangs pourrait tenir la route. »

Zoe renifla en secouant la tête. Elle se leva pour regarder par-dessus l’épaule de Shelley, pour examiner les photos de Clay Jackson. Il mesurait un mètre quatre-vingt-cinq et pesait soixante-trois kilos sur ses derniers clichés. Il était défoncé, se nourrissant à peine entre deux prises. Il avait l’air de quelqu’un qui avait été en forme et en bonne santé, musclé, avant que sa dépendance ne prenne le dessus. Il se tassait au fur et à mesure des photographies. Il n’avait pas pu continuer cette trajectoire jusqu’à son terme – il avait été tué à mi-parcours de la transformation.

« Pourquoi les criminels font-ils cela ? demanda-t-elle.

– Faire quoi ?

– Ils se montrent à nous. Ils rendent les choses plus faciles avec leurs tatouages de gang.

– Je ne pense pas que ce soit l’objectif de cette pratique, » dit Shelley, en lui faisant un sourire ironique par-dessus son épaule. « C’est le conformisme social. Montrer qu’on appartient à un groupe particulier. Parfois, la loyauté et la camaraderie indéfectibles qui découlent de ce sentiment d’appartenance l’emportent sur le besoin de se protéger ou sur la logique d’échapper à l’arrestation.

– Je ne me ferai jamais un tatouage de gang. Même si c’était une condition pour rejoindre le gang. En fait, surtout si tel était le cas. Quelle règle stupide. »

Shelley fit légèrement pivoter sa chaise, tout en regardant Zoe d’un air amusé. « Tu ne rejoindrais pas un gang de toute façon, n’est-ce pas ? Cela nécessiterait beaucoup de bavardages. Je ne pense pas que tu aimerais ça.

– Je ne me ferai tatouer sous aucun prétexte, quoi qu’il en soit » répondit Zoe, en rebondissant sur l’autre aspect du problème. « Je ne comprends pas pourquoi quelqu’un le ferait. Qu’est-ce qui pourrait être si important pour qu’il soit nécessaire de l’inscrire à l’encre sur le corps de manière permanente ?

– Tu n’aimes vraiment pas les tatouages, n’est-ce pas ? »

Zoe ne pouvait pas dire si Shelley se moquait d’elle ou non. « Ils sont une marque d’intelligence inférieure. Les délinquants sont statistiquement beaucoup plus susceptibles d’avoir des tatouages que les citoyens respectueux des lois. Et avec le temps qui passe, ils ont inévitablement l’air stupides. Pourquoi souris-tu comme ça ?

– Parce qu’il y a quelque chose que tu ne sais pas à mon sujet. » Shelley poussa sa chaise un peu en arrière de son bureau et posa son pied sur le siège. Avant que Zoe ait pu protester ou lui demander ce qu’elle était en train de faire, Shelley remonta l’ourlet de son pantalon pour révéler la peau nue du bas de sa jambe.

Un coquelicot miniature y était gravé, en rouge et noir brillants, presque assez réaliste pour que Zoe imagine pouvoir l’attraper et lui retirer ses pétales.

« Tu as un tatouage ? » dit Zoe, même si c’était une évidence. Le choc était trop grand. Elle n’aurait jamais imaginé que Shelley ait été quelqu’un qui souillerait son corps avec de l’encre.

« Il a bien tenu, je trouve, » dit Shelley. Elle souriait, et même si Zoe pensait que c’était peut-être de bon ton, elle n’en était pas si certaine. « Je l’ai fait faire quand j’étais à l’université. Ma grand-mère s’appelait Poppy. Après sa mort, j’ai pensé que ça pourrait être une bonne façon de se souvenir d’elle. »

Zoe retourna sur sa chaise et s’y enfonça. Elle se sentait désarçonnée. « En as-tu d’autres ?

– Non, rit Shelley. Celui-ci a fait un mal de chien. J’ai renoncé après ça.

– Je ne connaissais pas… cette partie de toi.

– Quelle partie ? La partie criminelle et peu intelligente ?

Zoe déglutit. Elle était probablement mal à l’aise face aux émotions humaines et aux normes sociales, mais elle savait ceci : elle devait s’excuser.

« Ce n’est pas ce que je voulais dire te concernant, dit-elle. Je ne savais pas que…

– Tu as élaboré une théorie, dit Shelley. Je sais que tu ne penses pas que je suis une mauvaise personne, donc tu dois déjà reconnaître que ton hypothèse n’était pas totalement juste. Il n’y a pas que les criminels et les idiots qui se font tatouer.

Zoe acquiesça, mesurant prudemment ses mots. « J’admets qu’un signe de respect en mémoire d’un être cher et disparu peut aussi être une raison valable pour s’engager dans une telle démarche.

– C’est au moins un progrès, » dit Shelley. Elle souriait à nouveau, et Zoe avait l’impression que c’était encore à ses dépens. Mais elle s’était trompée et avait dit quelque chose qui aurait pu être blessant, cela semblait donc justifié. « Comment avance ta recherche ? »

Zoe saisit l’allusion peu subtile et retourna à son écran, où les dossiers de police de Clay Jackson avaient enfin fini de se télécharger. Elle siffla doucement, secouant la tête devant la longueur des résultats qui étaient apparus. « Il a bien un casier. On dirait qu’il était membre d’un gang local, comme nous le suspections. »

C’était maintenant au tour de Shelley de se pencher par-dessus l’épaule de Zoe. Elles parcoururent ensemble les résultats. Ils ne racontaient pas une belle histoire.

Clay Jackson avait fait partie d’un gang de Los Angeles, une équipe de rue notoirement impliquée dans le trafic illégal de drogues, entre autres choses. Le genre de drogues auxquelles Callie avait touché. Il n’était pas difficile de deviner où elle avait pu s’approvisionner.

Les tatouages de Clay n’étaient que le début. Il avait été un pilier du gang, soupçonné d’avoir mené des attaques sur le territoire de ses rivaux et d’avoir été le cerveau à l’initiative de plusieurs affaires ayant permis de mettre le gang en rapport avec des fournisseurs et des acheteurs. Il avait fait l’objet de plusieurs avertissements, pour détention de drogue et d’armes, chacune ayant été suivie d’une arrestation en bonne et due forme, et de diverses sanctions. Il avait passé un certain temps en prison, entrant et sortant au bout de quelques mois à chaque fois, jamais pour des motifs suffisamment graves pour tomber pour de bon.

Jusqu’au jour où tout cela s’était terminé dans une ruelle, son corps laissé dans une mare de sang et découvert par la police, après que des coups de feu aient été signalés par les habitants du quartier. Il n’y eut jamais de preuve tangible quant à l’identité du coupable, seulement des liens circonstanciels et des soupçons, qui étaient facilement repérables dans le déroulé des interrogatoires et des arrestations qui suivirent le crime.

« Regarde ça, » fit remarquer Zoe en pointant du doigt son écran. « La seule accusation qu’ils ont réussi à faire tenir pendant toute l’enquête était la possession d’une arme à feu illégale. C’était l type qu’ils suspectaient de l’avoir fait, mais ils n’ont pas pu le prouver. C’est tout ce qu’ils ont pu obtenir de lui. Il en a pris pour cinq ans.

– Fais une recherche sur lui, dit Shelley. Quel est son nom ? Cesar Diaz ?

– C’est ça, » répondit Zoe, en attendant que la page s’actualise. « Son gang avait des liens étroits avec les cartels mexicains. Il paraîtrait qu’ils se seraient battus pour le territoire. Pour savoir qui avait le droit de vendre dans cette zone.

– Tout concorde. Si Clay était un gros bonnet dans son organisation, obtenant de nouvelles affaires et concluant de nouvelles ventes, alors leurs rivaux auraient voulu le mettre sur la touche en particulier. Et déclarer sans ambiguïté qui sont les maîtres. »

L’information au sujet de César Diaz clignota sur l’écran.

Elles lurent ensemble la dernière mise à jour, puis marquèrent une pause et se regardèrent l’une l’autre.

C’était énorme.

« Cesar Diaz a été libéré sur parole il y a quelques mois, » dit Shelley, à voix haute.

« César Diaz est dans les rues, et cherche peut-être à se venger. Ça expliquerait pour Callie. Faire disparaître les choses auxquelles Clay tenait, pour annoncer son retour avec retentissement, montrer qu’il ne s’est pas adouci. Qu’il est toujours aux commandes.

– Mais qu’en est-il de John Dowling ? Cela n’a toujours pas de sens pour moi. » Shelley fronça les sourcils. « Y a-t-il un lien entre John et Cesar ? »

Zoe parcourut la page, à la recherche de tout ce qui pouvait en ressortir. Visiblement, sans succès. Sur un coup de tête, elle revint à l’affichage précédent, accédant au profil de Clay Jackson.

Sous son nom et son image, ainsi que ses données d’état civil, se trouvaient quelques liens qui menaient à des sections plus conséquentes. L’un de ces liens concernait les affiliations connues, et Zoe cliqua sur celui-ci pour continuer à parcourir le texte.

« Attends une seconde, » dit-elle, remarquant quelque chose qui lui revint en mémoire. « Alicia Smith. Ça semble être un nom banal, mais…

Elle se leva, récupérant le dossier de John Dowling sur la table du milieu, là où elles l’avaient laissé. Elle feuilleta quelques pages avant de trouver enfin ce qu’elle cherchait.

« Qu’est-ce que c’est ? » demanda Shelley, la regardant d’un air anxieux, ses doigts jouant avec le sautoir en forme de flèche qui pendait autour de son cou.

« Alicia Smith. Interrogée il y a quelques jours par des officiers en uniforme dans le cadre de l’enquête sur la mort de John Dowling.

– Quel est son lien ? »

Zoe sourit, quelque peu victorieuse. « Alicia Smith est la mère de John Dowling.

– Mais que… » Shelley se pencha en avant, examinant à nouveau l’écran. « Attends. Alicia Smith est aussi la tante de Clay Jackson, du côté de sa mère.

– John Dowling est le cousin de Clay Jackson. C’est ainsi qu’il est lié à Callie Everard. »

Et d’un coup, toutes les pièces se mettaient en place.

Shelley se mit en action, tapant sur l’écran de Zoe et déplaçant la souris avec frénésie, tandis que la page se rechargeait. « J’ai les détails de la libération conditionnelle de Cesar Diaz. On ferait mieux d’aller lui rendre visite.




CHAPITRE DIX


Zoe regardait du côté de la pièce où elle s’était rendue pour examiner ostensiblement les certificats accrochés au mur. De là, elle pouvait voir et écouter, mais elle ne se sentait pas de prendre part à la conversation avant d’en être prête.

Craig Lopez ne ressemblait pas à un agent de libération conditionnelle ordinaire, du moins pas à l’image qui venait à l’esprit en évoquant le terme. Il était costaud, mesurait un mètre quatre-vingt-treize et pesait environ quatre-vingt-dix kilos. Par ailleurs, la plupart des muscles qui dépassaient du polo qu’il portait étaient abondamment tatoués. Des gribouillis aux œuvres d’art élaborées, il apparaissait évident qu’il s’imbibait d’encre depuis très longtemps.

Puis il y avait la cicatrice irrégulière sur le côté de son cou, là où une balle avait autrefois traversé sa chair sans le tuer.

De toute évidence, il avait été embauché en raison de son profile unique. Ayant été membre de plusieurs gangs dans sa jeunesse, il pouvait s’adresser à ceux qui y trempaient encore, d’égal à égal. Il connaissait leurs codes.

« César a de nouveau des ennuis, » demanda-t-il, l’air grave et déçu. « Il m’a juré qu’il allait arrêter. Quitter le gang pour quelque chose de mieux.

– Nous n’en sommes pas encore sûres, précisa Shelley. Nous devons l’interroger. »

Craig ouvrit le tiroir d’un classeur et en feuilleta le contenu, avant d’en extraire une feuille de papier. « Voici son adresse de libération conditionnelle. Vous devez procéder avec prudence. S’il est à nouveau mêlé à des affaires de gang, il aura probablement une garde rapprochée. Il a fait de la prison à leur place, il a par conséquent acquis un certain prestige. Ils voudront le protéger. Si vous y allez toutes griffes dehors, ils pourraient mal réagir.

– Compris, dit Shelley. Si nous y allons seules, juste nous deux ? Montrer que nous voulons uniquement discuter ? »

Craig inclina la tête. « C’est plus sûr. Mais assurez-vous que quelqu’un sache où vous êtes. Juste au cas où. »

Shelley inspira de façon saccadée, en hochant la tête. Zoe le remarqua, en se disant que Shelley ne s’était probablement jamais retrouvée dans ce genre de situation auparavant. Avec la façon dont elle se comportait, on en oubliait facilement qu’elle n’avait quitté Quantico que depuis peu. Il y avait beaucoup de situations qui allaient encore lui sembler déstabilisantes, insolites et nouvelles.

Zoe elle-même ne pouvait pas dire qu’elle était totalement à l’aise vis-à-vis des gangs.

« Vous êtes en quelque sorte un expert local de ces gangs ? » demanda Zoe, adressant sa question à Craig.

Il leva les yeux, surpris – c’était la première fois qu’elle prenait la parole depuis le début de la conversation – et haussa les épaules. « Je suppose qu’on peut dire ça. C’est du moins ce qui s’en approche le plus, de ce côté de la loi. Pourquoi ? Vous avez besoin d’informations ?

– Il s’agit de Clay Jackson, l’homme que Cesar a probablement tué, dit Zoe.

– Oh, il l’a tué. Il l’a juste fait assez proprement pour qu’ils ne puissent pas l’attraper, dit Craig. Je l’ai quasiment entendu se confesser, bien qu’il soit trop malin pour clairement l’avouer. »

Zoe hocha la tête, satisfaite d’avoir au moins obtenu la confirmation. « Sa tante, Alicia Smith. Elle a été interrogée sur le meurtre, à l’époque. »

Craig plissa des yeux et les leva vers le plafond, en réfléchissant. « Je ne suis pas sûr que ce nom me dise quelque chose.

– Son fils, John Dowling, est l’une des victimes de meurtres sur lesquelles nous enquêtons actuellement.

Craig comprit l’allusion. « Vous me questionnez sur leur relation. Si Cesar allait assassiner ce John Dowling une fois en liberté, pour faire un coup d’éclat.

– Précisément. »

Craig mordilla ses lèvres, en faisant claquer ses doigts sur son bureau. « Je ne le conçois pas. Clay Jackson était à l’image de ces gars. Le gang était sa famille. Les vrais liens du sang n’étaient pas aussi importants. Autant que je me souvienne, il avait perdu le contact avec la plupart de ses proches. Ses parents ne voulaient rien avoir affaire avec un fils qui était membre d’un gang. »

C’était intéressant. C’était un vide dans leur théorie, mais encore une fois, ce n’était pas une preuve. Craig connaissait ces hommes, mais il ne faisait pas partie des gangs. Plus maintenant. Il y avait des choses qu’ils pouvaient peut-être cacher à ses soupçons.

« Merci, » dit Shelley, en s’approchant pour lui serrer la main. « Nous vous contacterons si nous avons besoin d’autre chose. »


***

L’adresse indiquée sur le bout de papier que Craig leur avait écrit était un immeuble de plain-pied décrépit, avec de vieilles voitures délabrées, stationnées devant ce qui avait dû être la cour d’entrée. L’une d’entre elles avait des parpaings à la place des pneus. Ce n’était pas exactement ce à quoi on pouvait s’attendre de la maison d’un baron de la drogue.

Peut-être que Craig avait raison, et que Cesar était vraiment hors-jeu. Cela ne voulait pas dire qu’il en avait terminé avec sa vengeance, pensa Zoe, se mordillant la lèvre en examinant les lieux.

Il ne semblait y avoir personne de menaçant aux alentours. Personne ne les scrutait par les fenêtres ou par les porches, aucune voiture ne circulait lentement dans le quartier. Aucun signe d’activité dans la maison.

« Nous devrions entrer, » déclara Zoe, en ouvrant la portière côté conducteur et en sortant.

Shelley l’imita, après quelques instants. Ce n’était pas une longue hésitation, mais une hésitation tout même. Zoe se demandait si Shelley avait peur de suivre cette piste avec les gangs. Quoiqu’il se passe, elles allaient devoir l’examiner d’une manière ou d’une autre. Peu importe le retard qu’elles provoqueraient, elles allaient finir par aboutir ici à un moment donné.

Zoe essaya de faire preuve d’une assurance qu’elle-même ne ressentait pas vraiment en s’approchant de la porte d’entrée et en frappant fort, de trois coups secs qui ne pouvaient manquer d’être entendus dans toute la petite maison.

Pas de réponse.

Elle échangea un regard avec Shelley, qui se tenait maintenant tout près derrière elle, et frappa à nouveau. Plus fort. Cinq fois. Pas si facile à ignorer.

Il n’y avait rien. Pas le grincement d’une lame de parquet ou un mouvement derrière les frêles rideaux. La fenêtre du salon, visible de l’endroit où elles se trouvaient, donnait sur une pièce vide.

« Il n’y a personne ici, » dit Zoe au bout d’un moment, estimant qu’elles n’avaient pas été simplement ignorées.

« Et maintenant ? » demanda Shelley, en regardant la voiture. « On s’assoit et on attend ? »

Zoe suivit son regard et vit un vieil homme hispanique qui était sorti pour s’asseoir sur les marches d’une propriété, de l’autre côté de la rue. Soixante-treize ans, estima-t-elle. « Peut-être. Peut-être pas, » dit-elle, tout en se dirigeant vers lui de manière décontractée.

C’était toujours gênant d’aller vers quelqu’un comme ça. Le vieil homme les observait et il savait qu’elles s’approchaient de lui. Il savait qu’elles venaient lui parler, mais il était encore trop loin pour pouvoir le saluer. Où regarder ? Par terre ? Au loin, en ignorant la présence de l’homme, comme si l’on avait l’intention de passer simplement devant lui ? Regarder son visage, afin de créer un contact visuel probablement gênant pendant toute la durée nécessaire pour atteindre la distance de conversation ?

Zoe se résolut à un mix des trois, ce qui était pire, et elle finit par l’interpeller lorsqu’elle fut à mi-chemin, juste mettre fin à cette situation.

« Excusez-moi, monsieur ? »

Il ne se leva pas, les dévisageant toutes les deux avec beaucoup de méfiance, mais il leur accorda son attention.

« Nous recherchons l’homme qui vit à cette adresse. Savez-vous où il pourrait se trouver en ce moment ? » demanda Zoe, en faisant attention à la neutralité de ses termes. Pas besoin de faire du rentre-dedans.

Le vieil homme grommela. « Vous voulez dire Cesar ? »

Ce n’était plus un secret, donc. « Oui, monsieur. » Zoe faisait preuve de respect. Elle avait remarqué que le niveau de coopération que l’on obtenait chez les témoins âgés était souvent directement lié au nombre de fois où on les appelait monsieur ou madame.

« Sorti à la fosse.

– La fosse ? » répéta Zoe. Pour une étrangère, il n’y avait rien de tel pour se sentir stupide que de se confronter aux connaissances d’un local.

Le vieil homme grogna de nouveau, lui adressant un haussement d’épaule, trahissant son agacement. « La fosse. Là où vont tous ces garçons.

– Vous voulez dire les membres du gang, monsieur ? » Shelley prit la relève, sur un ton calme et posé.

L’homme hispanique frotta ses doigts déformé par l’arthrite sur le sommet de son crâne, presque chauve, à l’exception de quelques mèches résistantes, et hocha la tête. « Tous ces garçons. Pas de secret ici.

– Pourriez-vous nous indiquer le chemin, monsieur ? demanda Shelley. Nous ne sommes pas du coin. »

Le vieil homme la toisa de haut en bas, puis éclata d’un rire qui révéla trois dents absentes. « Non, vous n’êtes pas d’ici, » dit-il, avant de s’esclaffer à nouveau, longuement.

Zoe tapota le bras de Shelley. « Il vaut mieux appeler la police locale, » dit-elle, en désignant la voiture d’un geste de la tête, avant d’en prendre la direction. Derrière elles, sur les vingt-quatre pas qui les conduisaient vers la voiture, le rire du vieil homme raisonnait encore, les collant comme une mauvaise odeur.

Zoe s’effondra sur le siège du conducteur et claqua sa porte, peut-être plus fort que nécessaire.

« Quel est le plan ? » demanda Shelley, essoufflée. Ses joues étaient teintées de rose. Elle avait été absente de toute cette conversation.

« Je vais contacter la police, dit Zoe. Nous allons obtenir des renforts, et le lieu. Les locaux sauront à quoi cela correspond. Et ensuite, on y va. »

Elle composa le numéro sur son téléphone, estimant déjà le nombre de renforts qu’elles allaient devoir réclamer – et s’il n’était pas plus prudent de demander également des gilets pare-balles.




CHAPITRE ONZE


Zoe ajusta une nouvelle fois les sangles de son gilet, percevant la rassurante prise des velcros entre eux, et la force avec laquelle ils se maintenaient ensemble.

L’arrière du fourgon de police était à un espace étroit. Shelley était assise en face d’elle, ainsi que huit hommes et femmes de l’équipe du SWAT, tous équipés en tenue d’assaut. Zoe n’était pas habituée à la sensation du casque sur sa tête, à la façon dont les côtés rembourrés poussaient sur ses joues. Mais c’était quand même mieux que d’y aller la fleur au fusil.

Le moteur tournait au ralenti sur une route sans issue, à courte distance de leur cible, le lieu que les membres du gang appelaient leur maison. La Fosse. Il s’avéra que c’était un bar, ou du moins une devanture, le genre d’endroit où les étrangers n’étaient pas les bienvenus. Le fait d’y pénétrer allait véritablement tourner au raid. Le capitaine local leur avait clairement fait comprendre qu’il n’y avait pas d’autre alternative avec des individus de ce genre. Entrer sans arme, sans protection, et en tant que flic, c’était la mort assurée.

Une carte était posée entre eux, un plan imprimé de la zone. Il ne représentait guère plus que des carrés noirs, des approximations basées sur ce qui avait été observé lors de précédentes interventions, croisées avec les plans de la ville.

« Il y a trois sorties : ici, ici et ici. » Le commandant de l’unité les désignait, une sortie à chaque point cardinal, sauf au Sud. « Voici l’entrée principale, celle par où nous allons entrer, sans accès à la route. Les deux autres seront aussi exploitées. Par expérience, la bande se divisera en deux dans chaque direction, en essayant de scinder nos forces également.

– Que représente cette structure ici ? » demanda Zoe, en désignant un rectangle à l’intérieur du bâtiment lui-même.

« C’est la zone du bar. Normalement, nous nous attendons à y trouver la plus grande concentration d’individus, avec des tables et des chaises disposées à cet endroit. Là-bas, derrière les doubles portes, se trouve le club-house, plus privé. Les cadres s’y retrouvent.

– C’est là que nous trouverons Cesar, » dit Zoe. C’était un commentaire, plutôt qu’une question. Ils savaient tous qu’il était assez capé. C’était l’une des règles tacites d’un gang comme celui-ci : une fois que l’on avait fait de la prison pour ses camarades sans les balancer, on faisait partie du cercle restreint.





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« UN CHEF-D’ŒUVRE DU GENRE THRILLER ET ENQUÊTE. Blake Pierce a merveilleusement construit des personnages ayant un charactère psychologique si bien décrit que l’on sent ce qui se passe dans leurs esprits, on suit leurs peurs et l’on se réjouit de leur succès. Plein de rebondissements, ce livre vous tiendra éveillés jusqu’à la dernière page. »

–Books and Movie Reviews, Roberto Mattos (re Sans Laisser de Traces)

LE VISAGE DE LA PEUR et le tome #3 d’une nouvelle série thriller FBI de l’auteur à succès selon USA Today, Blake Pierce, dont le bestseller Sans Laisser de Traces (Tome 1) (téléchargement gratuit) a reçu plus de 1000 critiques cinq étoiles.

L’Agent Spécial FBI Zoe Prime souffre d’une maladie rare qui lui confère aussi un talent unique : elle voit le monde à travers le prisme des chiffres. Des chiffres qui la tourmentent, la rendent incapable de comprendre les gens, et lui laissent une vie sentimentale ratée – mais ils lui permettent également de voir des schémas qu’aucun autre agent du FBI ne peut voir. Zoe garde ce secret pour elle, honteuse, de peur que ses collègues ne l’apprennent.

Des femmes sont retrouvées mortes à Los Angeles, sans lien entre elles si ce n’est qu’elles sont toutes lourdement tatouées. L’affaire étant au point mort, le FBI fait appel à l’Agent Spécial Zoe Prime pour trouver un schéma là où d’autres n’y arrivent pas et pour arrêter le tueur avant qu’il ne frappe à nouveau.

Mais Zoe lutte contre ses propres démons au cours de ses séances de thérapie, à peine capable d’interagir dans son monde en proie aux chiffres, et sur le point de quitter le FBI. Peut-elle vraiment pénétrer l’esprit de ce tueur psychotique, trouver le schéma caché et en sortir indemne ?

Un thriller plein d’action et de suspense, LE VISAGE DE LA PEUR est le tome #3 d’une nouvelle série fascinante qui vous fera tourner les pages jusqu’à tard dans la nuit.

Le tome #4 bientôt disponible également.

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