Книга - Nibiru Approche

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Nibiru Approche
Danilo Clementoni






Danilo Clementoni

Nibiru approche

Les aventures d’Atzakis et Pétri



Titre original : Incrocio con Nibiru



Traduction : Maïa Rosenberger



Éditeur : Tektime


Ce livre est une œuvre de fantaisie. Les noms, personnes, lieux et organisations citées sont le fruit de l’imagination de l’auteur et ont pour seul objectif de participer à la véracité de l’intrigue. Toute analogie avec des faits avérés ou des personnes réelles, vivantes ou décédées, serait le fait du hasard.

NIBIRU APPROCHE

Copyright © 2015 Danilo Clementoni



1 ère édition : février 2015

Édité et publié à compte d’auteur



facebook: www.facebook.com/incrocioconnibiru

blog : dclementoni.blogspot.it

e-mail : d.clementoni@gmail.com



Tous droits réservés. Aucun extrait de cette publication ne peut en aucun cas être reproduit, y compris par quelque système mécanique ou électronique que ce soit, sans autorisation écrite préalable de l’éditeur, à l’exception de quelques brefs extraits à des fins de compte-rendu.


Ce volume est le deuxième de la série



« Les aventures d’Atzakis et Pétri »



Pour savourer pleinement cette aventure à couper le souffle, je suggère au lecteur, avant d’en commencer la lecture, de se plonger dans le premier épisode, intitulé



« Nous sommes de retour »





(N.d.A.)


À ma femme et à mon fils, pour la patience dont ils ont fait preuve à mon égard, et pour toutes les précieuses suggestions qu’ils m’ont faites, contribuant ainsi à nous rendre meilleurs, mon roman et moi.

Un remerciement particulier à tous mes amis, qui m’ont constamment réconforté et encouragé à poursuivre ce travail jusqu’au bout ; sans leur soutien, ce roman n’aurait jamais vu le jour.

Je voudrais remercier Maïa Rosenberger, ma traductrice, pour l'excellent travail effectué et pour la passion et le professionnalisme qu'elle a toujours montré durant toute la traduction.




Introduction


La douzième planète, Nibiru (la planète du passage), comme l’appelaient les Sumériens, ou Marduk (le roi des cieux), comme la rebaptisèrent les Babyloniens, est en réalité un corps céleste dont la révolution dure 3 600 ans autour du soleil. Son orbite est remarquablement elliptique, rétrograde - elle tourne autour du soleil dans le sens contraire à celui des autres planètes - et très inclinée sur le plan du système solaire.

Ses rapprochements cycliques ont presque toujours provoqué de grands bouleversements interplanétaires, sur les orbites et sur la configuration même des planètes qui composent le système solaire. Ce fut notamment l’un de ses plus tumultueux passages qui, dans une collision épique, détruisit la majestueuse planète Tiamat, placée entre Mars et Jupiter, d’une masse neuf fois supérieure à la masse actuelle de la Terre, riche en eau, et dotée de onze satellites au moins. L’une des sept lunes qui orbitent autour de Niribu heurta la gigantesque Tiamat, la cassant littéralement en deux, et déportant les deux morceaux sur des orbites différentes. Lors de son passage suivant (le « deuxième jour » de la Genèse), les autres satellites de Nibiru achevèrent ce qui avait été commencé en détruisant complètement une des deux parties qui s’étaient formées au cours de la première collision. Une partie des débris générés par ces collisions multiples formèrent ce que nous connaissons sous le nom de « Ceinture d’astéroïdes » ou « Bracelet Martelé », comme la nommaient les Sumériens. Les débris restants furent incorporés par les planètes les plus proches. Jupiter en capta le plus grand nombre, augmentant ainsi sa propre masse de façon considérable.

Les satellites responsables du désastre et les restes de l’ex-planète Tiamat, furent pour la majorité partie de ces derniers, « projetés » sur des orbites externes, et devinrent ce que nous appelons aujourd’hui les comètes. Les autres, rescapés du deuxième passage, se placèrent en revanche sur une orbite stable entre Mars et Vénus, emportant avec eux le dernier satellite d’origine, et créant ainsi ce que nous connaissons comme la Terre, et son inséparable compagne, la Lune.

La cicatrice provoquée par cette collision cosmique advenue il y a environ quatre milliards d’années est encore partiellement visible. La partie éraflée de la nouvelle planète est actuellement recouverte par les eaux de ce qui s’appelle l’Océan Pacifique. D’une superficie de plus de 179 millions de kilomètres carrés, il occupe environ un tiers du globe terrestre. Il n’y a presque aucune terre émergée dans cet espace immense, mais uniquement une vaste dépression qui plonge à des profondeurs de plus de dix kilomètres.



Niribu a actuellement des caractéristiques très proches de celles de la Terre. Elle est recouverte d’eau aux deux tiers, le reste étant occupé par un unique continent qui s’étend du Nord au Sud sur une superficie totale de 100 millions de kilomètres carrés. Depuis des centaines de milliers d’années, certains de ses habitants nous ont rendu visite à chaque rapprochement cyclique de leur planète avec la nôtre. Ce faisant, ils ont influencé la culture, les connaissances, la technologie, et l’évolution même de l’espèce humaine. Nos prédécesseurs les ont désignés sous bien des noms, mais peut-être le terme qui les représente le mieux depuis toujours est-il celui de « Dieux ».




Résumé de l’épisode précédent


Un an (3 600 années terrestres) après leur dernier passage, Atzakis et Pétri, les deux sympathiques et inséparables extraterrestres, héros de ces aventures, sont revenus sur la planète Terre. Leur mission était de récupérer un chargement extrêmement précieux, qu’ils avaient été obligés d’abandonner en toute hâte lors de leur précédente visite en raison d’une défaillance de leur système de transport. Ils ont trouvé cette fois une population terrestre bien changée par rapport à celle qu’ils avaient laissée. Les habitudes, les coutumes, la culture, la technologie, les systèmes de communication, les armements, tout était très différent de ce qu’ils avaient vu lors de leur précédente visite.

À leur arrivée, ils ont rencontré un couple d’Humains, le Professeur Élisa Hunter et le colonel Jack Hudson, qui les ont accueillis avec enthousiasme et, après bien des péripéties, les ont aidés à mener à bien leur mission.

Mais les deux extraterrestres n’auraient jamais voulu devoir dire à leurs nouveaux amis que Nibiru, leur planète natale, s’approchait rapidement, et qu’elle allait croiser l’orbite de la Terre sept jours terriens plus tard. Selon les calculs effectués par les Anciens, l’un de ses sept satellites allait effleurer notre planète en provoquant une série de bouleversements climatiques comparables à ceux qui, lors de son précédent passage, avaient été rassemblés sous une unique appellation : le Déluge.



Dans la première partie du récit (Nous sommes de retour — Les aventures d’Atzakis et Pétri) nous les avions laissés tous les quatre dans le majestueux vaisseau Théos ; c’est là que nous les retrouvons pour la suite de cette nouvelle et fantastique aventure.




Vaisseau Théos


Au cours des dernières heures, Élisa avait été submergée par une telle quantité d’informations qu’elle se sentait comme une petite fille qui aurait mangé trop de cerises. Ces deux étranges mais sympathiques personnages avaient renversé en un rien de temps un grand nombre des « certitudes historiques » qu’elle, et le genre humain dans son ensemble, considéraient comme quasiment inébranlables. Des événements, des découvertes scientifiques, des croyances, des cultes, des religions et jusqu’à l’évolution même de l’homme allaient subir un renversement complet. La diffusion de l’information que des êtres venant d’une autre planète avaient, dès les origines, manipulé et orienté l’évolution du genre humain avec tant d’habileté, allait avoir sur l’humanité un effet comparable à celui qu’avait eu la révélation que la Terre n’était pas plate, mais sphérique.



Atzakis et Pétri, son fidèle ami et compagnon d’aventures, étaient immobiles au milieu du pont de commandement, et essayaient de suivre Élisa du regard ; les mains enfouies dans les grandes poches de son pantalon, elle tournait en tout sens dans la pièce et marmonnait des choses incompréhensibles.

Jack, quant à lui, s’était proprement effondré sur un fauteuil, et essayait de supporter de ses mains le poids de sa tête, qui semblait être subitement devenue très lourde. Ce fut pourtant lui qui, après d’interminables minutes de silence, décida de prendre la situation en main. Il se leva d’un bond, et, s’adressant aux deux extraterrestres, dit d’un ton ferme :

— Si vous nous avez choisi tous les deux pour cette tâche, vous devez bien avoir une raison. Je ne peux que vous dire que nous ne vous décevrons pas.

Puis il regarda Atzakis dans les yeux et lui demanda résolument :

— Pourrais-tu nous montrer, avec cet engin diabolique -il indiquait l’image virtuelle de la Terre qui tournait encore lentement au centre de la pièce- une simulation de l’approche de votre planète ?

— Pas de problème, répondit aussitôt Atzakis.

Il récupéra par son implant N^COM tous les calculs faits par les Anciens et en fit apparaître la représentation graphique juste devant eux.

— Voilà Nibiru, dit-il en indiquant la plus grande des planètes. Et voilà ses satellites, dont nous parlions.

Sept corps célestes, notoirement plus petits, tournaient vertigineusement autour de la majestueuse planète, à des distances et des vitesses très différentes entre elles. Atzakis approcha son index de celui qui était sur l’orbite la plus éloignée, et l’agrandit de telle sorte qu’il devienne presque aussi grand que lui. Puis il annonça solennellement :

— Mesdames et Messieurs, je vous présente Kodon, l'imposant amas rocheux qui s’est mis en tête de causer de gros soucis à votre planète bien-aimée.

— Mais il est grand comment ? demanda Élisa, dont la curiosité était piquée à la vue de ce globe sombre et biscornu.

— Disons qu’en taille, il est légèrement plus petit que votre Lune, mais sa masse est deux fois plus importante.

Atzakis fit un rapide geste de la main et le système solaire entier apparut devant eux, chaque planète se déplaçant sur son orbite respective. Chacune de leur trajectoire était représentée par de fines lignes de couleurs différentes.

— Ça, poursuivit Atzakis en indiquant une trace rouge sombre, c’est la trajectoire que Nibiru suivra pendant la phase d’approche du soleil.

Puis il accéléra le mouvement de la planète jusqu’à l’approcher de la Terre et ajouta :

— Et ça, c’est le point d’intersection des deux orbites.

Les deux humains suivaient avec stupéfaction, mais aussi avec une grande attention, l’explication qu’Atzakis leur donnait sur l’événement qui, dans quelques jours, allait bouleverser leur vie et celle de tous les habitants de leur planète.

— À quelle distance Nibiru passera-t-elle de nous ? demanda tranquillement le colonel.

— Comme je te le disais, répondit Atzakis, Nibiru ne vous embêtera pas plus que ça. C’est Kodon qui va effleurer la Terre et causer de gros problèmes.

Il grossit encore un peu l’image, et montra la simulation du satellite arrivant au point le plus proche de l’orbite terrestre.

— Voilà le point où il y aura la plus grande attraction gravitationnelle entre les deux corps célestes. Kodon ne passera qu’à 200 000 kilomètres de votre planète.

— Bon sang, s’exclama Élisa. Ce n’est vraiment rien.

— La dernière fois, répondit Atzakis, il y a exactement deux cycles, il est passé à 500 000 kilomètres environ, et nous savons tous ce que ça a pu provoquer.

— Oui, le fameux Déluge.

Jack était debout, les mains croisées derrière le dos, et, basculant avec légèreté de ses pointes des pieds vers ses talons, il se balançait lentement d’avant en arrière. Tout à coup, il rompit le silence de tout son sérieux :

— Je ne suis absolument pas l’un des plus grands experts en la matière, mais je crains qu’aucune technologie humaine ne puisse quoi que ce soit pour éviter un événement de ce genre.

— Nous pourrions peut-être tirer des missiles à tête nucléaire, hasarda Élisa.

— Il n’y a que dans les films de science-fiction qu’on fait ça, dit Jack en souriant. Et puis, en admettant qu’on arrive à toucher Kodon avec des vecteurs de ce type, on courrait le risque de faire éclater le satellite en mille morceaux, et de provoquer une pluie meurtrière de météorites. Et ça, ce serait vraiment la fin de tout.

— Excusez-moi, dit alors Élisa aux deux extraterrestres, mais vous ne nous aviez pas dit qu’en échange de notre “ si précieux ” plastique vous nous auriez aidés à résoudre cette situation inconcevable ? J’espère que vous avez une bonne idée pour nous aider, parce que sinon, on est cuits…

Pétri, qui était jusque-là resté silencieux, à l’écart, sourit légèrement et fit un pas en direction de la représentation en trois dimensions, au milieu du pont. D’un mouvement rapide de la main droite, il fit apparaître une espèce d’anneau argenté. Il y posa le doigt et le déplaça jusqu’à l’amener exactement entre la Terre et Kodon, avant d’annoncer :

— La solution, ça pourrait être ça.




Tell el-Mukayyar — La fuite


Dans la tente laboratoire, les deux pseudo Bédouins qui avaient essayé de ravir aux deux extraterrestres le « précieux contenu » de leur navette, avaient été bâillonnés et solidement attachés à un gros fût de carburant. Ils étaient assis par terre, les épaules contre le lourd récipient métallique, placés de façon à ce qu’ils ne puissent pas se voir. Hors de la tente, un aide du Professeur avait été chargé de leur garde, et, de temps en temps, il passait la tête à l’intérieur pour contrôler la situation.

Le plus maigre des deux hommes, qui avait sûrement une ou deux côtes cassées suite au coup que lui avait porté le colonel, n’avait pas cessé un instant, malgré la douleur qui l’empêchait presque de respirer, de regarder autour de lui à la recherche de quelque chose qui aurait pu lui être utile pour se libérer.

La lumière du soleil de l’après-midi pénétrait timidement à l’intérieur de la tente par un petit trou de la toile, et formait un mince rayon lumineux dans l’air chaud et poussiéreux. Cette espèce de lame de lumière dessinait au sol un petit ovale blanc qui, lentement, se déplaçait en direction des deux prisonniers. Le maigre, presque hypnotisé, suivait du regard la lente progression de cette tache claire, quand un brusque éclair de lumière le ramena à la réalité. À un mètre de lui à peu près un éclat métallique à moitié recouvert par le sable refléta la lumière du soleil juste en direction de son œil droit. Il tourna la tête et chercha à comprendre de quoi il s’agissait, mais sans y parvenir. Il essaya alors d’allonger une jambe dans cette direction, mais une terrible douleur au côté lui rappela son état, et il décida de renoncer. Il pensa qu’il n’y serait de toute façon probablement pas arrivé, et, essayant de se faire entendre à travers son bâillon, il murmura :

— Eh, tu es toujours vivant ?

Son gros acolyte ne devait pas être en meilleur état que lui. Après le vol plané que lui avait fait faire Pétri, un gros hématome avait surgi sur son genou droit, il avait une belle bosse sur le front, son épaule droite lui faisait un mal de chien, et son poignet droit était gonflé comme un ballon.

— Je crois que oui, répondit-il d’un filet de voix, marmonnant lui aussi à travers son bâillon.

— Encore heureux. Ça fait un moment que je t’appelle. Je commençais à m’inquiéter.

— J’ai dû m’évanouir. J’ai la tête cassée en deux.

— Il faut absolument nous tirer d’ici, dit le maigre, déterminé.

— Mais toi, ça va ? Rien de cassé ?

— J’ai peur d’avoir des côtes cassées, mais ça devrait aller.

— Mais comment on a fait pour se faire avoir par surprise comme ça ?

— Laisse tomber, on n’y peut rien. Essayons plutôt de nous libérer. Regarde à ta gauche, là où le rayon de soleil arrive.

— Je ne vois rien, répondit le gros.

— Il y a quelque chose d’à moitié enterré. On dirait un objet métallique. Regarde si tu peux y arriver, avec ta jambe.

Le bruit soudain de la fermeture éclair de la tente qui s’ouvrait interrompit l’opération. L’aide qui était de garde passa la tête à l’intérieur. Le gros fit semblant d’être toujours évanoui, et l’autre resta absolument immobile. L’homme jeta un ou deux coups d’œil, s’attarda distraitement sur l’équipement éparpillé à l’intérieur, puis, l’air satisfait, retira la tête et referma.

Ils restèrent immobiles un instant encore, puis le gros reprit le premier :

— C'était moins une.

— Alors, tu l’as vu ? Tu y arrives ?

— Oui, oui, ça y est. Attends, j’essaie.

Le corpulent pseudo Bédouin se mit à osciller légèrement du buste, essayant de détendre un peu les cordes qui l’immobilisaient, puis il allongea autant qu’il le put sa jambe gauche vers l’objet. Il le touchait à peine. Il commença à creuser du talon jusqu’à ce qu’il parvienne à en déterrer une partie.

— On dirait une truelle.

— Ça doit être une Trowel Marshalltown. C’est l’instrument favori des archéologues pour gratter le sol à la recherche de vieux bouts de poterie. Tu arrives à la prendre ?

— Non.

— Si tu arrêtais de te goinfrer avec toutes ces cochonneries, tu arriverais peut-être à bouger un peu plus, espèce d’affreux gros plein de soupe.

— Mais qu’est-ce que mon physique puissant a à voir avec ça ?

— Bouge-toi un peu, “ physique puissant ”, tâche de récupérer cette truelle, sinon, en prison, ils trouveront bien le moyen de te mettre au régime.

Le gros eut tout à coup une vision terrible de bouillies insipides et nauséabondes, qui libéra en lui une force qu’il ne pensait plus avoir. Il cambra le dos autant qu’il le put. Un douloureux élancement traversa son épaule blessée et lui parvint directement au cerveau, mais il l’ignora. D’un coup de reins ferme, il parvint à placer son talon au-delà de la truelle, et, repliant rapidement la jambe, il la ramena vers lui.

— Je l’ai eue ! cria-t-il derrière son bâillon.

— Mais tu vas te taire, espèce d’imbécile ? Qu’est-ce que tu as à crier ? Tu veux que ces deux énergumènes reviennent et qu’ils nous bourrent de coups ?

— Excuse-moi, répondit le gros, humblement. Mais j’ai réussi à l’attraper.

— Tu as vu que quand tu veux, tu peux faire quelque chose de bien ? Elle devrait être tranchante. Regarde si tu arrives à couper ces maudites cordes.

De sa main indemne, le gros attrapa le manche de la truelle et commença à en frotter le bord le plus coupant contre la corde, derrière son dos.

— Admettons qu’on arrive à se libérer, dit le gros, à voix basse, comment on va faire pour se tirer d’ici ? Il y a plein de monde dans le camp et nous sommes en pleine journée. J’espère que tu as un plan.

— Bien sûr que j’en ai un. Ce n’est pas moi, le cerveau de l’équipe ? s’exclama orgueilleusement le maigre. Pendant que tu faisais ta petite sieste, j’ai étudié la situation et je crois que j’ai trouvé un moyen pour filer.

— Je suis tout ouïe, répondit l’autre en continuant à frotter la truelle.

— Le type qui est de garde passe la tête toutes les dix minutes, et cette tente est la dernière à l’est du camp.

— Et alors ?

— Mais qu’est-ce qui m’a pris de te choisir comme associé pour ce boulot ? Tu as l’imagination et l’intelligence d’une amibe, en espérant que les amibes ne prennent pas mal la comparaison.

— Je te rappellerais qu’en fait, c’est moi qui t’ai choisi, vu que c’est à moi qu’on a confié le boulot, répliqua le gros, piqué au vif.

— Tu es arrivé à te libérer ? coupa court le maigre.

La conversation tournait mal et, effectivement, son acolyte avait parfaitement raison.

— Laisse-moi encore un peu de temps. Je crois qu’elle va lâcher.

En effet, peu après, la corde qui les retenait tous les deux au fût se rompit dans un claquement sec, et le ventre du gros, enfin libéré de cette contention, put reprendre ses dimensions habituelles.

— C’est bon, s’exclama le gros, tout content.

— Parfait. Mais on va la garder sur nous jusqu’à ce que le garde repasse. On doit faire en sorte que tout ait l’air comme avant.

— Ok, partenaire. Je refais semblant de dormir.

Ils n’eurent pas longtemps à attendre. Quelques minutes après, en effet, la tête de l’aide du Professeur réapparut dans la tente. Il fit son habituel contrôle sommaire de la situation, remit la fermeture éclair en place, se replaça à l’ombre de la véranda et alluma tranquillement une cigarette roulée.

— Maintenant, dit le maigre. Dépêchons-nous.

Vu les douleurs qu’ils avaient tous les deux, l’opération se révéla plus compliquée que prévu, mais, après avoir poussé quelques gémissements sourds et autant de jurons, ils se retrouvèrent debout, l’un en face de l’autre.

— Donne-moi la truelle, ordonna le maigre en enlevant son bâillon.

Des élancements l’empêchaient de se déplacer facilement, mais en plaquant sa main sur ses côtes, il réussit à soulager un peu la douleur. Il atteignit en quelques pas la paroi de la tente opposée à l’entrée, s’agenouilla et y enfila lentement la Trowel Marshalltown. La lame effilée de la truelle coupa comme du beurre le tissu léger côté est, ouvrant une petite fissure d’une dizaine de centimètres. Le maigre y colla son œil et regarda quelques instants par la fente. Comme il l’avait prévu, il n’y avait personne. Il ne distinguait que les ruines de la ville antique, à une centaine de mètres, où ils avaient auparavant caché la jeep qui aurait dû leur servir pour s’enfuir avec le magot.

— La voix est libre, dit-il, en prolongeant jusqu’au sol avec la lame de la truelle la petite fente déjà pratiquée. Allons-y.

Il se glissa en se faufilant dans la déchirure.

— Tu ne pouvais pas le faire un peu plus large, ce trou, non ? grogna le gros, entre deux gémissements, alors qu’il essayait péniblement de se glisser lui aussi à l’extérieur.

— Dépêche-toi. Il faut filer le plus vite possible.

— J’aimerais bien t’y voir. J’arrive à peine à marcher.

— Allez, grouille-toi et arrête de te plaindre. Rappelle-toi que si on n’arrive pas à se tirer, personne ne pourra nous éviter plusieurs années de prison.

Le mot « prison » avait toujours le pouvoir de redonner des forces au gros. Il ne dit plus rien, et souffrant en silence, suivit son compagnon qui se faufilait en catimini entre les ruines.



Ce fut le bruit lointain d’un moteur qui fit douter l’homme de garde. Il regarda un instant sa cigarette maintenant consumée, et la jeta d’un geste vif. Il se glissa sans hésiter dans la tente et ne put en croire ses yeux : les deux prisonniers avaient disparu. Près du fût, la corde jetée en vrac, un peu plus loin, les deux bouts de tissu qu’ils avaient utilisés comme bâillons, et une déchirure dans la toile de tente qui arrivait jusqu’au bas de la paroi du fond.

— Hisham, les gars -hurla l’homme à plein poumons- les prisonniers se sont échappés !




Vaisseau Théos — Le superfluide


La représentation de l’objet que Pétri avait placé dans l’interstice entre Kodon et la Terre avait laissé les deux Humains bouche bée.

— Mais qu’est-ce que c’est que cette chose ? demanda Élisa, intriguée, en s’approchant pour mieux voir.

— On ne lui a pas encore donné de nom officiel.

Pétri ramena l’étrange objet au premier plan et ajouta en regardant le Professeur :

— Tu pourrais peut-être lui en choisir un, toi.

— Je pourrais toujours essayer, si seulement tu m’expliquais ce que c’est.

— Ça fait longtemps que nos plus grands scientifiques se consacrent à ce projet.

Pétri se croisa les mains derrière le dos, et se mit à marcher lentement à travers la pièce.

— Cet appareil est le résultat d’une série d’études qui excèdent en partie mes propres connaissances scientifiques.

— Et je peux vous assurer qu’elles sont remarquables, ajouta Atzakis, en tapant vigoureusement sur l’épaule de son ami.

— En quelques mots, il s’agit d’une sorte de système antigravitationnel. Il repose sur un principe qui est encore en cours d’étude, comme je vous le disais, mais que je peux essayer de vous résumer brièvement et simplement.

— Je pense que ce sera beaucoup mieux, commenta Élisa. N’oublie pas que nous appartenons à une espèce qui, comparée à la vôtre, peut tout à fait être qualifiée de sous-développée.

Pétri approuva discrètement. Puis il s’approcha de la représentation en trois dimensions de l’étrange objet et reprit tranquillement son explication.

— En géométrie, on définit cet objet comme un tore. L'anneau tubulaire est vide, et ce qu’on pourrait simplement appeler son « espace central » contient son système de propulsion et de contrôle.

— Jusque-là tout est clair, dit Élisa, très impatiente.

— Très bien. Voyons maintenant le principe de fonctionnement de ce système.

Pétri fit pivoter l’image du tore et en montra la partie intérieure.

— L'anneau est rempli d’un gaz, en général un isotope de l’hélium, qui, porté à une température proche du zéro absolu, se transforme en un liquide aux caractéristiques bien particulières. Concrètement, sa viscosité devient pratiquement nulle, et il peut circuler sans générer aucun frottement. Nous appelons cette caractéristique « superfluidité ».

— Là, je m’y perds un peu, dit tristement Élisa.

— En deux mots : quand il est opportunément stimulé par la structure de l’anneau, ce gaz, à l’état liquide, peut se déplacer à l’intérieur, sans aucune difficulté, à une vitesse proche de celle de la lumière, qu’il peut conserver pendant une durée théoriquement infinie.

— Stupéfiant, ne put que dire Jack, qui n’avait pas perdu la moindre syllabe de toute l’explication.

— D’accord, je crois que j’ai compris, cette fois, ajouta Élisa. Mais comment fera cet engin pour s’opposer aux effets de l’attraction gravitationnelle entre les deux planètes ?

— Là, les choses se compliquent un peu, répondit Pétri. Disons que la rotation du superfluide à une vitesse proche de celle de la lumière génère une courbure du continuum spatio-temporel autour de lui, et cela provoque un effet antigravitationnel.

— Pauvre de moi, s’écria Élisa. Mon vieux professeur de physique doit se retourner dans sa tombe.

— Et ce n’est pas le seul, ma chérie, ajouta le colonel. Si j’ai bien compris ce qu’essaient de nous expliquer ces messieurs, là, il s’agit de renverser des théories et des concepts que nos scientifiques ont tenté d’analyser et d’étudier leur vie durant. Le principe d’antigravité a été théorisé plus d’une fois, mais personne n’a jamais réussi à le démontrer totalement. Nous avons devant nous —il indiqua l’étrange objet- la preuve que c’est réellement possible.

— Je serais un peu plus prudent -dit Atzakis, refroidissant un peu l’enthousiasme du colonel. Je suis en devoir de vous informer que cette chose n’a jamais été testée sur des corps aussi grands que des planètes ; ou plutôt, nous avons essayé il y a deux cycles, mais ça ne s’est pas exactement passé comme nous le voulions. Qui plus est, des événements que nous n’avions pas prévu pourraient se produire et...

— Tu es toujours le même oiseau de mauvais augure, réagit Pétri en coupant son compagnon. Le mécanisme a été démontré plus d’une fois. Notre vaisseau lui-même utilise ce principe pour sa propulsion. Essayons d’être optimistes.

— Notamment parce qu’il me semble que nous n’avons pas vraiment d’autres alternatives, sauf erreur de ma part ? dit Élisa d’un ton amer.

— Malheureusement, je crois bien que non, dit Pétri, désolé, en baissant légèrement la tête. La seule chose que je craigne vraiment est que, vu les dimensions vraiment réduites de notre tore, nous ne parvenions pas à absorber complètement tous les effets de l’attraction gravitationnelle, et qu’une partie des gravitons puisse tout de même faire leur office.

— Tu es en train de nous dire que cet engin pourrait quoi qu’il en soit ne pas suffire pour prévenir la catastrophe ? demande Élisa en s’approchant de l’extraterrestre, menaçante.

— Peut-être pas complètement, répondit Pétri en faisant un petit pas en arrière. D’après les calculs que j’ai faits, je dirais que dix pour cent des gravitons pourraient échapper à cet espèce de piège.

— Ça pourrait donc être une tentative inutile ?

— Absolument pas, répondit Pétri. Nous réduirons les effets de quatre-vingt-dix pour cent. Il ne nous restera plus grand chose à gérer.

— On l’appellera « Newark » dit Élisa, satisfaite. Et maintenant, mettons-nous au travail. Sept jours, ça passe vite.




Base aérienne de Camp Adder — L'évasion


Les deux étranges personnages, encore travestis en Bédouins, venaient tout juste de rentrer dans leur planque en ville, quand une légère sonnerie intermittente émanant de l’ordinateur portable laissé allumé sur la table du salon attira leur attention.

— Et qui ça peut bien être, encore ? demanda le maigre, agacé.

Le gros, boitant de plus en plus, s’approcha de l’ordinateur, et, après avoir rentré un mot de passe très complexe, annonça :

— C’est un message de la base.

— Ils veulent sûrement connaître l’issue de l’opération.

— Laisse-moi une seconde, je le décode.

L’écran afficha d’abord une suite de caractères incompréhensibles, puis, après la saisie d’une combinaison de codes successifs, le message se recomposa petit à petit.



Le général a été capturé et conduit à la base aérienne de Camp Adder. Nécessité opération immédiate de récupération.



— C’est dingue, s’exclama le gros. Ils sont déjà au courant.

— Mais comment ont-ils su ?

— Eh bien, ils doivent avoir des canaux plus directs que les nôtres. Rien ne leur échappe, à ceux-là.

— Et comment on devrait faire, d’après eux ?

— Qu’est-ce que j’en sais. Le message dit juste qu’on doit aller le délivrer.

— Dans l’état où on est ? On est mal partis.

Le grand maigre tira une chaise de sous la table, la fit pivoter de quatre-vingt-dix degrés, puis, laissant échapper des gémissements de temps à autres, il s’y effondra.

— Manquait plus que ça.

Il posa un coude sur la surface plane et laissa flotter ses regards au-delà de la fenêtre qu’il avait en face de lui. Il remarqua que les vitres étaient vraiment sales, et que celle de droite était fêlée sur presque toute sa longueur.

Mais tout à coup, il leva brusquement les yeux vers son acolyte, et, après avoir ébauché un petit sourire sardonique, lui dit :

— J’ai une idée.

— Je le savais, je connais ce regard.

— Va chercher la trousse de premier secours, et montre-moi la bosse que tu as sur la tête.

— En fait, c’est plutôt mon poignet qui m’inquiète. J’ai peur qu’il soit cassé.

— T’inquiète pas, je t’arrange ça. Quand j’étais petit, je voulais être vétérinaire.



Après un peu plus d’une heure, des doses massives d’analgésiques et des pommades diverses passées en plusieurs endroits, les deux acolytes étaient presque remis à neuf.

S’étant regardé dans le miroir accroché près du mur de la porte d’entrée, le maigre, satisfait, estima :

— On peut s’y mettre, maintenant.

Il fila dans la chambre et en ressortit peu après avec deux uniformes américains impeccablement repassés.

— Mais où as-tu trouvé ça ? lui demanda le gros, stupéfait.

— Ça fait partie de l’équipement de secours que j’ai emporté. On ne peut jamais savoir.

— Tu es complètement dingue, commenta le gros, en secouant légèrement la tête. Et qu’est-ce qu’on est censés faire avec ça ?

— Voilà le plan, répondit le maigre, content de lui, en lançant vers son acolyte l’uniforme XXL. Toi, tu seras le général Richard Wright, responsable d’une agence gouvernementale ultrasecrète dont personne ne connaît l’existence.

— Bien sûr, puisqu’elle est ultrasecrète. Et toi ?

— Moi, je serai ton bras droit. Colonel Oliver Morris, pour vous servir, mon Général.

— Donc c’est moi ton supérieur. Ça me plaît.

— Mais n’en prends pas l’habitude, ok ? fit le maigre, l’index levé. Et voilà nos papiers, et les badges correspondants.

— Dingue. On dirait des vrais.

— Et ce n’est pas tout, mon vieux -il lui montra une feuille de papier à en-tête signée de la main du colonel Jack Hudson- voici la demande officielle de prise en charge du prisonnier pour son transfert dans un lieu plus « sûr ».

— Mais où as-tu pris ça ?

— Je viens de l’imprimer pendant que tu étais sous la douche. Tu crois que tu es le seul roi de l’informatique ?

— Je suis épaté. Elle est mieux que l’original.

— On va s’introduire dans la base militaire et on se fera remettre le général. S’ils devaient nous faire des problèmes, on pourrait toujours leur dire d’appeler directement le colonel Hudson. Je ne pense pas que son portable capte, dans l’espace.

Ils éclatèrent tous les deux d’un rire bruyant.



Environ une heure après, alors que le soleil était désormais caché derrière une haute dune, une jeep militaire, avec à son bord un colonel et un général auxquels il ne manquait pas un bouton de guêtre, s’arrêta à la barrière d’accès de la base aérienne d’Imam Ali, ou Camp Adder, comme les Américains l’avaient rebaptisée pendant la guerre en Irak. Deux militaires armés jusqu’aux dents sortirent de la guérite blindée et se dirigèrent rapidement vers le véhicule. À couvert, deux autres soldats tenaient les passagers en joue.

— Bonsoir Colonel, dit le soldat le plus proche, après avoir salué militairement. Je peux voir vos papiers et ceux du général, s’il vous plaît ?

Le colonel grand et maigre, assis au volant, ne dit pas un mot. Il retira de la poche intérieure de sa veste une enveloppe jaune qu’il lui tendit. Le soldat prit son temps pour la lire, et pointa deux ou trois fois la torche électrique vers le visage de chacun d’eux. Le général sentit nettement la goutte de sueur qui, naissant sous la bosse de son front, descendait lentement sur son nez, pour tomber ensuite sur le troisième bouton de sa veste, invraisemblablement tendue par l’intense poussée du gros ventre qu’elle couvrait.

— Colonel Morris et Général White, fit le militaire, pointant à nouveau la torche sur le visage du colonel.

— Wright, général Wright ! répondit le colonel maigre d’un ton très irrité. Qu’est-ce qu’il y a, Sergent, vous ne savez pas lire ?

Le sergent, qui avait mal prononcé à dessein le patronyme du général, sourit légèrement et dit :

— Je vous fais accompagner. Suivez ces hommes.

D’un signe, il ordonna aux deux autres soldats de les précéder en direction de la prison.

Le colonel démarra lentement la jeep. Il n’avait pas fait dix mètres qu’il entendit crier derrière lui :

— Arrêtez-vous !

Le sang des deux occupants du véhicule gela dans leurs veines. Ils restèrent immobiles de très longs instants, jusqu’à ce que la voix reprenne :

— Vous avez oublié de récupérer vos papiers.

Le corpulent général soupira si fort de soulagement que tous ses boutons de veste faillirent sauter.

— Merci, Sergent, dit le maigre en tendant la main vers le soldat. Je vieillis plus vite que je ne le pensais.

Ils repartirent à nouveau et suivirent les deux soldats, qui, marchant d’un bon pas, les conduisirent rapidement à l’entrée d’un bâtiment bas, de piètre apparence. Le plus jeune des soldats frappa à la grande porte et entra sans attendre de réponse. Peu après, un gros Noir, avec une tête de dur, se présenta sur le seuil et se mit au garde-à-vous. Il les salua militairement et dit :

— Mon Général, mon Colonel. Entrez, je vous en prie.

Les deux officiers répondirent à son salut, et, essayant de faire taire les différentes douleurs qui se réveillaient petit à petit, se glissèrent dans l’énorme pièce.

— Sergent, dit résolument le maigre. Nous avons ici un ordre écrit du colonel Hudson qui nous autorise à prendre en charge le général Campbell.

Et il lui tendit l’enveloppe jaune.

Le gros sergent l’ouvrit et s’attarda longuement à en lire le contenu. Puis, fixant le colonel de ses yeux sombres et pénétrants, il déclara gravement :

— Je dois vérifier.

— Je vous en prie, répondit tranquillement l’officier.

Le gros Noir tira d’un tiroir du bureau une autre feuille qu’il confronta attentivement à celle qu’il tenait à la main. Il regarda de nouveau le colonel, et, sans laisser paraître la moindre émotion, ajouta :

— Les signatures coïncident. Pas d’objection à ce que je l’appelle ?

— Faites votre devoir. Mais tâchons de faire vite, s’il vous plaît. Nous n’avons déjà perdu que trop de temps, répliqua le colonel maigre, feignant de perdre patience.

Pas le moins du monde impressionné, le sergent glissa lentement la main dans la poche de son uniforme et en tira son téléphone portable. Il composa un numéro et attendit.

Les deux officiers retinrent leur respiration jusqu’à ce que le militaire, après avoir appuyé sur une touche de l’appareil, ne commente laconiquement :

— Il n’est pas joignable.

— Sergent, peut-on accélérer ? s’écria l’officier d’un ton bien plus autoritaire que précédemment. On ne va pas passer la nuit là.

— Va chercher le général, ordonna le gros sergent à l’un des soldats qui avaient accompagné les officiers.



Une dizaine de minutes après, un homme complètement chauve, avec de grosses moustaches, des sourcils gris et deux petits yeux noirs et vifs, apparut sur le seuil de la porte derrière le sergent. Il portait un uniforme de général, mais une des quatre étoiles réglementaires manquait sur son épaulette droite. Il était menotté, et, derrière lui, le soldat qui l’avait amené le tenait en joue.

En voyant les deux autres, le général tressaillit, puis, devinant leur plan, il resta silencieux et prit l’expression la plus triste qu’il put.

— Merci, soldat, dit le colonel maigre en tirant son Beretta M 9 de son étui. Nous nous chargeons de cette crapule.




Vaisseau Théos — Le plan d’action


— Tu ne trouves pas ça excitant, de savoir que nous allons sauver la Terre tous les deux, mon amour ? demanda Élisa en regardant le colonel avec des yeux de chaton enamouré et en lui prenant la main.

— “ Mon amour ? ” Tu ne vas pas un peu vite ? la reprit Jack, irrité.

Élisa tressaillit, et ne comprit qu’il se moquait d’elle que lorsqu’il lui sourit avec douceur et lui caressa la joue.

— Crapule. Ne me joue plus ce genre de tours, ou tu auras affaire à moi.

Elle frappait son buste de ses deux mains.

— Du calme, du calme, lui murmura Jack en l’attirant doucement à lui. D’accord, c’était une blague stupide. Je ne le ferai plus.

Cette étreinte soudaine eut sur elle un effet rassurant et relaxant. Elle sentit toute la tension accumulée jusqu’à alors fondre comme neige au soleil. Après tout ce qui s’était passé dans les dernière heures, c’était exactement ce dont elle avait besoin. Elle décida de se perdre dans ses bras, et, fermant lentement les yeux, appuya la tête sur son torse puissant et s’abandonna complètement.



Atzakis s’était entre-temps glissé dans la cabine H^COM, toujours diaboliquement trop étroite, et attendait que la réponse à sa demande de communication lui parvienne dans la lunette holographique qu’il avait devant lui.

Partant du centre de l’écran, une série d’ondes multicolores créait un effet semblable à celui d’une pierre jetée dans les eaux tranquilles d’une mare. Puis les ondes s’effacèrent progressivement, laissant apparaître le visage creusé et marqué par les années de son supérieur Ancien.

— Atzakis, dit l’homme en souriant légèrement, sa main osseuse levée en signe de salut. Que peut faire pour toi un pauvre vieux ?

— Nous avons dit la vérité aux deux Terriens.

— Démarche audacieuse, commenta l’Ancien en se prenant le menton entre le pouce et l’index. Comment l’ont-ils pris ?

— Disons que, passée la première stupeur légitime, il me semble qu’ils ont bien réagi.

Atzakis fit une brève pause, puis ajouta, d’un ton très sérieux :

— Nous leur avons proposé d’utiliser le tore au superfluide.

— Le tore ? s’exclama son interlocuteur en se levant d’un bond qui aurait fait pâlir d’envie un petit garçon. Mais il n’y a pas encore été soumis aux tests complets. Tu te rappelles ce qui s’est passé la dernière fois, pas vrai ? On pourrait générer une fluctuation gravitationnelle avec cet engin, et il y a en plus le risque de créer un mini trou noir.

— Je sais, je sais bien, répondit tout bas Atzakis. Mais je crois que nous n’avons pas d’alternatives. Si nous n’utilisons pas des moyens radicaux, le passage de Kodon pourrait cette fois-ci être fatal aux Terriens.

— Quel est ton plan ?

— On estime que les orbites des deux planètes se croiseront dans sept jours. Il faudrait que tu fasses préparer le tore et que tu le fasses apporter ici au moins un jour avant.

— Ça ne me laisse pas beaucoup de temps, tu le sais.

— Il faut que j’aie un peu de marge pour le positionner, le configurer et pour la procédure d’activation.

— J’ai un mauvais pressentiment, dit l’Ancien, passant une main dans ses cheveux blancs.

— J’ai Pétri avec moi. Tout ira bien.

— Vous êtes deux jeunes gens très capables, je n’ai aucun doute là-dessus, mais faites très attention. Cet engin pourrait se transformer en arme fatale.

— Essaie de nous le faire avoir dans les délais, on s’occupera du reste. Ne t’inquiète pas.

— D’accord. Je te recontacterai quand tout sera prêt. Bonne chance.

Le visage de son supérieur disparut de l’écran, qui se remit à afficher les ondes multicolores.

Atzakis quitta lentement son inconfortable fauteuil et resta un moment les mains appuyées sur la surface de la minuscule console. Mille pensées tournaient dans son esprit, et, quand un léger frisson lui parcourut le dos, il eut nettement la sensation qu’ils allaient au-devant d’une infinité de problèmes.



— Zak ! s’écria joyeusement son compagnon d’aventures en le voyant s’extraire de la cabine H^COM. Qu’a dit le vieux ?

Atzakis s’étira un peu, puis répondit tranquillement :

— Nous avons sa bénédiction. Si tout devait marcher comme prévu, nous aurions le tore, ou plutôt Newark, la veille du croisement.

— Espérons qu’on y arrivera. Ça ne va pas être facile de configurer cet engin en si peu de temps.

— Qu’est-ce qui t’inquiète, compagnon ? répliqua Atzakis avec un pâle sourire. Dans le pire des cas, nous ne ferons qu’ouvrir une distorsion spatio-temporelle qui engloutira d’un coup la Terre, Kodon, Nibiru, et tous les autres satellites.



Les deux Humains, qui était restés un peu à l’écart mais n’avaient pas perdu un seul mot de la conversation, restèrent comme pétrifiés.

— Mais qu’est-ce que tu dis ? réussit tout juste à balbutier Élisa, qui le regardait, abasourdie. “ Distorsion spatio-temporelle ? Engloutir ? ”. Tu veux nous dire que, si ce plan devait ne pas fonctionner, nous serions à l’origine de la destruction de notre peuple et du vôtre ?

— Eh bien, oui, il y a un risque minimum, commenta tranquillement Atzakis.

— Un “ risque minimum ? ” et tu nous le dis comme ça, avec cette expression calme et sereine sur le visage ? Tu dois être fou, et nous encore plus.

— Calme-toi, mon trésor, intervint Jack en la prenant par les épaules et en la regardant droit dans les yeux. Ils sont bien plus compétents et au point que nous, et s’ils ont décidé de suivre cette voie, nous ne pouvons rien faire d’autre que de les seconder et de leur apporter toute l’aide possible.

Le Professeur poussa un long soupir, avant de dire :

— Il faut que je m’assoie. Trop d’émotions aujourd’hui. Si ça continue, je vais y laisser mes dernières plumes.

Jack la soutint par le bras et l’accompagna vers le fauteuil le plus proche. Élisa s’y laissa tomber de tout son poids, avec un léger gémissement.

— On a peut-être un peu trop réduit le pourcentage d’oxygène dans l’air, murmura Atzakis à son compagnon.

— J’ai essayé de le rendre le plus compatible avec les besoins de tous, et de nous éviter d’avoir à utiliser ces antipathiques respirateurs.

— Je sais bien, compagnon, mais je crains qu’ils n’y soient excessivement sensibles.

— D’accord, je vais essayer de modifier le mélange. On peut s’adapter plus facilement, nous.

Le colonel, pour sa part, n’avait pas du tout l’air d’y être sensible, il était plus fringant que jamais. L’action et le risque étaient son pain quotidien, et il se trouvait parfaitement à son aise dans des situations de ce type. Il alla se placer exactement sous l’image tridimensionnelle de Newark qui se détachait encore majestueusement au milieu de la pièce.

— Bien. Cette chose pourrait tous nous sauver, ou nous conduire à la destruction totale.

— Analyse synthétique mais efficace, commenta Atzakis.

— Au point où nous en sommes, poursuivit le colonel d’un ton sérieux et d’une voix profonde, je crois que le moment est venu d’avertir le reste de la planète de la catastrophe imminente.

— Comment penses-tu faire ? demanda Élisa, depuis son fauteuil. On prend notre téléphone, on appelle le président des États-Unis et on lui dit : “ Bonjour, Monsieur le président. Savez-vous que nous sommes en compagnie de deux extraterrestres qui nous ont dit que, d’ici quelques jours, une planète arrivera qui nous balaiera tous ” ?

— Le minimum qu’il puisse faire, c’est de faire intercepter l’appel, d’envoyer du monde pour nous récupérer et nous faire interner en asile, répliqua Jack en souriant.

— Mais vous n’avez pas de système de communication globale comme notre Réseau ? demanda Pétri, intrigué, au colonel.

— Réseau ? Qu’est-ce que tu veux dire ?

— C’est un système général d’interconnexion en mesure de mémoriser et de distribuer le Savoir à l’échelle planétaire. Nous pouvons tous y accéder, avec des niveaux de profondeur différents, par un système neuronal N^COM qu’on nous implante directement dans le cerveau à la naissance.

— Super, s’écria Élisa stupéfaite, avant de poursuivre : en fait, nous avons nous aussi un système de ce genre. Nous l’appelons internet, mais nous n’en sommes pas arrivés à votre niveau, bien sûr.

— Et ce ne serait pas possible d’utiliser votre “ internet ” pour envoyer un message à toute la planète ? demanda Pétri, curieux.

— Eh bien, ce n’est pas aussi simple, répondit Élisa. Nous pourrions introduire des informations dans le système, envoyer des messages à des groupes, peut-être même enregistrer des images et les diffuser le plus largement possible, mais personne ne nous croirait, et puis cela n’atteindrait pas tout le monde.

Elle réfléchit un peu, puis ajouta :

— Je crois que la seule possibilité serait encore notre bonne vieille télévision.

— Télévision ? demanda Atzakis, qui demanda à Pétri :

— Ce ne serait pas ce système que nous avons utilisé pour recevoir des images et des films en venant ici ?

— Je crois bien que si, Zak.

Et sur ces mots, il joua sur une série de commandes de la console centrale. En quelques secondes, il put faire apparaître sur l’écran géant certaines des séquences qu’ils avaient précédemment enregistrées.

— Vous parlez bien de ça ?

Une multitude de films en tout genre se succédèrent rapidement : des spots publicitaires, des journaux télévisés, des matchs de foot, et même un vieux film en noir et blanc avec Humphrey Bogart.

— Mais c’est Casablanca, s’écria Élisa, stupéfaite. Où avez-vous récupéré tout ça ?

— Vos transmissions se propagent même dans le cosmos, répondit tranquillement Pétri. Nous avons dû modifier un peu notre système de réception, mais à la fin, on a réussi à les capter.

— Et c’est grâce à elles que nous avons pu apprendre votre langue, ajouta Atzakis.

— Et même d’autres nettement plus compliquées, commenta tristement Pétri. J’ai failli devenir fou avec tous ces petits dessins.

— Bon, coupa le colonel, c’est bien de ça que nous parlons, mais je crois que ce n’est pas non plus la meilleure solution.

— Excuse-moi, Jack, intervint Élisa, mais tu ne crois pas qu’il faudrait avant tout avertir tes supérieurs à l’ELSAD ? Si j’ai bien compris, c’est justement le président des États-Unis qui est à la tête de cette organisation, dans le fond, ou je me trompe ?

— Et comment sais-tu ça ? objecta le colonel, étonné.

— Eh, moi aussi, j’ai mes sources ! dit Élisa en rejetant d’un geste espiègle une mèche de cheveux qui lui tombait sur la joue droite.

— Chez vous aussi, les femmes font ça ? demanda Jack aux deux extraterrestres, qui suivaient cette petite scène d’un air surpris.

— Les femmes sont les mêmes dans tout l’univers, mon cher, répondit Atzakis en souriant.

— Bref -poursuivit le colonel après cette réplique à risque- je crois que tu as parfaitement raison. Il faut une institution fiable et crédible pour diffuser une information aussi renversante. Je suis un peu inquiet, à cause de ce qui a filtré au général Campbell et aux deux types qui nous ont agressés. Mon supérieur direct, c’était le général, justement, mais on dirait que c’est un traître corrompu.

— Ça veut dire qu’on va vraiment devoir passer le coup de fil que nous évoquions ? demanda le Professeur.

— Pour absurde que cela paraisse, c’est peut-être la seule solution.




New York — Île de Manhattan


Dans un luxueux bureau, au trente-neuvième étage d’un imposant gratte-ciel situé entre la 5th Avenue et la 59th Street de Manhattan, à New-York, un homme pas très grand, d’allure élégante et soignée, se tenait face à l’une des cinq grandes fenêtres qui le séparaient de l’extérieur. Il portait un costume gris foncé, italien à coup sûr, une voyante cravate rouge, et ses cheveux poivre et sel étaient coiffés en arrière. Ses yeux noirs et profonds fixaient, par-delà la vitre, le magnifique Central Park qui, s’ouvrant presque à ses pieds, s’étend sur quatre kilomètres de long et huit cent mètres de large, ménageant un îlot vert très précieux, source d’oxygène et lieu de détente pour les presque deux millions d’habitants de l’île.



— Je peux entrer, Monsieur le sénateur ? dit un petit homme chauve au visage inexpressif, qui frappait timidement à l’élégante porte d’entrée de bois sombre laqué.

Sur le montant, une petite plaque dorée portait en italique l’inscription « Sénateur Jonathan Preston ».

— Qu’y a-t-il ? demanda l’homme sans même se retourner.

— Une communication vidéo cryptée pour vous.

— C’est bon, je vais la prendre d’ici. Fermez la porte en sortant.



L'homme se dirigea lentement vers son élégant bureau sombre et s’assit sur le moelleux fauteuil de cuir noir. D’un geste automatique, il vérifia le nœud de sa cravate, enfila une oreillette dans son oreille droite et appuya sur un petit bouton gris placé sous le plateau du bureau. Un grand écran semi-transparent descendit du plafond dans un léger sifflement et se posa délicatement sur la surface de la table. L’homme effleura l’écran et le gros visage du général Campbell apparut devant lui.

— Général, je constate avec plaisir que vous avez quitté nos geôles.

— Sénateur, comment allez-vous ? Je voulais avant tout vous remercier pour l’opération de récupération, rapide et efficace.

— Je crois que tout le mérite en revient aux deux personnages que je vois derrière vous.

Le général se retourna instinctivement et vit le gros et son compère, qui essayaient de rentrer dans le cadre de la webcam, comme le fait généralement la foule qui se presse derrière un journaliste lors d’un reportage en direct. Il haussa légèrement les épaules et poursuivit :

— Ce ne sont pas des aigles, mais pour certains types de mission, ils sont vraiment efficaces.

— Bien. Mais maintenant dites-moi tout. J’aurais dû recevoir votre rapport il y a plus de douze heures.

— Disons que j’ai été un peu « pris » ces derniers temps, répondit le général avec humour. Quoi qu’il en soit, je peux vous confirmer que votre intuition sur le travail du Professeur Hunter était absolument juste, et que, grâce à sa découverte, j’ai pu assister personnellement à un événement incroyable, au bas mot.

Le général marqua une petite pause pour exciter encore davantage la curiosité de son interlocuteur, puis ajouta :

— Monsieur le sénateur, je ne sais pas comment cela a pu se produire, mais l’exhumation par notre Professeur du fameux “ vase au précieux contenu ” doit avoir d’une façon ou d’une autre activé un système qui a rappelé sur notre planète rien de moins que...

Il s’arrêta, et, conscient que sa prochaine phrase serait un peu difficile à digérer, prit une grande inspiration, puis sans plus hésiter, s’exclama solennellement :

— Un vaisseau extraterrestre.

L'officier continua à fixer l’écran, à la recherche d’un signe de stupeur quelconque sur le visage du sénateur, mais celui-ci n’eut pas la moindre réaction. Il se limita à appuyer le coude sur le bureau sombre et, prenant son menton entre le pouce et l’index, il se mit à le pincer délicatement. Il poursuivit cette opération quelques instants, puis dit simplement :

— Ils sont revenus, donc.

Le général ne put s’empêcher d’écarquiller les yeux, de surprise.

Preston savait déjà tout sur les extraterrestres… Comment était-ce possible ?

Le sénateur se leva lentement, et, les mains croisées derrière le dos, commença à tourner autour de son bureau. Le général et ses deux collaborateurs ne se hasardèrent pas à dire un mot. Attendant patiemment, ils se limitèrent à échanger des regards interrogateurs.

Tout d’un coup, Preston revint à son bureau, y appuya les deux mains et, regardant le général droit dans les yeux, lui dit :

— Vous aviez un drone avec vous. Dites-moi que vous avez réussi à filmer ce vaisseau.

Le général se tourna à la recherche désespérée d’une réponse positive de la part des deux hommes qui se tenaient derrière lui. Le maigre ébaucha un petit sourire, prit la parole et, bombant le torse d’orgueil, affirma, satisfait :

— Bien sûr, Monsieur le sénateur. J’ai plus d’un film. Je vous montre ça tout de suite.

Sans trop de ménagements, il poussa le général sur le côté et, après avoir joué un moment sur le clavier qui était devant lui, fit apparaître les images du camp du Professeur Hunter dans une fenêtre de l’écran du sénateur.

Preston planta ses deux coudes sur le bureau, posa son menton sur ses poings fermés et s’approcha le plus possible de l’écran pour ne pas perdre une seule image de ce qui défilait sous ses yeux. D’abord les images nocturnes du récipient de pierre retrouvé enseveli dans le sol, puis celles de la mystérieuse sphère noire qu’il renfermait, et enfin le transport de cette dernière dans la tente laboratoire. Puis le cadre changea. Il faisait plein jour. Reposant en apparence sur quatre faisceaux de lumière rougeâtre provenant des quatre coins d’un carré imaginaire dessiné au sol, une structure circulaire argentée trônait, dans toute sa splendeur. L’ensemble ressemblait à un tronçon de pyramide qui avait tout l’air d’être la sœur de la Ziggourat d’Ur que l’on apercevait au fond, majestueuse.

Le sénateur ne pouvait détacher ses yeux de l’écran. Quand il vit les deux silhouettes d’apparence humaine, mais nettement plus grandes et corpulentes que la moyenne, apparaître à l’ouverture de la structure argentée et se planter solidement sur de qui devait être une plateforme de descente, il ne put s’empêcher de sursauter et de sentir son cœur battre dans sa gorge.

Le rêve de toute une vie se réalisait. Toutes les études, toutes les recherches et, surtout, les importants capitaux qu’il avait investis dans ce projet donnaient enfin les résultats espérés. Ce qu’il voyait sur son écran, c’était réellement deux extraterrestres qui, à bord de leur vaisseau à la technologie avancée, avaient traversé l’espace interplanétaire pour revenir sur Terre. Il allait maintenant pouvoir jeter à la figure de ceux qui l’avaient toujours critiqué que ses calculs étaient parfaitement exacts. La mystérieuse douzième planète du système solaire existait vraiment. Après 3 600 ans, son orbite croisait à nouveau celle de la Terre, et il avait devant lui deux de ses habitants qui, profitant du « brin de conduite » que leur faisait leur planète, revenaient nous rendre visite, et influencer à nouveau notre culture et nos vies. C’était déjà arrivé qui sait combien de fois au cours des millénaires, et l’histoire se répétait à nouveau. Mais cette fois il était là, et il n’allait pas laisser cette prometteuse occasion lui échapper.

— Excellent travail, dit-il simplement aux trois hommes qui regardaient l’écran avec appréhension.

Puis, après avoir imprimé un tour complet au fauteuil où il était assis, il ajouta :

— Le fait que vous vous soyez laissé surprendre, Général, compliquera un peu les choses. Nous n’aurons plus l’opportunité d’avoir une « oreille » au sein de l’ELSAD mais ou point où nous en sommes, cela n’a plus d’intérêt.

— Que voulez-vous dire ?

— Que notre objectif n’est plus de découvrir si les suppositions du Professeur Hunter sont exactes ou pas, ni celui de nous emparer du “ précieux contenu ”.

— D’autant plus qu’il était tout sauf précieux, murmura le gros.

— Nous pouvons passer directement à la phase deux, poursuivit le sénateur, feignant de ne pas avoir entendu. Nous avons face à nous une technologie incroyablement avancée, et ils nous la servent sur un plateau d’argent. Tout ce que nous avons à faire, c’est de nous en emparer avant que quelqu’un d’autre y arrive avant nous.

— Si je puis me permettre, Monsieur le sénateur -le général hasarda une timide objection- nous avons eu l’occasion de nous rendre compte que nos deux sympathiques extraterrestres n’ont pas l’air d’être tellement disposés à collaborer.

— Disons tout net qu’ils nous ont roués de coups, ajouta le gros, faisant mine de se masser le genou.

— Je peux imaginer le type d’approche que vous avez utilisé, répliqua le sénateur en ébauchant un mince sourire. Vous êtes-vous demandés pour quelle raison ils ont noué des rapports si affectueux avec le Professeur et le colonel Hudson ?

— À vrai dire, cela nous a semblé vraiment étrange, répondit le général. Ils se sont comportés avec eux comme s’ils les connaissaient depuis toujours.

— Je crois au contraire qu’ils se sont tout simplement montrés plus cordiaux et amicaux que vous.

— Eh bien, c’est vrai, on ne peut pas dire qu’on y soit allée de main morte.

— Ce qui est passé est passé, prononça sentencieusement le sénateur. Maintenant, concentrez-vous sur votre prochaine mission. Vous deux, retrouvez la trace du colonel et de sa petite amie. Je veux que vous ne les perdiez pas de vue un seul instant. Vous avez des moyens et des fonds à votre disposition. Cette fois-ci, je ne tolérerai aucune erreur.

— Qui c’est qui lui dit qu’ils sont en train de faire une petite balade autour de la Terre ? murmura le gros à l’oreille du maigre, un instant avant de laisser échapper un gémissement sourd causé par le coup de pied sur son tibia gauche, décoché par son acolyte.

— Vous, Général, vous viendrez me chercher à l’aéroport.

— Vous allez venir ici ? s’exclama le militaire, ébahi.

— Je ne raterais ça pour rien au monde. Si c’est leur base d’atterrissage, ils devront y revenir, mais cette fois-ci, on leur préparera un petit comité d’accueil digne de ce nom. Je vous donnerai des instructions en route. Bon travail à tous.

Et il mit fin à la communication.

Après la fin de l’échange, le sénateur continua quelques instants à observer sur l’écran une série d’images spectaculaires du désert de l’Arizona qui se succédaient lentement. Puis, comme si quelque chose l’avait brusquement réveillé, il se leva d’un bond, appuya sur le bouton du communicateur qu’il avait sur son bureau et dit sèchement dans le micro incorporé :

— Faites préparer mon avion et appelez mon chauffeur. Je veux avoir décollé dans une heure au plus tard.




Vaisseau Théos — Le cadeau


— Nous devons rentrer, dit le colonel Hudson aux deux extraterrestres, je dois passer un coup de téléphone et je ne pense pas que ce soit faisable d’ici.

— Je n’en suis pas si sûr, répondit Atzakis dans un sourire. Quand ce bon Pétri s’y met sérieusement, il peut faire des choses que tu n’imagines même pas.

Et il tapa bien fort sur l’épaule de son compagnon.

— Du calme, du calme, intervint Pétri en agitant les mains devant lui. D’abord, définir le concept du “ coup de téléphone ”.

Jack, un peu étonné par cette question en apparence banale, se tourna vers Élisa qui haussa les épaules. Puis, indiquant une poche du colonel, elle lui dit avec candeur :

— Montre-lui ton portable, non ?

D’un geste rapide, Jack sortit son smartphone à écran tactile, déjà ancien. Il n’avait jamais aimé la tendance absurde à vouloir toujours le dernier cri. Il préférait avoir entre les mains un instrument qu’il connaissait bien, sans devoir perdre à chaque fois du temps à se familiariser avec toutes les nouvelles fonctions.

— Je ne suis pas technicien, dit-il en le montrant à l’extraterrestre, mais avec cette chose, nous pouvons parler à une autre personne, qui en possède un également, en composant simplement son numéro sur ce clavier.

Pétri prit le téléphone et l’observa attentivement.

— Ce doit être un système de transmission à canal unique, comme nos communicateurs portables.

— À la seule différence, intervint Élisa, qu’à chaque fois qu’on s’en sert, ils nous pompent un tas de sous.

Pensant que sa connaissance limitée de la langue ne lui permettait pas d’en saisir toutes les subtilités, Pétri décida d’ignorer cette dernière affirmation et poursuivit l’analyse de l’objet qu’il avait entre les mains.

— Je vais avoir besoin d’un peu de temps pour comprendre comment il fonctionne.

— Prends ton temps -commenta Élisa, désolée- il n’y a aucune planète en train de nous tomber dessus.

Perplexe, Pétri la regarda, puis, comme il n’avait pas compris le sens de cette boutade non plus, il décida de ne rien ajouter. Il haussa simplement les épaules et se glissa dans la capsule de transport interne la plus proche, dans laquelle il disparut en quelques secondes.



— Alors, comment pensais-tu procéder, en admettant que l’on réussisse à se servir de ton portable ici ? demanda Élisa, qui essayait désespérément de récupérer de la faiblesse causée par le manque d’oxygène et par les mille émotions qu’elle avait vécues depuis quelques heures.

— J’ai d’abord pensé à contacter le sénateur Preston, le supérieur direct du général Campbell. Mais, vu que ce personnage ne m’a jamais convaincu, j’ai décidé de suivre une autre voie pour parvenir jusqu’au président.

— Tu penses que ce sénateur pourrait être impliqué lui aussi ?

— Ces deux démons ne m’ont pas tout dit. Des bruits ont couru, disant que Preston a des relations avec des fabricants d’armes notoirement peu recommandables. Je n’ai aucune confiance en lui.

— Et donc ?

— Et donc je vais m’adresser directement à l’amiral Benjamin Wilson. Il a été le bras droit du président pendant plusieurs années, et c’était aussi un très grand ami de mon père.

— C’était ?

— Mon père nous a quittés il y a deux ans, hélas.

— Je suis désolée… murmura Élisa en lui caressant doucement le bras gauche.

— Wilson m’a tenu sur ses genoux quand j’étais petit. C’est une des rares personnes en qui j’ai une confiance aveugle.

— Je ne sais que te dire. Même si tu as d’excellents rapports avec lui, je crains que ce ne soit difficile de lui faire avaler une nouvelle de ce genre au téléphone.

— Je pourrais toujours lui envoyer des photos de sa ville vues d’ici.

— Avec nos senseurs à courte portée, nous pourrions même lui donner en temps réel le nombre de ses pulsations à la minute, ajouta Atzakis, qui était jusqu’alors resté à l’écart.

— Ne plaisante pas, s’il te plaît, s’écria Élisa, renforçant sa demande d’un geste de la main.

— Tu ne me crois pas ? Regarde, alors.

Par son O^COM, Atzakis fit apparaître sur l’écran géant la vue du camp de base du Professeur. En quelques secondes, il agrandit l’image jusqu’à cadrer sa tente laboratoire.

— Ce que vous voyez…

— C’est ma tente ! s’exclama Élisa avant qu’il n’ait pu finir sa phrase.

— Exact. Et maintenant, regardez.

Soudainement, ce fut comme si la toile de la tente avait disparu : on voyait parfaitement tous les objets qui étaient à l’intérieur.

— Mon bureau, mes livres… incroyable.

— S’il y avait quelqu’un à l’intérieur, je pourrais même vous faire voir la chaleur générée par son flux sanguin, et je pourrais donc calculer le nombre de ses pulsations.

De toute évidence satisfait de la démonstration qu’il venait de faire, l’extraterrestre se mit à se promener dans la pièce, l’air fier.

Mais tout d’un coup, le colonel, qui ne s’était pas encore remis de sa surprise, fut foudroyé par une pensée et s’exclama rageusement :

— Comment ça, “ s’il y avait quelqu’un ” ? Il doit y avoir quelqu’un. Où diable ont donc fini les prisonniers ?

Élisa s’approcha de l’écran pour mieux voir.

— Ils les ont peut-être déplacés. On peut avoir une vue complète du reste du camp ?

— Aucun problème.

En quelques secondes, Atzakis mit en place un panoramique sur le camp. Les senseurs scrutèrent tous les recoins, mais sans trouver aucune trace des deux hommes.

— Ils doivent s’être échappés, affirma laconiquement le colonel. Ça veut dire qu’on les retrouvera bientôt dans nos pieds. Heureusement que le général a été emmené par mes hommes. Ensemble, ces trois-là seraient capables d’en faire plus que le diable en personne.

— Peu importe, dit Élisa. Nous avons pour l’instant des problèmes bien plus sérieux à résoudre.

Elle n’avait pas encore terminé sa phrase que la porte de la capsule interne de transport numéro trois s’ouvrit. Une avenante jeune femme en sortit d’un pas souple et ondulant. Elle tenait une espèce de plateau absolument transparent sur lequel étaient posés plusieurs contenants colorés.

— Messieurs-dames -annonça pompeusement Atzakis en arborant l’un de ses plus beaux sourire- je vous présente l’officier navigateur le plus ensorcelant de toute la galaxie.

Jack, dont la mâchoire était tombée sous l’effet de la surprise, ne put que balbutier un simple « bonjour » avant de recevoir un coup de coude bien ajusté entre sa dixième et sa onzième côtes droites.

— Bienvenue à bord, dit-elle dans un anglais assez hésitant. Vous devez avoir faim, j’imagine. Je vous ai amené quelque chose à manger.

— Merci, trop aimable, répondit Élisa piquée, fulminant son homme di regard.

La jeune femme n’ajouta rien. Elle posa son plateau sur un support à leur gauche, illumina à nouveau son visage d’un sourire splendide, et, quelques instants après, disparut dans la capsule dont elle était descendue.



— Mignonne, pas vrai ? commenta Atzakis en regardant le colonel.

— Mignonne ? Qui ? De quoi parles-tu ? s’empressa de répondre le colonel, que le coup reçu lançait encore.

Atzakis éclata d’un grand rire, puis, d’un geste de la main, les invita à se servir.

— Mais qu’est-ce que c’est que ça ? murmura Élisa, qui, dépourvue de toute élégance, reniflait les différents plats.

— Du foie de Nebir, précisa aussitôt l’extraterrestre, de la côte de Hanuk et des racines de Hermes bouillies, le tout accompagné d’une boisson, disons « énergétique ».

— C’était autre chose au Masgouf, commenta laconiquement la jeune femme. Mais j’ai une faim de loup, et je pense que je goûterai quand même quelque chose.

Elle prit un morceau de côte entre les doigts et commença à la ronger jusqu’à l’os, sans trop de difficultés.

— Tout ça ne nous donnera pas un mal de ventre inouï, pas vrai, Zak ? Prends-en toi aussi, mon amour. Le goût est un peu étrange, mais ce n’est pas mauvais du tout.

Le colonel, horrifié, regardait Élisa qui dévorait sans retenue tous les mets étranges qui étaient sur le plateau, et il se borna à marmonner :

— Non, non, merci. Je n’ai pas faim.

Son attention fut en revanche attirée par l’étrangeté du plateau et des contenants qui servaient de plats. Il en attrapa un, rouge vif, et en palpa la matière. C’était étrange, nettement froid. Plus froid que ce qu’il n’aurait dû être, et malgré tout, le plat qu’il contenait était brûlant. Il en effleura la surface du bout de l’index. Elle était incroyablement lisse. Ça ne semblait être ni du métal, ni du plastique. Comment aurait-ce pu être du plastique, d’ailleurs ? Ils l’utilisaient dans de tout autres buts. L’autre chose très bizarre était que, malgré la perfection de la surface extérieure, il ne renvoyait absolument aucun reflet. La lumière était comme engloutie par ce matériau mystérieux. Il approcha son oreille de la surface lisse, et la frappa délicatement de son majeur replié. De façon incroyable, le contenant n’émit aucun son. C’était comme s’il frappait du doigt sur un gros morceau de ouate.

— Mais en quoi sont faits ces objets ? demanda-t-il, passablement intrigué. Et le plateau ? On dirait qu’il est fait dans le même matériau.

Assez surpris par la question, Atzakis s’approcha lui aussi du plateau. Il prit un autre récipient, vert pâle, cette fois-ci, et le porta à hauteur de ses yeux.

— En fait, ce n’est pas un véritable “ matériau ”.

— Comment ça ? Que veux-tu dire ?

— Qu’est-ce que vous utilisez, vous, pour contenir des objets, de la nourriture, des liquides, ou des produits en général ?

— Eh bien, d’habitude, pour transporter les matériaux nous nous servons de caisses de carton ou de bois. Pour servir la nourriture, nous utilisons des casseroles de métal, des assiettes en céramique, et des verres en verre, et pour transporter ou conserver des aliments et des liquides en général, nous utilisons des contenants de plastique des formes les plus diverses.

— Du plastique ? Le même plastique que celui qui nous intéresse ? demanda Atzakis, abasourdi.

— Je crois bien que oui, répondit tout bas le colonel. En fait, le plastique est devenu l’un des plus gros problèmes de notre planète, en termes de pollution. Vous nous avez dit vous-mêmes en avoir trouvé d’énormes quantités partout.

Il fit une brève pause avant d’ajouter :

— C’est pour ça que votre proposition de le récupérer nous a autant intéressés. Nous tiendrions la solution d’un problème gigantesque.

— Donc, si je comprends bien, vous utilisez le plastique comme contenant et puis vous le jetez sans retenue en polluant chaque recoin de votre planète ?

— Oui, c’est bien ça, répondit Jack, de plus en plus gêné.

— Mais c’est de la folie, c’est insensé. Vous êtes en train de vous empoisonner de vos propres mains.

— Eh bien, si tu prends en compte le smog généré par nos moyens de locomotion, nos usines et les systèmes générateurs d’énergie, nous avons déjà réussi à faire bien pire. Sans parler des déchets radioactifs que nous ne savons pas encore comment recycler.

— Vous êtes des fous inconscients. Vous êtes en train de détruire la plus belle planète du système solaire. Et c’est aussi de notre faute, hélas.

— Comment ça, de votre faute ?

— Eh bien, c’est nous qui avons modifié votre ADN, il y a de cela une centaine de milliers d’années. Nous vous avons donné une intelligence supérieure à celle de tous les autres êtres vivants de la Terre. Et c’est comme ça que vous l’utilisez ?

— Nous l’avons utilisée pour amener la planète à sa ruine.

Jack parlait la tête basse, comme un élève que son professeur réprimande parce qu’il n’a pas fait ses devoirs.

— Mais vous êtes revenus, maintenant. J’espère sincèrement que vous pourrez nous aider à réparer les dégâts que nous avons faits.

— J’ai peur que ce ne soit pas si facile que ça, dit Atzakis, de plus en plus troublé. L’analyse que Pétri a faite sur l’état de vos océans nous a permis de constater que la quantité de poissons présents a été réduite de plus de quatre-vingt pour cent depuis la dernière fois que nous sommes venus. Comment cela a-t-il pu se produire ?

Jack aurait alors volontiers disparu sous le sol, s’il l’avait pu.

— Il n’y a aucune justification, parvint-il à dire d’un filet de voix. Nous ne sommes qu’un ramassis d’êtres décérébrés, plein de morgue, arrogants, vantards et inintéressants.



Élisa, qui avait écouté en silence tous les reproches d’Atzakis, avala le dernier morceau de foie de Nebir, s’essuya la bouche du revers de la main, puis dit tranquillement :

— Mais nous ne sommes pas tous comme ça, tu sais ?

L’extraterrestre la regarda avec surprise, mais elle continua avec assurance :

— Ce sont les soi-disant « puissants » qui nous ont mis dans cette situation. La majeure partie des personnes normales se bat tous les jours pour la défense de l’environnement et de toutes les formes de vie qui peuplent notre planète bien-aimée. C’est un peu facile d’arriver après des milliers d’années d’un endroit qui est à des millions de kilomètres et de nous faire la morale. Vous nous avez peut-être donné l’intelligence, mais vous ne nous avez pas donné le début du commencement des consignes d’utilisation !

Jack la regarda et comprit qu’il était éperdument amoureux de cette femme.

Atzakis était resté bouche bée. Il ne s’attendait pas à une réaction de ce genre. Face à lui, Élisa continua, lancée.

— Si vous voulez vraiment nous aider, il faudra mettre à notre disposition toutes vos connaissances technologiques, médicales et scientifiques, le tout le plus rapidement possible, vu que vous ne resterez pas très longtemps sur cette planète dévastée.

— D’accord, d’accord. Ne t’énerve pas, essaya de la contrer Atzakis. Il me semble que nous nous sommes mis à votre disposition sans hésitation pour vous donner un coup de main, non ?

— C’est vrai, tu as raison. Je te demande pardon. Dans le fond, vous auriez pu prendre votre plastique et rentrer là d’où vous veniez sans même nous dire bonjour ; mais vous êtes là, et vous allez risquer votre peau avec nous.

Élisa regrettait sincèrement son éclat. Pour dédramatiser un peu la situation, elle s’écria alors joyeusement :

— Mais le repas était vraiment bon.

Puis elle s’approcha de l’extraterrestre, et le regardant de bas en haut, elle lui dit doucement :

— Excuse-moi, je n’aurais pas dû.

— Ne t’inquiète pas, je comprends parfaitement. Et pour te prouver que je ne t’en tiens pas rigueur, je t’offre ceci.

Élisa tendit sa main ouverte, et Atzakis y déposa une minuscule chose foncée.

— Merci, mais qu’est-ce que c’est ? demanda-t-elle, intriguée.

— La solution à vos problèmes avec le plastique.




Nassiriya — Le dîner


Après que le sénateur eut brusquement mit fin à la conversation, ils continuèrent tous les trois à regarder un moment l’écran devant eux, qui affichait des dessins abstraits multicolores se croisant dans un mouvement sans fin.

— Qu’est-ce qu’on fait maintenant ? demanda le grand maigre, mettant fin à cette espèce d’hypnose collective.

— Moi j’aurais une idée, répondit le gros. Ça fait un bon moment qu’on ne s’est rien mis sous la dent et je vois des burgers partout.

— Et où penses-tu trouver un burger à cette heure-ci ?

— Je ne sais pas, mais ce que je sais c’est que si je ne mange pas tout de suite, je vais m’évanouir.

— Oh, le pauvre, il va s’évanouir, commenta le maigre en contrefaisant une voix d’enfant.

Puis son intonation changea :

— Avec toutes les réserves que tu as sur les hanches, tu pourrais rester un mois sans manger.

— Ok, arrêtez tous les deux avec ces bêtises, s’écria le général, irrité. Nous devons arrêter un plan d’action.

— Mais moi je réfléchis mal, l’estomac vide, dit tout bas le gros.

— D’accord, s’écria Campbell, en levant les mains pour indiquer qu’il renonçait. Allons manger quelque chose. On cherchera un plan à table, de toute façon, on a encore pas mal de temps avant l’arrivée du sénateur.

— Voilà qui est parler, Général, s’écria le gros, satisfait. Je connais un petit endroit pas mal du tout, où ils font un magnifique ragoût de mouton aux patates, carottes et petits pois, en sauce curry.

— Eh bien je dois avouer qu’après cette description détaillée, j’ai un peu faim moi aussi, dit le maigre en se frottant les mains.

— C’est bon, vous m’avez convaincu, ajouta le général en se levant. Allons-y, mais tâchons de ne pas nous faire prendre. Même s’ils ne s’en sont pas encore rendu compte, je suis bel et bien un évadé.

— Et pas nous, peut-être ? répliqua le maigre. Nous nous sommes échappés du camp, et ils doivent nous chercher partout. Ça ne fait rien, on n’a qu’à s’en fiche pour l’instant.



Quelques minutes plus tard, une voiture sombre avec trois personnages louches à son bord filait dans la nuit, dans les rues presque désertes de la ville, soulevant sur son passage un nuage de fine poussière.

— Nous y sommes, c’est là ! s’écria le gros, assis à l’arrière. C’est un peu tard, mais je connais le propriétaire. Il n’y aura pas de problème.

Le maigre, au volant, chercha une place pour garer la voiture. Il fit le tour du pâté de maisons, puis se glissa sous l’auvent branlant d’une petite bicoque abandonnée. Il descendit rapidement de la voiture, et, circonspect, observa attentivement les alentours. Il n’y avait personne.

Il fit le tour de la voiture, ouvrit la portière passager et dit :

— Tout est tranquille, mon Général. Nous pouvons y aller.

Le gros descendit lui aussi de la voiture et se dirigea à grands pas vers l’entrée principale du restaurant. Il essaya de tourner la poignée, sans résultat. La porte était fermée, mais il y avait encore de la lumière à l’intérieur. Il essaya alors de regarder à travers la fenêtre, mais l’épaisse tenture de couleur ne lui permit pas de voir grand chose. Sans perdre davantage de temps, il se mit à frapper énergiquement, et ne cessa que quand il vit un petit homme, aux cheveux noirs et bouclés, apparaître derrière la tenture.

— Mais qui diable… s’exclamait-il, très irrité, mais il reconnut son corpulent ami, évita de terminer sa phrase et ouvrit.

— Ah, mais c’est toi. Mais qu’est-ce que tu fais ici à cette heure-ci ? Et qui sont ces deux messieurs ?

— Eh, vieux larron, comment vas-tu ? Ce sont deux amis et nous avons tous les trois une faim de loup.

— Mais le restaurant est fermé, j’ai déjà nettoyé la cuisine et j’allais partir.

— Je pense que cet autre ami sera plus convaincant que moi, dit-il en lui faisant voleter sous le nez un billet de cent dollars.

— Eh bien, en effet, je dois dire qu’il sait s’y prendre, répondit le petit homme, s’emparant rapidement du billet et le faisant disparaître dans la poche de sa chemise.

— Je vous en prie, entrez donc, ajouta-t-il en ouvrant grand la porte et en s’inclinant légèrement.

Après avoir jeté un rapide coup d’œil derrière eux pour s’assurer que personne ne les observait, les trois hommes se glissèrent l’un après l’autre dans le petit restaurant.



Il était organisé en deux ambiances différentes et ne semblait pas être particulièrement entretenu. Le sol était en briques sombres et rugueuses. Dans la pièce la plus grande, trois tables basses et rondes, posées chacune sur un tapis usé et aux couleurs largement passées, étaient entourées de coussins également en mauvais état. Dans l’autre pièce, en revanche, l’ameublement était d’un style un peu plus occidental et semblait même beaucoup plus « intime ». D’amples tentures aux couleurs chaudes recouvraient les murs. L’éclairage était tamisé, et l’atmosphère nettement plus accueillante. Deux petites tables avaient déjà été dressées, prêtes pour le lendemain. Sur chacune d’elle étaient posées une nappe d’un vert foncé aux broderies bariolées, des serviettes assorties, des assiettes de service en céramique aux bords argentés, des fourchettes à gauche, des cuillers et des couteaux à droite, et au centre, une longue bougie jaune foncé sur un petit bougeoir de pierre noire.



— On peut s’installer là-bas ? demanda le gros qui indiquait la petite salle de sa main épaisse.

Sans répondre, l’homme bouclé bondit vers la petite salle, rapprocha les deux tables, plaça les chaises, et, après un grand salut de la tête et un geste théâtral des bras, leur dit :

— Je vous en prie, Messieurs, vous serez mieux comme ça.

Ils s’installèrent tous trois autour de la table, et le gros dit :

— Prépare-nous ta spécialité et amène-nous trois bières en attendant.

Puis, sans lui laisser la possibilité de répliquer :

— Ne fais pas le malin. Je sais que tu en as plusieurs caisses, cachées quelque part.



Le général attendit que le propriétaire file en cuisine, puis il revint sur la conversation qu’ils avaient eue plus tôt.

— Le sénateur est un homme sans scrupules. Nous devons faire très attention à lui. Si quelque chose devait aller de travers, il n’hésiterait pas un instant à nous envoyer quelqu’un qui nous ferait la peau.

— Nous voilà bien, commenta le gros. On dirait que tout le monde nous aime à la folie, ici.

— Essayons de faire le boulot de notre mieux et il ne nous arrivera rien, affirma le maigre, qui avait gardé le silence jusqu’alors. Je connais bien ce genre de personnages. Si on ne lui fait pas de problèmes et qu’on obéit aux ordres, tout se passe bien, et chacun de nous aura la récompense qu’il mérite.

— Oui, une bonne petite balle au milieu du front, commenta tout bas le gros.

— Allez, ne fais pas ton oiseau de mauvais augure. Pour l’instant, on s’en est bien tirés, non ?

— Oui, pour l’instant.



Pendant ce temps, caché dans sa cuisine, le propriétaire du restaurant parlait à voix basse au téléphone, en arabe.

— C’est lui, je te dis que c’est lui.

— C’est incroyable qu’il soit venu chez toi sans escorte.

— Il y a deux autres hommes. Il y en a un que je connais très bien, et je suis sûr qu’il appartient à une organisation bizarre qui pourrait être liée à lui, d’une manière ou d’une autre.

— Tu pourrais prendre une photo et me l’envoyer ? Je ne voudrais pas préparer une armée pour me rendre compte qu’il s’agit d’une banale confusion entre deux personnes.

— D’accord, je vais voir ce que je peux faire. Laisse-moi quelques minutes.

L’homme coupa la communication, activa la caméra de son téléphone, le glissa dans la poche de sa chemise de façon à ce que l’objectif dépasse légèrement, et posa trois grands verres sur un plateau d’aluminium. Il déboucha trois bouteilles de bière et en disposa une à côté de chaque verre. Il souleva le plateau de sa main droite, respira un grand coup et se dirigea vers la table occupée par les trois convives.

— J’espère que cette marque vous conviendra, dit-il en servant les boissons. Nous n’avons malheureusement pas beaucoup de choix. Ici, les lois sont très sévères en matière d’alcool.

— Oui, oui, ne t’inquiète pas, dit le gros en attrapant une bouteille qu’il vida dans son verre, le remplissant de mousse.

L'homme, mettant tout son soin à se placer juste en face du général, prit un verre, l’inclina légèrement et y versa délicatement une petite moitié de la bouteille. Puis il fit de même avec le verre du maigre, et s’écria :

— C’est comme ça qu’on fait. Ce n’est pas un pauvre Irakien qui va devoir apprendre à trois Américains comment on sert la bière, non ?

Un gros éclat de rire spontané partit de la table, et les trois convives, levant leur verre, les firent tinter dans un toast qui devait leur porter chance.

Le propriétaire, après avoir ébauché son salut habituel, se retira en cuisine. Dès qu’il en eut franchi le seuil et qu’il se fut assuré que personne ne le regardait, il regarda son portable pour vérifier la qualité du film. Les images tremblaient un peu, mais le visage épais du général Campbell était bien visible. Il envoya aussitôt le film au numéro qu’il avait appelé auparavant et attendit patiemment. Moins d’une minute après, la légère vibration de son téléphone l’avertit d’un appel.

— C’est lui, dit la voix à l’autre bout du fil. On sera là dans une heure au plus tard. Ne les laisse partir sous aucun prétexte.

— Ils viennent juste d’arriver et ils n’ont pas encore commencé à manger. Vous avez largement le temps.

Et il raccrocha.




Vaisseau Théos — L'amiral


Élisa regardait encore l’étrange petit objet qu’Atzakis avait laissé tomber dans sa main, quand la porte de la capsule de transport interne numéro six s’ouvrit. Pétri en sortit, rayonnant, le téléphone du colonel à la main.

— J’ai réussi ! s’exclama-t-il. Enfin, j’espère.

Il rejoignit rapidement les autres au centre du pont de commandement, et expliqua :

— C’est un système franchement dépassé, mais je pense que j’ai compris le principe de fonctionnement. Je me suis connecté à un de ces satellites qui tournent autour de la planète sur une orbite plus basse que la nôtre et je crois qu’on peut maintenant passer un « appel ».

— Tu es le meilleur, compagnon, s’écria Atzakis. J’étais sûr que tu réussirais.

— Avant de crier victoire, voyons si ça fonctionne vraiment, dit Jack, récupérant son téléphone des mains de l’extraterrestre.

Le colonel en observa attentivement l’écran, puis dit, émerveillé :

— Incroyable, il y a trois barres de réseau.

— Allez, essaie ! lui dit Élisa, tout excitée.

Jack parcourut rapidement son répertoire et trouva le numéro de l’amiral Wilson. Un doute l’assaillit cependant :

— Mais quelle heure est-il à Washington ?

— Voyons, il devrait être deux heures et demi, répondit Élisa après avoir jeté un coup d’œil à sa montre.

— C’est bon, j’essaie, alors.

Jack prit une profonde inspiration puis appuya sur la touche « APPEL ».

Le téléphone sonnait. Incroyable.

Il attendit patiemment, et ce n’est qu’au bout de la septième sonnerie qu’une voix rauque et profonde répondit :

— Amiral Benjamin Wilson, qui est à l’appareil ?

— Amiral. C’est Jack Hudson. Vous m’entendez ?

— Bien sûr, mon garçon, je t’entends parfaitement. C’est un plaisir d’entendre ta voix depuis tout ce temps. Tout va bien ?

— Amiral… Oui, oui, merci.

Jack était extrêmement embarrassé et ne savait pas par où commencer.

— Je vous dérange pour une question de la plus grande importance, mais qui a quelque chose d’invraisemblable.



— Bigre, mon garçon, ne me mets pas sur le grill comme ça. Que diable se passe-t-il ?

— Eh bien, ce n’est pas facile à expliquer. Vous me faites confiance, n’est-ce pas ?

— Mais évidemment, quelle question.

— Ce que je vais vous dire pourra vous sembler insensé, mais je vous assure que ce n’est que la pure vérité.

— Jack, si tu ne me dis pas tout de suite de quoi il s’agit, mon pauvre vieux cœur pourrait s’arrêter.

— D’accord.

Jack fit une petite pause, puis dit d’une seule traite :

— Je me trouve en ce moment en orbite autour de la Terre. Je suis sur un vaisseau extraterrestre et j’ai des informations terribles à communiquer directement au président des États-Unis. Vous êtes la seule personne en qui j’ai confiance et qui pourrait me mettre en contact avec lui. Je vous jure sur feu mon cher père que ce n’est pas une plaisanterie.

De très longues secondes passèrent, pendant lesquelles aucun son ne sortit du haut-parleur du téléphone. Jack eut un instant peur que l’amiral n’ait eu une attaque. Puis la voix rauque à l’autre bout du fil dit :

— Mais tu m’appelles vraiment de là-haut ? Et comment diable fais-tu ?

Wilson est un type incroyable. Au lieu de s’inquiéter des extraterrestres, il se demande comment je peux utiliser mon portable d’ici… Exceptionnel…



— Eh bien, avec leur technologie, ils ont réussi à établir une espèce de connexion avec un satellite de télécommunications. Je ne peux pas vous en dire beaucoup plus.

— Des extraterrestres. Mais d’où viennent-ils ? Et qu’est-ce que c’est que cette catastrophe imminente ? Et puis pourquoi ils t’ont emmené, précisément toi ?

— Amiral, c’est une longue histoire, et j’espère vivement avoir le temps de vous la raconter, mais pour l’instant le plus important est que vous me mettiez en contact avec le président.

— Mon garçon, j’ai une confiance aveugle en toi, mais pour que notre cher président digère une chose pareille, il me faudra un peu plus que ton coup de fil.

— Je m’en doutais, et c’est normal, répondit Jack. Et si je vous disais qu’en ce moment, vous êtes assis sur un fauteuil marron foncé et que vous avez un exemplaire du New York Times sur les genoux, mes affirmations vous sembleraient plus convaincantes ?

Pétri avait réussi à relever les coordonnées de l’amiral par le signal qu’émettait son téléphone, avait positionné le Théos au zénith de la ville et avait activé les senseurs à courte portée en les pointant directement sur la source des émissions.

— Par tous les diables, s’écria l’amiral en sautant sur ses pieds et en faisant tomber le journal. Mais comment le sais-tu ? Il ne peut pas y avoir de caméras dissimulées ici. Des détecteurs passent mon bureau au peigne fin tous les jours.

— En fait, ce n’est pas avec une « caméra » que nous arrivons à vous voir. Disons que c’est un système de vision absolument incroyable. Nous sommes à 50 000 kilomètres de la Terre et je pourrais lire votre journal sans difficultés. Je pourrais même vous dire quel est le rythme de vos pulsations cardiaques en ce moment.

— Tu plaisantes, n’est-ce pas ?

Jack jeta un coup d’œil à Pétri qui changea aussitôt le mode de visualisation.

L’amiral leur apparaissait maintenant sous la forme d’une silhouette rougeâtre, avec des nuances jaune clair et gris foncé. En haut à droite de l’écran, d’autres chiffres apparurent. Jack les lut et annonça :

— Votre cœur bat actuellement à quatre-vingt-dix-huit pulsations par minute, et votre tension artérielle est de 135/90 mm de Hg.

— Eh, je sais, elle est un peu élevée. Je prends même des médicaments pour la réguler, mais ça ne marche pas toujours. Tu sais, l’âge…

Il s’arrêta un instant et s’écria :

— Mais tout cela est absolument incroyable, c’est stupéfiant. Tu penses pouvoir faire la même chose avec le président ?

— Je crois que oui, répondit Jack en cherchant du regard la confirmation de Pétri, qui se contenta d’approuver légèrement de la tête.

— Est-ce que tu pourrais au moins me dire quelques mots de ce qui doit se passer ? Vu qu’ils sont venus de Dieu sait où pour nous en informer, ça doit être bigrement sérieux.

— Oui, il est normal que vous le sachiez.

Élisa l’incitait à poursuivre par de grands gestes de la main et des grimaces étranges de la bouche.

— Leur planète s’approche très rapidement de la nôtre. Un de ses satellites, Kodon, en l’occurrence, nous effleurera dans un peu moins de sept jours et pourrait causer une série de bouleversements indicibles. Même notre orbite et celle de la Lune pourraient être touchées. Sur notre planète, des marées successives pourraient submerger les terres émergées et les eaux pourraient balayer des millions et des millions de personnes. En bref, une catastrophe.

L'amiral était resté sans voix. Il retomba lourdement sur son fauteuil marron, et ne put que murmurer, d’un filet de voix :

— Que le diable m’emporte.

— En fait, nos amis ici présents seraient heureux de mettre à notre disposition un système en mesure de limiter la majeure partie de ces effets néfastes, mais c’est une procédure très risquée et qu’ils n’ont encore jamais complètement expérimentée. De plus, même si tout devait se passer pour le mieux, nous ne pourrions pas subir l’événement sans dommages. Une partie de l’influence planétaire, même réduite, ne pourra malheureusement pas être endiguée. Nous devrions donc nous organiser pour limiter au maximum les dégâts et les pertes.

— Mon garçon, répondit faiblement l’amiral. Je crois que le président doit être immédiatement informé de ce que tu viens de me dire. J’espère seulement, pour toi et pour moi, que ce n’est pas une plaisanterie, parce nous ne nous en sortirions ni l’un ni l’autre ; même si j’espère de tout cœur que ce soit le cas. Peut-être que je me suis simplement endormi dans mon fauteuil et que je vais bientôt me réveiller et me rendre compte que tout ça n’est rien qu’un affreux cauchemar.

— J’aimerais beaucoup, Amiral. Mais hélas, tout cela n’est pas un mauvais rêve, mais la réalité crue. Je m’en rapporte à vous pour que cette information parvienne au président.

— Ok. Laisse-moi juste un peu de temps pour trouver le bon canal. Comment pourrai-je te recontacter ?

— Je pense que vous pouvez tout simplement me rappeler à ce numéro, dit Jack en cherchant le regard de Pétri qui haussa les épaules, incertain.

— Ça devrait marcher, reprit-il. De toute façon, si je n’ai pas de vos nouvelles d’ici une heure, c’est moi qui vous rappelle, d’accord ?

— D’accord, à plus tard.

— Je vous remercie infiniment, dit le colonel, et il mit fin à la communication.

Il resta quelques instants absolument immobile, le regard perdu dans le vide, puis dit très tranquillement aux autres, pendus à ses lèvres :

— Il va nous aider.

— Espérons-le, répondit Élisa, chancelante. Je pense que ce ne sera pas facile de convaincre le président qu’il ne s’agit pas d’un canular.

— Il n’y a que lui qui puisse réussir un tel exploit. Laissons-lui juste un peu de temps.

Puis, s’adressant à Pétri :

— Avec tes “ senseurs ”, ou n’importe laquelle de vos inventions diaboliques, essaie de mettre au point un beau petit spectacle. Il va falloir qu’on les étonne avec quelque chose d’exceptionnel qui puisse tous les laisser bouche bée.

— Je m’en occupe, répondit Pétri avec un petit sourire sardonique. Ce ne sont pas les effets spéciaux qui nous manquent.

— Si tu veux, je peux t’indiquer la position exacte de la Maison Blanche, résidence officielle du président des États-Unis d’Amérique, et celle du Pentagone, qui est le siège du quartier général du Département de la Défense.

— Alors -dit Élisa en s’approchant d’Atzakis- pendant qu’ils s’amusent tous les deux à effrayer ces malheureux, j’aimerais que tu m’expliques maintenant ce que c’est que cette chose bizarre que tu m’as donnée tout à l’heure.

— Comme je te le disais, je pense que cela peut être la solution à tous vos problèmes de déchets.

— Tu ne vas pas me dire qu’il me suffira de l’allumer pour dématérialiser tout le plastique qui se balade, non ?

— Malheureusement, nous n’avons pas encore inventé une telle chose, mais ça, ça pourrait vous aider à le remplacer.

— Je suis tout ouïe, et elle le lui tendit.

— Cette petite chose n’est autre qu’un mini-générateur de champs de forces. Grâce à une programmation toute simple, il peut prendre la forme qu’on veut.

— Je ne comprends pas.

— Je vais te montrer. Ouvre la main.

Atzakis prit délicatement le petit rectangle foncé entre le pouce et l’index et le posa sur la paume ouverte d’Élisa. Moins d’une seconde après, comme par enchantement, un magnifique vase de mille couleurs différentes se matérialisa dans sa main.

— Mais que diable…

Effrayée, Élisa retira instinctivement sa main et fit tomber le vase qui tomba par terre en rebondissant çà et là, mais sans se casser, et surtout, sans faire aucun bruit.

— Excuse-moi -ne put que murmurer Élisa, désolée- je ne m’y attendais pas du tout.

Et elle se pencha pour le ramasser. Elle le prit et se mit à l’observer sous toutes les coutures. Malgré une surface absolument lisse, la lumière ne s’y reflétait pas du tout. Au toucher, l’objet était un peu plus froid que ce à quoi on aurait pu s’attendre, et il ne semblait être fait dans aucun des matériaux qu’elle connaissait.

— C’est absolument incroyable. Mais comment as-tu fait ?

— Tout le mérite lui revient, répondit Atzakis en indiquant le petit objet noir qui semblait s’être enchâssé à la base du vase. C’est lui qui génère un champ de forces qui prend la forme que tu vois.

— Et tu pourrais en faire un en forme de bouteille ?

— Bien sûr, dit Atzakis en souriant, regarde.

Sur ces mots, il posa la pulpe de son index sur le petit rectangle et le vase disparut. Il le pressa de nouveau en y appuyant le pouce, et une élégante bouteille bleu cobalt, au col long et fin, surgit du néant.

Élisa était restée bouche bée et mit quelques instants à reprendre ses esprits. Puis, sans détacher les yeux de l’objet créé, elle dit, d’une voix brisée par l’émotion :

— Jack, viens, tu dois absolument voir ça.

Le colonel, qui avait donné toutes ses indications à Pétri pour le repérage des deux objectifs, se tourna vers elle et la rejoignit d’un pas tranquille. Il regarda distraitement l’objet qu’Atzakis tenait à la main, et demanda d’un air ennuyé :

— Une bouteille ? Et qu’y a-t-il de si intéressant ?

— Une bouteille, parfaitement, répliqua Élisa, irritée. Mais qui était un magnifique vase de couleur jusqu’à un instant.

— Allez, ne te moque pas de moi.

— Zak, montre-lui.

L'extraterrestre exécuta la même opération que précédemment, et cette fois-ci, ce fut une énorme sphère noire comme l’encre qui apparut entre ses mains.

— Oh, misère ! s’écria le colonel en faisant un bond en arrière.

— Ça, ça te dit quelque chose, non ? demanda Atzakis en entourant de ses bras la boule de presque un mètre de diamètre.

— Oui, oui, s’exclama le Professeur, tout excité. C’est la même que celle que nous avons trouvée enterrée dans le camp, dans la mystérieuse boîte de pierre.

— Et il y en avait trois autres, ajouta le colonel, qui ont ensuite servi de base pour l’atterrissage du vaisseau.

— C’est bien ça, confirma Atzakis. Nous les avions laissées la dernière fois pour nous servir de repère pour la récupération de la cargaison de plastique.

— Ouah, s’écria Élisa, tout s’éclaircit petit à petit.

— Excuse ma question idiote, dit Jack en s’adressant à l’extraterrestre. Mais si nous voulions les utiliser comme contenants, mettons pour l’eau, par exemple, nous devrions aussi inventer un système pratique d’ouverture et de fermeture. Comment pourrions-nous faire ?

— Très simple. Il suffira d’en utiliser un autre et de lui donner une forme de bouchon.

— Quel idiot je suis. Je n’y avais pas pensé, s’écria Jack en se donnant une tape sur le front.

— Comment appelez-vous ces sympathiques petites choses ? demanda Élisa, intriguée.

— Sur notre planète, nous les appelons Shans, répondit Atzakis, en faisant disparaître la sphère et en lui rendant le petit rectangle noir.

— Alors ça, c’est un petit Shan, dit Élisa en souriant, et en le regardant attentivement entre ses doigts. Je peux essayer d’en faire quelque chose moi aussi ?

— Eh bien, ce n’est pas aussi simple que ça. Moi j’y arrive, parce que j’utilise mon implant N^COM pour le programmer en temps réel. Donc soit tu t’en fais implanter un toi aussi, soit tu utilises…

Il s’interrompit et se mit à fouiller dans un tiroir sur le côté de la console. Quelques secondes plus tard, il en tira une espèce de petit casque très semblable à celui dont ils s’étaient précédemment servis pour respirer, et termina sa phrase en le lui tendant :

— Ça.

— Je dois me le mettre sur la tête ?

— Bien sûr.

— Ça ne va pas me faire griller le cerveau, pas vrai ?

Atzakis sourit. Il lui prit doucement les mains et l’aida à le placer correctement.

— Et maintenant ?

— Prends le Shan entre tes doigts et pense à un objet, n’importe lequel. Ne te soucie pas des dimensions. Il est programmé pour ne pas pouvoir se transformer en quelque chose de plus d’un mètre cube.

Élisa ferma les yeux et se concentra. Quelques secondes plus tard, un magnifique chandelier argenté se matérialisait entre ses mains.

— Mon Dieu -s’exclama-t-elle, stupéfaite- c’est absurde, c’est incroyable.

Elle ne parvenait pas à contenir ses émotions. Elle ne cessait de retourner l’objet entre ses mains, le scrutant dans tous ses détails.

— Je l’avais imaginé exactement comme ça. Ce n’est pas possible, je rêve.




Nassiriya — Le guet-apens


Arrivant du nord de la ville, deux grosses jeeps débâchées, avec chacune trois personnes à leur bord, arrêtèrent leur course au niveau du feu rouge d’un carrefour apparemment désert. Elles attendirent patiemment le vert, puis continuèrent lentement sur une vingtaine de mètres, jusqu’à atteindre l’entrée d’un vieil atelier abandonné.

Un homme très corpulent sauta de la première, et, armé d’une paire de vieilles cisailles, s’approcha avec circonspection de l’entrée et coupa le fil de fer rouillé qui maintenait la grosse porte fermée. Un autre homme, descendu du second véhicule, le suivit immédiatement. Il était lui aussi bien bâti. Unissant leurs forces, ils essayèrent de pousser le vieux panneau qui servait de porte. Ils durent forcer un bon moment avant que le panneau ne cède dans un sinistre grincement métallique. Ils le poussèrent énergiquement de côté jusqu’à ouvrir complètement le passage.

Les chauffeurs des deux véhicules, qui attendaient, moteur au ralenti, se glissèrent l’un après l’autre dans le vieil atelier en laissant derrière eux un gros nuage de fumée noire, avant d’éteindre les moteurs.

— Allons-y, dit celui qui semblait être le chef, en sautant de la jeep, aussitôt suivi par les trois autres.

Les deux hommes qui étaient restés à l’entrée se joignirent au petit groupe, et ils se dirigèrent tous les six sur la pointe des pieds vers l’entrée principale du restaurant.

— Vous trois, à l’arrière, ordonna le chef.

Tous les membres de cette petite équipe d’assaut étaient équipés de fusils AK-47 et on pouvait remarquer aux ceintures de certains d’entre eux les fourreaux incurvés typiques des Janbiya, les couteaux arabes. Ces poignards ne sont pas très longs, mais leur lame affilée des deux côtés en fait des armes blanches redoutables.



Conscient du fait que ses compagnons allaient arriver d’un moment à l’autre, le propriétaire du restaurant faisait en permanence la navette entre la petite salle et l’entrée arrière, d’où il surveillait les alentours pour repérer d’éventuels mouvements suspects. Mais sa nervosité n’échappa pas au général qui, en vieux renard qu’il était, commença à flairer que quelque chose n’allait pas tout à fait comme il aurait fallu. Sous le prétexte d’attraper la bouteille de bière, il s’approcha de son gros acolyte et lui murmura à l’oreille :

— Tu ne trouves pas que ton ami est un peu trop nerveux ?

— À vrai dire, je l’avais remarqué moi aussi, répondit-il à mi-voix également.

— Tu le connais depuis quand ? Tu ne crois pas qu’il est en train de nous organiser une petite surprise ?

— Je ne pense pas… Ça a toujours été quelqu’un de sûr.

— Peut-être, dit le général en quittant son siège, mais moi je n’ai pas confiance. Allons-nous en vite d’ici.

Les deux autres se regardèrent un instant, perplexes, puis se levèrent eux aussi et se dirigèrent rapidement vers le propriétaire.

— Merci pour tout, dit le gros, mais il faut vraiment qu’on y aille.

Et il glissa un deuxième billet de cent dollars dans la poche de sa chemise.

— Mais je ne vous ai même pas apporté le dessert, répliqua l’homme bouclé.

— Tant mieux, je suis au régime, répondit le gros, se dirigeant à grands pas vers la porte.

Il regarda dehors par derrière le rideau et, ne voyant rien de suspect, fit signe aux deux autres de le suivre. Il n’avait pas même franchi le seuil qu’il aperçut du coin de l’œil les trois malabars qui arrivaient à sa droite.

— Salopard ! eut-il juste le temps de crier avant que le plus proche des trois ne lui intime de s’arrêter, dans un anglais très approximatif.

Pour toute réponse, il détacha de sa ceinture une grenade assourdissante et hurla à l’adresse de ses compagnons :

— Flashbang !

Ils fermèrent aussitôt les yeux et se bouchèrent les oreilles. Un éclair aveuglant, suivi d’une déflagration assourdissante, rompit le calme de la nuit. Les trois assaillants, surpris par la réaction du gros, restèrent quelques instants étourdis par l’explosion, et l’aveuglement causé par la grenade les empêcha de voir les trois Américains qui, dans un sprint digne de la finale d’une épreuve de cent mètres, détalaient en direction de leur véhicule.

— Feu ! cria le chef des assaillants.

Une rafale d’AK-47 partit en direction des fugitifs, mais, l’effet du flashbang n’étant pas encore dissipé, elle se perdit au-dessus de leurs têtes.

— Vite, vite, cria le maigre, qui, tirant son Beretta M9 de son étui de poitrine, répondait aux tirs.

En courant, le gros avait réussi à sortir la télécommande de la poche de sa veste et à ouvrir le coffre de la voiture. D’un bond agile, il roula au fond et lança au général un des fusils M-16 qu’il emmenait toujours avec lui. Lui se saisit en revanche d’une mitraillette FN P90 et se mit à tirer en rafales en direction des assaillants.

— Viens par là ! hurla-t-il au maigre qui, tête baissée, alla directement vers la portière côté conducteur. Il se glissa dans l’auto pendant que ses deux amis le protégeaient par un tir de couverture. Une nouvelle rafale, arrivant derrière lui, dessina une série de petits trous dans la paroi de tôle de la bicoque en face de lui.

Entre-temps, les trois agresseurs qui étaient passés par l’arrière avaient débouché par la porte principale et s’étaient unis aux tirs de leurs compagnons. Ils visaient nettement mieux. Une balle toucha le rétroviseur gauche qui se brisa en mille morceaux.

— Putain ! s’écria le maigre qui, baissant instinctivement la tête, essayait de démarrer.

— Général, sautez ! cria le gros en tirant une autre rafale en direction des assaillants.

Avec l’agilité d’un jeune homme, Campbell se jeta sur le siège arrière juste au moment où une balle effleurait sa jambe gauche et se fichait dans la portière ouverte. D’un geste rapide, il rabattit le siège et put accéder à la malle arrière. Il remarqua aussitôt des grenades alignées dans une boîte de polystyrène. Sans réfléchir une seconde de plus, il en prit une, la dégoupilla et la lança en direction des assaillants.

— Grenade ! hurla-t-il et il s’aplatit contre le siège.

Alors qu’une nouvelle rafale d’AK-47 brisait la lunette arrière et ravageait le feu arrière droit, la grenade roula tranquillement au beau milieu du petit groupe d’agresseurs qui, conscients du danger imminent, se jetèrent au sol en s’aplatissant le plus possible. L’engin explosa avec un bruit assourdissant et une lueur aveuglante déchira l’obscurité de la nuit.

Le gros, profitant de l’action surprise du général, courut vers le côté passager, monta à bord, et une jambe encore à l’extérieur, cria :

— Vas-y, vas-y !

Le maigre écrasa l’accélérateur et le véhicule, dans un crissement de pneus strident, bondit en avant en direction de la porte de la bicoque abandonnée. La masse du véhicule vint à bout de la tôle rouillée du panneau, qui tomba lourdement vers l’intérieur. La voiture poursuivit sa course folle en écrasant tout ce qui se trouvait sur son passage. De vieux vases de terre cuite, des caisses de bois pourri, des chaises et même deux vieux lampadaires furent renversés et jetés en l’air, soulevant un énorme nuage de sable et de débris. Au volant, le maigre essayait d’éviter le plus de choses possible, mais, malgré tous ses efforts, il ne réussit pas à contourner le pilier central de bois pourri qui soutenait toute la charpente, le coupant net. La bicoque frémit, trembla, et, comme si un énorme rocher était tombé sur son toit, s’effondra littéralement sur elle-même, exactement au moment où les trois hommes, après avoir défoncé le mur arrière, bondissaient hors du vieil atelier, suivis par une détonation assourdissante et un énorme nuage noir. La voiture, maintenant incontrôlable, finit sa course sur un tas de détritus abandonné sur le bord du trottoir et s’y arrêta net.

— Oh, misère, s’exclama le général, dont la tête avait plusieurs fois cogné sur l’accoudoir de la portière, mais qui est-ce qui t’a appris à conduire comme ça ?

Pour toute réponse, le maigre enfonça à nouveau le pied sur l’accélérateur et essaya de se frayer un chemin dans ce fatras. Des chiffons de couleur s’enroulèrent dans les roues, et un vieux téléviseur resta accroché au pare choc arrière. Il dut tâtonner un moment dans les détritus avant de retrouver enfin la chaussée. Dans un bruit sourd, la voiture dégringola du trottoir, et ils se retrouvèrent sur la route principale, en direction de l’est.

— Mais c’était qui, ces types ? demanda le gros en s’installant sur le siège et en essayant de refermer la portière.

— Tu devrais le demander à ton copain restaurateur, répliqua sèchement le maigre.

— Si je le retrouve, je lui fais avaler tous les couverts du restaurant, louches comprises.

— Mais qu’est-ce que tu veux y faire ? Tu devrais avoir compris, maintenant, qu’on ne peut faire confiance à personne, ici.

Et, pendant qu’il tournait dans une petite rue sur sa droite, il ajouta :

— Au moins, on a réussi à se mettre quelque chose sous la dent.

La voiture sombre poursuivit vers le cœur de la nuit, laissant cependant derrière elle un inhabituel sillage d’un liquide non identifié.




Vaisseau Théos — Le président


— Mais où prend-il l’énergie, pour créer un champ de forces aussi puissant ? demanda le colonel, intrigué, qui regardait attentivement le chandelier qui venait d’apparaître.

— L’énergie est partout, en tout point de l’univers, répondit Atzakis. Tout ce qui le compose est matière, et la matière n’est rien d’autre qu’une forme d’énergie ; et vice-versa. Même les êtres vivants ne sont rien d’autre que de simples assemblages d’énergie et de matière.

— Nous sommes tous des poussières d’étoiles, murmura Élisa, enchantée, exhumant une vieille citation de quelqu’un dont elle ne se rappelait plus le nom sur le moment.

— Là-dessus, je suis d’accord, mais de là à réussir à la maîtriser de cette façon, il y a une marge, répliqua le colonel.

Il s’apprêtait à demander de plus amples explications, quand il fut interrompu par un motif de blues provenant de son téléphone.

— Qui ça peut bien être ? demanda-t-il à haute voix en lisant le nom du correspondant, « Camp Adder — Prison ».

— Colonel Hudson, annonça-t-il sèchement au téléphone.

— Colonel, enfin !

Jack reconnut aussitôt la grosse voix du sergent noir qui l’avait secondé dans tant de missions.

— Qu’y a-t-il, Sergent ?

— Ça fait des heures que j’essaie de vous joindre. Mais où êtes-vous ?

— Hum, disons qu’actuellement je « tourne comme une toupie ». Qu’importe, Sergent, quel est le problème ?

— Je voulais juste vous informer que votre demande de transfert du général a été réalisée sans accroc.

— Demande de transfert du général ? Mais de quoi parlez-vous, que diable ?

— J’ai devant moi un ordre écrit, signé de votre main, qui autorise le général Richard Wright et le colonel Oliver Morris à récupérer le général Campbell pour le transférer dans un endroit top secret. J’ai vérifié, et c’est bien votre signature.

— Mais je n’ai jamais rien autorisé de pareil.

Le colonel marqua une brève pause, puis demanda :

— Et où est le général, maintenant ?

— Pas la moindre idée, Monsieur. Les deux officiers dont je vous parlais l’ont pris en charge.

— Le bougre, il a réussi à s’échapper.

Puis il eut une intuition et demanda :

— Sergent, pourriez-vous me décrire les deux militaires qui l’ont récupéré ?

— Bien sûr. Il y en avait un grand et maigre, et un autre plus petit et plutôt en surpoids. Ils avaient…

— Ok, Sergent, ça suffit. J’ai compris. Je vous remercie.

— J’espère que je n’ai pas fait de bêtise ?

— Ne vous inquiétez pas, ce n’est pas de votre faute -et il coupa la communication.

— Qu’est-ce qui se passe ? demanda Élisa, inquiète.

— Les deux hommes qui nous ont agressés et que nous avions capturés ont filé et ont réussi à faire évader cette crapule de général Campbell.

— Je suis désolée, mon chéri, je suis vraiment désolée, mais ne t’inquiète pas trop. Pour l’instant, nous avons des problèmes bien plus importants à résoudre, non ?

— Tu as raison.

Il lui prit le chandelier des mains, le montra à Atzakis, et demanda :

— Où en étions-nous ?

— À la source d’énergie.

— Ah oui, c’est ça. Bref, comment diable fonctionne cette chose ?

— Ce n’est pas vraiment facile à expliquer, mais on peut dire qu’il peut absorber l’énergie qui l’entoure et lui donner la forme pour laquelle il a été programmé.

— Mouais, commenta Jack, perplexe. Je n’ai pas compris grand chose. Il n’en reste pas moins qu’il fonctionne, et qu’il fonctionne même magnifiquement. Tu penses que cette technologie pourrait être reproduite sur Terre ?

— Certainement. Je ne vois aucune incompatibilité. Je demanderai à Pétri de vous transférer toutes les informations nécessaires, quand le moment sera venu.

— Magnifique. J’imagine la tête de nos scientifiques face à une révélation de ce genre. Actuellement, nous ne savons pas produire d’énergie en grande quantité, si ce n’est à partir de sources fossiles ou nucléaires. Je crois vraiment que votre visite va être une révolution dans bien des domaines, sur notre planète.

— Comme ça a toujours été le cas, ajouta Atzakis avec un petit sourire.

Élisa se glissa dans la discussion :

— Si ma mémoire est bonne, ce n’est pas un certain Nikola Tesla, un savant qui a vécu entre le XIXème et le XXème, qui avait imaginé une forme d’énergie qui imprégnait tout le cosmos ?

— Ouah ! s’écria Jack, stupéfait. Je ne te savais pas si experte en la matière.

— Tu as encore tant à découvrir de moi, mon chéri.

D’un geste malicieux, elle passa la main dans ses longs cheveux.

— Mais Tesla fit en fait beaucoup plus, reprit Jack. En plus d’avoir créé toute une série d’inventions que nous utilisons encore aujourd’hui, il théorisa la possibilité d’utiliser ce qu’il appelait « l’éther » comme source d’énergie inépuisable. Une telle substance, qui parcourrait tout l’univers, pourrait, si on la stimulait convenablement, fournir de l’énergie partout et en tout instant.

Flatté que sa bien-aimée le regarde avec une admiration croissante, il poursuivit fièrement son exposé.

— Mais ce chercheur, après avoir affronté l’hypocrisie et l’avidité des puissants de l’époque, affirma que l’humanité n’était pas encore prête pour un bouleversement de ce type et abandonna son projet, en faisant disparaître toutes les traces. Ce n’est qu’aujourd’hui, après plus de cent ans, que nos scientifiques ont recommencé à théoriser la présence d’une « substance » qu’ils appellent « matière sombre », et aussi d’une forme énergétique dite « énergie noire », qui constituerait la densité de l’univers à plus de 70 %.

— Je suis impressionnée, s’écria le Professeur en le regardant, émerveillée. Moi non plus je n’imaginais pas que tu étais si érudit dans ce domaine.

— Tu as encore tant à découvrir de moi, ma chérie, répondit Jack en reprenant ses mots et son geste, même si ses cheveux étaient bien trop courts pour obtenir l’effet recherché.

— Nous parlons peut-être de la même chose, affirma Atzakis, satisfait.

— Énergie illimitée, à disposition de tous, disponible dans l’univers à coût zéro… incroyable.

Jack était plongé dans une estimation de toutes les implications envisageables de cette nouvelle révélation bouleversante, quand son téléphone recommença à jouer son petit air.

— Mais qui ça peut être, encore ? s’écria-t-il, un peu agacé.

Il lut le nom de son correspondant et son visage s’éclaira.

— Amiral, je n’espérais pas vous entendre si vite.

— Mon garçon, j’ai réussi à me mettre en contact avec le président, et je lui ai expliqué la situation. Il est devant moi. Je te le passe, si tu veux.

— Mais bien sûr, bien sûr, répondit-il, tout gêné, en indiquant par de grands gestes son téléphone à Pétri.

Quelques secondes plus tard, une voix calme et profonde sortit du téléphone :

— Colonel Jack Hudson ?

— Oui, Monsieur le président, c’est moi. À vos ordres.

Il ne put s’empêcher de se mettre au garde-à-vous, ce qui fit timidement sourire Élisa.

— Colonel, seuls le respect et la confiance que j’ai en l’amiral Wilson ont rendu cette conversation possible. Ce qui m’a été rapporté est si insensé que cela pourrait même être vrai.

— Monsieur le président, je voudrais que vous fassiez pointer le premier télescope disponible sur les coordonnées que je vais vous envoyer.

Pétri, qui avait déjà manœuvré de façon à déplacer le Théos sur un parallèle plus proche du Pôle Nord, pour que l’on puisse le voir d’une zone de la Terre où il faisait encore sombre, afficha sur l’écran une série de chiffres, que Jack nota très rapidement et envoya par son téléphone.

— Voilà la position actuelle de notre vaisseau. Je pense que vos techniciens n’auront pas de difficultés à nous trouver.

Le président fit un signe rapide à l’assistant le plus grand et robuste qui se trouvait avec lui dans le Bureau ovale de la Maison Blanche. Il lui montra les chiffres qui s’étaient affichés sur le portable et lui glissa quelque chose à l’oreille. L’homme, vêtu d’un costume noir, d’une chemise d’un blanc éblouissant et d’une cravate grise à fines rayures, porta son poignet près de sa bouche pour donner sèchement quelques ordres.

— Monsieur le président, poursuivit Jack, la situation est très sérieuse. Notre planète risque un bouleversement inconcevable et, grâce à l’aide de ces personnes venues de très loin, nous pourrions faire quelque chose pour l’éviter. Je comprends parfaitement vos doutes, mais elles sont réellement là-haut, et je peux vous le prouver.

Pétri activa les senseurs à courte portée sur les coordonnées que le colonel lui avait indiquées, et l’image du Bureau ovale s’afficha à l’écran du pont de commandement.

— Monsieur, vous vous appuyez en ce moment de la main droite sur votre bureau, vous avez l’amiral à vos côtés et deux autres personnes sont présentes dans la pièce.

Le président regarda instinctivement autour de lui pour repérer l’intrus qui les épiait. Il hésita un instant, avant de dire :

— Mais c’est absurde. Comment faites-vous pour savoir ça ?

— Je vous regarde, tout simplement.

— Mais c’est absolument impossible. Il n’y a rien qui soit en mesure de forcer le blindage de cette pièce.

— Rien de terrestre, Monsieur le président, le corrigea Jack.

Pétri s’approcha de lui et lui glissa quelque chose à l’oreille. Le colonel écarquilla les yeux, puis, d’une voix ferme, dit :

— Je crois que notre technologie n’est pas non plus en mesure de faire ça.

Il n’avait pas terminé sa phrase que le bureau historique du XIXème siècle, connu dans le monde entier sous le nom de Resolute Desk, se souleva lentement. Le président fit un bond en arrière et regarda, abasourdi, en direction de l’amiral, qui lui renvoya un regard tout aussi stupéfait.

— Le bureau flotte en l’air, s’écria-t-il. C’est comme si la force de gravité n’avait plus d’effet sur lui.

Le deuxième homme qui était dans la pièce, un peu plus petit que le précédent mais tout aussi trapu, tira instinctivement son pistolet de son étui de poitrine, dans l’intention de protéger son chef. Il regarda rapidement de droite et de gauche comme s’il essayait de dénicher un fantôme, mais ne vit rien de suspect.

— Tu peux rengainer, dit tranquillement le président. Je pense qu’il n’y a aucun danger. Nous devons ça à nos petits camarades de là-haut.

Instinctivement, ils se mirent tous à regarder vers le plafond blanc de la pièce, sauf le plus grand des assistants qui, après avoir appuyé deux doigts sur son oreillette, dit, d’une voix qui ne laissait transparaître aucune émotion :

— Monsieur, nous avons les images.

Il prit une grande tablette tactile de son sac, tapa plusieurs commandes sur l’écran, l’observa un instant puis la tendit gentiment au président. L’homme que beaucoup considèrent comme le plus puissant du monde la prit de la main gauche et se mit à regarder attentivement l’écran. L’amiral Wilson, très intrigué, mit ses lunettes de presbyte et s’approcha de lui pour essayer lui aussi d’y comprendre quelque chose.

L'appareil affichait via satellite les images d’un télescope de moyenne puissance, installé dans un petit observatoire secret du sud de la Finlande. Là-bas, le soleil s’était couché depuis plusieurs heures déjà, et la nuit permettait de voir plus facilement le point indiqué.

— Donnez-moi encore quelques instants, Colonel. Je vais voir la zone correspondant aux coordonnées que vous m’avez envoyées.

L’image n’était pas encore complètement nette quand tout à coup, se détachant du noir de l’espace poinçonné de millions d’étoiles, une petite sphère argentée à demi éclairée par la lumière du soleil apparut sur l’écran.

L’image changea quelques instants après, soumise à un agrandissement supérieur. La sphère occupait maintenant presque tout l’écran et on pouvait en admirer les mille nuances de couleur qui, du violacé au bleu foncé, semblaient se fondre sur sa surface argentée.

Pendant ce temps, à bord du Théos, les deux Humains et les deux extraterrestres jouissaient d’une vue plongeante sur le Bureau ovale. Manœuvrant les commandes de la console centrale, Pétri avait même réussi à zoomer sur la tablette du président pour afficher la vidéo qui y défilait.

— Ils nous regardent, s’écria-t-il.

Puis, s’étant rendu compte que le cadrage était un peu décalé, il fit pivoter le vaisseau d’une centaine de degrés vers la droite, et ajouta :

— Voilà, c’est parfait maintenant. Que diriez-vous de vous mettre à la fenêtre et de dire bonjour ?

Étonnés, Élisa et Jack le regardèrent, mais, voyant qu’il se dirigeait vers le grand hublot ovale qui donnait sur l’extérieur, ils le suivirent sans un mot. Ils s’appuyèrent tous les trois contre le hublot et ne purent s’empêcher d’écarquiller les yeux, émerveillés. Devant eux, la Terre, dans toute sa splendeur majestueuse.

— Elle est merveilleuse, ne put que murmurer Élisa.

— Et maintenant dites bonjour, leur dit joyeusement Pétri.



Dans le Bureau ovale, l’image changea à nouveau sur l’écran. L’agrandissement était maintenant au maximum.





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VOLUME 2/3 Une catastrophe d'ampleur biblique menace de s'abattre sur notre planète. Mais cette fois, les Humains ne sont pas seuls. Au péril de leur vie, quelques habitants de la planète Nibiru se rangent à leurs côtés en essayant de s'opposer aux terribles forces de la nature sur le point de se déchaîner. Dans le deuxième épisode de la trilogie « Les aventures d'Atzakis et Pétri » nos deux sympathiques extraterrestres devront mobiliser toute leur expérience et leur incroyable technologie pour tenter de conjurer l'événement dramatique annoncé dans « Nous sommes de retour », le précédent épisode. Les coups de théâtre, révélations, relecture de faits et événements passés tiendront le lecteur en haleine jusqu'à la dernière ligne du roman.

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