Книга - La Pluie De Sang

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La Pluie De Sang
Amy Blankenship


L’essence du sang est un mystère qui a de nombreuses significations. Le sang porte la vie… mais se répand, il peut détruire une vie en un clin d’œil. Certaines légendes disent que le sang est aussi le lien qui unit les âmes… même si l’une de ces âmes est dévastée. Les humeurs et les principes du paranormal de Los Angeles sont mis à l’épreuve quand l’innocence est menacée. On leur rappelle que les démons ne sont pas tous mauvais… et même parfois, les démons ont besoin d’être sauvés des choses qui se passent la nuit. Au cours de révélations mortelles, de résurrection et de l’acceptation de l’inévitable, une nouvelle arme est forgée par la pluie de sang.





Amy Blankenship

La Pluie de Sang




La Pluie de Sang


La Saga des Liens du Sang – Livre 13




Amy Blankenship, RK Melton


Traduit de l’américain au français par Virginie Eymard




Copyright © 2012 Amy Blankenship


Edition française publiée par Tektime


Tous droits réservés




Chapitre 1


Ren se matérialisa en face du local principal du Brouet de la Sorcière… exactement au même endroit que là où il avait disparu. Il contempla la tête de Lacey. Lui tournant le dos, elle était assise sur le sol, et tenait Vincent en le berçant comme un petit bébé… avec la tête contre ses seins, du reste. Irrité à la vue de cette scène, il resserra les muscles qui encerclaient ses yeux.

Lacey secoua la tête et fronça les sourcils lorsque les lumières tamisées de la pièce commencèrent à clignoter, ce qui lui fit craindre que l’orage ne coupe le courant comme il l’avait fait au « Musée des Damnés ». Elle tressaillit et resserra son emprise sur Vincent quand un coup de tonnerre frappa sèchement l’atmosphère exactement au même moment où elle vit l’éclair.

Le visage de Vincent se fendit d’une grimace lorsqu’il remarqua la forme de l’ombre d’un homme projetée au sol par la lumière de l’éclair. Histoire de se faire plaisir, il enfonça sa joue encore plus profondément dans la poitrine douce de Lacey avant de murmurer :

– Je crois que ton petit ami est de retour, mon amour.

Lacey sentit les poils de l’arrière de son cou s’hérisser. Tous ses nouveaux sens paranormaux lui disaient que Ren était tellement proche d’elle que si elle se penchait même le plus doucement possible, elle pourrait sentir ses jambes. Elle s’inclina en arrière pour lever les yeux et vit que Ren était penché sur elle et Vincent, et son regard n’était certainement pas le même regard doux qu’il lui avait adressé quand il était parti il y a seulement quelques minutes. Au fond d’elle-même, elle se demandait ce qu’il s’était passé pour que son humeur se soit détériorée lorsqu’il était rentré du musée. Avant qu’elle ne puisse lui poser la question, elle sentit le sol trembler et au fur et à mesure que le temps passait, le tremblement s’accentuait de plus en plus. Elle était sûre que c’était un tremblement de terre.

Ren serra les dents quand il entendit des objets en cristal ainsi que d’autres objets fragiles vibrer sur leurs étagères. Ne voulant pas que le magasin soit détruit une fois de plus, il se tint debout en tentant de se concentrer pour stabiliser le tout dans un grognement sonore jusqu’à ce que la secousse se calme enfin.

Vincent était assis lorsque le mouvement de l’intérieur du magasin s’arrêta soudainement, mais le réverbère extérieur jouxtant la fenêtre continua de se balancer d’avant en arrière, jetant une ombre mouvante dans la pièce.

– Pu-tain… c’était quoi, ça ? demanda-t-il doucement alors qu’un nuage de poussière et de débris se déplaça devant la fenêtre, obscurcissant pratiquement toute la vue sur la rue.

Ren n’eut même pas à deviner… il savait, tout simplement. Il pouvait sentir les démons fuir leur destruction. Une fois l’onde de choc passée, il répondit :

– Je crois que la ville est maintenant devenue un musée à démons, vu que le bâtiment ne tient plus debout.

Son regard suivait Vincent, qui se dirigeait vers la fenêtre en s’éloignant de Lacey. Toujours affaibli, ce dernier saisit le rebord de la fenêtre tout en regardant le nuage de poussière lourde rouler comme une vague de fumée au-delà de l’immeuble. Il fit une grimace lorsqu’il vit des corps se déplacer dans la poussière en réalisant qu’il s’agissait en fait des démons qui fuyaient les lieux et qui se cachaient tout bonnement dedans pour ne pas être repérés.

Il ne put s’empêcher de faire un rapide pas en arrière quand un démon sans peau passa en frôlant la fenêtre qui était face à lui. Il pouvait voir qu’il lui restait des lambeaux de peau accrochés à ses muscles, qui eux, étaient suintants de sang. Il tourna la tête pour le regarder droit dans les yeux et sa bouche s’ouvrit en grand en un cri silencieux qui semblait grotesque, avant de disparaître dans le nuage de poussière.

– Rassure-moi… cet endroit est bien protégé contre les démons, hein ? demanda Vincent, qui avait le sentiment qu’il y avait plus de démons dans la rue qu’il n’y en avait au musée.

Lacey se pencha rapidement en arrière après avoir remarqué la vision démoniaque à la fenêtre et se retrouva pressée contre les jambes de Ren. Pour le moment, elle ne s’en souciait guère et trouvait même cette situation réconfortante.

– Ils ne peuvent pas entrer sans invitation, répéta-t-elle dans un chuchotement effrayé puis hurla de peur quand une main ensanglantée sortit de la poussière comme dans un film d’horreur et la poussa contre la vitre… laissant une longue trace cramoisie le long de son passage.

– Putain ! chuchota Vincent tout en se retournant lentement en glissant le long du mur sous le rebord de la fenêtre.

Il aurait nettement préféré avoir affaire à des démons plus puissants… au moins, eux, ils n’étaient pas aussi flippants. C’était leur manière de se manifester qui avait toujours retourné son estomac dans tous les sens. Il n’eut pas besoin de regarder de nouveau dehors pour savoir qu’ils étaient toujours là… il pouvait le savoir rien qu’en regardant Lacey, qui scrutait la fenêtre l’air terrorisé.

– Ferme les yeux, ma belle. Tu n’as pas besoin que ce souvenir revienne te hanter. Ils seront partis au moment où la poussière s’estompera, continua-t-il d’une voix apaisante.

Les muscles de la mâchoire de Ren se tendirent alors qu’il continuait de fixer l’homme qui était de l’autre côté de la pièce.

– Il y a beaucoup de souvenirs dont elle aurait pu se passer, dit-il d’une voix dangereuse, ignorant que ses yeux étaient suffisamment brillants pour ressembler à des rays d’argent brillant derrière ses lunettes de soleil.

Il essaya de contenir sa rage, mais avec toutes ses malédictions qui avaient croisé sa route, il lui fallut faire un énorme effort. Les plus hauts niveaux de pouvoir dérivant hors de sa portée essayaient de le pousser au-delà du point de rupture, ce qui le laissait perplexe.

Vincent lança à Ren un regard ennuyé, mais quand il remarqua la lueur d’argent émanant de ses yeux, il sentit qu’il allait perdre son self-contrôle. Ce regard était un rappel sanglant des Déchus qui l’avaient condamné à cette existence.

– He bien alors, si certains souvenirs ne peuvent être partagés, elle ne les a pas partagés avec toi de son plein gré… rétorqua-t-il de manière sarcastique.

En voyant d’autres ombres encore plus sombres passer devant la fenêtre, Lacey décida de suivre le conseil de Vincent et ferma les yeux et tous ses autres sens se démultiplièrent à l’instant même où elle se sentit entourée par l’obscurité. Elle pouvait sentir les démons passer juste à côté de la boutique et plus elle se concentrait sur elle-même, plus elle avait l’impression que son ressenti devenait de plus en plus intense. Elle pouvait aussi percevoir de nombreuses émotions… comme la peur et la colère, mais aussi, comme des intentions malveillantes.

C’est comme si elle pouvait mentalement toucher des choses qui lui étaient hors de portée, et elle n’allait pas mentir sur ce point-là : ça lui faisait peur, mais en même temps, c’était très tentant.

Une sensation très alléchante capta toute son attention et elle se concentra dessus en respirant fortement pour ensuite avoir une sensation bizarre, comme si elle avait soudainement bien plus chaud et qu’elle était remplie d’une passion qui ne correspondait pas du tout à la scène qui se déroulait à l’extérieur du bâtiment dans lequel elle était. Elle cligna des yeux et frissonna quand elle ressenti comme un orgasme la parcourant de haut en bas.

Ren, qui avait remarqué que quelque chose lui arrivait, s’approcha et saisit son poignet pour l’attirer vers lui.

– Tu as mal quelque part ? lui demanda-t-il en oubliant complètement l’homme qu’il venait tout juste de mitrailler du regard.

Les joues de Lacey s’enflammèrent. Elle ne sut que répondre. Sentant le corps lourd de Ren pressé contre son dos et sa respiration chaude dans le creux d’une oreille, elle se dit qu’elle était en mauvaise posture.

Elle serra les cuisses l’une contre l’autre et se concentra sur la seule personne qui était dans son champ de vision : Vincent. Elle constata avec horreur qu’il savait exactement ce qu’il n’allait pas chez elle. Elle se dit qu’elle aurait beaucoup aimé être morte quand elle sentit son regard glisser lentement jusqu’au sommet de ses cuisses… elle se mit à gigoter… bien sûr qu’il était au courant… ils avaient été amants à plusieurs reprises.

Vincent arqua un sourcil quand leurs yeux se croisèrent. Ce regard, il le connaissait très bien… il en avait d’ailleurs souvent été la cause… sauf que maintenant, ce regard n’était pas adapté au contexte, et cela l’inquiétait. Oubliant les horreurs qui se tramaient dehors, il se leva de toute sa stature, ne voulant pas la savoir dans les bras d’un démon et de surcroît, sous l’influence du désir sexuel.

Remarquant la manière dont Vincent regardait Lacey, Ren usa de son emprise sur elle pour se tourner face à elle afin de pouvoir capter son attention. Contemplant plus longuement ses yeux trop brillants et ses joues fiévreuses, il grogna quand il sentit l’odeur de son excitation. Ce n’étaient pas les démons qui lui faisaient battre le cœur. Le flash de l’image de Vincent pressant son visage contre ses seins lui vint à l’esprit. C’est ce qu’il avait vu quand il s’était téléporté pour la première fois dans le magasin… il grogna une fois de plus et la regarda en lui adressant un avertissement sévère.

– Peut-être que tu devrais laisser tomber… exigea Vincent, qui n’aimait pas du tout la manière dont Ren la regardait… ou du moins, il n’avait pas aimé le grognement qu’il venait d’émettre. Il commença à réduire la distance qui les séparait, mais son rythme s’essouffla lorsqu’il entendit Lacey dire d’une voix saccadée :

– Quand j’ai fermé les yeux, il y a quelques secondes, je ne pouvais plus du tout voir les démons… mais je pouvais les sentir chaque fois qu’ils passaient. Tout comme leur méchanceté et leurs auras diaboliques ! Et sans le vouloir, je m’en suis détournée et suis allée voir ce que Gypsy et Nick… faisaient dans le bunker… juste en dessous de nous.

Ren lutta pour se concentrer à travers la brume rouge diabolique qui se frayait sans relâche un chemin dans son cerveau et comprit peu à peu ce qui avait nourri sa passion… mais il ne lui autorisait pas le fait d’avoir silencieusement appelé Vincent, et pas lui… ça, non… certainement pas. Il détourna lentement le regard pour fixer l’homme qu’il s’apprêtait à tuer. Lorsque ses doigts se serrèrent brusquement autour du poignet de Lacey au point de lui faire mal, cette dernière le lui arracha d’un mouvement brusque et s’empressa de reculer. Elle porta son autre main contre son poignet pour le frotter en fronçant les sourcils.

– Et si ta colère te pique autant, pourquoi tu te calmes pas tout de suite ? Je n’ai rien demandé, moi…

Quand elle capta le flash d’argent derrière les verres sombres qu’il arborait, elle fit un autre pas en arrière lorsque des bras l’enveloppèrent, venant de derrière elle. Elle finit par se retrouver dans l’étreinte familière de Vincent, qui l’avait enlacée de manière protective tout en lançant un regard de mort à Ren :

– Tu peux m’dire de quoi elle t’accuse ?

– Vincent, non, l’avertit Lacey tout en percevant une ruée de démons encore plus diabolique.

Elle fronça les sourcils quand elle se rendit compte qu’elle pouvait ressentir toutes ces énergies gênantes… et puis, il y avait aussi de grandes chances pour que Ren en ait une overdose !

– S’il te plait, Lacey… ne fait pas l’erreur de penser qu’il me fait peur, lui dit calmement Vincent en pensant chacun de ses mots.

Ren se concentra sur la façon dont l’un des bras de Vincent était croisé juste au-dessus des seins de Lacey, avec l’autre juste dessous. Cette posture semblait bien trop séduisante et possessive pour ses goûts, et elle avait raison pour Nick et Gypsy… il pouvait les sentir faire l’amour… c’était un joli contraste avec toute la quantité de mal qui était en lui. Et ce n’était pas non plus une bonne idée de rajouter à tout cela de la jalousie et de la colère.

– Hé, Vincent ! Y’a quelque chose que je suis curieux de savoir. Au bout de combien de temps on se remet d’un cou tordu, hein, dis-moi ?

Il leva un coin de la bouche dans un sourire méchant.

– Ohhhh, c’est pas grave. Je saurai trouver par moi-même.

Les lèvres de Lacey s’entrouvrirent et elle leva les bras en l’air pour stopper Ren, mais, à sa grande surprise, le corps de Vincent disparut subitement. Elle trébucha en arrière et réalisa bien vite que son dos s’était encore retrouvé contre le froid de la vitre. En attendant, elle se demandait vraiment ce que Ren avait fait à Vincent pour le faire disparaître juste comme ça, sans même avoir eu à le toucher.

Ren remarqua à peine le fait que Storm venait de lui voler sa cible alors qu’il reposa toute son attention sur Lacey. Il la tira en avant et posa une main de chaque côté d’elle, la piégeant contre la vitre glacée. Tout en fixant sa prisonnière, il pouvait voir les formes obscures de démons évoluer juste derrière elle. Elles étaient si près qu’il aurait même pu tendre les mains à travers la fenêtre pour les attraper.

Lacey tourna lentement la tête pour lui regarder les mains et vit qu’elles étaient alignées avec les traces des empreintes de sang qui elles, se trouvaient aussi de l’autre côté de la vitre. Une fissure se forma dans le verre de la fenêtre, au niveau où Ren la touchait, puis elle commença à zigzaguer vers elle. Elle sentit la peur l’envahir quand l’une des ombres frappa la fenêtre d’un coup de poing. Elle avala difficilement sa salive, tout en se disant que les ombres n’étaient pas censées faire de bruit, ni de pouvoir faire vibrer le verre de cette manière. Ne voulant pas que la seule chose qui pouvait la séparer des démons se brise, Lacey lança à Ren un regard effrayé. Elle avait besoin de le calmer avant qu’il ne soit trop tard et elle fit la première chose qui lui vint à l’esprit.

Lui saisissant l’épaule d’une main, elle se redressa et pressa ses lèvres contre les siennes, tandis que son autre main lui glissait au niveau de l’entrejambe. Elle eut très vite la preuve qu’il était non seulement hors de contrôle, mais aussi complètement surexcité. Elle enroula sa main sur son membre gonflé, tout en lui suçant la lèvre inférieure.

Ren ferma les yeux et grogna alors que son univers se réduisit à l’endroit dans lequel il voulait se glisser le plus loin possible pour faire comprendre à Lacey de ne plus s’abandonner aux bras d’un autre.

Lorsque la première chose que Ren fit fut de grogner de façon inquiétante, Lacey commença à s’éloigner de lui avec l’intention de courir le plus vite possible, mais son bras s’enroula rapidement autour d’elle et la souleva contre lui. Elle cligna des yeux lorsque sa cuisse se fraya un chemin entre ses jambes pour la chevaucher, faisant monter sa robe sur le haut de ses hanches.

L’excitation qu’elle ressentait se retourna contre elle sans pitié… mais cette fois-ci, la sensation accablante ne venait pas du couple d’en bas. Elle venait de l’homme dangereux qui la tenait maintenant à sa portée. Il lui prit les cheveux de l’arrière de la tête pour la lui incliner en l’air et prendre le contrôle de son emprise sur elle.


*****

Consterné, Vincent émis un grognement quand son environnement changea, libérant à regret Lacey de l’emprise protectrice de ses bras. Recherchant cette dernière, il tourna sur lui-même en serrant les dents lorsqu’il réalisa qu’il était dans un endroit complètement différent… une sorte d’immense bureau, d’après ce qu’il pouvait en voir.

– Et merde, maugréa-t-il, totalement confus.

– Bienvenue à l’EEP, déclara Storm depuis son siège se trouvant derrière le bureau.

Il avait longtemps attendu ce moment et il lui était difficile de ne pas sourire.

– L’EEP, répéta Vincent en avançant dans tous les sens afin de pouvoir localiser la voix. J’ai beaucoup entendu parler de vous, les gars, mais jamais je n’aurais pensé avoir la chance de vous rencontrer.

– Et si, et si… tu as d’ailleurs vu Ren, en premier, l’informa Storm.

Vincent se raidit en entendant le nom de Ren.

– Pas étonnant que ce branleur soit aussi sûr de lui ! Il a pratiquement toute une armée pour le soutenir !

Le sourire de Storm disparut :

– Ren n’a pas besoin d’une armée, et ce n’est pas la raison pour laquelle je t’ai amené ici.

– Alors, pour quelle raison ? s’enquit Vincent qui était impatient de le savoir.

Il voulait revenir vers Lacey et s’assurer qu’elle était en lieu sûr.

– Hé bien… lorsque tu auras fini de faire semblant d’être un esclave pour les démons, j’aimerais que tu rejoignes l’EEP, déclara Storm qui entra directement dans le vif du sujet. Tes capacités font de toi la personne parfaite pour notre équipe, et ton addiction n’est pas un problème… elle pourra même être traitée.

Vincent fusilla son interlocuteur du regard :

– Puis-je savoir de quelle addiction tu me parles ?

– Celle à laquelle tu es accro… au point d’en mourir, répondit Storm en le regardant fixement. Je t’assure que tu pourras trouver ton équilibre sans aucune difficulté… en combattant avec nous contre les démons.

– C’est vraiment bien gentil et c’est très chouette de ta part, mais je pense que je vais passer mon tour sur c’coup-là. La seule raison pour laquelle je suis dans cette putain d’ville, c’est Lacey. Et la laisser seule avec ce démon aux yeux d’argent ne faisait pas partie de mes projets, avoua Vincent qui s’agitait de plus en plus.

– Ren est un homme de cœur, ce qui veut dire que son sang est aussi rouge que le tien, corrigea Storm. Et de plus, vous avez tous deux beaucoup en commun, puisque vous avez tous les deux de rares pouvoirs. Si toi, tu peux survivre de n’importe quelle blessure, y compris de la mort, Ren, lui, a la capacité de siphonner la puissance de n’importe quel type de créature surnaturelle se trouvant dans son champ de portée. L’animosité que tu ressens envers lui n’est pas fondée… ce n’est pas un Déchu, expliqua-t-il.

L’éblouissement de Vincent s’assombrit :

– Mais au fait, que sais-tu au sujet des Déchus ?

– J’en sais suffisamment, déclara Storm de manière énigmatique.

C’était donc ça… son ravisseur était d’humeur lunatique et mélancolique… génial. Ça faisait de lui un putain d’idiot.

– Si Ren peut siphonner la puissance de ceux qui l’entourent, ça veut dire qu’il est en excédent en ce moment, parce que la p’tite boutique magique dans laquelle il se trouve est entourée de démons en ce moment même, indiqua Vincent. Et d’ailleurs, cet homme ne semblait pas très stable quand tu m’as sorti de cet endroit… et je crois bien qu’il avait même l’intention de me chronométrer pour savoir combien de temps il me faudrait pour remettre mon cou en place.

– Il t’a fallu vingt-cinq minutes et treize secondes, dit Storm en souriant alors que son interlocuteur était en train de perdre toute expression sur son visage.

Il poursuivit en haussant les épaules :

– Quant à moi, je devrais déjà avoir trouvé le bon moment pour apparaître. Il me semble que tu sais très bien sur quel bouton appuyer pour contrarier Ren. Et quant à Lacey, elle est en parfaite sécurité en sa présence.

– Désolé, mais j’ai du mal à te croire, mon pote, riposta Vincent en grondant presque.

Il ne voulait pas perdre plus de temps avec ces conneries. Il avait eu son lot d’entités toutes aussi puissantes les unes que les autres et à sa connaissance, aucune d'entre elles n’avaient été capables de remonter le temps.

– C’est à toi de choisir les choses auxquelles tu veux croire, lui dit Storm en haussant les épaules, sachant pertinemment ce qu’il allait se passer. Si tu acceptes de rejoindre l’EEP, tu auras l’occasion de voir ça par toi-même.

Vincent secoua la tête :

– Y’a pas moyen… et tu peux même me renvoyer dès maint’ant là où tu m’as trouvé.

Storm affichait une expression tourmentée et il ignora totalement le rejet catégorique de son interlocuteur.

– Le fait que tu te sois caché parmi les démons n’effacera jamais ta vraie nature. Tu as été un Chevalier dans l’un des plus puissants royaumes de toute l’histoire, tu as sauvé tout un tas de vies, tu as protégé les plus faibles de leurs oppresseurs et, même au moment de ta propre mort, tu t’es encore levé pour combattre un démon que tu savais très bien que tu ne battrais pas… tout ça parce que tu pensais pouvoir protéger un enfant sans défense.

– Mais, putain ! ? Comment tu sais tout ça ? chuchota Vincent en se remémorant ce souvenir.

– Je devrais peut-être me présenter correctement pour que tu comprennes, déclara Storm avant de disparaître.

Vincent hésita lorsque Storm se retrouva soudain debout à côté de lui. Il lui saisit un bras et son paysage changea une fois de plus : il se retrouva, confus, caché dans une alcôve du musée. Il balaya le regard dans la pièce principale pour voir que les démons se préparaient toujours pour la vente aux enchères, qui n’avait manifestement pas débuté.

Il s’enfonça instinctivement plus profondément dans l’obscurité, lorsque David entra dans la pièce, suivi par les démons qui l’avaient torturé… il pouvait même voir son sang encore frais sur leurs mains.

Le musée disparut et le bureau se retrouva une fois de plus face à lui.

– Mon nom est Storm et je voyage dans le temps. Lorsque je souhaite faire une enquête précise sur les antécédents de quelqu'un en particulier, je vais tout simplement rechercher la vérité par moi-même.

Vincent se pinça les lèvres l’une contre l’autre, pris entre la nécessité d’être surpris et par le besoin d’aller trouver des infos au sujet de Lacey. Un Voyageur du Temps… l’EEP… cette putain de ville devenait tout de suite beaucoup plus intéressante.

– Mais tu te rends compte que tu t’efforceras toujours de protéger quelqu’un de plus faible que toi ? C’est parce que c’est toi… ta vraie nature. Faisons un deal, proposa Storm, qui ne sentait aucun remords parce qu’il venait d’enfreindre sa propre règle – celle de conclure ce genre de marché – parce que ni lui, ni Vincent n’étaient des démons. J’irai récupérer Lacey une fois que tu te seras engagé à nous rejoindre. Après tout… elle fait déjà partie de l’équipe !

Vincent ne prit même pas la peine de réfléchir. En même temps… au point où il en était, qu’est-ce qu’il avait à perdre ?




Chapitre 2


Ren enlaça le dos de Lacey et le rapprocha de lui, faisant délicieusement glisser sa chaleur jusqu’à sa cuisse. Il retint son érection dans la caresse de sa main et se perdit dans un baiser passionné avec un grognement sourd, se déplaçant dans un rythme érotique qu’elle suivait parfaitement bien. La plupart des démons étaient passés à autre chose, ce qui lui permettait de lentement s’échapper de toute cette tension paranormale. Mais il n’était pas prêt à lui confier son petit secret pour l’instant, en raison de la nouvelle aventure dans laquelle il était plongé.

Lacey se calma quand elle réalisa qu’elle ne sentait plus la sensation effrayante dans sa colonne vertébrale causée par les démons qui erraient derrière la fenêtre. Et pourtant… le souvenir des démons eut immédiatement un effet domino sur elle, lui rappelant que quelques instants auparavant, les bras de Vincent avaient mystérieusement disparu autour d’elle. La scène lui revint à l’esprit en la faisant frissonner.

Au moment où elle arrêta de chevaucher la cuisse de Ren pour s’abandonner dans un long baiser, il lui lâcha les lèvres et la tira suffisamment en arrière pour pouvoir la fixer dans les yeux. Voyant son regard étonné, il baissa sa jambe pour la laisser glisser jusqu’à ce qu’elle se tienne debout devant lui, toute tremblante, si bien qu’elle dut s’accrocher à ses épaules pour garder son équilibre.

– J’essayais juste de t’aider à te calmer, lui dit-elle à bout de souffle.

Elle souhaitait secrètement avoir un remède pour ne plus avoir les cuisses en feu. Essayant de se distraire, elle regarda autour de Ren, cherchant Vincent des yeux… du moins s’il n’avait pas disparu.

– Et Vincent ? Où est-il parti ?

Ren fit courir une main dans sa frange quand il réalisa que Lacey l’avait embrassé juste pour lui faire penser à autre chose. Il soupira, tentant de cacher le fait que Nick et Gypsy étaient encore derrière tout ça. Il serra ses lèvres l’une contre l’autre en pensant que c’était le pouvoir des membres de l’EEP dont il se nourrissait encore, puisque les démons semblaient s’être dispersés.

– C’est Storm qui l’a pris, l’informa-t-il comme s’il s’en fichait royalement.

Il refusa de s’éloigner d’elle, l’obligeant à glisser entre lui et la fenêtre. Il regarda l’empreinte de main ensanglantée sur la vitre, puis il détourna les yeux pour suivre ses mouvements autour de lui.

– Pour l’emmener où ? murmura Lacey, qui lui tournait maintenant le dos. Elle sentit un frisson presque imperceptible lorsqu’il s’installa derrière elle.

Il colla ses lèvres sur le pavillon de son oreille et lui murmura à son tour d’une voix rauque :

– J’ai entendu dire qu’il faisait un temps magnifique à Hades en ce moment. Il l’a peut-être téléporté là-bas, histoire qu’il prenne des vacances.

– Il a dû l’emmener au château, rectifia Lacey un peu trop fort en lui tournant le dos.

Et puis merde, elle en plia les jambes, se mettant presque à genoux devant lui.

– Il aurait pu nous téléporter, nous aussi, marmonna-t-elle. Elle sentit ses joues s’empourprer en se demandant si Storm avait vu qu’elle s’était carrément jetée sur Ren pour qu’ils aient une relation sexuelle et qu’il ait décidé de ne pas les déranger.

– Pourquoi tu paniques ? Pas la peine de stresser, insista Ren, qui n’était pas encore prêt à l’associer à son amant disparu. Il eut du mal à cacher son sourire car il savait qu’il pouvait transformer cette pensée en réalité tant qu’il le voulait.

Lacey baissa les yeux au sol et pensa une fois de plus à Gypsy et à Nick. Puis la chaleur la gagna à nouveau :

– Il n’y a qu’un seul lit et je crois bien qu’il est déjà pris. Aussi, je serai rassurée de savoir que tout va bien pour Vincent.

– Tout va bien pour lui, l’informa Storm, qui les avait téléportés dans le bureau du château avait qu’elle finisse sa phrase. Il avait agi rapidement pour ne pas avoir à être proche de Ren, qui aurait certainement été en colère s’il l’avait interrompu… et d’ailleurs, ce n’était pas sa faute si Vincent s’exposait dans crainte en-dehors de sa zone de confort.

– Vingt-cinq minutes et treize secondes, dit Vincent en fixant Ren.

– Quoi ? lança Ren qui ne put contenir sa colère maintenant que cet abruti était à sa portée de vue.

– Oui, c’est bien ça… vingt-cinq minutes et treize secondes… c’est le temps que ça prend pour survivre quand on a le cou cassé.

Vincent grimaça et ajouta :

– Désolé d’attiser ta curiosité.

– Ren n’était pas vraiment lui-même, dit Lacey en s’interposant entre eux.

Vincent vit le sourire narquois discret que Ren affichait… dommage que Lacey n’ait pas pu le voir. Mais tant pis, il savait gérer ce genre de situations.

– Très bien. Dans ce cas, je te dirai que Ren n’est pas souvent lui-même vu que c’est un démon et qu’il rôde souvent dans une ville infestée de démons. Moi, si j’étais toi, je ne le croirais pas du tout…

– He ben… c’est vraiment dommage, parce qu’il nous a sauvé la vie, ce soir, contra obstinément Lacey.

– J’ai besoin de personne pour me sauver… n’aurais-tu pas oublié mon handicap ? tempêta Vincent en s’approchant d’elle pour pouvoir la regarder de haut.

Il vit ses lèvres s’entrouvrir dans un souffle et regretta immédiatement le fait qu’il savait exactement comment la blesser. Ses traits s’adoucirent lorsqu’elle tendit une main comme pour lui toucher la joue, mais la claque retentissante qui résonna à travers la pièce fit revenir son froncement de sourcil. D’accord… peut-être qu’il l’avait méritée… même s’il ne pouvait pas comprendre pourquoi.

– Ça, c’est pour t’être tué sous mes yeux, lui dit-t-elle d’un ton sec avant de rajouter en haussant la voix : et juste parce que tu ne t’en souviens pas ne veut pas dire que je te pardonne.

– C’est noté, lui répondit Vincent de manière sarcastique alors qu’elle lui tourna les talons en avançant à grandes enjambées pour rejoindre le comptoir derrière lequel Storm était assis.

Elle s’appuya sur ses mains, qu’elle avait placées à plat pour s’y appuyer dessus et lui murmura :

– Désolée, Storm… je n’aurais pas dû dire ça…

Storm essaya de garder le contact visuel avec elle mais, malgré tout, il pouvait presque voir ses seins chaque fois qu’elle se penchait en avant dans la petite robe sexy qu’il avait choisie pour elle. Parfois, il se surpassait.

– Quelqu’un aurait bien été obligé de lui en parler, de toute manière, lui répondit-il, après s’être téléporté à ses côtés.

Il était maintenant face aux deux autres hommes et se frottait le menton pour cacher son sourire quand Lacey tourna lentement la tête pour le fixer sans pour autant changer de position, celle qu’il trouvait très sexy.

– Ren, que dirais-tu de remplir la base de données après ce qu’il s’est passé ce soir ?

Ren se retrouva soudain derrière le bureau, surprenant Lacey suffisamment pour qu'elle puisse constater qu'il ne la dévisageait pas du regard. Dans sa confusion, elle s'immobilisa, voyant ce qu'il regardait fixement : ses seins. Refusant de se sentir gênée, elle lui fit un sourire méchant avant de se lever lentement et de lui tourner le dos.

Storm leva un sourcil amusé quand Ren se retourna pour le regarder d'un air accusateur. Il n’y était pour rien, lui, si cette jolie petite sucrerie était là, devant eux… mais au moins, il avait pu en partager une excellente bouchée ! Il retourna son attention sur Vincent, qui se tenait toujours là, à se caresser le menton tout en la regardant.

– Je ne veux pas en parler, l'informa Lacey, mettant fin à toutes ces questions avant même qu'il puisse commencer à les poser.

Vincent leva une main :

– Très bien.

– Serais-tu d'accord pour rejoindre l’EEP ? demanda-t-elle, en adoucissant le ton.

Elle essaya de ne pas faire attention au fait qu'une de ses joues était maintenant plus rouge à cause de ses changements d’humeur.

– Je pense que j’aimerais bien, répondit Vincent en pensant que Storm l'avait bien eu à ce propos.

De toute évidence, elle n'avait pas du tout été en danger et le Voyageur du Temps le savait très bien.

– Hé ! Je t'avais dit qu'elle allait bien, se défendit Storm dans un haussement d'épaules au moment où Vincent lui lançait un regard sombre.

– Et où est le piège ? demanda Vincent, pas si contrarié que ça qu'on l'ait poussé à conclure un marché qui le liait au Voyageur du Temps légendaire et à son insaisissable organisation appelée l’EEP.

– Il faut avoir un partenaire, répondit rapidement Lacey en se rappelant le raisonnement qui sous-tendait la règle.

– Et donc ? On serait partenaires, toi et moi ? lui demanda Vincent en souriant, aimant de plus en plus cette idée.

– Non, répondit Ren à sa place. C’est moi, son partenaire.

Lacey cligna des yeux devant autant de possessivité dans sa voix, mais elle ne le traita pas de menteur. Elle jeta un regard curieux à Storm.

– Et les trios, ça n’existe pas ?

Elle ne comprit pas tout de suite ce qu’il clochait, dans sa question. Puis elle vit le sourcil droit de Vincent s'élever et entendit un grognement rauque provenir de derrière elle.

– Oh non ! S’il vous plait ! Passez à autre chose, bande de pervers ! Ce n'est pas ce que je voulais dire et vous le savez, insista Lacey en croisant les bras sur sa poitrine.

Elle cligna des yeux et dut bloquer toutes ces idées cochonnes qui essayaient soudain d’envahir son esprit d’images cochonnes.

Storm se frotta la tempe en essayant de ne pas rire. Quelqu'un devait la secourir, alors il se dit qu’il devait agir :

– Il arrive que les équipes de l’EEP sortent en groupes, mais même dans ce cas, il y a une personne bien précise à laquelle on prête une attention particulière, et vice versa. Il se trouve que je connais un partenaire temporaire parfait pour Vincent, car il se trouve que le partenaire de cette personne manque à l'appel en ce moment.

– Eh bien, dans ce cas, on dirait que cette personne n’ait pas surveillé efficacement son dernier partenaire… mais maintenant, si ! fit remarquer Vincent de manière sarcastique sans se soucier de savoir si sa remarque allait plaire ou non.

Il fronça les sourcils en regardant Lacey et en se demandant à quel moment il était devenu autant attaché à elle. Le fait qu'il ait vu rouge lorsque Ren avait audacieusement annoncé qu’il était son partenaire n'était pas un bon signe.

– En fait, il est assez difficile de surveiller un métamorphe qui est passé en mode furtif. Par exemple, je suis certain que Trevor est quelque part par ici. Mais sous quelle forme ? Ça, n’en sais rien, défendit Storm.

– Une créature métamorphe ? Vraiment, ? s’enquit Vincent comme s'il se trouvait soudain dans une confiserie paranormale avec toutes sortes de saveurs exotiques. Il comprenait que les vrais métamorphes n'étaient pas des mythes, mais les démons du réseau des voleurs en avaient toujours cherché un et n'avaient jamais réussi à en trouver.

– Tu vas le mettre avec Chad, lui dit Ren, qui n'était pas vraiment contre l'idée, dans la mesure où Vincent était éloigné de Lacey.

– Pensez-y… ils semblent tous les deux souffrir de la même addiction, souligna Storm, qui savait que Ren en saisirait le sens caché.

– Tu veux dire que lui aussi, il adore mourir ? dit Vincent en grimaçant, puisque c'était de cette « addiction » dont Storm l'accusait à juste titre.

Il ignora le regard perçant que Lacey lui envoya soudainement. Elle détestait quand il parlait de mourir comme si ce n'était pas grave.

– Si tu voulais me mettre avec un démon, pourquoi tu ne m'as pas laissé avec ceux auxquels j'étais déjà habitué ?

– Chad est humain à cent pour cent, mais Storm a raison. On l’a récemment assassiné… poignardé en plein cœur.

Ren s'arrêta, voyant un regard d'avertissement de la part de Storm. Il capta également que ce dernier lui demandait de ne pas parler des Déchus Kriss et Dean à Vincent. Il dut se concentrer pour garder l’air sérieux.

Retournant toute son attention sur Vincent, il poursuivit :

– Chad est de retour et toujours aussi humain que toi. Jusqu'à présent, il n'est mort qu'une seule fois et c'était contre sa volonté ; je n'appellerais donc pas ça une « addiction ».

– La prochaine fois qu'il mourra, il pourrait rester mort… ou pas, déclara Storm. De toute façon, je n'ai pas le droit de le dire aux spoilers.

– Oui, c'est vrai, dit Vincent, sentant son sarcasme revenir en force.

– Il ne ment pas, insista Lacey en s'approchant de Storm. S'il dit à quelqu'un ce qu’il va se passer à l'avenir, il commence à saigner à cause de blessures qu'on ne peut pas voir.

Elle se retourna pour regarder Storm et tendit la main pour toucher tendrement le haut de son bras :

– J'ai vu ce qu’il s'est passé, dit-elle tristement. Tu as enfreint la règle et tu as saigné pour moi. Et ce soir, ces horribles choses m'ont percé le corps. Je serais morte si tu n'avais pas prévenu Ren de ce qu’il allait arriver.

Storm essaya de tout faire pour que personne ne voit ce sentiment d'amour briller dans ses yeux pendant qu'il la fixait et qu'il sentait qu’elle le touchait gentiment… mais comme il l'aimait beaucoup, cela lui était très difficile.

– Saches que le fait que tu sois là en ce moment… c’est vraiment exceptionnel, dit-il honnêtement, en levant les yeux au ciel avant de les planter dans ceux de Ren. En plus, les conséquences de ta mort étaient vraiment minimes, vu qu’elle n'a jamais eu lieu.

– Pourtant, ça s’est bel et bien passé et tu l'as effacé. Lacey lui envoya un adorable sourire avant de se serrer contre lui et de lui faire un câlin sincère. Toi et Ren, vous avez choisi de me sauver, ajouta-t-elle avant de reculer pour regarder Vincent. Si Storm veut que tu sois avec Chad, c’est probablement pour une bonne raison.

Tout d’un coup, Vincent se calma. Ces deux hommes puissants pouvaient protéger Lacey bien mieux qu'il n'ait jamais pu le faire… ils l'avaient déjà prouvé. Qui était-il pour lui enlever ce genre de sécurité ?

Soupirant de façon dramatique, il battit des cils.

– Très bien ! Vendu ! Nous sommes maintenant tous les deux fans du Voyageur du Temps.

Il laissa volontairement le nom de Ren en-dehors de sa liste des fans parce qu'il n'était pas convaincu que ce grand type était son petit ami… juste un très bon garde du corps.

Ren ignora le fait qu'il pouvait entendre les pensées intérieures de Vincent haut et fort. Pour lui, il avait déjà gagné la guerre parce que Lacey n'avait pas supplié de devenir la partenaire de Vincent.

– Alors, tu acceptes de faire équipe avec Chad ? demanda Lacey avec un grand sourire aux lèvres.

Et de toute manière, même si on lui donnait tout l’or du monde, elle ne pourrait pas en vouloir à Vincent… parce qu’elle l’adorait vraiment ! Elle cligna des yeux lorsque l'écran du grand moniteur du mur à sa droite se mit soudainement à se fissurer bruyamment en projetant des étincelles qui giclaient jusqu’au sol.

Ren se frotta l'arête du nez, puis il regarda l’écran cassé en prenant le temps de se concentrer afin de le réparer grâce à ses pouvoirs.

Vincent lui envoya un regard suspicieux avant de rendre un sourire à Lacey.

– Mais voui, c’est vrai ! Et puis, si je ne me trompe pas, le chat d’un démon l’a griffé et il lui reste maintenant neuf vies… non, plus que huit ! rectifia-t-il en haussant les épaules. Je suis sûr que je pourrai sans problème lui montrer les cordes du métier.

Il s'approcha d’elle et plaça sans crainte son bras autour de ses épaules avant de se retourner face à Storm.

– Alors, qu'est-ce que ce Chad fait à l’EEP, plus précisément ?

– He bien, même s’il fait partie des rares flics humains de cette ville, il est haut gradé. A vrai dire, il nous a fallu infiltrer des créatures paranormales dans les équipes de police, mais aussi du côté des secouristes, des hôpitaux et des pompiers, pour faire face à une recrudescence des appels au 911, répondit Storm.

– Ce que je comprends tout à fait, acquiesça Vincent en faisant mentalement le calcul du nombre de paranormaux qu'il faudrait pour réussir à faire le tour de la ville en un rien de temps, et tous en même temps. Après la panique dont j'ai été témoin ce soir devant Le Brouet de la Sorcière, c'est un miracle que les humains ne soient pas tombés comme des mouches.

Storm s'épuisait tellement vite que personne ne pouvait comprendre ce qu'il faisait, parce qu'il vacillait dans la pièce. Heureusement, Ren était trop occupé pour remarquer son état d'affaiblissement, car il était concentré sur Vincent, qui était encore en train de toucher Lacey.

Revenant dans le vif du sujet, Storm poursuivit :

– C'est grâce aux efforts combinés de l’EEP que les pertes humaines ont pu être réduites le plus possible… mais hélas, c’est aussi pourquoi les morgues de la ville débordent en ce moment. Les démons essaient de rester hors de nos radars mais ne vous méprenez pas… c'est un travail très dangereux et c'est dans vos cordes !

– En effet, et la pire des choses qui pourrait arriver serait que l’on se fasse tuer douloureusement… et en permanence, convint Ren comme si c’était la meilleure chose qui pouvait arriver. À croire qu’il était vraiment mesquin !

– Oula ! Je crois que je viens d’avoir un semblant de chair de poule… essaye encore ! répondit Vincent au tac au tac sur ton des plus ennuyés.

Storm interrompit leur guerre verbale avant qu'elle ne dégénère en une première mort douloureuse pour Vincent en tant que membre officiel de l’EEP.

– Avec ton expertise au sujet des démons, de leurs caractéristiques, de leurs faiblesses, tu nous seras d'une grande aide. Et ne t’inquiètes pas… tu auras tout un arsenal d'armes et je ne parle pas juste de l’équipement classique d’un policier… nous avons tout ce qui tend à ruiner la journée d'un démon.

À ce moment même, Lacey lança un regard à Ren. La vérité, c’était qu'elle regardait leur meilleure arme… mais après ce qu’il s'était passé au Brouet de la Sorcière, elle comprit qu'il était aussi une bombe à retardement instable qui pourrait tous les tuer s'il perdait le contrôle. Et justement, cela lui rappela à quel point elle lui avait redonné ce contrôle. Elle rougit et détourna les yeux.

– Mais n'oublies pas que ta priorité sera de surveiller Chad pour qu’il soit en sécurité jusqu'à ce que Trevor sorte de sa cachette, rappela Storm à Vincent. Si tu te fais avoir par un démon, il n'aura plus de renforts jusqu'à ce que tu reviennes à la vie.

– En parlant d'armes, dit Vincent en voyant Storm lui sourire lentement. Une fois le travail de baby-sitting terminé, je te suggère de faire équipe avec moi et d'aller récupérer des objets uniques que je connais… du style, des choses que les démons ont cachées.

– Parce que tu pensais honnêtement que tu allais faire équipe avec Storm ? demanda Ren, le sourcil arqué, ressentant à nouveau le besoin accablant de déchiqueter Vincent en lambeaux.

Lacey lui envoya à nouveau un regard noir en percevant de la jalousie dans sa voix. Cet homme semblait avoir une veine possessive d'un kilomètre de long qu’il ne voulait évidemment pas partager avec Storm, ni avec elle, d’ailleurs.

– Quel radin ! l’accusa-t-elle.

Ren haussa les épaules :

– C’est effarant de voir à quel niveau est élevée l’estime que ce p’tit nouveau a pour lui-même.

Lacey roula des yeux :

– Oh ! Oublie ça, non mais t’as quel âge ? Cinq ans ?

Elle s'éloigna de Vincent et s'approcha de Ren en surveillant son visage, histoire de voir si certains signes allaient améliorer son humeur et prouveraient que sa théorie était juste.

– Je suis beaucoup plus vieux que toi, se moqua Ren avec un sourire jusqu’aux oreilles, vu que Vincent était maintenant seul.

– C’est toi qui as cassé le chauffe-eau pendant que j'étais sous la douche, s'amusa Lacey qui avait la preuve que sa proximité était l'équivalent de sa pilule contre le froid. Mais en vrai, tu es bien plus jeune que moi, niveau âge mental.

– Veux-tu que je t'emmène voir Chad ? demanda Storm en essayant de distraire Vincent et de le tenir à l'écart des ennuis. Lacey apprenait rapidement à calmer le côté obscur de Ren, mais Vincent était beaucoup plus lent à comprendre ce genre de choses.

– Est-ce qu’est vraiment prudent de les laisser tranquilles ? chuchota Vincent. Puis il éleva la voix avec audace pour attirer leur attention. Au fait… je suis presque sûr que je suis plus vieux que vous deux et que vous êtes tous les deux punis… même si je pourrais tout à fait laisser Lacey partir avec une fessée, sauf si elle accepte de bien se comporter.

Il lui fit un petit sourire suggestif en la voyant se balancer pour le regarder avec de grands yeux.

Storm tendit rapidement une main à Vincent et le téléporta hors de danger, en se rappelant l'expression du visage de Ren. Peut-être qu'il ferait un aller-retour spécialement pour lui, tant qu’il y était.

Incapable d'ignorer l'étrange éclair de lumière qui s’était éteint sur son visage, Ren cligna des yeux. Au lieu d'attraper l'idiot qu'il visait, il finit par regarder en l'air manière concentrée, observant un bout de papier qui flottait devant lui. Il l'arracha des mains avec un grognement frustré.

– Qu'est-ce que c'est ? demanda Lacey, tout à fait en paix avec le fait que Storm ait une fois de plus disparu avec Vincent.

Au moins, elle faisait confiance à Storm pour le garder en vie.

– On dirait que ton ex-partenaire soit hors de portée pour le reste de la journée, dit-il en fronçant les sourcils lorsque le morceau de papier disparut soudainement et qu’une photo de son visage déformé par la colère prenait sa place.

Ha ha ! Storm était vraiment à mourir de rire, ces derniers temps. Il fit un sourire malicieux quand le cliché se transforma en poussière et qu’il lui glissa entre les doigts.

Ren tourna la tête pour regarder Lacey et remarqua que ses yeux brillaient d'humour. Elle regardait toujours sa main à l'endroit où la photo venait d'être prise.

– Alors ? Ça t'a plu, on dirait ? s’enquit-il dans un sourire étonné. Elle lui rendait la tâche difficile pour qu'il s'accroche à sa colère. Et puis, son hochement de tête était vraiment trop mignon.




Chapitre 3


– Il faut que j’enlève ces vêtements, dit Lacey en jetant un coup d'œil à la robe de cocktail qu'elle portait encore.

Elle était très jolie quand elle l'avait mise pour la première fois, mais après la nuit effrayante qu'elle venait de passer, elle était sale et s'était déchirée à certains endroits où elle avait été transpercée par les pics démoniaques.

Une onde de choc d'une intense envie de sexe l’atteignit violement et elle porta un regard effaré sur l'expression de marbre de Ren. Ça venait d'elle… ou de lui ? Elle n'avait parlé que « d’enlever ses vêtements », pas d’autre chose… et maintenant, ses pensées s’égaraient encore…

– Et bien sûr, une autre douche glacée s'impose, ajouta-t-elle, en plaçant la paume de sa main contre le resserrement des muscles de son ventre.

Elle n'était jamais timide quand il s'agissait de parler de sexe et elle n'allait pas commencer à se mordre les lèvres maintenant.

– Et cette envie d’sexe, ça vient que de moi ?

Ren en eut le souffle coupé. Il s’imagina lui enlever sa robe en un mouvement rapide, puis lui soulever son corps nu sur le bureau qui était derrière elle. Il cligna des yeux devant la franchise de sa question. Sa réponse fut un OUI retentissant. Elle savait exactement ce que Nick et Gypsy avaient fait dans le bunker, mais il ne s'était jamais rendu compte qu'elle serait également capable d'exploiter ses émotions ou ses désirs. Il espérait qu'elle n'avait reçu qu'une fraction de cette capacité ou bien elle ne tiendrait pas longtemps dans ce château. Il se fit une note mentale pour se rappeler de demander à Guy s'il pouvait lui trouver un sortilège ou une formule éventuelle qui atténuerait ces pouvoirs, mais, pour l'instant, il pourrait au moins lui dire la vérité.

– Ce château est rempli de créatures paranormales aux émotions exacerbées, lui dit-il en essayant de contrôler les siennes.

Sentir qu'elle était dans le besoin en ce moment ne l'aidait pas. De plus, cela causait un effet boomerang entre eux. Il poursuivit :

– Les paranormaux ont des émotions, tout comme les humains. La différence, c'est qu'ils ressentent chaque émotion de manière exacerbée par rapport à eux… et tu es en train de te brancher sur cette surcharge.

Il commença à se rapprocher d'elle en se sentant comme un prédateur qui traque sa proie. Il sentit un sourire satisfait essayer lui tirer les lèvres lorsqu’elle recula contre le bureau à l'endroit même d'où il l'avait imaginé la soulever.

– Leur colère pourrait rendre fou un humain… fou à tuer, dans sa folie… et leur amour, c’est ce qu'on appellerait une obsession… une dangereuse obsession, même.

Il se pencha brusquement en avant, plaçant ses mains contre le bureau de chaque côté de Lacey, comme pour la piéger sous lui. Il posa alors ses lèvres très près de son oreille :

– Et leur convoitise charnelle est tellement chaude qu'elle brûle.

Lacey ferma les yeux alors qu'elle sentait son souffle effleurer son cou. Ouais, il avait raison à propos de brûler parce qu'elle était en feu. Ses lèvres se séparèrent au fur et à mesure que sa respiration s'accélérait :

– Leur corps doit aussi être hypersensible au toucher parce que ton souffle contre mon cou est trop bon pour être près de la normale.

En guise de réponse, elle perçut un grognement à côté de son oreille. Elle trouva ce son tellement séduisant qu’elle en entendit une réponse tout au fond d’elle-même. Il était si proche d'elle… mais ne la touchait pas. C'était comme s'il avait pris le contrôle et qu'elle nageait dans un tourbillon de passion, attendant que la moindre petite vague la tire vers le bas. Elle voulait vraiment expérimenter ce délicieux petit effet secondaire. Maintenant, s'il était partant !

Elle effaça mentalement ce qu’il s’était passé au Brouet de la Sorcière, il y a moins d'une heure… puisque c'était arrivé sous la contrainte, Lacey pensait à la dernière fois où ils s'étaient touchés. C'était arrivé ici même, dans ce bureau. Elle avait cru qu'elle serait morte à l'aube et avait voulu passer les dernières heures perdues à prendre du bon temps avec lui. Ren avait été celui qui avait mis un terme à tout ça parce qu'il avait entendu ses pensées.

Grâce à lui, elle n'avait plus de menace de mort au-dessus de sa tête. Il ne pouvait donc pas lui en tenir rigueur. Si elle avait son mot à dire, il lui reprocherait rapidement autre chose, avec l'humeur dans laquelle elle était, elle espérait que l’instant serait magique et excitant en même temps.

– Puisque tu es celui qui m'as laissé me mettre accidentellement le feu, de cette manière… tu veux bien m’aider à l’éteindre la flamme ? Ou bien est-ce que je dois moi-même aller me trouver un pompier ? demanda-t-elle, en se souvenant de son dernier rejet.

Ren resserra son étau sur le bureau quand la chaleur qu'il ressentait se transforma rapidement en une colère d'enfer. Venait-elle de le menacer d'aller chercher quelqu'un d'autre pour étancher son désir ? L'image d'elle et de Vincent faisant l'amour dans un passé pas si lointain traversa sa tête comme une locomotive.

Il aurait aussi dû la mettre en garde du fait qu’il était extrêmement jaloux, mais c'était un point discutable, car il semblait être le seul à ressentir cette émotion particulière.

– Non seulement je t'apprendrai à utiliser les pouvoirs qui ont été éveillés en toi, mais aussi à contrôler ceux qui mettront les autres en danger, chuchota-t-il à voix basse avant de la prendre dans ses bras.

Lacey cligna des yeux quand Ren la rapprocha de lui. Elle nota intérieurement que le bureau s'estompait au loin. Au bout de quelques secondes, elle se retrouva dans la chambre dans laquelle elle s'était réveillée… c’est-à-dire, la sienne ! Son regard s'égara vers le lit, espérant qu'elle allait enfin obtenir ce dont elle avait secrètement envie depuis qu'elle avait rencontré Ren. Mais à la place, il lui saisit le bras et la tira loin du lit, la faisant froncer les sourcils dans sa confusion.

Poussée dans une salle de bain communicante, elle ne put étouffer un cri, choquée de se retrouver soudainement sous une douche d'eau glacée qui descendait en cascade sur le dessus de sa tête. Frissonnant, elle tendit la main et coupa l'eau en se rendant compte qu'elle était encore habillée. Elle comprenait maintenant que sa peau était sensible comme jamais elle ne l’avait été. C'était encore bien plus froid que le froid qu’elle n’avait imaginé.

– Et ça ? Quel intérêt ? demanda-t-elle en regardant Ren avec une envie de meurtre au fond des yeux.

– Leçon numéro un, grogna ce dernier en se penchant vers elle pour qu’elle comprenne, ne laisse pas la chaleur sexuelle que tu captes t'atteindre au point de coucher avec n'importe qui.

Le regard que Lacey portait sur lui ne s'atténua pas à mesure que ses dents claquaient.

– Tu as raison. Qu'est-ce qui m'a pris de te demander une chose pareille ? Je te promets que la prochaine fois, je choisirai à qui poser la question. De manière réfléchie.

Elle attendit qu'il revienne à la charge, mais fut confrontée à un silence total qui la rendit nerveuse, et le fait qu'elle ne pouvait pas voir ses yeux sous ces lunettes de soleil stupides ne l’aidait pas non plus.

Elle se demandait où était passé le désir que ressentait Ren juste quelques minutes auparavant et pourquoi il avait été remplacé par tant de rage. Cette émotion était si forte qu'elle dut lutter pour la contenir. Elle avait passé toute l'année dernière à protéger ses pensées et les émotions des personnes qui lui étaient néfastes, et maintenant, elle était presque devenue pro dans ce domaine… sauf lorsqu’elle se trouvait autour de lui. Mais elle ne savait pas pourquoi.

Et au lieu de frapper ce gros con comme elle l’aurait voulu, elle prit la porte glacée de la douche et lui claqua au visage pour ne pas avoir à le regarder. Elle retira sa robe trempée et la balança par-dessus la porte de la douche, puis elle sourit en entendait comme le bruit d’une serpillère mouillée qui heurtait quelque chose dans son élan. Elle espérait que lui aussi, il s’était pris cette douche froide en pleine figure, car il le méritait vraiment.

Regardant le verre dépoli qui était maintenant derrière elle, Lacey voulut faire quelques pas de danse lorsqu’elle vit la forme déformée du corps de Ren. Elle le vit enlever ses lunettes de soleil pour les sécher. Un petit goût de vengeance refroidit sa colère. Elle alluma l'eau chaude et gémit d'extase pendant qu'elle réchauffait sa chair glacée.

Toujours en ébullition, Ren grinça des dents face à sa réaction et au fait qu’elle venait de lui dire qu'elle demanderait l'aide de quelqu'un d'autre la prochaine fois qu'elle serait autant excitée. La jeter sous la douche froide était l’idée de son tempérament et son tempérament n'était pas toujours intelligent. Il devait réparer son erreur avant qu'elle ne tente de mettre sa menace à exécution… essayer de trouver la clé parce qu'il ne permettrait jamais à quelqu'un d'autre de la toucher d'une telle façon.

Ses lèvres se séparèrent pour l'avertir qu'elle condamnerait à mort toute personne qu'elle tenterait de séduire, mais il grinça des dents pour empêcher la formation de ces mots en colère. Elle ne le prendrait que comme un défi, de toute façon. Et c’est probablement directement vers son amant qu’elle irait courir, puisque tuer cet idiot n'aurait pas beaucoup d'importance.

Il fit courir une main à travers sa frange pour la balayer de ses yeux et commença à faire les cent pas pendant que son esprit avançait à toute allure. Il était vrai qu'il devait tester ses limites sur la part du monde qui l'entourait et qu'elle était en train de crypter. La dernière chose dont ils avaient besoin, c'était qu'elle se mette en colère parce que le démon à côté d'elle était de mauvaise humeur. Il s'entraînait à cela depuis bien plus longtemps qu'elle… et c'est lui qui lui apprendrait à gérer ça.

Son rythme ralentit alors qu’il se mit à réaliser qu'elle n'était pas la seule à avoir besoin de se familiariser avec de nouvelles choses. Pour l'amour du ciel, il n'avait même pas quitté la salle de bain pour qu'elle puisse prendre une douche en paix. Avait-il peur de la perdre de vue ? Une fois de plus, la réponse à cette question était évidente.

Il tourna lentement son regard vers le verre légèrement givré qui les séparait. Sa vue était bien trop bonne pour qu'il traîne ici.

Dans un soupir frustré, il tourna les talons et quitta la salle de bains à pas de fourmi. Il devait s'éloigner de sa nudité pour pouvoir penser clairement. Il s'arrêta au milieu de sa chambre quand il remarqua Storm, qui s'appuyait de façon décontractée contre le montant du lit avec quelques sacs à provisions à ses pieds.

– Je vais faire vite, car dans quelques minutes, elle va sortir de là le cul à l’air en te blâmant.

Storm sourit en se disant que son ami traversait une période difficile. Il lui semblait qu'aucun d’entre deux ne passait une bonne journée, mais celle de Ren était sur le point de devenir pire que la sienne.

– Alors, dépêche-toi avant que je ne te téléporte moi-même hors d'ici, déclara Ren en lui rendant son sourire, qui mourut rapidement sur ses lèvres quand il réalisa à quel point Storm savait que Lacey allait sortir nue. Il pencha la tête en voyant le sang s'accumuler dans son oreille ; puis, le Voyageur du Temps détourna les yeux et dit en lui montrant des sacs :

– Elle aura besoin de ça.

Il disparut rapidement.

Le fait de savoir que Storm échappait aux remontrances qu'il s'apprêtait à lui faire ne l’aida en rien. Et qu’avait-il fait pour autant saigner ? Il se mit à farfouiller dans les sacs pour voir quels vêtements s'y trouvaient. Cette vision lui rappela qu'elle ne portait pour le moment que de l'eau sur elle-même.

Il se retourna lentement vers la porte qui les séparait en se demandant s'il ne devait pas simplement laisser les vêtements là où ils étaient.

Les battements de cœur de Lacey battaient encore à toute vitesse alors qu'elle frottait sa peau fiévreuse avec des mouvements rapides et presque douloureux. Elle était folle de rage et, curieusement, encore très excitée… ce qui ne faisait que de l'énerver davantage. Mais putain… le fait de se frotter fort à s’en faire mal lui faisait quand même tellement de bien !

C'était la faute de Ren. Elle était certaine que c'était de son besoin sexuel à lui dont elle s'était emparée au bureau. L'envie était si forte qu'elle aurait même pu la goûter. Il n'y avait pas de doute non plus sur le fait qu'il avait été excité lorsqu'il l'avait coincée contre le bureau comme ça… l'énorme renflement dans son pantalon en était une preuve indéniable.

Comment avait-il osé lui faire la morale sur le fait de se contrôler alors qu'elle venait de le voir lui-même perdre contrôle au Brouet de la Sorcière peu de temps auparavant ? Elle ferma les yeux et se mordit la lèvre inférieure en essayant d'étouffer un gémissement quand ce petit souvenir lui envoya un éclair de chaleur au niveau des abdominaux qui alla se cogner directement contre son cœur.

Rhôôôôôôôôô ! Qu'il soit maudit ! Elle aurait tant aimé que ça marche dans les deux sens pour pouvoir lui rendre la frustration sexuelle qu'elle éprouvait. Elle s’immobilisa soudainement, stoppant net le gant de toilette mousseux pile poil sous ses seins. Après tout, peut-être que cela ne fonctionnait pas que dans un sens. S’il parvenait à prendre les émotions des autres, peut-être qu’il sentait aussi son excitation à elle ? Surtout si elle parvenait à l’amplifier de manière délibérée ! Aucune femme saine d'esprit n'était au-dessus de la masturbation si elle n'avait pas d'autres options.

Ses épaules s’affaissèrent en se demandant pourquoi elle essayait de se battre avec l'homme qui lui avait sauvé la vie il y a quelques heures à peine. Certes, il était autoritaire et pouvait être un vrai connard à certains moments, mais il n’y avait pas que ça et elle le savait très bien. Elle tendit lentement la main et alluma l'eau froide, soulevant son visage en direction du jet froid.

Ren ouvrit les yeux lorsqu'il sentit son excitation s'estomper, pour se retrouver avec sa main qui tenait déjà la poignée de porte de la salle de bains. Il savait très bien qu'il perdrait cette petite bataille de volontés avec elle si elle émergeait nue comme Storm l'avait suggéré. Il se balança et fixa les sacs de vêtements que Storm lui avait apportés.

Lacey frissonna et éteignit l'eau avant de jeter un coup d'œil à la robe humide que Storm lui avait donnée. Impossible qu'elle se soit tortillée dans ce truc. Et vu la manière dont elle voyait les choses, seulement deux possibilités pouvaient arriver si elle sortait d'ici dans ce nuage de brume : soit elle s'envoyait en l'air, soit il lui lançait des vêtements surdimensionnés.

Elle pouvait déjà imaginer son expression et se demandait pourquoi chaque fois qu'elle décidait d'être une gentille fille, le destin lui offrait l'occasion parfaite d'en être une méchante.

En sortant de la douche, elle fronça les sourcils en voyant plusieurs sacs de courses posés près de l’évier en marbre. Il ne lui fallut qu'un moment pour parcourir le contenu et en arriver à la conclusion que c'était exactement ce qu'elle aurait acheté si elle avait fait les courses elle-même.

Ses lèvres se séparèrent au moment où elle se rendit compte que quelqu’un les avait posés là pour l'empêcher d’aller courir après Ren. Elle décida de se hâter de s’habiller en se disant que si Storm voulait qu'elle s'habille, c’est qu’il en avait probablement une très bonne raison. Enfin habillée et se sentant un peu plus contrôler la situation, elle se regarda dans le miroir en voyant la porte derrière elle et ses pensées revinrent instantanément à celui qui l’attendait de l'autre côté.

Il fallait vraiment qu’elle arrête d'appuyer comme ça sur des boutons. De plus, ce n'était pas très amusant, parce que c’est lui qui remportait chaque dispute. La douche froide soudaine avait été un peu brutale, certes, mais elle n'était pas bête : elle avait senti la chaleur de sa colère dès qu'elle avait commencé à le chercher. Elle repensa à ses mots exacts :

– Puisque tu es celui qui m'as laissé me mettre accidentellement le feu, de cette manière… tu veux bien m’aider à l’éteindre la flamme ? Ou bien est-ce que je dois moi-même aller me trouver un pompier ?

Elle n'avait dit ça que parce qu’elle était en légitime défense. Après tout, c’est lui qui l'avait rejetée la première fois qu'elle avait voulu coucher avec lui. Mais en toute honnêteté… elle n’avait dit qu’une demi-vérité, parce qu’elle avait espéré qu'il accepterait d'être son pompier. Vincent avait toujours pris ses provocations au premier degré ; il les lui rendait en la provoquant à son tour. Mais elle avait bien compris que c'était parce qu'ils étaient plus des amis que de vrais amants… et ça, il fallait qu'elle s'en souvienne.

Ren lui avait donné une partie de lui-même pour lui sauver la vie et elle pouvait sentir le lien fort qui les unissait maintenant… encore plus qu'elle et Vincent ne l'ont jamais été. Elle ne voulait que Ren et elle pouvait dire qu'il la voulait aussi… sa possessivité l'avait bien montré. Elle prit une grande respiration, puis se recoiffa les cheveux avec les mains en décidant que si elle le voulait, elle n'aurait plus qu'à le séduire jusqu'à ce qu'il ne puisse plus la supporter. S’envoyant un baiser dans le miroir, elle se tourna pour se diriger vers la chambre dans laquelle se trouvait le grand lit.

Sa théorie du besoin d'être entièrement vêtue s'avéra exacte lorsqu'elle sortit de la salle de bains pour voir la chambre de Ren disparaître de son champ de vision.




Chapitre 4


Angelica se faufila par la porte de sa chambre et la ferma rapidement derrière elle. Glissant la serrure en place, elle s’y appuya le front en souhaitant qu'elle soit faite d’une autre matière que ce bois épais… en titane, par exemple.

Lâchant un profond soupir, elle fronça les sourcils et s'éloigna de la porte, fixant la serrure comme si c'était son seul espoir. Dans un sens, ça l'était. Cette petite serrure était la seule chose entre elle et l'envie qu'elle avait de voir Syn, maintenant qu'il n'était plus là pour la surveiller. Ou plutôt, la harceler.

En levant la main, elle se frotta la tempe droite en faisant de rapides petits cercles, tout en reconstituant le fait qu'elle venait de fuir cet homme… ou peu importe ce qu'il était… parce que maintenant, elle s'ennuyait de lui au point d’en rendre sa poitrine douloureuse.

– Je n'ai besoin de personne, se rappela-t-elle, mais ses doigts s'arrêtèrent en plein cercle. Elle secoua sa main vers le bas de sa tempe en sentant le mensonge à l'intérieur de ses propres paroles. Vu qu'elle ressentait les symptômes du sevrage, elle pourrait aussi bien nommer ce qu'il était comme… une dépendance.

En s’éloignant lentement de la porte, elle ferma les yeux, ce qui lui permit d'approfondir encore plus ses pensées. Il ne fallait pas sortir de Saint Cyr pour comprendre que Syn lui embrouillait l'esprit. Il y avait une ligne dangereuse à franchir et si elle osait le faire, il n'y aurait pas de retour en arrière.

Ils ne devraient pas être partenaires… pourquoi Storm n'avait-il pas pensé à ça ? Tout ce que Syn avait fait dans ce tunnel, c'était de se moquer d'elle. Ce n'était pas comme s'il avait vraiment besoin d'un partenaire, parce que tout ce qu'il avait eu à faire était de placer une barrière autour des sorties. Et rien de plus.

Ce souvenir revint la hanter comme un cauchemar. Dans les tunnels, sous le musée, elle avait ressenti une forte sensation de claustrophobie l'envahir alors que le plafond du tunnel grondait et se fendait. C'était très inquiétant pour elle de réaliser qu'elle se tenait debout dans sa propre tombe.

Alors que de gros rochers effrités commençaient à se briser et à lui tomber autour, elle avait vu des démons courir dans l'escalier caché afin de tenter de s'échapper dans les tunnels… et elle se trouvait en plein dans leur passage. Et c’est comme si une sorte de raz-de-marée géant composé de débris les poursuivait en avalant ceux qui n'étaient pas assez rapides pour y échapper.

Elle était restée pétrifiée de peur, comme paralysée sur place. Et puis, des bras l'encerclèrent soudainement et l'escalier s'était évanouit au loin avant de disparaître complètement. Elle se mit à frissonner de nouveau en s'enroulant les bras autour d'elle-même rien qu’en repensant à la sensation qu’elle avait ressentie lorsque le tunnel s’était effondré. Mais c'est surtout ce qu’il s'était passé juste après qui avait véritablement causé sa chute.

Lorsque son monde se stabilisa à nouveau, elle constata qu'elle se trouvait sur le toit d'un bâtiment, au lieu d'être juste dessous. Ressentant toujours une légère vibration sous ses pieds, elle tourna la tête juste à temps pour voir le musée s'effondrer dans les tunnels souterrains où elle se trouvait quelques secondes plus tôt.

Lentement, en regardant le torse chaud contre lequel elle reposait, elle avait remarqué que ses mains s’étaient glissées sous sa chemise, ce qui montrait qu'elle avait eu peur et qu'elle avait besoin de lui. À ce moment-là, tout ce qu’elle voulait, c’était s'enfouir dans ses bras robustes et rester là où elle était… c’est-à-dire, là où rien ne pouvait lui faire de mal.

Elle fit alors l'erreur de regarder le bel homme auquel elle s'accrochait. Le bout de ses cheveux noirs s’envola dans le courant ascendant de l'immeuble qui s'effondrait, mais pourtant, il semblait bizarrement tellement calme… ou du moins elle l'avait cru, jusqu'à ce qu'elle ferme les yeux face à ce regard d'améthyste qui la fixait, plein de chaleur et de puissance indomptée.

Cela lui rappela la première fois qu'elle avait eu une vision de lui… de sa beauté envoûtante. C’était dans la grotte. La nuit où le symbole était apparu sur sa paume.

Le rythme de sa respiration s’accentua lorsque son regard s'abaissa sur ses lèvres sensuelles. Réalisant qu'elle ne désirait que lui, elle fit un pas en arrière. Une fois enfin sortie de l’emprise de ses bras, elle réalisa que c’était Syn qui les avait fait tomber… et ses yeux devinrent instantanément noirs et sombres… c’était dangereux d’y toucher, elle dut réprimer un frisson.

Refoulant ce souvenir, Angelica leva sa paume de main, voyant que rien n'avait changé depuis leur première rencontre… le symbole était toujours là, et ses détails étaient toujours impeccables. Il était là depuis un certain temps, déjà. Elle vacilla intérieurement quand elle se rendit compte qu'elle n'avait jamais vraiment fait d'efforts pour l'enlever.

Syn lui avait dit qu'il le lui avait donné pour la protéger et pour une raison étrange, elle l'avait cru. Quand avait-elle commencé à lui faire autant confiance ?

Dans le passé, elle aurait remis en question chaque fait et geste d'une créature aussi puissante que lui. Mais au cours des deux dernières semaines, son naturel avait pris le pas sur la curiosité et la chaleur. Et il avait une étrange manière de se nourrir en elle.

Les membres de l’EEP la décrivaient généralement comme une solitaire qui n'était pas intéressée à se faire des amis. C'est ainsi qu'elle avait voulu que tout le monde la voie… pour qu'ils gardent leurs distances. Depuis l'apparition de Syn dans sa vie, il avait laissé cette impression s’exposer devant tous. De son côté, il commençait par l’obséder. Et cela semblait être réciproque envers lui. Et elle voulait que ça s'arrête… parce que, finalement, l'était-elle vraiment ? Et rien que de penser à tout ça, il lui semblait que la douleur qui était dans sa poitrine irradiait de plus en plus.

– Bienvenue au pays de la confusion… population numéro un, dit-elle dans le silence de la pièce.

Elle fit une grimace en voyant à quel point elle avait l'air pathétique. Elle était plus forte que ça. Elle regarda la marque de sa paume en se demandant si c'était la cause des sentiments étranges qu'elle éprouvait pour Syn… un peu comme la servitude d'un vampire. Après tout, Syn était l'ancêtre de cette race, n'est-ce pas ? Elle avait besoin d'arrêter d'ignorer ce petit détail, qui était néanmoins dangereux. Il avait déjà admis qu'il ne se souciait pas de la guerre contre les démons… alors pourquoi était-il ici ? Pour la distraire ? Pourquoi n'aidait-il qu'elle ?

– Tout a commencé avec toi, dit-elle en accusant le symbole.

Elle souleva son autre main pour venir la placer sur le dessin complexe de sa paume, dans l'intention de la traiter de la même façon qu'elle aurait traité n’importe quelle autre marque démoniaque qu'elle avait eu l’occasion d’enlever dans le passé à d’autres personnes.

Le bout de son index s'effaça de la forme de l'objet, à la recherche du moindre défaut. Un froncement de sourcils apparut discrètement sur son visage, ne voyant aucune intention sous-jacente malveillante. Se concentrant davantage sur ce symbole complexe, elle se mordit la lèvre inférieure alors qu'elle commençait à l'approfondir, jusqu'à ce qu'elle se sente submergée par des sensations bizarres. Entrouvrant la bouche, elle se mit à respirer de manière brusque. Elle se sentit étourdie un instant, puis quelque chose de bizarre s’ensuivit, comme si une force invisible tapait sur le symbole. Puis ses pouvoirs s’en emparèrent. Elle fut tellement surprise qu'elle paniqua en retournant ses pouvoirs contre elle. Le symbole généra comme une sorte de coup de fouet magique autour d'elle qui lui lécha la peau avant de disparaître d'où elle venait. Elle aurait même juré que cette maudite marque venait de la « goûter ».

Syn apparut silencieusement derrière elle, après avoir senti qu'elle trafiquait le lien qui lui permettait d'accéder à son pouvoir pour se protéger. Il avait pensé à la laisser seule quelques heures, pour qu'il puisse retrouver son calme après qu’elle l’ait rejeté une fois de plus. Et pourtant, en brisant la marque de sa paume, elle l'avait convoqué ici sans le savoir, et il dut assister à cette tentative inutile de briser leur lien.

Cela fit resurgir sa colère… était-elle si anxieuse de se débarrasser de lui juste pour qu'elle puisse arrêter de se mentir à elle-même ? Après avoir cherché pendant des millénaires pour finir par la trouver, il n'était pas prêt à la laisser rompre le moindre petit lien qu'il avait réussi à re-former avec elle.

– Espèce de lâche !

Angelica se sermonna elle-même d’avoir réagi de la sorte, puis ouvrit son poing pour réessayer. Elle inspira de manière saccadée et la marque se mit instantanément à briller d'une puissance décuplée.

– Pourquoi tu n'essaies pas d'évacuer ta frustration sur celui ou celle qui l'a causée ? lui demanda Syn, juste derrière elle.

Elle sourcilla et se retourna pour épingler son harceleur dans un regard noir. Il lui fut difficile de retenir ce regard parce qu’il avait l'air beaucoup plus en colère qu'elle ne l'était.

Avant qu'elle ne comprenne son intention, il lui prit la taille avec un de ses bras et l'attira contre son corps vigoureux. Voulant garder un semblant de distance entre eux, elle lui appuya rapidement la paume contre sa poitrine. Mais, sérieusement, s'il essayait de la rendre folle, il se trompait !

– Tu as raison. Je devrais plutôt m'en prendre à toi ! pensa-t-elle bon de lui préciser. Elle s’éloigna de lui, mais faillit perdre l’équilibre parce qu’il l’avait lâchée d’un coup. Grinçant des dents, elle essaya d'enterrer cette étrange déception qui l’avait envahie à cause de ce détail.

En fermant la main autour du symbole, elle dit la première chose qui lui vint à l'esprit :

– Mais putain ? Tu m’as fait quoi, là ?

–Pourquoi ? Je te fais peur ? lui demanda Syn en s'appuyant contre son lit et en croisant ses bras sur sa poitrine.

Elle fut prise au dépourvu par sa question, qui lui fit froncer les sourcils sur ses bras croisés. Puis elle leva les yeux pour rencontrer son regard d'améthyste brillant. Ses yeux brillaient dans ce qu'elle pensait être de la colère, mais il semblait pourtant tout à fait calme.

– J'ai pas peur de toi, l'informa-t-elle hardiment

Elle fit en pas en arrière au moment où il s’éloigna du lit pour se rapprocher d'elle.

– Et moi, je n'ai rien fait pour te faire du mal, se défendit Syn en grognant doucement, sachant qu'ils avaient déjà effectué cette danse auparavant.

Elle l'avait déjà combattu dans le passé avant de finalement admettre sa défaite et cela ne l’intéressait pas de voir tout cela se répéter. Il tressaillit au fond de lui-même en se rappelant comment cette histoire s'était terminée.

– C’est toi, la raison pour laquelle je suis ici.

Angelica secoua la tête en ne voulant pas avoir la responsabilité d'être la raison de qui que ce soit pour quoi que ce soit. Elle avait placé tant de murs autour d'elle que le seul qui s'était approché d'eux était Zachary… et même, pour être honnête, c'était plutôt l’alter ego de Zach qui s'était frayé un chemin jusqu'à eux sans pitié. Elle fut attristée un moment par ce détail parce que son amitié et ses conseils lui manquaient maintenant.

Les yeux de Syn s’étrécirent en l'entendant pleurer la proximité qu'elle avait eue avec le Phénix. C'était regrettable qu'elle ait oublié le fait que Syn était un homme très possessif et qu'il ne l'avait jamais facilement partagée avec les autres. Il avait même tué pour la garder et il recommencerait certainement sans hésitation.

Il tira son pouvoir vers l'intérieur en essayant d'atteindre sa mémoire, et il se rendit compte qu'il était parvenu à la limite de ses capacités. Comment l'avait-elle réduit à cet état d'impatience si rapidement ?

– Tu n'es pas venu ici pour moi. Angelica fronça les sourcils, puis elle souligna ce qu'elle pensait être évident. Tu es venu parce que tes fils sont ici. Et d’ailleurs, j’aimerais rajouter qu’on dirait qu’ils ont le même âge que toi… un peu comme tes frères… mais pas comme tes enfants. Et maintenant tu restes là pour aider Storm à combattre les démons.

Sa voix vacilla lorsque son dos heurta le mur et ses paumes de mains la bloquèrent de chaque côté d'elle… la piégeant efficacement contre le rocher du château.

– C'est ma partenaire qui aide Storm… pas moi, grogna Syn. Je ne suis là que pour la protéger et qu’elle ne se fasse pas tuer à nouveau !

– On ne m’a jamais tuée, nia Angelica. Elle trembla quand le mur se fissura, remontant en lignes irrégulières sous ses paumes jusqu’à sa tête et ses épaules.

– Arrête ! chuchota-t-elle en respirant à peine.

Quelque chose n'allait vraiment pas chez lui, mais bizarrement, ça ne lui faisait pas peur. Non, tout à coup, elle eut le sentiment d’avoir le cœur brisé. Elle respira de manière plus ralentie, voulant être prudente en ce moment, parce qu'elle sentait que si elle ne l'était pas, l’homme puissant qui était devant elle allait exploser… et une peur profonde risquerait de l’envahir.

– Laisse-moi te prendre dans mes bras jusqu'à ce que je me calme, lui dit Syn, juste au moment où il se pencha en avant et la traîna contre lui.

Comme Angelica ne résistait pas, Syn sentit qu’une partie du chagrin qui l’écrasait lui quittait les épaules. Elle ne se souvenait peut-être pas de sa mort, mais c'était un souvenir qu'il avait encore du mal à garder enfoui au plus profond de lui-même… sinon il risquait de devenir fou. Maintenant son emprise, il s'abaissa lentement au niveau de ses genoux, la tirant avec lui le long du mur. Il laissa une main tremblante courir sur ses cheveux sombres et soyeux, puis il pressa sa joue dans l'arc de son cou, en posant ses lèvres contre sa tempe.

Angelica cligna des yeux lorsqu'elle sentit son corps trembler contre le sien et entendit son souffle dans son oreille. C'était comme s'il luttait contre quelque chose qu'elle ne pouvait pas voir. Trouvant qu’il s’agissait là d’un bon prétexte pour s’abandonner à lui, elle se détendit lentement contre lui et le laissa faire. Elle se sentit étonnée de la chaleur et de la protection qu'elle ressentait lorsqu'il la tenait dans ses bras. Il était si grand et si fort qu'elle pouvait même sentir sa retenue quand il l’étreignait.

Comptant sur son courage pour apaiser sa curiosité, elle garda un ton calme et doux :

– Je ne comprends pas ce que j'ai fait pour attirer son attention.

– En effet… je suis sûr que tu ne comprendrais pas, admit Syn en embrassant doucement ses cheveux noirs avant de poser sa joue contre elle.

Une partie de lui ne voulait pas lui rappeler leur passé houleux… ni voir les éclairs de haine dans ses yeux pour ce qu'il avait fait. Surtout qu’il n'avait pas l'intention de lui demander pardon. Ils méritaient tous de mourir.

– Tu ne m’es pas très utile, ajouta Angelica, se sentant légèrement épuisée par toutes les poussées d'adrénaline qu'elle avait pu subir au cours de ces deux dernières heures.

Elle ne lui avait pas menti… elle n'avait pas peur de lui… pas du tout. Elle l'avait presque vu se suicider pour ramener à la vie un endroit plein d'enfants assassinés. Comment pouvait-elle vraiment le craindre alors que c'était tout ce qu'elle pouvait faire pour ne pas lui tendre la main ? Il fallait qu’elle trouve un moyen de s'éloigner de lui définitivement.

– Tu es cruelle envers moi, Angelica, chuchota Syn après avoir entendu ses pensées les plus profondes. Si tu gardes ton âme enfermée, tu sauras à quel point tu m'as rendu cruel.

Sa peur s’accrut à ses paroles et Angelica essaya de la repousser. Mais en vain. Voulait-il prendre son âme à elle aussi ? Était-ce la raison pour laquelle il la harcelait ?

– Tu n'as aucun droit sur mon âme et tu n'en auras jamais, insista-t-elle alors que son instinct de lutte s'emparait d'elle, la poussant à intensifier sa lutte.

– Et pourquoi ? grogna Syn en sentant sa santé mentale défaillir. Dois-je détruire un autre monde juste pour te le prouver ?

Les yeux d'Angelica s'élargirent et elle s'immobilisa. Que voulait-il dire par détruire un autre monde ? Elle décida de ne pas le lui demander, parce que, sérieusement, qui voudrait savoir ce genre de choses ? Elle ressentit une peur non désirée s'accrocher à elle-même après avoir repoussé les questions qui la dérangeaient dans le coin le plus sombre de son esprit.

Il sentait son souffle s'accélérer, se plaçant contre son cou dans des bouffées douces et chaleureuses. Même si cette sensation était apaisante, elle lui chauffait le sang, ce qui n'était pas bon pour sa maîtrise de lui-même. Ce monde l'avait gardé à distance assez longtemps. Il serra son emprise et courba son corps autour d'elle pour la protéger lorsque les petites ampoules du grand lustre du centre de la pièce se mirent à exploser, envoyant des étincelles qui s’éteignait peu à peu en atteignant le sol.

Angelica commença à regarder le plafond, mais Syn ne la laissa pas lever la tête. Du coup, elle resta pressée contre lui en se demandant que faire. L'aube était en train de se lever, baignant la pièce dans une légère pénombre.

– On serait pas en train de nous disputer, là ? demanda-t-elle en chuchotant.

Parce que si c'était le cas, elle savait déjà que c’est elle qui allait perdre.

– Non, grogna-t-il d'un ton dur.

Il fixa le miroir ovale de la coiffeuse qui se mit à craquer assez fort.

– Et si tu me disais ce qui ne va pas avant d’encore complètement détruire ma chambre ? lâcha Angelica.

Syn se figea lorsqu’il l'entendit dire « encore ». Se souvenait-elle enfin de choses qui ne s'étaient pas produites dans cette vie ? Ni dans ce monde, d'ailleurs ? Son âme était-elle assez forte pour enfin secouer la cage de sa prison mortelle ? Il pointa doucement sa main dans les cheveux noirs dans lesquels ses doigts étaient emmêlés pour qu'il puisse se pencher en arrière d'elle et aller chercher la vérité dans ses yeux.

– Encore ?

Sa voix tremblotait, comme hantée, même à ses propres oreilles.

– Quoi… demanda Angelica, confuse.

Alors ça… c’est comme s’il était partout, ce qui l'empêchait de suivre. C'était vraiment épuisant.

– Tu m'avais dit de te dire ce qu’il n'allait pas avant que je détruise ta chambre… encore une fois, répéta-t-il en insistant sur le mot « encore ».

– C’est bien ce que j'ai fait, chuchota Angelica en sentant des frissons glacés effleurer ses bras. Sa bouche s’entrouvrit pour le nier, mais elle avait dit « encore » et elle ne pouvait pas revenir en arrière maintenant, parce que cela ressemblait vraiment à la vérité.

Syn laissa la frustration l’abandonner et un lent sourire lui fit grimacer les lèvres. Il avait déjà détruit sa chambre plus d'une fois, et même s'il n'avait aucun moyen de savoir quel souvenir avait du mal à percer, il s'en fichait. Bon ou mauvais, il l'attendait avec impatience, ainsi que la bataille qu'ils auraient probablement dû livrer à ce sujet.

Son âme était la plus intime des âmes et lui avait déjà pardonné… c'était ce qu’il restait d'elle et il devait se forcer à se rendre.

L'attrapant en souriant devant tant de confusion, Angelica le repoussa, reconnaissante qu'il lui lâche les cheveux avant de lui faire le coup du lapin.

– Parfait si tu aimes redécorer les chambres pendant ton temps libre… peu importe. Si tu ne pars pas et ne me laisses pas me reposer, c’est moi qui vais te redécorer !

Elle fronça les sourcils lorsqu’il disparut d’un coup, faisant résonner dans la pièce l’écho de son rire chaleureux, qu’elle entendit s'estomper au lointain. Elle ne se souvenait pas l'avoir entendu rire comme ça… ni même sourire pour de vrai. Alors pourquoi cela lui faisait mal à la poitrine, comme si elle avait à la fois récupéré et perdu quelque chose qui lui était cher ?

Se sentant soudainement épuisée, elle se mit à ramper jusqu'au lit et se hissa sur le matelas en essayant d'ignorer la sensation de tout le temps tomber en arrière. Elle vit le vague éclat de son sourire chaleureux. Ce même sourire qu'elle venait de prétendre n'avoir jamais vu. Cette vision fugace lui donna envie d'en voir plus. Fatiguée, elle ferma les yeux en s’abandonnant à ce qui l’entraînait implacablement vers le haut.

Syn réapparut sur le toit du château. Il avait remarqué ces petites nuances d'améthyste scintiller dans ses yeux sombres et avait décidé de ne pas la distraire alors qu’elle cherchait au plus profond de ses pensées. Il avait déjà vu la couleur de ses iris changer, mais seulement quand elle utilisait ses pouvoirs. C'était la seule fois qu'elle s’autorisait à ressentir l'âme puissante qu'elle avait emprisonnée au plus profond d'elle-même.

Il comprenait pourquoi elle protégeait inconsciemment son âme d'un monde où la vie et la mort des mortels pouvaient changer en un clin d'œil. C'était de l'instinct pur, mais cette crainte n'était plus acceptable. À l’instant même où elle l'avait appelé de cette grotte sombre, il lui avait envoyé son pouvoir sous la forme de cette marque qu’elle avait sur sa paume. Plus tard, il avait renforcé ce pouvoir en lui insufflant sa force vitale… même si elle n'était pas consciente de l'importance d'un tel échange.

Elle avait maintenant des capacités dont elle n'était même pas consciente et il ne l'avait pas aidée à s'en rendre compte pour des raisons purement égoïstes. Elle était déjà trop indépendante à son goût. Et même si le temps n'était plus son ennemi et que la plupart des blessures guériraient instantanément, elle était toujours en danger à cause des puissants immortels qui avaient déclaré la guerre à cette ville.

Il y avait encore une chose qu'il pouvait faire pour elle et qui aiderait à égaliser leurs chances, mais il allait devoir être patient, parce qu’il savait qu'elle n'était pas encore prête pour les effets secondaires du mélange de leur sang. Il avait déjà fait cette erreur auparavant. Ce n'était pas la même chose que lorsque leurs enfants partageaient leur sang avec leurs âmes sœurs.

Il fit glisser son regard du toit en ressentant le silence qui venait de la pièce qui se trouvait juste sous lui. En plus, il se disait que s'il la mordait maintenant, elle verrait ça comme la preuve qu'il était exactement ce qu'elle s'était convaincue qu'il était : un monstre.

Être doux avec elle la mettait en danger et il n'en fallait pas beaucoup plus pour le tenter de devenir le monstre dont elle avait besoin. Après tout… il avait déjà joué ce rôle auparavant.




Chapitre 5


Kriss se tenait devant l'immense baie vitrée de leur appartement, une bouteille de Heat, le fameux mélange de Kat, dans une main, et un verre de vin surdimensionné dans l'autre. Il voulait se soûler, mais son métabolisme agaçant et rapide ne lui permettait pas d'obtenir la libération qu'il désirait pour juste quelques instants fugaces. De plus en plus frustré, il serra la main autour du verre, le brisant accidentellement dans sa paume alors qu'il se rappelait qu’il n’avait pas vu Vincent depuis des lustres.

Certes, Vincent ne se souviendra pas de leur première rencontre depuis que Storm avait fait demi-tour… mais Kriss n'oubliera jamais cette expression de haine qu’il lui avait adressée. En rejetant cette haine, il s'était rebellé contre les souvenirs de son enfance, à l'époque où Vincent avait ressenti pour lui exactement les sentiments inverses.

Il n'était pas dans ce monde depuis longtemps quand Dean s'était envolé pour arrêter une horde de démons qui se dirigeaient droit sur eux. Il avait attendu, seul, caché parmi les énormes rochers au pied d'une falaise, suivant les ordres stricts de Dean qui étaient de rester tranquille et caché… parce que cet endroit était sûr. Dans cette histoire, Dean avait eu raison sur certaines choses.

Depuis des jours, Kriss n'avait pas vu d'animaux… encore moins d'humains ou de démons. C'était la première fois de sa vie qu'il se retrouvait seul. Le silence qui l'entourait ne faisait qu'alimenter le sentiment d'abandon et de peur qu'il ressentait en attendant l'amour qu'il avait reçu dans son monde natal et la chaleur et la sécurité que Dean lui y avait données.

Ce fut au milieu de la nuit que Kriss entendit un bruit de cailloux tombant de quelque part juste au-dessus de lui. Il s'était adossé contre l'un des rochers et avait levé les yeux vers la falaise où la lumière du croissant de lune l’atteignait à peine. Tout ce qu’il put voir n’était que de sombres silhouettes ressemblant à des silhouettes de démons ramper vers lui. Il était comme fasciné par la façon dont leurs yeux rouge sang brillaient lorsqu'il les voyait les observer, et par la manière dont leurs corps presque humains se tordaient de la façon la plus effrayante qui soit lorsqu'ils se mouvaient dans l’espace. Il aiguisa son regard, afin de pouvoir se rendre compte que leurs corps décharnés semblaient avoir brûlé de manière profonde, comme si elles venaient de sortir d'un feu invisible. Il pouvait même sentir la pourriture de la viande rôtie à mesure qu'ils se rapprochaient.

Il avait eu si peur qu'il avait rampé en arrière et était tombé de l'autre côté, atterrissant violemment sur un tas de petits rochers pointus qui s'élançaient du sol comme des milliers de pics. Constatant qu'il avait été blessé à plusieurs endroits, il lutta pour se relever en essayant de ne pas empirer son cas.

Au moment où l'odeur de son sang non contaminé s’envola dans la brise, il entendit leurs griffes acérées gratter les rochers. Plusieurs coups de tonnerre lui indiquèrent que certains des démons avaient tout bêtement sauté depuis leur rocher pour l'atteindre.

Et puis, le silence disparut, et fut remplacé par leurs cris troublants qui résonnaient sur les rochers, ce qui lui donna l'impression qu'il y en avait beaucoup plus qu'ils n'étaient en réalité. Passant au-delà des rochers pour s'enfuir, il ne parvint qu'à déchirer ses vêtements et à s’égratigner à plusieurs endroits avant d'atteindre un endroit plus stable pour pouvoir enfin se lever.

En faisant un tour des environs, Kriss se rendit compte qu'il était trop tard pour courir ou essayer de se cacher… il était entouré de démons et ils étaient tous bien plus grands que sa taille d’enfant. Il se tenait debout, figé sur place, alors que de longs doigts griffus venaient de derrière lui pour s'enrouler autour de son visage. Des griffes affûtées lui tranchaient l'arête du nez et les joues pendant qu’un démon le tordait en arrière, puis le secouait brusquement dans les airs comme pour le montrer à ses congénères.

Il n'avait jamais eu à se battre dans son monde et Dean ne lui avait jamais autorisé à se battre dans celui-ci. Il y eut un moment fugace où il se demanda s'il ne valait pas mieux les laisser l'engloutir, plutôt que de rester seul dans cet endroit effrayant. Cette pensée s'évanouit rapidement lorsqu’une douleur se diffusa soudainement en lui, provoquant son instinct de survie à donner un coup de pied vengeur.

Les larmes lui brouillant la vue, il gagna difficilement son premier combat à mort. Le silence régnait une fois de plus dans la zone et il jeta un coup d'œil à ce qu'il avait dans la main juste à temps pour voir sa lame de Déchu illuminée disparaître de sa prise sanglante. Sentant quelque chose peser sur son autre main, il tourna lentement la tête pour voir de quoi il s’agissait et vit des yeux démoniaques qui le fixaient d'un regard vide. Sa main était dans la bouche de la chose… agrippant sa mâchoire… il ne savait pas où était passé le reste de son corps. Il s'était accidentellement éraflé les articulations contre les dents pointues du démon lorsqu’il avait voulu arracher la main de sa bouche en agissant à la va-vite. Il parvint enfin à faire tomber sa tête au sol, qui roula loin de lui en frappant un rocher en plein œil à la fin de sa course.

Il pensa avoir entendu un rire. Mais il se dit qu'il provenait sûrement de l'intérieur de lui-même car tout semblait mort autour de lui. Incapable de supporter l'odeur rance ou la vue de ces corps mutilés, il se retourna et se mit à marcher lentement en direction des rayons de lumière qui apparaissaient sur les collines au loin.

Il ne savait pas combien de temps il avait marché, ni combien de jours il avait mis avant d'entendre un bruit de pas bizarres provenant de devant lui. Il resta là, debout en se balançant et en essayant de ne pas pleurer. En attendant de voir s'il aurait à se battre une fois de plus. C’était du sang de démon… il pouvait le sentir.

Il ne tarda pas à voir un homme monté sur un animal avancer vers lui. Des parties de son corps étaient recouvertes d'une sorte de métal tissé et il pouvait voir une longue épée attachée à son dos dont la poignée dépassait pour être à portée de main. Ne voyant pas de sang sur l'homme, il se rendit compte que c'était lui qui était couvert de sang de démon… depuis tout ce temps !

C'était sa première rencontre avec Vincent. Ils s'étaient regardés fixement alors que ce dernier approchait et Kriss fit plusieurs pas en arrière quand il glissa rapidement de l’animal imposant. Il tourna un regard effrayé en direction de l'épée.

– Ne fais confiance à personne d'autre que moi.

Le souvenir de la voix de Dean résonnait dans sa tête en guise d'avertissement et il se retourna pour s’enfuir.

– Attends… ne t’en vas pas, cria Vincent.

Le ton de sa voix rappelait Dean à Kriss, ce qui le rendit confus, et il ne sut que faire. Il en avait vraiment marre d'essayer de tout comprendre. Il jeta un œil en arrière pour s'assurer que l'homme n'avait pas sorti son épée au moment où il ne le regardait pas.

Vincent poussa un soupir de soulagement en voyant l'enfant s'arrêter. Il lui lança un regard en arrière avec un mélange de curiosité et de scepticisme. Les deux derniers villages qu'il avait traversés étaient dans un chaos sanglant et il n'avait pas trouvé de survivants jusqu'à maintenant. Même sale et couvert de sang, ce garçon semblait en bonne santé et très effrayé, ce qui l'amena à en conclure qu'il s’agissait bien d’un survivant de l'un des villages.

– Où sont tes parents ? lui demanda-t-il, laissant l'inquiétude couper sa voix dans l'espoir de gagner la confiance de l'enfant.

Où étaient ses parents ?

Cette question avait attristé Kriss. Son père n'était même pas dans cette dimension et l'avait probablement déjà oublié… Dean l'avait quitté et n'était jamais revenu. Il sentit la chaleur des larmes lui faire de nouvelles traces sur les joues. Tout ce qu’il trouva à faire pour répondre, c’était de secouer la tête lentement au moment où il se retournait pour faire face à l'homme.

– Tu es blessé ? lui demanda Vincent en venant s'agenouiller devant lui pour ne pas l’intimider à cause de sa taille, assez imposante… l’enfant ne pouvait pas avoir plus de neuf ou dix ans. Il tendit lentement une main et lui palpa la joue sale, la frottant avec le pouce pour lui essuyer les larmes.

Kriss se demanda à quoi cet humain pouvait bien penser en le regardant… il était couvert de sang et portait des vêtements qui ressemblaient à de vraies loques. Comme presque toutes ses blessures étaient déjà guéries et qu'il savait qu'il ne fallait pas dire à un humain ce qu’il s'était réellement passé, il répondit en ne mentionnant que la seule chose vraie de son histoire.

– Je suis tout seul, maintenant.

Puis il se mit à pleurer pour de bon… de bruyants gémissements mêlés au bruit de ses hoquets, poussant Vincent à le prendre dans ses bras en lui chuchotant que tout allait bien maintenant, parce qu'il allait le protéger et prendre soin de lui.

Et en effet, Vincent l'avait protégé, au point de sacrifier sa propre vie.

La douleur du verre brisé dans sa paume ramena Kriss au moment présent. Il ouvrit le poing en voyant le morceau de verre qui en sortait.

C'est ce que Dean avait trouvé quand il était sorti de la salle de bain après avoir pris sa douche. Il fronça les sourcils en voyant Kriss debout face à lui, qui tentait d’extraire un éclat de verre de sa paume. En claquant la porte derrière lui, l’autre Déchu se mit à vaciller et leurs yeux se concentrèrent sur leur reflet dans la vitre. Il n'était pas d'humeur à regarder son amant déchirer une fois de plus cette matinée de son enfance. Une fois avait été plus qu'assez.

Kriss prit une grande inspiration en essayant de soulager la douleur dans sa poitrine.

– Je n'aurais jamais pensé le revoir, Dean. Une partie de moi espérait qu'il m'aurait déjà pardonné. J'essayais juste de lui sauver la vie.

– Kriss, c'était un mortel. Tu as fait beaucoup plus que de lui sauver la vie et tu le sais très bien, dit Dean. Grâce à toi, il peut maintenant ressentir la douleur de la mort… pour l'éternité. Mais aussi, la revivre. Et s'en plaindre. L'esprit humain ne peut pas tout supporter. C'est pourquoi leur durée de vie est faite pour être courte.

– Je sais, grogna Kriss. Tu n'as jamais hésité à me le rappeler. J'ai pris une décision égoïste, mais j'étais tout seul dans un monde où les démons erraient librement, et je ne pensais pas que tu reviendrais. Tu étais parti il y a si longtemps que j'avais peur que les démons t'aient tué… je ne voulais pas le perdre, lui aussi.

Dean soupira et essaya de garder son sang-froid.

– Tu t’es inquiété pour rien : tu l’aurais su, s’il m'était arrivé quelque chose.

– Dean ! Je n'étais qu’un enfant, répondit Kriss. Tout ce que je voulais, c'était que quelqu'un s'occupe de moi ! Et que je m'occupe de cette personne en retour !

– Oooohhh ! Pôv’ petit chou ! ! ! se moqua Dean, bien conscient que le prince adolescent était tombé amoureux du chevalier pendant son absence. Ce petit détail était pour lui une pilule difficile à avaler alors qu'il regardait Kriss pleurer la perte de son amour. Il serra des dents en se demandant si ce dernier n’était pas en train de redevenir obsédé par le coup de foudre de son enfance.

Kriss jeta sa bouteille de Heat à travers la pièce et Dean se pencha légèrement d’un côté pour éviter qu’elle l’intercepte dans sa trajectoire.

– Va te faire foutre, Dean !

– Ahhh ! ! Voilà mon petit prince morveux dans toute sa splendeur !

Sans un mot de plus, Kriss se jeta sur lui, prêt à lui coller un poing au visage.

Dean était prêt à cette attaque. Il attrapa son poing d'une main, et le devant de sa chemise, de l'autre. Avec peu d'efforts, il prit l’élan de la rage du prince Déchu, qui se retrouva au sol. Plusieurs boutons sautèrent sur le plancher, lui laissant la chemise ouverte.

– Tu peux réessayer, si tu le souhaites, l’informa Dean en le regardant de plus près. Je peux faire ça toute la nuit.

Kriss s'affaissa contre le sol comme s'il abandonnait, puis il enfonça soudainement son poing dans la joue de Dean, faisant claquer sa tête sur le côté.

– De toute façon, tu peux pas comprendre ! cria Kriss en le frappant au niveau de l'estomac. Tu ne t'es jamais soucié de savoir si tu étais tout seul ou pas. Tu l'as prouvé quand tu es parti comme un voleur… c’était… quand… pas plus tard qu'hier ? Si l'ambroisie fonctionnait sur les Déchus, je te l'aurais enfoncée dans ta gorge d’égoïste et je n'aurais eu aucun remords à te tuer.

Dean atterrit sur ses pieds et dérapa en arrière sous la force du coup. Alors finalement, Kriss était toujours en colère contre lui ? Ou bien est-ce qu'il lui rejetait tout ça en pleine figure maintenant que son ex-petit ami était de retour en ville ? Sa jalousie se réveilla vite à cette idée.

– Si j'avais su que tu possédais plus que cette seule goutte de la malédiction, je te l'aurais prise juste après que tu aies damné Vincent sur cette terre pour l'éternité ! l’avertit-il alors que Kriss se relevait lentement du sol.

Ne cédant pas devant son semblant de calme une seconde fois, il était préparé à ce que Kriss le percute, ce qui les entraîna dans une chute les écrasant presque à travers la baie vitrée. Dean retourna rapidement Kriss et lui pressa le visage contre le verre épais. Il lui serra un bras autour de la gorge ; l'autre, toujours sous sa chemise ouverte, lui barrait la cage thoracique, ce qui mettait Kriss dans l’impossibilité de se débattre.

– Tu n'es qu'un enfant égoïste et tu l'as prouvé quand tu as jeté à Chad cette malédiction, il y a quelques semaines…

Le sarcasme était à son comble et c’est Dean lui envoya cette raillerie en pleine face. Leurs regards furieux se fixèrent encore dans le reflet de la vitre qui se trouvait juste face à eux.

– J'ai d'abord demandé à Chad et il a accepté… même s'il ne se souvient pas de ma question. Si je lui demandais à nouveau, sa réponse serait la même. Ça sauve des vies, mais tu as toujours regardé l'ambroisie comme si c'était une malédiction… pourquoi ?

Kriss posa là la question qu'il avait toujours voulu demander à Vincent… mais pas à Dean. Il cligna des yeux quand l'emprise de Dean se relâcha, passant d'une forte emprise à une étreinte désespérée.

Dean avait caché beaucoup de choses à Kriss à cause de son innocence. Il n'était qu'un enfant quand les Déchus avaient presque détruit la Terre… mais il était peut-être temps de partager un autre petit secret pas très joli au cas où son prince cacherait plus de sang contaminé. Il appuya ses lèvres contre le pavillon de l'oreille de l'autre Déchu et annonça d’une voix douce et rauque en se disant qu'il allait briser le cœur de son amant :

– Quand les Déchus ont réalisé qu'ils détruisaient la Terre avec leur invasion de démons, les rois et l'élite ont tenu un sommet pour décider du sort de la brèche. La plupart étaient gourmands ; ils ont insisté sur le fait qu'il n'y avait plus qu'une femelle pour cent mâles dans notre monde… c’est pourquoi la brèche a encore dût rester ouverte pendant un certain temps.





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L’essence du sang est un mystère qui a de nombreuses significations. Le sang porte la vie… mais se répand, il peut détruire une vie en un clin d’œil. Certaines légendes disent que le sang est aussi le lien qui unit les âmes… même si l’une de ces âmes est dévastée. Les humeurs et les principes du paranormal de Los Angeles sont mis à l’épreuve quand l’innocence est menacée. On leur rappelle que les démons ne sont pas tous mauvais… et même parfois, les démons ont besoin d’être sauvés des choses qui se passent la nuit. Au cours de révélations mortelles, de résurrection et de l’acceptation de l’inévitable, une nouvelle arme est forgée par la pluie de sang.

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