Книга - Liaisons Interdites

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Liaisons Interdites
Victory Storm


Est-ce qu'un amour qui défie la loi de deux familles séparées  par une haine ancestrale pourra survivre ? ”Liaisons interdites” est la réinterprétation de l'œuvre de Shakespeare ”Roméo et Juliette”, dans une version au goût du jour et une touche de suspense supplémentaire.

Ginevra Rinaldi n'a jamais su ce qu'était la liberté. Ayant vécu dans une prison dorée, étouffante et surchargée de règles édictées par son père, elle  est habituée à obéir et à subir la sanction de sa famille pour tout manquement.

Lorenzo Orlando a renoncé à la succession de sa famille afin d'avoir la liberté de faire ce qui lui plaisait, même au risque de sa propre vie. Aujourd'hui, toutefois, c'est un homme respecté et il est propriétaire de l'établissement le plus prestigieux de Rockart City, le Bridge.

Décidée à rompre le carcan préétabli, Ginevra pénètrera dans l'antre du loup. Que lui arrivera-t-il lorsqu'elle sera envoûtée par  le regard pénétrant de Lorenzo et découvrira qu'elle ne peut plus le fuir ? De combien de temps disposera Ginevra avant de finir dans les filets de Lorenzo ?








Victory Storm




Liaisons interdites

Victory Storm


Copyright ©2020 Victory Storm

Editeur: Tektime

Traducteur (ita --> fr): Jean-Luc Dollat

Cover: https://stock.adobe.com | Projet graphique de Victory Storm

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LIAISONS INTERDITES

Est-ce qu`un amour qui défie la loi de deux familles séparées par une haine ancestrale pourra survivre ? ”Liaisons interdites” est la réinterprétation de l`œuvre de Shakespeare ”Roméo et Juliette”, dans une version au goût du jour et une touche de suspense supplémentaire.

Ginevra Rinaldi n`a jamais su ce qu`était la liberté. Ayant vécu dans une prison dorée, étouffante et surchargée de règles édictées par son père, elle est habituée à obéir et à subir la sanction de sa famille pour tout manquement. Lorenzo Orlando a renoncé à la succession de sa famille afin d`avoir la liberté de faire ce qui lui plaisait, même au risque de sa propre vie. Aujourd`hui, toutefois, c`est un homme respecté et il est propriétaire de l`établissement le plus prestgieux de Rockart City, le Bridge. Décidé à rompre le carcan préétabli, Ginevra pénètrera dans l`antre du loup. Que lui arrivera-t-il lorsqu`elle sera envoûtée par le regard pénétrant de Lorenzo et découvrira qu`elle ne peut plus le fuir ? De combien de temps disposera Ginevra avant de finir dans les filets de Lorenzo ?




Exergue


Deux familles, égales en noblesse,

Dans la belle Vérone, où nous plaçons notre scène,

Sont entraînées par d'anciennes rancunes à des rixes nouvelles

Où le sang des citoyens souille les mains des citoyens.

Des entrailles prédestinées de ces deux ennemies

A pris naissance, sous des étoiles contraires, un couple d'amoureux

Dont la ruine néfaste et lamentable

Doit ensevelir dans leur tombe l'animosité de leurs parents.

Les terribles péripéties de leur fatal amour

Et les effets de la rage obstinée de ces familles,

Que peut seule apaiser la mort de leurs enfants,

Vont en deux heures être exposés sur notre scène.

Si vous daignez nous écouter patiemment,

Notre zèle s'efforcera de corriger notre insuffisance.

( Extrait de Roméo et Juliette

de William Shakespeare,

traduction de François-Victor Hugo)




Chapitre 1

GINEVRA


"Je ne sais pas, Maya. Il vaudrait peut-être mieux laisser tomber", murmurai-je en m’efforçant de maîtriser l'angoisse qui m'envahissait.

"Allez, Ginevra, laisse-toi aller pour une fois ! N'en as‑tu pas assez de toujours devoir te soumettre aux règles de ta famille ? Tu ne me feras pas croire qu'une partie de toi‑même ne désire pas sortir des sentiers battus pour s'amuser comme n’importe quelle fille de ton âge !", laissa échapper mon amie en râlant.

Bien sûr que je le voulais ! Mais ce n'était pas évident pour quelqu'un qui, comme moi, avait le sang italien des Rinaldi dans les veines.

Être la fille d'un boss de la mafia signifiait mener une vie prédéterminée, encadrée par des règles et des limitations édictées par un padre-padrone.

Le fait d'être la plus jeune ne me donnait pas plus de liberté et toute erreur ou transgression était sévèrement sanctionnée. C'était la raison pour laquelle j'avais appris assez tôt à respecter les volontés familiales.

Je m'étais toujours parfaitement comportée mais, au cours des dernières années, depuis que je fréquentais l'université, j'avais commencé à souffrir de cette rigidité typique de mon père et de ce perfectionnisme maniacal de ma mère.

J'avais changé depuis que j'avais été confrontée avec une réalité aussi ample que celle de l'université, dont les étudiants n'étaient pas sélectionnés ni évalués selon les mêmes critères que l'école catholique féminine où j'avais étudié jusqu'alors.

J'avais appris qu'il existait d'autres styles de vie et que, en l'absence de mon père du conseil de faculté, le fait que je fûsse une Rinaldi n'intéressait absolument personne.

Pour la première fois de ma vie je m’étais permise d'être moi‑même et d'embrasser des idéaux que mon père abhorrait.

Ces deux dernières années j'étais devenue la brebis galeuse de la famille, celle qu'il fallait éviter ou traiter comme une pauvre dégénérée ; la vérité était que je ne m'étais jamais sentie vivre pleinement jusqu'alors.

Petit à petit j'avais coupé tous ces liens qui m'ancraient dans la famille ; mais j'étais encore loin de jouir pleinement de la liberté et de la faculté de faire ce qui me plaisait, comme prendre des décisions relatives à mon avenir sentimental ou professionnel.

Jusque là je m'étais contentée d'observer Maya, la fille du comptable du patrimoine des Rinaldi et ma seule amie tandis qu'elle transgressait allègrement les règles de sa famille, laquelle respectait à la lettre les lois de mon père.

J'enviais Maya à chaque fois qu'elle m'appelait pour me demander de la couvrir pendant qu'elle fréquentait des amis à elle, non appréciés par ses parents, ou qu’elle sortait avec un garçon.

J'avais toujours admiré sa crânerie vis‑à‑vis de sa famille dont elle défiait la volonté.

Combien de fois aurais‑je voulu l'accompagner, mais le poids de mon nom m'en avait toujours empêchée.

Cependant Maya avait raison : il ne m'était plus possible de continuer ainsi. Je venais de terminer ma première année à l'université sans avoir éprouvé l'ivresse d'une liaison, de la rencontre secrète d'un garçon ou d'une folle soirée en vadrouille en compagnie de parfaits inconnus.

"Ok, allons-y !" m'exclamai‑je enthousiaste, la voix encore nimbée d'appréhension.

"Tout ira bien, tu verras. Je l'ai fait plus d'une centaine de fois et je te garantis que je n'ai jamais eu de problème", me rassura Maya.

"J'ai tout simplement peur que quelqu'un me reconnaisse et que mon père l'apprenne."

"J'ai pris toutes les précautions utiles. Regarde un peu", dit‑elle en me tendant une perruque aux longs cheveux blonds ondulés.

Comprenant, je blêmis :"Ce n'est pas vrai ! Tu plaisantes ?"

"Ma chérie, tu es la fille du propriétaire de la moitié de Rockart City. Tu ne peux pas sortir sans attirer l'attention."

"Personne ne sait plus qui je suis. Cela fait deux ans que mon père ne m'inclut plus dans ses interviews et il ne m'invite même pas aux cérémonies d’inauguration. Tout le monde pense qu’il n’a que deux enfants et pas trois. Mes apparitions à ses côtés sont plus qu’épisodiques depuis que je suis devenue végétarienne et que j’ai commencé à parler des droits civiques."

Maya gloussa :“Il ne t’a pas encore pardonnée d’être devenue végétarienne ?”

“Non. Quand nous mangeons ensemble il fait déposer un bifteck dans mon assiette que j’éloigne de moi à chaque fois, ce qui l’énerve au plus haut point. Maintenant je mange toujours en solitaire dans l’annexe où j’ai été reléguée”, lui expliquai‑je tristement. Il était assez douloureux de se sentir rejetée en permanence par sa famille.

“Trop cool ! Là tu es toute seule et tu peux faire tout ce que tu veux !”

“Si seulement c’était vrai ! Rappelle‑toi qu’il y a des caméras de vidéo-surveillance disséminées un peu partout dans la maison. Je n’ai pas de vie privée et, souvent, je me demande si je réussirai jamais à me détacher de la famille et à vivre pleinement ma vie, trouver un travail et épouser l’homme que j’aime...”

“C’est impossible tant que tu demeureras à Rockart City. Une feuille ne peut pas bouger à l’est de la Safe River sans que ton père en soit tenu au courant... Ton unique espoir est de partir loin, très loin d’ici, là où ton père ne pourra pas parvenir car tu sais parfaitement qu’il ne te laissera jamais agir de ton propre chef. Il mettra tout en œuvre pour t’empêcher de travailler pour subvenir à tes propres besoins, t’empêchant de couper ce cordon ombilical qui t’enchaîne encore à lui malgré tes vingt-trois ans !”

“Et à coup sûr, il ne me laisserait jamais épouser qui je veux.”

“Oublie tout cela, Ginevra ! Pense simplement à toutes les relations amoureuses que tu as eues jusqu’à présent.”

“Je n’en ai eu qu’une seule, trois jours durant, pendant ma dernière année de high school.”

“Daniel Spencer, n’est-ce pas ?”

“Oui. À peine ai‑je pu échanger un premier baiser avec lui avant d’apprendre que lui et toute sa famille avaient été exilés de Rockart City pour toujours.”

“Tout ça pour un baiser... Je n’ose même pas imaginer ce qui se serait passé si tu avais couché avec lui.”

Je ris faiblement : “J’aurais atterri dans les oubliettes du château, comme un prisonnier de guerre”, même si j’étais convaincue que je subirais le même sort. Je n’avais pas oublié le coup de sang de mon père ni la gifle dont il m’avait gratifiée lorsqu’il avait découvert le béguin que j’éprouvais pour le fils de David Spencer, l’individu qui lui avait fait louper une affaire deux ans auparavant.

Edoardo Rinaldi avait la rancune tenace.

“Bah, cette fois je te promets qu’il n’arrivera rien et ton père n’en sera jamais informé”, me rassura Maya, passant la perruque blonde sur mes cheveux châtains qui me descendaient sur les épaules.

Je me regardai dans le miroir.

J’eus envie de rire parce que j’étais méconnaissable avec cet eye-liner noir et ces cheveux qui m’arrivaient à la taille. De plus, la robe que m’avait faite endosser Maya était à l’opposé de mon style bon chic-bon genre habituel.

Cette robe rouge sans épaulettes et cette veste noire aux manches courtes me donnaient une aura de femme cosmopolite, entreprenante et transgressive, tout le contraire de ma personnalité.

Surprise, je m’exclamai : “Est-il possible que ton père ne remarque rien de tout ces achats ?”

“Mon père n’est pas aussi circonspect que le tien mais il pointe toutes les dépenses effectuées par carte de crédit. Quant à ma mère, elle passe ma garde-robe en revue une fois par mois si mon père se plaint du relevé.”

“Ta mère est comme la mienne. Comment se fait-il qu’on ne te reproche pas tous ces achats ?”

“Ma mère n’est pas au courant de ma double vie. J’ai un accord avec la vendeuse du magasin de fringues : elle me laisse emporter ces vêtements à la maison pour les essayer pendant vingt‑quatre heures ; je les lui ramène le lendemain, intacts, lorsque je vais acheter des habits plus conformes aux goûts de ma mère”, dit-elle, me dévoilant son stratagème. Ce faisant elle me montra l’étiquette encore attachée à la robe avant de la cacher dans le décolleté, sous l’aisselle droite.

“Tu es géniale !”

“Je sais mais souviens‑toi de prendre bien soin de cette robe car demain je dois la rapporter en parfait état au magasin.”

“Promis, juré !”

“Bon, alors allons-y. L’employée de maison m’a laissé les clés de la voiture qui sert à faire les courses et, ainsi accoutrées, nul ne nous reconnaîtra lorsque nous nous dirigerons vers la sortie. Pas même le garde du corps qui t’a conduite ici et qui t’attend, garé à l’extérieur de la grille.

“Je l’espère, autrement je suis morte.”

“Par précaution laissons les téléphones portables ici pour éviter que le signal GPS nous fasse pincer ; enfin nous n’emporterons dans nos sacs à main que de l’argent liquide et le faux document d’identité que je t’ai procuré. Ce soir, rappelle‑toi que je ne m’appelle plus Maya Gerber mais Chelsea Faye ; quant à toi tu n’es plus Ginevra Rinaldi mais Mia Madison, de Los Angeles.”

“Tu as vraiment tout prévu, n’est-ce pas ?”

Maya pouffa de rire. “Ginevra, après cinq années d’escapades secrètes, je pourrais même m’évader d’une prison”, dit‑elle, ce qui détendit l’atmosphère.




Chapitre 2

GINEVRA


Mon cœur battait à tout rompre.

C’était la première fois que je faisais quelque chose de dingue et j’étais morte de trouille.

Je suivis Maya en silence, malgré mes hauts talons.

Tout le monde était parti se coucher et la maison était déserte.

Nous sortîmes par la porte de derrière et nous nous dirigeâmes vers la voiture garée à proximité immédiate, d’après les ordres donnés par mon amie.

Nous montâmes à bord d’une vieille Toyota Corolla et, l’instant d’après, nous démarrions.

Lorsque la voiture franchit la grille d’entrée je me cachai afin de ne pas me faire remarquer des occupants du véhicule garé à proximité. C’était dans cette voiture qu’on m’avait amenée ici et elle ne serait pas repartie sans moi.

Je détestais ce contrôle permanent de tous mes faits et gestes mais je ne savais pas comment me libérer de cette prison sans barreaux.

Le fait d’être une Rinaldi était ma croix et je la porterais jusqu’à ma mort.

Je commençai à me détendre lorsque nous empruntâmes la voie rapide. Mais à peine entrevis‑je la Safe River que ma respiration s’arrêta : c’était la première fois que je la voyais réellement.

Aussitot la peur pénétra toutes les cellules de mon corps.

Je m’agitai nerveusement, voyant que mon amie franchissait le pont qui reliait les quartiers est et ouest de Rockart City : “Maya, où allons-nous ?”

“Nous nous rendons dans un endroit où ta famille ne viendra jamais nous chercher.”

“Es‑tu devenue folle ?! Il est interdit aux Rinaldi de s’approcher du fleuve ! Si un membre de la famille Orlando découvre ma présence dans cette partie de la ville, il me descend !”, m’écriai-je terrorisée. Je haïssais toutes les règles et limitations imposées par mon père, sauf une : celle de ne pas traverser le fleuve. Je l’avais acceptée de mon plein gré, promettant de ne jamais l’enfreindre si je ne souhaitais pas mourir prématurément.

“Je suis parfaitement au courant. C’est la raison pour laquelle nous avons de faux documents d’identité.”

“Ceci ne me rassure pas beaucoup, Maya.”

“Chelsea ! Rappelle-toi que je m’appelle Chelsea et toi Mia ! Ne te trompe pas ou nous sommes fichues !”

Le voyage se poursuivit, moi enfoncée dans le siège du passager, les battements de cœur qui me martelaient les tempes, incapable de profiter du panorama de cette partie de la ville que je n’avais jamais vue.

“Tout ira bien, tu verras”, me répétait Maya alors que j’étais prête à m’enfuir à l’instant‑même pour revenir sur mes pas en jurant de ne jamais renouveler l’expérience.

C’est à peine si je me rendis compte que Maya venait de couper le contact à proximité d’une autre voiture garée sur le bas‑côté, avec deux charmants garçons à son bord.

“Le conducteur s’appelle Lucky Molan. C’est celui qui m’a tourné la tête et dont je t’ai beaucoup parlé ces derniers temps. Je l’ai connu grâce au site Privatelessons.com. C’est lui qui me donne des cours particuliers d’économie via internet, en cachette de ma mère qui me prend pour un génie. Cela fait deux ans que je me morfonds après lui et ce n’est que maintenant, après avoir décroché mon master, qu’il a consenti à sortir avec moi. Toutefois, lorsqu’il a proposé une sortie en groupe avec son frère qui vient de rompre d’avec sa copine, je n’ai pas pu refuser.”

“C’est la raison de ma présence ici, pas vrai, pour occuper le petit frère pendant que toi tu te la coules douce avec l’amour de ta vie ?”

“Je ne dirais pas les choses comme ça mais... oui c’est vrai. Je t’en prie Gin... Mia, il est vital que tout se passe bien parce que je n’ai pas l’intention de m’arrêter à une seule sortie à quatre.”

“Il y quelque chose qui m’échappe. Sait‑il que tu es Maya Gerber ?”

“Absolument pas. Tu sais que je ne tiens pas à dévoiler ma véritable identité. Je ne tiens pas à ce que l’on sache que je prends des cours particuliers.”

“Donc votre relation est basée sur le mensonge. Comment crois‑tu qu’il soit possible de construire quelque chose de durable en agissant ainsi ?”

“Pour l’instant je m’amuse, vu ? J’ai envie de sortir avec Lucky et peut‑être de coucher avec lui. Je n’ai pas dit que je vais l’épouser !”

“Je pense que ton père ne le permettrait pas.”

“Lucky habite à l’ouest du fleuve, donc c’est zone interdite. Même si je ne m’appelle pas Rinaldi, Papa ne veut pas que je fréquente ces quartiers.”

“Si on tient compte de tout ce que ton père sait de ma famille et ce qu’il gère pour elle, je pense que tu es autant en danger que moi par ici.”

“C’est possible mais je m’en fiche ! Je suis trop jeune pour penser à ces choses‑là.”

“Ou trop stupide”, murmurai-je, ce à quoi elle répondit par une grimace.

En silence, comme si j’avais peur qu’on m’entendît, je sortis de la voiture et me dirigeai avec Maya en direction des deux garçons.

Ils étaient tous les deux blonds aux yeux bleus.

De la chaleureuse embrassade que Maya échangea avec le plus grand et plus mince des deux, je devinai qu’il s’agissait de Lucky.

L’autre s’approcha de moi : “Enchanté, je m’appelle Mike”, l’air déprimé et d’une taille de quelques centimètres supérieure à la mienne.

“Mia”, me présentai-je, m’efforçant d’étouffer un soupir, de crainte de révéler mon nom véritable.

Combien aurais‑je voulu être aussi souple et désinvolte que Maya !

“J’ai réservé au Bridge. Sachez que j’ai dû solliciter un ami pour la faveur d’obtenir un pass de cette boîte. C’est un lieu très exclusif, inapprochable pour nous autres simples mortels”, dit Lucky en rigolant et nous indiquant un édifice à quelques pas de nous.

“Écoutez, je pensais que nous aurions pu nous rendre au Lux... J’y suis déjà allée et j’ai bien aimé l’endroit”, intervint Maya dont la pointe d’anxiété dans la voix me préoccupa. Ce n’était pas son genre d’avoir peur et la crainte resurgit en moi de plus belle.

“Chelsea, l’occasion ne se représentera pas et le pass n’est valable que ce soir. En outre c’est l’occasion d’entendre la fameuse pianiste Folkner”, l’interrompit Lucky.

Je regardai Maya et lus une forte indécision dans ses yeux sombres, jusqu’à ce qu’elle acquiesçât faiblement.

“Tout ira bien”, me glissa‑t‑elle à l’oreille, saisissant ma main avec trop de force pour qu’elle ne m’effrayât point.

Je ne sais pas où je trouvai le courage de placer un pied devant l’autre pour me diriger vers ce qui me semblait être un nid de vipères.

Ce n’est qu’à deux pas de l’entrée que, levant les yeux, je lus l’enseigne ; pour la enième fois ce soir, je sentis la terre s’affaisser sous mes pas : “ The Bridge. Orlando’s Night”.

Comme s’il avait lu dans mes pensées, Mike m’expliqua que cet établissement appartenait à la puissante famille italienne des Orlando, les premiers arrivés à Rockart City (même si certains soutenaient que les Rinaldi fussent les premiers installés), qui avaient transformé cette vallée désolée en pôle d’attraction pour les migrants, donnant naissance à ce qui était l’une des villes historiques les plus prospères des États-Unis.

Cet établissement avait été la première activité commerciale au cœur de Rockart City, à l’ouest du fleuve.

Mike me fournit quelques informations : “Après le décès du grand Giacomo Orlando, la gestion de l’établissement est passée aux mains de son petit‑fils Lorenzo, la brebis galeuse de la famille. Il s’est chamaillé avec tous et a refusé de prendre la succession de son père Salvatore. Il a échappé à l’ire des Orlando parce qu’il était l’aîné, fils unique et le préféré de son grand‑père : sur son lit de mort, ce dernier l’avait prié de ne pas abandonner la ville et de poursuivre l’activité de l’établissement, pierre angulaire de la famille Orlando. Par amour pour son grand‑père, Lorenzo a accepté et a transformé cet établissement en lieu le plus exclusif et prestigieux de Rockart City.”

“Ce doit être un type génial.”

“Oui, et il n’a que vingt-neuf ans. Mais ne t’attends pas à un chevalier dans une brillante armure ; c’est un requin comme tous les Orlando et il ne pardonne pas le moindre écart. Un seul faux‑pas avec lui et on risque de faire une triste fin. Je me souviens d’une bagarre que deux types avaient déclenché l’an dernier, bagarre qui avait entraîné une intervention de la police. Eh bien, depuis ce jour on se demande bien la fin qu’on faite ces deux abrutis. Si la famille Orlando dirige tout le monde et tout ce qui bouge à l’ouest de Rockart City, au Bridge l’unique loi en vigueur est celle de Lorenzo. Tout ce qui gravite autour de lui est archi‑blindé et le rend inaccessible s’il n’y consent pas. La ville était convaincue qu’en renonçant à l’héritage de la famille, il aurait perdu tout pouvoir ; et malgré tout Lorenzo a démontré qu’il s’en sortait très bien tout seul. Il dispose aujourd’hui d’un pouvoir comparable à celui de sa famille, chose d’autant plus remarquable qu’il se l’est construit tout seul.”

“Bof, le nom de sa famille l’aura aidé.”

“À présent, oui. Pas au moment où il avait coupé les ponts avec sa famille. La moitié des parents voulait sa tête lorsqu’il les a envoyés balader. Son grand‑père, chef de tous les Orlando, l’aurait protégé mais, après son décès, Lorenzo s’est retrouvé tout seul.”

“Il doit avoir un sacré courage pour défier aussi ouvertement sa famille”, m’exclamai-je avec une pointe d’envie. Combien aurais‑je voulu être comme lui ou avoir un grand‑père qui me soutînt. Mais mes grands‑parents étaient tous morts ou retournés en Italie.




Chapitre 3

GINEVRA


Malgré la tension, je fus pénétrée de l’atmosphère merveilleuse du Bridge quand je pénétrai dans l’établissement.

Ce night‑club était très sobre, élégant, raffiné ; les murs étaient tapissés de bleu roi avec des arabesques florales dorées qui reflétaient la chaude lumière issue des lustres en cristal.

Les tables étaient sombres, opaques, à l’opposé du plancher constitué de marbre noir africain aux veines dorées.

La musique qu’interprétait la pianiste se répandait harmonieusement en ce lieu, m’incitant à me détendre pour profiter pleinement de cette expérience inoubliable.

Lucky et Mike nous installèrent à une table entourée de canapés et de fauteuils de style rétro recouverts de cuir noir.

Le cadre était un peu sombre mais, grâce à l’éclairage et à l’accueil qu’on percevait, il était impossible de se sentir mal à l’aise en ce lieu. Nous étions les bienvenus et traités avec des égards par un personnel affable, prêt à accourir au moindre appel, sans jamais être envahissant ni indiscret.

“Où mène cet escalier ?”, demandai‑je à Mike qui avait pris place à côté de moi.

“Je n’ai jamais mis les pieds ici mais on m’a expliqué qu’au premier étage se trouvent des pièces privées et des chambres pour dormir. Il ne s’agit pas d’un hotel mais Lorenzo Orlando a voulu créer une section pour ceux qui auraient besoin de cuver leur vin ou pour d’autres qui seraient venus ici en galante compagnie. Au sous‑sol se trouve une grande salle de réception et un billard. Je ne sais pas ce qui s’y passe mais certains disent que ces locaux seraient liés au crime organisé sous l’égide de la famille Orlando. Enfin au second et dernier étage se trouve vraisemblablement le logement du propriétaire.”

“De cette façon il ne perd pas ses affaires de vue”, notai‑je avec suspicion.

“C’est un homme qui aime bien tout contrôler.”

“Je l’avais bien compris.”

“Même en ce moment il est présent ici et nous tient tous à l’œil.”

“Depuis son appartement ?”

“Non, de cet endroit”, me corrigea‑t‑il, indiquant d’un geste du menton un espace surélevé dans le fond de l’établissement.

“Ne le regarde pas ! S’il te chope, il lui vient des soupçons et il nous chasse !”, me reprocha Mike. Mais j’étais trop curieuse. Je n’avais jamais rencontré un Orlando de ma vie et j’étais intriguée.

Je sondai chacun des individus présents à cette table en position privilégiée, à laquelle un petit escalier de six marches permettait d’accéder.

Il y avait trois hommes et cinq femmes.

L’homme sur la gauche était concentré sur son portable et ne semblait accorder aucune attention à la conversation que tenait l’individu à sa droite lequel gesticulait en racontant quelque chose de drôle qui faisait rire les femmes présentes.

Lequel parmi eux pouvait être Lorenzo Orlando, me demandai‑je.

Celui qui était concentré sur son téléphone portable peut‑être ?

Je déplaçai le regard sur la droite et mes yeux affrontèrent ceux du troisième homme.

Profondément gênée de m’être laissée surprendre à le fixer, j’abaissai le regard et me tournai vers mes amis qui étaient en train de commander une Menabrea.

J’en commandai une également, sans trop savoir à quoi m’attendre. J’étais encore sous le coup de l’émotion provoquée par ces yeux fixés sur moi.

Incapable de me contrôler et de me concentrer sur la conversation autour de ma table, je dirigeai à nouveau le regard vers cet homme.

Je sursautai en notant qu’il me fixait toujours.

J’allais encore détourner le regard mais quelque chose en moi me dicta de tenir bon et ne pas montrer mon embarras.

De plus je voulais savoir ! C’était donc lui le fameux Lorenzo Orlando ?

Je soutins son regard que je ne lâchai plus.

Malgré la lumière tamisée je notai la couleur ambrée de ses yeux. Une couleur pleine, jaune ocre avec des stries cuivrées.

Je n’avais jamais vu des yeux d’une semblable couleur et j’en étais soufflée.

Ils avaient quelque chose de magnétique, de fascinant et de catalytique.

C’est lui Lorenzo Orlando ! J’en suis sûre !

Je l’admirai, laissant mon regard se promener sur son visage carré, sa peau bronzée et sur la barbe non rasée qui lui couvrait la mâchoire.

J’étais surprise. Je m’attendais à trouver un homme tiré à quatre épingles, très posé, attentif à donner une image parfaite de lui. Et au contraire...

L’ébauche de barbe, les cheveux châtains en désordre, des yeux cernés... tout ceci donnait plutôt l’impression d’un homme d’expérience auquel la vie n’avait pas fait de cadeau, qui avait dû créer son espace vital de lui‑même.

J’étais fascinée et enchantée par cette image.

Cependant Lorenzo Orlando était tout sauf un homme qui se négligeait, un excentrique ou quelqu’un de peu attentif aux détails.

Les choses paraissaient parfaites dans leur imperfection apparente et son complet sombre en soie faisait pendant à une chemise noire ouverte ; une aura de pouvoir qui semblait transpirer de tous les pores de sa peau.

Il était ouvertement irrésistible. La façon maîtrisée de se tenir assis, sa manière de porter une boisson à ses lèvres attirantes tout en me regardant, me troublaient et m’attiraient vers lui, telle une phalène vers la flamme.

Dangereux et charmeur comme le démon.

C’était l’opinion que je m’étais faite de lui.

J’étais encore en train de le regarder, captivée, quand je vis qu’il portait un toast avec sa coupe de Manhattan dans ma direction.

Mes joues s’enflammèrent et son sourire séducteur me fit comprendre à quel point ma gêne était perceptible.

Je sombrai dans la honte et détournai aussitôt le regard.

Mon trouble était tel que je percevais les battements de cœur sous ma boîte crânienne.

À la seule pensée d’avoir failli, à deux reprises, me faire pincer pour avoir regardé un homme que je n’aurais jamais dû rencontrer, j’eus envie de m’enfuir à toutes jambes.

Ginevra, tu es en train de jouer avec le feu !

Je regardai la table où un bock de bière était posé devant moi.

La marque de la bière italienne Menabrea trônait sur le verre.

Je fis la grimace.

Je n’aimais pas la bière.

À la fin et dans l’incapacité de faire quoi que ce soit, je me résolus à écouter Mike qui avait commencé à me parler de son ex‑petite amie avec laquelle il avait partagé quatre années.

Je fis semblant d’y accorder de l’intérêt pendant un certain temps.

Mon esprit, en réalité, retournait à cet individu assis à quelques mètres de moi et vers ses yeux dorés qui m’hypnotisaient.

Malheureusement, après un quart d’heure, l’ennui prit le dessus et, sans pouvoir l’éviter, mon regard revint vers Lorenzo Orlando.

Je ne pouvais pas croire qu’un homme comme lui pût faire du mal à un Rinaldi.

Même si je percevais quelque chose de ténébreux et un voile d’agressivité, Lorenzo semblait être une personne qui se maîtrisait et trop détendue pour faire du mal à qui que ce soit.

Comme s’il avait senti que je le regardais, il se retourna subitement vers moi.

J’eus la souffle coupée quand je perçus son regard dur et soupçonneux.

Effectivement, Lorenzo était un homme dangereux et je me sentis prise au piège à l’improviste.

Je me tournai immédiatement vers Mike, me promettant de ne plus lever les yeux vers Lorenzo.




Chapitre 4

GINEVRA


Bien que prestigieuse et de pur malt italien, je trouvais inconvenant de boire une bière, fût-ce une Menabrea, dans un établissement d’une telle classe. D’autant plus que je n’aimais pas la bière.

Je choisis de passer commande d’un Bellini en me libérant de Mike par la même occasion, lequel m’abreuvait avec l’exposé minutieux de la rupture d’avec son ex- . Je me levai et me dirigeai vers le bar pour commander ma boisson favorite.

Je m’installai sur un escabeau et attendis le barman qui accourut presque aussitôt pour me servir.

Aimablement, je demandai : “Un Bellini, s’il vous plaît.”

Immédiatement le serveur prit une pêche blanche dont il mixa la chair avant de la filtrer au travers d’une passoire à mailles fines.

J’étais tellement sous le charme de ses gestes fluides et précis et de la musique que jouait la pianiste Folkner à côté, que je ne me rendis pas compte que quelqu’un s’était assis à côté de moi.

“Bonsoir”, murmura à l’improviste une voix chaleureuse et profonde à côté de moi, me faisant sursauter.

Je me tournai vers la gauche et me retrouvai nez à nez avec Lorenzo Orlando.

En un instant ma gorge se dessécha et mon cœur se mit à battre avec violence dans ma poitrine.

Après m’être faite surprendre à trois reprises à le regarder, j’avais fait mon possible pour distraire mon attention et oublier les dangers au devant desquels j’allais en fréquentant ce lieu.

Heureusement les explications de Mike m’avaient aidée mais à présent je me sentais seule, sans défense et totalement vulnérable devant une présence aussi élégante et menaçante, que proche de moi.

Je m’efforçai de répondre à son salut mais les syllabes me restèrent coincées dans la gorge, me faisant littéralement suffoquer.

J’avais l’impression de brûler sous son regard d’ambre, pendant qu’il me regardait avec insistance attendant une réponse de ma part. Il était incrédule et perplexe devant mon silence.

J’étais tellement troublée que mon cerveau se mit en panne et je ne me rappelai plus de rien. La seule chose que me hurlait mon esprit était de ne pas me découvrir en dévoilant ma véritable identité.

Je regardai dans la direction de Maya, pour chercher de l’aide, mais elle embrassait Lucky.

Je tournai mon regard vers Lorenzo.

Il me fixait toujours et je me sentis traquée encore davantage.

J’étais sur le point de m’échapper et disparaître pour toujours lorsque le barman vint à mon secours en m’apportant le Bellini.

En essayant de contenir les tremblements provoqués par mon anxiété, je saisis le calice.

En pivotant sur le tabouret afin de me lever mes genoux frôlèrent les siens et je retins mon souffle.

Je levai les yeux, espérant lire indifférence ou distraction dans son regard, mais je fus transpercée par la noirceur de ses pupilles dilatées.

Dans son complet noir il ressemblait à une panthère prête à attaquer sa proie.

“Excusez‑moi”, bredouillai‑je, m’écartant vivement pour rejoindre mon amie.

J’allais faire un pas pour m’éloigner de celui qui annihilait mon sang-froid quand je sentis une prise, à la fois ferme et délicate, autour de mon bras.

Effrayée, je m’arrêtai et vis la main bronzée de Lorenzo sur ma peau claire.

Angoissée, je gémis.

Quand un Orlando et un Rinaldi se rencontraient, cela se terminait toujours de la même façon : par la mort de l’un des deux.

À ce moment‑là je perçus avec certitude que j’étais celle qui avait la plus faible probabilité de survie.

Je ne pouvais pas voir l’expression de mon visage mais elle dut être suffisamment éloquente pour que Lorenzo me lâchât.

“Vous ne pouvez pas rester ici”, murmura‑t‑il tout près de moi, tandis que sa main allongée et soignée s’éloignait de mon bras mince et éprouvé par cette expérience surréaliste.

J’en restai bouche bée. Comment Lorenzo Orlando avait‑il découvert que j’appartenais à la famille Rinaldi ?

Je bredouillai : “Je... je...”, incapable de trouver une excuse plausible.

“Je ne tolère pas les freelances et en ce moment je n’ai pas l’intention d’embaucher de nouvelles entraîneuses”, m’avertit‑il d’un ton sévère, me montrant d’un signe de tête un groupe de femmes élégantes et sexy qui flirtaient et bavardaient aimablement avec des clients.

Entraîneuses ?!

Lorenzo m’avait prise pour une call girl !

Regardant ma robe je m’aperçus qu’elle était assez osée ; mais je n’imaginais pas qu’on pût me prendre pour une fille aux mœurs légères.

En outre je trouvais mesquin et digne d’un esprit étroit de juger une femme sur ses habits.

Relevant le menton et adoptant l’attitude la plus froissée et la plus hautaine possible, je m’approchai calmement de l’individu auquel j’aurais voulu flanquer des baffes.

“Je ne suis pas une prostituée”, dis-je, vexée, recouvant l’usage de ma voix suite à la colère subite qui parcourait mon corps en cet instant.

“Elles non plus. Ce ne sont que des entraîneuses. Si elles offrent un supplément de service ce n’est pas mon problème. L’essentiel est qu’elles le fassent en dehors d’ici”, répliqua‑t‑il, surpris par le ton fort peu amène de ma voix.

Je répondis aigrement et sur un ton résolu : “Très bien, je rectifie : je ne suis pas une entraîneuse.”

“Les apparences sont parfois trompeuses”, répondit‑il, décidé à avoir raison. Apparemment je n’étais pas la seule à me comporter avec une telle attitude vis‑à‑vis du personnel.

Intérieurement je souris : je sentais l’envie de combattre cette bataille et de remporter la victoire.

Qui sait d’où me venait ce courage subit après avoir eu aussi peur... C’était peut‑être l’adrénaline qui me tendait comme un ressort.

“Je vous en prie. Je vous pardonne. Je peux imaginer que quelqu’un qui vient d’être récemment libéré puisse avoir des moments de trouble et se méprendre face à des situations sans équivoque.”

Il répéta, perplexe : “Libéré ?”, avec une pointe de menace dans la voix. Il était clair qu’il faisait un gros effort pour ne pas m’agresser.

Je pris mon courage à deux mains, grâce au sang‑froid qu’il montrait sans céder d’un pouce. Je connaissais cette forme d’orgueil et je savais ce qu’elle cachait.

“Oui. Admettez‑le : cela fait combien de temps que vous êtes sorti ? Deux jours ? Une semaine ?”

“Sorti de quoi ?”, demanda‑t‑il sèchement, faisant un effort notoire sur lui‑même, bien que je ne doutais pas qu’il connût la réponse.

“De prison, évidemment. Je suis capable de reconnaître quelqu’un qui sort de prison et qui a du mal à se réadapter aux règles de la vie en société.”

De stupeur il ouvrit brièvement la bouche : il n’était assurément pas habitué à ce qu’on lui parle ainsi. Mais il était trop posé pour jeter le masque d’homme parfait qu’il affichait en présence des autres.

“Qu’est‑ce qui vous fait croire que je viens de sortir de prison ?”, siffla Lorenzo, les yeux rétrécis et serrant la mâchoire.

“Par votre apparence.”

“Par mon apparence”, répéta‑t‑il posément, comme le calme avant la tempête

Je renchéris : “Oui, bien sûr. Ces cheveux n’ont pas connu les ciseaux du coiffeur ni un peigne depuis belle lurette”, lui montrant sa chevelure savamment décoiffée, sans manquer d’élégance. “Même cette ébauche de barbe vous donne l’air d’avoir vécu, un passé dissipé... Sans parler des cernes sous vos yeux qui ne laissent pas présager des nuits calmes ; ce qui est compréhensible : je suppose qu’il est difficile de partager une cellule avec un étranger qui pourrait avoir de mauvaises intentions. Malheureusement il n’existe pas encore de législation relativement aux abus sexuels entre détenus, donc vous avez toute ma compréhension.”

“Je crois que j’ai compris”, m’arrêta‑t‑il, incapable d’écouter autre chose sortir de ma bouche. “Navré de vous décevoir mais je n’ai jamais les pieds en prison.”

“Les apparences sont parfois trompeuses”, m’exclamai‑je avec une sourire diabolique et un haussement d’épaules en répétant ses propres paroles.

“ Touché”, murmura‑t‑il avec un demi‑sourire, comprenant mon intention de me venger d’avoir été prise pour une entraîneuse.

“Permettez‑moi de vous offrir un verre”, offrit‑il pour s’excuser alors que je m’apprêtais à partir. Je le dévisageai et son expression du style ‘ ça ne s’arrêtera pas là’ m’alarma.

Je le bloquai instantanément : “Je n’accepte pas de cadeau de la part d’inconnus”, et déposai un billet sur le comptoir, amplement suffisant pour couvrir le coût du Bellini tout en laissant un généreux pourboire au barman.

“J’étais sûr que cela ne serait pas nécessaire mais... soit, je me présente : Lorenzo Orlando, propriétaire du Bridge”, dit‑il me tendant la main.

Je regardai cette main tentatrice et mon cœur se mit à battre la chamade.

L’idée de le toucher me laissait présager de faire quelque chose d’interdit et punissable de la pire des manières.

Ginevra, tu joues avec le feu !

Toute mon arrogance de l’instant d’avant m’abandonna, aussi rapidement qu’elle était arrivée.

“Je vous jure que je ne mords pas”, murmura‑t‑il, notant mon hésitation à lui serrer la main.

“Mia, où étais‑tu fourrée ?”, intervint Maya, me faisant sursauter. Je ne l’avais pas vue s’approcher et je ne m’attendais pas à son bras passé autour de mes épaules.

Je le regardai brièvement et compris qu’elle accourait à mon secours.

“Mia”, répéta pensivement Lorenzo.

“Oui, Mia Madison, et moi je suis Chelsea Faye. Enchantée. Votre établissement est superbe. Félicitations !”, s’interposa Maya, serrant la main de Lorenzo à ma place et s’interposant entre nous deux, comme si elle prenait ma défense.

“Je vous remercie”, lui répondit‑t‑il avec un sourire affecté, destiné à dissimuler son irritation pour l’interruption. “Est‑ce la première fois que vous venez dans mon établissement ?”

“Oui. Nous sommes de passage à Rockart City. Mince ! Il est tard et nous devons rentrer mais j’espère pouvoir revenir bientôt”, s’excusa Maya l’air enjoué. Elle était la seule à paraître toujours naturelle et contente, même quand la situation était tendue.

“À bientôt alors”, répondit courtoisement Lorenzo, m’adressant un dernier regard avant de s’éloigner.

J’esquissai un vague salut de la tête.

“Que diable s’est‑il passé ?”, lâcha Maya lorsque nous fûmes seules.

“Rien”, répondis‑je avec un filet de voix, incapable d’imaginer ce qui aurait pu se produire.

“Quand je t’ai vue avec lui j’ai cru que j’allais devenir folle. Je t’ai entraînée ici pour que tu t’amuses, pas pour te faire descendre”, me dit‑elle en proie à une vive agitation, prenant le Bellini qu’elle descendit en quelques gorgées pour calmer son excitation. “Courage, allons‑y ! J’ai dit à Lucky que tu as la permission de minuit et que tu dois être de retour avant deux heures du matin”, et elle m’entraîna par le bras vers la sortie.

Un réceptionniste surgit devant moi, tendant une carte noire qui portait l’inscription‘ The Bridge. Orlando’s Night’ en lettres dorées : “Excusez‑moi mademoiselle. Monsieur Orlando m’a demandé de vous remettre un pass de notre établissement en cadeau pour s’excuser du quiproquo dont vous avez été la victime. Monsieur Orlando a ses clients à cœur et tient à ce qu’ils soient satisfaits. Ce pass vous offre un accès réservé et une consommation gratuite pour vous et vos invités.”

“Ce n’est pas nécessaire mais remerciez votre patron pour l’attention et dites‑lui que j’ai déjà oublié notre malentendu”, répondis‑je courtoisement et rougissant pour cette délicate attention.

Lorenzo Orlando, m’offrirais‑tu un pass ou bien un aller simple pour l’enfer si tu savais que je suis la fille du boss Edoardo Rinaldi?

“Je vous en prie”, supplia‑t‑il, surpris de mon refus. Il ne comprenait pas que ramener une telle carte à la maison signifierait pour moi une probable condamnation à mort par mon père.

“Merci pour le pass !”, intervint Lucky, prenant la carte à ma place. “Tu es folle Mia ? Sais‑tu combien coûtent ces pass ?”

“Tu veux te brouiller avec la famille Orlando ?”, renchérit Mike.

Je bredouillai, mal à l’aise : “Non, je...” mais Maya me prit par le bras et m’entraîna vers le parking à l’extérieur de l’établissement.

“Rentrons à la maison”, soupira Maya soulagée, après un rapide salut aux deux garçons.

Nous montâmes à bord de la voiture.

À la traversée du pont sur la Safe River, à ma grande surprise, je notai que mon cœur battait autant la chamade qu’à l’aller.

C’était comme si, au cours de cette soirée, quelque chose d’irrésistible et d’extrêmement puissant m’était tombé dessus.




Chapitre 5

GINEVRA


Je n’avais pas cessé de penser à Lorenzo pendant toute la semaine.

J’avais lu des livres, visité des galeries d’art, participé à une réunion sur les droits civiques ; peine perdue, tout me semblait insignifiant et dénué de toute émotion.

Ce n’était qu’en repensant à Lorenzo, à ce que je lui avais dit, que je me sentais vivre et aux anges.

C’était incroyable !

J’avais été tentée de solliciter Maya pour me ramener de l’autre côté du fleuve mais je ne voulais pas lui demander ouvertement.

Au fond de moi j’étais consciente du fait que mon action était erronée et que le danger encouru était réel. Mais c’était ce qui m’avait motivée ces derniers jours.

Il suffisait que je ferme les yeux pour réentendre la voix chaude, profonde et légèrement rauque de Lorenzo.

Sans parler également de ses cheveux châtains désordonnés au milieu desquels me prenait l’envie d’y passer les doigts.

Ou sa barbe de quelques jours.

Je n’avais jamais touché un homme, pas même mon père ni mon frère.

Une part de moi‑même aurait voulu lui caresser son visage pour percevoir ce qu’on ressent à effleurer cette écorce rugueuse et non rasée de près.

Oh mon Dieu, le toucher...

J’en avais le souffle court rien que d’y penser.

l’idée m’excitait et me terrorisait à la fois.

Toucher un Orlando était interdit !

J’avais encore la sensation de la chaleur de sa main sur mon bras.

Et j’aurais payé cher pour éprouver de nouveau cette sensation.

Et ses yeux...

Mon Dieu, Ginevra, calme‑toi !

“Ginevra, tu veux te blesser ? Peut‑on savoir ce qui te passe par la tête ?”, s’exclama Maya en me tirant de mes pensées.

“À rien”, répondis-je précipitamment tout en continuant à couper les oignons.

“Je ne te crois pas.”

“J’étais en train de penser à quelque chose à te cuisiner. J’espère que les pâtes à la sauce seitan te plaisent”, répondis‑je promptement. Je fis revenir l’oignon avec le céleri et les carottes.

“Je le découvrirai bientôt mais je te fais confiance. Tu es un vrai cordon bleu même si j’estime honteux que tes parents n’aient pas mis de domestique ou une aide quelconque à ta disposition pour faire ce travail.”

“Mon père a été très clair : tant que durera mon régime végétarien et que j’aurai ces idées en matière de droits civiques, je resterai reléguée dans cette annexe et je devrai me débrouiller seule. À présent je suis devenue une femme au foyer modèle.”

“Tu passes aussi l’aspirateur ?”, s’enquit Maya écœurée.

“Oui, je fais la cuisine, le linge, le repassage et mon lit toute seule.”

“Mince ! J’en serais bien incapable ! Ils te traitent comme une esclave !”

“Ne dis pas de sottises. J’ai acquis mon indépendance et je ne fais rien de plus que ce que la majorité des gens fait au quotidien. Tout le monde ne peut pas se permettre d’avoir du personnel qui le remplace en tout et pour tout, tu sais ?”

“Et cette situation te convient ?”

“Oui”, murmurai‑je abattue. En réalité nettoyer ma maison ou cuisiner pour moi ne m’intéressait pas. Ce qui me faisait le plus mal était l’attitude de ma famille : ils ne voulaient plus de moi, ils n’acceptaient pas ma différence, ils ne démontraient aucun intérêt à mon égard.

Les rares fois où je me retrouvais en famille étaient une souffrance parce qu’ils me coupaient la parole, ne me laissaient pas entamer un sujet de conversation et, pis encore, négligeaient de demander au cuistot de préparer de la nourriture à part pour moi.

Je me sentais souvent seule et, depuis trois ans, j’étais exclue et traitée sans aucun égard.

Mon déménagement dans cette annexe était l’enième tentative pour m’isoler afin d’éviter que je fasse partie de la vie de la famille.

Même ma sœur Rosa m’évitait et, depuis son mariage, elle avait cessé de me téléphoner.

Les relations avec mon frère Fernando n’avaient jamais été chaleureuses et je n’avais jamais pu souffrir la distance qu’il avait instaurée entre nous deux. En tant qu’aîné il avait dix ans de plus que moi et était l’héritier direct de l’empire de Papa ; pour ces raisons il se permettait de tyranniser tout le monde.

“Écoute, Lucky m’a appelé. Il a ton pass. Apparemment il a essayé de se rendre au Bridge avec ses copains mais on lui a dit que la carte était nominative et qu’il ne pourrait y entrer sans toi. Il m’a demandé si cela nous plairait d’y retourner ce soir avec lui et l’un de ses amis qu’il voudrait te présenter. Il m’a montré sa photo : c’est un joli garçon ! Peut‑être en sortira‑t‑il quelque chose pour toi, qu’en dis‑tu ?”

Je repensai à Lorenzo.

Sans être capable de l’admettre, j’avais follement envie de le revoir.

Ma réponse laissa Maya abasourdie : “Ok !”

“Tu parles sérieusement ? Disons que ça me fait plaisir mais j’étais convaincue que tu ne voulais plus entendre parler du Bridge et des Orlando après ce qui s’était passé là‑bas samedi dernier.”

“J’ai besoin de changer d’air.”

“Autrefois quand tu souhaitais changer d’air, tu me demandais l’autorisation d’aller en montagne dans le cottage de mon grand‑père. Alors qu’à présent tu me dis que tu veux retourner dans l’antre du loup. J’ai dû te contaminer avec ma manie de faire des choses hors normes.”

“Cela se pourrait”, répondis‑je en souriant, joyeuse.




Chapitre 6

LORENZO


Je ne pus retenir un petit sourire de satisfaction quand je vis Mia Madison franchir l’entrée du Bridge.

Je savais qu’elle avait refusé mon pass et que seule l’intervention d’un de ses amis l’avait sauvée. Nul n’était assez fou pour offenser un Orlando en refusant son cadeau, même si Mia semblait indifférente à mon nom de famille et à ce qu’il représentait à Rockart City.

Mon sourire s’épanouit lorsque je la vis ôter sa veste légère en lin blanc pour dévoiler une robe montante bleu clair, même si cette dernière avait une large échancrure dans le dos.

Son apparence chaste, soulignée par un léger maquillage aux nuances pâles, était une indication claire du fait qu’elle tenait à ne pas être prise pour une entraîneuse comme la fois dernière.

Pendant un bref instant son regard croisa le mien.

Nous nous fîmes un bref signe de tête en guise de salutation mais ses yeux restèrent accrochés aux miens une fraction de seconde de trop pour que je ne comprenne pas qu’elle avait pensé à moi pendant la semaine qui venait de s’écouler, tout comme moi j’avais pensé à elle.

Il était difficile de m’ôter de la tête une femme qui m’avait ouvertement traité de repris de justice et m’avait défié si ouvertement, bien que je lui fîsse peur.

Je promenai lentement mon regard sur elle, à la recherche de cette femme transgressive et sans complexes, mais toute trace semblait en avoir disparu.

Elle était simple et très belle.

Ses yeux bleus légèrement teintés de violet ressortaient grâce à son fard à paupières lilas et les lèvres charnues à peine soulignées d’un rouge à lèvre rose.

Par rapport à la fois précédente, elle paraissait plus jeune. Je ne lui donnais guère plus de vingt-cinq ans et les manières gracieuses et raffinées avec lesquelles elle se déplaçait, s’asseyait et portait le verre de Bellini à ses lèvres... tout ceci avait quelque chose de sensuel et charmant à la fois.

J’avais compris qu’elle avait fait des études supérieures et n’était pas une vulgaire entraîneuse lorsque j’avais parlé avec elle et, à présent, la voyant dans sa merveilleuse simplicité, je m’aperçus qu’elle était bien plus que ce qu’elle ne laissait entrevoir. Toutefois sa timidité et sa réserve, lorsque le garçon auquel elle parlait la touchait, me firent comprendre qu’il y avait quelque chose d’étrange en elle : c’était comme si le contact physique la dérangeait...

Elle avait été très réservée avec moi mais j’avais lu la peur dans son regard ; alors qu’à présent il s’agissait d’irritation et d’aversion, bien que dissimulées derrière des sourires affectés et des gestes mesurés, pas assez incisifs cependant pour que le garçon garde ses mains à leur place.

J’appréciai ses efforts pour maîtriser sa nervosité tout en gardant le masque d’une jeune fille distinguée, même s’il était clair par ailleurs qu’elle aurait voulu gifler son cavalier.

Je jouis du spectacle depuis ma position surélevée, me demandant combien de temps il lui faudrait avant de sortir de ses gonds.

D’autre part son amie Chelsea semblait ne se rendre compte de rien, tant elle était prise par les épanchements avec le garçon avec lequel elle sortait déjà la semaine dernière.

À un certain point le cavalier de Mia se mit à jouer avec ses longs cheveux blonds.

Apparemment ce geste la dérangea au plus haut point car elle se leva d’un coup et, avec une excuse quelconque, se dirigea vers les toilettes.

J’allais replonger le nez dans mon verre lorsque je vis le garçon la suivre.

Je connaissais bien ce sourire trop sûr de soi et je me doutais de la suite qu’allaient prendre les événements.

En temps normal j’aurais fait appeler un serveur pour lui demander d’intervenir ; mais cette fois je sentis que mes mains me démangeaient et, si je découvrais ce que je craignais, je n’aurais pas hésité à boxer le malchanceux.

Je me dirigeai nonchalamment vers les toilettes des femmes.

Porte close.

Je frappai à la porte et pour toute réponse j’entendis un cri, aussitôt étouffé, et quelque chose qui tombait par terre.

Je ne voulais pas provoquer un esclandre ni effrayer les clients étant donné que la réputation de mon établissement était basée sur la discrétion ; donc j’évitai d’enfoncer la porte ou de crier qu’on m’ouvrît.

J’appelai aussitôt Jacob, mon second, et me fis apporter les clés des toilettes.

Je me précipitai dans les toilettes pendant que Jacob refermait la porte derrière nous.

Mia était au sol, une joue rougie, tandis que le garçon avait la braguette ouverte et était allongé sur elle, lui bloquant les poignets.

Je balançai ce salaud au loin et me penchai vers Mia.

Je lui écartai les cheveux du visage mais, à peine mes doigts eurent‑ils effleuré son visage qu’elle sursauta et s’éloigna du contact, terrorisée.

Avec surprise je vis une mèche brune émerger au niveau de sa tempe et je compris que ses blonds cheveux n’étaient qu’une perruque.

“Mia, c’est moi, Lorenzo Orlando”, lui dis‑je lentement en lui prenant les épaules secouées par les sanglots. “Viens, je vais t’aider à te relever.”

Elle fixa longuement ma main, comme s’il s’agissait de quelque chose d’interdit et de dangereux mais, à la fin, elle accepta mon aide.

Avec douceur je l’aidai à se remettre debout ; ce faisant je m’aperçus qu’elle avait dû se fouler la cheville car elle boîtait et la sangle de sa chaussure était cassée.

Avant qu’elle ne s’effondrât à nouveau je la saisis dans mes bras pour l’emporter.

Elle était tellement désorientée et effrayée de ce qui venait d’arriver qu’elle n’opposa aucune résistance et se blottit contre ma poitrine en tremblant.

Entretemps Jacob s’était occupé du type.

“Si je te revois dans mon établissement je te brise en mille morceaux”, le menaçai‑je avant que Jacob ne l’expulse.

Je sortis des toilettes et notai les regards curieux de certains clients. Seule l’amie de Mia semblait bouleversée et se précipita vers nous.

“Mon Dieu... Que t’est‑il arrivé ?” s’écria‑t‑elle désespérée en voyant le visage écarlate de Mia.

Celle‑ci essaya de la rassurer : “Tout va bien”

“Ça ne va pas. Plus rien ne va... Mince, s’il t’arrive quelque chose, je suis morte !”

Cette phrase m’inquiéta parce que Chelsea semblait réellement y croire.

J’aurais voulu creuser la question mais Sebastian, mon manager, s’approcha.

“Trouve‑moi les clés d’une chambre. La demoiselle s’est blessée et a besoin de prendre un peu de repos”, lui demandai‑je.

“Toutes les chambres sont occupées”, me dit‑il d’un air soucieux.

Je conclus, décidé : “Alors je l’amènerai dans mon appartement.”

“Non !” s’exclamèrent à l’unisson Mia et Chelsea.

“Ne vous inquiétez pas. Il n’est pas dans mes habitudes de sauver une femme d’une tentative de viol pour en abuser ensuite. En attendant, Sebastian appelle un médecin et la police, ainsi la cliente pourra porter plainte.

“Non !” s’écrièrent presque simultanément Mia et Chelsea.

“Ce n’est pas nécessaire... Je vais bien et il ne s’est rien passé. Je crois qu’il vaut mieux tourner la page et oublier cet incident. De plus je ne tiens pas à créer un scandale qui porterait atteinte à la réputation des Orlando”, se hâta d’ajouter Mia, inquiète.

Je pressentais un sac de problèmes d’après la panique qui je lisais dans les yeux des jeunes femmes.

“Entendu, comme il vous plaira”, décidai‑je en me dirigeant vers le deuxième étage où se trouvait mon appartement.

Je transportai Mia dans la chambre des invités et la déposai sur le lit.

“Merci”, me remercia‑t‑elle timidement.

J’en vins à ce qui me préoccupait : “Et maintenant, peux-tu me dire ce qui s’est passé et ce que t’a fait ce garçon ?”

“J’étais en train de me rafraîchir lorsqu’il est entré dans les toilettes. Il a fermé la porte. Je me suis fâchée et il a commencé par me bousculer. J’ai perdu l’équilibre à cause des talons hauts et je suis tombée, me foulant la cheville droite. Je pensais qu’il m’aurait aidée et se serait excusé... À l’inverse il m’est tombé dessus et à commencé à... me toucher... à me dire d’arrêter de faire la sainte nitouche... j’ai essayé de le frapper mais il s’est défendu et m’a giflée... Je... Je...”

“Et puis ?”, dis‑je doucement, essayant de maîtriser la colère qui m’envahissait.

“Il a relevé ma jupe et a ouvert le rabat de ses pantalons... C’est à ce moment‑là que tu as frappé à la porte en lui intimant d’ouvrir. J’ai essayé de crier mais il m’a mis la main sur la bouche. J’ai essayé de me libérer, sans y parvenir et, à la fin, tu es entré... Merci d’être intervenu”, bredouilla Mia, encore sous le choc.

Je répondis avec détachement : “Je n’ai fait que mon devoir. Nul ne peut se permettre de faire certaines choses chez moi ni d’importuner mes clients”, même si, en réalité, j’étais furieux au point de vouloir casser la figure à ce fils de pute.

“Lorenzo”, m’appela Sebastian.

Sortant de la chambre avec mon manager, je me congédiai des deux jeunes femmes : “Je vous laisse. Je reviens de suite”

“Il y avait ceci dans les toilettes”, me dit Sebastian en me tendant la pochette de Mia. “Fais gaffe, Lorenzo. Je ne leur fais pas confiance.”

“Moi non plus. Elles dissimulent quelque chose.”

“Tu trouveras peut-être la réponse à l’intérieur”, me suggéra‑t‑il en ouvrant la pochette.

Je tournai le dos aux filles afin qu’elle ne me voient pas car la porte était ouverte.

Je fouillai dans la pochette dont le contenu me surprit.

Dedans se trouvaient à peine deux cents dollars et la carte d’identité de Mia Madison.

Je scrutai le document.

Faux !

J’échangeai un regard avec Sebastian qui acquiesça pour me faire comprendre qu’il constaté la même chose.

“Quelle femme sort sans son téléphone portable ?, demanda‑t‑il d’un air inquisiteur.

“Soit une personne qui ne veut pas être localisée, soit quelqu’un qui est trop pauvre pour s’en payer un.”

“Je pencherais pour la première hypothèse étant donné que sa robe provient d’un grand magasin.”

“Je ne pense pas”, murmurai‑je.

“Que faisons‑nous ?”

“Je m’en occupe. Pour le moment appelle le nouveau qui fait la plonge, celui qu’on a embauché le mois dernier. Il m’avait dit qu’il faisait des études de kinésithérapie. Fais‑le monter afin qu’on sache si cette chère Mia Madison s’est réellement fait mal ou s’il ne s’agit que d’une mise en scène. Et cherche des informations à son sujet. Là dessus il est écrit qu’elle vient de Los Angeles. Au moins, voyons si c’est véridique.”

“J’ai des contacts là‑bas.”

“Utilise‑les et ensuite rends‑moi compte de ce que tu auras découvert.”

“Et que fait‑on de l’agresseur ?”

Encore furieux, je tranchai : “Trouve qui c’est et puis démolis‑le : qu’il souhaite disparaître de la surface de la Terre et tout particulièrement de Rockart City”. J’aurais fait n’importe quoi pour lui ruiner sa carrière ou sa vie et seul l’exil le sauverait.

“À tes ordres !”

En toute hâte Sebastian partit se mettre à l’œuvre.

Je m’apprêtais à retourner dans la chambre lorsque j’entendis Chelsea se fâcher contre Mia.

“Lève‑toi je t’en supplie. Je veux bien te porter jusqu’à la maison si nécessaire.”

“Non. Je te l’ai déjà expliqué.”

“Tu ne peux pas me faire ça ! Je... je... Mince, il ne fallait surtout pas qu’une telle chose arrive. Tout est de ma faute !”

“Ne dis pas de bêtises.”

“Je n’aurais jamais dû te convaincre de m’accompagner.”

“Tout va bien, Chelsea”, s’efforça de l’apaiser son amie.

“Cesse de dire que tout va bien !” hurla la jeune femme en pleine crise d’hystérie.

Avant que les choses ne dégénèrent je pénétrai dans la chambre.

À l’instant les deux femmes se turent.

“Comment vas‑tu Mia ?” lui demandai‑je.

“J’ai un peu mal à la cheville mais ça va. Je suis encore sous le choc de ce qui s’est passé”, me répondit‑t‑elle, montrant sa cheville enflée.

Le plongeur, Randy, arriva heureusement sur ces entrefaites.

Je lui présentai Mia qui se laissa manipuler, pendant que son amie prenait une serviette humide dans la salle de bains et la lui passait sur ses joues écarlates.

“Je ne suis pas médecin et je ne suis qu’en avant‑dernière année de kinésithérapie mais la cheville ne semble pas cassée. Elle devrait dégonfler avec de la glace et, après deux jours de repos, tout devrait revenir à la normale. Évidemment il vaudrait mieux faire une radio...” expliqua Randy.

“Je suis sûre qu’avec un peu de glace tout va s’arranger pour le mieux”, le rassura Mia.

Randy soigna rapidement Mia et je profitai de l’absence de Chelsea, occupée avec Sebastian qui voulait connaître le nom de l’agresseur, pour rester en tête‑à‑tête avec elle.

M’asseyant sur le rebord du lit, je lui demandai gentiment : “Est‑ce que ça va mieux ?”

“Oui, merci. Je suis vraiment désolée pour le dérangement que je vous crée”, me répondit‑elle, revenant à un certain formalisme. Apparemment le choc était passé et elle avait retrouvé la maîtrise d’elle‑même.

“Nous pouvons nous tutoyer.”

“Ok”, dit Mia sans enthousiasme dans un murmure à peine perceptible.

“Je t’ai rapporté ta pochette”, lui dis‑je en posant l’objet sur le lit.

“Merci.”

“Veux‑tu que je prévienne ta famille ?”

“Non.”

“Veux‑tu que je te raccompagne chez toi ?”

“Ce n’est pas nécessaire mais si ma présence t’importune, alors je m’en vais tout de suite.”

“Tu es mon invitée et tu peux rester aussi longtemps que tu voudras.”

“J’ai simplement besoin de quelques minutes de repos”, murmura Mia, endolorie et épuisée, fermant les yeux.

“Prends tout ton temps.”

Je n’eus pas de réponse.

Elle venait de s’endormir.





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Est-ce qu'un amour qui défie la loi de deux familles séparées par une haine ancestrale pourra survivre ? ”Liaisons interdites” est la réinterprétation de l'œuvre de Shakespeare ”Roméo et Juliette”, dans une version au goût du jour et une touche de suspense supplémentaire.

Ginevra Rinaldi n'a jamais su ce qu'était la liberté. Ayant vécu dans une prison dorée, étouffante et surchargée de règles édictées par son père, elle est habituée à obéir et à subir la sanction de sa famille pour tout manquement.

Lorenzo Orlando a renoncé à la succession de sa famille afin d'avoir la liberté de faire ce qui lui plaisait, même au risque de sa propre vie. Aujourd'hui, toutefois, c'est un homme respecté et il est propriétaire de l'établissement le plus prestigieux de Rockart City, le Bridge.

Décidée à rompre le carcan préétabli, Ginevra pénètrera dans l'antre du loup. Que lui arrivera-t-il lorsqu'elle sera envoûtée par le regard pénétrant de Lorenzo et découvrira qu'elle ne peut plus le fuir ? De combien de temps disposera Ginevra avant de finir dans les filets de Lorenzo ?

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