Книга - Notre Honneur Sacré

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Notre Honneur Sacré
Jack Mars


Un Thriller Luke Stone #6
«L’un des meilleurs thrillers que j’ai lus cette année. L’intrigue est captivante et vous accroche dès le début. L’auteur a excellé dans la création de personnages bien développés et très attachants. J’ai hâte de lire la suite.». –Roberto Mattos, Books and Movie Reviews (pour Tous les moyens nécessaires). NOTRE HONNEUR SACRÉ est le volume 6 de la série de thrillers à succès Luke Stone, qui a débuté par TOUS LES MOYENS NÉCESSAIRES (volume 1), en téléchargement gratuit avec plus de 500 notations 5 étoiles!Après avoir été frappé par une attaque terroriste soutenue par l’Iran, Israël donne à l’Iran un ultimatum de 72 heures : videz vos bases militaires avant que nous les détruisions par voie aérienne. Réponse de l’Iran : pénétrez dans notre espace aérien et nous lancerons des attaques nucléaires sur Israël et toutes les bases américaines du Moyen-Orient… Pour empêcher un Armageddon nucléaire en 72 heures, il n’y a qu’un seul homme vers qui se tourner : Luke Stone. La présidente envoie Luke pour sa mission la plus audacieuse à ce jour : se parachuter en Iran et trouver l’emplacement secret des armes nucléaires souterraines, afin que les États-Unis puissent les détruire avant qu’il ne soit trop tard… Dans une course folle contre la montre, Luke nous emmène sur des montagnes russes à travers le terrain chaotique et confus de l’Iran, tandis qu’il se démène pour dénicher les secrets les mieux gardés du pays et empêcher qu’une guerre ne détruise toute l’humanité. Mais alors que les rebondissements se succèdent, il pourrait bien être trop tard, même pour Luke… Thriller politique bourré d’action, avec un contexte international dramatique et un suspense haletant, NOTRE HONNEUR SACRÉ est le volume 6 de la série à succès Luke Stone, une nouvelle série explosive, acclamée par la critique, qui vous fera tourner les pages jusque tard dans la nuit. . «Le thriller à son apogée. Les amateurs qui apprécient l’exécution précise d’un thriller inter-national, mais qui prisent aussi la profondeur psychologique et la crédibilité d’un protagoniste qui doit affronter des défis autant professionnels que personnels, y trouveront un récit captivant et difficile à lâcher.». –Diane Donovan, Midwest Book Review (pour Tous les moyens nécessaires). Le volume 7 de la série Luke Stone sera bientôt disponible.





Jack Mars

NOTRE HONNEUR SACRÉ




NOTRE HONNEUR SACRÉ




(UN THRILLER LUKE STONE – LIVRE 6)




J A C K  M A R S



Jack Mars

Jack Mars est actuellement l’auteur best-seller aux USA de la série de thrillers LUKE STONE, qui contient sept volumes. Il a également écrit la nouvelle série de préquels L’ENTRAÎNEMENT DE LUKE STONE contenant trois volumes (pour l’instant), ainsi que la série de thrillers d’espionnage L’AGENT ZÉRO comprenant sept volumes (pour l’instant).



Jack adore avoir votre avis, donc n’hésitez pas à vous rendre sur www.jackmarsauthor.com (http://www.jackmarsauthor.com/) afin d’ajouter votre mail à la liste pour recevoir un livre offert, ainsi que des invitations à des concours gratuits. Suivez l’auteur sur Facebook et Twitter pour rester en contact !



Copyright © 2019 par Jack Mars. Tous droits réservés. À l’exclusion de ce qui est autorisé par l’U.S. Copyright Act de 1976, aucune partie de cette publication ne peut être reproduite, distribuée ou transmise sous toute forme que ce soit ou par aucun moyen, ni conservée dans une base de données ou un système de récupération, sans l’autorisation préalable de l’auteur. Ce livre numérique est prévu uniquement pour votre plaisir personnel. Ce livre numérique ne peut pas être revendu ou offert à d’autres personnes. Si vous voulez partager ce livre avec quelqu’un d’autre, veuillez acheter un exemplaire supplémentaire pour chaque destinataire. Si vous lisez ce livre sans l’avoir acheté, ou qu’il n’a pas été acheté uniquement pour votre propre usage, alors veuillez le rendre et acheter votre propre exemplaire. Merci de respecter le dur labeur de cet auteur. Il s’agit d’une œuvre de fiction. Les noms, personnages, entreprises, organismes, lieux, événements et incidents sont tous le produit de l’imagination de l’auteur et sont utilisés de manière fictive. Toute ressemblance avec des personnes réelles, vivantes ou décédées, n’est que pure coïncidence.

Image de couverture : Copyright GlebSStock, utilisée sous licence à partir de Shutterstock.com.



LIVRES DE JACK MARS




SÉRIE DE THRILLERS LUKE STONE

TOUS LES MOYENS NÉCESSAIRES (Volume #1)

PRESTATION DE SERMENT (Volume #2)

SALLE DE CRISE (Volume #3)

LUTTER CONTRE TOUT ENNEMI (Volume #4)

PRÉSIDENT ÉLU (Volume #5)

NOTRE HONNEUR SACRÉ (Volume #6)


L’ENTRAÎNEMENT DE LUKE STONE

CIBLE PRINCIPALE (Tome #1)

DIRECTIVE PRINCIPALE (Tome #2)

MENACE PRINCIPALE (Tome #3)


UN THRILLER D’ESPIONNAGE DE L’AGENT ZÉRO

L’AGENT ZÉRO (Volume #1)

LA CIBLE ZÉRO (Volume #2)

LA TRAQUE ZÉRO (Volume #3)

LE PIÈGE ZÉRO (Volume #4)

LE FICHIER ZÉRO (Volume #5)

LE SOUVENIR ZÉRO (Volume #6)

L’ASSASSIN ZÉRO (Volume #7)

LE LEURRE ZÉRO (Volume #8)


UNE NOUVELLE DE L’AGENT ZÉRO


« …nous donnons en gage les uns et les autres, nos vies, nos biens et notre honneur sacré. »

    Thomas Jefferson
    Déclaration d’indépendance des États-Unis






CHAPITRE UN


9 décembre

23:45, heure du Liban (16:45, heure normale de l’Est)

Sud-Liban



– Rends grâces à Allah, s’exhorta le jeune homme. Rends-Lui grâces. Rends-lui grâces.

Il tira une longue bouffée de sa cigarette, sa main tremblait quand il la porta à ses lèvres. Il n’avait rien mangé depuis douze heures. Quatre heures auparavant, le monde autour de lui avait plongé dans la nuit. C’était un routier apte à conduire les plus gros semi-remorques. Avec celui-ci, il avait traversé la frontière de la Syrie puis parcouru la campagne vallonnée du Liban, roulant doucement, tous feux éteints, sur des routes sinueuses.

C’était un parcours dangereux. Le ciel était rempli de drones, d’hélicoptères, d’avions-espions et de bombardiers russes, américains et israéliens. N’importe lequel d’entre eux pouvait s’intéresser à ce poids-lourd. N’importe lequel pouvait décider de le détruire et le faire sans peine. Il avait conduit tout du long en s’attendant à ce moment – un missile le frappant sans prévenir, le transformant en squelette enflammé dans une épave d’acier en feu.

Il venait à présent de garer son camion sous un auvent, au bout d’un long chemin étroit. Érigé sur des montants en bois, l’auvent était conçu pour se fondre, vu du ciel, dans le couvert forestier : son toit était recouvert d’épaisses broussailles. Il était situé pile à l’endroit qu’ils lui avaient indiqué.

Il coupa le moteur, qui péta, rota et cracha une fumée noire par le pot d’échappement vertical, du côté conducteur, avant de s’éteindre. Il ouvrit la portière de la cabine et descendit. Aussitôt, une escouade d’hommes lourdement armés émergea tels des fantômes des bois environnants.

– As salam aleikoum, lança le jeune chauffeur à leur approche.

– Wa aleikoum salam, répondit le chef des miliciens.

Il était grand et baraqué, avec des yeux sombres et une barbe noire touffue. Ses traits étaient durs – aucune compassion en eux. Il désigna le camion.

– C’est ça ?

Le routier tira une autre bouffée tremblotante de sa cigarette. Non, faillit-il répondre. C’est un autre camion. Celui-ci n’est que du vent.

– Oui, dit-il à la place.

– Tu es en retard, constata le chef des miliciens.

Le jeune haussa les épaules.

– En ce cas, c’est toi qui aurais dû conduire.

Le chef observa le camion. Il avait l’air d’un semi-remorque banal, du genre à transporter du bois, des meubles ou des denrées alimentaires. Mais ce n’était pas le cas. Les miliciens s’approchèrent de la remorque ; deux d’entre eux grimpèrent par l’échelle sur son toit, deux autres s’agenouillèrent à ses pieds. Chacun était équipé d’une visseuse électrique.

Travaillant rapidement, ils ôtèrent une à une les vis qui maintenaient la fausse remorque. Au bout de quelques instants, ils retirèrent du flanc une large plaque d’aluminium. Un peu plus tard, une plaque plus étroite de l’arrière. Puis ils firent de même de l’autre côté, où le routier ne pouvait plus les voir.

Il se retourna pour contempler la forêt et les collines obscures. Il distinguait les lumières d’un village qui scintillaient dans les ténèbres, à plusieurs kilomètres de là. Un beau pays. Il était très content d’être ici. Son boulot était terminé. Il n’était pas milicien, il était chauffeur routier. Ils l’avaient payé pour qu’il passe la frontière et amène ce camion.

Il n’était pas non plus de cette région, il vivait loin dans le nord. Il ignorait comment ces hommes s’étaient arrangés pour le renvoyer chez lui, mais il s’en fichait. Débarrassé de la machine infernale qu’il avait pilotée, il serait heureux de partir d’ici.

Des phares arrivaient sur l’étroite route défoncée – tout un convoi. Quelques secondes plus tard apparurent trois SUV noirs Mercedes. Les portières s’ouvrirent toutes ensemble et des hommes jaillirent des voitures, armé chacun d’un lourd fusil ou d’une mitraillette. La portière arrière de la voiture du milieu s’ouvrit en dernier.

En sortit un homme corpulent, portant des lunettes et une barbe poivre-et-sel. Il s’appuyait sur une canne en bois noueux et boitait bas – résultat d’un attentat à la voiture piégée contre lui deux ans auparavant.

Le jeune chauffeur le reconnut aussitôt : c’était sans nul doute l’homme le plus célèbre au Liban, et bien connu du monde entier. Il s’appelait Abba Qassem et c’était le leader absolu du Hezbollah. Son autorité en matière d’opérations militaires, de programmes sociaux, de relations avec les gouvernements étrangers, de crime et de punition, de vie et de mort, était incontestable.

Sa présence rendit le routier nerveux. Ce fut soudain, comme une douleur à l’estomac. Rencontrer une célébrité pouvait rendre nerveux, c’était certain. Mais c’était plus que ça. La présence de Qassem ici signifiait que ce camion était important, quoi qu’il puisse transporter. Bien plus important que son conducteur ne le croyait.

Entouré de ses gardes du corps, Qassem boitilla jusqu’au chauffeur et lui fit une maladroite accolade.

– Mon frère, dit-il. Tu es le chauffeur ?

– Oui.

– Allah te récompensera.

– Merci, sayyid, répondit le routier.

Il lui donnait un titre honorifique laissant entendre que Qassem était un descendant direct de Mahomet lui-même. Il n’était pas un Musulman très pieux, mais les gens comme Qassem semblaient apprécier ce genre d’égards.

Tous deux se retournèrent. Les miliciens avaient terminé d’enlever les plaques de métal qui enveloppaient la remorque. L’aspect réel du poids-lourd se révélait à présent. L’avant demeurait ce qu’il avait l’air : la cabine d’un semi-remorque, peinte en vert foncé. Sa longue remorque était une plateforme de lancement de missiles à double cylindre. Dans chaque cylindre reposait un gros missile argenté, brillant d’un éclat métallique.

Les deux parties du camion étaient séparées et indépendantes, reliées par un système hydraulique au centre et deux chaînes d’acier de chaque côté. Cela expliquait pourquoi le poids-lourd avait été difficile à maîtriser : la remorque n’était pas attachée au tracteur aussi solidement que le conducteur l’aurait souhaité.

– On appelle ça un tracteur-érecteur-lanceur, expliqua Qassem. Un parmi tant d’autres que le Parfait a jugé bon de nous amener.

– Ah oui ? fit le chauffeur.

– Oh oui, opina Qassem.

– Et les missiles ?

Qassem sourit – un sourire calme et béat, un sourire de saint.

– Un armement très perfectionné. Longue portée. Aussi précis que n’importe quel autre en ce monde. Plus puissant que tout ce qu’on a connu jusqu’ici. Si Allah le veut, nous utiliserons ces armes pour mettre nos ennemis à genoux.

– Israël ? suggéra le jeune.

Il s’étrangla presque à ce mot. L’envie lui vint de tracer vers le nord, tout de suite.

Qassem posa une main sur son épaule.

– Allah est grand, mon frère. Allah est grand. Très bientôt, tout le monde saura à quel point.

Il s’éloigna en boitant vers le lance-missile. Le routier le regarda partir. Il tira une dernière bouffée de sa cigarette, qu’il avait fumée jusqu’au filtre. Il se sentait un peu mieux, plus calme. Son job était fini. Ces maniaques pouvaient bien déclencher une nouvelle guerre s’ils le voulaient, elle n’atteindrait probablement pas le nord.

Qassem se tourna de nouveau vers lui.

– Mon frère, l’appela-t-il.

– Oui ?

– Ces missiles sont secrets, tu sais. Personne ne doit en entendre parler.

– Bien sûr, opina le chauffeur.

– Tu as des amis, de la famille ?

– En effet, sourit-il. Une femme, trois enfants en bas âge. Et j’ai toujours ma mère. Je suis bien connu dans mon village et ses alentours. Je joue du violon depuis mon enfance, et tout le monde me demande de lui jouer un morceau. (Il marqua une pause.) C’est une vie bien remplie.

Le sayyid hocha la tête, l’air un peu triste.

– Allah te récompensera.

Le routier n’aima pas le ton employé. C’était la deuxième fois que Qassem parlait d’une récompense.

– Oui. Merci.

Près de Qassem, deux mastards saisirent les fusils à leur épaule. Une seconde plus tard, ils visaient le chauffeur.

Celui-ci bougea à peine. Ce n’était pas vrai. C’était arrivé si vite. Son cœur cognait dans ses oreilles. Il ne sentait plus ses jambes ni ses bras. Même ses lèvres étaient paralysées. Une seconde, il essaya de se rappeler ce qu’il avait bien pu faire pour les offenser. Rien, il n’avait rien fait. Tout ce qu’il avait fait, c’était d’amener ce camion ici.

Ce camion… était un secret.

– Attendez, articula-t-il. Attendez ! Je ne le dirai à personne.

Qassem secoua la tête.

– L’Omniscient a vu quel bon travail tu as accompli. Il t’ouvrira les portes du Paradis ce soir même. C’est une promesse que je te fais. C’est ma prière.

Bien trop tard, le routier se retourna pour fuir.

L’instant d’après, il entendit le grand CRAC du premier fusil qui tirait.

Et il réalisa, tandis que le sol se ruait à sa rencontre, qu’il avait vécu toute sa vie en vain.




CHAPITRE DEUX


11 décembre

09:01, heure normale de l’Est

Bureau ovale

Maison-Blanche, Washington DC



Susan Hopkins croyait à peine ce qu’elle voyait.

Elle se trouvait sur le tapis du coin salon du Bureau ovale, dont les confortables fauteuils à haut dossier avaient été enlevés pour les festivités de ce matin. Une trentaine de personnes s’entassaient dans la pièce. Kurt Kimball et Kat Lopez se tenaient près d’elle, ainsi que Haley Lawrence, son secrétaire à la Défense.

Sur son insistance, tout le personnel de la résidence de la Maison-Blanche était présent : le chef, les serveurs, les domestiques, mêlés aux autres invités : les directeurs de la National Science Foundation, de la NASA, du Service des parcs nationaux, entre autres. Une poignée de personnalités des médias était également ici, ainsi que deux ou trois caméramans triés sur le volet. De nombreux agents du Secret Service étaient alignés contre les murs ou dispersés parmi la foule.

Sur un grand écran télé installé près du mur du fond, Stephen Lief était sur le point de prêter serment comme vice-président. Susan ne pourrait plus le revoir en chair et en os avant la fin de son mandat présidentiel. Stephen était un homme d’âge mûr, un air de hibou avec ses lunettes rondes, des cheveux gris clairsemés qui se dégarnissaient au sommet du crâne comme une armée en déroute. Il avait un corps vaguement en forme de poire, caché dans un costume Armani à rayures bleues de trois mille dollars.

Susan connaissait Stephen depuis longtemps. Il aurait dû être son principal adversaire aux dernières élections, si Jeff Monroe ne s’était pas interposé. Auparavant, à l’époque où elle était au Sénat, il représentait l’opposition officielle de l’autre côté de l’allée centrale, un conservateur modéré, peu remarquable, à tête de cochon mais pas déséquilibré. Et c’était un homme bien.

Mais il n’était pas dans le bon parti, et elle avait essuyé de vives critiques de la part des milieux libéraux pour cela. Il était issu d’une aristocratie terrienne, d’une vieille fortune – un descendant du Mayflower, ce que l’Amérique avait de plus proche de la noblesse. À un moment donné, il avait semblé penser que devenir président était pour lui un droit de naissance. Pas le genre de Susan – des aristocrates qui se croyaient tout permis et avaient tendance à manquer du contact humain permettant de se rapprocher des gens que l’on était censé servir.

Le fait qu’elle ait pensé à Stephen Lief mesurait bien à quel point elle avait Luke Stone dans la peau. C’était l’idée de Stone, qu’il lui avait présentée de manière ludique, alors que tous deux étaient allongés côte à côte dans son grand lit présidentiel. Elle réfléchissait à voix haute à des candidats possibles pour la vice-présidence, et Luke avait lancé :

– Pourquoi pas Stephen Lief ?

Elle avait failli rire.

– Stone ! Stephen Lief ? Allons donc !

– Non, je suis sérieux, avait-il répliqué.

Il était couché sur le côté. Son corps nu était mince et dur comme pierre, taillé au burin, couturé de cicatrices. Un bandage épais couvrait encore sa récente blessure par balle, moulé sur son torse le long du côté gauche. Ses blessures variées ne la gênaient pas, elles le rendaient plus sexy, plus dangereux. Ses yeux bleu foncé l’observaient du fond de son visage tanné de cow-boy Marlboro, et un demi-sourire malicieux s’étirait sur les lèvres.

– Tu es beau, Stone. Comme une ancienne statue grecque, heu… portant un bandage. Mais tu devrais peut-être me laisser réfléchir. Tu peux juste rester allongé ici, à faire le beau.

– Je l’ai interrogé dans sa ferme en Floride, expliqua Luke. Je lui ai demandé ce qu’il savait sur Jefferson Monroe et la fraude électorale. Il m’a très vite avoué la vérité. Et il est bon avec les chevaux. Gentil. Ça compte un peu, non ?

– Je garderai ça à l’esprit, répliqua Susan. Quand je chercherai un garçon d’écurie.

Stone secoua la tête, mais ne se départit pas de son sourire.

– Ce pays est fracturé, Susan. Les derniers événements ont exacerbé les sentiments. Tu t’en sors toujours bien, mais le Congrès a la cote de popularité la plus basse de toute l’histoire américaine. Si l’on en croit les sondages, les politiciens, les Talibans et l’Église de Satan ont tous la même cote auprès des Américains. Les avocats, le fisc et la Mafia italienne ont un taux de popularité bien plus élevé.

– Et tu dis ça parce que…

– Parce que ce que le peuple américain veut maintenant, c’est que la droite et la gauche, les libéraux et les conservateurs, se réunissent un peu et se mettent à faire quelque chose pour ce pays. Les routes et les ponts doivent être reconstruits, le réseau ferroviaire aurait sa place dans un musée, les écoles publiques tombent en ruine et nous n’avons pas construit de nouvel aéroport important depuis près de trente ans. On est classé 32


dans le domaine de la santé, Susan. C’est bas. Comment peut-il y avoir 31 autres pays devant nous ? Parce que je te le dis, j’ai parcouru le monde, et je ne vois plus de bons pays à 21 ou 22. Ça nous met en dessous d’un tas de sales pays.

Susan soupira.

– Si on avait l’adhésion des conservateurs, on pourrait peut-être faire passer mon paquet de mesures sur les infrastructures…

Il lui tapota le front.

– Maintenant tu te sers de ta cervelle. Lief a passé dix-huit ans au Sénat. Il connaît les règles du jeu aussi bien que tout le monde.

– Je croyais que la politique, ce n’était pas ton truc, remarqua-t-elle.

– Ça ne l’est pas.

Elle secoua la tête.

– C’est bien ce qui m’effraie.

Luke se rapprocha d’elle.

– N’ais pas peur. Je vais te dire ce que c’est, mon truc.

– Vas-y, raconte.

– L’exercice physique. Avec quelqu’un comme toi.

Un fantôme de sourire sur les lèvres, elle secoua la tête pour évacuer ces souvenirs. Elle s’était un peu éloignée de l’instant présent. À la télé, Stephen Lief s’apprêtait à prêter serment. Cela se passait dans son ancien bureau à l’Observatoire naval. Elle se rappelait bien la pièce et la maison. C’était la belle maison à tourelles et pignons de style Queen Anne des années 1850, située sur le terrain de l’Observatoire naval à Washington DC. Pendant des décennies, elle avait été la résidence officielle du vice-président des États-Unis.

Susan avait l’habitude de rester devant la grande baie vitrée que l’on voyait à l’écran, à contempler les belles pelouses vallonnées du campus de l’Observatoire naval. Le soleil de l’après-midi traversait cette fenêtre et créait d’incroyables jeux d’ombre et de lumière. Pendant cinq ans, elle avait vécu dans cette maison en tant que vice-présidente. Elle l’avait adorée, et y retournerait en un clin d’œil si elle le pouvait.

En ces jours anciens, l’après-midi et le soir, elle sortait faire du jogging sur le terrain de l’Observatoire, accompagnée des hommes du Secret Service. Ces années-là étaient empreintes d’optimisme, de discours vibrants, de rencontres et de la reconnaissance de milliers d’Américains pleins d’espoir. Cela paraissait une autre vie à présent.

Susan soupira. Son esprit s’égarait. Elle se rappela le jour de l’attaque de Mount Weather, l’atrocité qui l’avait catapultée hors de sa vie heureuse de vice-présidente, dans les violents tumultes de ces dernières années.

Elle secoua de nouveau la tête. Non merci. Elle ne voulait pas repenser à cette journée.

Dans l’écran, deux hommes et une femme se tenaient debout sur une petite estrade. Les photographes leur tournaient autour comme des moucherons en prenant des clichés.

L’un des hommes sur l’estrade était petit et chauve, et portait une longue robe. C’était Clarence Warren, président de la Cour suprême des États-Unis. La femme, vêtue d’un costume bleu vif, s’appelait Judy Lief. Elle tenait une Bible ouverte et souriait jusqu’aux oreilles. Son mari, Stephen, posa sa main gauche sur la Bible. Sa droite était levée. Lief était souvent considéré comme sévère, mais même lui souriait un peu.

– Moi, Stephen Douglas Lief, déclara-t-il, je jure solennellement que je soutiendrai et défendrai la Constitution des États-Unis contre tous ennemis, externes ou intérieurs…

– Que je montrerai loyauté… souffla le juge Warren.

– Que je montrerai loyauté et allégeance à celle-ci, reprit Lief. Que je prends cette obligation librement, et que je vais bien et loyalement m’acquitter des devoirs de la charge que je m’apprête à prendre.

– Que Dieu me vienne en aide, conclut le juge Warren.

– Que Dieu me vienne en aide, répéta Lief.

Une image s’imposa à l’esprit de Susan – un spectre d’un passé récent. Marybeth Horning, la dernière personne à avoir prêté ce serment. Elle avait été le mentor de Susan au Sénat, et proche d’un mentor en tant que vice-présidente. Avec sa taille petite et fine et ses grosses lunettes, elle avait l’air d’une souris, mais elle rugissait comme un lion.

Puis elle avait été abattue à cause de… quoi ? Sa politique libérale, pourrait-on dire, mais ce n’était pas vrai. Ceux qui l’avaient tuée se fichaient des différences politiques – tout ce qui les intéressait, c’était le pouvoir.

Susan espérait que le pays pourrait passer outre à présent. Elle regarda à la télé Stephen embrasser sa famille et son entourage.

Lui faisait-elle confiance ? Elle l’ignorait.

Essaierait-il de la faire tuer ?

Non. Elle ne le pensait pas. Il avait trop d’intégrité pour ça. Elle n’avait jamais vu de sournoiseries de sa part durant tout son temps passé au Sénat. Elle se dit que c’était un bon début – elle avait un vice-président qui ne tenterait pas de la tuer.

Elle s’imagina des journalistes du New York Times et du Washington Post lui poser des questions : « Qu’aimez-vous chez Stephen Lief, votre nouveau vice-président ? » « Eh bien, il ne va pas me tuer. Ça me met à l’aise. »

Kat Lopez vint à ses côtés.

– Heu, Susan ? Il faudrait t’approcher des micros, pour féliciter le vice-président Lief et lui prodiguer quelques mots d’encouragement.

Susan sortit de sa rêverie.

– Bien sûr. C’est une bonne idée. Ils lui seront sûrement profitables.




CHAPITRE TROIS


23:16, heure d’Israël (16:16, heure normale de l’Est)

La Ligne bleue

Frontière Israël-Liban



– « N’obéissez donc pas aux infidèles », chuchota le garçon de dix-sept ans. (Il prit une grande inspiration.) « Luttez contre eux vigoureusement. Combattez-les. Allah, par vos mains, les châtiera, les couvrira d’ignominie, vous donnera la victoire sur eux. »

Le garçon était aussi aguerri qu’eux. À quinze ans, il avait quitté sa maison et sa famille pour rejoindre l’Armée de Dieu. Il était entré en Syrie et avait passé les deux dernières années à se battre de rue en rue, face à face, parfois au corps à corps, contre les apostats de Daech.

Les hommes de Daech n’avaient pas peur de mourir – en fait, ils accueillaient la mort avec joie. Nombre d’entre eux étaient des Tchétchènes ou des Irakiens âgés, très difficiles à tuer. Les premiers jours de combat contre eux avaient été un cauchemar, mais le garçon avait survécu. En deux ans, il avait mené de nombreuses batailles et tué de nombreux hommes. Et il avait beaucoup appris sur la guerre.

Tapi dans l’obscurité sur une colline au nord d’Israël, il tenait en équilibre sur son épaule droite un lance-roquettes antichar. Quand il était plus jeune, une lourde roquette comme celle-ci lui aurait foré l’épaule et en peu de temps, ses os lui auraient fait mal. Mais il était plus fort maintenant. Son poids ne lui faisait plus grande impression.

Un bosquet s’étendait autour de lui, et tout près, un commando allongé par terre observait la route qui passait en dessous.

– « Qu’ils combattent donc dans le sentier d’Allah, ceux qui troquent la vie présente contre la vie future » récita-t-il très bas, dans sa barbe. « Et quiconque combat dans le sentier d’Allah, tué ou vainqueur, Nous lui donnerons bientôt une énorme récompense. »[1 - Coran, sourate 4 (An-Nisa’a), verset 74. En haut de la page : sourate 25 (Al Furqane), verset 52, et sourate 9 (At-Tawbah), verset 14. Version Oumma. (NdT)]

– Abou ! chuchota quelqu’un d’un ton féroce.

– Oui, répondit-il d’une voix calme.

– Tais-toi !

Abou prit une nouvelle inspiration, qu’il exhala lentement.

Il était expert en roquettes antichars. Il en avait tiré tellement, avec une telle précision, qu’il était devenu un homme très précieux. C’était l’une des choses qu’il avait apprises sur la guerre. Plus on vit longtemps, plus on acquiert de compétences, et meilleur on devient au combat. Meilleur on devient, plus précieux l’on est, et bien plus susceptible de rester en vie. Il en avait connu beaucoup qui n’avaient pas survécu longtemps aux combats – une semaine, dix jours… L’un d’eux était mort dès le premier jour. S’ils duraient ne serait-ce qu’un mois, les choses commenceraient à devenir plus claires pour…

– Abou ! siffla la voix.

– Oui, acquiesça-t-il.

– Prêt ? Ils arrivent.

– Okay.

Il se prépara, détendu, presque comme à l’entraînement. Il souleva le lance-roquettes et déplia la crosse. Il déplaça sa main gauche le long du canon, légèrement, très légèrement, jusqu’à ce que la cible soit en vue. Il ne fallait pas une prise trop ferme ni trop tôt. L’index de sa main droite caressait le mécanisme de détente. Il plaça le viseur devant son visage, mais pas devant son œil. Il aimait avoir une vue dégagée jusqu’au dernier moment, afin d’avoir un aperçu complet de la scène avant de se concentrer sur les détails. Ses genoux étaient légèrement fléchis, son dos à peine arqué.

Il repérait maintenant, derrière le flanc de la colline à sa droite, la lumière du convoi qui approchait sur la route. Les faisceaux des phares s’élevaient, projetant des ombres étranges. Quelques secondes plus tard, il entendit les grondements des moteurs.

Il prit encore une grande respiration.

– En position, ordonna une voix sévère. En position.

– Allah Tout-Puissant, proféra Abou d’une voix un peu plus forte, plus empressée. Guide ma main et mes yeux. Permets-moi de causer la mort de tes ennemis, en Ton Nom et au nom de Ton bien-aimé prophète Mahomet, et de tous les grands prophètes de tous les temps.

La première Jeep se pointa dans le virage. Ses phares ronds tranchaient la brume nocturne.

Aussitôt, Abou se figea sous le poids de l’arme. Il colla son œil droit au viseur. D’autres véhicules apparurent à la suite, assez gros pour qu’il ait l’impression de pouvoir les toucher. Son doigt se crispa sur la détente. Il retint son souffle. Il n’était plus un garçon portant un lance-roquettes : tous deux s’étaient fondus l’un dans l’autre, devenant une entité unique – une machine à tuer.

Autour de lui, les hommes rampaient comme des serpents en direction de la route.

– En position, répéta la voix. Le second véhicule, tu le vois ?

– Oui.

Dans son viseur, la seconde Jeep était TOUT PRÈS. Il distinguait les silhouettes de ses occupants.

– C’est facile, murmura-t-il. C’est trop facile… En position…

Deux secondes s’écoulèrent, Abou suivant lentement sa cible de la droite vers la gauche, sans dévier d’un pouce.

– FEU !


***

C’était le passage qu’Avraham Gold détestait.

« Détestait » n’était pas le mot juste. Il le craignait. À chaque seconde à partir de maintenant.

Il parlait toujours à ce moment-là. Il parlait trop. Il était prêt à dégoiser n’importe quoi, juste pour franchir cet endroit. Il tira une longue bouffée de sa cigarette, malgré l’interdiction de fumer en patrouille, mais c’était la seule chose qui le détendait.

– Quitter Israël ? disait-il. Jamais ! Israël, c’est chez moi, maintenant et à jamais. Je voyagerai à l’étranger, sans doute, mais quitter le pays ? Comment je le pourrais ? Dieu nous a appelés à vivre ici. C’est la Terre Sainte. C’est la terre promise.

Âgé de 20 ans, Avraham était caporal dans Tsahal, l’Armée de défense d’Israël. Ses grands-parents étaient des Allemands qui avaient survécu à l’Holocauste. Il croyait chacun des mots qu’il prononçait. Pourtant ils sonnaient toujours creux à ses oreilles, comme une pub télé pro-colons rebattue.

Il était au volant de la Jeep, la dernière d’une file de trois. Il jeta un coup d’œil à la fille assise près de lui, Daria. Dieu qu’elle est belle !

Même avec ses cheveux coupés ras, même avec son uniforme cachant bien sagement son corps. C’était son sourire. Il aurait illuminé le ciel. Et ses longs cils – comme une chatte.

Elle n’avait aucun droit d’être ici, dans ce… no man’s land. Surtout avec ses opinions. C’était une libérale. Il ne devrait pas y avoir de libéraux dans Tsahal, avait décidé Avraham. Ils ne servaient à rien. Et Daria était pire qu’une libérale. Elle était…

– Je ne crois pas en ton Dieu, dit-elle simplement. Tu le sais.

Avraham souriait à présent.

– Je sais, et quand tu quitteras l’armée, tu vas…

– Déménager à Brooklyn, c’est vrai, acheva-t-elle pour lui. Mon cousin possède une entreprise de déménagement.

Il faillit rire, malgré sa nervosité.

– Tu m’as l’air bien maigre pour trimballer des pianos et des canapés dans des escaliers.

– Je suis plus forte que tu pourrais…

– Patrouille Abel, grésilla la radio tout à coup. À vous, patrouille Abel.

Il décrocha le micro.

– Ici Abel.

– Où êtes-vous ? demanda la petite voix.

– On vient d’entrer dans le Secteur 9.

– Juste à temps. Okay. Ouvrez l’œil.

– Oui, monsieur, opina Avraham.

Il coupa la radio et glissa un nouveau regard à Daria. Elle secouait la tête.

– Si c’est si inquiétant, pourquoi ils ne font rien ?

Il haussa les épaules.

– C’est l’armée. Ils agiront dès qu’il se passera un truc terrible.

Le problème était droit devant. Le convoi se déplaçait d’est en ouest sur le ruban étroit de la chaussée. Sur leur droite, à cinquante mètres de la route, s’étirait l’orée d’une forêt dense et profonde. Tsahal avait dégagé le terrain jusqu’à la frontière. Ces bois se trouvaient au Liban.

Sur leur gauche s’élevaient trois collines escarpées et verdoyantes. Pas vraiment des montagnes, mais pas des coteaux non plus. Elles étaient abruptes, avec des à-pics. La route en faisait le tour par derrière, et pendant un bref instant, les communications radio s’amenuisaient et le convoi devenait vulnérable.

Le commandement de Tsahal parlait de ces collines depuis plus d’un an. Il fallait que ce soit les collines. Ils ne pouvaient pas déboiser la forêt parce qu’elle était en territoire libanais – cela provoquerait un incident international. Donc pendant un moment, ils avaient projeté de dynamiter les collines. Puis ils allaient bâtir une tour de guet au sommet de l’une d’entre elles. Ces deux plans furent jugés inadaptés. Dynamiter des collines impliquait de détourner provisoirement la route de la frontière. Et une tour de guet serait sous la menace constante d’une attaque.

Finalement, la meilleure chose à faire était de patrouiller jour et nuit entre les collines et la forêt, en espérant que tout irait bien.

– Surveille ces bois, ordonna Avraham. Ouvre l’œil.

Il se rendit compte qu’il avait répété les mêmes mots que le commandant. Quel idiot ! Il regarda de nouveau Daria. Son lourd fusil reposait le long de sa fine silhouette. Elle gloussait en secouant la tête, la figure toute rouge.

Devant, dans les ténèbres, un flash de lumière jaillit sur la gauche.

Il frappa la Jeep du milieu, vingt mètres en avant. La voiture explosa, tournoya sur sa gauche et fit des tonneaux. Elle brûlait, ses occupants déjà carbonisés.

Avraham écrasa le frein – trop tard. Il dérapa et heurta le véhicule en feu.

Daria hurlait à ses côtés.

Ils avaient attaqué du mauvais côté – depuis les collines. Il n’y avait aucune couverture par là. C’était Israël.

Plus le temps de parler, d’ordonner à Daria quoi que ce soit.

La fusillade éclata des deux côtés. Une rafale de mitraillette arrosa sa portière : RAT-TA-TA-TA-TAT. Sa vitre vola en éclats, qui tombèrent en pluie sur lui. Une balle au moins avait percé son gilet pare-balles – il était touché. Il baissa les yeux sur son flanc, où une tache noire grossissait et s’étendait. Il saignait. Il le sentait à peine, comme une piqûre d’abeille.

Il grogna. Des hommes couraient dans l’obscurité.

Aussitôt, avant même qu’il en eût conscience, il empoigna son pistolet. Visa par la vitre brisée.

BLAM !

Le bruit fut assourdissant.

Il en avait eu un. Il en avait eu un. Le type était tombé.

Il en repéra un autre.

En position…

Il se passa quelque chose. Tout son corps tressauta violemment sur son siège. Il lâcha son arme. Un tir – quelque chose de puissant – l’avait atteint de plein fouet. C’était venu de derrière lui, perforant le tableau de bord. Un tir de fusil ou une petite roquette. Avec précaution, paralysé par la terreur, il porta la main à sa poitrine, toucha son sternum.

Il avait… disparu.

Il y avait un trou énorme dans sa poitrine. Comment pouvait-il être encore en vie ?

La réponse lui vint aussitôt : il ne le serait plus très bientôt.

Il ne le sentait même pas. Une sensation de chaleur se répandit dans son corps. Il regarda Daria une nouvelle fois. Dommage. Il allait la convaincre de… quelque chose. Plus aucune chance à présent.

Elle le fixait, les yeux ronds comme des soucoupes. Sa bouche formait un grand O d’horreur. Il eut envie de la réconforter, malgré tout.

« Ça ira, aurait-il voulu lui dire. Ça fait pas mal. »

Mais il ne pouvait pas parler.

Des hommes apparurent à la vitre derrière elle, qu’ils éclatèrent avec les crosses de leurs fusils. Des mains se tendirent, tentèrent de la tirer par la fenêtre, mais elle se défendit. Elle les déchira de ses mains nues.

La portière s’ouvrit. Trois hommes l’empoignèrent, l’arrachèrent de son siège.

Puis elle disparut, et il resta seul.

Avraham contempla la Jeep qui brûlait devant lui dans la nuit. Il réalisa qu’il n’avait aucune idée de ce qui était arrivé au véhicule de tête. Ça n’avait plus guère d’importance à présent.

Il songea brièvement à ses parents, à sa sœur. Il les aimait tous, simplement, sans regret.

Il pensa à ses grands-parents, qui s’apprêtaient peut-être à le recevoir.

Il ne distinguait plus la voiture en feu. Ce n’était plus que du rouge, du jaune et de l’orange vifs qui dansaient sur un fond noir. Les couleurs s’amenuisèrent et s’affadirent, tandis que les ténèbres s’étendaient et devenaient encore plus sombres. L’enfer de la voiture explosée paraissait à présent tel le dernier vacillement d’une chandelle morte.

Il regarda jusqu’à ce que l’ultime couleur s’évanouisse.




CHAPITRE QUATRE


16:35, heure normale de l’Est

Quartier général de la Special Response Team

McLean, Virginie



– Eh bien, je pense que l’équipe est officiellement reformée, déclara Susan Hopkins.

Luke sourit à cette idée.

C’était le premier jour de la Special Response Team dans ses locaux tout neufs. Le nouveau quartier général était l’ancien siège des années précédentes, mais il venait d’être rénové. Le petit bâtiment de deux étages en verre et béton était situé dans la riche banlieue de McLean, à quelques kilomètres seulement de la CIA. Il disposait d’un héliport avec un Bell 430 noir flambant neuf tapi sur le tarmac comme une libellule, portant le logo blanc brillant de la SRT sur ses flancs.

L’agence disposait de quatre SUV noirs garés sur le parking. Le bâtiment comprenait des bureaux au rez-de-chaussée et au premier étage, ainsi qu’une salle de conférence dernier cri qui égalait presque la salle de crise de la Maison-Blanche, équipée de tous les gadgets technologiques que l’imagination fiévreuse de Mark Swann pouvait concevoir. Le centre d’entraînement (avec appareils de cardio, de muscu et une salle de lutte très capitonnée) et la cafétéria se trouvaient au deuxième étage. Le stand de tir insonorisé était au sous-sol.

La nouvelle agence comptait vingt employés, la taille idéale pour répondre au déroulement des événements avec rapidité, légèreté et une flexibilité totale. Elle était désormais séparée du FBI et organisée comme une sous-agence du Secret Service, un arrangement qui limitait les interactions de Luke avec la bureaucratie fédérale. Il n’avait de comptes à rendre qu’à la présidente des États-Unis.

Le petit campus était entouré d’une clôture de sécurité surmontée de barbelés. Mais en ce moment, les grilles étaient béantes. C’était une journée portes ouvertes aujourd’hui. Et Luke était content d’être là.

Il arpentait les couloirs en compagnie de Susan, impatient de montrer à la présidente des États-Unis tout ce qu’elle connaissait déjà. Il se sentait comme un enfant de cinq ans. Il lui jetait un coup d’œil de temps en temps, imprégné de sa beauté, mais ne la fixait pas. Il réfrénait l’envie de lui prendre la main, ce qu’elle ressentait aussi apparemment, car sa main effleurait la sienne, son bras, son épaule à tout bout de champ.

Mais elle devait garder tous ces attouchements pour plus tard.

Luke reporta son attention au bâtiment. L’endroit avait été assemblé exactement comme il l’avait souhaité, tout comme la SRT. Ses hommes avaient accepté de se joindre à lui. Ce n’était pas une mince affaire – avec tous les conflits qu’ils avaient traversés et l’absence prolongée de Luc, c’était un vrai cadeau que tout le monde lui refasse confiance.

Susan et lui entrèrent dans la cafétéria et se faufilèrent parmi la foule, deux agents du Secret Service dans leur sillage. Une douzaine de personnes faisaient la queue devant le buffet. Luke repéra la personne qu’il cherchait près de la fenêtre, entre Ed Newsam et Mark Swann, éclipsée par ce tas de muscles d’Ed et cette grande perche de Swann. C’était son fils, Gunner.

– Viens, Susan, il y a quelqu’un là-bas que j’aimerais te présenter.

Elle se raidit soudain.

– Attends, Luke ! Ce n’est pas le bon…

Il secoua la tête, et cette fois lui saisit le poignet.

– Ça ira. Dis-lui simplement que tu es ma patronne. N’en dis pas plus.

Ils sortirent de la foule près de Gunner, Ed et Swann. Ce dernier s’était fait une queue de cheval et portait des lunettes panoramiques. Son corps élancé était vêtu d’un T-shirt Ramones noir et d’un jean délavé, et ses grands pieds étaient chaussés de sneakers Chuck Taylor à damier jaune et noir.

Ed avait l’air énorme dans son pull noir à col roulé, son pantalon beige à pli et ses chaussures de cuir noir. Il portait une Rolex en or au poignet. Ses cheveux et sa barbe d’un noir de jais étaient coupés avec méticulosité, comme des haies taillées par un maître jardinier.

Swann faisait dans les systèmes informatiques – le meilleur hacker avec qui Luke avait jamais travaillé. Chez Ed, c’était les armes et tactiques – il était passé dans la Delta Force après Luke. Quand il usait de la force, il était totalement dévastateur. Il tenait un verre de vin qui paraissait minuscule dans sa main géante. Swann avait dans une main une canette de bière noire portant un logo de pirate, et dans l’autre une assiette garnie de plusieurs grands canapés.

– Les gars, vous connaissez Susan Hopkins, pas vrai ? présenta Luke.

Ed et Swann lui serrèrent la main.

– Madame la présidente… (Ed la regarda en souriant des pieds à la tête.) C’est bon de vous revoir.

Luke faillit rire de voir Ed gratifier la présidente de son regard de loup. Il ébouriffa les cheveux de Gunner, un geste un peu embarrassant car Gunner était juste un peu trop grand pour une telle familiarité.

– Madame la présidente, voici mon fils Gunner.

Elle lui serra la main et prit un air amical genre Je suis la présidente et je rencontre un gamin au hasard.

– Gunner, ravie de faire ta connaissance. Tu apprécies cette petite fête ?

– Ça va, fit-il.

Il était cramoisi et évitait son regard. C’était encore un gosse timide, d’une certaine façon.

– Tes filles sont ici ? demanda Luke à Ed pour changer de sujet.

Ed sourit en haussant les épaules.

– Oh, elles traînent dans le coin.

Une femme apparut au bord de leur groupe. Elle était grande, blonde, attirante. Elle portait un costume rouge et des talons hauts. Et plus frappant que son apparence, fut le fait qu’elle alla droit sur Luke, ignorant la présidente des États-Unis. Elle brandit vers lui un smartphone tel un micro.

– Agent Stone, je suis Tera Wright de WFNK, la première radio d’infos de Washington.

Son intrusion fit sourire Luke.

– Bonjour, Tera, dit-il.

Il s’attendait à ce qu’elle lui pose des questions sur la réouverture des bureaux de la Special Response Team et sur les mandats de la SRT pour combattre le terrorisme intérieur et étranger. Bien. Ça ne le dérangeait pas d’en parler.

– Que puis-je pour vous ?

– Eh bien, attaqua Tera, je vois que la présidente est ici, à l’inauguration de votre agence.

– Bien sûr, acquiesça Luke. Je pense que la présidente sait quelle impor…

– Pouvez-vous répondre à une question, s’il vous plaît ? le coupa-t-elle.

– Bien sûr.

– Les rumeurs sont-elles vraies ?

– Heu, je ne vois pas de quelles…

– Des rumeurs circulent depuis une quinzaine, l’informa Tera Wright.

– À quel sujet ?

Luke parcourut le groupe du regard, tel un noyé espérant une planche de salut.

Tera Wright leva la main comme pour dire stop.

– Procédons autrement. Que diriez-vous sur la nature de votre relation avec la présidente Hopkins ?

Luke regarda Susan. Elle était aguerrie là-dessus. Elle ne rougit pas. Elle n’eut pas l’air coupable. Elle haussa simplement un sourcil et posa sur la nuque de la journaliste un regard interloqué, comme si elle n’avait aucune idée de ce que celle-ci pouvait bien insinuer.

Luke soupira.

– Eh bien, je dirais que la présidente Hopkins est ma patronne.

– Rien de plus ? interrogea la journaliste.

– Tout comme pour vous, ajouta Luke, elle est aussi ma commandante en chef.

Il jeta un nouveau regard à Susan, pensant qu’elle allait intervenir à présent et orienter la conversation vers un autre sujet. Mais se pointa la cheffe de cabinet de Susan, la jolie Kat Lopez, dans un costume bleu moulant à rayures. Kat était encore mince, même si ses traits n’étaient plus aussi juvéniles que lorsqu’elle avait accepté ce poste. Trois années de stress constant et de missions impossibles mineraient n’importe qui.

Elle parlait à voix basse, voire chuchotait à l’oreille de Susan.

Celle-ci s’assombrit en l’écoutant, puis hocha la tête. Quoi que ce fût, c’était une mauvaise nouvelle.

Elle releva la tête.

– Messieurs, veuillez m’excuser, dit-elle.




CHAPITRE CINQ


18:15, heure normale de l’Est

Salle de crise

Maison-Blanche, Washington DC



– Amy, affiche-nous le Liban et Israël, s’il te plaît, dit Kurt. Zoome sur la Ligne Bleue.

Une carte apparut sur l’écran géant derrière lui. Une seconde plus tard, elle s’afficha également dans les écrans plus petits encastrés dans les murs. Elle montrait deux territoires séparés par une épaisse ligne bleue ondulante. Sur la gauche des terres s’étendait une zone bleu pâle : la mer Méditerranée.

Susan connaissait la région suffisamment pour se passer de cette leçon de géographie. De plus, elle était agacée – elle était de retour à la Maison-Blanche depuis une heure déjà. Il avait fallu tout ce temps pour organiser cette réunion.

– Je vais couper court aux préliminaires, si ça ne dérange personne, reprit Kurt. J’imagine que tout le monde, dans cette pièce, est assez au courant des événements actuels pour savoir qu’il y a eu un accrochage à la frontière entre Israël et le Liban il y a deux heures à peine.

« La Ligne Bleue que vous voyez ici est une frontière négociée, derrière laquelle Israël a accepté de retirer ses troupes après la guerre et l’occupation de 1982. Un nombre inconnu de commandos du Hezbollah l’a franchie pour attaquer une patrouille israélienne sur la route qui suit la Ligne Bleue sur presque toute sa longueur. La patrouille comprenait huit soldats de Tsahal, et tous ont été tués – sauf une.

Une photo d’une jeune femme aux cheveux noirs, bien habillée, apparut dans les écrans. On aurait dit une photo provenant d’un annuaire d’université, ou prise avant une quelconque remise de prix. La fille souriait largement, voire plus – elle rayonnait littéralement.

– Daria Shalit, informa Kurt. Dix-neuf ans, commençant tout juste la deuxième année de son service de deux ans obligatoire dans Tsahal.

– Mignonne, émit quelqu’un dans la salle.

Kurt ne répondit pas. Il laissa échapper un long soupir.

– Croyez-moi, il y a beaucoup de poings sur la table et d’examens de conscience dans les cercles décisionnels israéliens. Les femmes participent aux patrouilles frontalières israéliennes depuis plusieurs mois. Il paraît clair à présent que c’était un enlèvement planifié à l’avance et que Shalit, ou toute autre jeune femme de la patrouille, était la cible visée. Une force d’assaut a poursuivi les ravisseurs de l’autre côté de la frontière, mais a rencontré une farouche résistance au bout de deux kilomètres. Quatre autres Israéliens ont été tués, ainsi qu’une vingtaine de militants du Hezbollah.

– Hélène de Troie, avança un homme en tenue militaire kaki.

– Exactement, opina Kurt. L’effet sur la société israélienne a été viscéral. Ça a été un coup de poing dans l’estomac, ce qui était probablement l’effet recherché. Nos renseignements suggèrent que le Hezbollah a délibérément tenté de rallumer un conflit similaire à celui qui s’est déroulé en 2006. Malheureusement, on soupçonne qu’il tend un piège à Israël.

– Le Hezbollah est coriace, remarqua le militaire. Ils sont difficiles à éradiquer.

– Amy, demanda Kurt, montre-moi le Hezbollah, s’il te plaît.

Dans l’écran apparut un groupe d’hommes qui marchaient en portant des bannières, le poing en l’air. Kurt désigna les hommes à l’aide d’un pointeur laser.

– Hezbollah – le parti de Dieu, ou l’armée de dieu, selon la traduction que vous préférez – est sans doute l’organisation terroriste la plus vaste au monde, et la plus puissante militairement. Ils ont été créés et sont formés, financés et déployés sous l’égide du gouvernement iranien, et leurs opérations couvrent l’Europe, l’Afrique, l’Asie et les Amériques.

« Le Hezbollah est une organisation terroriste extrêmement redoutable. Il jouit d’une légitimité mondiale parmi les musulmans chiites, d’une sophistication des opérations et d’une capacité d’organisation que Daech ne peut que rêver d’avoir parmi les sunnites. Dans les régions du Liban où le Hezbollah est basé, ils agissent souvent en tant que gouvernement local de facto, avec la pleine coopération de la population. Ils gèrent des écoles, des programmes alimentaires, de loisirs et d’emploi, et ils envoient une poignée de représentants élus au parlement libanais. Leur branche militaire est bien plus efficace et puissante que l’armée libanaise. À cause des différences religieuses entre les Musulmans chiites et sunnites, le Hezbollah et Daech sont ennemis et ont juré de se détruire l’un l’autre.

– Qu’y a-t-il de mal à ça ? intervint Susan, plaisantant à moitié. Les ennemis de mes ennemis sont mes amis, n’est-ce pas ?

Kurt esquissa un sourire.

– Prudence. La politique du Hezbollah envers notre proche allié Israël est celle d’une guerre sainte sans fin. Selon le Hezbollah, Israël constitue une menace existentielle, opprime la société libanaise, opprime les Palestiniens, et doit être détruit à tout prix.

– Est-ce qu’il a la moindre chance d’y parvenir ? demanda Susan.

Kurt haussa les épaules.

– Il pourrait causer quelques dommages, d’une étendue que nous ignorons. Les dernières évaluations laissent entendre que le Hezbollah comprend entre 25 000 et 35 000 combattants. Dix à quinze mille de ces combattants ont une certaine expérience du combat, acquise soit durant la guerre de 2006, soit plus récemment, quand ils ont combattu directement Daech au cours de la guerre civile syrienne. Nous pensons qu’environ 20 000 soldats ont été entraînés par les Gardiens de la Révolution iraniens – 5 000 ou davantage sont allés en Iran recevoir une formation poussée.

« Le Hezbollah possède un réseau de tunnels profonds et de fortifications dans la région vallonnée juste au nord de la Ligne Bleue, qui s’est avéré, durant la guerre de 2006 contre Israël, impossible à éliminer depuis les airs. L’espionnage israélien suppose que ces fortins sont juste devenus plus profonds, plus résistants et plus sophistiqués depuis 2006. Nos propres renseignements estiment que le Hezbollah dispose de plus de 65 000 roquettes et missiles, plus des millions de munitions pour armes plus légères. Leur arsenal est probablement cinq fois plus vaste qu’il ne l’était en 2006. Tout au long de l’histoire du Hezbollah, l’Iran a été réticent à lui fournir autre chose que des roquettes et missiles lents à courte portée, et nous supposons que c’est toujours le cas.

– Et que fait Israël ? s’enquit l’homme en uniforme kaki.

Kurt hocha la tête. Derrière lui, la Ligne Bleue réapparut à l’écran. Tout le long de son côté sud surgirent de petites icônes de soldats.

– Nous voilà maintenant dans le vif du sujet. Les Israéliens ont amassé d’importantes forces d’incursion à la frontière, que d’autres unités rejoignent sans cesse. Le secrétaire d’État a parlé au téléphone avec Yonatan Stern, le Premier ministre israélien. Yonatan est un jusqu’au-boutiste, populaire au sein de l’aile droite de la société israélienne. Pour conserver sa popularité auprès de sa base, il va devoir se montrer à la hauteur. Il lui faut une victoire décisive, le retour de la soldate disparue – quelque chose. On pense qu’il prévoit d’envoyer la force d’incursion israélienne de l’autre côté de la frontière dans les prochaines heures, pour envahir le Liban principalement.

– En un sens, on pourrait dire qu’Israël est déjà envahi par le Liban, remarqua le militaire.

– On pourrait dire ça, acquiesça Kurt. Stern prévoit de combiner cette invasion avec une campagne de bombardement. Nous avons demandé que cette campagne soit limitée à douze heures, soit préparée de façon à éviter des victimes civiles, et ne cible que des installations militaires connues du Hezbollah.

– Et qu’a répondu Yonatan à ça ? demanda Susan.

Yonatan Stern ne faisait pas partie de ses favoris. On pouvait même dire qu’ils ne s’entendaient guère.

– Il a dit qu’il en prenait bonne note.

Susan secoua la tête.

– Yonatan est comme vous, messieurs. Il n’a jamais affronté une guerre ou un système d’armes qu’il n’aimait pas.

Elle marqua une pause. Cela semblait être un de ces accrochages de faible intensité entre Israël et le Hezbollah, tout comme les autres escarmouches entre Israël et le Hamas ou l’OLP. Moche, sanglant, brutal, et peu concluant au final. Juste un round d’entraînement en vue du prochain round d’entraînement.

– Alors quel est notre rôle au final là-dedans, Kurt ? Quels sont les dangers, et que proposes-tu de faire ?

Kurt soupira. Son crâne parfaitement chauve reflétait les lumières encastrées dans le plafond.

– Comme toujours, le danger est que cette bataille s’étende hors de contrôle et se lie à – ou provoque – d’autres conflits régionaux. Le Hezbollah et les Palestiniens sont alliés. Souvent, le Hamas utilise ces guerres contre le Hezbollah comme couverture pour lancer ses propres attaques de guérilla à l’intérieur d’Israël. En Syrie, c’est le chaos, avec de nombreux groupes petits mais lourdement armés qui cherchent à exploiter l’instabilité.

« D’un autre côté, une vaste majorité en Jordanie, Égypte, Turquie et Arabie Saoudite se définit comme anti-Israël. Et il y a toujours l’Iran, le plus gros et le plus méchant de la bande, qui rôde en arrière-plan les bras croisés, avec le gros ours russe dans son ombre. Toutes les parties impliquées sont armées jusqu’aux dents.

– Et nos prochains pas ?

Kurt haussa ses larges épaules.

– Nos prochains pas se feront sur des œufs. Toute la région est un champ de mines, et on doit faire attention où l’on met les pieds. Israël est l’un de nos alliés les plus proches et un partenaire stratégique important. Ils sont vraiment la seule démocratie qui fonctionne dans toute la région. En même temps, le Liban a longtemps été un de nos alliés et partenaires. La Jordanie et la Turquie sont nos alliés. Nous achetons la majeure partie de notre énergie d’origine étrangère à l’Arabie Saoudite. Nous avons aussi l’engagement de négocier la paix entre Israël et la Palestine, et d’orchestrer la mise en place d’un État souverain en Palestine. (Il hocha la tête à ses propres réflexions.) Je dirais que ton job est de ne pas aviver les tensions davantage, et d’espérer que cette petite poussée de fièvre ne dure que quelques jours – ou mieux, quelques heures.

– En d’autres mots, sourit Susan, on reste les bras croisés.

Kurt sourit à son tour.

– Je dirais qu’on devrait rester les bras croisés. Mais actuellement, on a les mains liées dans le dos.




CHAPITRE SIX


12 décembre

13:40, heure d’Israël (06:40, heure normale de l’Est)

Tel-Aviv, Israël



Les nouvelles étaient mauvaises.

La jeune femme était assise sur un banc du parc, à regarder ses jumeaux – une fille et un garçon – jouer sur la balançoire. Non loin s’érigeait la barre d’appartements de seize étages où elle vivait. Il n’y avait personne alentour aujourd’hui, le parc était quasiment vide.

C’était inhabituel pour un après-midi de printemps, mais guère surprenant vu les circonstances. Presque tout le pays devait être scotché devant sa télé ou son écran d’ordinateur.

La nuit dernière, Daria Shalit, une soldate de Tsahal âgée de 19 ans, avait été portée disparue après une échauffourée avec des terroristes du Hezbollah qui avaient lancé une attaque surprise le long de la frontière nord. Les sept autres soldats de la patrouille – que des hommes – étaient morts au combat. Mais pas Daria. Daria avait juste disparu.

Des troupes de Tsahal avaient poursuivi les terroristes au Liban. Quatre Israéliens de plus étaient morts à cette occasion. Onze jeunes hommes – la crème de la jeunesse d’Israël – avaient péri en une heure. Mais ce n’était pas ce qui consumait le pays.

Du jour au lendemain, le destin de Daria était devenu une obsession nationale. Quand la femme fermait les yeux, elle voyait la jolie frimousse et les brillants yeux noirs de Daria, qui souriait en faisant des pitreries avec sa mitraillette, qui souriait en posant en bikini avec ses amis sur une plage de la Méditerranée, qui souriait en recevant son diplôme scolaire. Si belle et toujours rayonnante, comme si son avenir était assuré, telle une promesse qu’elle était certaine de recevoir.

À présent, la femme fermait les yeux et laissait les larmes couler sur ses joues. Elle se couvrit le visage de la main, espérant que ses enfants ne la verraient pas pleurer. Elle avait le cœur brisé pour une fille qu’elle n’avait jamais rencontrée mais qu’elle connaissait d’une certaine façon aussi bien que si Daria était sa propre sœur.

Les journaux réclamaient du sang, exigeaient l’anéantissement complet du peuple libanais. De violentes disputes avaient éclaté à la Knesset au cours de la nuit, tandis que le gouvernement proférait des menaces, exigeait la libération de la jeune fille, mais ne prenait aucune mesure immédiate. La rage enflait, prête à exploser.

Quelques heures plus tôt, le bombardement avait commencé.

Les jets israéliens pilonnaient le sud du Liban, le bastion du Hezbollah, jusqu’à Beyrouth au nord. Chaque fois que les annonces passaient à la télévision, les voisins de la femme dans son immeuble poussaient des cris et des acclamations.

– Tuez-les tous ! braillait un vieil homme sur un ton qui ressemblait à du triomphe, mais bien sûr n’en était pas. (Elle avait clairement perçu sa voix rauque à travers les murs fins comme du papier.) Tuez-les jusqu’au dernier !

Sur ce, la femme avait emmené ses enfants dehors.

À présent elle était assise dans ce parc, à pleurer en silence, se laisser aller, faire sortir son chagrin, ses oreilles restant attentives aux appels et aux cris de ses deux enfants. Ses enfants innocents allaient devenir adultes, entourés d’ennemis qui se réjouiraient de voir leur gorge tranchée et leur chair saigner à blanc.

– Qu’est-ce qu’on va faire ? chuchota la femme. Qu’est-ce qu’on va faire ?

La réponse lui vint sous la forme d’un nouveau son, bas et lointain au début, mêlé aux bruits que faisaient ses enfants. Mais bientôt il s’approcha et s’amplifia, encore et encore. C’était un son qu’elle ne connaissait que trop bien.

Les sirènes d’alerte aérienne.

Ses yeux s’écarquillèrent.

Ses enfants s’étaient arrêtés de jouer. Ils la fixaient à travers le terrain de jeu. Les sirènes hululaient fort maintenant.

FORT.

– Maman !

Elle sauta du banc et courut vers ses petits. Il y avait un abri antibombes sous leur immeuble, à un quart de kilomètre.

– Courez ! hurla-t-elle. Courez vers l’immeuble !

Mais les gosses ne bougeaient pas. Elle fonça vers eux et les prit dans ses bras. Puis elle courut avec eux cramponnés à elle, un dans chaque bras. Durant quelques instants, elle ignora les limites de ses forces. Elle filait sur le trottoir avec ses deux précieux paquets, tous deux en pleurs, tandis que les sirènes autour d’eux hurlaient de plus en plus fort. Le souffle de la femme était râpeux à ses oreilles.

L’immeuble se dressait de plus en plus près. De partout des gens, invisibles quelques instants plus tôt, accouraient vers lui.

Un autre bruit éclata soudain – un bruit si fort, si aigu que la femme crut que ses tympans allaient éclater. Elle leva les yeux et vit un missile traverser le ciel, venant du nord. Il frappa les étages supérieurs de son immeuble.

Sous l’impact, la terre trembla sous ses pieds. Le monde parut tournoyer autour d’elle au moment où le sommet du bâtiment fut soufflé par une explosion massive, éparpillant des débris de béton dans les airs. Combien de personnes dans ces appartements ? Combien de morts ?

Elle perdit l’équilibre et tomba, renversant ses deux enfants par terre. Elle rampa sur eux et les couvrit de son corps juste avant que ne survienne l’onde de choc. Puis une grêle de débris se mit à pleuvoir, petits éclats et cailloux tranchants, poussière étouffante, restes de vieillards et d’infirmes qui n’avaient pas pu quitter leur appartement à temps.

Les sirènes ne cessaient pas. Survint la stridence assourdissante d’un autre missile qui passa juste au-dessus de sa tête, suivie par l’explosion et l’écroulement de sa cible, non loin.

Les sirènes hurlaient et hurlaient et hurlaient.

Un autre missile suraigu se fit entendre. Il sifflait dans ses oreilles. Toute sa peau se couvrit de chair de poule. Elle serre ses enfants contre elle, de plus en plus fort. Le bruit était trop puissant. Cela n’avait plus aucun sens. C’était au-delà de l’ouïe, monstrueux au-delà de toute perception humaine – ses sens crièrent grâce face à lui.

La femme hurla de concert avec le missile, mais elle semblait ne faire aucun bruit. Elle ne pouvait pas lever les yeux. Elle ne pouvait pas bouger. Elle sentait son ombre au-dessus d’elle, masquant la lumière du jour.

Alors une nouvelle lumière l’enveloppa, une lumière aveuglante.

Puis ce fut les ténèbres.




CHAPITRE SEPT


06:50, heure normale de l’Est

Résidence de la Maison-Blanche

Washington DC



Le soleil du matin s’infiltrait à travers les stores, mais Luke ne voulait pas se lever. Il était couché sur le dos dans le grand lit, la tête sur les oreillers. Susan, la présidente des États-Unis, était allongée sous les draps à ses côtés, sa tête reposant sur la poitrine de Luke, ses courts cheveux blonds étalés sur sa peau nue. Il remarqua quelques mouchetures grises que sa styliste avait manquées. À moins que ce ne soit à dessein – chez un homme, un peu de cheveux gris indiquaient l’expérience, le sérieux, la gravité.

Elle respirait profondément.

– Tu es réveillée ? chuchota-t-il.

Il sentit le sourire de Susan sur sa peau.

– Bien sûr, idiot. Je suis réveillée depuis plus d’une heure.

– À quoi tu penses ? s’enquit Luke.

– À quoi toi tu penses ? Là est la question.

– Eh bien, je suis inquiet.

Elle se redressa sur un coude et se tourna pour le regarder. Comme toujours, il fut ébloui par sa beauté. Ses yeux étaient bleu pâle, et sur ses traits il devinait la femme qui s’étalait sur les couvertures des magazines plus de vingt ans auparavant. Elle rajeunissait, reculait vers cette époque. Il l’aurait presque juré – depuis le peu de temps qu’ils étaient ensemble, elle paraissait un peu plus jeune presque chaque jour.

Elle esquissa un demi-sourire et plissa les yeux, sceptique.

– Luke Stone est inquiet ? L’homme qui démantèle les réseaux terroristes d’un seul geste de la main ? L’homme qui renverse les dirigeants despotiques et arrête les tueurs de masse de la même façon, tout ça avant le petit-déjeuner ? De quoi Luke Stone pourrait-il bien être inquiet ?

Il secoua la tête et sourit malgré lui.

– Arrête avec ça.

À vrai dire, il était plus qu’inquiet. Les choses se compliquaient. Il était déterminé à rétablir sa relation avec Gunner. Ça se passait bien – mieux qu’il n’aurait pu l’espérer – mais les grands-parents de Gunner avaient toujours la garde de l’enfant. Luke commençait à penser que ça valait mieux. Une bataille pour reprendre la garde contre les parents riches et haineux de Becca serait longue, interminable et affreuse. Et que gagnerait-il ? Luke grenouillait toujours dans le monde de l’espionnage. S’il emménageait avec Luke, Gunner finirait par passer beaucoup de temps seul. Pas de conseils, pas de supervision, ç’aurait l’air pourri comme arrangement.

Puis il y avait la situation de Susan. Elle était présidente des États-Unis. Elle avait sa propre famille, et techniquement parlant, elle était toujours mariée. Pierre, son mari, savait à propos de Luke, et avait l’air content pour eux. Mais ils gardaient ça secret pour tout le monde.

De qui se moquait-il ? Ils ne gardaient rien secret.

Son équipe de sécurité rapprochée savait tout de lui – c’était leur travail de le savoir. Ce qui signifiait qu’il y avait déjà une rumeur qui croissait et se répandait au sein du Secret Service. Il franchissait le cordon de sécurité pour entrer ici tard le soir, deux, parfois trois nuits par semaine. Ou bien il émargeait en tant qu’invité l’après-midi, mais ne signait jamais sa sortie. Ceux qui contrôlaient la vidéosurveillance le voyaient entrer et sortir de la Résidence, et prenaient note du moment où il le faisait. Le chef savait qu’il cuisinait pour deux, et les serveuses qui apportaient les plats étaient deux vieilles dames corpulentes qui lui souriaient, le badinaient et l’appelaient « Monsieur Luke ».

La cheffe de cabinet de Susan le savait, ce qui signifiait que Kurt Kimball le savait sans doute également, et Dieu seul savait où la rumeur pouvait se propager à partir de là.

Tous ceux qui savaient à propos de Luke avaient de la famille, des amis, des connaissances. Ils avaient leurs gargotes favorites au petit-déjeuner, ou leurs cafétérias au déjeuner, ou leurs bars préférés où ils régalaient les habitués de récits de la vie à la Maison-Blanche.

La question posée hier par la journaliste laissait entendre que la rumeur s’était déjà propagée. Il y avait eu une fuite, un appel d’un membre du personnel mécontent au Washington Post ou à CNN, à l’origine d’un cirque médiatique général et permanent.

Luke ne désirait pas cela. Il ne voulait pas voir Gunner sous le feu des projecteurs. Il ne voulait pas voir son garçon chaperonné par le Secret Service partout où il allait. Il ne voulait pas voir les médias le suivre ou camper devant son école.

Luke ne désirait pas non plus toute cette attention pour lui-même. Il faisait mieux son travail s’il pouvait rester dans l’ombre. Il lui fallait toute liberté pour opérer, à la fois pour lui et pour son équipe.

Et il ne voulait pas que cette attention se porte sur Susan. Il ne le souhaitait pas, pour leur propre relation. La situation était chaude et pesante en ce moment, mais il n’imaginait pas que cela puisse durer sous le regard constant des médias.

Or il était impossible d’aborder ces questions avec elle. C’était une optimiste indécrottable, elle était déjà sous les feux des médias de toute façon, et elle était gorgée d’endorphines. Sa réponse était toujours une variante de « Oh, on va arranger ça ».

– Qu’est-ce qui vous inquiète, monsieur Luke ? demanda Susan.

– Ce qui m’inquiète… commença-t-il. (Il secoua de nouveau la tête.) Je crains de tomber amoureux.

Son sourire à mille watts illumina la chambre.

– Je sais, dit-elle. N’est-ce pas génial ?

Elle l’embrassa longuement, puis bondit hors du lit comme une adolescente. Il la regarda trottiner nue dans la pièce vers sa penderie. Elle avait toujours un corps d’adolescente.

Enfin, presque.

– J’aimerais te faire rencontrer mes filles, annonça-t-elle. Elles viennent en ville la semaine prochaine pour passer Noël.

– Super, répondit-il. (Cette idée lui retourna lentement l’estomac.) Qu’est-ce qu’on va leur dire à mon sujet ?

– Elles savent qui tu es : une sorte de superhéros. James Bond version mal rasé et sans costard. Je veux dire, tu as sauvé la vie de Michaela il y a quelques années à peine.

– On n’a jamais été vraiment présentés…

– Quand même. Tu es comme un oncle pour elles.

À cet instant, le téléphone sur la table de chevet se mit à sonner. Il émettait un drôle de bruit, moins une sonnerie qu’un bourdonnement. On aurait dit un moine enrhumé psalmodiant une méditation. De plus, il s’allumait en bleu à chaque sonnerie. Luke détestait ce téléphone.

– Tu veux que je décroche ? demanda-t-il.

Elle sourit et secoua la tête. Il la regarda retraverser la pièce, d’un pas plus vif cette fois. Un bref instant, il imagina un autre monde, dans lequel ils n’auraient pas leurs emplois. Merde, peut-être même un monde où tous deux seraient chômeurs. Dans ce monde, elle retournerait direct au lit avec lui.

Elle empoigna le téléphone.

– Bonjour…

Son expression changea tandis qu’elle écoutait la voix à l’autre bout de la ligne. Toute sa joie s’évanouit. L’éclat dans ses yeux se ternit, son sourire s’effaça. Elle prit un grand souffle et laissa échapper un long soupir.

– Okay, conclut-elle. Je serai en bas dans quinze minutes.

Elle raccrocha.

– Des ennuis ? s’enquit Luke.

Elle le regarda, ses yeux exprimant quelque chose – peut-être une vulnérabilité – que les masses n’avaient jamais vu à la télé.

– Quand est-ce qu’il n’y a pas d’ennuis ? rétorqua-t-elle.




CHAPITRE HUIT


07:30, heure normale de l’Est

Salle de crise

Maison-Blanche, Washington DC



L’ascenseur s’ouvrit et Luke pénétra dans l’ovoïde salle de crise.

Le grand Kurt Kimball, qui se tenait à l’autre bout de la salle, son crâne chauve tout luisant, le repéra aussitôt. D’habitude, Kurt menait ces réunions d’une main de fer. Il avait une telle maîtrise des affaires du monde, profonde, naturelle et encyclopédique, que les gens avaient tendance à le suivre.

– Agent Stone, dit-il. Content que vous puissiez vous joindre à nous de si bon matin.

Y avait-il un soupçon de sens caché, voire de sarcasme, dans sa déclaration ? Luke décida de ne pas relever. Il haussa les épaules.

– La présidente m’a appelé. Je suis venu aussi vite que possible.

Il promena son regard dans la salle.

Ultramoderne, l’endroit était bien plus qu’une salle de conférence : il était aménagé pour une utilisation maximale de l’espace, avec de grands écrans encastrés dans les murs tous les soixante centimètres, et un écran de projection géant sur le mur du fond, au bout de la table. Des tablettes de fins micros sortaient de plots dans la table de conférence – ils pouvaient être renfoncés dans la table si les participants souhaitaient utiliser leur propre matériel.

Tous les moelleux fauteuils en cuir de la table étaient occupés – quelques uniformes militaires, plusieurs complets-vestons. La plupart des personnes étaient des fonctionnaires du gouvernement d’âge moyen et en surpoids qui passaient beaucoup de temps assis dans des chaises confortables à déjeuner. Ces fauteuils ressemblaient à celui du capitaine du poste de pilotage d’un vaisseau spatial traversant la galaxie. De grands bras, un cuir profond, un dossier haut, ergonomiquement correct avec un support lombaire.

Les sièges le long des murs – de petites chaises en lin rouge à dossier bas – étaient occupés par de jeunes assistants et des secrétaires encore plus jeunes, la plupart d’entre eux buvant des cafés dans des gobelets en polystyrène, tapant des messages sur des tablettes ou murmurant dans des téléphones.

Susan était assise dans un fauteuil en cuir au bout le plus proche de la table oblongue. Elle portait un tailleur bleu à rayures. Elle avait croisé sa jambe droite sur la gauche, et se penchait pour écouter ce que lui disait un jeune assistant. Luke s’efforça de ne pas la fixer.

Au bout d’un moment, elle leva les yeux et lui adressa un signe de tête.

– Agent Stone, merci d’être venu.

– Bien sûr, madame la présidente, opina Luke.

Kurt tapa dans ses grandes mains, comme si l’arrivée de Luke était le signal qu’il attendait. Cela produisit un bruit semblable à un gros livre tombant sur un sol de pierre.

– Mesdames et messieurs ! Votre attention, s’il vous plaît.

La salle devint silencieuse. Ou presque. Deux militaires assis à la table de conférence continuaient de parler entre eux, penchés l’un vers l’autre.

Kurt tapa de nouveau dans ses mains : CLAP, CLAP.

Tous deux le regardèrent. Il leva les mains, comme pour dire : « Vous avez fini ? »

Enfin la pièce plongea dans le silence.

Kurt fit un signe à une jeune femme assise sur sa gauche. Luke l’avait déjà vue bien des fois. Elle était l’indispensable assistante de Kurt, quasiment un appendice supplémentaire. Elle avait des cheveux auburn coupés court et au carré comme Susan – la coiffure au carré de Susan faisait fureur chez les jeunes femmes ces derniers temps. Elle n’était pas non plus passée inaperçue chez les rédacteurs de magazines et les émissions people. Les critiques l’appelaient la « coupe Hopkins » s’ils aimaient ça, le « casque Hopkins » s’ils n’aimaient pas. Cependant, ils semblaient tous s’entendre sur le nom à donner aux femmes qui se coiffaient ainsi : l’Armée de Susan.

Luke appréciait celle-ci. Il n’avait pas de coupe au carré, mais il supposait faire également partie de l’Armée de Susan.

– Amy, voyons ça, dit Kurt. Israël et le Liban, s’il te plaît.

À l’écran, des icônes jaunes et bleues représentant des explosions se mirent à apparaître sur tout le sud du Liban, s’éparpillant au nord jusqu’aux limites sud de Beyrouth, de plus en plus éparses à mesure qu’elles remontaient vers le nord.

– Il y a quelques heures, les forces aériennes israéliennes ont lancé une campagne de bombardements, attaquant les systèmes de tunnels et les fortifications du Hezbollah le long de la Ligne Bleue, ainsi que les quartiers au sud de Beyrouth aux mains du Hezbollah. Ce n’est pas une surprise, en fait le gouvernement de Yonatan Stern nous l’a télégraphié la nuit dernière.

À l’écran, de grandes icônes rouges, de la même forme que les premières, apparurent sur Israël, peut-être une quinzaine en tout. Un instant plus tard, d’autres icônes rouges plus petites, telles de minuscules étoiles, se dispersèrent au nord d’Israël. Il y en avait des dizaines.

– Peu après qu’Israël a commencé ses frappes aériennes, le Hezbollah a lancé des missiles sur Israël. Ce n’est pas inhabituel, surtout s’il y a échange de tirs entre les deux forces. La guerre de 2006 avait suivi plus ou moins la même trajectoire. Mais un problème est survenu. Dans l’intervalle, le Hezbollah a augmenté sa puissance de feu.

S’afficha une photo d’un grand missile sur une plateforme de lancement mobile.

– Voici un missile Fateh-200. C’est une arme construite en Iran, un missile à longue portée et à têtes multiples, doté d’un puissant impact. Lancé depuis le Liban, il peut frapper presque n’importe où en Israël, à part peut-être le désert du Néguev au sud, faiblement peuplé. Il possède des systèmes de contrôle et de guidage sophistiqués, qui donnent pour la première fois au Hezbollah une capacité de frappes précises.

Kurt marqua une pause.

– D’après ce qu’on a pu collecter, il apparaît désormais que le Hezbollah possède le Fateh-200. On pense qu’ils ont tiré entre vingt et trente de ces missiles jusqu’à présent, chacun comportant jusqu’à douze têtes. Ils ont ciblé des infrastructures civiles et militaires dans des agglomérations à travers Israël, y compris Tel-Aviv, la limite ouest de Jérusalem et le centre d’Haïfa, entre autres. Le système de défense antimissiles à moyenne portée d’Israël, dénommé Fronde de David, a contré en plein ciel la moitié voire les deux tiers de ces missiles. Mais ça n’a pas suffi. Plusieurs quartiers civils ont été frappés et de nombreux bâtiments détruits. Une tête est tombée à moins d’un kilomètre de la Knesset, le parlement israélien, pendant qu’il était en séance.

– Combien de pertes humaines actuellement ? s’enquit Haley Lawrence, le secrétaire à la Défense.

– Jusqu’à présent, on n’a que les chiffres officiels publiés. Plus de 4000 civils tués, des milliers de blessés, panique et destructions largement répandues. Aucun chiffre n’a été publié sur les pertes militaires, mais les Israéliens ont mobilisé pour une guerre totale, rappelant tous les réservistes et les vétérans valides des guerres passées. Ils ont considérablement intensifié le bombardement du Liban, sans doute en vue de détruire le plus de Fateh-200 possible avant qu’ils ne soient lancés.

– Est-ce que ça marche ? intervint Luke – qui connaissait déjà la réponse.

Kurt secoua la tête.

– On n’en sait rien. J’en doute. À l’heure actuelle, le Hezbollah lance toujours des roquettes et de petits missiles non guidés sur le nord d’Israël, démontrant que leurs capacités de représailles existent encore. Nous pensons qu’ils réservent les Fateh-200 pour l’instant, mais qu’ils reprendront leurs tirs au moment de leur choix.

« Israël a reproché publiquement à l’Iran d’avoir fourni ces nouveaux missiles au Hezbollah. Selon toute vraisemblance, cette accusation est exacte. Le Hezbollah est un pion de l’Iran. Il y a trente minutes, Israël a menacé d’attaquer l’Iran si un autre Fateh-200 ou un missile similaire était lancé sur le territoire israélien.

Kurt fit une nouvelle pause.

– Dix minutes plus tard, l’Iran a informé les Israéliens qu’ils allaient contrer toute attaque israélienne par des armes nucléaires. Dans la même déclaration, ils ont indiqué que toute attaque israélienne serait un motif pour l’Iran de lancer des armes nucléaires sur la base aérienne américaine de Doha, au Qatar, ainsi que sur le grand complexe de l’ambassade américaine à Bagdad.

Un silence de mort plana dans la salle durant quelques secondes. Debout dans un coin, Luke observait les expressions sur les visages. Plusieurs rougissaient, comme s’ils étaient embarrassés. D’autres avaient le regard fixe et la mâchoire qui pendait légèrement.

– L’Iran n’a pas d’armes nucléaires, lança quelqu’un. Ce n’est pas possible.

– Tous les accords et traités internationaux stipulent que l’Iran n’est pas une puissance nucléaire, et qu’il n’a pas le droit de le devenir, précisa Kurt. Mais ça ne veut pas dire qu’ils n’ont pas acquis d’armes nucléaires. Amy, montre-nous l’Iran, s’il te plaît.

Une carte de l’Iran apparut à l’écran. Luke sentit son cœur se serrer. Il était déjà allé en Iran. Ce n’était pas son endroit préféré dans le monde.

– L’État islamique d’Iran est une théocratie musulmane chiite. On sait qu’ils nourrissent l’ambition d’acquérir des armes nucléaires au moins depuis la révolution islamique de 1979.

– Mais s’ils avaient testé une arme nucléaire, on l’aurait su, remarqua Susan.

C’était la première fois qu’elle prenait la parole depuis le début de la réunion.

– Ce serait bien si c’était vrai, rétorqua Kurt. Des installations d’essais souterrains profonds prolifèrent partout dans le monde, très difficiles à repérer et cartographier. Des systèmes avancés de détection des radiations peuvent mesurer des radiations émises dans l’atmosphère, jusqu’à de très faibles quantités. Nous pouvons combiner ça avec notre capacité à mesurer la force et la direction des vents dominants, et déterminer avec une bonne précision d’où proviennent les radiations. Mais quand je dis une bonne précision, je veux dire dans un rayon de plusieurs centaines de kilomètres. Étant donné la proximité de l’Iran avec le Pakistan – qui est une puissance nucléaire connue et acceptée –, il est difficile de localiser une source de radiations et d’affirmer avec certitude qu’elle se trouve en Iran.

– Mais ces tests ont des signatures sismiques, argua Susan. Presque comme des tremblements de terre.

Kurt hocha la tête.

– Et c’est ce qui rend l’Iran doublement problématique. C’est l’un des endroits les plus actifs sismiquement sur la planète. Les séismes y sont courants et fréquemment dévastateurs. La catastrophe la plus récente s’est produite en 2003, quand un séisme de magnitude 6,6 a tué au moins 23 000 personnes dans la ville de Bam. Mais les catastrophes mises à part, l’activité sismique en Iran est quasiment constante. On la surveille quotidiennement. Écouter un grondement souterrain en Iran, c’est comme écouter les vagues rouler sur une plage. Ça arrive en permanence.

– Qu’est-ce que tu essaies de dire, Kurt ? lança Susan. Dis-le, simplement.

– L’Iran pourrait fabriquer et tester des armes nucléaires, répondit Kurt. Et on pourrait bien ne pas les découvrir.

Une idée s’imposa aussitôt à Luke. C’était juste un de ces trucs : il y a une question, et l’esprit crache la réponse. On n’aime pas la réponse, mais elle est là, évidente.

– Pourquoi n’enverrait-on pas une équipe d’infiltration ? proposa-t-il. Elle pourrait découvrir sur place si c’est du bluff ou non. Si ce n’est pas du bluff, elle repèrerait l’emplacement des armes nucléaires et y faire venir des frappes aériennes.

Certes, il n’avait pas encore en tête le plan tout entier, mais une fois prononcé à voix haute, il devinait que c’était la voix de la sagesse.

– Nous n’avons pas les personnes nécessaires sur place pour ce type de déploiement, remarqua un homme en uniforme kaki. Ça prendrait des semaines, voire des mois…

– Général, je ne suis pas de votre avis, le coupa Luke. Nous aurons des personnes sur place. Ma propre organisation, la Special Response Team, est prête à y aller.




CHAPITRE NEUF


08:15, heure normale de l’Est

Aile ouest

Maison-Blanche, Washington DC



– C’est une catastrophe, dit Susan. C’est dingue. Je ne vais pas le permettre.

Susan, Kurt et Kat Lopez retournaient à travers l’aile ouest vers le Bureau ovale. Les chaussures de Susan et de Kat claquaient sur le sol en marbre. Trois mastards du Secret Service marchaient dans leur sillage, et deux autres les précédaient.

Ils rejoignirent les doubles portes du Bureau ovale, flaquées de chaque côté d’un massif agent du Secret Service. Susan et la petite troupe qui l’entourait marchaient si vite qu’elle avait l’impression d’être transportée vers le bureau sur un tapis roulant. Elle sentait qu’elle perdait le contrôle. Elle n’avait pas voulu cette réunion. Deux mois plus tôt, envoyer ses meilleurs agents dans une mission potentiellement mortelle ne l’aurait pas autant secouée.

– Susan, on a un autre problème, annonça Kurt.

– Vas-y, achève-moi.

– Les Israéliens ne nous communiquent plus le décompte des victimes, ni ne nous tiennent au courant de leurs plans. Yonatan Stern est furieux. Il veut attaquer l’Iran immédiatement, et nous lui avons demandé de s’en abstenir. Il réduit déjà le Sud-Liban en poussière, mais le Hezbollah continue de lancer des missiles. Il qualifie ces attaques d’humiliation, ainsi que la menace iranienne sans moyen clair de riposter, et il nous en rend responsables. Il est prêt à expulser notre ambassadeur du pays. Il veut te parler en direct.

Susan secoua la tête.

– Cette journée devient de mieux en mieux.

Ils franchirent les doubles portes et entrèrent dans le Bureau ovale.

– Est-ce que tu veux que je planifie un rendez-vous téléphonique ? demanda Kat.

– Bien sûr. Je vais lui parler. Kurt, tu peux demander à quelqu’un de rédiger mes points à discuter ? Que suis-je censée lui dire ? Pourquoi tout le monde ne peut pas être juste ami ? Pourquoi on ne dit pas à ces types avec les missiles d’aller se faire foutre ?

– C’est ça, dit Kurt, qui s’isola dans un coin du bureau, déjà au téléphone.

Kat s’éclipsa par où ils étaient entrés.

Susan parcourut le Bureau ovale du regard. Devant elle, trois hautes fenêtres, dont les rideaux étaient écartés, donnaient sur la Roseraie. Dehors, c’était une journée ensoleillée de début d’hiver. Il y avait plusieurs personnes dans la pièce. Luke Stone était assis dans une chaise à haut dossier dans le coin salon. Sous ses pieds se trouvait le sceau du président des États-Unis. À côté de lui se tenait le gros Haley Lawrence, le secrétaire à la Défense, qui semblait avoir pris du poids – ce volume supplémentaire lui donnait l’apparence d’un bibendum, faisant beaucoup ressembler cet homme de plus d’un mètre quatre-vingt à un petit garçon.

Deux autres hommes étaient restés debout dans la pièce. Ils portaient des uniformes kaki et étaient dans la cinquantaine, estima Susan. Très musclés, coupe en brosse, ils auraient pu être jumeaux – Tweedledum et Tweedledee.

– Madame la présidente, se présenta Tweedledum, tendant la main vers elle. Je suis le général Steven Perkins de la Defense Intelligence Agency.

Elle lui adressa un signe de tête tandis qu’il lui serrait la main d’une ferme poigne militaire.

– Général…

Tweedledee vint également lui serrer la main.

– Madame la présidente, je suis Mike Sobchak de la Naval Intelligence.

– Amiral…

Susan leur adressa un signe de tête.

– Okay, messieurs, où en est-on ? Quel genre de plan avez-vous concocté, l’agent Stone et vous ?

Kurt était de retour, après avoir chuchoté dans son téléphone pendant onze secondes.

– Fermez la porte, s’il vous plaît, intima-t-il aux hommes du Secret Service.

– C’est une mission hautement confidentielle, déclara Haley Lawrence.

Susan haussa les épaules et fit un geste tournoyant de la main.

– J’imagine bien. Alors dites-moi.

– Nous envoyons une petite équipe en Israël dans un avion du département d’État[2 - Équivalent au ministère des Affaires étrangères aux USA. (NdT)], expliqua Kurt. Nous avons déjà envoyé trois avions du département d’État depuis hier, donc pour ceux qui y prennent garde, ça peut ressembler à la même chose : des diplomates de crise qui arrivent en avion pour tenter de désamorcer la situation.

– Je suis sûre que nul ne se doutera que nous envoyons des espions là-bas, releva Susan.

– Quand l’équipe arrivera, elle sera informée par les services de renseignements israéliens sur les emplacements possibles des sites nucléaires iraniens. L’équipe se coordonnera avec les Israéliens pour préparer une infiltration, puis sera lâchée en Iran à la faveur de l’obscurité. L’équipe se rendra ensuite, par tous les moyens disponibles, sur les sites les plus probables, et confirmera ou infirmera l’existence d’armes nucléaires sur ces sites. Si des armes sont trouvées, elle appellera des frappes aériennes sur ces coordonnées, qui détruiront les armes dans leurs silos.

– Des frappes aériennes par qui ? Les Américains ou les Israéliens ?

– Les Américains, précisa Tweedledum. Par définition, ces frappes devront être de puissantes bombes antibunkers larguées à haute altitude. Très probablement des MOAB larguées depuis des bombardiers B-52, si nous pouvons détruire les bunkers avec des armes conventionnelles, ce qui n’est pas garanti. Nous ne croyons pas que les Israéliens aient de telles capacités.

– « Nous ne croyons pas » ? releva Susan. On ne sait pas ?

– Nous avons affaire à Israël, là, rappela Tweedledee. Ils pourraient les avoir, ou pas. Ils ne sont pas toujours disposés à donner des informations de ce genre. Quoi qu’il en soit, si les Israéliens bombardent les silos de missiles iraniens, il y a toujours le risque que ça déclenche la troisième guerre mondiale. Les Russes sont des alliés proches de l’Iran. D’un autre côté, les pays sunnites détestent les chiites iraniens. Du moins jusqu’à ce que les Israéliens les bombardent. Alors ils deviennent tous des compatriotes musulmans et l’agression israélienne doit être vengée. Si c’est nous qui opérons le bombardement… (Il haussa les épaules.) Je pense qu’on peut trouver un moyen de calmer les Russes là-dessus. Et les pays sunnites vivront avec.

– Pourquoi les Israéliens n’envoient-ils pas leurs propres espions chercher ces bombes ? s’étonna Susan.

– On en a parlé avec leurs services d’espionnage. Ils pensent que la mission sera un échec à coup sûr. Ils préféreraient bombarder l’Iran sans discernement et détruire toutes les bases militaires et les infrastructures iraniennes, dans l’espoir d’anéantir les bombes nucléaires qu’ils pourraient posséder. Nous les encourageons – nous les incitons très fortement – à ne pas suivre cette ligne de conduite. De toute évidence, le risque de bombarder l’Iran et de laisser ne serait-ce qu’un seul missile nucléaire opérationnel est trop élevé pour envisager ce que…

– Hello, agent Stone, coupa Susan en regardant Luke.

Il la fixa droit dans les yeux. C’était ce qu’elle détestait, ce qu’elle avait appréhendé. À cet instant, elle aurait voulu arrêter le temps, et qu’il ne prononce plus un seul mot.

– Madame la présidente…

– Avez-vous l’intention d’accepter cette mission ?

– Oui, acquiesça-t-il. Bien sûr. C’était mon idée.

– Ça me paraît être une mission suicide, agent Stone.

– J’ai connu pire, répondit Luke. En tout cas, c’est exactement pour ce genre de mission que la nouvelle Special Response Team a été organisée. J’en ai déjà parlé à mon équipe. Nous pouvons être prêts à partir dans deux heures.

Susan tenta une autre approche :

– Agent Stone, vous êtes le directeur de la Special Response Team. Mes dossiers signalent que vous avez 42 ans. Cette mission ne serait-elle pas mieux assurée par un opérateur subalterne de votre agence ? Quelqu’un d’un peu plus jeune, voyez ? D’un peu plus vigoureux ?

– J’ai prévu d’y aller avec Ed Newsam, rétorqua Luke. Il a 35 ans. Et de toute façon, je suis encore pas mal vigoureux pour un vieux schnock.

– L’agent Stone et l’agent Newsam ont tous deux l’expérience d’opérations importantes au Moyen-Orient, précisa Tweedledum. Tous deux sont des combattants d’élite, ont été profondément infiltrés, et connaissent bien les cultures israélienne, arabe et perse. Tous deux sont capables de parler le farsi.

Susan l’ignora. Elle parcourut la pièce du regard. Tous avaient les yeux fixés sur elle. Elle savait qu’ils voulaient discuter des détails de la mission. Ils voulaient son feu vert immédiat, afin de rassembler les ressources nécessaires, prévoir les éventualités en cas d’échec, élaborer des stratégies pour un démenti plausible au cas où elle serait rendue publique. Dans leur esprit, la question de savoir qui y allait ne se posait même plus – elle était déjà réglée.

– Messieurs, pouvez-vous me laisser seule quelques minutes avec l’agent Stone ?


***

– Luke, tu as perdu la tête ?

Tout le monde était parti, y compris les agents du Secret Service.

– Je n’enverrais pas mon pire ennemi dans cette mission. Tu es censé être parachuté en Iran, puis te balader dans le pays avec des assassins à tes trousses, jusqu’à ce que tu trouves des armes nucléaires, c’est ça ?

Il sourit.

– Eh bien, j’espère qu’elle sera un peu plus réfléchie que ça.

– Tu vas te faire tuer.

Il se leva, s’approcha d’elle, voulut la prendre dans ses bras. Elle se raidit un instant, puis fondit sous son étreinte.

– Tu sais à quel point ça a l’air ridicule que la présidente des États-Unis s’inquiète excessivement de la vie d’un agent spécial, qui a fait précisément ce genre de choses toute sa vie ?

Elle secoua la tête.

– Je m’en fiche. C’est différent. Je ne peux pas approuver une mission où tu risques d’être tué. C’est dingue.

Il baissa les yeux sur elle.

– Est-ce que tu es en train de me dire que pour être avec toi, je devrais lâcher mon boulot ?

– Non. Tu es le chef de ta propre agence. Tu n’as pas à t’en charger. Tu n’as pas à te porter volontaire. Envoie quelqu’un d’autre.

– Tu veux que j’envoie quelqu’un d’autre alors que tu penses que c’est une mission suicide ?

– C’est ça, opina-t-elle. Envoie quelqu’un que je n’aime pas.

– Susan, je ne peux pas faire ça.

Elle se détourna et soudain, se mit à pleurer de chagrin.

– Je sais. Je le sais bien. Mais pour l’amour de Dieu, je t’en prie, ne meurs pas là-bas.




CHAPITRE DIX


16:45, heure d’Israël (09:45, heure normale de l’Est)

L’Antre de Samson – enfoui profond sous terre

Jérusalem, Israël



– Dis-leur de se taire.

Yonatan Stern, le Premier ministre d’Israël, était assis dans son fauteuil habituel, à la tête de la table de conférence du centre de contrôle de crise israélien, le menton dans la main. La salle formait un dôme ovoïde caverneux. Tout autour de lui, le chaos régnait parmi ses conseillers militaires et politiques, qui criaient, récriminaient, brandissaient des doigts l’un vers l’autre.

Comment en est-on arrivé là ? semblait être la question dominante. Et la réponse sur laquelle s’entendaient la plupart de ces brillants stratèges était : C’est la faute de quelqu’un d’autre.

– David ! lança-t-il en fixant son chef de cabinet, un ancien commando baraqué qui était son bras droit depuis le temps de l’armée.

David lui retourna son regard de ses grands yeux sombres et sinistres, en se mordant l’intérieur de la joue comme chaque fois qu’il était nerveux ou distrait. Autrefois, cet homme tuait ses ennemis à mains nues, tout en ayant l’air contrit de le faire. Il avait toujours l’air contrit aujourd’hui.

– S’il te plaît, ramène un peu d’ordre, supplia Yonatan.

David s’approcha de la table de conférence et abattit un poing géant sur le plateau : BOUM !

Sans prononcer un mot, il rabattit son poing : BOUM !

Et encore. Et encore. Et encore. À chaque coup de poing, la salle se calmait un peu plus. Finalement, tout le monde se leva et fixa David Cohn, le secrétaire et l’homme de main de Yonatan Stern, un homme qu’aucun d’eux ne respectait intellectuellement, mais aussi qu’aucun d’eux n’oserait jamais contrarier.

Il leva une dernière fois son poing, mais la salle était silencieuse à présent. Le poing s’arrêta au milieu de sa trajectoire, tel un marteau. Puis il redescendit lentement contre son flanc.

– Merci, David, dit Yonatan. (Il détailla les hommes présents dans la salle.) Messieurs, j’aimerais commencer cette réunion. Donc s’il vous plaît, prenez place et captivez-moi avec votre sagacité.

Il parcourut la pièce du regard. Efraim Shavitz était là, toujours juvénile, faisant beaucoup plus jeune que son âge. On le surnommait le Mannequin. Il était le directeur du Mossad. Il portait un onéreux costume sur mesure et des chaussures italiennes en cuir noir reluisantes. On aurait dit qu’il se rendait dans une boîte de nuit à Tel-Aviv, et non qu’il supervisait actuellement la destruction de son propre peuple. Dans une pièce remplie de militaires vieillissants et de penseurs mal fagotés, Shavitz le dandy avait l’air d’un genre d’oiseau exotique.

Yonatan secoua la tête. Shavitz était l’un des hommes de son prédécesseur. Yonatan l’avait gardé parce qu’il lui avait été recommandé, et qu’il semblait savoir ce qu’il faisait. Jusqu’à aujourd’hui.

– Efraim, votre évaluation, s’il vous plaît.

– Bien sûr, acquiesça Shavitz.

Il sortit une télécommande de la poche de sa veste et se tourna vers le vaste écran au bout de la table de conférence. Aussitôt apparut une vidéo d’un lancement de missile depuis une plateforme mobile vert olive.

– Les Fateh-200 sont arrivés au Liban. Nous avons soupçonné que ça pourrait être le cas…

– Quand l’avez-vous soupçonné ? le coupa Yonatan.

Shavitz se tourna vers lui.

– Pardon ?

– Quand avez-vous soupçonné que le Hezbollah avait reçu le système d’arme Fateh-200 ? Quand ? Je n’ai jamais lu le moindre rapport, et personne ne m’a averti qu’un tel rapport pourrait m’être transmis. La première fois que j’en ai entendu parler, ça a été quand des missiles à longue portée hautement explosifs ont commencé à abattre des immeubles résidentiels à Tel-Aviv.

S’installa un silence prolongé. Tous les hommes dans la salle fixaient qui Yonatan Stern, qui Efraim Shavitz, qui la table devant eux.

– Quoi qu’il en soit, ils les ont, marmonna Shavitz.

– En effet, acquiesça Yonatan. Maintenant, à propos de l’Iran… qu’est-ce qu’ils ont ?

Shavitz pointa Yonatan du doigt.

– Ne confondez pas l’acquisition par le Hezbollah d’armes conventionnelles puissantes avec la menace nucléaire iranienne, Yonatan. Ne faites pas cela. Nous vous avons dit que les Iraniens travaillaient sur des missiles nucléaires. Nous connaissons les endroits suspects. Nous connaissons les personnes impliquées. Nous avons une idée du nombre d’ogives. Vous êtes avertis de ces dangers depuis des années. Nous avons perdu beaucoup d’hommes de valeur pour obtenir ces informations. Que vous n’ayez rien fait n’est pas ma faute, ni celle du Mossad.

– Il y a des considérations politiques, remarqua Yonatan.

Shavitz secoua la tête.

– Ce n’est pas mon domaine. Nous pensons à présent que les Iraniens peuvent posséder jusqu’à quatorze ogives, situées en trois endroits, et probablement enterrées assez profond. Ils peuvent n’en avoir aucun. Ça peut être un mensonge. Mais pas plus de quatorze.

– Et s’ils les ont, ces quatorze ogives ?

Shavitz haussa les épaules. Une mèche de cheveux glissa sur son front, ce qui était très inhabituel chez lui. Il aurait mieux fait de se donner un coup de peigne avant d’aller en boîte.

– Et s’ils réussissent à les lancer ?

– Oui, acquiesça Yonatan.

– Nous serions anéantis. Aussi simple que ça.

– Quelles sont nos options ?

– On n’en a guère, expliqua Shavitz. Tout le monde ici les connaît déjà. Tout le monde ici connaît bien nos propres capacités en missiles nucléaires et conventionnels, et en forces aériennes. Nous pouvons lancer une attaque préventive massive tous azimuts, contre tous les sites de missiles iraniens et syriens connus, et contre toutes les bases de l’armée de l’air iranienne. Si nous agissons avec un engagement total, et avec toutes nos forces en parfait accord, nous pouvons détruire complètement les capacités militaires iraniennes et syriennes, et renvoyer la société civile iranienne à l’âge de pierre. Ceux dans cette salle qui ont des considérations politiques n’ont pas besoin que je leur dise quelle serait la réaction mondiale.

– Et une frappe moins importante ?

Shavitz secoua de nouveau la tête.

– Pour quoi faire ? Toute frappe qui laisse l’Iran avec des capacités en missiles, avec des chasseurs ou des bombardiers en vol, ou qui laisse ne serait-ce qu’un seul missile nucléaire opérationnel, serait pour nous un désastre. Pendant que certains d’entre nous dorment, monsieur le Premier ministre, ou récompensent leurs amis par des contrats gouvernementaux, les Iraniens travaillent comme des fourmis à construire un arsenal de missiles conventionnels d’une fiabilité incroyable, tout ça à notre intention.

« Le Fajr-3, avec son guidage de précision et ses multiples véhicules de rentrée, est presque impossible à abattre. Le programme Shahab-3 comprend assez de missiles, assez de puissance de feu, et la portée nécessaire pour bombarder chaque centimètre carré d’Israël. Les systèmes Ghadr-110, Ashoura, Sejjil et Bina peuvent tous nous atteindre, des milliers de projectiles et d’ogives individuels. Et, bien que ça ne paraisse guère urgent pour l’instant, ils travaillent toujours sur le missile lancé par le satellite Simorgh, qui est en cours d’essai et que nous pouvons estimer opérationnel d’ici un an. Une fois ce système en place…

Shavitz soupira. Le reste de la salle demeurait silencieux.

– Et notre système d’abris ? relança Yonatan.

Shavitz hocha la tête.

– Si on suppose que les Iraniens bluffent et ne possèdent aucune arme nucléaire, on peut affirmer en toute confiance que s’ils lancent une attaque majeure contre nous, un certain pourcentage de notre population gagnerait les abris à temps, que certains de ces abris tiendraient le coup, et que par la suite, une poignée de survivants en sortirait en vie. Mais ne croyez pas une seconde qu’ils reconstruiraient. Ils seraient traumatisés, démunis de tout, errant à travers un paysage lunaire et dévasté. Que ferait le Hezbollah alors ? Ou les Turcs ? Ou les Syriens ? Ou les Arabes ? Se précipiter pour apporter de l’aide et du réconfort aux derniers vestiges de la société israélienne ? Je ne le crois vraiment pas.

Yonatan prit une grande respiration.

– Y a-t-il d’autres options ?

– Juste une. Une idée lancée par les Américains. Envoyer en Iran un petit commando pour découvrir si les armes nucléaires sont réelles, et pour déterminer leurs positions. Puis les forces américaines viendraient frapper avec précision ces positions, peut-être avec notre participation, ou peut-être pas. Si les Américains lancent une attaque précise et limitée et ne détruisent que les armes nucléaires, les Iraniens peuvent hésiter à riposter.

C’était une idée que Yonatan détestait. Il la détestait à cause de toutes ces pertes inutiles – la perte d’agents précieux et hautement qualifiés – déjà subies lors de précédentes infiltrations en Iran. Il détestait cette idée parce qu’il serait obligé d’attendre pendant que les agents disparaîtraient, ignorant s’ils pourraient refaire surface et s’ils sauraient quoi que ce soit à ce moment-là. Yonatan n’aimait pas devoir attendre – pas quand l’horloge tournait et que les Iraniens pouvaient lancer leur attaque massive à tout moment.

Il détestait tout particulièrement cette idée parce qu’elle était venue apparemment de la Maison-Blanche de Susan Hopkins. Celle-ci n’avait aucune idée de la situation réelle d’Israël, et ne semblait pas s’en soucier. Elle était comme un perroquet à qui un maître réticent n’avait appris qu’un seul mot : Les Palestiniens. Les Palestiniens. Les Palestiniens.

– Quelles sont les chances qu’une telle mission réussisse ? demanda Yonatan.

– Très, très minces. Mais la tenter plairait certainement aux Américains, et leur montrerait la retenue dont on fait preuve. Si on limite tout ça dans le temps, mettons sur quarante-huit heures, on pourrait n’avoir rien à perdre.

– Peut-on se permettre tout ce temps ?

– Si on surveille de près tout signe d’une première frappe chez les Iraniens, et qu’on lance aussitôt notre propre frappe à quarante-huit heures, ça pourrait aller.

– Et si les agents sont tués ou capturés ?

– Une équipe américaine, avec peut-être un guide israélien ayant une bonne connaissance de l’Iran. L’Israélien sera un agent profondément infiltré, sans identité. Si les choses tournent mal, on niera simplement toute implication.

Shavitz marqua une longue pause.

– J’ai déjà l’agent idéal en tête.




CHAPITRE ONZE


12:10, heure normale de l’Est

Base Andrews

Comté du Prince George, Maryland



Le petit jet bleu au logo du département d’État américain peint sur ses flancs avança lentement sur la voie de roulage, puis opéra un virage serré à droite. Ayant déjà l’autorisation de décoller, il accéléra rapidement sur la piste, quitta le sol et grimpa à pic dans les nuages. Au bout d’un moment, il vira à gauche sur l’aile, en direction de l’océan Atlantique.

À l’intérieur, Luke et son équipe étaient retombés sans mal dans leurs vieilles habitudes, utilisant les quatre sièges passagers avant comme zone de réunion. Leurs bagages et leur équipement étaient disposés sur les sièges arrière.

Ils partaient plus tard que prévu. Ce retard était dû à Luke qui était parti voir Gunner à l’école. Il avait promis à son fils qu’il ne partirait jamais sans le lui annoncer en face, et l’informer du mieux qu’il pouvait de l’endroit où il se rendait. Gunner l’avait demandé, et Luke avait accepté.

Ils s’étaient retrouvés dans une petite pièce mise à leur disposition par le principal adjoint, un endroit où ils entreposaient des instruments de musique, surtout de vieux instruments à vent, beaucoup d’entre eux prenant la poussière.

Gunner n’avait pas trop mal pris la chose, tout bien considéré.

– Tu vas où ? avait-il demandé.

– C’est secret, petit monstre. Si je te le dis…

– Je le dirais à quelqu’un d’autre, qui le répètera à quelqu’un d’autre.

– Je ne crois pas que tu le dirais à personne. Mais rien que le savoir peut te faire courir un risque.

Il avait regardé son fils, qui faisait un peu la gueule.

– Ça t’inquiète ? avait-il demandé.

Gunner avait secoué la tête.

– Non. Je pense que tu sauras probablement prendre soin de toi.

À présent, dans l’avion, Luke sourit en lui-même. Drôle de gosse. Il avait traversé beaucoup d’épreuves, et n’avait pas pour autant perdu son sens de l’humour.

Luke parcourut son équipe du regard. Dans le siège près de lui était assis le gros Ed Newsam, en pantalon cargo kaki et T-shirt à manches longues. Massif, au regard d’acier, aussi éternel qu’une montagne. Ed avait pris de l’âge, sans aucun doute. Il y avait des rides sur son visage, surtout autour des yeux, qui n’y étaient pas auparavant. Et ses cheveux n’étaient plus autant d’un noir de jais – quelques mèches grises et blanches s’y éparpillaient.

Ed avait quitté l’Hostage Rescue Team du FBI pour ce job. Le FBI l’avait fait monter en grade – plus d’ancienneté, plus de responsabilités, plus de bureau, et beaucoup moins de temps sur le terrain. À l’entendre, Ed avait changé de boulot car il voulait revoir un peu d’action. Mais ça ne l’empêchait pas de réclamer plus d’argent. Peu importait. Luke était prêt à mettre le budget de la SRT à l’agonie s’il le fallait pour ramener Ed à bord.

Face à Luke, sur la gauche, se trouvait Mark Swann. Comme d’habitude, il étendait ses longues jambes dans l’allée, couvertes d’un vieux jean déchiré et chaussées de sneakers Chuck Taylor, pour que quiconque trébuche dessus. Swann avait changé, évidemment. Avoir survécu de justesse à sa détention par Daech l’avait rendu plus sérieux – il ne blaguait plus sur le danger des missions. Luke était content qu’il soit revenu – il y avait eu une période où Swann aurait pu devenir un reclus, ne plus jamais émerger de son penthouse au-dessus de la plage.

Puis il y avait Trudy Wellington, assise juste en face de Luke. Elle avait de nouveau ses cheveux bruns bouclés, et n’avait pas du tout vieilli. C’était logique. Malgré tout ce qu’elle avait vu et fait – le temps où elle était analyste pour la SRT originelle, sa relation avec Don Morris, son évasion de prison et le temps où elle s’était planquée –, elle n’avait guère que 32 ans. Dans son jean et son sweat vert, elle était aussi fine et attirante que jamais. À un moment donné, elle avait abandonné les grosses lunettes rondes de hibou à bords rouges derrière lesquelles elle avait pris l’habitude de se cacher. Maintenant ses jolis yeux bleus étaient mis en avant.

Et ils regardaient Luke fixement. Pas d’un air amical.

Que savait-elle de sa relation avec Susan ? Cela la mettait-elle en colère ? Pourquoi ?

– Est-ce que tu sais où tu mets les pieds, mec ? lança Ed Newsam.

Il avait prononcé ces mots d’un ton naturel, mais il y avait un certain tranchant, une tension sous-jacente.

– Tu veux dire, avec cette mission ?

Ed haussa les épaules.

– Ouais. Commence par ça.

Luke jeta un coup d’œil par le hublot. La journée était claire, mais le soleil était déjà derrière eux. Sous peu, alors qu’ils allaient plus à l’est, le ciel commencerait à s’assombrir. Cela lui donnait l’impression que des événements allaient surgir droit devant – une sensation familière, mais l’un des aspects de son travail qu’il appréciait le moins. C’était une course contre la montre. C’était toujours une course contre la montre, et ils étaient loin derrière. La guerre qu’ils essayaient d’empêcher avait déjà commencé.

– Je suppose que c’est ce qu’on va découvrir. Trudy ?

L’air de rien, elle prit la tablette sur ses genoux.

– Okay. Je vais supposer qu’on a aucune connaissance préalable.

– C’est bon pour moi, répondit Luke. Les gars ?

– Très bien, opina Swann.

– Écoutons voir, dit Ed, en se renversant dans son fauteuil.

– C’est à propos d’Israël et de l’Iran, commença Trudy. Ce n’est pas vraiment une histoire courte.

Luke haussa les épaules.

– C’est un long vol, remarqua-t-il.


***

– Israël est un pays jeune, qui n’existe que depuis 1948, expliqua Trudy. Mais l’idée de la Terre d’Israël en tant que lieu est sacrée pour le peuple juif depuis l’époque biblique, peut-être même depuis deux mille ans avant Jésus-Christ. La première référence écrite à Israël en tant que lieu se situe vers 1200 avant J.-C.. La région a été envahie, conquise et reconquise tout au long de l’Antiquité par les Babyloniens, les Égyptiens et les Perses, entre autres. Pendant tout ce temps, les Juifs ont perduré.

« En 63 avant J.-C., l’Empire romain a conquis la région et en a fait une province romaine. Pendant près de deux cents ans, elle est devenue le théâtre d’une lutte violente entre les Juifs et les Romains, qui s’est soldée par une destruction généralisée, un génocide et un nettoyage ethnique. La dernière révolte juive contre les Romains a échoué en 132 après J.-C., et la majorité des Juifs ont été soit tués soit dispersés – beaucoup sont allés au nord dans la Russie actuelle, au nord-ouest en Europe centrale et orientale, ou directement à l’ouest vers le Maroc et l’Espagne. Certains sont allés vers l’est, en Syrie, en Irak et en Iran. Une poignée a pu se diriger vers le sud, en Afrique. Et certains sont restés en Israël.

« Au fil du temps, l’Empire romain a périclité et la région a été conquise au milieu des années 600 par les Arabes, qui avaient eux-mêmes récemment adopté la nouvelle religion de l’Islam. Malgré les fréquentes attaques des Croisés chrétiens, la région est restée pour l’essentiel sous le contrôle des sultans musulmans pendant les neuf siècles suivants. En 1516, elle fut à nouveau conquise, cette fois par l’Empire ottoman. Sur les cartes ottomanes, dès 1600, la région que nous considérons comme Israël était dénommée Palestine. Lorsque l’Empire ottoman fut détruit pendant la Première Guerre mondiale, la Palestine passa sous le contrôle de ses nouveaux dirigeants, les Britanniques.

– Ce qui nous a créé les problèmes actuels, remarqua Ed.

– Naturellement, acquiesça Trudy. Tout au long de l’histoire, quelques Juifs sont restés sur place et, au fil des siècles, il y a eu de nombreuses tentatives idéalistes pour faire revenir les Juifs d’autres parties du monde. Au début des années 1900, ces efforts se sont intensifiés. La montée du nazisme a entraîné une augmentation considérable du nombre de Juifs quittant l’Europe. À la fin de la Seconde Guerre mondiale, la population de la Palestine était composée d’environ un tiers de Juifs. Après la guerre, un afflux massif de Juifs, survivants de l’Holocauste, quittèrent leurs communautés détruites à travers l’Europe et se rendirent en Palestine.

« En 1948 a été instauré l’État d’Israël. Ça a déclenché une série de conflits violents entre Juifs et Musulmans, qui se poursuivent encore aujourd’hui. Au cours des premiers combats, l’Égypte, la Syrie, la Jordanie et l’Irak ont envahi le pays, rejoints par des contingents d’irréguliers venus du Yémen, du Maroc, de l’Arabie Saoudite et du Soudan. Les Israéliens les ont repoussés. Au moins sept cent mille Arabes ont fui ou ont été expulsés par l’avancée des forces israéliennes vers les zones aujourd’hui connues sous le nom de Territoires palestiniens : la Cisjordanie et la bande de Gaza.

– Attends, là je pige pas, intervint Ed Newsam. 1948, c’est vieux. Et maintenant on a tous ces Palestiniens coincés à Gaza et en Cisjordanie. Pourquoi pas simplement leur donner leur liberté et les laisser avoir leur propre pays ? Ou à défaut, pourquoi pas leur donner à tous la citoyenneté et les intégrer à Israël ? L’un ou l’autre pourrait mettre un frein à tous ces combats.

– C’est plus compliqué que ça, dit Swann.

– Compliqué, pour le moins, ajouta Trudy. Impossible serait plus juste. D’abord, Israël s’est constitué en tant qu’État juif – la patrie de tous les Juifs du monde. C’est un projet en gestation depuis près de deux mille ans.

« Si Israël veut rester un État juif, il ne peut pas simplement intégrer les Palestiniens dans le pays en tant que citoyens. Ça enclencherait le compte à rebours d’une bombe à retardement démographique, qui exploserait tôt ou tard. Le pays dispose du suffrage universel : chaque citoyen a le droit de vote. Il y a environ six millions et demi de Juifs en Israël, et près de deux millions d’Arabes israéliens, dont la grande majorité sont musulmans. Il y a environ quatre millions et demi de Palestiniens à Gaza et en Cisjordanie.

« Si les Palestiniens devenaient tous citoyens, la société serait soudain quasi coupée en deux entre Juifs et Musulmans, à part une petite poignée de Chrétiens et autres. Tout d’un coup, les Juifs ne seraient plus majoritaires. De plus, les Arabes israéliens et les Palestiniens ont un taux de natalité plus élevé que les Juifs israéliens, en général. En quelques décennies, les musulmans auraient une majorité nette et croissante. Voteraient-ils pour qu’Israël reste la patrie des Juifs ?

– J’en doute, émit Swann.

– Alors donnons leur liberté aux Palestiniens, argua Ed. Accordons-leur une nationalité. Ouvrons leurs routes, laissons-les contrôler leur propre espace aérien et maritime, laissons-les commercer avec les autres pays.

Trudy secoua la tête.

– Impossible aussi. Je fais rarement des déclarations absolues sur des événements futurs, mais j’ai examiné ces scénarios sous tous les angles. Peu importe qui dit quoi lors des négociations internationales, peu importe combien de fois l’assemblée générale des Nations unies vote une condamnation, jette un œil sur la nation palestinienne. Elle n’est jamais en voie de se réaliser. Pourquoi ? Parce qu’Israël ne le permettra jamais volontairement. L’idée même est absurde. C’est du suicide.

« Regarde, Israël existe dans un état de conflit parfois désespéré avec les pays qui l’entourent. La survie est toujours une question en suspens. La sécurité est la chose la plus importante dans la société israélienne, et l’assurer est un objectif majeur de l’État. Israël est un tout petit pays, tel qu’il est. Si la Cisjordanie n’était pas là comme zone tampon, et devenait de fait un pays étranger, la situation passerait instantanément de difficile à très, très dangereuse. Intenable. La plaine côtière du centre d’Israël est une étroite bande de terre, de la Cisjordanie à la mer, qui varie sur une grande partie de sa longueur de quinze à dix-huit kilomètres de large. N’importe qui pourrait parcourir cette distance à vélo en moins d’une heure.

« La majorité de la population civile, ainsi que les secteurs industriels et technologiques du pays, y sont installés. Pour aggraver les choses, les terres de Cisjordanie sont des collines qui surplombent la plaine – il y a des endroits en Cisjordanie où l’on peut facilement distinguer la Méditerranée. Quand les extrémistes des pays arabes parlent de jeter les Israéliens à la mer, il ne faut pas oublier que le trajet est très court.

« Les Palestiniens sont alliés à l’Iran, et beaucoup d’entre eux sont hostiles à l’existence même d’Israël. Si on accorde aux Palestiniens le statut de nation, qu’est-ce qui empêchera les chars, les avions de chasse, les batteries de missiles et les troupes iraniennes de s’amasser à la frontière ? Et pas seulement à la frontière, mais aussi dans les hauteurs ? C’est un scénario cauchemardesque. De plus, les hauts plateaux de Cisjordanie abritent les sources des aquifères d’eau douce de la côte israélienne. Qu’est-ce qui empêcherait une Palestine souveraine de bloquer cette ressource en eau ?

« De plus, bien qu’Israël ne reconnaisse pas ses capacités nucléaires, il est largement admis qu’il possède entre cinquante et quatre-vingts armes nucléaires. La plupart d’entre elles seraient entreposées dans la base de missiles de Zachariah, au sud-est de Tel-Aviv, et d’autres dans le désert du sud. Mais certaines – peut-être jusqu’à vingt ou même trente pour cent – sont déployées dans des silos de missiles souterrains en Cisjordanie, à l’est de Jérusalem. Ce sont des armes datant des années 70-80, de la Guerre froide, qui sont probablement encore opérationnelles.

« Les dépenses, la logistique de transport et le tollé général rendraient presque impossible le retour de ces silos en Israël, et il est hors de question que les Israéliens permettent aux Palestiniens de gérer ces armes. Comme je l’ai dit, Israël n’en reconnaît même pas l’existence.

– Qu’est-ce que tu essaies de dire ? releva Luke.

– Je dis qu’Israël est confronté à une crise existentielle, où qu’il se tourne. S’ils accordent la citoyenneté aux Palestiniens, le concept même d’Israël est anéanti. S’ils laissent la Cisjordanie devenir une Palestine souveraine, le pays d’Israël est bombardé et anéanti. Ils suivent donc une troisième voie, pleine de dangers mais qui offre une certaine chance de succès. C’est la voie des tensions et conflits sans fin avec les Palestiniens, le Hezbollah, l’Iran et quiconque décide de les rejoindre. Vu de l’extérieur, ça peut sembler extrême, déséquilibré et très éprouvant, mais il s’agit en fait d’une décision simple, pragmatique et rationnelle. Développer et maintenir à tout prix la supériorité technologique, mobiliser militairement toute la population, et ne jamais baisser sa garde une seconde.

– Mais ça ne fonctionne que tant que t’as la supériorité technologique, remarqua Swann. Une fois que ton ennemi a rattrapé son retard…

– Exact, confirma Trudy. C’est là que t’as de gros problèmes. Et il semble bien que les Iraniens viennent juste de le rattraper.

– Ils l’ont vraiment fait ? s’enquit Luke. Ils ont des armes nucléaires ?

Trudy le regarda.

– Oui. Je suis quasi certaine qu’ils en ont.


***

Luke abaissa le store de son hublot.

Il avait regardé dehors, dans les vastes ténèbres, jusqu’à ce qu’il se rende compte qu’il n’y avait rien d’autre à voir que son propre visage qui se reflétait dans l’ombre.

Le jet Lear filait vers l’est, et Luke dirait qu’ils se trouvaient au-dessus de l’Atlantique nord, presque au niveau de l’Europe à présent. Ils volaient depuis des heures, et plus d’heures encore les attendaient avant d’arriver. C’était un long voyage.

Luke se tourna vers Trudy, assise de l’autre côté de l’allée centrale. À part Luke, elle était la seule encore éveillée.

Derrière elle, Swann s’était roulé en boule sur deux sièges. Il s’était vite endormi. Dans la rangée derrière Swann, Ed Newsam faisait de même. Ed était solide comme un roc, bien entendu. Mais Luke émettait quelques réserves concernant Swann. Ce n’était pas de sa faute – il était traumatisé par sa captivité aux mains de Daech. Il avait changé. Il n’était plus le même idiot blagueur et sarcastique qu’il avait été. Il était plus réservé désormais, plus prudent. Il parlait beaucoup moins. En surface, cela paraissait une bonne chose – de la sagesse, peut-être, ou de la maturité. Mais Luke soupçonnait qu’il manquait de confiance.

Swann avait été ébranlé jusqu’au plus profond de lui-même. Quand ça deviendrait chaud, quand le niveau de stress augmenterait, restait à voir comment il allait se comporter.

Luke porta son attention sur Trudy. Elle s’était endormie un petit moment, roulée en boule. À présent elle était réveillée de nouveau, et contemplait son hublot obscur. D’où il était, Luke distinguait une lumière clignotante sur l’aile.

– Il fait noir dehors, remarqua-t-il. C’est tout plein de vide.

– Oui.

– Qu’est-ce que tu regardes ?

– Exactement ça : le vide.

Il se tut. La situation entre eux était un peu gênante. Il supposa qu’elle le serait toujours. Il ne voulait pas aborder ce sujet avec elle maintenant, le temps qu’ils avaient passé ensemble, car Swann et Ed étaient là. Tous deux n’avaient rien à y voir, il ne voulait pas qu’ils se réveillent en plein milieu d’une discussion.

– Je me rappelle la dernière fois qu’on a eu un long vol ensemble, dit Luke.

– Moi aussi, opina-t-elle. La Corée. Vous autres m’aviez juste fait évader de prison. C’était une époque dingue. Je croyais ma vie finie. Je ne réalisais pas qu’elle ne faisait que commencer.

– Ta cavale, ça s’est passé comment ?

Elle haussa les épaules. Elle n’avait pas l’air d’avoir envie de le regarder.

– Je ne le referais pas de mon plein gré. Mais l’un dans l’autre, ça n’a pas été si terrible. J’ai beaucoup appris. J’ai appris à ne pas autant m’attacher à une identité précise. Trudy Wellington, c’est qui ? Une possibilité parmi des centaines. Je me suis teinte en blonde, comme tu l’avais suggéré. Je me suis aussi teinte en noir. À un moment donné, j’ai même rasé ma tête.

« Tu sais que j’ai fréquenté un groupe de manifestants de gauche en Espagne pendant un temps ? J’ai vraiment fait ça. J’ai appris l’espagnol au lycée, et l’Espagne était un endroit sûr pour disparaître. Personne n’avait la moindre idée de qui j’étais. Ils m’ont envoyé suivre une formation de secouriste, pour que je puisse être médecin de rue. Les gens se blessent beaucoup lors de ces manifestations – généralement des blessures mineures, mais les ambulances ne peuvent pas les atteindre. Les médecins de rue sont là, au milieu de l’action. J’ai vu pas mal de membres cassés et de crânes fêlés. J’ai pensé à Ed tout le temps que je l’ai fait – j’ai toujours eu beaucoup de respect pour ses compétences médicales. Et encore plus maintenant.

Elle se tourna enfin et fit face à Luke.

– Et j’ai beaucoup appris sur moi-même, des choses que j’avais besoin d’apprendre.

– Cites-en une importante, suggéra Luke.

Elle sourit.

– J’ai appris que je n’ai plus besoin de me donner à des hommes âgés. Je recherchais quoi, une protection ? De l’admiration ? C’était une habitude idiote de petite fille. J’ai fréquenté des hommes de mon âge ou plus jeunes ces deux dernières années, et ça a été plutôt chouette. J’ai décidé que je préférais des hommes qui n’essaient pas de m’apprendre quoi que ce soit.

Ouch. Luke souriait à présent. Cependant les mots lui échappaient.

– J’ai aussi appris que j’étais une survivante.

– C’est énorme, dit Luke.

– Ouais, fit-elle. Mais pas autant que le truc des hommes.




CHAPITRE DOUZE


13:45, heure normale de l’Est

Salle de crise

Maison-Blanche, Washington DC



– Quelle heure est-il là-bas ? demanda Susan.

Kurt consulta sa montre.

– Ah, neuf heures moins le quart du soir environ. On a prévu de lui parler à neuf heures.

– Okay, acquiesça Susan. Fais-moi un topo rapide.

Elle promena son regard dans la salle, comble comme d’habitude. Kurt se tenait au fond de la table oblongue, sa position favorite. Haley Lawrence était assis en compagnie d’une foule de généraux et d’amiraux, dont certains étaient des femmes, nota Susan avec plaisir. Les bords de la salle étaient remplis d’aides et d’assistants.

– Nous avons une crise en cours, dit Kurt. Et nous devons avancer avec prudence. Voilà le message.

Susan fit un mouvement circulaire de la main, comme pour dire développe.

– Comme la plupart des gens ici le savent, Israël est un de nos alliés stratégiques depuis sa fondation en 1948. Dans un monde en évolution constante, seuls une poignée de pays – l’Angleterre, le Canada, la France, l’Inde, l’Arabie Saoudite… (Kurt roula des yeux quand quelques personnes lancèrent des huées à la mention de l’Arabie Saoudite) le Maroc, et quelques autres – sont de notre côté depuis plus longtemps. En tant que pays relativement petit dans une région instable, la position d’Israël est au mieux précaire et, au cours des décennies, des tensions ont à plusieurs reprises éclaté en conflit ouvert avec une foule d’acteurs régionaux. Au début, ces conflits étaient le résultat d’attaques de pays voisins tels que l’Égypte, la Jordanie et la Syrie. Plus récemment, les conflits se sont concentrés sur le sort des Palestiniens déplacés lors de la création d’Israël et qui vivent dans une sorte de flou politique en Cisjordanie et dans la bande de Gaza, terres dont Israël s’est emparé pendant la guerre des Six Jours en 1967. Tous les organismes internationaux, voire tous les pays de la planète, à part Israël et les États-Unis, considèrent Israël comme la puissance occupante de ces territoires.

« Les organisations terroristes islamiques utilisent cette situation comme un outil de collecte de fonds depuis deux générations. De plus, les pays musulmans peuvent attiser le sentiment anti-israélien chaque fois que cela sert leurs objectifs, tant que les Palestiniens restent dans les limbes.

– Quelle est notre politique à ce sujet ? demanda quelqu’un à l’arrière-plan.

– Bonne question, opina Kurt. Afin que tout soit bien clair, notre politique officielle est qu’il y a une négociation en cours, dont le résultat sera que la Cisjordanie et Gaza deviennent finalement un pays, probablement appelé Palestine, et que la Palestine et Israël coexistent pacifiquement et puissent même devenir des partenaires régionaux. En attendant, nous reconnaissons le droit d’Israël à sécuriser ses frontières et à empêcher les attaques des Palestiniens contre les civils israéliens. Nous ne reconnaissons pas le droit d’Israël à construire de prétendues colonies en territoire palestinien, et nous ne reconnaissons pas non plus Jérusalem comme capitale d’Israël. Nous la considérons comme une ville partitionnée : la moitié ouest en Israël, la moitié est en Cisjordanie.

– Et Yonatan ?

Kurt jeta un œil à la feuille de papier posée sur la table devant lui.

– Yonatan Stern. 63 ans. Marié, père de cinq enfants, grand-père de huit. Dans sa jeunesse, il a été commando dans l’unité d’élite Sayeret Matkal au sein de Tsahal. En 1976, il a été l’un des chefs du raid réussi sur l’aéroport d’Entebbe en Ouganda, où des commandos israéliens ont libéré plus de cent otages israéliens pris dans un avion détourné. Depuis qu’il a quitté l’armée, il a passé presque toute sa vie dans la politique israélienne comme va-t-en-guerre et partisan de la ligne dure. En ce moment, il se trouve au sommet d’une majorité indétrônable à la Knesset. Côté vulnérabilité, il fait actuellement l’objet d’au moins quatre enquêtes de police distinctes sur des affaires de corruption, allant de la réception de cadeaux de centaines de milliers de dollars de la part de riches partisans, jusqu’à la distribution de contrats militaires gouvernementaux préférentiels sans appel d’offres et la manipulation de l’industrie israélienne des télécommunications pour le compte de ses amis.

Kurt secoua la tête et siffla.

– Juridiquement, Stern est compromis. C’est réel, et ça a monopolisé une grande partie de son attention ces derniers mois. Il aura de la chance d’éviter la prison. Et il a aussi des problèmes sur le front diplomatique. Lors d’un voyage en Europe il y a trois semaines, il a été surpris à parler dans un micro ouvert, plaisantant avec l’idée d’une solution à deux États avec les Palestiniens, qu’il semblait écarter d’emblée. Apparemment, il ignorait que le micro était ouvert et il a dit que l’Union européenne était folle – oui, il a employé le mot « folle » – de s’inquiéter pour les Palestiniens. Vous pouvez imaginer à quel point ce petit faux pas a bien fonctionné dans les capitales européennes et au sein de la gauche israélienne.

Il se tourna vers Susan.

– Pour être clair, Yonatan Stern n’est pas un partenaire idéal. Mais je pense que nous devons également reconnaître qu’il n’est pas Premier ministre à vie, et qu’il y a beaucoup, beaucoup d’éléments dans la société israélienne qui cherchent une solution pacifique aux problèmes actuels. Israël a été et est toujours un allié important des États-Unis, et sa population civile est attaquée. Rien ne permet de dire pour l’instant quelle sera l’ampleur de cette attaque. Mais si l’Iran possède des armes nucléaires, comme ils le prétendent…

– Bien sûr, acquiesça Susan. Mon problème n’est pas avec Israël. Je comprends que la relation est bien plus large qu’avec Yonatan.





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notes



1


Coran, sourate 4 (An-Nisa’a), verset 74. En haut de la page : sourate 25 (Al Furqane), verset 52, et sourate 9 (At-Tawbah), verset 14. Version Oumma. (NdT)




2


Équivalent au ministère des Affaires étrangères aux USA. (NdT)



«L’un des meilleurs thrillers que j’ai lus cette année. L’intrigue est captivante et vous accroche dès le début. L’auteur a excellé dans la création de personnages bien développés et très attachants. J’ai hâte de lire la suite.». –Roberto Mattos, Books and Movie Reviews (pour Tous les moyens nécessaires). NOTRE HONNEUR SACRÉ est le volume 6 de la série de thrillers à succès Luke Stone, qui a débuté par TOUS LES MOYENS NÉCESSAIRES (volume 1), en téléchargement gratuit avec plus de 500 notations 5 étoiles!Après avoir été frappé par une attaque terroriste soutenue par l’Iran, Israël donne à l’Iran un ultimatum de 72 heures : videz vos bases militaires avant que nous les détruisions par voie aérienne. Réponse de l’Iran : pénétrez dans notre espace aérien et nous lancerons des attaques nucléaires sur Israël et toutes les bases américaines du Moyen-Orient… Pour empêcher un Armageddon nucléaire en 72 heures, il n’y a qu’un seul homme vers qui se tourner : Luke Stone. La présidente envoie Luke pour sa mission la plus audacieuse à ce jour : se parachuter en Iran et trouver l’emplacement secret des armes nucléaires souterraines, afin que les États-Unis puissent les détruire avant qu’il ne soit trop tard… Dans une course folle contre la montre, Luke nous emmène sur des montagnes russes à travers le terrain chaotique et confus de l’Iran, tandis qu’il se démène pour dénicher les secrets les mieux gardés du pays et empêcher qu’une guerre ne détruise toute l’humanité. Mais alors que les rebondissements se succèdent, il pourrait bien être trop tard, même pour Luke… Thriller politique bourré d’action, avec un contexte international dramatique et un suspense haletant, NOTRE HONNEUR SACRÉ est le volume 6 de la série à succès Luke Stone, une nouvelle série explosive, acclamée par la critique, qui vous fera tourner les pages jusque tard dans la nuit. . «Le thriller à son apogée. Les amateurs qui apprécient l’exécution précise d’un thriller inter-national, mais qui prisent aussi la profondeur psychologique et la crédibilité d’un protagoniste qui doit affronter des défis autant professionnels que personnels, y trouveront un récit captivant et difficile à lâcher.». –Diane Donovan, Midwest Book Review (pour Tous les moyens nécessaires). Le volume 7 de la série Luke Stone sera bientôt disponible.

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