Книга - Salle de Crise

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Salle de Crise
Jack Mars


SALLE DE CRISE est le volume 3 dans la série thriller à succès Luke Stone, une série qui a débuté par TOUS LES MOYENS NÉCESSAIRES (volume 1), disponible gratuitement au téléchargement, avec plus de 60 critiques à cinq étoiles !Une cyberattaque sur un obscur barrage américain provoque des milliers de morts et le gouvernement se demande qui en est responsable, et pourquoi. Quand elle se rend compte que ce n’est que la pointe de l’iceberg – et que la sécurité de tout le pays est en jeu – la Présidente n’a pas d’autre choix que faire appel à Luke Stone. Chef d’une équipe d’élite du FBI dissoute, Luke ne veut pas accepter le boulot. Mais avec de nouveaux ennemis – étrangers mais aussi sur le territoire américain – se rapprochant d’elle de tous côtés, la Présidente ne peut que faire confiance à lui. Il s’ensuit des montagnes russes d’action et Luke découvre très vite que les terroristes sont plus sophistiqués qu’il pensait, que la cible est plus importante que ce qu’il pouvait imaginer – et qu’il reste très peu de temps pour sauver le pays.Un thriller politique avec de l’action en continu, un contexte international, des rebondissements inattendus et un suspense palpitant, SALLE DE CRISE est le volume 3 dans la série Luke Stone, une nouvelle série explosive qui vous fera tourner les pages jusqu’à des heures tardives de la nuit.Le volume 4 dans la série Luke Stone sera bientôt disponible.







SALLE DE CRISE



(UN THRILLER LUKE STONE—VOLUME 3)



J A C K M A R S


Jack Mars



Jack Mars est actuellement l’auteur best-seller aux USA de la série de thrillers LUKE STONE, qui contient sept volumes. Il a également écrit la nouvelle série préquel FORGING OF LUKE STONE contenant 3 volumes (pour l’instant), ainsi que la série de thrillers d’espionnage de L’AGENT ZÉRO comprenant 6 volumes (pour l’instant).

Jack adore avoir vos avis, donc n’hésitez pas à vous rendre sur www.Jackmarsauthor.com (http://www.Jackmarsauthor.com) afin d’ajouter votre mail à la liste pour recevoir un livre offert, ainsi que des invitations à des concours gratuits. Suivez l’auteur sur Facebook et Twitter pour rester en contact !



Copyright © 2016 par Jack Mars. Tous droits réservés. Sous réserve de la loi américaine sur les droits d'auteur de 1976, aucune partie de cette publication ne peut être reproduite, distribuée ou transmise sous quelque forme ou par quelque procédé que ce soit, ni enregistrée dans une base de données ou un système de récupération, sans l'accord préalable de l'auteur. Ce livre électronique est sous licence pour usage personnel uniquement. Ce livre électronique ne peut être ni revendu, ni donné à d'autres personnes. Si vous désirez partager ce livre avec quelqu'un, veuillez acheter une copie supplémentaire pour chaque bénéficiaire. Si vous lisez ce livre et que vous ne l'avez pas acheté, ou qu'il n'a pas été acheté pour votre usage personnel uniquement, veuillez le rendre et acheter votre propre copie. Merci de respecter le travail de cet auteur. Il s'agit d'une œuvre de fiction. Les noms, les personnages, les entreprises, les organisations, les endroits, les événements et les incidents sont soit le produit de l'imagination de l'auteur, soit utilisés de manière fictive. Toute ressemblance avec des personnes existantes ou ayant existé est purement fortuite. Image de couverture Copyright STILLFX, utilisé sous licence de Shutterstock.com.


LIVRES DE JACK MARS



SÉRIE DE THRILLERS LUKE STONE

TOUS LES MOYENS NÉCESSAIRES (Volume #1)



L’ENTRAÎNEMENT DE LUKE STONE

CIBLE PRINCIPALE (Tome 1)

DIRECTIVE PRINCIPALE (Tome 2)

MENACE PRINCIPALE (Tome 3)



UN THRILLER D’ESPIONNAGE DE L’AGENT ZÉRO

L’AGENT ZÉRO (Volume #1)

LA CIBLE ZÉRO (Volume #2)

LA TRAQUE ZÉRO (Volume #3)

LE PIÈGE ZÉRO (Volume #4)

LE FICHIER ZÉRO (Volume #5)

LE SOUVENIR ZÉRO (Volume #6)





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TABLE DES MATIÈRES



CHAPITRE UN (#ub6473aa6-251f-593a-ba6b-7e04f25e4ed4)

CHAPITRE DEUX (#u17ccbc67-db5e-5769-8c46-aed9eaa05b44)

CHAPITRE TROIS (#uf4686b69-f8f0-5d75-b624-c1ed7b07e0a8)

CHAPITRE QUATRE (#u50324c42-d78c-51e9-be11-ca489571202c)

CHAPITRE CINQ (#u6856be84-5259-5dfd-965f-04634b417c66)

CHAPITRE SIX (#u0c7e45a2-751b-51dc-9867-4a4495c9239e)

CHAPITRE SEPT (#u073f90fe-6f9f-5e4d-9d86-19a1b74842a4)

CHAPITRE HUIT (#u9651a51c-3a6d-5f7a-ab3d-0c31dc161a4c)

CHAPITRE NEUF (#litres_trial_promo)

CHAPITRE DIX (#litres_trial_promo)

CHAPITRE ONZE (#litres_trial_promo)

CHAPITRE DOUZE (#litres_trial_promo)

CHAPITRE TREIZE (#litres_trial_promo)

CHAPITRE QUATORZE (#litres_trial_promo)

CHAPITRE QUINZE (#litres_trial_promo)

CHAPITRE SEIZE (#litres_trial_promo)

CHAPITRE DIX-SEPT (#litres_trial_promo)

CHAPITRE DIX-HUIT (#litres_trial_promo)

CHAPITRE DIX-NEUF (#litres_trial_promo)

CHAPITRE VINGT (#litres_trial_promo)

CHAPITRE VINGT ET UN (#litres_trial_promo)

CHAPITRE VINGT-DEUX (#litres_trial_promo)

CHAPITRE VINGT-TROIS (#litres_trial_promo)

CHAPITRE VINGT-QUATRE (#litres_trial_promo)

CHAPITRE VINGT-CINQ (#litres_trial_promo)

CHAPITRE VINGT-SIX (#litres_trial_promo)

CHAPITRE VINGT-SEPT (#litres_trial_promo)

CHAPITRE VINGT-HUIT (#litres_trial_promo)

CHAPITRE VINGT-NEUF (#litres_trial_promo)

CHAPITRE TRENTE (#litres_trial_promo)

CHAPITRE TRENTE ET UN (#litres_trial_promo)

CHAPITRE TRENTE-DEUX (#litres_trial_promo)

CHAPITRE TRENTE-TROIS (#litres_trial_promo)

CHAPITRE TRENTE-QUATRE (#litres_trial_promo)

CHAPITRE TRENTE-CINQ (#litres_trial_promo)

CHAPITRE TRENTE-SIX (#litres_trial_promo)

CHAPITRE TRENTE-SEPT (#litres_trial_promo)

CHAPITRE TRENTE-HUIT (#litres_trial_promo)

CHAPITRE TRENTE-NEUF (#litres_trial_promo)

CHAPITRE QUARANTE (#litres_trial_promo)

CHAPITRE QUARANTE ET UN (#litres_trial_promo)

CHAPITRE QUARANTE-DEUX (#litres_trial_promo)

CHAPITRE QUARANTE-TROIS (#litres_trial_promo)

CHAPITRE QUARANTE-QUATRE (#litres_trial_promo)

CHAPITRE QUARANTE-CINQ (#litres_trial_promo)

CHAPITRE QUARANTE-SIX (#litres_trial_promo)

CHAPITRE QUARANTE-SEPT (#litres_trial_promo)

CHAPITRE QUARANTE-HUIT (#litres_trial_promo)




CHAPITRE UN


15 août

7h07

Barrage de Black Rock, Great Smoky Mountains, Caroline du Nord



Le barrage était planté là, immuable, gigantesque, la seule constante dans la vie de Wes Yardley. Les gens qui y travaillaient avaient l’habitude de l’appeler ‘Mère.’ Construit lors de la seconde guerre mondiale, en 1943, afin de générer de l’énergie hydroélectrique, le barrage était aussi haut qu’un édifice de cinquante étages. La centrale qui gérait le barrage faisait six étages de haut, et Mère planait au-dessus d’elle, comme une forteresse sortie d’un cauchemar médiéval.

Dans la salle de contrôle, Wes commença sa journée de travail de la même manière qu’il l’avait fait au cours des trente-trois dernières années : il s’assit au bureau en demi-cercle, y posa sa tasse de café et alluma l’ordinateur qui se trouvait devant lui. Il faisait ça machinalement, sans même réfléchir et encore à moitié endormi. Il était seul dans la salle de contrôle, un endroit tellement désuet qu’il ressemblait à un plateau de l’ancienne série télé Cosmos 1999. Il avait été rénové à un moment des années 60, dans un style futuriste de l’époque. Les murs étaient recouverts de cadrans et de manettes, dont la plupart n’avaient pas été touchés depuis des années. Il y avait de gros écrans que personne n’allumait jamais. Il n’y avait aucune fenêtre.

Tôt le matin était normalement son moment préféré de la journée. Il avait du temps devant lui et il pouvait siroter son café en passant en revue les logs de la nuit précédente et en vérifiant les chiffres de production d’électricité, avant de se mettre à lire son journal. Il se reversait souvent une deuxième tasse de café en lisant la page des sports. Il n’avait aucune raison de faire différemment. Après tout, il n’y avait jamais rien qui se passait ici.

Au cours des deux dernières années, il avait pris l’habitude de lire les offres d’emploi au cours de son rituel du matin. Ça faisait dix-sept ans, depuis que les ordinateurs avaient fait leur apparition et que la salle de contrôle avait été automatisée, que les cerveaux de la Tennessee Valley Authority parlaient de contrôler ce barrage à distance. Jusqu’à maintenant, rien de tout ça n’avait eu lieu, et peut-être que ce ne serait jamais le cas. Les offres d’emploi consultées par Wes n’avaient rien donné non plus, d’ailleurs. Et finalement, il avait un bon boulot. Il serait content de terminer sa carrière ici. Il tendit distraitement la main vers sa tasse de café, en feuilletant les rapports de la nuit dernière.

Puis il leva les yeux – et tout changea.

Le long du mur en face de lui, six lumières rouges clignotaient. Ça faisait tellement longtemps qu’elles n’avaient plus clignoté qu’il lui fallut une minute pour se rappeler ce qu’elles signifiaient. Chaque lumière était un indicateur pour l’une des écluses. Il y a onze ans, au cours d’une semaine de pluies torrentielles dans le Nord, ils avaient ouvert l’une des écluses trois heures par jour afin d’éviter que l’eau ne fissure les murs. L’une de ces lumières avait clignoté durant tout le temps où l’écluse avait été ouverte.

Mais six lumières qui clignotaient ? Et toutes en même temps ? Ça ne pouvait que signifier…

Wes plissa les yeux en regardant les lumières, comme si ça allait l’aider à mieux les voir. « Qu’est-ce que… ? » dit-il à voix basse.

Il prit le téléphone qui se trouvait sur le bureau et composa un numéro à trois chiffres.

« Wes, » dit une voix endormie. « Comment se passe ta journée ? Tu as vu le match des Braves hier soir ? »

« Vince ? » dit Wes, en ignorant son commentaire. « Je suis dans la salle de contrôle et j’ai les yeux rivés sur le tableau principal. Des lumières clignotantes indiquent que les écluses une à six sont toutes ouvertes. Là… maintenant… les six écluses. Dis-moi que c’est un dysfonctionnement ? Une erreur de jauge ou un bug informatique ? »

« Les écluses sont ouvertes ? » dit Vince. « C’est impossible. Personne ne m’a rien dit. »

Wes se mit debout et s’avança lentement vers le tableau principal, le cordon du téléphone derrière lui. Il regarda stupéfait les lumières clignoter. Il n’y avait rien d’affiché, aucune donnée qui expliquait quoi que ce soit. Juste ces lumières qui clignotaient à l’unisson, certaines plus rapidement que d’autres, comme un sapin de Noël qui serait devenu fou.

« Eh bien, c’est ce que je vois. Six lumières, toutes en même temps. Dis-moi qu’on n’a pas six écluses ouvertes, Vince. »

Wes réalisa qu’il n’avait pas besoin d’attendre une confirmation de Vince. Ce dernier se mit à parler mais Wes ne l’écoutait plus. Il avait posé le téléphone et s’avançait le long d’un couloir étroit qui menait à la salle d’observation. Il avait l’impression que ses jambes avançaient toutes seules.

Dans la salle d’observation, tout le mur Sud était une grande baie vitrée arrondie, construite en verre armé. Normalement, il offrait une vue sur un cours d’eau tranquille, qui coulait de l’édifice et tournait à droite à quelques centaines de mètres, avant de disparaître dans les bois.

Mais pas aujourd’hui.

Là, devant lui, il y avait un torrent déchaîné.

Wes resta figé, bouche bée, comme paralysé, et un frisson lui parcourut le corps. C’était impossible de voir ce qui se passait. L’écume s’élevait à trente mètres de haut. Wes ne pouvait même pas discerner la forêt. Mais il pouvait entendre le bruit à travers la vitre épaisse. C’était le grondement de l’eau – plus d’eau qu’il n’aurait jamais pu imaginer.

Des millions de litres d’eau par minute.

En entendant le déferlement de toute cette eau, son cœur se mit à battre la chamade.

Wes retourna en courant jusqu’au téléphone. Il était hors d’haleine.

« Vince, écoute-moi. Les écluses sont ouvertes ! Toutes ! On a un mur d’eau de dix mètres de haut et de soixante-dix mètres de large qui en déferle ! Je n’arrive pas à voir ce qui se passe. Je ne sais pas comment ça a pu arriver, mais il faut qu’on les referme. TOUT DE SUITE ! Tu connais la séquence ? »

Vince avait l’air incroyablement calme, mais en même temps, il n’avait pas vu toute cette eau.

« Je vais chercher mon livre, » dit-il.

Wes alla jusqu’au panneau de contrôle, avec le téléphone collé à l’oreille.

« Allez, Vince. Allez ! »

« OK, je l’ai, » dit Vince.

Vince lui donna une séquence à six chiffres que Wes introduisit sur le pavé numérique.

Il regarda les lumières, en s’attendant à ce qu’elles s’éteignent mais elles continuèrent à clignoter.

« Ça ne marche pas. Tu as d’autres chiffres ? »

« Non, je n’en ai pas d’autres. C’est ceux-là. Tu es sûr que tu les as introduits correctement ? »

« J’ai introduit exactement les chiffres que tu m’as donnés. » Les mains de Wes commencèrent à trembler. Mais en même temps, il se sentait plutôt calme. Il avait l’impression d’être détaché de la situation. Il avait une fois eu un accident de voiture sur une route de montagne enneigée, et au moment où la voiture s’était mise à faire des tonneaux, Wes s’était senti un peu pareil à maintenant. Il avait l’impression d’être dans un rêve.

Il n’avait aucune idée depuis combien de temps ces écluses étaient ouvertes, mais six écluses en même temps, c’était beaucoup d’eau… bien trop d’eau. Une telle quantité d’eau allait faire déborder les rivières et causer d’importantes inondations. Wes pensa au lac géant qui se trouvait juste au-dessus d’eux.

Puis quelque chose lui vint soudain en tête, quelque chose à laquelle il ne voulait pas penser.

« Appuie sur Annuler et on recommence, » dit Vince.

« Vince, il y a aussi l’hôtel à cinq kilomètres en aval. C’est le mois d’août, Vince. Tu vois ce que je veux dire ? C’est la haute saison et ils n’ont aucune idée de ce qui va leur tomber dessus. Il faut qu’on ferme tout de suite ces écluses et qu’on les appelle pour qu’ils évacuent en urgence. »

« Appuie sur Annuler et on recommence, » répéta Vince.

« Vince ! »

« Wes, tu as entendu ce que je viens de te dire ? On va fermer ces écluses. Et j’appellerai l’hôtel juste après. Alors maintenant, appuie sur Annuler et on recommence. »

Consciencieusement, Wes fit ce que Vince lui ordonnait, en redoutant au fin fond de lui que ça ne marcherait jamais.



*



Le téléphone de la réception n’arrêtait pas de sonner.

Montgomery Jones était assis dans la cafétéria du Black Rock Resort et essayait de savourer son petit déjeuner. Ils servaient le même petit déjeuner tous les jours – des œufs brouillés, des saucisses, des pancakes, des gaufres – tout ce qu’on voulait. Mais aujourd’hui, vu que l’endroit était plein, il était assis dans un coin de la cafétéria qui était plus près de la réception. Il y avait une centaine de lève-tôt qui occupaient toutes les tables et qui ralentissaient le service. Et ce téléphone commençait vraiment à gâcher la matinée de Monty.

Il se retourna et regarda en direction de la réception. C’était un endroit rustique, avec des panneaux en bois et une cheminée en pierre. Il n’y avait personne pour répondre à l’appel et celui qui appelait n’avait pas l’air de le comprendre. Chaque fois que le téléphone cessait de sonner, il y avait une pause de quelques secondes avant qu’il recommence à sonner. Monty en déduisit qu’à chaque fois qu’elle tombait sur la messagerie vocale, la personne qui appelait raccrochait et essayait à nouveau. C’était vraiment ennuyant. Cette personne s’acharnait et lui gâchait son petit-déjeuner.

« Rappelle, espèce d’idiot. »

Monty avait soixante-neuf ans et il venait à Black Rock depuis au moins vingt ans, souvent deux à trois fois par an. Il adorait cet endroit. Ce qu’il aimait le plus, c’était se lever tôt, prendre un bon petit déjeuner et parcourir les pittoresques routes de montagne sur sa Harley Davidson. Cette fois-ci, il avait emmené sa petite amie, Lena. Elle avait presque trente ans de moins que lui, mais elle était encore endormie dans la chambre. Elle aimait faire la grasse matinée, cette Lena. Ce qui voulait dire qu’ils démarreraient un peu plus tard aujourd’hui. Mais ce n’était pas grave. Lena en valait la peine. Lena était la preuve que réussir dans la vie avait ses avantages. Il l’imagina dans le lit, avec ses longs cheveux bruns éparpillés sur les oreillers.

Le téléphone arrêta de sonner. Mais cinq secondes plus tard, il recommença à nouveau.

OK, j’en ai marre. Monty décida qu’il allait décrocher ce fichu téléphone. Il se leva et se dirigea vers la réception. Mais il hésita une seconde avant de décrocher. Oui, c’est vrai, il venait souvent ici. Mais il ne connaissait pas très bien l’endroit… pas comme s’il y travaillait. Il ne pourrait pas prendre une réservation, ni même un message. Alors il dirait juste à son interlocuteur de rappeler un peu plus tard.

Il décrocha. « Allô ? »

« C’est Vincent Moore, de la Tennessee Valley Authority. Je suis à la station de contrôle du barrage de Black Rock, à cinq kilomètres en amont de l’hôtel. Ceci est une urgence. Nous avons un problème avec les écluses et demandons une évacuation immédiate de votre hôtel. Je répète, une évacuation immédiate. Il y a un torrent qui déferle vers vous. »

« Quoi ? » dit Monty. Quelqu’un devait lui faire une blague. « Je ne comprends pas. »

Juste à ce moment-là, il y eut un tumulte dans la cafétéria. Un brouhaha de voix se fit entendre. Soudain, une femme se mit à hurler.

L’homme au téléphone répéta à nouveau. « Je suis Vincent Moore et je travaille pour la Tennessee Valley… »

Quelqu’un d’autre se mit à hurler. C’était une voix d’homme, cette fois-ci.

Monty tenait toujours le téléphone en main mais il n’écoutait plus. Les gens dans la cafétéria s’étaient levés de leurs chaises. Certains se dirigeaient vers les portes. Puis, en un instant, ce fut la panique.

Monty vit les gens se mettre à courir, se pousser et tomber l’un sur l’autre. De nombreuses personnes couraient dans sa direction, les yeux écarquillés et la bouche ouverte de frayeur.

À travers la vitre, Monty vit un mur d’eau d’un mètre de haut déferler sur les jardins alentours. Un préposé à l’entretien en voiturette de golf fut pris dans la marée. La voiturette bascula, en jetant l’homme à l’eau et en se retournant sur lui. La voiturette glissa ensuite sur le côté, poussée par la force de l’eau, en direction du bâtiment principal.

Elle arrivait très vite et glissait droit vers les fenêtres.

CRAC !

La voiturette heurta la vitre et la brisa – suivie par un torrent d’eau.

L’eau s’engouffra dans la cafétéria et poussa la voiturette à travers la pièce. Un homme essaya de l’arrêter, avant de perdre l’équilibre et disparaître sous les flots.

Partout, les gens tombaient, incapables de lutter contre la force du courant. Les tables et les chaises glissèrent à travers la pièce et s’empilèrent contre le mur du fond.

Monty se protégea derrière le comptoir de la réception. Il regarda ses pieds. Il avait déjà de l’eau jusqu’aux mollets. Soudain, en face de lui, la fenêtre de la cafétéria se brisa, en envoyant des morceaux de verre un peu partout.

On aurait dit une explosion.

Monty se prépara à fuir. Mais avant que ses pieds trouvent une prise et qu’il puisse grimper sur le comptoir, il fut submergé par le torrent.




CHAPITRE DEUX


7h35

Observatoire Naval des États-Unis – Washington DC



Pour Susan Hopkins, la première femme Présidente des États-Unis, la vie ne pourrait pas aller mieux. C’était l’été, alors Michaela et Lauren étaient en vacances. Pierre les avait amenées dès que la situation était revenue à la normale, et finalement, toute la famille séjournait ici, dans la Nouvelle Maison Blanche. Michaela s’était remise de son enlèvement comme si ça avait été une aventure complètement dingue qu’elle avait choisi de surmonter. Elle avait même participé à quelques talkshows pour parler de son expérience et elle avait cosigné avec Lauren un article dans un magazine national.

En effet, Susan et Pierre s’étaient décarcassés pour que Lauren ne soit pas mise à l’écart de toute cette publicité. Après la première interview télévisée, ils avaient insisté pour que les filles soient interviewées ensemble. C’était tout à fait normal – tandis que Michaela était coincée en haut d’une tour de cinquante étages, gardée par des terroristes, Lauren était seule à la maison. On lui avait arraché sa sœur jumelle et son amie de toujours.

Il arrivait parfois à Susan de suffoquer à l’idée de perdre sa fille. Ça lui arrivait de se réveiller en pleine nuit, en ayant du mal à respirer, comme si un démon était assis sur sa poitrine.

Elle pouvait remercier Luke Stone pour lui avoir ramené Michaela. Luke Stone l’avait sauvée et ramenée à la maison. Lui et son équipe avaient tué chacun des kidnappeurs. C’était un homme dur à cerner. Tueur impitoyable d’un côté, mais aussi un père aimant de l’autre. Susan était convaincue qu’il n’était pas allé sur ce toit parce que c’était son boulot, mais parce qu’il aimait tellement son fils qu’il ne pouvait pas se faire à l’idée que Susan puisse perdre sa fille.

Dans dix jours, toute la famille, excepté Susan, retournerait en Californie pour se préparer à une nouvelle année scolaire. Elle allait à nouveau les perdre mais ce n’était que temporaire. Et elle avait été tellement heureuse de les avoir auprès d’elle. À un tel point… qu’elle avait presque peur de penser à leur départ.

« À quoi penses-tu ? » demanda Pierre.

Ils étaient étendus sur le lit King-size de la chambre à coucher principale. La lumière du matin filtrait à travers les fenêtres orientées au Sud-est. La tête de Susan était posée sur la poitrine nue de son mari et elle avait un bras autour de ses hanches. Et quoi, s’il était homosexuel ? C’était son mari et le père de ses deux filles. Elle l’aimait. Ils avaient partagé tellement de choses ensemble. Et cet instant-là, le dimanche matin, c’était leur moment privilégié.

Vu que leurs filles étaient adolescentes, elles avaient tendance à dormir tard. Elles resteraient au lit jusqu’à midi si Pierre et Susan les laissaient faire. Et il faut dire que Susan serait également ravie de faire la grasse matinée, si le devoir ne l’appelait pas. Être Présidente des États-Unis était un boulot à temps plein, sept jours sur sept, avec seulement quelques heures de répit le dimanche matin.

« Je pensais que j’étais vraiment heureuse, » dit-elle. « Pour la première fois depuis le six juin, je suis totalement heureuse. J’ai été tellement contente de vous avoir auprès de moi. Comme avant. Et avec tout ce qui s’est passé, j’ai l’impression que je commence vraiment à me sentir à l’aise dans mon rôle de Présidente. Je ne pensais pas en être capable, mais si, finalement, j’y suis arrivée. »

« Tu t’es endurcie, » dit Pierre. « Tu es plus résistante. »

« Et c’est une mauvaise chose ? » dit-elle.

Il secoua la tête. « Non, pas du tout. Tu as beaucoup muri. Tu étais beaucoup moins mature quand tu étais Vice-Présidente. »

Susan acquiesça d’un mouvement de tête. « C’est vrai que j’étais plutôt immature. »

« C’est clair, » dit-il. « Tu te rappelles quand Mademoiselle t’a fait faire ton jogging en pantalon moulant orange ? Très sexy. Mais tu étais également Vice-Présidente des États-Unis à cette époque-là. C’était un peu… trop informel comme attitude. »

« C’était amusant d’être Vice-Présidente. Ça m’a vraiment beaucoup plu. »

Il hocha la tête et rit. « Je sais. J’ai remarqué. »

« Mais après, les choses ont changé. »

« Oui. »

« Et on ne peut pas retourner en arrière, » dit-elle.

Il baissa les yeux vers elle. « Est-ce que tu le ferais, si tu le pouvais ? »

Elle y réfléchit pendant une seconde. « Si tous ces gens pouvaient encore être vivants, ceux qui ont perdu leur vie à Mont Weather, je rendrais tout de suite son poste à Thomas Hayes, sans hésiter une seconde. Mais sinon, non. Je ne retournerais pas en arrière. J’ai encore deux années devant moi avant de décider si je veux me présenter aux élections. J’ai l’impression que les gens commencent à me suivre et si j’obtenais un autre mandat, je pense qu’on pourrait faire de très grandes choses. »

Il fronça les sourcils. « Un autre mandat ? »

Elle se mit à rire. « C’est une conversation qui peut attendre. »

À ce moment-là, le téléphone à côté du lit se mit à sonner. Susan tendit la main vers le cornet, en espérant que ce ne soit rien de grave.

Mais ça ne l’était jamais.

C’était sa nouvelle chef de cabinet, Kat Lopez. Susan reconnut tout de suite sa voix.

« Susan ? »

« Salut, Kat. Tu sais qu’il n’est même pas huit heures du matin et qu’on est dimanche ? Même dieu se reposait un jour par semaine. Tu peux en faire de même, tu sais. »

Le ton de la voix de Kat était très sérieux. De toute façon, c’était toujours le cas. Kat était une femme hispanique qui avait débuté tout en bas de l’échelle et qui avait dû lutter pour grimper les échelons. Elle n’y était pas arrivée en souriant. Susan trouvait que c’était dommage. Kat était extrêmement compétente. Mais elle était également jolie. Et ça ne lui ferait pas de mal de sourire de temps en temps.

« Susan, un important barrage vient juste de s’effondrer à l’Ouest de la Caroline du Nord. Nos analystes pensent qu’il s’agit d’une attaque terroriste. »

Susan ressentit cette pointe familière de crainte. C’était quelque chose à laquelle elle ne parviendrait jamais à s’habituer. C’était une chose qu’elle ne souhaiterait pas à son pire ennemi.

« Il y a des victimes ? » demanda-t-elle.

Elle vit l’expression du visage de Pierre changer. C’était le boulot. Un cauchemar. Et il y a à peine une minute, elle avait nonchalamment envisagé de se représenter pour un autre mandat.

« Oui, » répondit Kat.

« Combien ? »

« On ne le sait pas encore. Probablement des centaines. »

Susan eut l’impression de suffoquer.

« Susan, il y a un groupe qui est occupé à se mettre en place dans la salle de crise. »

Susan hocha la tête. « Je serai là dans un quart d’heure. »

Elle raccrocha. Pierre la fixait des yeux.

« De mauvaises nouvelles ? » demanda-t-il.

« Comme toujours. »

« OK, » dit-il. « Vas-y, va faire ton boulot. Je m’occuperai des filles. »

Mais Susan était déjà debout et se dirigeait vers la douche, avant même qu’il eut terminé de parler.




CHAPITRE TROIS


10h23

Sentier transversal, Southwest Harbor, Parc national d’Acadia, Maine



« Ça va ? Tu tiens le coup ? »

« Tout va bien, papa. »

Luke Stone et son fils, Gunner, gravissaient lentement les marches raides du sentier. C’était une matinée chaude et humide, et Luke était conscient que Gunner n’avait que dix ans. Ils gravissaient la montagne en prenant leur temps et Luke veillait à s’arrêter fréquemment pour qu’ils s’hydratent.

Ils grimpaient de plus en plus haut, à travers les énormes roches. Les imposantes pierres étaient disposées de telle façon qu’elles créaient un escalier imposant, serpentant vers le sommet, qui semblait avoir été creusé par les mains géantes d’un dieu nordique qui serait descendu du ciel tout spécialement pour le sculpter. Mais Luke savait que ces pierres avaient été installées par de jeunes hommes sans emploi venant des grandes villes de la côte Est et qui avaient été amenés ici il y a quatre-vingts ans par le Civilian Conservation Corps, au cours de la Grande dépression.

Un peu plus haut, ils trouvèrent des échelons en fer vissés dans la pierre. Ils gravirent l’échelle, avant de continuer à monter un sentier sinueux à travers les roches. Très vite, le sentier devint plat et ils traversèrent une forêt dense, avant d’arriver à la dernière montée pour atteindre le sommet. Ils grimpèrent sur les rochers.

Ils se trouvaient en haut d’une falaise et ils avaient une vue magnifique sur le grand lac en contrebas, où ils s’étaient garés. Au-delà de ça, se trouvait l’océan atlantique, à environ une dizaine de kilomètres.

« Qu’est-ce que tu en penses ? »

Gunner était en sueur. Il s’assit sur un rocher, détacha son sac à dos et en sortit une bouteille d’eau. Son t-shirt était trempé de sueur. Ses cheveux blonds étaient emmêlés. Il prit une gorgée de sa bouteille et la tendit à Luke. C’était un enfant au caractère très affirmé.

« C’est vraiment super, papa. J’adore. »

« Je voudrais te donner quelque chose, » dit Luke. « Et je voulais attendre qu’on ait atteint le sommet. Je ne sais pas pourquoi. J’ai juste trouvé que ce serait un chouette endroit pour te l’offrir. »

Gunner eut l’air légèrement inquiet. Il aimait recevoir des cadeaux, mais en général, il préférait des cadeaux qu’il avait demandés.

Luke sortit l’appareil de sa poche. C’était un petit morceau de plastique noir, de la taille d’un porte-clés. Ça n’avait l’air de rien. Ça aurait pu être une télécommande d’ouverture pour une porte de garage.

« Qu’est-ce que c’est ? » demanda Gunner.

« C’est un appareil GPS. Un système de géolocalisation. » Luke tendit le doigt vers le ciel. « Là-haut, dans l’espace, il y a tous ces satellites… »

Gunner se mit à sourire. Il secoua la tête. « Je sais ce qu’est un GPS, papa. Maman en a un dans sa voiture. Et heureusement… sinon elle ne retrouverait jamais son chemin. Pourquoi est-ce que tu m’en offres un ? »

« Tu vois cette attache à l’arrière ? Je voudrais que tu l’accroches à ton sac à dos et que tu le portes toujours sur toi. J’ai une appli sur mon téléphone qui me permet de suivre cet appareil. Du coup, même quand on sera séparé, je saurai toujours où tu te trouves. »

« Tu t’inquiètes pour moi ? »

Luke secoua la tête. « Non. Je ne suis pas inquiet. Je sais que tu peux prendre soin de toi. C’est juste qu’on ne s’est pas beaucoup vu dernièrement et je me sentirais plus proche de toi si je pouvais savoir où tu es, en jetant tout simplement un coup d’œil à mon téléphone. »

« Mais moi, je ne pourrai pas voir où tu es, » dit Gunner. « Alors, comment suis-je supposé me sentir plus près de toi ? »

Luke sortit un autre appareil GPS de sa poche. « Tu vois cet appareil ? Je vais l’attacher à mon porte-clés. Quand on sera rentré à l’hôtel, je téléchargerai l’appli sur ton téléphone et comme ça, tu pourras toujours savoir où je suis. »

Gunner sourit. « J’aime beaucoup cette idée, papa. Mais tu sais, on peut aussi tout simplement s’envoyer des messages. Est-ce que tu sais comment en envoyer ? Je sais que beaucoup de gens de ton âge ne savent pas. »

Luke se mit à sourire. « Oui, bien sûr, on peut s’envoyer des messages. On peut faire les deux. »

Pour Luke, c’était une sensation un peu amère de se retrouver ici, avec Gunner. Luke avait grandi sans son père et maintenant, Gunner se retrouvait dans la même situation. Le divorce avec Becca n’était pas encore prononcé, mais ça n’allait plus tarder. Luke n’avait plus travaillé pour le gouvernement depuis deux mois, mais Becca était catégorique : elle demandait de toute façon le divorce.

En attendant, Luke passait deux weekends par mois avec Gunner. Il faisait tout ce qu’il pouvait pour veiller à ce que ces weekends soient toujours remplis d’aventure et d’amusement. Il faisait également tout son possible pour répondre aux questions de Gunner de manière claire, tout en gardant un ton optimiste. Des questions comme celle-ci, par exemple :

« Tu penses qu’on pourrait faire ça un jour avec maman ? »

Luke regarda l’océan. Des questions comme celles-là lui donnaient envie de se jeter du haut de la falaise. « Je l’espère. »

Gunner sentit qu’il y avait peut-être une possibilité et demanda : « Quand ? »

« Eh bien, il faut que tu comprennes que ta maman et moi, nous ne sommes pas tout à fait d’accord pour l’instant. »

« Je ne comprends pas, » dit Gunner. « Vous vous aimez, non ? Et tu as promis que tu allais quitter ton boulot ? Est-ce que tu as vraiment arrêté ? »

Luke hocha la tête. « Oui, j’ai arrêté. »

« Mais maman n’y croit pas. »

« Je sais. »

« Mais si tu pouvais la convaincre d’y croire, alors… »

C’est vrai, Luke avait arrêté. Il était parti et il avait complètement disparu des radars. Susan Hopkins lui avait promis de le laisser tranquille et elle avait tenu sa promesse. Il avait également coupé le contact avec son groupe de l’Équipe d’intervention spéciale.

Et il appréciait vraiment cette solitude. Il était retourné à l’essentiel. Il avait loué une cabane dans les montagnes Adirondack pendant deux semaines et il avait passé tout son temps à chasser à l’arc à flèche et à pêcher. Tous les matins, il sautait dans le lac qui se trouvait derrière sa cabane. Il s’était laissé pousser la barbe.

Après ça, il avait passé dix jours dans les Caraïbes, à Saint Vincent, où il avait nagé avec des tortues marines, d’énormes raies, des requins et exploré quelques épaves de bateaux gisant au fond de la mer.

Après chaque petit voyage, il revenait à Washington pour récupérer Gunner et l’emmener pour leur prochaine aventure. Luke devait bien l’admettre : ça lui plaisait de ne plus travailler. Dans un an, quand il tomberait à court d’argent, ce ne serait probablement plus aussi agréable, mais pour l’instant, il comptait bien en profiter.

« Est-ce que vous allez vraiment vous séparer pour du bon ? »

Luke entendit un léger tremblement dans la voix de Gunner, au moment où il posa cette question. Il ne comprenait que trop bien. Gunner avait peur. Luke s’assit à côté de lui sur les rochers.

« Gunner, je vous aime tous les deux très fort, toi et ta mère. La situation est compliquée et on essaie de la résoudre de la meilleure manière possible. »

Ce n’était pas tout à fait vrai. Becca était très froide avec Luke. Elle voulait divorcer. Elle voulait la garde exclusive de Gunner. Elle pensait que Luke était un danger pour Gunner et pour elle. Elle l’avait même menacé de demander une ordonnance de protection contre lui. Sa réaction était démesurée et elle venait d’une famille qui avait beaucoup d’argent. Elle pouvait payer une longue bataille légale pour la garde de Gunner, si ça s’avérait nécessaire.

« Est-ce que tu veux être avec elle ? »

« Oui, bien sûr. » C’était le premier mensonge qu’il disait à Gunner au cours de cette conversation. Mais la vérité était plus difficile à cerner. Au début, il en avait eu envie. Mais plus le temps passait et plus la position de Becca se durcissait, moins il en était sûr.

« Alors pourquoi tu ne viens pas tout simplement à la maison pour le lui dire ? Lui acheter des roses, ou quelque chose qui lui fasse plaisir ? »

C’était une bonne question mais il n’y avait pas de réponse simple à ça.

À l’intérieur du sac à dos de Luke, un téléphone se mit à sonner. C’était probablement Becca, qui voulait parler à Gunner. Luke sortit de son sac à dos le téléphone satellite qu’il gardait en permanence sur lui. C’était le seul moyen de communication qu’il avait accepté de garder. Ainsi, Becca pourrait toujours le joindre. Mais elle n’était pas la seule. Il y avait une autre personne sur cette terre qui avait accès à ce numéro.

Il regarda qui l’appelait. C’était un numéro qu’il ne reconnaissait pas, avec un préfixe 202, celui de Washington DC.

Son cœur cessa de battre.

C’était elle. Cette autre personne.

« C’est maman ? » demanda Gunner.

« Non. »

« C’est la Présidente ? »

Luke hocha la tête. « Je pense bien. »

« Tu ne crois pas que tu devrais répondre ? » dit Gunner.

« Je ne travaille plus pour elle, » dit Luke. « Tu te rappelles ? »

Ce matin, avant qu’ils partent en randonnée, ils avaient vu à la télé qu’un barrage s’était effondré en Caroline du Nord. Il y avait plus d’une centaine de morts et des centaines de personnes disparues. Un hôtel entier avait été balayé par l’eau. Des villes en aval du barrage étaient en cours d’évacuation mais il était probable qu’il y ait encore plus de victimes.

Ce qui était incroyable dans tout ça, c’était qu’un barrage construit en 1943 ait subi une telle défaillance après plus de soixante-dix ans de fonctionnement sans faille. Pour Luke, ça ressemblait à un sabotage. Mais il ne parvenait pas à comprendre qui pourrait bien cibler un barrage dans une région aussi reculée ? Qui était même au courant de son existence ? Si c’était un sabotage, alors c’était probablement un problème au niveau local, des membres d’une milice, des écologistes, ou peut-être même un ancien employé mécontent, qui a voulu faire une blague qui a mal tourné et aux conséquences tragiques. La police d’état ou le FBI de Caroline du Nord auront probablement arrêté des suspects avant la fin de la journée.

Mais maintenant, son téléphone sonnait. Alors peut-être que ce n’était pas aussi simple que ça.

« Papa, vas-y, tu peux décrocher. Je ne veux pas que tu quittes ton boulot, même si maman le veut. »

« Ah bon ? Et si moi, j’ai envie de le quitter ? J’ai quand même mon mot à dire à ce sujet, non ? »

Gunner secoua la tête. « Je ne pense pas. Tu sais, beaucoup de gens sont morts dans cette inondation. Et si j’en faisais partie ? Et si moi et maman, on était tous les deux morts noyés ? Tu ne voudrais pas que quelqu’un découvre pourquoi c’est arrivé ? »

Le téléphone continuait de sonner. Quand la messagerie vocale se déclencha, le téléphone cessa de sonner pendant quelques secondes, avant de recommencer. On voulait parler à Luke et il était clair qu’on n’allait pas lui laisser de message.

Luke, en pensant à ce que Gunner venait de lui dire, appuya sur le bouton vert du téléphone. « Ici, Stone. »

« Je vous passe la Présidente des États-Unis, » dit la voix d’un homme.

Il y eut un moment de silence avant que la voix de la Présidente se fasse entendre sur la ligne. Son ton était plus dur, plus affirmé qu’avant. Les événements de ces derniers mois l’avaient visiblement endurcie.

« Luke ? »

« Bonjour, Susan. »

« Luke, je veux que vous nous rejoigniez pour une réunion. »

« C’est au sujet du barrage ? »

« Oui. »

« Susan, j’ai pris ma retraite, vous vous rappelez ? »

Elle baissa la voix.

« Luke, le système de contrôle du barrage a été piraté. Des centaines de personnes sont mortes et tout indique que ce sont les Chinois. Nous sommes au bord de la troisième guerre mondiale. »

Luke ne savait pas comment répondre à ça.

« À quelle heure arriverez-vous ? » demanda-t-elle.

Et il sut que ce n’était pas une question.




CHAPITRE QUATRE


18h15

Observatoire Naval des États-Unis – Washington DC



Luke était assis à l’arrière du SUV noir qui s’engagea dans l’allée en demi-cercle qui menait à l’imposante résidence de style reine Anne datant des années 1850, qui était depuis de nombreuses années la résidence officielle du Vice-Président des États-Unis. À la suite de la destruction de la Maison Blanche il y a deux mois, cet endroit était devenu la Nouvelle Maison Blanche, ce qui était plutôt pratique pour la Présidente, vu qu’elle avait vécu dans cette maison pendant cinq ans avant d’assumer son nouveau rôle en tant que chef d’état.

Pendant ces deux derniers mois, Luke n’avait presque pas pensé à cet endroit, ni aux personnes qui y travaillaient. Il avait gardé un téléphone satellite sur lui à la demande de la Présidente, mais ce ne fut qu’au cours des premières semaines qu’il vécut dans la crainte de recevoir un appel. Après ça, il avait même presque oublié qu’il avait ce téléphone.

Une jeune femme l’attendait sur le porche de la maison. Elle était brune, grande et très belle. Elle portait une chemise noire et une veste. Ses cheveux étaient tirés en arrière dans un chignon. Elle tenait une tablette dans sa main gauche. Elle tendit l’autre main à Luke, d’un geste ferme et assuré.

« Agent Stone ? Je suis Kathryn Lopez, la chef de cabinet de Susan. »

Luke fut un peu surpris. « Vous avez l’air bien jeune pour un tel poste. »

« Je prendrai ça pour un compliment, » dit-elle, sur un ton qui lui indiquait que c’était le genre de commentaire qu’elle devait très souvent entendre, et plutôt sous la forme de critique. « J’ai trente-sept ans. Je vis à Washington depuis treize ans, depuis le moment où j’ai terminé mon master. J’ai travaillé pour un représentant de la Chambre, deux sénateurs et l’ancien Directeur des services de santé. Je ne suis pas tout à fait une novice. »

« OK, » dit Luke. « Je vois que vous maîtrisez. »

Ils entrèrent dans l’édifice. De l’autre côté, ils se retrouvèrent face à un contrôle de sécurité, avec trois gardes armés et un détecteur de métal. Luke retira son Glock de l’étui et le posa sur le tapis roulant. Il se baissa et détacha le petit revolver de poche et le couteau de chasse qui étaient accrochés à ses mollets et les posa également sur le tapis. Il finit par sortir ses clés de sa poche et les posa à côté.

« Désolé, » dit-il. « Je ne me rappelais pas qu’il y avait un contrôle de sécurité à l’entrée. »

« Il n’y en avait pas, » dit Kat Lopez. « Il a été installé il y a seulement quelques semaines. Il y a de plus en plus de gens qui entrent ici et il a fallu renforcer les contrôles de sécurité. »

Luke se rappela le jour des attaques. Thomas Hayes avait été tué et Susan s’était soudain retrouvée Présidente des États-Unis. La Maison Blanche avait été détruite, et tout avait été orchestré d’une main de maître. Ça avait été des jours de folie. Il était content d’avoir pu s’éloigner de tout ça pendant quelques temps. Mais c’est vrai que Susan n’avait pas eu cette chance.

Les gardes de sécurité effectuèrent une autre fouille rapide sur Luke à l’aide d’un détecteur manuel de métal, avant qu’on lui donne le feu vert pour entrer.

L’endroit bouillonnait d’effervescence. Le vestibule grouillait de gens en costume ou en uniforme militaire, et de personnes aux manches de chemise relevées, marchant d’un pas rapide à travers les couloirs, en entraînant à leur suite toute une floppée d’assistants. Une chose lui sauta directement aux yeux – il y avait beaucoup plus de femmes qu’avant.

« Qu’est-ce qui est arrivé à l’ancien chef de cabinet de Susan ? » demanda Luke. « Richard… »

Kat Lopez hocha la tête. « Richard Monk. Eh bien, après l’attaque à l’Ébola, lui et Susan ont tous les deux trouvé que c’était un bon moment pour que leurs chemins se séparent. Mais il a su retomber sur ses pattes. Il travaille en tant que chef de cabinet pour le nouveau Représentant du Delaware, Paul Chipman. »

Luke savait que de nouveaux représentants et de nouveaux sénateurs avaient surgi de l’ombre, pour remplacer ceux qui étaient décédés dans l’attaque à Mount Weather. Toute une floppée de personnes avaient ainsi profité de cette occasion pour prendre place dans la cour des grands, ou pour reprendre du service alors qu’elles avaient pris leur retraite. Beaucoup d’entre eux étaient des personnes nommées par des gouverneurs à l’éthique douteuse, adeptes de systèmes de patronage établis de longue date. Des faveurs étaient accordées un peu partout.

Il sourit. « De chef de cabinet de la Présidente des États-Unis, Richard se retrouve à travailler avec un obscur représentant du deuxième plus petit état du pays, et vous appelez ça ‘retomber sur ses pattes’ ? Je dirais plutôt qu’il s’est brisé le cou. »

« Sans commentaire, » dit Kate, avec un léger sourire aux lèvres. C’était le premier signe d’humanité qu’elle exprimait depuis qu’il l’avait rencontrée. Elle le guida à travers la foule jusqu’à une double porte qui se trouvait au bout du couloir. Luke connaissait déjà cet endroit. Quand Susan était Vice-Présidente, elle avait utilisé cette vaste pièce ensoleillée comme salle de réunion. Mais après avoir prêté serment, cette pièce était devenue la Salle de Crise.

La pièce avait également été transformée et officialisée. Des parois modulaires avaient été installées tout le long de la pièce, pour recouvrir les fenêtres. D’énormes écrans plats avaient été accrochés à un mètre cinquante d’intervalle. Une immense table de réunion en chêne avait été installée et le sceau du Président avait été accroché au mur, juste derrière. Il y avait environ une vingtaine de personnes présentes dans la pièce quand Luke et Kat entrèrent. Une douzaine d’entre eux étaient assis à la table, tandis que les autres étaient installés sur des chaises alignées contre les murs.

Le nombre de femmes présentes avait également changé. Luke se rappelait très bien le jour où il s’était retrouvé dans cette même pièce, deux mois plus tôt, et qu’on lui avait parlé de l’échantillon d’Ébola. Sur les trente personnes présentes dans la salle ce jour-là, Susan était la seule femme. Vingt-neuf hommes imposants et baraqués, et une seule femme frêle.

Et maintenant, la moitié des personnes présentes étaient des femmes.

Quand Luke entra, Susan se leva de sa chaise en bout de table. Elle aussi, elle avait changé. Elle avait l’air plus dure. Plus mince qu’avant. À une époque, elle avait été mannequin et elle avait toujours conservé un visage assez jeune. Mais maintenant, elle avait les yeux entourés de rides. Son regard semblait plus concentré, plus incisif. Où qu’elle aille, elle avait toujours été considérée comme une très belle femme – mais il se pourrait que ce ne soit plus le cas, une fois que son mandat de Présidente toucherait à sa fin.

« Agent Stone, » dit-elle. « Je suis heureuse que vous ayez pu nous rejoindre. »

Il sourit. « Madame la Présidente, s’il vous plait, appelez-moi Luke. »

Elle ne lui retourna pas son sourire. « Merci d’être venu. »

Debout devant l’un des grands écrans, se trouvait Kurt Kimball, le Conseiller à la sécurité nationale de Susan. Luke l’avait déjà rencontré. Il était grand, avec de larges épaules. Son crâne était complètement chauve.

Kimball lui tendit la main et Luke la serra. Si la poignée de main de Kat Lopez avait été ferme, celle de Kurt Kimball était en acier. « Luke, ça fait plaisir de vous revoir. »

« De même. »

L’atmosphère était tendue. Mais tous ces gens ne venaient pas non plus de passer les deux derniers mois à faire du camping et de la voile. Il n’empêche que Luke était venu du Maine dès qu’on l’avait appelé, et qu’il avait dû laisser son fils avec sa future ex-femme en colère, qui y avait vu une raison de plus pour demander le divorce. Et du coup, il s’était attendu à un accueil un peu plus chaleureux.

Mais quelque part, ça se comprenait. Des centaines de personnes étaient mortes ce matin et les gens présents dans cette pièce pensaient qu’il s’agissait d’une attaque terroriste.

« Je vous en prie, asseyez-vous, » lui dit Kimball.

Il y avait une chaise disponible à la droite de Susan et Luke s’y assit.

À l’écran, apparut la photo d’un énorme barrage, avec un bâtiment de six étages devant lui – le centre de contrôle. Six écluses partiellement ouvertes se trouvaient en-dessous. Le bâtiment avait l’air minuscule, avec la masse énorme du barrage qui se dressait derrière lui. Le long du bord, il y avait une centrale hydroélectrique, avec des rangées et des rangées de transformateurs.

« Luke, voici le barrage de Black Rock, » dit Kurt Kimball. « Il mesure un peu plus de deux cents mètres de haut et retient le lac de Black Rock, qui fait vingt-six kilomètres de long, a une profondeur de cent-vingt mètres, et qui contient à tout moment trois cents millions de mètres cubes d’eau. Comme vous l’avez probablement vu à la télé aujourd’hui, un peu après sept heures du matin, les six écluses se sont entièrement ouvertes et sont restées bloquées pendant trois heures et demie, avant que les techniciens parviennent à les désassocier du système informatique qui les contrôle et les fermer manuellement. »

Kimball utilisa un laser pour montrer les écluses.

« Si vous regardez la taille des écluses en comparaison avec l’édifice, vous constaterez qu’elles sont assez grandes. Chacune mesure dix mètres de haut, ce qui signifie que six énormes jets d’eau ont été lâchés en même temps. La pression hydraulique du lac a envoyé cette avalanche d’eau à une vitesse approximative de trente kilomètres à l’heure. Ça ne paraît pas si rapide que ça, sauf quand on se trouve sur son chemin. Jusqu’à ce matin, l’hôtel de Black Rock se dressait à cinq kilomètres au Sud du barrage. Le bâtiment était presque entièrement construit en bois. Le mur d’eau a complètement balayé l’hôtel et d’après ce qu’on sait, les seuls survivants sont quelques clients qui étaient partis tôt le matin pour faire une randonnée ou pour parcourir les routes pittoresques des environs. »

« Combien de clients y avait-il à l’hôtel ? » demanda Luke.

« Il y avait deux cent quatre-vingt-un clients répertoriés dans leur système de réservation en ligne. Peut-être qu’une vingtaine d’entre eux avaient quitté l’hôtel avant la catastrophe, ou n’étaient jamais arrivés, pour une raison ou une autre. Tous les autres ont été balayés par les flots et sont supposés morts. Si on ajoute à ça d’autres destructions en aval, il faudra quelques jours avant d’avoir le nombre précis des victimes. »

Luke ressentit une sensation qui lui était familière et qui lui donna la nausée. C’était comme un vieil ami qu’il n’aurait plus vu depuis longtemps et qu’il espérait ne jamais revoir. Il eut l’impression que son estomac se retournait en pensant à la mort de toutes ces personnes innocentes, qui n’avaient rien demandé à personne. Luke ne connaissait que trop bien cette sensation.

« Est-ce qu’on a essayé de les prévenir ? » demanda-t-il.

Kimball hocha la tête. « Les travailleurs du centre de contrôle ont appelé l’hôtel dès qu’ils se sont rendus compte que les écluses étaient ouvertes, mais apparemment l’avalanche d’eau les avait déjà atteints. Quelqu’un décrocha le téléphone mais la conversation prit fin presque immédiatement. »

« Mon dieu. Et quels sont les autres dégâts en aval dont vous parliez ? »

Une carte apparut à l’écran. On y voyait le lac, le barrage, l’hôtel et les villes environnantes. Kimball en désigna une à l’aide de son laser. « La ville de Sargent se trouve à vingt-six kilomètres au Sud de l’hôtel. C’est une ville de deux mille trois cents habitants et c’est la porte d’entrée au Parc national pour les touristes qui visitent le coin. La majorité de la ville est construite sur une petite colline et ils ont eu un peu plus de temps que l’hôtel pour se préparer à la catastrophe. Les sirènes d’alarme ont même eu le temps de retentir avant l’inondation. Avec vingt-six kilomètres supplémentaires à descendre, les flots ont perdu un peu de leur force et l’inondation fut un peu moins violente qu’à l’hôtel. Beaucoup de maisons et de bâtiments situés sur la colline ont résisté à l’inondation sans être balayés. Mais beaucoup de constructions plus basses ont rapidement été inondées. Plus de quatre cents habitants de Sargent sont actuellement portés disparus et supposés morts. »

Luke fixait l’écran des yeux pendant que le laser de Kimball montrait les villes de Sapphire, de Greenwood et de Kent, qui étaient à chaque fois un peu plus éloignées du barrage mais qui avaient également souffert des inondations. L’envergure de la catastrophe était épouvantable et bien que les écluses aient été fermées, la masse d’eau continuerait à dévaler les pentes pendant encore quelques jours. Une vingtaine de villes avaient été évacuées, mais il y aurait tout de même d’autres victimes. Il est probable que certaines personnes dans des régions isolées n’auraient pas la possibilité de fuir.

« Et vous pensez que le système a été piraté ? Comment est-ce que ce serait possible ? »

Kimball regarda autour de lui. « Est-ce que vous êtes tous autorisés à entendre ce qui va suivre ? Je demande à toute personne n’ayant pas cette autorisation de sortir immédiatement de cette pièce. »

Des murmures se firent entendre dans la salle, mais personne ne bougea. « OK, je vais partir du principe que vous avez tous le droit d’être ici. Si ce n’était pas le cas, c’est votre carrière que vous mettez en jeu. Ne l’oubliez pas. »

Il se retourna vers Luke.

« Le barrage a été construit en 1943 pour générer l’électricité indispensable pendant la guerre. Il a été construit, et il est géré depuis lors, par la Tennessee Valley Authority. Pendant de nombreuses années, les écluses étaient actionnées par des commandes moins sophistiquées que le dispositif d’ouverture de la porte de votre garage. Il y a environ vingt ans, la Tennessee Valley Authority a cherché à économiser de l’argent en automatisant ses barrages. En effet, les centres de contrôle dans les vieux barrages hydroélectriques sont d’une incroyable inefficacité par rapport aux normes actuelles. En gros, des gens sont payés toute la journée pour lire et écrire dans des registres, et pour ouvrir et refermer de temps en temps les vannes de déversoir. Les écluses ne sont presque jamais ouvertes.

« La Tennessee Valley Authority avait l’intention de rassembler dix ou vingt centres de contrôle dans un seul grand centre principal. Ils ont donc équipé plusieurs barrages d’un logiciel informatique qui peut être commandé à distance. Black Rock était l’un d’entre eux. Il s’agit d’un logiciel vraiment très simple – ‘oui’ pour ouvrir les écluses, et ‘non’ pour les refermer. Pour une raison ou une autre, ils n’ont jamais créé le centre principal de contrôle, mais ils ont néanmoins fait en sorte de pouvoir accéder à leur logiciel via internet, au cas où ils se décidaient à le faire. La dernière chose importante à savoir, c’est qu’à l’époque, le cryptage en était à ses balbutiements et que le logiciel n’a jamais été mis à jour depuis le moment où il a été installé. »

Luke le fixa des yeux, d’un air surpris.

« C’est une blague. »

Il secoua la tête.

« C’était très facile de pirater le système. C’est juste que personne n’y avait songé avant. Et puis… quel terroriste connaîtrait même l’existence de ce barrage ? Il se trouve dans un coin perdu, en pleine montagne. Il n’y a pas beaucoup de prestige à détruire une ville comme Sargent, en Caroline du Nord. Mais comme nous avons pu le voir, les résultats sont aussi dévastateurs que s’ils avaient attaqué Chicago. »

Susan prit la parole pour la première fois depuis le début de la présentation. « Et le pire dans tout ça, c’est qu’il y a des centaines de barrages dans le genre aux États-Unis. Nous n’en connaissons même pas le nombre exact et nous ne savons pas combien d’entre eux sont susceptibles d’être attaqués. »

« Et pourquoi est-ce que vous pensez que ce sont les Chinois qui sont derrière tout ça ? » demanda Luke.

« Nos pirates informatiques à la NSA ont pu tracer l’infiltration jusqu’à une série d’adresses IP dans le Nord de la Chine. Et il y a eu des communications depuis ces adresses vers un compte internet dans un motel d’Asheville, en Caroline du Nord, à cent kilomètres à l’Est du barrage de Black Rock. Les communications ont eu lieu au cours des quarante-huit heures précédant l’attaque. Une équipe SWAT du Bureau des alcools, du tabac et des armes est active dans cette région, où elle est chargée de contrôler les distilleries et les brasseries sans permis. On a demandé à cette équipe SWAT d’intervenir dans ce motel. Ils sont descendus dans la chambre en question et ils ont arrêté un Chinois de trente-deux ans du nom de Li Quiangguo. »

Une photo apparut à l’écran. Luke y vit un Chinois, escorté hors d’un petit motel quelconque par un groupe d’officiers de la SWAT. Une autre image de cet homme apparut ensuite. Il était debout sur une étroite route en face d’un lac. Il se tenait à côté d’une plaque historique où il était inscrit Barrage Black Rock – 1943, suivi d’une courte description.

« Bien qu’il ait des documents et un passeport sous ce nom, nous ne pensons pas qu’il s’agisse de son véritable nom. Comme vous le savez, l’ordre dans les noms en Chine sont inversés – le nom de famille vient en premier, suivi du prénom. Li est l’un des noms de famille les plus courants en Chine, un peu comme Smith aux États-Unis. Et Quiangguo signifie Une nation forte, en mandarin. C’est un prénom à connotation militariste qui était très courant après la Révolution chinoise, mais qui est un peu tombé en disgrâce il y a environ une quarantaine d’années. De plus, Li a été retrouvé avec une arme et une petite fiole contenant des pilules de cyanure en sa possession. Nous pensons qu’il s’agit d’un agent du gouvernement chinois travaillant sous un faux nom et qu’il était supposé se donner la mort s’il était sur le point de se faire arrêter. »

« Et apparemment, il n’en a finalement pas eu le courage, » dit Luke.

« Soit ça, soit il n’a pas eu le temps de mettre la main sur les pilules de cyanure. »

Luke secoua la tête. « Après une opération d’une telle envergure, un agent qui serait vraiment prêt à mourir tiendrait la fiole de cyanure en main, ou il la garderait en poche, vingt-quatre heures sur vingt-quatre. En quoi consistaient les communications ? »

« Il s’agit d’une série d’emails cryptés. Nous n’avons pas encore réussi à les déchiffrer et il se pourrait que ça nous prenne des semaines avant d’y arriver. C’est un cryptage que la NSA n’a encore jamais vu. Très complexe et très difficile à déchiffrer. Alors pour l’instant, nous ne savons pas ce que contiennent ces emails. »

« Est-ce que l’homme vous a dit quoi que ce soit ? » demanda Luke.

Kimball secoua la tête. « Il se trouve dans un centre de détention de la FEMA, dans le Nord de la Géorgie, à environ cent-cinquante kilomètres au Sud-est du barrage de Black Rock. Il persiste à dire qu’il n’est qu’un touriste qui se trouvait au mauvais endroit au mauvais moment. »

« C’est pour ça que nous avons fait appel à vous, » dit Susan. « Nous voudrions que vous alliez lui parler. On s’est dit qu’à vous, il parlerait peut-être. »

« Aller lui parler, » dit Luke.

Susan haussa les épaules. « Oui. »

« Et le faire parler ? »

« Oui. »

« Pour ça, il me faudra probablement l’aide de mon équipe, » dit Luke.

Susan, Kurt Kimball et Kat Lopez échangèrent un regard.

« On ferait mieux de parler de ça en privé, » dit Kimball.



*



« OK, Susan, alors c’est le moment où vous m’expliquez à nouveau que l’Équipe d’intervention spéciale a été dissoute, c’est bien ça ? »

« Luke… » commença-t-elle à dire.

Ils étaient assis dans le bureau de Susan qui se trouvait à l’étage. La pièce était exactement comme dans les souvenirs de Luke : une vaste pièce rectangulaire avec du parquet et un grand tapis blanc au centre. Sur ce tapis, se trouvaient une table basse de salon et de grands fauteuils.

Un mur entier du bureau était recouvert d’une bibliothèque qui montait jusqu’au plafond. Cette bibliothèque lui faisait toujours penser au livre Gatsby le Magnifique.

Et puis, il y avait les fenêtres. De grandes baies vitrées qui offraient de magnifiques vues sur les terrains vallonnés de l’Observatoire naval. Les fenêtres étaient situées au Sud-ouest et laissaient entrer la lumière de l’après-midi. Une lumière un peu vaporeuse qui inspirerait bien des artistes.

Luke remarqua que les journées commençaient déjà à raccourcir. Bien qu’il ne soit pas encore 19h, c’était une lumière de début de soirée qui filtrait à travers les fenêtres. La journée se terminait déjà. Luke repensa brièvement à l’interaction qu’il avait eue avec Becca quand il était allé déposer Gunner chez elle. Mais il balaya très vite cette image de sa tête. C’était trop pour l’instant.

Il était assis en face de la Présidente. Kurt Kimball se trouvait à côté et Kat Lopez, juste derrière Susan, sur sa droite.

« Oui, » dit Susan. « Il n’y a plus d’Équipe d’intervention spéciale. La plupart de ses membres ont été réaffectés ailleurs au sein du FBI. À l’heure actuelle, il serait difficile de reconstituer ce que vous considérez comme votre équipe. »

« Susan, » dit Luke. « C’est vous qui me demandez à nouveau de reprendre du service, alors que j’ai pris ma retraite. Vous savez ce que j’ai fait ces deux derniers mois ? Je vais vous le dire. Du camping, de la pêche, des randonnées, de la voile. Un peu de chasse. Un peu de plongée. » Il frotta sa barbe. « Et j’ai beaucoup dormi. »

« Alors, vous êtes bien reposé, » dit Kurt Kimball.

Luke secoua la tête. « Je suis rouillé. J’ai besoin de mon équipe. Je leur fais confiance. Je ne peux pas vraiment fonctionner sans eux. »

« Luke, si vous étiez resté dans le coin au lieu de disparaître, on aurait peut-être pu vous conserver une équipe… »

« J’essayais de sauver mon mariage, » dit-il.

Susan le regarda droit dans les yeux. « Et comment ça s’est passé ? »

Il secoua légèrement la tête en disant : « Pas très bien, pour l’instant. »

« Je suis désolée de l’entendre. »

« Moi aussi. »

Susan jeta un coup d’œil derrière elle. « Kat, est-ce qu’on sait où se trouvent les anciens membres de l’équipe de Luke ? »

Kat Lopez regarda la tablette qu’elle tenait en main. « Bien sûr, c’est facile à savoir. Mark Swann a quitté le FBI pour un boulot au sein de la NSA. Il travaille à leur siège central, ici, dans la banlieue de Washington. Ça fait trois semaines et demie qu’il a commencé. Il évolue au sein de leur système de classification et il devrait commencer à travailler sur le projet d’extraction de données PRISM dans environ un mois.

« Edward Newsam est toujours au FBI. Il était en arrêt maladie en juin et en juillet. Sa hanche est maintenant totalement rétablie et il a été réaffecté à l’équipe de libération d’otages. Il est actuellement en formation à Quantico pour un possible travail de renseignement à l’étranger qui devrait commencer vers la fin de l’année. Dans son dossier, il est indiqué que son statut sera probablement classé Top Secret dans les prochaines semaines et qu’une autorisation spéciale sera nécessaire pour en savoir plus sur lui. »

Luke hocha la tête. Ce n’était pas une surprise. Swann et Newsam étaient parmi les meilleurs dans leur domaine. « Est-ce que vous pensez qu’on pourrait les emprunter quelques jours ? » demanda-t-il.

Kat Lopez hocha la tête. « Si on en fait la demande, je pense que les agences n’auront aucun problème pour nous les prêter. »

« Et Trudy ? » dit Luke. « J’ai aussi besoin d’elle. »

« Luke, Trudy Wellington est en prison, » dit Susan.

Luke fut totalement pris par surprise en entendant ces mots. Il fixa Susan des yeux, en essayant de comprendre ce qu’elle venait de dire.

« Quoi ? » parvint-il finalement à articuler.

Susan secoua la tête.

« Je n’arrive pas à croire que vous ne soyez pas au courant. Qu’est-ce que vous avez fait ces derniers mois, vivre dans une grotte ? Vous ne lisez pas les journaux ? »

Il haussa les épaules. « Je vous l’ai dit, je suis resté déconnecté et loin de tout. Ils ne vendent pas de journaux là où je me trouvais et j’ai laissé mon ordinateur à la maison. »

Kat Lopez se mit à lire ce qu’il y avait sur sa tablette. Le ton de sa voix était automatique, c’était presque la voix d’un robot.

« Trudy Wellington, trente ans, était la maîtresse de Don Morris pendant au moins un an, lors de la planification des attaques du 6 juin. Des emails, des messages, des enregistrements informatiques et des relevés téléphoniques suggèrent qu’à partir du mois de mars, elle avait connaissance du plan mis en place pour assassiner le Président et la Vice-Présidente des États-Unis, et qu’elle connaissait l’identité de certains des conspirateurs. Elle est accusée de trahison, de conspiration, de plus de trois cents chefs d’inculpation pour meurtre et de nombreuses autres accusations. Elle est emprisonnée sans possibilité de remise en liberté sous caution dans l’établissement pénitentiaire fédéral pour femmes de Randal, dans le Maryland. Si elle est reconnue coupable des charges qui pèsent contre elle, elle risque plusieurs condamnations de prison à vie et jusqu’à la peine de mort. »

Luke se passa la main dans les cheveux. Il avait l’impression d’avoir reçu un coup sur la tête. Il revit Trudy, avec ses comiques lunettes rouges, le regardant par-dessus le couvercle de son ordinateur portable. Il la revit la nuit où il s’était rendu chez elle à 3h du matin. Elle lui ouvrit la porte en ne portant rien d’autre qu’un long t-shirt tout fin et une arme en main. Il se revit avec elle cette nuit-là, et leurs corps enlacés.

Et elle était en prison ? Ce n’était pas possible.

« Trudy Wellington risque la peine de mort ? » dit-il.

« En un mot, oui. »

« Tout ça parce qu’elle n’a pas dénoncé Don ? »

Susan secoua la tête. « C’est une trahison, quelle que soit la manière dont on veut le voir. Beaucoup de personnes sont mortes, y compris Thomas Hayes, qui était Président des États-Unis, mais aussi un ami personnel. Wellington aurait pu éviter tout ça et elle a choisi de ne pas le faire. Elle n’a même pas essayé. À ce stade, le seul moyen pour elle de sauver sa peau, c’est de témoigner contre les conspirateurs. »

« J’ai du mal à croire qu’elle ait pu être au courant, » dit Luke. « Elle a avoué ? »

« Elle nie tout, » dit Kat Lopez.

« J’aurais tendance à la croire, » dit Luke.

Kat lui tendit sa tablette. « Il y a environ deux cents pages de pièces à conviction et on a accès à la majorité de ces preuves. Vous pouvez y jeter un coup d’œil. Peut-être que vous changerez d’avis après ça. »

Luke secoua la tête. Il regarda Susan. « Alors, ça nous laisse quoi, comme option ? »

Elle haussa les épaules. « Vous pouvez avoir Mark Swann et Ed Newsam pour quelques jours, si vous avez besoin d’eux. Mais vous n’aurez pas Trudy Wellington. »

Elle le regarda, avant d’ajouter : « Et votre hélico décolle dans quelques heures. »




CHAPITRE CINQ


16 Août

7h15

Barrage de Black Rock, Great Smoky Mountains, Caroline du Nord



En regardant par la fenêtre de l’hélico, Luke ne vit rien qui sorte de l’ordinaire en survolant le barrage. Ils arrivèrent par le lac de Black Rock, qui était une longue et pittoresque étendue d’eau, ondulant sous la brise et bordée de tous les côtés par une forêt dense et des collines escarpées. Une étroite route traversait le haut du barrage. De l’autre côté de cette route, le barrage tombait à pic sur une hauteur de deux cents mètres, jusqu’à la centrale et les écluses. Ces dernières avaient l’air de fonctionner normalement, laissant échapper un fin filet d’eau. Environ quatre cents mètres de transformateurs, un réseau de tours en acier et des fils à haute tension, partaient du barrage. Tout avait l’air intact.

« Il n’y a pas grand-chose à voir, » dit-il dans son casque.

Ed Newsam était assis à sa gauche et regardait par la fenêtre de l’autre côté. Il s’était rétabli de sa fracture à la hanche et il avait apparemment repris la musculation. Ses bras étaient plus impressionnants qu’avant, sa poitrine et ses épaules étaient plus larges, et ses jambes étaient devenus de solides troncs. Il portait un jean, des bottines et un simple t-shirt bleu.

Derrière eux, était assis Mark Swann. Il était grand et mince, et il avait étendu ses longues jambes jusque dans l’allée. Il portait un jean bleu et ses pieds croisés arrivaient juste devant ceux de Luke. Ses cheveux cendrés étaient plus longs qu’avant et il les attachait en queue. Il avait changé ses lunettes d’aviateur pour des lunettes rondes à la John Lennon. Il portait un t-shirt noir avec le logo du group punk The Ramones. Les bureaux de la NSA devaient être plutôt relax, apparemment.

« L’eau est sortie par les écluses comme elle est censée le faire, » dit le pilote de l’hélico. C’était un homme d’âge moyen, qui portait une veste noire en nylon avec les initiales FEMA dans le dos. « Le barrage et les installations n’ont subi aucun dégât et il n’y a aucune victime parmi le personnel. Seule la route d’accès a été balayée. Mais à cinq kilomètres d’ici, c’est là où les choses se corsent. »

Ils avaient pris un jet des services secrets depuis Washington jusqu’à un petit aéroport municipal qui se trouvait à l’entrée du Parc national. Ils étaient arrivés juste avant le lever du soleil et cet hélicoptère les attendait. Ils n’avaient pas beaucoup parlé pendant le trajet. Ils étaient d’humeur morose vu les circonstances. Et Trudy Wellington, en tant qu’officier des renseignements, aurait normalement fait la conversation en leur faisant un topo sur la situation durant le trajet. Susan avait proposé un autre officier des renseignements à Luke mais il avait refusé. Ils venaient de toute façon pour interroger un prisonnier. Ils allaient sûrement pouvoir lui soutirer tous les renseignements dont ils pourraient avoir besoin.

Luke savait qu’ils ressentaient tous l’absence de Trudy et qu’ils étaient tous un peu choqués par ce qui lui était arrivé. Il avait également l’impression que les deux hommes qui l’accompagnaient étaient maintenant passés à une autre étape dans leur vie. Ils avaient de nouvelles missions, une nouvelle formation, de nouveaux collègues, de nouveaux défis à relever. Beaucoup de choses pouvaient changer en deux mois.

L’Équipe d’intervention spéciale n’existait plus. Luke aurait pu faire en sorte qu’elle se maintienne sous une forme ou une autre – après la tentative de coup d’état et l’attaque à l’Ébola, il aurait pu monter sa propre équipe et continuer à travailler avec ses hommes – mais il avait choisi de ne pas le faire. Maintenant l’Équipe d’intervention spéciale, c’était de l’histoire ancienne, et Luke Stone aussi. Il avait pris sa retraite, c’est vrai. Mais il avait également totalement disparu des radars et il n’avait fait aucun effort pour essayer de garder le contact. La cohésion de l’équipe était très importante pour les opérations spéciales de renseignement. Et sans contact, il n’y avait pas de cohésion.

Ça voulait dire que pour l’instant, il n’y avait pas d’équipe.

L’hélico vira de bord et se dirigea vers le Sud. Ils purent tout de suite se rendre compte de l’ampleur des dégâts. Toute la région en aval du barrage était inondée. Il y avait de grands arbres arrachés un peu partout et éparpillés comme des allumettes. En quelques minutes, ils arrivèrent à l’endroit où se dressait l’hôtel Black Rock. Des parties de l’étage supérieur du bâtiment principal étaient toujours intactes et se dressaient au-dessus des flots. Des voitures étaient empilées contre l’hôtel en ruine, ainsi que des arbres dont certains avaient les branches qui sortaient de l’eau. On aurait dit des bras implorant le ciel pour un miracle.

L’accumulation de voitures, d’arbres et de débris avait créé un mini-barrage, derrière lequel un grand lac s’était formé. Une dizaine de Zodiacs s’y trouvaient, avec des équipes de plongeurs en combinaison qui se préparaient à plonger ou qui sortaient de l’eau, en fonction du bateau.

« Ils ont trouvé des survivants ? » demanda Luke.

Le pilote secoua la tête. « Pas un seul. En tout cas, c’était le cas ce matin. Mais ils ont retrouvé une centaine de corps dans la cafétéria. Ils les remontent un par un. Je ne pense pas qu’ils aient déjà commencé à fouiller chacune des chambres. Peut-être qu’ils attendront que le niveau d’eau baisse avant de le faire. Se déplacer dans des couloirs sous l’eau, c’est dangereux et ce n’est probablement pas nécessaire. Il n’y a aucun survivant là-dessous. »

Ed Newsam, qui était affalé comme à son habitude, se redressa sur son siège en entendant ces mots. « Comment est-ce que vous pouvez en être aussi sûr ? Il peut y avoir des poches d’air sous l’eau. Il pourrait y avoir des gens qui attendent d’être secourus. »

« Ces bateaux sont équipés d’appareils d’écoute sous-marine, » dit le pilote. « S’il y a des survivants sous l’eau, ils n’ont pas fait un seul bruit durant toute la journée d’hier et toute la nuit. »

« Il n’empêche que, si j’étais responsable des recherches, j’enverrais tout de suite mes meilleurs plongeurs fouiller chacune des chambres. Nous savons déjà que les gens de la cafétéria sont morts. Et les plongeurs, ils ont signé pour faire face à des situations dangereuses. Les civils, non. »

Le pilote haussa les épaules. « Eh bien, ils font aussi vite qu’ils peuvent. »

L’hélicoptère continua vers le Sud. L’inondation avait creusé une bande à travers la vallée, comme un chemin à travers la forêt. On aurait dit qu’un géant venait de traverser la région. Il y avait de l’eau partout. Le lit original de la rivière était invisible sous toute cette eau.

Ils survolèrent la ville de Sargent, qui se trouvait encore sous un mètre d’eau. La dévastation ici n’était pas aussi totale. Il y avait de nombreux terrains déserts où devaient probablement se dresser des maisons qui avaient été arrachées par les flots, mais certains édifices, bâtiments et panneaux de fast-food étaient encore visibles. L’hélico survola un bâtiment en parpaing, contre lequel étaient empilés un tas de voitures et de SUV. Sur une pancarte qui sortait à moitié de l’eau, ils purent lire l’inscription VOITURES D’OCCASION HONEST ABE.

« On pense qu’il y a combien de victimes ici ? » demanda Luke.

« Cinq cents, » dit le pilote. « Mais ça peut encore changer. Il y a plus d’une centaine de personnes portées disparues. Ils n’ont pas eu beaucoup de temps devant eux et c’était tôt le matin. Beaucoup de gens ont été balayés par les flots dans leur maison. Imaginez que vous dormez et que l’ancienne alarme datant de la Guerre froide se met à retentir, qu’est-ce que vous faites ? Apparemment, certaines personnes se sont réfugiées dans leur cave. Et c’est le pire endroit où se réfugier en cas d’inondation. »

« Personne ne s’attendait à ce que le barrage cède ? » demanda Swann. C’était la première chose qu’il disait depuis qu’ils avaient embarqué sur l’hélico.

Le pilote était occupé avec ses manettes. « Pourquoi ? Le barrage n’a pas cédé. Ce barrage a été construit pour durer des centaines d’années. »

« OK, » dit Luke. « J’en ai vu assez. Allons parler au prisonnier. »



*



8h30

Chattahoochee National Forest, Géorgie



Le camp apparut au milieu de la forêt, comme une sorte de mirage.

« Regardez-moi ça, » dit Ed Newsam.

Le campement était installé sur un terrain parfaitement découpé, de deux kilomètres sur deux kilomètres. C’était un carré parfait, brun et gris, en plein cœur d’une forêt dense de couleur vert foncé. Au moment où l’hélico s’approcha, Luke put apercevoir des dizaines de baraques, disposées en plusieurs rangées, et un grand réservoir d’eau au milieu du campement. Des dépendances entouraient le réservoir et une passerelle le traversait.

L’hélico commença à descendre en direction de l’héliport, qui se trouvait dans le coin le plus à l’Ouest du camp, à côté de quelques grands bâtiments administratifs, une piscine et quelques parkings. Luke pouvait maintenant voir plusieurs cours bétonnées, une route d’accès, les rues qui se trouvaient à l’intérieur du camp, et un mur surmonté de fil barbelé et des tours de guet le long du périmètre. L’endroit était comme une blessure ouverte au milieu de la forêt environnante.

« C’est quoi, cet endroit ? » demanda Luke, dans son casque.

Le pilote était occupé avec ses manœuvres d’approche mais pas trop occupé pour que ça l’empêche de parler. « Je l’ai déjà entendu appeler ‘campement de la Liberté’, » dit-il. « Mais les gens par ici ont tendance à l’appeler le camp de Nulle part. C’est l’un de nos campements – de la FEMA. Vous ne le trouverez sur aucune carte. Je ne pense pas qu’il ait un nom officiel. »

« Est-ce qu’il existe ? » demanda Luke.

L’hélico volait de plus en plus bas et les bâtiments gris du campement commencèrent à se dresser autour d’eux. Luke remarqua que les fenêtres étaient renforcées par des fils en acier.

Le pilote hocha la tête. « Quoi exactement ? Ici, on est en pleine contrée sauvage et inhabitée. Il n’y a rien d’autre ici, à ma connaissance. »

Un homme portant une veste jaune et tenant des tiges orangées se tenait sur le côté de l’héliport. Il donna des indications au pilote, qui posa l’hélicoptère exactement au milieu de la piste. Il arrêta le moteur et les rotors se mirent immédiatement à ralentir, dans un léger gémissement.

« Quand vous verrez ce Chinois, » dit le pilote, « donnez-lui quelques coups de ma part. »

« On n’est pas venu pour ça, » dit Luke.

Le pilote se retourna et sourit. « Bien sûr que si. Vous savez, c’est mon boulot de transporter des gens dans ce genre d’endroits. Je sais qui fait quoi… juste en les regardant, croyez-moi. Dès que je vous ai vus, j’ai tout de suite su qu’ils avaient décidé de monter la pression de quelques crans. »

Ils sortirent de l’hélicoptère, en baissant la tête. Un homme les attendait déjà sur l’héliport. Il portait un costume gris et une cravate bleue. Les hélices de l’hélicoptère tournaient encore et faisaient voler ses cheveux dans tous les sens. Le tissu de son costume en était tout chiffonné. Ses chaussures noires vernies brillaient. On aurait dit qu’il venait juste de descendre d’un train de navetteurs à Manhattan. Il avait vraiment l’air de ne pas être à sa place.

En s’approchant, Luke commença à discerner les traits de son visage. Il avait l’air intemporel – ni âgé, ni jeune, juste quelque part entre les deux. Il tendit une main que Luke serra.

« Agent Stone ? Je m’appelle Pete Winn. On m’a dit que c’était la Présidente qui vous envoyait. Merci d’être venu. »

« Merci à vous, Pete. Mais appelez-moi Luke. »

Luke, Ed et Swann suivirent Pete Winn. Ils s’éloignèrent de l’hélicoptère et se dirigèrent vers un abri en tôle ondulée qui se trouvait de l’autre côté de la piste. Même l’héliport était entouré de clôture en fil barbelé. La seule manière d’entrer ou de sortir de l’héliport, c’était à travers cet édifice. Les portes s’ouvrirent automatiquement quand les hommes s’en approchèrent.

« C’est quoi, cet endroit ? » demanda Luke.

« Ça ? » dit Winn. « Vous voulez dire, ce camp ? »

« Oui. »

« Bon, je vais vous faire un résumé rapide. En gros, il s’agit d’un camp de détention. Nous avons actuellement un peu plus de deux cent cinquante détenus, y compris plus de soixante-dix enfants. Pour la plupart, il s’agit d’étrangers illégaux venant du Mexique ou d’Amérique centrale, dont les vies courraient un danger aux mains des cartels de drogue et des gangs criminels, s’ils étaient renvoyés chez eux. On ne leur a pas accordé l’asile, alors ils restent ici avec leur famille jusqu’à ce que le service d’immigration ait décidé quoi en faire. Leur statut est officiellement indéterminé. Pendant ce temps, cet endroit est totalement invisible et les gangs n’ont aucune idée de l’endroit où ils se trouvent. »

Ils traversèrent rapidement le bâtiment en tôle. C’était l’endroit où pouvaient se reposer les contrôleurs aériens, les gens qui travaillaient à l’héliport et les pilotes. Il y avait quelques tables et quelques chaises, de l’équipement de surveillance radio et vidéo, un écran radar, une cafetière et un vieux carton de donuts rassis sur la table.

« Alors ils restent ici éternellement ? » demanda Swann.

« Éternellement, ça ferait quand même long, » dit Winn. « La famille qui a séjourné avec nous le plus longtemps est restée sept ans. »

Winn avait sûrement dû voir l’expression de surprise sur leurs visages.

« Ce n’est pas aussi mal que ça en a l’air. Je vous assure. Tous les enfants vont à l’école cinq jours par semaine. L’école se trouve ici, dans le camp. Il y a différentes activités proposées, y compris la projection de deux nouvelles productions tous les weekends, en anglais et en espagnol. Ils peuvent jouer au football et au basket, et les adultes peuvent prendre des cours de langue et suivre des formations professionnelles. »

« Ça a l’air génial, » dit Swann. « Ça vous dérange si je viens y passer mes prochaines vacances ? »

« Vous seriez étonnés, » dit Winn. « Les gens apprécient cet endroit. C’est bien mieux que rentrer chez eux et être assassinés. »

Une SUV noire les attendait devant l’abri en tôle. La voiture démarra et à un moment donné, ils passèrent une autre clôture surmontée de lames de rasoir. Une poignée d’hommes étaient assis sur des bancs de l’autre côté de la clôture. Quatre ou cinq d’entre eux étaient blancs, et les deux autres étaient noirs. Ils portaient tous des combinaisons jaune vif. Ils regardèrent la voiture passer, à travers la clôture.

« Ces types n’ont pas l’air d’être Mexicains, » dit Ed Newsam.

L’expression du visage de Pete Winn commença à changer. Il avait été accueillant, et même un peu nerveux, au moment de rencontrer Luke et son équipe. Mais maintenant, il commençait à prendre un air presque dédaigneux.

« Non, c’est vrai, » dit-il. « On a aussi des gens de chez nous. »

« Ils essayent aussi de se cacher des cartels ? » demanda Swann.

Winn regarda droit devant lui. « Messieurs, je suis certain qu’il y a certains aspects dans votre travail dont vous ne pouvez pas parler. C’est la même chose pour moi. »

Au bout de quelques minutes, ils se retrouvèrent de l’autre côté du camp. La voiture s’arrêta. Il n’y avait personne – aucun prisonnier, aucun travailleur. Une petite cabane se dressait toute seule sur un petit lot de terre.

Les hommes sortirent du véhicule. Le sol était en terre battue et compacte, complètement desséchée. Il n’y avait aucun signe de vie ni d’activité à proximité de cet endroit.

Pete Winn tendit un porte-clés à Luke. Une seule clé y était accrochée. Le visage de Winn était devenu dur. Son regard était froid, presque glacial. Son attitude avait complètement changé. Il n’avait plus rien à voir avec le fonctionnaire hésitant qui les avait accueillis à l’héliport.

« L’existence de cette cabane est classée top secret. Officiellement, elle n’existe pas, ni le prisonnier d’ailleurs. Votre visite non plus n’a jamais eu lieu. Le gouvernement chinois n’a fait aucune demande officielle, ni officieuse d’ailleurs, concernant un homme du nom de Li Quiangguo. D’après ce que j’ai compris, les Chinois agissent comme s’ils n’avaient rien à cacher, ni à se reprocher. Ils ont même offert de l’aide pour découvrir comment le système de contrôle du barrage avait été piraté. »

Il fit un geste de la tête en direction de la cabane.

« Les murs de la cabane sont insonorisés. La clé ouvre une armoire qui se trouve au fond de la pièce. Si vous avez besoin de certains ustensiles pour votre interrogatoire, il se pourrait que vous trouviez ce dont vous avez besoin dans cette armoire. »

Luke hocha la tête, mais resta silencieux. Il n’aimait pas du tout que tout le monde ait l’air de sous-entendre qu’il avait été envoyé ici pour torturer le prisonnier.

Est-ce qu’il avait déjà torturé des gens ? Ça dépendait de la définition qu’on en faisait, mais probablement que ça lui était déjà arrivé. Mais il n’était jamais arrivé que quelqu’un fasse appel à lui dans le but qu’il torture un suspect. Si c’est ce qu’ils pensaient, ils se trompaient – et probablement que ces gens étaient bien plus enclins que lui à la torture. Si ça lui était arrivé dans le passé, ça avait toujours été dans le feu de l’action et complètement improvisé. Et c’était toujours parce que cette personne détenait des informations cruciales dont Luke avait besoin tout de suite.

Pete Winn continua à parler de détails logistiques, mais sur un ton beaucoup plus décontracté.

« Si vous avez besoin de quoi que ce soit… à manger, à boire, ou si vous voulez retourner à l’héliport, il vous suffit de décrocher le téléphone qui se trouve dans la cabane et de composer le zéro. Nous vous enverrons ce dont vous avez besoin. Vous pouvez également passer la nuit au campement, si vous voulez. On peut vous fournir des ustensiles de toilette, du savon, du shampoing, des rasoirs – nous avons tout ce qu’il faut. Nous avons même des vêtements de rechange. »

« Merci, » dit Luke.

« Je vais vous laisser maintenant, » dit Winn. « Bonne chance. »

Quand il fut parti, Luke prit un moment pour parler à ses hommes. Le camp était entouré de montagnes, comme s’il avait été construit dans une cuvette.

« Swann, combien d’années est-ce que tu as passées en Chine ? »

« Six ans. »

« Dans quelle région ? »

« Un peu partout. J’ai surtout vécu à Pékin, mais j’ai passé beaucoup de temps à Shanghai et à Chongqing, et également un peu dans le Sud, à Guangzhou et à Hong Kong. »

« OK, je veux que tu observes attentivement ce type et que tu en retires le plus d’informations possibles. N’importe quoi, même des détails. L’endroit d’où il pourrait venir. Quel âge il pourrait avoir. Son niveau d’éducation. Son niveau de connaissances informatiques. Est-ce qu’il vient même de Chine ? Les hommes de Susan Hopkins m’ont dit qu’il parlait parfaitement l’anglais. Peut-être qu’il est né ici, aux États-Unis ? Ou au Canada, ou à Hong Kong ? Ou n’importe où, d’ailleurs… Il y a des Chinois partout. »

Swann hocha la tête. « Si ce type travaille pour le gouvernement chinois, je ne vais pas pouvoir découvrir quoi que ce soit. Il sera spécialement entraîné pour ce genre de situations et pour dissimuler ses origines. »

« Alors, fais des suppositions, » dit Luke. « Ce n’est pas un calcul de math. Il n’y a pas de bonnes ou de mauvaises réponses. Je veux juste avoir ton avis. »

Swann hocha la tête. « C’est compris. »

Luke se mit soudain à le scruter du regard. « Est-ce que tu as l’âme sensible ? »

Il ne s’était jamais inquiété du caractère de Swann auparavant, mais il se rendit soudain compte qu’il se pourrait que Swann ne réagisse pas bien face à certaines situations.

« L’âme sensible ? Dans quel sens ? »

« Il se pourrait qu’Ed et moi, on doive monter la pression d’un cran. »

« Eh bien, prévenez-moi et j’irai faire un tour dehors. »

« Si tu fais ça, n’oublie pas de faire un petit signe amical aux snipers, » dit Ed Newsam.

À environ trois cents mètres de là, se dressait une tour de guet de douze mètres de haut. Luke et Swann regardèrent dans cette direction. Un homme se tenait debout dans la tour, un fusil en main. De là où ils se trouvaient, on aurait dit qu’il avait le fusil pointé sur eux.

« Est-ce qu’il peut faire mouche de là où il se trouve ? » demanda Swann.

« Les yeux fermés, » dit Luke.

« Mais il ne fait juste que s’entraîner, » dit Ed. « Il essaye de se distraire un peu, pour ne pas trop s’ennuyer. »

Sur ces mots, ils entrèrent dans la cabane.



*



L’homme portait une combinaison jaune vif. Il était assis sur une chaise pliante en métal au milieu de la pièce, qui était vide. Il était assez imposant. Il avait de larges épaules, des jambes et des bras épais, et un ventre proéminent.

Il avait une capuche noire sur la tête. Ses poignets étaient attachés derrière son dos. Ses jambes étaient menottées ensemble au niveau des chevilles. Il était penché en avant, comme s’il dormait. Avec la capuche qu’il avait sur la tête, c’était impossible à dire.

Luke lui retira la capuche. L’homme sursauta de surprise et se redressa sur sa chaise. Ses cheveux noirs de jais étaient ébouriffés – ils se dressaient sur sa tête à certains endroits et étaient aplatis à d’autres. Une fois qu’il eut retiré la capuche, Luke vit qu’il portait également un masque sur les yeux – le genre de masque que les gens mettaient pour dormir lors de vols long courrier.

Il bâilla comme s’il venait de se réveiller d’une longue sieste.

« Li Quiangguo, » dit Luke. « Ni hui shuo yingyu ma ? »

En mandarin, ça voulait dire Est-ce que vous parlez anglais ?

L’homme leur sourit. « Appelez-moi Johnny, » dit-il. « S’il vous plaît. C’est le nom que j’utilise ici, en Occident. Et parlons plutôt anglais. Ce sera plus facile pour tout le monde, et surtout pour moi. »

L’anglais qu’il parlait était la version américaine, sans aucun doute possible. Mais il n’y décela aucun accent, aucune intonation régionale. Si Luke avait vraiment dû faire une supposition, il aurait peut-être dit qu’il venait du Midwest… mais franchement, il n’y avait rien qui indique vraiment qu’il venait d’une région en particulier. Il aurait tout aussi bien pu descendre directement d’un vaisseau spatial.

« Pourquoi est-ce que c’est plus facile pour toi ? » lui demanda Luke.

« C’est plus agréable à mes oreilles. Ça m’empêche de devoir écouter des gens comme vous charcuter la magnifique langue chinoise. »

Luke sourit. « Dis-moi, Li. Pourquoi ne t’es-tu pas tué quand tu en as eu l’occasion ? »

Li eut une expression exagérée de surprise, et même de dégoût. « Pourquoi est-ce que je ferais ça ? J’aime l’Amérique. Et on m’a plutôt bien traité jusqu’à présent. »

C’était une chose plutôt surprenante à dire, venant d’un homme qui avait été attaché toute la nuit à une chaise en métal, avec une capuche noire et un masque sur la tête, dans un centre de détention qui n’existait pas, et sans aucun moyen d’entrer en contact avec le monde extérieur. Il n’était pas techniquement en état d’arrestation et il n’avait pas pu voir d’avocat. Il avait été retiré de la circulation et même s’il n’avait pas été torturé, pour la plupart des gens, ça n’avait rien à voir avec la définition d’un traitement ‘correct’.

Li eut l’air de lire dans les pensées de Luke. « J’ai entendu des oiseaux chanter ce matin. C’est comme ça que j’ai su qu’une nouvelle journée commençait. »

Luke tendit la main et enleva le masque des yeux de l’homme. « Des oiseaux qui chantent au lever du soleil. C’est agréable. Je suis content de savoir que tu as apprécié ton séjour jusqu’à présent. Mais malheureusement, c’est sur le point de changer. »

« Ah. » L’homme cligna des yeux sous l’effet de la clarté. Il regarda autour de lui et vit Swann et Ed Newsam. Mais ses yeux s’arrêtèrent tout spécialement sur Ed.

Ed était appuyé contre un mur. Il avait l’air très détendu, mais en même temps, très menaçant. Son corps bougeait à peine. On sentait tellement d’énergie accumulée à l’intérieur qu’il était comme une tornade sur le point de frapper. Ses yeux ne quittaient pas les yeux du Chinois.

« Je vois, » dit Li.

Luke hocha la tête. « Oui. J’imagine. »

Le visage de Li se durcit. « Je suis un touriste. Il y a erreur sur la personne. »

« Si tu es un touriste, » dit Ed, « peut-être que tu pourrais nous donner le nom et les coordonnées de ta famille, pour qu’on puisse leur dire où tu es. Et leur dire que tu vas bien. »

Li secoua la tête. « Je veux parler à l’ambassade de Chine. »

« Nos supérieurs l’ont déjà fait pour toi, » dit Luke. Ce n’était pas vrai, enfin… pas qu’il sache. Il allait délibérément lui mentir mais il savait aussi que son histoire allait tenir la route.

« C’était une conversation officieuse, comme tu peux l’imaginer, vu la gravité de la situation, » dit-il. « Le gouvernement chinois dit que ton identité n’est pas réelle. Il n’y a aucun cursus scolaire, ni aucun parcours professionnel à ce nom. Aucun contexte familial et aucune ville d’origine. Ils ont reçu un scan de ton passeport et ils ont affirmé qu’il s’agissait d’un faux de très bonne qualité. »

Li regarda droit devant lui. Il resta silencieux.

Luke lui laissa un moment pour digérer l’information. Il avait déjà vu des suspects craquer au moment où ils se rendaient compte que leurs supérieurs les avaient lâchés. Mais craquer n’était pas vraiment le terme correct. Parfois, quand ils se retrouvaient sans pays, ils changeaient tout simplement de côté.

« Li, tu m’entends ? Ils ne vont pas te protéger. Tu ne vas pas t’en sortir. Tu n’as pas pris ta pilule quand tu devais le faire, et maintenant tu te retrouves ici. Il n’y a aucune porte de sortie. Pour ton pays, tu n’existes pas et tu n’as jamais existé. L’endroit où tu te trouves actuellement n’existe pas non plus. Tu pourrais finir dans un baril au fond de l’océan ou dans un ravin en pleine nature… Personne ne s’en souciera. Personne n’en saura même jamais rien. »

L’homme continua à rester silencieux. Il se contentait de regarder droit devant lui.

« Li, qu’est-ce que tu sais au sujet du barrage de Black Rock ? Et sur la manière dont s’ouvrent les écluses ? »

« Je ne sais rien. »

Luke attendit un instant, avant de continuer. « Eh bien, je vais te dire ce que je sais. Aux dernières nouvelles, plus de mille personnes sont mortes. Tu sais combien ça me met en colère ? Ça me donne envie de venger leur mort. J’ai envie de trouver un bouc émissaire et de le lui faire payer. Tu es le bouc émissaire idéal, non ? Un homme dont personne n’en a rien à foutre, dont personne se rappelle et qui ne manquera à personne. Et je vais te dire encore autre chose. Je sais que tu es entraîné pour résister aux interrogatoires. Et ça me rend encore plus heureux. Ça veut dire que je peux prendre mon temps. On peut rester ici pendant des jours, ou même pendant des semaines. Nos hommes travaillent sur le problème de ce barrage. Ils découvriront ce qui s’est passé. On n’a pas besoin des miettes d’informations que tu pourrais avoir. Je ne veux même pas savoir, pour être tout à fait franc. J’ai juste envie de te faire mal. Et plus tu restes là silencieux, plus j’ai envie de te frapper. »

Luke s’était agenouillé devant Li. Il n’était plus qu’à quelques centimètres de son visage et il le regardait droit dans les yeux. « On va apprendre à bien se connaître tous les deux, tu es d’accord, Li ? Je finirai par tout savoir à ton sujet. »

Luke regarda Swann, qui était debout dans un coin, près de la fenêtre à barreaux. Il n’avait pas dit un mot depuis qu’ils étaient entrés. Il regardait l’enceinte en béton et les collines luxuriantes des alentours. Swann était un analyste, un type qui gérait des données. Et il n’avait sûrement jamais pensé à la manière dont ces données étaient parfois obtenues. Les menaces de mort n’étaient que le début.

« Li, on te parle, » dit Ed.

Li parvint à sourire légèrement, mais sans y mettre une pointe d’humour. « S’il vous plaît, » dit-il. « Appelez-moi Johnny. »



* * *



Une heure s’écoula. Luke et Ed s’étaient relayés pour interroger Li, mais sans succès. Au contraire, Li commençait à être de plus en plus confiant. Il avait fini par croire que quelques baffes d’Ed seraient le pire qui pourrait lui arriver.

Luke regarda à nouveau Swann.

« OK, Swann, » dit-il. « Je pense que c’est un bon moment pour aller faire ta promenade. »

Quelques minutes plus tôt, Luke avait ouvert l’armoire avec la clé que Pete Winn lui avait donnée. L’armoire ressemblait plus à un débarras qu’à autre chose. À l’intérieur, il y avait une table pliante qui ressemblait un peu à une planche à repasser, mais en plus large, en plus bas et en beaucoup plus résistant. Elle mesurait deux mètres de long sur un mètre vingt de large.

Une fois dépliée, la table présentait une certaine inclinaison. À l’extrémité la plus haute, il y avait des menottes pour les chevilles. Au centre, il y avait des lanières en cuir pour attacher les poignets et pour entourer la taille. Et à l’autre extrémité, il y avait un anneau en métal pour maintenir la tête immobile.

C’était une plateforme pour infliger des tortures simulant la noyade.

Quand Ed et Luke sortirent la table, Li commença à être visiblement nerveux. Il sut tout de suite de quoi il s’agissait. Bien entendu… c’était un agent des renseignements, un agent sur le terrain et il devait avoir déjà vu cet ustensile au cours de sa formation. Qu’on soit Américain ou Chinois, c’était pareil. Luke avait une fois assisté à une démonstration de cette technique. Un agent de la CIA, qui avait rejoint l’agence après avoir fait partie des Navy SEAL et qui s’était retrouvé à de nombreuses reprises dans des pays en guerre, s’était porté volontaire pour faire le cobaye.

Luke n’a jamais su comment ils avaient pu le convaincre. Peut-être qu’il avait reçu un bonus. En tout cas, ça devait être un très gros bonus. Il avait eu l’air détendu avant la démonstration. Il rigolait et blaguait avec ses futurs tortionnaires. Une fois que la procédure a commencé, il a tout de suite changé. Il a tenu le coup vingt-quatre secondes avant d’utiliser le mot de passe pour mettre fin à la torture. Ils l’avaient chronométré.

« Vous savez sûrement que c’est contraire aux conventions de Genève, » dit Li, d’une voix légèrement tremblante. « Ça va à l’encontre… »

« La dernière fois que j’ai vérifié, on n’était pas à Genève, » dit Luke. « En fait, nous ne sommes nulle part. Comme je te l’ai dit, cette installation n’existe pas, ni aucun type du nom de Li Quiangguo. »

Luke prit les autres accessoires qu’il avait sortis de l’armoire. Il y avait deux grands arrosoirs, qui ressemblaient à ceux qu’utilisaient les femmes âgées pour arroser leur jardin. Il y avait également des cadenas pour les menottes et les lanières. Et pour terminer, il y avait quelques serviettes épaisses et un rouleau de cellophane. Si les serviettes ne fonctionnaient pas, ils pourraient toujours passer à la cellophane. Même si en général, la CIA ne prenait même pas la peine de passer par l’étape des serviettes.

« Eh bien, » dit Ed. « Je n’ai plus fait ça depuis l’Afghanistan. Ça fait au moins cinq ans. »

« Alors ça fait moins longtemps que moi, » dit Luke. « Je te laisse l’honneur de commencer. Comment ça s’est passé, la dernière fois ? »

Ed haussa les épaules. « C’était plutôt effrayant. Il y en a deux qui sont morts. Ça n’a rien à voir avec les autres méthodes d’interrogatoire. Tu peux électrocuter des gens toute la journée… Avec une intensité adéquate de courant, ça leur fait mal mais ça ne les tue pas. En revanche, avec ça, les gens y restent. Ils se noient. Ils finissent par avoir des lésions cérébrales ou un arrêt cardiaque. »

« Écoutez, » dit Li. Il tremblait maintenant de tout son corps. « Les interrogatoires accompagnés de sévices liés à la noyade vont à l’encontre de toutes les lois de la guerre. C’est reconnu comme une torture par toutes les organisations internationales. C’est une atteinte grave aux droits de l’homme. »

« Tiens, tout d’un coup, les lois et les règlements, ça t’intéresse, » dit Ed. « Moi, ce que j’en pense, c’est qu’un type qui a délibérément noyé des milliers de personnes a perdu tous ses droits. Je ne le traite plus comme un être humain. »

« Écoutez, » dit Swann. « Je ne suis pas à l’aise avec tout ça. »

Luke le regarda. « Swann, je t’ai dit d’aller faire un tour. Va te promener une vingtaine de minutes. Ça devrait être plus que suffisant. »

Le visage de Swann devint tout rouge. « Luke, tout ce que j’ai lu sur le sujet dit la même chose. Que tu n’obtiendras pas des renseignements fiables en utilisant ce genre de méthodes. Il dira n’importe quoi pour que ça s’arrête. »

Il n’était jamais arrivé à Luke que Swann mette en doute ses décisions. Et il se demandait si c’était le cas maintenant. Il se contenta néanmoins de secouer la tête.

« Swann, il ne faut pas croire tout ce que tu lis. Avec cette méthode, je suis déjà parvenu à obtenir des renseignements concrets et précis en quelques minutes. Et vu que monsieur Li est notre invité, c’est la manière la plus rapide de vérifier ses dires. Et de savoir s’il nous a menti. La seule raison pour laquelle cette méthode n’est pas recommandée, comme l’a si bien dit Li, c’est parce que ça s’apparente à de la torture. Mais ça fonctionne. Et dans le contexte approprié, ça fonctionne même très, très bien. »

Luke montra d’un geste la pièce où ils se trouvaient. « Et ça, ce sont les circonstances idéales. »

Swann le regarda droit dans les yeux. « Luke… »

Luke leva la main. « Swann. Sors, s’il te plait, » dit-il, en lui montrant la porte derrière lui.

Swann secoua la tête. Son visage était maintenant tout rouge. On aurait dit qu’il était sur le point de se mettre à trembler. « Pourquoi est-ce que tu m’as demandé de t’accompagner pour cette mission ? » dit-il. « Je ne travaille plus pour le FBI, et toi non plus. »

Luke faillit sourire. Il ne savait pas exactement ce que pensait Swann, mais ce qu’il lui disait était exactement ce dont il avait besoin. C’était le script idéal du bon flic, mauvais flic.

« J’ai besoin de tes compétences, » dit Luke. « Mais pas pour ça. Alors s’il te plaît, va faire un tour. Et tu remarqueras que je suis resté très poli jusqu’à présent. Mais je vais finir par perdre patience. »

« Je déposerai officiellement plainte, » dit Swann.

« Vas-y, je t’en prie. Tu sais pour qui je travaille. Ta plainte finira à la poubelle. Mais fais-toi plaisir, ne serait-ce que pour avoir la satisfaction d’avoir essayé. »

« J’ai bien l’intention de le faire, » dit Swann. Sur ces mots, il sortit de la pièce en refermant la porte derrière lui, mais sans la claquer.

Luke soupira. Il regarda Ed. « Ed, est-ce que tu pourrais remplir ces arrosoirs à l’évier de la cuisine ? On va en avoir besoin dans une minute. »

Ed lui sourit d’un air enchanté. « Avec plaisir. »

En prenant les arrosoirs, Ed regarda Li d’un air à moitié fou. C’était une expression qui donnait la chair de poule… même à Luke. On aurait dit qu’il était devenu taré, un sadique qui prenait du plaisir à torturer les gens. Luke ne savait pas d’où il tenait cette expression ou ce qu’elle signifiait. Et il n’avait pas vraiment envie de le savoir.

« Mon frère, » dit Ed à Li. « Ta journée est loin d’être terminée. »

Pendant qu’Ed se trouvait dans la petite cuisine de la cabane, Luke regarda attentivement Li. Il tremblait de tout son corps, comme s’il était traversé par un courant électrique. Il avait les yeux écarquillés et il avait l’air terrifié.

« Tu as déjà assisté à ce genre de séance, n’est-ce pas ? » dit Luke.

Li hocha la tête. « Oui. »

« Sur des prisonniers ? »

« Oui. »

« C’est horrible, » dit Luke. « Vraiment horrible. Personne ne tient le coup. »

« Je sais, » dit Li.

Luke regarda en direction de la cuisine. Ed prenait son temps. « Et Ed… il faut que tu saches qu’il prend vraiment du plaisir à faire ça. »

Li resta silencieux, mais son visage devint de plus en plus rouge. On aurait dit qu’il y avait une véritable explosion en lui et qu’il essayait de la contrôler. Il ferma les yeux et serra les dents. Son corps tout entier se mit à trembler.

« J’ai froid, » dit-il. « Vous ne pouvez pas me faire ça. »

Luke comprit soudain quelque chose.

« Ils t’ont fait passer par là, » dit-il. « Ton pays. » Ce n’était pas une question. Il en était sûr et certain. Li avait déjà été torturé auparavant et c’était certainement le gouvernement chinois qui l’avait fait.

La bouche de Li s’ouvrit comme s’il allait hurler. Mais aucun son ne sortit de sa bouche. On aurait dit un loup-garou qui hurle d’agonie au moment où son corps d’homme se transforme en loup. Mais aucun son ne sortait de sa bouche, à part un bruit étouffé au fond de sa gorge.

Tout son corps était raide et ses muscles étaient tendus, comme si le courant électrique qui le traversait avait augmenté d’intensité.

« Tu étais un traître, » dit Luke. « Un ennemi de l’état. Mais tu as été réhabilité en prison. Et la torture faisait partie du processus. Ils t’ont transformé en agent, mais pas en quelqu’un d’important. Tu es devenu l’un de ces agents remplaçables. C’est pour ça que tu étais sur le terrain et que tu avais des pilules de cyanure. Si tu te faisais avoir, tu étais supposé mettre fin à tes jours. Et c’était d’ailleurs impossible que tu ne te fasses pas attraper, n’est-ce pas ? Mais tu n’as pas eu le courage de te tuer et maintenant, nous sommes le seul espoir qui te reste. »

« S’il vous plaît ! » hurla Li. « S’il vous plaît, ne me torturez pas ! »

Son corps se mit à trembler de manière incontrôlable. Et une odeur commença à émaner de lui, l’odeur épaisse et humide d’excréments.

« Oh mon dieu, » dit-il. « Oh mon dieu. Aidez-moi. Aidez-moi. »

« Qu’est-ce qui se passe ici ? » dit Ed, en revenant avec les arrosoirs. Il fit la grimace en sentant l’odeur. « Oh, merde. »

Luke fronça les sourcils. Il ressentit presque de la pitié pour cet homme. Puis il repensa à tous ces morts et à toutes ces personnes qui avaient perdu leur maison. Il n’y avait rien, aucune expérience négative, qui pouvait justifier ça.

« Oui, Li n’a pas pu se retenir, » dit-il. « Il est traumatisé. Apparemment, ce n’est pas la première fois qu’on le torture en le noyant. »

Ed hocha la tête. « Tant mieux. Comme ça, tu sais déjà ce qui t’attend. » Il baissa les yeux vers Li. « Mais on ne va pas s’arrêter là, tu sais ? On n’en a rien à foutre de l’odeur, alors si c’était le but, c’est raté. » Ed regarda Luke. « J’ai déjà vu faire ça, ils se chient dessus en pensant que l’odeur sera tellement insoutenable qu’on s’arrêtera là. Ou peut-être qu’on aura pitié d’eux. Peu importe. » Il secoua la tête. « Ça pue mais ça ne marchera pas. On ne serait pas là si on était du genre sensible, Li. J’ai déjà senti l’odeur de tripes. Alors crois-moi, c’est pire que tout ce qui peut te sortir de l’intestin. »

« S’il vous plaît, » dit à nouveau Li. Il parlait à voix basse, presque en murmurant. Son corps tremblait. Il baissa la tête et regarda le sol. « S’il vous plaît, ne me torturez pas. Je ne le supporterais pas. »

« Donne-moi quelque chose, » dit Luke. « Donne-moi une info et on verra. Regarde-moi, Li. »

Li baissa encore plus la tête. Il la secoua. « Je ne peux pas vous regarder. » Il grimaça, sous l’effet de l’humiliation. Puis il se mit à pleurer.

« Aidez-moi. S’il vous plaît, aidez-moi. »

« Tu ferais mieux de nous dire quelque chose, » dit Luke. « Ou on va se mettre au travail. »

Luke recula de trois mètres et le regarda. Li était affaissé sur sa chaise, la tête penchée en avant, les bras attachés derrière le dos, le corps tremblant. On aurait dit que chaque partie de son corps réagissait de manière indépendante. Il n’y avait aucune coordination. Luke remarqua que l’entrejambe de Li était humide. Il s’était également pissé dessus.

Luke prit une profonde inspiration. Ils allaient devoir demander à quelqu’un de venir le nettoyer.

« Li ? » dit-il.

Li regardait toujours le sol. Il se mit à parler, mais sa voix semblait venir d’outre-tombe. « Il y a un entrepôt. Un petit entrepôt, avec un bureau. Un importateur d’objets chinois. Dans le bureau, tout est expliqué. »

« C’est le bureau de qui ? » demanda Luke.

« Le mien. »

« C’est une façade ? » demanda Ed.

Li essaya de hausser les épaules, mais son corps ne cessait de trembler. « Plus ou moins. Il fallait tout de même que ce soit opérationnel, sinon ça ne pouvait pas servir de couverture. »

« Où se trouve ce bureau ? »

Li murmura quelque chose.

« Quoi ? » demanda Luke. « Je ne t’ai pas entendu. Si tu me fais perdre mon temps, on va passer à la manière dure. Tu crois qu’Ed n’a plus envie de jouer avec toi ? Alors réfléchis bien. »

« Il se trouve à Atlanta, » dit Li, sur un ton qui trahissait le soulagement. « L’entrepôt est à Atlanta. C’est là que j’étais basé. »

Luke sourit.

« OK, donne-nous l’adresse. On reviendra dans quelques heures. » Il posa sa main sur l’épaule de Li. « Et que dieu te vienne en aide s’il s’avère que tu nous as menti. »



*



« C’était du bon boulot, Swann, » dit Luke. « Même si j’avais écrit le script moi-même, je n’aurais pas pu faire mieux. »

« Je ne vous ai jamais dit que je jouais au théâtre à l’école ? »

« Eh bien, tu as raté ta vocation, » dit Luke. « Tu aurais pu travailler à Hollywood, avec ce dont tu es capable. »

Ils traversèrent le trottoir en direction du SUV noir qui les attendait. Deux hommes en combinaison FEMA venaient juste d’en sortir et se dirigeaient vers la cabane. Luke regarda autour de lui. Il n’y avait que des clôtures et des fils barbelés. Derrière la tour de guet la plus proche, une colline escarpée se dressait vers les montagnes de Géorgie.

Swann sourit. « J’ai essayé d’y mettre une touche crédible d’indignation. »

« En tout cas, je t’ai cru, » dit Ed.

« Mais au fond, je n’ai pas vraiment eu besoin de jouer la comédie. Je ne suis pas du tout un fan de la torture. »

« Nous non plus, » dit Ed. « En tout cas, pas tout le temps. »

« Est-ce que vous avez fini par le faire ? » demanda Swann.

Luke sourit. « Qu’est-ce que tu penses ? »

Swann secoua la tête. « J’étais parti depuis seulement dix minutes quand vous êtes sortis de la cabane, alors je pense que vous ne l’avez pas fait. »

Ed lui donna une tape dans le dos. « Vas-y, continue à te poser la question, l’analyste. »

« Alors, vous l’avez fait ou pas ? » demanda Swann.

Quelques minutes plus tard, ils se retrouvaient dans l’hélico qui s’élevait au-dessus de la forêt dense, en direction d’Atlanta.




CHAPITRE SIX


10h05

Observatoire Naval des États-Unis – Washington DC



« Monsieur le député, merci d’être venu. »

Susan tendit la main pour serrer celle de l’homme de grande taille en costume bleu foncé qui se trouvait devant elle. C’était le représentant de l’Ohio, Michael Parowski. Il avait des cheveux blancs précoces et de petits yeux plissés bleu pâle. Il avait cinquante-cinq ans et c’était un homme beau et solide, dans le sens un peu sauvage du terme. Né et élevé dans une famille d’ouvriers, il avait de grandes mains solides et les larges épaules d’un homme qui avait commencé sa carrière en tant que ferronnier.

Susan connaissait son histoire. C’était un célibataire endurci. Il avait grandi à Akron et il était le fils d’immigrés polonais. Quand il était adolescent, il était boxeur amateur. Les cités industrielles du Nord, Youngstown, Akron et Cleveland, étaient son bastion. Le soutien qu’il avait là-bas était inébranlable. C’était presque devenu une légende, un mythe. Il en était à son neuvième mandat au sein du congrès et ses réélections avaient chaque fois été une formalité.

Est-ce que Michael Parowski allait être réélu dans le Nord de l’Ohio ? Est-ce que le soleil se lèverait demain ? Est-ce que la Terre continuerait à tourner sur son axe ? Si je laissais tomber un œuf, est-ce qu’il allait s’écraser sur le sol de la cuisine ? Michael Parowski était devenu aussi incontournable que les lois de la physique.

Susan l’avait vu sur des vidéos faisant des bains de foule lors de manifestations syndicales, de fêtes ou au cours de festivals ethniques (où il ne discriminait personne – Polonais, Grecs, Portoricains, Italiens, Afro-américains, Irlandais, Mexicains, Vietnamiens – si vous aviez une origine ethnique, Michael Parowski était votre homme). Il serrait les mains de tout le monde, donnait de grandes tapes dans le dos, saluait des deux mains et serrait les gens dans ses bras. On le voyait souvent murmurer quelque chose à l’oreille des dames, c’était typique de lui.

En plein milieu de la foule et du chaos, avec des dizaines ou même des centaines de personnes se pressant contre lui, il prenait immanquablement une vieille dame à part et lui murmurait quelque chose à l’oreille. Il arrivait parfois que les femmes rient, rougissent ou qu’elles agitent leur doigt d’un air réprobateur. La foule adorait ces moments et aucune des femmes n’a jamais répété ce qu’il lui avait dit. C’était une vraie mise en scène politique de haut niveau. Le genre de mise en scène que Susan adorait.

Ici, à Washington, c’était un syndicaliste convaincu. Au Capitole, il était l’un des plus grands défenseurs de la condition ouvrière. Il était plus hésitant sur certains autres sujets qui tenaient à cœur à Susan, comme le droit des femmes et des homosexuels, ou la protection de l’environnement. Mais pas au point qu’ils ne puissent pas s’entendre. En fait, dans un sens, ses points forts venaient compléter ceux de Susan. Elle pouvait parler de manière passionnée au sujet de la pureté de l’air ou de la santé des femmes, et il pouvait l’égaler en passion quand il parlait de la détresse du travailleur américain.

Mais même ainsi, Susan n’était pas sûre qu’il soit la personne idéale, bien que les aînés du parti lui aient assuré le contraire. Ils voulaient vraiment que ce soit lui. Pour dire vrai, ils avaient pratiquement pris la décision pour elle. Et ce qu’ils voulaient de lui, en plus de sa popularité, c’était sa ténacité. Il était l’image même de la solidité. Il ne buvait pas, il ne fumait pas et on avait l’impression qu’il ne dormait pas beaucoup. Il passait sa vie en avion et faisait continuellement des aller-retours entre Washington et son district. On pouvait le voir à des réunions de comité ou à des votes au Capitole à des heures tardives, et six heures plus tard, le retrouver dans un cimetière de Youngstown, frais et dispos, les larmes aux yeux, entourant de ses bras la mère d’un mécanicien qui venait de mourir tragiquement.

Bien que ses ennemis affirment qu’il soit resté ami avec certains truands, avec lesquels il avait grandi dans son quartier… eh bien, ça ne faisait qu’en ajouter à son image. C’était un homme doux mais dur, loyal mais pas quelqu’un à qui il fallait chercher des noises.

Il lui décocha un large sourire. « Madame la Présidente, que me vaut l’honneur ? »

« S’il te plaît, Michael. Continue à m’appeler Susan. »

« OK, Susan. »

Elle le mena jusqu’à son cabinet privé. Déjà en tant que Vice-Présidente, elle avait très vite cessé d’organiser les réunions importantes dans son bureau. Elle préférait l’ambiance informelle de son cabinet privé. Quand ils entrèrent, Kat Lopez les y attendait.

« Est-ce que vous connaissez ma chef de cabinet, Kat Lopez ? »

« Je n’ai pas encore eu ce plaisir. »

Ils se serrèrent la main. Kat lui sourit, ce qui était assez rare chez elle. « Monsieur le député, je suis l’une de vos plus grandes fans depuis le collège. »

« Ça ne doit pas remonter à très longtemps, alors. »

Kat eut alors une réaction plutôt inattendue chez elle. Elle se mit à rougir. Ce fut très bref et elle se reprit immédiatement, mais il était clair que cet homme faisait de l’effet aux gens.

Susan fit un geste à Parowski, en disant : « Viens, asseyons-nous. »

Parowski s’assit dans l’un des confortables fauteuils. Susan s’assit en face de lui et Kat resta debout derrière elle.

« Mike, on se connait depuis longtemps. Alors je ne vais pas tourner autour du pot. Comme tu le sais, je suis devenue Présidente du jour au lendemain, quand Thomas Hayes est mort. Ça m’a pris un peu de temps pour m’y faire. Et j’ai préféré attendre avant de choisir un Vice-Président. »

« J’ai entendu quelques rumeurs sur les événements d’hier, » dit Parowski.

Susan hocha la tête. « C’est vrai. Nous pensons qu’il s’agit d’une attaque terroriste. Mais nous la surmonterons, comme nous avons surmonté les autres, et nous continuerons à aller de l’avant. Et l’une des manières dont nous allons y parvenir, c’est avec un solide Vice-Président. »

Parowski la regarda dans les yeux.

Susan hocha la tête. « Toi. »

Il leva les yeux vers Kat Lopez, puis regarda à nouveau Susan. Il sourit, avant de se mettre à rire.

« Je pensais que tu allais me demander de récolter quelques votes pour toi au Capitole. »

« Oui, bien sûr, » dit-elle. « Je vais te demander de le faire. Mais en tant que Vice-Président et Président du Sénat, pas en tant que représentant de l’Ohio. »

Elle leva les mains au ciel. « Je sais… tu as sûrement l’impression que je te jette ça au visage sans prévenir, et c’est un peu le cas. Mais ça fait déjà quelque temps que je tâte le terrain et j’ai eu plusieurs réunions à ce sujet au cours des six dernières semaines. Et c’est à chaque fois ton nom qui revient. Tu jouis d’une énorme popularité dans ton district et tu attires une vaste majorité à travers tout le Nord des États-Unis, et même dans les districts des classes ouvrières du Sud. Et tu es aussi un candidat infatigable, qui pourra m’accompagner sur les routes quand le moment de faire campagne sera venu. »

« J’accepte, » dit-il.

« Prends ton temps, » dit Susan. « Je ne veux pas te presser. »

Un large sourire se dessina sur ses lèvres. C’était maintenant lui qui levait les mains au ciel. « Qu’est-ce que je peux dire ? C’est un rêve devenu réalité. J’adore ta manière de diriger. Tu as réussi à maintenir ce pays uni à un moment où il aurait pu s’effondrer. Tu as été beaucoup plus forte que les gens pensaient. »

« Merci, » dit Susan. Mais s’il l’avait vu pleurer toute seule dans cette même pièce, quand elle avait cru que quatre-vingt-dix mille personnes allaient mourir de l’Ébola, peut-être qu’il ne penserait plus la même chose.

Ou peut-être que si… justement.

Il pointa le doigt vers elle et continua à parler : « Et j’ajouterai encore autre chose. J’ai toujours su ça à ton sujet. J’ai toujours su lire à travers les gens et voir de quoi ils étaient capables. Et j’ai tout de suite vu ton potentiel, il y a des années, quand tu es arrivée pour la première fois à Washington. Demande à n’importe qui. Le 6 juin, j’ai dit à tout le monde de ne pas se préoccuper, qu’on était entre de bonnes mains. J’ai dit ça à tous les députés encore vivants du Capitole, aux journalistes et à au moins dix mille personnes de mon district. »

Susan hocha la tête. « Je sais. » Et c’était vrai. Ce détail avait été mentionné à plusieurs reprises au cours des réunions. Michael Parowski vous soutient à cent pourcents.

« Mais il faut aussi que tu saches quelque chose à mon sujet, » dit-il. « Je prends de la place. Non seulement physiquement, mais j’ai aussi une forte personnalité. Si tu cherches quelqu’un qui reste en retrait et se fonde dans le paysage, alors je ne suis pas ton homme. »

« Michael, on t’a examiné sous toutes les coutures. On sait tout de toi. On ne veut pas que tu restes en retrait. On veut que tu sois sur le devant de la scène et que tu sois toi-même. Nous avons besoin de ta force. Nous sommes occupés à reconstruire un gouvernement et nous voulons que la population ait de nouveau confiance en l’Amérique. C’est du gros boulot et c’est pour ça qu’on t’a choisi. »

Il la regarda avant de lui dire : « Tu sais vraiment tout de moi, hein ? »

Elle sourit. « Eh bien, presque tout. Il reste encore un mystère que j’aimerais élucider. »

« OK, » dit-il. « C’est quoi ? »

« Quand tu prends ces dames âgées à part, qu’est-ce que tu leur murmures à l’oreille ? »

Il rit. Une expression amusée lui envahit le visage. Pendant quelques secondes, il donna l’impression de rajeunir. Il eut presque l’air innocent, comme l’enfant espiègle qu’il avait dû être à une époque.

« Je leur dis combien elles sont jolies aujourd’hui, » dit-il. « Puis je leur demande de ne le dire à personne, que c’est notre petit secret. Et je pense vraiment chaque mot que je leur dis. »

Il secoua la tête d’un air émerveillé – en pensant aux gens, à la politique et à l’importance de ce que faisaient des gens comme lui et Susan chaque jour de leur vie.

« Ça marche à chaque fois, » dit-il.




CHAPITRE SEPT


11h45

Atlanta, Géorgie



« Est-ce que monsieur Li va bien ? Ça fait un bout de temps que je ne l’ai pas vu. »

L’homme était petit et mince, avec un dos étroit et voûté. Il portait un uniforme gris avec le nom de Sal cousu sur la poitrine. Il gardait à tout moment une cigarette allumée aux lèvres. Il la gardait même en bouche quand il parlait. Il ne ressentait apparemment pas le besoin de la jeter avant qu’elle soit finie. Et quand ça arrivait, il en rallumait une autre. Dans une main, il portait une grosse paire de pinces coupantes.

« Oh, il va bien, » dit Luke.

Ils traversèrent un long et large couloir, éclairé par des néons crépitants. Un petit rat surgit juste devant eux, avant de se précipiter au coin du mur. Sal n’eut apparemment pas l’air étonné par la présence du rat, alors Luke évita de faire un commentaire. Il regarda Ed, qui sourit et resta silencieux. Derrière eux, ils entendirent Swann tousser.

Le bureau de Li se trouvait dans un ancien entrepôt qui avait été subdivisé en de nombreux espaces plus petits au fil des ans. Des dizaines de petites entreprises y louaient un espace. Il y avait un quai de chargement au bout du couloir, qui était assez large pour accueillir des chariots permettant l’entrée et la sortie des marchandises.

Sal était une sorte de gérant ou de concierge de l’endroit. Il avait tout d’abord hésité à coopérer. Mais quand Ed et Swan lui avaient montré leur badge, il avait changé d’avis. Luke n’avait pas sorti le sien. C’était encore celui de l’Équipe d’intervention spéciale et cette équipe n’existait plus.

« Quel genre de problèmes est-ce qu’il peut bien avoir ? » demanda Sal.

Luke haussa les épaules. « Rien de trop grave. Quelques problèmes de taxes et de contrefaçons. Le genre de choses auxquelles il faut s’attendre venant d’un type qui importe des trucs de Chine. Vous devez voir ça tout le temps, non ? J’étais à Chongking il y a quelques années. Quand tu vas dans les entrepôts qui se trouvent sur les quais, tu peux acheter de nouveaux iPhones pour cinquante dollars et des montres Breitling pour cent cinquante. Ce ne sont pas des vrais, bien entendu. Mais en les regardant, c’est difficile de voir la différence. »

Sal hocha la tête. « Vous n’imaginez pas les trucs que je vois entrer et sortir d’ici. » Il s’arrêta devant une porte en acier ondulé, le genre qui s’ouvre en s’enroulant vers le haut. « Enfin… Li avait l’air très gentil. Il ne parle pas beaucoup anglais mais il arrive à se débrouiller avec le peu qu’il connait. Et il est très poli. Toujours à saluer et à sourire. Mais je ne suis pas sûr qu’il fasse beaucoup d’affaires. »

La porte en métal était fermée par une attache et un gros cadenas. Sal souleva les pinces coupantes et en un geste, il sectionna le cadenas.

« Ça y est, vous y êtes, » dit-il. « J’espère que vous trouverez ce que vous cherchez. »

Il avait déjà recommencé à traverser le couloir, en direction de son bureau.

« Merci pour votre aide, » lui cria Ed de loin.

Sal leva la main, sans prendre la peine de se retourner. « De rien. »

Ed se pencha et ouvrit la porte qui s’enroula vers le haut. Ils observèrent attentivement l’espace avant d’entrer. Ed passa sa main à l’intérieur et la bougea lentement de gauche à droite et de haut en bas, pour vérifier si l’entrée était piégée.

Mais l’entrepôt de Li n’était pas protégé par des pièges. Et il avait l’air d’avoir été laissé à l’abandon depuis un petit temps. Quand Luke alluma l’interrupteur, la moitié des lampes du plafond ne s’allumèrent pas. Des palettes de jouets bon marché emballés dans du plastique, étaient alignées les unes à côté des autres dans l’obscurité et recouvertes de bâches vertes. Des cartons de produits de nettoyage génériques, le genre qui se retrouvaient dans les magasins bon marché et les bazars, étaient empilés dans un coin, jusqu’au plafond. Tout était recouvert d’une fine couche de poussière. Il était clair que toutes ces choses étaient là depuis un bon bout de temps.

Apparemment, Li avait importé toute une cargaison d’objets divers pour garder les apparences, mais il n’avait jamais pris la peine d’en faire quoi que ce soit.

« Le bureau est par là, » dit Swann.

Dans le fond, se trouvait la porte qui permettait d’accéder au bureau. La porte était en bois, avec une vitre en verre dépoli sur le haut. Luke essaya d’ouvrir la porte mais elle était verrouillée. Il regarda Ed et Swann.

« Vous avez un truc sur vous pour crocheter les serrures ? Sinon, il va falloir qu’on retourne voir Sal et qu’on le persuade de nous ouvrir. »

Ed haussa les épaules et sortit ses clés de la poche de son jean. Il y avait une petite torche noire accrochée à l’anneau. Ed la tint en main comme une petite matraque et frappa la vitre. Le verre se brisa instantanément. Il passa le bras par l’ouverture et ouvrit la porte depuis l’intérieur. Il montra ensuite la torche à Luke.

« C’est comme un kit de crochetage de serrures, mais en plus rapide. »

Ils entrèrent. Le bureau était sombre, mais bien rangé. Il n’y avait pas de fenêtre. Il y avait une armoire de classement à trois tiroirs, qui était presque entièrement vide. Les tiroirs du bas ne contenaient que quelques reçus d’expédition. Dans celui du haut, ils trouvèrent quelques barres énergétiques, des petits sachets de bretzels et de chips, ainsi que des bouteilles d’eau minérale.

Il y avait une longue table en bois qui servait de bureau, avec un vieil ordinateur posé dessus. Sur l’un des côtés du bureau, il y avait de profonds tiroirs qui servaient à ranger des dossiers. Mais les tiroirs étaient fermés à clé.

« Ed ? » dit Luke.

Ed s’approcha, prit la poignée du premier tiroir en main, et tira violemment dessus pour l’ouvrir – à l’œil nu, on aurait pu croire qu’il s’agissait d’un simple tour de passe-passe mais Luke savait très bien à quoi s’en tenir. Ed ouvrit chacun des tiroirs en utilisant la même technique.

« Comme un kit de crochetage, » dit-il.

Luke hocha la tête. « Oui, mais en plus rapide. »

Il n’y avait pas grand-chose dans les tiroirs. Des crayons, des stylos, du matériel de bureau. Un paquet de chewing-gum. Une vieille calculatrice Texas Instruments. Au fond de l’un des tiroirs, ils trouvèrent trois CD-ROM dans des boîtiers sales en plastique. Sur les boîtiers, étaient indiquées les lettres A, B et C, écrites au marqueur sur un morceau de ruban adhésif. Le boîtier avec la lettre B était fendu.

Swann s’assit devant l’ordinateur et l’alluma. « C’est du vieux matos, » dit-il. « Ce truc a probablement plus de vingt ans. Je parie qu’il n’est même pas connecté à internet. Regardez ça… Ça date d’avant la connexion par câble, et bien avant le wifi. Il n’y a rien pour brancher un câble Cat 5. Si vous voulez connecter ce machin à internet, il faut retourner à l’époque de la numérotation à distance. »

Aux yeux de Luke, tout ça n’avait aucun sens.

« Pourquoi est-ce qu’un type de son envergure, venant d’un pays réputé pour ses piratages informatiques, aurait un ordinateur qui ne serait même pas connecté à internet et qui ne pourrait de toute façon pas l’être, même s’il le voulait ? »

Swann haussa les épaules. « J’ai bien quelques hypothèses en tête. »

« Tu veux nous en faire part ? »

« La première hypothèse, c’est qu’il ne soit pas Chinois. Qu’il ne fait partie d’aucun plan sophistiqué de sabotage. Le piratage qui a permis de contrôler le barrage n’était pas particulièrement compliqué. Il travaille peut-être pour un groupe sans aucun soutien gouvernemental. »

« S’il n’est pas Chinois, alors d’où vient-il ? » dit Luke.

Swann haussa les épaules. « Il pourrait tout aussi bien être Américain. Ou Canadien… Il a des pommettes saillantes et un faciès assez plat, alors il pourrait être Thaïlandais. Mais il a aussi une corpulence imposante, alors il pourrait venir du Nord de la Chine. Ou ça pourrait être un Américain, avec des ancêtres asiatiques. Quand j’étais avec vous dans cette cabane, je n’ai rien vu qui puisse indiquer une nationalité en particulier. Mais je ne le considérerais pas forcément Chinois, juste parce qu’il a un passeport issu par ce pays. »

« OK… Et quelles sont tes autres hypothèses ? » demanda Luke.

« Mon autre hypothèse, c’est qu’ils aient intentionnellement évité toute technologie afin qu’on ne puisse pas facilement découvrir leurs intentions. Il est impossible de pirater quelque chose qui ne se trouve pas en ligne. Si Li n’est pas connecté à internet, personne ne peut lire ses dossiers. La seule manière d’y accéder, c’est en venant ici, dans cet entrepôt perdu au milieu de nulle part, dans un quartier industriel pourri en périphérie d’Atlanta. Et la seule manière de découvrir l’existence de cet entrepôt, c’est de torturer Li ou, comme dans ton cas, de le menacer de le faire. Et c’est quelque chose qui n’aurait jamais dû arriver, vu que Li était supposé se donner la mort avant d’être arrêté. Ceux qui étaient supposés récupérer cet ordinateur, c’étaient les supérieurs de Li ou éventuellement Sal, si l’argent de la location n’était plus versé. Et Sal aurait sûrement jeté ce vieux machin à la poubelle, ou il l’aurait vendu pour dix dollars. »

L’écran de l’ordinateur apparut, avec une fenêtre demandant le mot de passe.

Swann fit un geste de la tête en direction de l’écran. « Et ça… ça aurait été suffisant pour que Sal ne cherche pas à en savoir plus. »

« Tu vas pouvoir passer outre ? » demanda Ed.

Swann sourit. « Tu rigoles ? Les cryptages des années quatre-vingt-dix, c’est un vrai jeu d’enfants. J’arrivais déjà à les contourner à l’âge de treize ans. »

Il tapa une commande et un vieil écran noir MS-DOS apparut dans le coin supérieur gauche. Il tapa plusieurs autres commandes et il hésita un instant avant de continuer. L’écran Windows apparut à nouveau, sans plus demander de mot de passe.

Une fois qu’il eut accès à l’écran du bureau, Swann cliqua à plusieurs endroits. Ça ne lui prit pas très longtemps. « Il n’y a aucun fichier, » dit-il. « Aucun document Word, ni Excel, aucune photo, rien. »

Il regarda Luke par-dessus son épaule.

« Cet ordinateur a été nettoyé. Le disque dur est toujours là et il fonctionne mais il n’y a plus rien dessus. Je pense que notre ami monsieur Li nous a joué un mauvais tour. »

« Est-ce que tu peux récupérer les fichiers qui ont été supprimés ? » demanda Luke.

Swann haussa les épaules. « Peut-être, mais je ne pourrai pas le faire d’ici. Et peut-être qu’il n’y avait aucun fichier, de toute façon. Il faudra retirer le disque dur et le ramener à la NSA pour en être sûr. »

Luke se sentit légèrement démoralisé. Normalement, il avait plutôt confiance en sa capacité à lire à travers les gens. Mais peut-être que Swann avait raison. Peut-être que Li leur avait joué un mauvais tour. Il avait vraiment eu l’air terrorisé, mais peut-être qu’il avait fait semblant. Mais pourquoi ferait-il ça ? Il devait savoir que Luke allait revenir et qu’il n’y aurait aucun moyen de l’éviter.

« Et les CD ? » dit-il. « Si on y jetait un coup d’œil. »

Swann prit le premier CD, sur lequel la lettre A était indiquée. Il le prit du bout des doigts, comme s’il contenait une maladie contagieuse. « Oui, pourquoi pas… »

Il fit glisser le CD dans la fente. L’ordinateur se mit soudain à tourner à plein régime. On aurait dit un avion se préparant au décollage. Après un moment, une fenêtre apparut à l’écran. C’était une liste de fichiers Word. Ils avaient des noms qui suivaient des motifs séquentiels, le plus souvent avec un mot et un numéro. Il y avait des dizaines et des dizaines de fichiers.

Le premier mot de la liste était le mot ‘air’, et ça allait de ‘air1’ à ‘air27.’ Vers la fin de la liste, il y avait un autre mot qui semblait intéressant et c’était le mot ‘réseau’, et ça allait de ‘réseau1’ à ‘réseau9.’ Entre ces deux mots, il y avait aussi le mot ‘barrage.’ Et ça allait de ‘barrage1’ à ‘barrage39.’ Plus loin, il y avait ‘plateforme1’ à ‘plateforme19.’ Et ‘train1’ à ‘train21.’

« Je commence avec le mot ‘air’ ? » demanda Swann.

« Oui, vas-y. »

Swann ouvrit le document air1. Les mots en haut du document faisaient office de titre. Aéroport international John F. Kennedy, New York City.

« OK, » dit Swann.

Il y avait une brève description de l’aéroport, comprenant la date d’inauguration, sa localisation exacte en latitude et en longitude, le nombre de vols et de passagers par an, les principales compagnies aériennes qui y opéraient, etc. Il y avait ensuite plusieurs pages de photos du terminal, un plan de la ville de New York sur lequel l’aéroport était indiqué, et plusieurs plans des terminaux. Après ça, les informations devenaient plus techniques – de longues listes de données apparurent, un mélange de chiffres et de lettres. Swann les examina attentivement en restant silencieux.

« Houston, on a un problème, » finit-il par dire.



*



Le SUV noir fonçait à toute vitesse à travers les rues de la ville, en direction de l’autoroute.

Luke essayait de joindre la Présidente mais son appel avait été mis en attente. Derrière lui, il pouvait entendre les conversations d’Ed et de Swann qui parlaient tous deux au téléphone.

« Je vais avoir besoin d’une équipe d’analystes pour passer le tout au peigne fin, » dit Swann. « C’est ça, dès que j’aurai pu tout télécharger. Non, c’est sur des CD-ROM. Je ne peux pas le faire pour l’instant. Je suis en voiture. Oui. Il y a une base en périphérie de la ville, la base aéronavale d’Atlanta, et on ne va pas tarder à y arriver. J’imagine que quelqu’un pourra me prêter un système avec un lecteur CD. Pourquoi penses-tu qu’il l’a mis sur CD ? Pour que personne ne puisse le pirater, bien sûr ! Les CD se trouvaient dans un bureau fermé à clé, dans un vieil entrepôt dont personne n’avait entendu parler. »

Ed parlait plus fort que Swann. « J’ai besoin que vous me passiez le camp FEMA qui se trouve dans la forêt Chattahoochee, » dit-il. Il resta un moment silencieux, à écouter ce qu’on lui répondait.

« Je vous assure qu’il existe. Essayez avec Campement de la Liberté ou le Camp de Nulle part. J’y étais ce matin. Là-bas, se trouve un type du nom de Pete Winn. Je ne connais pas son titre exact. Directeur de camp, peut-être. Ou professeur de natation, je ne sais pas. Oui, je sais que ce camp n’est référencié nulle part. Mais j’ai tout de même besoin de parler à ce Winn. Il a un prisonnier. Il saura duquel je veux parler. Nous avons confirmé les informations reçues de ce prisonnier. Oui, je vous le répète. Ce détenu est maintenant un prisonnier de très grande valeur. Nous sommes en route pour le camp. Le détenu doit être préparé pour un autre interrogatoire. Il doit être surveillé vingt-quatre heures sur vingt-quatre par des caméras et je veux en gardien en permanence devant sa porte. Il est très probable qu’il essaye de s’enfuir ou de se suicider. »

Ed s’interrompit à nouveau. « Faites ce qu’il faut mais trouvez-moi ce camp ! Demandez une autorisation spéciale à votre supérieur ! Puisque je vous dis que je m’y trouvais ce matin. »

Luke était toujours en attente de parler à la Présidente. Il était un peu surpris par lui-même. Ils étaient partis du camp FEMA sans se demander comment ils allaient pouvoir les recontacter par la suite. Luke avait tout simplement supposé qu’ils pourraient leur parler à travers les canaux standards de communication. Il se rendait compte qu’il était un peu rouillé après ces deux mois sans rien faire. Est-ce qu’il aurait fait la même supposition s’il avait continué à travailler sans interruption ? Probablement pas.

Un instant plus tard, il entendit un clic sur la ligne. Quelqu’un avait prit l’appel et il entendit le bruit étouffé de conversations.

« Kat Lopez, » dit une voix à l’autre bout du fil.

« Salut, Kat. C’est Luke Stone. Il faut que je parle à Susan. »

« Salut, Luke. Susan est en réunion mais je peux prendre un message pour elle. »

« Je préférerais lui parler directement, si ça ne vous dérange pas. »

« Luke, je suis sa chef de cabinet. Je suis autorisée à prendre des messages pour elle. Vous pouvez me faire confiance. Je prendrai bien note et je ne manquerai pas de l’informer. »

« Mais nous n’avons pas beaucoup de temps devant nous, Kat. »

La voix de Kat répondit d’un ton ferme. « Alors si vous arrêtiez de vous demander si vous allez ou pas me laisser un message, on pourrait gagner du temps. »

Luke soupira. C’était comme ça que ça se passait. Ils faisaient appel à vous, ils vous envoyaient en mission et tout devait être fait le plus vite possible. Puis quand vous vouliez leur communiquer les renseignements que vous aviez trouvés, ils étaient en réunion. Laissez un message et on vous rappellera.

« OK, Kat, vous avez un stylo ? »

« Très marrant, » dit-elle. Bien sûr… elle était plutôt du genre à pianoter sur une tablette. Luke n’était jamais vraiment parvenu à s’adapter à ces nouvelles technologies. Il était encore du genre à préférer prendre des notes sur des bouts de papier.

« Nous avons interrogé Li Quiangguo ce matin. Sur base des informations qu’il nous a fournies, nous avons découvert une série de listes contenant des dizaines d’infrastructures qui constituent des cibles potentielles d’attaques terroristes. Notre IT pense qu’il s’agira probablement de cyberattaques, comme celle qui a ouvert les écluses du barrage de Black Rock. Chaque infrastructure cible a sa propre documentation, qui décrit la technologie qui y est utilisée, les spécificités du réseau y compris les limites de données, la taille de la dorsale, la rapidité de traitement, ainsi que l’âge de la technologie utilisée et ses points faibles. »

« De quel genre d’infrastructures s’agit-il ? » demanda-t-elle.

« Des aéroports, des centrales électriques, des réseaux entiers de distribution d’électricité, des plateformes pétrolières, des raffineries, des barrages, des ponts, des systèmes de métro et de trains. Il y a un peu de tout. »

« On a une indication de dates en particulier ? »

« Oui. Le dernier document de la liste était appelé Heure zéro. Nous l’avons ouvert. Il y est indiqué la date du 18 août, dans deux jours. »

Un silence s’installa sur la ligne.

Luke continua à parler. « On retourne interroger Li. Il nous faudra environ quatre-vingt-dix minutes pour arriver jusque-là. Les listes de cibles se trouvent sur des CD. Mon spécialiste IT, Swann, va rester ici, à Atlanta, pour superviser le téléchargement des données afin qu’elles puissent être envoyées le plus rapidement possible aux analystes du FBI, de la NSA et de la CIA. Ce serait une bonne idée de faire appel à la sûreté de l’état, pour qu’ils soient prêts dès que les résultats des analyses seront disponibles. Et nous avons besoin que vous nous aidiez à obtenir tous les analystes nécessaires. On aura probablement besoin d’une centaine de personnes dès cet après-midi, ce qui veut dire qu’il faudra la coopération de plusieurs agences. »

« Il vaudrait mieux que vous parliez directement à Susan, » dit Kat.

« Oui, c’est exactement ce que je vous ai demandé depuis le début. Ça nous aurait évité de perdre du temps. »

« Je comprends. »

Le silence se fit à nouveau sur la ligne.

Ed regardait en direction de Luke. Il avait les yeux écarquillés. Ses traits étaient affligés. On aurait dit qu’il venait juste d’apprendre une nouvelle désagréable.

Derrière la tête d’Ed, Luke voyait défiler les bâtiments et les panneaux d’affichage. Ils se trouvaient maintenant sur un pont d’autoroute.

« J’ai le pilote de l’hélicoptère en ligne. C’est ce que j’ai pu faire de mieux. »

« OK, qu’est-ce qu’il dit ? »

« Il nous attend sur l’héliport d’Atlanta. Et il est en contact avec le campement FEMA. »

« OK, Ed, vas-y, accouche. Qu’est-ce qu’il t’a dit d’autre ? »

Ed haussa les épaules et plissa les yeux.

« Li Quiangguo est mort. »




CHAPITRE HUIT


12h30

Salle de crise, Observatoire Naval des États-Unis – Washington DC



« Est-ce que je devrais même être là ? » demanda Michael Parowski.

Susan hocha la tête. « Oui, je veux que tu sois là. »

Ils se trouvaient au rez-de-chaussée de la Nouvelle Maison Blanche et ils marchaient précipitamment en direction de la salle de crise. Kat Lopez se trouvait juste derrière eux, suivie par deux agents des services secrets.

« Qu’est-ce que tu vas leur dire ? »

Susan haussa les épaules. « Ce n’est pas nécessaire de leur dire quoi que ce soit, ni d’annoncer ta présence. Il arrive parfois que Kurt Kimball demande à certaines personnes de sortir quand les sujets traités atteignent un certain niveau, mais sinon, personne ne sera surpris par la présence d’un député. »

« Quand est-ce qu’on fera l’annonce officielle ? »

Susan jeta un coup d’œil derrière elle. « Kat ? »

« On a prévu ça pour ce mercredi, à neuf heures du matin. Nous sommes occupés à organiser une conférence de presse. S’il fait beau, elle se fera dans le jardin. Sinon, ce sera dans la salle des communications. Est-ce que ça vous laisse assez de temps, député ? »

« Deux jours ? Vous seriez surprise de savoir tout ce que je peux faire en deux jours. »

Ils passèrent les doubles portes qui ouvraient sur la salle de crise. Deux autres agents des services secrets se trouvaient de chaque côté de l’entrée. Kurt Kimball, le conseiller en sûreté nationale de Susan, était déjà là, debout devant un grand écran plat qui était accroché au mur. Il parlait à un jeune technicien IT et tenait une télécommande en main.

La salle commençait à se remplir. Plusieurs membres du personnel de Kurt se trouvaient déjà dans la pièce, dont ses deux meilleurs analystes, qu’il avait amenés avec lui de l’entreprise RAND quand il était arrivé.

Trish Markle, la nouvelle Secrétaire d’état, était assise en face de Kurt et parlait à deux jeunes membres de son personnel. Ça faisait déjà six semaines que Trish était à ce poste. Elle était sous-secrétaire au département d’état quand l’attaque avait eu lieu à Mount Weather et Susan l’avait tout simplement promue au grade supérieur. Trish avait quarante-sept ans. Elle avait passé de nombreuses années en tant que bureaucrate – peut-être un peu de trop. Jusqu’à présent, elle ne faisait pas un boulot extraordinaire en tant que Secrétaire d’état.

« Kurt, » dit Susan, par-dessus le brouhaha environnant.

Il regarda en direction de Susan et s’approcha d’elle. Il serra la main du député Parowski. « Mike, ça fait plaisir de te revoir. J’ai entendu dire qu’on allait bientôt annoncer une grande nouvelle. »

Parowski regarda en direction de Susan. « Intéressant. Je viens à peine de l’apprendre moi-même. »

Kimball sourit. « Les nouvelles vont vite par ici. »

« Kurt, » dit Susan, « si vous êtes prêt, j’aimerais qu’on commence. J’ai l’impression qu’on a déjà une longueur de retard. Et il me manque pas mal d’informations. »

« Je suis prêt. Mais les gens vont continuer à entrer pendant qu’on parle. Et les résultats d’analyses sont encore très préliminaires. Mark Swann vient seulement de terminer de télécharger le dernier fichier il y a une vingtaine de minutes. »

« Ce n’est pas grave. Je n’ai pas besoin de tous les détails. Je veux juste que vous nous informiez sur la menace en général. »

Susan s’assit en bout de table. Kat Lopez resta debout derrière elle et Mike Parowski s’assit à sa gauche. Pendant une fraction de seconde, Susan se rappela ce qu’elle avait souvent ressenti dans cette pièce. Après les attaques du 6 juin et au cours de la crise de l’Ébola, elle s’était souvent sentie complètement dépassée. Elle avait eu l’impression de vivre en plein surréalisme.

Elle s’était retrouvée à la tête de ce pays sans s’y attendre. Il y avait beaucoup plus d’hommes qui l’entouraient à cette époque-là, et beaucoup étaient des militaires. Ça la rendait paranoïaque. Le Président venait juste d’être assassiné, en partie par des militaires. Quand tous ces hommes la regardaient, elle avait l’impression de voir des requins prêts à se jeter sur leur proie.

Mais aujourd’hui, les choses étaient différentes. C’était elle qui menait le jeu. Les gens qui l’entouraient étaient des gens qu’elle avait personnellement choisis ou d’anciens collaborateurs qui avaient été autorisés à rester, après que Kurt Kimball l’ait personnellement approuvé. Elle aimait son équipe.

« OK, » dit Kurt. Il leva les mains en l’air pour demander le silence. « OK, tout le monde, écoutez-moi. Il y a beaucoup de thèmes à aborder et de nouvelles informations nous arrivent continuellement, alors on va s’y mettre tout de suite. Toute personne qui n’a rien à faire ici sait où se trouve la porte. »

Il regarda Susan. « Madame la Présidente, merci d’être venue. »





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SALLE DE CRISE est le volume 3 dans la série thriller à succès Luke Stone, une série qui a débuté par TOUS LES MOYENS NÉCESSAIRES (volume 1), disponible gratuitement au téléchargement, avec plus de 60 critiques à cinq étoiles !Une cyberattaque sur un obscur barrage américain provoque des milliers de morts et le gouvernement se demande qui en est responsable, et pourquoi. Quand elle se rend compte que ce n’est que la pointe de l’iceberg – et que la sécurité de tout le pays est en jeu – la Présidente n’a pas d’autre choix que faire appel à Luke Stone. Chef d’une équipe d’élite du FBI dissoute, Luke ne veut pas accepter le boulot. Mais avec de nouveaux ennemis – étrangers mais aussi sur le territoire américain – se rapprochant d’elle de tous côtés, la Présidente ne peut que faire confiance à lui. Il s’ensuit des montagnes russes d’action et Luke découvre très vite que les terroristes sont plus sophistiqués qu’il pensait, que la cible est plus importante que ce qu’il pouvait imaginer – et qu’il reste très peu de temps pour sauver le pays.Un thriller politique avec de l’action en continu, un contexte international, des rebondissements inattendus et un suspense palpitant, SALLE DE CRISE est le volume 3 dans la série Luke Stone, une nouvelle série explosive qui vous fera tourner les pages jusqu’à des heures tardives de la nuit.Le volume 4 dans la série Luke Stone sera bientôt disponible.

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